Le festival de Venise (2-12 septembre 2020) a annoncé sa sélection ce mardi. Côté courts, 14 films ont été retenus : 12 sont en compétition et 2 en hors-compétition.
En compétition
A fleur de peau de Meriem Mesraoua (Algérie/France, 14 min, Fiction, 2020)
Anita de Sushma Khadepaun (Inde, 17 min, Fiction, 2020)
BMM – Being My Mom de Jasmine Trinca (Italie, 11 min, Fiction, 2020)
Das Spiel de Roman Hodel (Switzerland, 17 min, Documentaire, 2020)
Entre tú y Milagros de Mariana Saffon (Colombie, 20 min, Fiction, 2020)
Mây nhưng không mưa (Live in Cloud Cuckoo Land) de Vu Minh Nghia, Pham Hoang Minh Thy (Vietnam, 19 min, Fiction, 2020)
Miegamasis rajonas (Places) de Vytautas Katkus (Lituanie, 11 min, Fiction, 2020)
Nattåget de Jerry Carlsson (Suède, 14 min, Fiction, 2020)
Sogni al campo de Magda Guidi, Mara Cerri (Italie/France, 8 min, Animation, 2020)
The Shift de Laura Carreira (Portugal/Royaume-Uni, 8 min, Fiction, 2020)
Was wahrscheinlich passiert wäre, wäre ich nicht zuhause geblieben. de Willy Hans (Allemagne, 20 min, Fiction, 2020)
Workshop de Judah Finnigan (Nouvelle-Zélande, 16 min, Fiction, 2020)
Hors compétition
Sì de Luca Ferri (Italie, 19 min, Documentaire, 2020)
The return of tragedy de Bertrand Mandico (France, 24 min, Fiction, 2020)
43 courts issus de 34 pays ont été retenus au prochain Festival de Locarno, sur 2200 films soumis : 31 sont en compétition internationale et 12 en compétition suisse. Pendant la durée du festival (5-15 août), les films internationaux seront disponibles dans le monde entier, gratuitement, sur une plateforme VOD dédiée. En revanche, la plupart des films suisses ne seront visibles en ligne qu’en Suisse. Les billets gratuits devront être réservés sur le site internet du festival, 24 heures avant la projection en ligne, et seront disponibles à partir de la fin du mois de juillet. Les films seront également projetés en salles à Locarno et Muralto ultérieurement.
Compétition internationale
1978, de Hamza Bangash – Pakistan – 2020
An Act of Affection, de Viet Vu – Portugal/Vietnam – 2020
Aninsri daeng (Red Aninsri; Or, Tiptoeing on the Still Trembling Berlin Wall), de Ratchapoom Boonbunchachoke – Thaïlande – 2020
Bethlehem 2001, de Ibrahim Handal – Palestine – 2020
Digital Funeral: Beta Version, de Sorayos Prapapan – Thaïlande – 2020
Ekti ekgheye film (A Boring Film), de Mahde Hasan – Bangladesh – 2020
Fish Bowl, di Ngabo Emmanuel –Rwanda – 2020
Giòng sông không nhìn thấy (The Unseen River), de Phạm Ngọc Lân – Vietnam/Laos – 2020
Gramercy, de Pat Heywood e Jamil McGinnis – Etats-Unis – 2019
Here, Here, de Joanne Cesario – Philippines – 2019
History of Civilization, de Zhannat Alshanova – Kazakhstan – 2020
I ran from it and was still in it, de Darol Olu Kae – Etats-Unis – 2020
Icemeltland Park, de Liliana Colombo – Italy/Royaume-Uni – 2020
Kako sam pobedio lepak i bronzu (How I Beat Glue and Bronze), de Vladimir Vulević – Allemagne/Serbie – 2020
Life on the Horn, de Mo Harawe – Somalie/Autriche/Allemagne – 2020
Memby, de Rafael Castanheira Parrode – Brésil – 2020
Nour (Noor), de Rim Nakhli – Tunisie – 2020
O Black Hole!, de Renee Zhan – Royaume-Uni – 2020
Pacífico Oscuro, de Camila Beltrán – France/Colombie – 2020
