Tous les articles par Katia Bayer

Notre Top 5 des meilleurs courts métrages de l’année

Depuis 7 ans, les membres de Format Court se prêtent à l’exercice du Top 5 des meilleurs courts métrages de l’année. Rituel oblige, voici les films de l’année qui ont marqué l’équipe de Format Court.

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Découvrez également le Top 5 des films que vous avez préférés cette année lancé il y a 10 jours sur notre site internet. Vous avez été nombreux à nous faire part de vos 5 courts-métrages favoris de l’année !  Merci pour vos votes !

En attendant, voici le Top 5 de notre équipe !

Fanny Barrot

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1. Koropa de Laura Henno, France
2. Que vive l’Empereur de Aude Léa Rapin, France
3. Feu, mon corps de Stéphanie Lagarde, France
4. Chasse royale de Lise Akoka et Romane Gueret, France
5. Le Park de Randa Maroufi, France

Katia Bayer

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1. Chasse royale de Lise Akoka et Romane Gueret, France
2. Il silenzio d’Ali Asgari et Farnoosh Samadi Frooshani (France, Italie)
3. Une nuit à Tokoriki ​de Roxana Stroe, Roumanie​
4. Hopptornet de Maximilien van Nertryck et Axel Danielson, Suède
5. Decorado d’Alberto Vazquez, Espagne

Julien Beaunay

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1. Vaysha l’aveugle de Theodore Ushev, Canada
2. Mr. Sand de Soetkin Verstegen, Danemark
3. You Are The Canvas de Jean-Paul Frenay, Belgique
4 Les Frémissements du thé de Marc Fouchard, France
5. Peripheria de David Coquart-Dassaut, France

Clément Beraud

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1. L’intervalle de résonance de Clément Cogitore, France
2. Ennemis intérieurs de Selim Azzazi, France
3. Elegance de Virpi Suutari, Finlande
4. Clumsy Little Acts of Tenderness de Miia Tervo, Finlande
5. Brâme – La vie primitive qui habite les ombres de Julie Vacher, France

Marie Bergeret

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1. Dernière porte au sud de Sacha Feiner, Belgique, France
2. Hotaru de William Boury, France
3. The Living Need Light The Dead Need Music de de The Propeller Group, Vietnam
4. Les Bosquets de JR, France
5. Austerity de Gavris Renos, Chypre

Adi Chesson

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1. Scrapbook ​ de Mike Hoolboom, Canada​
2. Une nuit à Tokoriki ​de Roxana Stroe, Roumanie​
​​3. Le haut pays ​ de Jérémy van der Haegen, Belgique​
​​4. Celebracio ​ de Pau Cruanyes Garrell et Gerard Vidal Barrena​, Espagne
5. ​Que vive l’Empereur​ d’Aude ​Léa Rapin, France

Agathe Demanneville

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1. Eden’s Edge de Léo Calice, Gerhard Treml, Autriche
2. Darznieks de Madara Dišlere, Lettonie
3. The Living Need Light the Dead Need Music de The Propeller Group, Vietnam
4. Berlin Matanoia de Erik Schmitt, Allemagne
5. Au bruit des clochettes de Chabname Zariab, France

Karine Demmou

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1. Decorado d’Alberto Vazquez, Espagne
2. The Empty de Jeong Dahee, France, Corée
3. Manoman de Simon Cartwright, Royaume-Uni
4. Une tête disparaît, Franck Dion, France
5. Chasse royale de Lise Akoka et Romane Gueret, France

Mathieu Lericq

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1. Red apples (Les pommes rouges) de George Sikharulidze, Arménie, États-Unis, Géorgie
2. To czego chcę (Ce que je veux) de Damian Kocur, Pologne
3. The son (Le fils) de Hristo Simeonov, Bulgarie
4. Larp de Kordian Kadziela, Pologne
5. Love de Réka Bucsi, Hongrie

Zoé Libault

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1. Samedi Cinéma de Mamadou Dia, Sénégal
2. Une autre paire de manches de Samuel Guénolé, France
3. Vaysha l’Aveugle de Theodore Ushev, Canada
4. Madre de Simon Mesa Soto, Colombie
5. Feitos e ditos de Nasreddin, Portugal

Adriana Navarro Álvarez

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1. Journal Animé de Donato Sansone, France
2. Vaysha l’aveugle de Theodore Ushev, Canada
3. La Chambre Vide de Dahee Jeong, France, Corée du sud
4. Decorado d’Alberto Vazquez, Espagne
5. Made in Spain de Cooke Rioboo, Espagne

Julien Savès

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1. The Reflection of Power de Mihai Grecu, France
2. Journal Animé de Donato Sansone, France
3. Decorado d’Alberto Vazquez, Espagne
4. The Pride of Strathmoor d’Einar Baldvin, Islande/USA
5. La Rentrée des Classes de Vincent Patar et Stéphane Aubier, France

Lila Toupart

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1. Hopptornet de Maximilien van Nertryck et Axel Danielson, Suède
2. Zvir de Miroslav Sikavica, Croatie
3. Je te tiens, tu me tiens de Eric Guirado, France
4. Spoon de Markus Kemplen, Allemagne
5. The ordinary de Simon et Julien Dara, France

Marc-Antoine Vaugeois

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1. Je marche beaucoup de Marie-Stéphane Imbert, France
2. Cantate / Macabre de Stéphane Rizzi, France
3. Brûle Coeur de Vincent Tricon, France
4. Long Story Short de Natalie Bookchin, Etats-Unis
5. Bachaumont de Martial Salomon, France

Marie Winnele Veyret

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1. Ennemis intérieurs de Selim Azzazi, France
2. Chasse royale de Lise Akoka et Romane Gueret, France
3. Notre héritage de Jonathan Vinel et Caroline Poggi, France
4. Une tête disparaît, Franck Dion, France
5. The ordinary de Simon et Julien Dara, France

Ennemis intérieurs de Sélim Azzazi

Résonner avec notre époque, c’est ce qui pourrait nous venir à l’esprit lorsque l’on regarde « Ennemis intérieurs », premier court-métrage de Sélim Azzazi, sélectionné et primé par notre équipe Format Court au Festival du court-métrage de Villeurbanne.

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Nous sommes dans les années 90 (lorsque le terrorisme naissant se développe en France). Un homme né en Algérie française et de nationalité algérienne vient faire sa demande de naturalisation dans un commissariat de police et se retrouve confronté à une avalanche de questions posées par l’inspecteur de police. Ce qui aurait pu être un rendez-vous tout en complaisance engouffre les deux hommes dans ce qui va se transformer en duel. Une bataille rangée entre deux identités, entre deux perceptions d’une nation et d’une nationalité.

Salah, la quarantaine passée (joué par Hassam Ghancy) alterne entre incompréhension et peur. Ayant eu affaire à la justice il y a quelques années, il se retrouve confronté à un interrogatoire qui lui rappelle certains flashbacks concernant des amis qu’il a fréquentés quelques années auparavant. Ce qui semble lointain pour lui ne l’est apparemment pas pour l’homme en face de lui (Najib Oudghiri). Le fonctionnaire de police, lui, jongle entre acharnement et chantage jusqu’à ce que Salah, en colère, lâche prise, totalement dégoûté par la situation.

Sélim Azzazi propose une mise en scène très sobre, presque théâtrale, qui nous entraîne pendant de longues minutes dans un enfermement dû aux rares mouvements de caméra. Tout le film se passe dans une seule et même pièce et est filmé d’une façon ou tout est donné en priorité à l’échange entre les deux personnages. Ce huis clos s’additionne par une obscurité apparente qui se modifie au fur et à mesure et renvoie à une chronologie qui s’assombrit comme pour un peu plus nous enfermer et compter les heures de « souffrance » interminable de Salah. Lentement, nous montons en pression et en tension avec lui par les répétitions de gros plans et de plans rapprochés qui nous fixent dans une exactitude de jeu. Le spectateur devient alors témoin de l’épreuve endurée par Salah, du doute émis par le policier sur la sincérité du demandeur et de la méfiance entre les deux personnages. Cette souffrance est alors le témoin deux identités qui se font face.

Cette identité est certainement magnifiée par Hassam Ghancy . Son rôle fait ressortir la violence de la situation et l’on pourrait même y trouver une continuité dans son jeu avec le sombre – mais tout aussi important sociologiquement – « Les Frémissement du thé » de Marc Fouchard, où il incarne un musulman confronté à un skinhead. Les deux films étant sélectionnés aux Oscars, la référence est nécessaire par leur justesse similaire sur le thème – l’identité – mais aussi différent sur la manière de traiter le sujet.