Parcelles S7 (Land Lot S7), de Abtin Sarabi – Sénégal/Iran/France – 2020
Play Schengen, de Gunhild Enger – Norvège – 2020
Retour à Toyama (Return to Toyama), de Atsushi Hirai – France – 2020
Spotted Yellow (Zarde khaldar), de Baran Sarmad – Iran – 2020
Statul Paralel (The Parallel State), de Octav Chelaru – Roumanie 2019
Szünet (Break), di Levente Kölcsey – Hongrie – 2020
Ta cong an chu lai (Cloud of the Unknown), de Gao Yuan – Chine – 2020
The Chicken, de Neo Sora – Etats-Unis – 2020
The End of Suffering (A Proposal), de Jacqueline Lentzou – Grèce – 2020
Thiên đường gọi tên (A Trip to Heaven), de Linh Duong – Vietnam/Singapour – 2020
Thoughts on the Purpose of Friendship, de Charlie Hillhouse – Australie – 2020
Where to Land, de Sawandi Groskind – Finlande – 2020
Compétition suisse
Bugs, de David Shongo – Democratic Republic of the Congo/Suisse – 2019
Ecorce (Peel), de Samuel Patthey and Silvain Monney – Suisse – 2020
Espiritos e Rochas: um Mito Açoriano (Spirits and Rocks: an Azorean Myth), de Aylin Gökmen – Suisse/Portugal/Belgique/Hongrie – 2020
Grigio. Terra bruciata (Burnt. Land of Fire), de Ben Donateo – Suisse/Italie – 2020
Lachsmänner (Salmon Men), de Veronica L. Montaño, Manuela Leuenberger and Joel Hofmann – Suisse – 2020
Megamall, de Aline Schoch – Switzerland – 2020
Menschen am Samstag (People on Saturday), de Jonas Ulrich – Suisse – 2020
Nha Mila, de Denise Fernandes – Portugal/Suisse – 2020
Push This Button If You Begin To Panic, de Gabriel Böhmer – Royaume-Uni/Suisse – 2020
The De Facto Martyr Suite, de Justine de Gasquet – Suisse – 2020
Trou Noir (Black Hole), de Tristan Aymon – Suisse – 2020
Um Tordo Batendo As Asas Contra o Vento (A Thrush Flapping Its Wings Against the Wind), de Alexandre Haldemann – Suisse – 2020
L’édition 2020 du Festival d’Animation d’Annecy, qui s’est déroulée entièrement en ligne du 15 au 30 juin, peut se targuer d’avoir été un véritable succès. Avec plus de 15.500 spectateurs, le festival a su attirer un très large public et ainsi réussir son pari en ligne.
« The Fox and the Pigeon »
Une version virtuelle qui a notamment profité au format du court métrage et qui a aussi permis de mettre en avant le talent des jeunes réalisateurs encore étudiants. Aujourd’hui, Format Court a le plaisir de vous partager ses coups de cœur et de vous faire un compte rendu entièrement dédié aux films de fin d’études.
Pour commencer en beauté cette sélection, nous avons été marqués par le court métrage japonais de Isaku Kaneko, The Ballon Catcher. Un personnage au corps humain ayant une hache à la place de la tête mène une triste vie emplie de solitude dans une ville peuplée d’hommes à tête de ballons.
Alors que le personnage ne demande qu’à être intégré voire aimé, les hommes ballons sont tous effrayés par la menace que représente sa tête tranchante pour leur vie. Isolé et victime de préjugés, il se retrouve malgré lui impliqué un jour dans une sombre histoire d’agression et se retrouve injustement accusé. Va alors s’ensuivre une course poursuite entre des hommes ballons et notre héros au visage de hache pour sauver sa vie mais surtout pour s’affranchir d’un monde qui le rejette.