« Là-bas je suis encore plus un immigré qu’ici »

« Ennemis intérieurs » intériorise une réflexion sur la « réintégration », à travers Salah. Concept méconnu mais caractéristique de la France et de son attitude envers ses anciennes colonies.
Le personnage alterne entre différents sentiments. Ici, le film met en évidence, à la fois la volonté d’appartenance à un pays qui l’a vu grandir – mais qui émet des suspicions sur cette même volonté – et un rejet d’un pays qui l’a vu naître, Droit du sol ou droit du sang ? Salah ancien condamné, se voit, par son passé, doublement jugé. Double rejet pour une double amertume. À l’inverse, la perception de l’homme en face, jeune fonctionnaire de police apparemment d’origine marocaine ne comprend pas. La question « Etre français, c’est quoi pour vous ? » pourrait résumer tout le combat entre ces deux hommes.

D’un côté, ce fonctionnaire de police, issu de l’immigration mettant en avant la nationalité et considérant qu’être français est un devoir et qu’une identité personnelle ne doit pas primer sur une identité nationale et que rien ne déroge à cette règle. De l’autre, un homme qui par son passé appartient à deux cultures et à qui l’on demande – hélas, à travers certains préjugés – de ne pas déroger à l’identité nationale. Droit du pardon ou droit de suspicion pour ces deux hommes issus de cette immigration et au vécu sûrement différent ?

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C’est à travers le questionnement de l’humain et de son identité, – sujet universel – et de cette négligence au profit d’une nation idéalisée que cette critique sociale prend un point de vue réaliste sur la société française en 2016. D’un point de vue cinématographique et politique, le film se penche sur la difficulté d’intégration d’hommes et de femmes arrivé(e)s en France et celle-ci se résume en un échange neutre et simple qui valorise le jeu des acteurs et sa tension qui en incombe.

Une résonance politique, ou géopolitique, une réflexion sur l’identité. « Ennemis intérieurs » est plus social qu’il pourrait n’en paraître. C’est toute une société qui se reflète dans ce film. Une société française qui s’interroge depuis plusieurs années sur son identité. Une histoire qui reflète l’Histoire.

Clément Beraud

Consulter la fiche technique du film

E comme Ennemis intérieurs

Fiche technique

Synopsis : Dans les années 90, le terrorisme algérien s’invite en France. Deux hommes. Deux mémoires. Deux identités. Un affrontement.

Genre : Fiction

Durée : 27’34″

Pays : France

Année : 2015

Réalisation : Sélim Azzazi

Scénario : Sélim Azzazi

Image : Frédéric Serve

Montage : Anita Roth, Charlotte Soyez

Son : Pascal Jacquet

Interprétation : Hassam Ghancy, Najib Oudghiri, Stéphane Perrichon

Production : Qualia Films

Article associé : la critique du film

Soirée Format Court du 8/12, les photos !

Avant de vous redonner rendez-vous en 2017 (bloquez déjà la date du 12 janvier, séance anniversaire de Format Court !), nous vous invitons à jeter un bel oeil virtuel à l’album photo de notre dernière soirée, organisée le jeudi 8 décembre 2016.

Nos invités, ce soir-là, furent Arthur Lemasson, sélectionneur au Festival de Brest et Selim Azzazi, Hassam Ghancy et Najib Oudghiri, réalisateur & comédiens de « Ennemis intérieurs », Prix Format Court au dernier Festival de Villeurbanne & Short listé aux Cesar & Oscars 2017.

Photos : © Stenny Sigere

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L’Etrange Festival 2016, 1/2

Après moult péripéties dignes du meilleur de la SF des années 50, voici la première partie de notre reportage annuel sur L’Étrange Festival, cette manifestation parisienne hautement singulière.

Fidèle à ses principes, L’Étrange Festival, XXIIe du nom, nous a régalés cette année avec une programmation riche, composée d’une soixante de courts métrages venus du monde entier. Magie noire, chatoyantes chimères, guerres imaginaires et autres déviances réjouissantes se bousculaient début septembre, sur les écrans du Forum des Images, à travers six programmes thématiques aux titres toujours aussi étonnants et énigmatiques.

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Programme n°1 – Ici-bas l’au-delà

La sélection commence fort, avec rien moins qu’une confrontation Hommes contre Dieux ! Nous aurions pu vous parler du très léché et multi primé « Disco Inferno » de Alice Waddington, ou encore du sophistiqué et non moins primé « Kneel through the dark » de James Batley, mais nous avons préféré nous intéresser à deux autres films moins reconnus et qui nous ont particulièrement marqués.

Behemoth, or The Game Trailer de Lemohang Jeremiah Mosese (Allemagne)

Le film s’ouvre sur l’image saisissante d’un homme qui tire un cercueil au bout d’une corde le long des rues poussiéreuses d’un village. Femmes comme hommes, enfants comme vieillards, tous s’arrêtent devant son passage, incrédules. Certains se demandent à voix haute ce qui peut se trouver dedans.

Se tenant debout sur le cercueil tel un prédicateur, l’homme se met à haranguer la foule dans une prose mystique : « I am a javelin in the hands of Cain… ». Le cercueil finit par s’ouvrir et les véritables intentions de cet étrange messager sont alors révélées. Tandis qu’il invoque le Dieu argent, devant lui des billets de banque sont offerts à qui veut. Devant cette véritable révélation, la stupeur saisit l’assemblée et en un éclair, les passions se déchaînent avec violence.

Ralentis, pertes de la mise au point et brutalité des mouvements de caméra font écho à l’atmosphère pesante qui règne aux abords des routes. Les rapports humains y sont dépeints avec âpreté, parfois même jusqu’à l’excès. Le noir et blanc brut concourt à accentuer la dureté des visages et la chaleur écrasante du lieu. Lemohang Jeremiah Mosese livre ici un film rude et sans concessions, une sorte de parabole des temps modernes où l’Homme laisse entrevoir sa part sombre.

The Witching Hour de Carl Firth (Australie)

Dans la tradition du « Fantasia » de Walt Disney et de l’utilisation de grands thèmes de la musique classique, « The Witching Hour » a été pensé autour de la fameuse Danse Macabre de Camille Saint Saëns.

Bâtissant son récit au rythme de l’orchestre, le réalisateur australien Carl Firth nous donne à voir comment une ville à l’approche de minuit bascule dans un monde étrange peuplé de créatures fantastiques où celles et ceux qui s’y retrouvent bloqués doivent tenter de survivre. Cette parenthèse ensorcelée voit des créatures chimériques réinvestir une ville moderne où tout semble être désenchanté. Les aiguilles des horloges s’affolent, le temps est suspendu, tout est alors possible et des bêtes fabuleuses se mettent à jaillir spontanément de toutes parts ! À la faveur d’un charmant maléfice, Carl Firth réinvestit les rues désertées et les gratte-ciels froids pour y laisser se promener des sorcières, des géants et autres bestioles tout droit sortis d’un bestiaire de contes et légendes.

Programme n°2 – World War IV

La 4ème Guerre Mondiale est arrivée, elle fait rage, les nations s’affrontent sur tous les plans (idéologique, culturel, théologique, etc.), les corps souffrent, s’essoufflent et les âmes s’éteignent à petit feu. Un programme n°2 sombre, désespéré, accueillant deux œuvres très belles déjà évoquées sur Format Court,« Journal Animé » de Donato Sansone et « The Reflection of Power » de Mihai Grecu. Deux autres films, tout aussi beaux, ont attiré notre attention.