Cette courte narration dessinée à la main et animée par ordinateur dépeint une histoire sublime visuellement d’une profonde tendresse ainsi que d’une simplicité désarmante. Autour de son personnage qui en appelle à notre empathie et à notre compassion, le réalisateur dénonce avec puissance mais aussi avec bienveillance les opinions infondées encore trop nombreuses qui concernent les minorités et offre une célébration de la différence.
The Balloon Catcher nous transporte dans un monde fantastique dont les imperfections et les injustices sont le reflet de celles de notre actuelle société, mais il nous fait aussi aspirer à un monde meilleur en montrant que la bonté réside souvent derrière la menace de l’inconnu.
Dans une atmosphère plus poétique, le fascinant court métrage Portret Kobiecy (en français « Portrait d’une Femme ») de Natalia Durszewicz est résolument sorti du lot.
S’inspirant de la poète Wisława Szymborska, Prix Nobel de littérature en 1996, la jeune réalisatrice polonaise, qui est sélectionnée pour la deuxième fois au Festival d’Annecy, propose une illustration animée de cinq minutes d’un de ses poèmes. Le court métrage dépeint en une riche et intense déclinaison de rouge, le portrait d’une femme par le prisme de ses émotions et des épreuves qu’elle traverse tout au long de sa vie.
Les concepts de mouvement et de corps sont omniprésents et littéralement au cœur du court métrage. En effet, sur fond de musique délicate, le corps de la femme s’anime avec grâce, il danse avec volupté et l’on insiste sur ses différentes parties ; son visage fermé, son corps nu recouvert par la végétation ou encore ses yeux qui s’emplissent de larmes… C’est dans un tourbillon fantastique et sensuel que le court métrage rend hommage à la Femme en représentant par les différentes étapes de sa vie à la fois ses désirs, ses peurs et ses angoisses.
Véritable quête d’identité, de réappropriation du corps mais aussi de liberté, Portret Kobiecy représente avec puissance et poésie le parcours d’une femme vers son émancipation.
Pour continuer, l’adorable court métrage The Fox and the Pigeon de Michelle Chua, récompensé du Prix YouTube, remis pour la toute première fois au Festival d’Annecy a lui aussi attiré notre attention.
Un narrateur raconte, tout en rimant, les aventures invraisemblables d’un Renard et d’un Pigeon rivalisant l’un contre l’autre pour la possession d’une glace. Les pages se tournent, les mots se décomposent et les lettres s’envolent au fur et à mesure que le conte est narré. Mais voilà que les deux animaux finissent par se rebeller contre ce narrateur autoritaire, qui prend un malin plaisir à leur faire endurer les plus terribles souffrances. Les deux compères contestent le pouvoir du narrateur, sortent du livre et finissent par prendre en main leur propre histoire pour vivre librement leur amitié.
Ce court métrage nous offre là une fable digne de celles de Jean de La Fontaine à la fois contemporaine, presque parodique avec le choix de présenter un pigeon, mais surtout transgressive pour deux principales raisons. La première est que dans les fables de La Fontaine, le renard est généralement associé à un animal rusé et menaçant, capable des pires trahisons. Pourtant dans ce court, le renard refuse de s’en prendre au pigeon si bien que le réel « méchant » de l’histoire se révèle finalement être le narrateur lui-même. The Fox and the Pigeon est ensuite transgressif puisqu’il prend le parti de briser les codes du genre. En effet, si les fables de La Fontaine sont encore aujourd’hui apprises par cœur au mot près, la réalisatrice prend un tout autre tournant en allant à l’encontre du narrateur jusqu’à complètement l’effacer de sa fiction et ainsi minimiser l’importance du récit écrit.
Ce film court est alors un conte amusant aux couleurs éclatantes et au twist final joyeusement surprenant qui nous refait voyager avec plaisir dans les enchantements de l’enfance.
Un autre court métrage qui nous a particulièrement frappé est celui de la réalisatrice française Héloïse Ferlay, étudiante à l’ENSAD : À la mer poussière.