Uncanny Valley de Paul Wenninger (France, Autriche)

Œuvre immersive virtuose, « Uncanny Valley » de Paul Wenninger (réalisateur de « Trespass », Prix Format Court  à Angers 2014) utilise la technique d’animation en volume dite de pixilation, pour plonger le spectateur dans l’horreur viscérale de la Première Guerre Mondiale. Deux soldats, esseulés dans une tranchée de nuit, sont victimes d’attaques continuelles et y font face avec toute l’énergie du désespoir. Devinant tout juste leurs ennemis et ne sachant point d’où va venir le prochain danger, ils commencent à se replier sur eux-mêmes et à flirter doucement avec la folie. L’un décide alors de sortir de ce « piège de boue » pour tenter sa chance à l’air libre. Il reviendra chercher son compatriote et fera tout pour que les deux survivent jusqu’à ce qu’ils soient retrouvés et sauvés, du moins physiquement parlant…

Magicien, Paul Wenninger utilise la pixilation comme un voltigeur, explorant toutes les possibilités de cadres, de mouvements, et de transitions rythmiques que peut lui apporter une telle technique, sans que cela ne semble superficiel. La mise en scène, extrêmement précise et chorégraphiée, reste au service du propos général et lui permet de questionner la représentation de l’Histoire et d’analyser ce que veut dire le devoir de mémoire. Chaque image détaille la souffrance des corps et des âmes qui ressassent l’horreur de la guerre jusqu’à l’enfermement. « Uncanny Valley » est un film conscient de sa propre forme, un tour de force visuel qui n’oublie pas d’émouvoir et de faire réfléchir sur un sujet des plus difficiles.

The Pride of Strathmoor d’Einar Baldvin (Etats-Unis)

Lignes saccadées, aplats obscurs indécis, micro saletés envahissantes : « The Pride of Strathmoor » d’Einar Baldvin est un film d’animation au trait rageur, une œuvre funeste qui, en imaginant le récit obsessionnel du journal intime d’un pasteur blanc américain, traite frontalement du racisme. Débutant par une pendaison extrêmement violente, le film opte ensuite pour une accumulation de discours haineux, mettant en scène un pasteur resplendissant, persuadé d’être dans son bon droit et en admiration totale devant la suprématie blanche. Incarnée par un boxeur souriant au type aryen, cette « splendeur blanche » émoustille même notre homme saint, soudainement en proie à des désirs inavouables. Une fissure se crée dans son esprit, les corbeaux envahissent les environs, les cadavres s’éveillent et l’homme sombre dans la folie. Il devient la proie de violents cauchemars dans lesquels la Mort rôde, réincarnée en zombie malfaisant, personnification de sa propre culpabilité. Un agglomérat de ressentiment et de force désespérée donne vie à un simili de champion de boxe défendant la cause noire, un Mohammed Ali surnaturel imbattable qui met à mal le susnommé champion aryen. Le pasteur se retrouve exsangue, vidé de tout ce qui le constituait, en proie au doute et hanté par les démons qu’il a lui-même créés. Einar Baldvin réussit là un tour de force, d’une incroyable noirceur, qui laisse coi longtemps après les dernières secondes de générique.

Julien Beaunay et Julien Savès

4ème Prix Format Court au Festival d’Angers 2017

Du 20 au 29 janvier 2017, aura lieu la 29ème édition du Festival d’Angers. Pour la quatrième année consécutive, Format Court y attribuera un Prix dans la catégorie des Plans animés européens. Le Jury Format Court (composé de Adriana Navarro Álvarez, Katia Bayer, Stenny Sigere, Marc-Antoine Vaugeois) élira le meilleur court-métrage en compétition parmi les 17 films retenus.

Celui-ci bénéficiera d’un focus en ligne, sera projeté dans le cadre des séances Format Court, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution.

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Films en sélection

A nyalintás nesze de Ayny de Nadja Andrasev, Hongrie
Ayny de Ahmad Saleh, Allemagne, Suisse
Balkon de David Dell’Edera, Hongrie
Catherine de Britt Raes, Belgique
Chilli de Martina Mikušová, Slovaquie
City Lights de Jess Lester, Royaume-Uni
Garden Party de Théophile Dufresne, Florian Babikian, Gabriel Grapperon, France
He sö kherö de Aline Höchli
, Suisse
How Are You Today? de Sophia Markatatos, Royaume-Uni
Kut de Lucija Mrzliak, Estonie
La costa dorada de Noémi Gruner, France
La Table 
 Eugène Boitsov
, France
Locus de 
Anita Kwiatkowska-Naqvi, Pologne
Machos de 
 Carlos Rufas Giribets, Hongrie
Tres moscas a medida de Sois de traca
, Espagne, Lituanie
Vieil ours de Chen Chen
, France, Suisse
What They Believe de Shoko Hara
, Allemagne
Zaczyn de Artur Hanaj, Pologne

S comme Spoon

Fiche technique

Synopsis : Certains souvenirs d’enfance peuvent nous marquer à vie, comme le narrateur de cette histoire qui se souvient que sa mère le frappait avec une spatule en bois, étant petit.

Genre : Animation

Durée : 3’53 »

Pays : Allemagne

Année : 2015

Scénario : Markus Kempken

Réalisation : Markus Kempken

Montage : Markus Kempken

Son : Markus Kempken

Production : Markus Kempken

Article associé : la critique du film

Spoon de Markus Kempken

Sélectionné cette année au Festival du Film Court de Villeurbanne et à celui d’Annecy, « Spoon » est un court-métrage d’animation réalisé par Markus Kempken et un récit autobiographique sur l’enfance et la relation tumultueuse de ce dernier avec sa mère. Le cinéaste allemand est réalisateur, caméraman, photographe, animateur et compositeur, multiples talents que l’on retrouve dans « Spoon » qu’il a entièrement réalisé.

Certains souvenirs d’enfance peuvent nous marquer à vie, comme le narrateur de cette histoire qui se souvient que sa mère le frappait avec une spatule en bois, étant petit. Chaque jour, il subissait ses coups répétitifs sans rien dire. La violence des actes le chamboule encore aujourd’hui, adulte âgé de cinquante ans, accompli mais traumatisé.

Markus Kempken nous livre sa propre histoire, un conte contemporain, mêlant la couleur et le noir et blanc. La couleur signifiant la petite enfance et le présent du narrateur, soit les moments de non-violence. Le noir et blanc, quand à lui, plonge le spectateur dans un univers sombre où le bruit de la spatule retentit sans interruption.

Ce que l’on remarque dès la première image de ce court-métrage, est cette voix calme et posée qui conte l’histoire. La voix d’un homme adulte qui raconte ses souvenirs avec un point de vue enfantin. Parler de sa mère fait ressortir l’enfant qu’il était à cette époque-là, qui ne comprenait pas pourquoi sa mère s’en prenait à lui, d’autant plus que celle-ci était très appréciée par ses voisins et les commerçants du quartier qui ignoraient tout de son petit manège.

Le spectateur est envahi par un sentiment d’empathie mais aussi d’impuissance envers cet enfant. Celui-ci souffre et personne ne le voit : le père est au travail, les voisins et les commerçants voient une mère aimante. Seule la sœur est au courant, mais ne dit rien, trop petite pour comprendre. Un seul élément peut laisser supposer l’avènement de cette violence : une scène où le narrateur encore nourrisson voit sa mère se faire battre par son grand-père.

Le cinéaste entrecoupe chaque scène par un noir de quelques secondes pesant sur l’action que l’on vient de voir. Ce noir a un impact important dans le récit car il est synonyme d’ellipse et marque la souffrance temporelle.

spoon

Markus Kempken n’utilise aucune musique dans son court-métrage : le silence pèse sur le film. Le tempo est donné par le bruit des objets tapés sur l’arrière du crâne du cinéaste : spatule, cintre, flûte… Ce tapement résonne dans la tête du spectateur bien après la fin du court-métrage. Le personnage garde aussi des marques de ce bruit répétitif, une blessure profonde qui ne se soigne pas, il se cache le visage lors d’un mouvement trop brusque ou cuit des œufs au plat, en observant étrangement sa spatule, objet de sa souffrance pendant des années.

Markus Kempken utilise comme technique d’animation le dessin papier, puis se sert de son ordinateur pour mettre en mouvement et appliquer la 2D. On retrouve ces coups de crayon dans les dessins d’origine, qui se réfèrent aux souvenirs d’enfance dont les contours ne sont pas toujours clairs. Les différentes nuances de gris foncé absorbent le spectateur dans les murs de l’appartement, à l’inverse de l’extérieur plus clair, plus neutre, représentatif du comportement de la mère.

Le cinéaste nous livre ici, certains souvenirs de son enfance de manière juste et ouverte. Son film ne condamne pas, mais ne laisse pas le spectateur indifférent et représente de manière criante les gestes de sa mère sans porter un jugement moral. Le court-métrage secoue, impressionne mais ne propose aucun remède à ce genre de traumatisme. Le film a le mérite, dans un délai très court (moins de quatre minutes), de proposer une histoire forte et poignante mettant en lumière la violence portée aux enfants.