Ce film en stop motion, composé de personnages en laine met en scène les moments difficiles que traversent une famille sous un soleil d’été écrasant. Un frère et une sœur, Malo et Zoé, tentent tous les deux d’attirer en vain, l’attention de leur mère. Les pleurnichements de l’un tout comme les provocations et les méchancetés de l’autre résonnent comme des appels désespérés adressés à leur mère qui les ignore et les laisse à l’abandon. Cette mère apparaît comme insensible mais finit par se révéler être une femme épuisée, brisée par le départ de son mari et surtout incapable d’endosser son rôle maternel.
Le court métrage explore avec brio la complexité des relations familiales lorsque les liens se détériorent et interroge les rôles que chaque membre d’une famille se doit de jouer ; la mère qui se doit d’être dévouée à ses enfants, l’aînée censée être responsable ou encore le benjamin qui devrait devenir autonome.
Ce film narratif parvient à démonter progressivement ces cases sociales en montrant que ses personnages avant de faire partie d’une famille sont avant des individus avec leurs propres émotions et moments de faiblesse.
En se terminant sur une fin touchante qui amène ses personnages sur le chemin de la réconciliation, À la mer poussière parvient à nous émouvoir par sa triste tendresse et par la représentation d’une tragédie familiale aussi douce que brutale.
Pour finir, notre tout dernier coup de cœur de la compétition des films étudiants s’est porté sur le sublime court métrage russe Airship of Unknown Direction d’Alexandra Galitskova.
L’histoire est courte et simple. Un personnage ayant pour tête un nuage pluvieux incarne la Pluie elle-même et souhaite apprendre à voler. En l’espace de cinq minutes, cet homme fait de pluie s’élance avec obstination et vaillance vers son objectif sans jamais tomber dans le désespoir.
Comme dans une tempête agitée, des créatures fantastiques, des pages manuscrites tachées d’encre ou encore des paysages urbains peuplés d’immenses ballons dirigeables se mêlent aux multiples tentatives du personnage pour prendre son envol. La musique accompagne avec force ce court métrage dessiné à partir d’une encre aux couleurs terreuses qui finalement fonctionne comme un récit initiatique où les pages se tournent et où le personnage principal évolue jusqu’à apprendre à apprivoiser aussi bien son corps que son monde.
Plus qu’une simple narration, Airship of Unknown Direction est un véritable ravissement pour les yeux qui propose avant tout un voyage poétique nous transportant dans un imaginaire intemporel et irréel.
Petit rappel. Le 13 mars passé, à la veille du confinement, nous avions annoncé avoir choisi de décaler les dates de notre 2ème jeune Festival Format Court prévu à l’origine du 22 au 26 avril 2020 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). 3 jours plus tard, nous avons publié la liste des 25 courts-métrages retenus en compétition (la première) et devant être évalués par 2 jurys, pro et presse.
Nous avons imaginé plusieurs pistes et avons finalement retenu les dates du mercredi18 au dimanche 22 novembre prochain pour que le festival tel que nous l’imaginions en avril ait lieu en salle, aux Ursulines – en espérant que les choses aillent mieux à cette période (on croise les doigts).
Pour info, la sélection des 25 films reste inchangée. Elle sera montrée en salle, nous l’espérons, au même titre que les programmes parallèles déjà prévus. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de tout changement si il devait y en avoir. En attendant, vous pourrez retrouver dans les prochaines semaines sur nos réseaux des sujets courts et filmés liés à l’édition à venir.
Cette année, leFestival Côté Court s’est déroulé en ligne du 17 au 27 juin. Il présentait cinq programmes dont trois compétitions. Voici nos 6 coups de coeur, les films retenus étant issus de différentes sections. 3 films font partie de la compétition “Fiction”, 3 autres font partie des programmes parallèles.
Sole mio de Maxime Roy, en compétition officielle à Côté Court ouvre le bal. Il vient de remporter le Prix de la jeunesse et est aussi sélectionné à notre Festival Format Court décalé en novembre prochain.