Lila Toupart

Consulter la fiche technique du film

Et pour vous, quels sont les meilleurs courts de l’année ?

Depuis 7 ans, l’équipe de Format Court publie au mois de décembre son Top 5 des meilleurs courts-métrages de l’année écoulée. Ce mercredi 21 décembre, le nouveau Top 5 de la rédaction a été mis en ligne.

Comme l’an passé, nous vous invitons à nous indiquer, vous aussi, vos 5 films préférés de l’année par mail. Faites-nous part jusqu’au jeudi 22 décembre inclus de vos 5 courts-métrages favoris de l’année, tous pays et genre confondus, par ordre de préférence, en n’oubliant pas de mentionner leurs réalisateurs et pays d’appartenance. Nous ne manquerons pas de publier les résultats de vos votes sur Format Court !

A vos tops, prêts ? Partez !

For seven years, we at Format Court have published our Top5 best short films of the year. As per custom, here then are the films that impressed our team.

You too can send in your top 5 films of the year, irrespective of the country and genre. Send us an email  with your favourite films in order of preference, by Thursday December 22. Don’t forget to mention the filmmaker and coutry of production. We have already received many submissions, so feel free to participate! The winning votes will be annonced on our website in a few days !

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Peel de Jane Campion

Bien avant d’être couverte de lauriers pour ses longs-métrages iconiques « La Leçon du piano », « Un ange à ma table » ou encore « Portrait de femme », la cinéaste néo-zélandaise Jane Campion s’était fait remarquer sur la scène internationale avec son tout premier film, un court métrage au curieux titre de « An Exercise in Discipline – Peel » ou « Peel » tout court. Production australienne datant de 1982, le film a déniché la prestigieuse Palme d’Or pour le meilleur court métrage à Cannes quatre ans plus tard, le début d’une longue histoire d’amour entre la réalisatrice et le festival.

Le récit laconique et minimaliste met en scène un homme, sa sœur et son fils lors d’un road trip. De cette prémisse minimaliste émerge l’épluchure d’une orange comme déclencheur d’un ressort dramatique insoupçonné.

Il se peut que la jeune Campion ait conçu ce film comme un exercice narratif ou de réalisation ; le titre le suggère, tout comme le schéma métafilmique montrant le rapport entre les personnages (rapport également valable dans la vraie vie). Cependant, c’est la maîtrise parfaite du langage cinématographique dans une œuvre aussi précoce qui impressionne. Une mise en scène méticuleuse mettant à nu le conflit triangulaire, la dissonance entre un cadre idyllique et l’autoroute qui le coupe brutalement sur les plans visuel et sonore, une caméra souple et habile qui sait envahir l’espace psychologique des personnages et éplucher l’écorce de l’harmonie familiale illusoire…

Avec ses coupes nettes subites, ses grincements de roues, ses hurlement d’injures, le film accélère imperceptiblement mais sûrement vers une violence qui serait considérée comme déplacée voire inadmissible de nos jours. Le résultat est un moment de tension à couper au couteau, palpable comme la chaleur étouffante de la journée estivale où l’odeur de l’agrume-vedette finit par laisser un goût doux-amer.

Adi Chesson

Lire aussi : notre interview de Jane Campion

Clermont-Ferrand 2017, la sélection internationale

Last but not least. Après avoir dévoilé les sections labo et nationale, le Festival de Clermont-Ferrand annonce les 73 films sélectionnés en compétition internationale. Ta-tam.

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Films en sélection

Skewe Reënboog de Wim Steytler, Afrique du Sud
Etage X de Francy Fabritz, Allemagne
Homework de Annika Pinske, Allemagne
Die Besonderen Fähigkeiten des Herrn Mahler de Paul Phillipp, Allemagne
Die Überstellung de Michael Grudsky, Allemagne, Israël
La Canoa de Ulises de Diego Fió, Argentine
Red Apples de George Sikharulidze, Arménie, Etats-Unis, Géorgie
The Spa de Will Goodfellow, Australie
Wannabe de Jannis Lenz, Autriche, Allemagne
Antarctica de Jeroen Ceulebrouck, Belgique
Deusa de Bruna Callegari, Brésil
Estado Itinerante de Ana Carolina Soares, Brésil
The Law of Averages de Elizabeth Rose, Canada
Sigismond sans images de Albéric Aurtenèche, Canada
Reo de Mauricio Corco, Chili
Pain in Silence de Yujian Li, Chine
A Sunny Day de Liang Ying, Chine, Hong Kong, Pays-Bas
Como la primera vez de Yennifer Uribe, Colombie
Genaro de Andrés Porras, Jesus Reyes, Colombie
Blues with Me de Han Jong Lee, Corée du Sud
Fly de Youn-Jung Lim, Corée du Sud
Con sana alegria de Claudia Muñiz, Cuba
Haga Sa’a de Amr Gamea, Égypte
Como yo te amo de Fernando García-Ruiz Rubio, Espagne
Norte de Javier García, Espagne
Bird Dog de Katrina Whalen, États-Unis
Battalion To My Beat de Eimi Imanishi, États-Unis, Sahara Occidental, Algérie
DeKalb Elementary de Reed van Dyk, États-Unis
Icebox de Daniel Sawka, États-Unis
BobbyAnna de Jackson Kroopf, États-Unis
Rakastan Annaa de Joonas Rutanen, Finlande
Äiti de Jenni Kivistö, Finlande
I Want Pluto to Be a Planet Again de Marie Amachoukeli, Vladimir Mavounia-Kouka, France
Que vive l’Empereur de Aude Léa Rapin, France
Helga Är I Lund de Thelyia Petraki, Grèce
Fizetős nap de Szilárd Bernáth, Hongrie
Disco Obu de Anand Kishore Thaikkendiyil, Inde, Etats-Unis, Singapour
Alan de Mostafa Gandomkar, Iran
Gasper de Bryony Dunne, Irlande
Anna  de Or Sinai, Israël
Semiliberi de Matteo Gentiloni, Italie
Mattia sa volare de Alessandro Porzio, Italie
And So We Put Gold Fish in the Pool de Makoto Nagahisa, Japon
Home de Daniel Mulloy, Kosovo, Royaume-Uni
Gaidot Jauno gadu de Vladimir Leschiov, Lettonie
In White de Dania Bdeir, Liban
Honey and Old Cheese de Yassine El Idrissi, Maroc, Pays-Bas
Verde de Alonso Ruizpalacios, Mexique
Working with Animals de Marc Reisbig, Norvège
The Absence of Eddy Table de Rune Spaans, Norvège
The World In Your Window de Zoe Mcintosh, Nouvelle-Zélande
A very hot summer de Areej Abu Eid, Palestine
In Kropsdam Is Iedereen Gelukkig de Joren Molter Pays-Bas
Wañuy de Alejandro Roca Rey Pérou
Kung Wala Nang Tulad Natin de Shiela Anne Mae Manacsa, Philippines
Cipka de Renata Gasiorowska, Pologne
Wyjde z siebie de Karolina Specht, Pologne
Campo de Viboras de Cristèle Alves Meira, Portugal, France
EstilhaÇos de Miguel Ribeiro José, Portugal
Happy End de Jan Saska, République Tchèque
In the Grass de Rory Stewart, Royaume-Uni
Squirrel Island de Astrid Goldsmith, Royaume-Uni
The Nest de Jamie Jones, Royaume-Uni
The Alan Dimension de Jac Clinch, Royaume-Uni
Before Love de Igor Kovalyov, Russie
Sredi chernih voln de Anna Budanova, Russie
Une place dans l’avion de Khadidiatou Sow, Sénégal
The Drum de Jiyuan Ler, Singapour
Nocna ptica de Spela Cadez, Slovénie, Croatie
Kommittén de Jenni Toivoniemi, Gunhild Enger, Suède
Bon Voyage de Marc Raymond Wilkins, Suisse
Ins Holz de Thomas Horat, Corina Schwingruber Ilic, Suisse, Serbie
Coin Boy de Chuan-Yang Li, Taiwan
Hevêrk de Rûken Tekeş, Turquie
Partir de Maria Saavedra, Venezuela

SHORT SCREENS #67 « Let’s celebrate! » Le Jour le plus Court

Ce 21 décembre c’est le solstice d’hiver et l’arrivée en force de cette blanche saison où les températures devraient avoisiner les 0 degrés et les décorations scintillantes annoncer les festivités prochaines. Mais ce 21 décembre c’est aussi Le jour le plus Court !

Depuis déjà 3 ans, la Fédération Wallonie-Bruxelles avec l’aide du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel se plie en quatre pour célébrer le court métrage un peu partout à Bruxelles et dans d’autres villes en Belgique.

Habitué à être de la « party », Short Screens vous présente, cette année, une sélection de courts métrages documentaires, de fiction et d’animation entièrement consacrée à la fête, alors venez fêter le court métrage avec nous ce 21 décembre ! En présence de Stéphane Bergmans, le réalisateur de « Millionnaires ».

Rendez-vous le mercredi 21 décembre à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€

Visitez la page Facebook de l’événement ici!

PROGRAMMATION

Millionnaires de Stéphane Bergmans, Fiction, Belgique, 2013, 16’

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Toute sa vie, la mère de Christian et Ludo a joué les mêmes chiffres au Lotto mais elle n’a jamais gagné un seul centime. A sa mort, les deux frères ont décidé de reprendre la tradition familiale.

Heureux anniversaire de Pierre Etaix, Fiction, France, 1962, 12’5’’

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Un mari est attendu par sa femme pour fêter l’anniversaire de leur mariage. Il doit passer chez la fleuriste, seulement voilà : nous sommes à Paris et les inconvénients de la ville vont entraver la progression de ce mari attentionné…

La Saint-Festin de Anne-Laure Daffis et Léo Marchand, Animation, France, 2007, 15’

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Hourahhh ! Demain c’est le 40 novembre ! C’est la Saint – Festin, la grande fête des ogres, alors si vous n’avez pas encore attrapé d’enfant dépêchez-vous et bonne chasse !!!

Happy Birthday de Ferestheh Parnian, Fiction, Iran, 2010, 14’5’’

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C’est l’anniversaire de Behzad aujourd’hui et il le le fête avec Ra’na, sa petite amie. Comme cadeau d’anniversaire, elle lui a promis de lui montrer sa chevelure mais elle hésite toute la journée.

Article associé : l’interview de la réalisatrice

The Kalasha and The Crescent, Iara Lee, Documentaire, Etats-Unis/Pakistan, 2013, 12’3’’

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Les Kalash du Chitral forment un peuple du Pakistan septentrional, dont le riche héritage culturel est en contradiction avec l’islam dominant. Aujourd’hui, bien que ce peuple doive faire face à la pauvreté, au tourisme et à l’islam, certains militent pour ne pas que leur culture s’éteigne. Les traditions Kalash peuvent-elles résister à la fois à la mondialisation et aux tensions religieuses ?

Article associé: Culture de la Résistance: 3 courts métrages de Iara Lee

Une Nuit à Tokoriki de Roxana Stroe. Fiction, Roumanie, 18′, 2016

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Une nuit à Tokoriki de Roxana Stroe, Fiction, Roumanie, 2016, 18’
Dans une discothèque improvisée appelée « Tokoriki », le village entier célèbre le 18ème anniversaire de Geanina. Son petit ami et Alin vont lui donner un cadeau surprenant, un cadeau que personne ne pourra jamais oublier.

Article associé: Une Nuit à Tokoriki, Prix Format Court au FIFF 2016

Dernière porte au Sud de Sacha Feiner : Prix Format Court au Court en dit long 2016

Repéré et apprécié par l’équipe de Format Court depuis que son court « Un monde meilleur » était sélectionné à Brest en 2013, le réalisateur belge Sacha Feiner a convaincu notre jury au festival Le Court en dit long avec son nouveau film « Dernière porte au sud ». Passant aisément de la science-fiction futuriste en live-action au fantastique en animation, du scénario original à l’adaptation de BD, Feiner prouve qu’il a plus d’une corde à son arc et se profile comme un des talents versatiles émergents du plat pays.

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Découvrez dans notre dossier spécial consacré à Sacha Feiner :

La critique de « Dernière porte au sud »
Le reportage sur ses films précédents
Son interview au sujet de « Dernière porte au sud »
Son interview réalisée en 2013 autour de « Un monde meilleur »

Sacha Feiner : « Mon envie d’enfant est de faire du genre, de jouer avec des éléments de science-fiction et des monstres »

En juin dernier, le Jury Format Court a décerné son deuxième prix au festival Le Court en dit long 2016 à « Dernière porte au sud » de Sacha Feiner. Ce film d’animation fantastique est une adaptation de la bande-dessinée du même nom de l’artiste belge Philippe Foerster et dresse le portrait sinistre d’un petit garçon qui vit à l’écart du monde extérieur avec sa mère veuve. Pour l’occasion, nous nous sommes entretenus avec Sacha Feiner sur les mondes dystopiques, le film de genre et l’école maternelle comme descente aux enfers.

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« Dernière porte au sud », que le jury Format Court a primé, a connu un parcours assez brillant en Belgique et dans le monde.

En effet, « Dernière porte au sud » a eu la chance d’être primé dans tous les festivals belges où il a été présenté. Cela a commencé avec le Festival Anima en 2015 où on a eu le Grand Prix du meilleur court métrage de la Fédération Wallonie-Bruxelles et le Prix de la RTBF-La Trois, alors que le film venait à peine d’être terminé. Ensuite, on a eu le Prix Spécial du Jury au Festival international du film francophone (FIFF) il y a tout juste un an. Puis, on a reçu le tout premier prix pour un court métrage d’animation aux Magritte [ndlr. récompenses pour le cinéma belge] était aussi assez inattendu pour moi, puisque je n’ai pas fait d’école de cinéma et que je me considère toujours comme un peu extérieur du « milieu ». Au niveau international, le prix le plus impressionnant que le film a eu, c’est sûrement au Festival de Clermont-Ferrand dans la catégorie meilleure animation internationale. C’est la plus grande récompense qu’on peut y avoir. Durant les mois où le film tournait beaucoup en festivals, nous avions pu voir de très beaux films d’animation qui se retrouvaient également en compétition à Clermont-Ferrand. C’était incroyable de gagner face à ces films-là. Si j’avais été dans le jury, je ne sais pas si j’aurais primé mon film !

Raconte-nous la genèse du projet.

La décision de faire ce film n’était pas vraiment réfléchie, cela m’est venu de manière assez instinctive. J’ai découvert la bande-dessinée de Philippe Foerster quand j’étais tout jeune dans le recueil Fluide glacial qui appartenait à ma tante et qui traînait chez mes grands-parents. Ce sont des recueils d’histoires d’horreur assez glauques et malsaines. Des années plus tard, lorsque j’ai vraiment eu envie de faire du cinéma, j’ai repensé à cette BD assez régulièrement dans l’optique de l’adapter, ce qui ne m’arrive quasi jamais. J’ai été influencé par des films comme « Brazil » de Terry Gilliam, mais je n’avais pas encore eu une envide d’adaptation. Et puis, il se fait que j’étais censé être en écriture de long métrage il y 2 ans. Sans réfléchir, en rentrant de vacance, dans l’avion, j’ai écrit le dossier d’un court métrage pour « Dernière porte au sud ». Étonnamment, on a eu le financement du premier coup. On est donc parti là-dessus avec toute notre énergie, ce qui n’était pas plus mal parce que j’aurais été incapable de faire un long métrage à ce moment-là dans ma vie.

À quel moment as tu décidé d’impliquer Foerster dans le projet ?

Comme j’avais envie de faire ce film depuis un bon moment – 10 ans avant même d’en avoir la possibilité –, j’avais déjà contacté Foerster à ce sujet. Je craignais qu’il s’oppose à l’idée mais en fait ça n’a pas du tout été le cas. Il était très content à ce moment là – et il était tout aussi content 10 ans plus tard – que quelqu’un s’intéresse à ce récit parce que c’était la toute première histoire qu’il avait publiée dans Fluide glacial. Il était donc émotionnellement plus lié à celle-là qu’à une autre. Lorsqu’il a vu le tournage et les marionnettes, je crois qu’il a été assez touché, même si ce n’est pas quelqu’un de très démonstratif. D’ailleurs, il en parle dans le making-of. Il nous a toujours soutenus lors de tout le processus, ce qui était très important pour moi. C’était important pour moi de rappeler que c’est grâce à lui que ce film existe. C’est pour ça que j’ai voulu rester le plus fidèle possible à l’univers de la BD.

Peux-tu nous parler du processus d’adaptation en lui-même ainsi que de tes choix techniques ?

J’ai le moins possible remanié l‘histoire. Bien évidemment, j’ai dû légèrement modifier quelques aspects du récit de la BD pour que la trame narrative soit plus fluide et plus adaptée au médium cinématographique. Par exemple, j’ai enlevé un élément purement fantastique qui consistait à ce que Toto, la deuxième tête du protagoniste, éjecte un fluide lorsqu’il est fâché. J’ai remplacé ce détail par un cri puissant qui me semblait plus concret et plus palpable tout en étant plus gérable d’un point de vue technique. La bande-son apporte donc une toute autre dimension par rapport au livre. La musique composée par Alexandre Poncet est cruciale pour la narration, tout comme la voix de l’acteur Aaron Duqaine qu’on a trouvé via un casting parmi une vingtaine de petits garçons et qui correspondait parfaitement au personnage.

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J’ai également retravaillé le découpage de la BD d’origine qui était impossible à filmer, avec les planches verticales dramatiques. En revanche, je tenais à rester le plus fidèle possible à l’univers victorien très délabré qui nourrit très bien l’imaginaire du spectateur. J’y suis parvenu à l’aide de petits jouets issus de maisons de poupées qu’on a trouvées. Étant donné qu’on allait incruster les personnages sur un arrière-plan filmé, on n’avait pas besoin d’avoir ce décor à l’échelle des marionnettes.

En ce qui concerne la technique, j’ai eu la chance (même si certains verraient ça comme une contrainte) de travailler avec les marionnettes filmées qu’on ne pouvait jamais tourner à 360° puisqu’il y avait toujours un marionnettiste derrière. Ceci nous a obligés à prédéterminer le découpage de manière très précise car on ne pouvait plus le modifier au tournage ou au montage. Quelque part ça me soulage d’avoir un storyboard très bien établi, surtout en animation. Si on travaille avec des images de synthèse, on peut tout modifier a posteriori mais ici ce n’était pas possible.

Dans tes films, la narration est souvent basée sur le choix d’un certain monde ; c’est comme si l’espace et le lieu dans lesquels se déroule l’histoire déterminent l’histoire. Ces lieux sont toujours un peu en marge, un peu décalés ou dystopiques. D’où vient cette fascination ?

Je pense que c’est une question d’éducation et de vision du monde. Mon père était artiste peintre et il faisait des tableaux dans lesquels on retrouve ces univers dystopiques et des situations qui frôlent l’absurde. Il y a par ailleurs un perfectionnisme technique dans ses œuvres qui m’a influencé, tout comme ce qu’on trouve dans les univers orwelliens ou comme celui de de « Brazil ». Je retrouve cette dystopie dans le monde réel et j’ai besoin de la montrer dans mes films.

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Lors de notre dernière interview parue sur Format Court, nous avons abordé la question des multiples rôles que tu assumes au sein du générique. Comment est-ce que la situation a évolué depuis « Un monde meilleur » ? S’agit-il d’une contrainte ou d’une volonté de ta part ?

Sur mon premier film « Unsafe », il s’agissait d’une contrainte et une volonté parce je étais incapable de payer qui que ce soit pour travailler avec moi ! Sur « Un monde meilleur », c’était plus une volonté qu’une contrainte car il y avait des gens qui auraient pu m’aider mais je ne leur ai pas fait assez confiance et je n’ai pas assez communiqué comme il fallait. Par conséquent, j’ai fini par faire beaucoup de rattrapage d’erreurs commises sur le plateau à cause de cette mauvaise communication.

Avec « Dernière porte au sud » c’était de nouveau à la fois une volonté et une contrainte parce que j’ai pu vivre cette expérience avec beaucoup plus de facilité vu l’échelle du projet. Avec Chloé Morier, nous avons travaillé quasi à deux. Il y avait en plus le musicien Alexandre Poncet, le costumier Jackye Fauconnier, quelqu’un pour le mixage et pour une partie du montage son que j’ai quasi fait tout seul. En tout, on était moins d’une dizaine sur le projet. C’était tout à fait gérable d’autant plus qu’on avait un seul décor et deux personnages, avec des petites variations pour les marionnettes. C’était donc humainement possible même si cela représentait beaucoup d’heures de travail par jour pendant des mois.

Le making-of est un élément constant qui accompagne quasi toute ta filmographie. Quelle place a-t-il dans ton travail de réalisation ?

Je fais toujours le making-of avec les rushes du tournage que ma compagne Chloé Morier ou moi avons filmés. Parfois ça nous arrive de refaire des images juste pour le making-of. À la fin du tournage, on se retrouve avec une centaine d’heures de rushes qu’il faut réduire à quelques 20 minute ; il faut construire quelque chose de dynamique à partir de ces images qui risquent d’être d’un ennui mortel. Le making-of représente donc un boulot aussi grand que le film lui-même !

Dans un premier temps, le making-of est vraiment utile pour faire le deuil du film, pour tourner la page. Cela me permet d’avoir un recul sur tout le processus mais aussi de me rendre compte des erreurs que j’ai faites pour ne pas les refaire la prochaine fois.

Dans un deuxième temps, c’est aussi important pour mettre en avant la technique. Dans le cas de « Dernière porte au sud » je crois que c’est une technique qui est peu ou presque pas utilisée en animation, c’est-à-dire des marionnettes avec des mécanismes intégrés qu’on fait bouger avec des baguettes vertes qu’on peut ensuite effacer. Il s’agit vraiment d’une technique d’effets spéciaux qu’on voit dans les films live comme « Gremlins ». Les puristes diront que ce n’est pas une vraie animation si ce n’est pas fait image par image mais l’image de synthèse n’est pas non plus faite image par image. Le making-of permet donc d’assumer la technique particulière et de revendiquer le travail qu’on a fait. D’ailleurs, avec « Dernière porte au sud » j’ai mis quelques images du making-of dans le générique de fin pour que les spectateurs se rendent compte de ce que j’ai fait, beaucoup de gens ne savent pas si ce sont des marionnettes ou des images de synthèse.

La troisième raison pour le making-of est que c’est un peu la meilleure manière pour moi de vendre ce que je fais. Je suis beaucoup plus capable de m’exprimer artistiquement par ce biais que lors des soirées mondaines. C’est pour moi la manière la plus efficace de faire la promotion de mon travail !

Comment est-ce que tu penses que ce genre fantastique, que tu représentes en quelque sorte, est considéré en Belgique et ailleurs ?

Dans le monde en général, on voit bien que ce que les gens veulent, c’est du cinéma de genre. Les plus gros succès commerciaux sont des films de genre même s’ils sont mal faits ou si ce sont des reboots comme le nouveau Star Wars, ça reste ce que les gens veulent.
Je pense que c’est plutôt une question de traitement qu’une question de genre. En Belgique, « Un soir un train » d’André Delvaux pourrait être considéré comme un film de genre, c’était même la principale inspiration de Fabrice Du Welz pour une scène de son long-métrage « Calvaire ». On a donc du genre qui passe bien, et du genre qui passe moins bien, comme les « Tortues Ninja ». Dès qu’il s’agit de juger, il y a intérêt à ce que cela soit un petit peu plus subtile, ce que je trouve bien, parce que moi aussi je trouve que « Un soir un train » est meilleur que les « Tortues Ninja », mais le public n’est pas toujours d’accord. Le public en général et le box-office n’aiment pas ce qui est subtil, d’où la nécessité sans doute de trouver un équilibre entre les deux.

Tous ceux que je connais en Belgique qui essaient de faire du genre partent du principe qu’ils vont se faire refouler et que ça n’ira pas. Alors que de ma propre expérience, tout ce que j’ai soumis à la commission de sélection de films rentre dans la catégorie du film de genre ; et ça s’est toujours bien passé. Je crois que cela part forcement de mon intention, qui n’est pas de faire un film de genre mais qui est simplement d’exprimer ce que j’ai envie d’exprimer sans me poser la question du genre. Mon envie d’enfant est de faire du genre, de jouer avec des éléments de science-fiction et des monstres et des marionnettes. Ma part d’adulte a envie d’aborder le sujet qui peut être dans n’importe quel style de film.

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Est-ce que tu peux nous parler de ton projet de long-métrage ?

Je ne peux en parler que depuis peu, car cela ne fait pas très longtemps que je sais ce que c’est. C’est l’histoire d’un enfant qui arrive dans une école maternelle et qui croit tout savoir mais apprend vite que ce n’est pas le cas. J’ai eu envie de revenir sur ma propre expérience à l’école maternelle qui était comme une sorte de descente aux enfers, un monde horrible et difforme avec des personnages monstrueux qui avaient la capacité de me faire mourir de peur d’un seul regard. Je voudrais mettre en scène un monde où rien n’est tangible, où il n’y a pas vraiment de repères, où tout se déforme, dans l’espace, le temps, le langage… Dit comme ça, ça à l’air très expérimental ! C’est pourquoi j’ai aussi ressenti le besoin impérieux de suivre des cours de scénario un peu poussés pour arriver à écrire une véritable histoire. Pour que ce ne soit justement pas trop expérimental, pour arriver à concilier mes envies « arty » avec un souci « de box office », c’est à dire créer quelque chose d’accessible pour le public ? »

Tu le conçois comme un film en live ou une animation ?

Justement, c’est une question qui se pose encore, je n’ai pas envie de trop y penser pour le moment. Là je me concentre sur le personnage et son cheminement individuel, indépendamment des éléments fantastiques. Je vais les ajouter quand j’en aurai vraiment besoin. Il faut que les problèmes humains trouvent des solutions humaines, sinon ça n’ira pas. D’ailleurs, j’ai vu tous les Harry Potter pour faire attention à certaines choses, et j’ai bien vu à quoi il fallait faire attention, à des Deus ex machina par exemple ! Idéalement, je voudrais le faire en live pour une raison que je crois être importante, c’est-à-dire que visuellement les choses qui vont déstabiliser le spectateur seront souvent des illusions d’optiques et des fausses perceptives : des personnages qui grandissent ou rétrécissent au fur et à mesure qu’ils traversent les pièces.

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Comment est-ce que tu perçois le format du court métrage ?

Il y a des gens qui ne font que du court, qui n’ont pas spécialement envie de passer au long, c’est rare mais ça existe. Dans mon cas, le court métrage est plus une préparation à faire du long ; c’est humainement quelque chose d’important pour moi, d’avoir fait du court parce que cela permet des erreurs à une petite échelle, ce qui est vraiment très utile avant de débarquer sur un projet de long. Sur « Un monde meilleur », par exemple, j’ai fait une somme d’erreurs gigantesque et cela m’a servi sur « Dernière porte au sud » qui s’est passé infiniment mieux à tous les points de vue. Si je peux apprendre de mes erreurs sur les courts en faisant le long, ce sera bien. Je pense qu’il faut faire un long à l’échelle de ce qu’on est capable de faire. Il ne faut ni se surestimer ni se sous-estimer. Le projet de long doit être une déduction de ce qu’on a pu vivre en faisant du court. Si il y a des choses qui paraissent totalement impossibles en faisant du court, c’est que l’on doit encore apprendre avant de faire un long, et pour ça le court est une étape indispensable. Si j’ai le luxe de revenir au court, je le referai volontiers. D’ailleurs, j’ai en ce moment aussi un projet de court métrage que je pourrai réaliser pendant le financement de mon premier long-métrage si celui-ci dure trop longtemps.

Propos recueillis par Adi Chesson et retranscrits par Karine Demmou et Adi Chesson

Articles associés : la critique du film, le reportage « Sacha Feiner. Le fantastique entre fiction et animation »

Format Court présent à la la Fête du court métrage 2016

Parrainée par Bérengère Krief et Vincent Lacoste, la Fête du court métrage se déroulera cette année du 15 au 18 décembre dans toute la France. Au travers de projections, de rencontres et d’ateliers, cette manifestation nationale s’adresse à tous les publics, des plus petits aux plus grands. Fête gratuite et participative, elle a pour objectif de faire découvrir le court au plus grand nombre.

Format Court participe pour la deuxième année consécutive à la manifestation et vous donne rendez-vous du vendredi 16 au dimanche 18 décembre au Carreau du Temple, à Paris (4, Rue Eugène Spuller, 75003 Paris) sur son stand partagé avec la Fédération des Jeunes Producteurs Indépendants. On vous y attend nombreux !

Bon à savoir : l‘entrée est gratuite, le 16 décembre est réservé aux étudiants, et les journées du 17 et 18 décembre sont ouvertes au grand public.

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Autre bonne info : dimanche 18/12, à 15h15, Format Court présentera  dans le mini-agora ses activités (web & forme courte, critique & diffusion, soutien des auteurs sur le net et en salle) et projettera les films de deux réalisateurs primés par notre site, « Le Skate moderne » de Antoine Besse, Prix Format Court au Festival de Grenoble 2014, présélectionné aux prochains Cesar, et « Corpus » de Marc Hericher, Prix Format Court au Festival Court Métrange 2015. Les deux réalisateurs seront présents et reviendront sur leurs parcours et films respectifs.

Pour assister à cette rencontre, retrouvez notre équipe et nos invités ce dimanche 18/12 au Carreau du Temple, soit en réservant votre billet en ligne soit en vous présentant directement sur place (entrée libre). Le petit bonus : on a des Carambar à vous offrir et un fameux Top 5 des meilleurs courts de l’année à vous soumettre !

Manoman de Simon Cartwright

« Manoman » de Simon Cartwright, un court-métrage d’animation hilarant et accrocheur d’une durée de 11 minutes, nous rapproche du côté obscur de la force et nous invite en même temps à perdre le contrôle total, comme ses protagonistes. Primé par le Jury Prix Format Court au Festival Court Métrange, nommé aux BAFTA et ayant fait ses débuts à la Cinéfondation 2015, ce film est loin de rendre indifférent le public et les jurys festivaliers. Projeté ce soir à Paris, à l’occasion de la nouvelle Soirée Format Court au Studio des Ursulines, il est accompagné d’une exposition de dessins et croquis préparatoires autour du film.

Après avoir étudié au College of Art d’Edinburgh, Simon Cartwright rend son travail de fin d’études à la prestigieuse école britannique National Film and Television School (NFTS). Le résultat est « Manoman » , produit par Kamilla Kristiane Hodøl. À travers ce film, il nous raconte l’histoire de Glen, un homme ordinaire ayant des conflits internes non résolus, qui décide de trouver une solution à ses problèmes en participant aux séances de “Thérapie Primal”, une technique psychologique conçue par Arthur Janov. Pendant l’une d’elles, son moi intérieur, sortant littéralement des toilettes, devient une présence humaine auto-destructrice nommée Manny. Ce nouveau personnage hétérogène, frankesteinien et inégal, semble libérer une bête intérieure incontrôlable. Un Bacchus fou, psychopathe faisant glisser le protagoniste vers une fin cathartique et brutale, à travers un voyage nourri de testostérone rendant hommage à la fantaisie la plus névrotique et sombre.

Cette comédie noire et fantastique explore certains aspects de la masculinité, notamment le machisme dans un monde sauvage et les idéaux d’une virilité portée à son maximum. Ce court-métrage nous invite à la découverte de soi grâce à l’introversion de Glen et à l’impitoyable Manny. Le film joue sur nos peurs primaires et irrationnelles de l’inconnu dans un monde empli de “violence, sexe et rock’n’roll”.

Glen & Manny, antagonistes animés représentant nos instincts primaires, font appel à l’ironie et l’absurde, peuvent renvoyer à des films tels que « Fight Club », « Orange Mécanique  », « Dr Jekyll et Mr Hyde », « Le Seigneur des Anneaux », mais aussi à “Das Unbehagen in der Kultur” de Sigmund Freud.

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À l’origine, « Manoman » devrait être réalisé en stop-motion, mais cette idée a été rejetée par la NFTS qui la considérait comme trop laborieuse. Cartwright propose alors un mélange entre marionnettes à tige en silicone et animation numérique. Seulement, la production se complique à cause du poids des marionnettes, qui ne permet pas de mouvement fluide et léger dans les décors. L’introduction de tiges métalliques dans les bras des personnages confère par contre une esthétique unique à ce court-métrage, à mi-chemin entre l’artificialité du théâtre (sans trucages) et une variante du cinéma en stop-motion. L’expression faciale des personnages, réalisée grâce à une infographie numérique très austère mais adéquate aux mouvements, permet d’introduire littéralement de la vie dans leurs yeux et d’offrir une réelle interaction entre les marionnettes. Toujours dans le film, l’influence minimaliste et primitiviste du sculpteur Henry Moore se fait ressentir, notamment en ce qui concerne les formes arrondies, simples et solides des personnages.

Ce film voyou et explosif offre une vision totalement originale de la tension entre exigences pulsionnelles et restrictions imposées par la culture dominante. En mélangeant les techniques, Simon Cartwright montre des personnages tels qu’ils sont, en offrant au spectateur habitué aux grands effets spéciaux, les fils de fer bruts de ses créatures de silicone. Malgré une technologie de pointe, « Manoman » retourne aux origines du cinéma, sans avoir besoin de renforts de grandes trucages ou d’hyperboles techniques. Une libération, un enchantement, de l’hyperréalisme cinématographique pour un film formidable, punchy, restant longtemps en mémoire.

Adriana Navarro Álvarez

Consultez la fiche technique du film

Articles associés : la critique de « Serenity Now », l’interview de Simon Cartwright

M comme Manoman

Fiche technique

Synopsis : Glen,le protagoniste du film, a libéré une sorte d’homoncule diabolique, qui le pousse à commettre des actes odieux.

Genre : Animation

Durée : 10’43″

Pays : Royaume-Uni

Année : 2015

Scénario : Simon Cartwright

Réalisation : Simon Cartwright

Montage : Paco Sweetman

Son : Terence Dunn

Production : National Film and Television School

Articles associés : la critique du film, la critique de « Serenity Now » , l’interview de Simon Cartwright

Les prochains salons de l’ESRA

Crée à Paris en 1972, le Groupe ESRA est le premier groupe privé de formations aux métiers de l’audiovisuel en France. Il propose des formations liées aux métiers du Cinéma et de l’Audiovisuel, du Son et du Film d’Animation. L’établissement est reconnu par l’État et délivre dans chacun des trois domaines un diplôme visé par l’État à Bac +3. Depuis 45 ans, le groupe a formé plus de 6000 professionnels en activité dans l’audiovisuel, recensés dans ESRA Pro, l’annuaire des anciens.

Tout au long de l’année, le Groupe ESRA organise des Journées Portes Ouvertes à Paris, Nice et Rennes et vient présenter ses formations sur de nombreux salons étudiants. Dans les prochains jours, il sera présent dans 3 salons à St-Brieuc, Vannes et Paris.

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Salon de l’Enseignement Supérieur en Côtes d’Armor : Sup’armor, les métiers du numérique, Rencontre avec ESRA Brestagne : du 8 au 10 décembre 2016 – St Brieuc

Palais des Congrès Equinoxe / Brézillet à Saint-Brieuc
Rue Pierre de Coubertin, 22000 Saint-Brieuc
Parking gratuit

Infos : http://www.suparmor.fr/

Salon Studyrama des Etudes Supérieures, formations de Bac à Bac +5, Rencontre avec ESRA Bretagne : le 10 décembre 2016 – Vannes

Adresse : Le Chorus – Hall B, 8, rue Daniel Gilard, 56000 Vannes
Accès : Bus – Ligne 3 – Arrêt Le Racker ou ligne 11 – Arrêt Parc du Golfe
Parking gratuit

Infos : http://www.studyrama.com/salons/salon-studyrama-des-etudes-superieures-de-vannes-13

Salon des Etudes et des Métiers d’Avenir : Jeux vidéo et cinéma d’animation, Rencontre avec le groupe ESRA autour du cinéma, de l’audiovisuel, du son et du cinéma d’animation, les 10 et 11 décembre 2016, Paris

Espace Champerret, Rue Jean-Ostreicher
Métro : Porte-de-Champerret ou Louise-Michel
RER : ligne C, station Pereire
Bus : lignes PC, 84, 92
Infos : Event Facebook

Dārznieks de Madara Dišlere

Primé par le Jury Format Court lors du dernier Festival Européen du Film Court de Brest, « Dārznieks » (« Le Jardinier »), troisième court métrage de la réalisatrice lettone Madara Dišlere, est une histoire de don et de partage, une histoire d’écoute aussi. Le film nous plonge dans la campagne lettone au sein d’une nature verdoyante et généreuse qui s’offre à nous, spectateurs, et offrira bien plus à celui qui saura l’écouter et la chérir, comme c’est le cas du personnage principal du film, un homme sans nom, personnage mystérieux qui ne semble vivre que pour et par cette terre qu’il travaille en tant que jardinier.

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Un lent travelling suit le parcours sinueux des racines d’un arbre, rythmé par des battements de cœur qui préfigurent une présence humaine. L’homme, ou l’Homme, se mêle parfaitement au paysage et apparaît comme le représentant d’une humanité qui s’est perdue mais qui fut un jour, tel Adam dans le jardin d’Éden, en réelle communion avec la nature. Il manipule la terre à mains nues, s’offre à elle, lui parle tandis qu’elle lui répond en lui offrant tout ce qu’elle a à donner. Le soleil vient se reposer sur la peau de son dos nu et éclairer l’espace filmique à perte de vue. Dans « Dārznieks », l’utilisation de la lumière naturelle accentue un peu plus cette impression que les images qui nous sont montrées sont une offrande qui se suffit à elle-même : les éléments qui se situent dans le cadre, gorgés de soleil ou baignés dans la brume matinale, apparaissent d’une beauté éblouissante et encouragent la contemplation. On se laisse bercer par cette lumière mais également par les sons de la nature, celui du vent traversant les champs ou des racines arrachées à la terre : « Dārznieks » ne s’encombre pas de bruits ou de mots superflus si ce n’est ceux de l’homme, narrateur qui chérit et nous raconte la terre. Le film n’a finalement aucun dialogue qui passe par des mots, à l’exception du moment où les propriétaires et des amis prennent la relève pour venir cueillir les pommes de terre. La récolte, c’est aussi un moment de vie en collectivité et de fête, ce que le jardinier voit d’un mauvais œil, comme un manque de respect à la terre.

Lorsque ce dernier pénètre dans le champ de tournesols, la caméra s’approche doucement de l’un d’entre eux comme pour nous permettre à nous spectateurs d’en pénétrer le mystère, de s’en imprégner. La caméra se mêle aux plantes et se place comme un regard témoin d’une osmose illustrée par exemple dans un champ et contre-champ du visage béat de l’homme et du tournesol à la forme arrondie, tel un visage humain. Les nombreux travellings au ras du sol sont fluides et lents, à l’instar des plantes qui poussent progressivement au fil des jours. Madara Dišlere et ses deux chefs opérateurs montrent une grande maîtrise du cadre et du rythme dans un enchaînement d’images qui semble parfaitement dosé, et nous invite à prendre le temps de contempler et de se laisser porter par le rythme des saisons.

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« Darznieks » est un film symbolique tout aussi mystérieux que son personnage sur le passage du temps qu’on ne peut pas entièrement apprivoiser. Le vieux jardinier, qui maîtrise parfaitement le rythme des saisons lorsqu’il s’agit de cultiver la terre, ne peut cependant pas maîtriser celui qui le confronte à la vieillesse et au monde moderne. La terre et celui qui la nourrit sont empreints de subtilité et de spiritualité et semblent représenter un monde disparu, un passé qui ne parvient pas à répondre aux exigences de la modernité. Lorsqu’il est remercié par ses employeurs, un jeune couple tenu à distance, filmé à travers une fenêtre qui les sépare de la nature, c’est tout son monde qui s’effrite telle la terre entre ses doigts. On revoit alors des bribes de souvenirs qui le lient à cette terre et on découvre qu’elle fut celle de sa famille, mais qu’elle ne lui appartient plus. L’homme effectue une sorte de retour aux origines, et finit par ne faire plus qu’un avec le sol avec lequel il a tant partagé, dans un dénouement mystérieux. Qui reste-t-il aujourd’hui pour traiter la terre avec autant de dévotion ?

Agathe Demanneville

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D comme Dārznieks

Fiche technique

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Synopsis : Un jardin fait le bonheur et l’épanouissement d’un vieux jardinier. Le jardin ne lui appartient plus mais il se sent toujours comme chez lui. Il communique avec le jardin qui lui répond, lui offrant un refuge et une riche récolte.

Genre : Fiction

Durée : 20′

Pays : Lettonie

Année : 2016

Réalisation : Madara Dišlere

Scénario : Madara Dišlere

Image : Gatis Grinbergs, Janis Reinfelds

Montage : Armands Zacs

Son : Ernests Ansons

Production : Tasse Film

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