Sur la musique éponyme O Sole Mio du chanteur d’opéra Luciano Pavarotti, le court métrage nous entraîne dans une relation père-fils où l’amour a toutes ses chances face à la différence. Le père est sur le point de se faire opérer pour changer de sexe et devenir une femme. Le problème, c’est que la mère, avec laquelle il est séparé depuis quatre ans, n’est absolument pas au courant de cette initiative. Par lâcheté, peut-être, le père n’ose pas le lui dire. Un jour, elle le découvrira, sans qu’il n’ait à le lui dire, chose subtilement amenée en fin de narration, les mots seraient de trop, les gestes et les regards, simplement, nous disent tout. Le film nous entraîne dans une relation intrafamiliale en période de conflit, ou plutôt de désaccord, où le fils se retrouve bloqué entre la volonté de dire la vérité à sa mère et celle de ne pas trahir son père, il est la passerelle entre les deux. La transformation du père vient ajouter un contraste à son métier de chauffagiste qu’il exerçait avec son fils. On oscille toujours entre deux mondes ici, d’une part celui de la mère mise à l’écart, dans l’incompréhension en opposition avec celui du père, vivant sa nouvelle vie. Et d’autre part un monde féminin dans lequel le père s’affirme, notamment avec sa perruque, sa robe ou encore son maquillage, en opposition à son monde d’avant, celui dans lequel il avait une femme et un métier plutôt masculin. L’histoire ici porte en premier lieu sur la tolérance et l’amour, qui subsiste aux changements, peu importe le sexe, l’important étant d’abord de s’aimer soi.
Pour continuer à parler d’amour et de sexualité, revenons sur Miss Chazelles, de Thomas Vernay, en compétition officielle, un court-métrage portant sur une thématique bien connue au cinéma : l’amour impossible.
Mais cette fois-ci, nous ne le découvrons qu’à la fin, et le réalisateur nous tient en haleine tout au long du film ne nous donnant que quelques indices par-ci par-là. Dans une petite commune de la France, à Chazelles en Charente, c’est le jour de l’élection de la Miss du village, illustration parfaite des rêves de gloire, à la Little Miss Sunshine. Deux univers s’affrontent, entre un monde de fantaisie avec les paillettes, les belles robes des deux Miss en compétition, Marie et Clara et leur bandes d’amis respectives, clopes au bec, scooters jetés au sol et langage vulgaire. Le récit se déroule sur fond de douceur avec les routes de Provence dans la nuit et une musique galactique faisant résonner toute la douceur d’une histoire d’amour que dissimule toute cette mascarade. Nous nous retrouvons très souvent face à Clara, plongés dans son regard, nous dévoilant toutes ses émotions et la solitude qu’elle ressent en compagnie de ses amis.
Les deux bandes de potes, ennemis jurés s’affrontent plusieurs fois, créant ainsi une barrière invisible entre les deux jeunes filles. Réussiront-elles à se retrouver malgré les tabous qui les en empêchent ? Ce qui est plus sûr, c’est que les deux Miss, nous offrent un tableau très réussi d’un Disney 2.0, contemporain, avec deux jolies princesses et nul besoin de prince.
Et pour finir côté compétition, un récit plus noir avec Massacre de Maïté Sonnet. Deux jeunes soeurs doivent déménager de leur île favorite, la vie y est devenue trop chère pour leurs parents à cause du tourisme.
Très vite un contraste s’installe entre l’univers girly des filles (maquillage, vidéos tutos beauté et paillettes) et les nombreux symboles, (oiseaux morts, plages désertes) plus sombres glissés tout au long du film, accompagnés d’une musique angoissante. Nous sommes au plus proche de la grande soeur, son visage est très souvent face à la caméra, ce qui nous laisse découvrir ses émotions à travers ses regards incisifs. Ces gros plans sont alternés avec des plans fixes de la nature, de la plage, du paysage, comme pour symboliser le calme avant la tempête. Les touristes débarquant sur l’île sont dévisagés par les soeurs mais aussi par le spectateur, nous sommes partis prenante de l’embuscade en les visualisant de haut en bas, suivant les mouvements de caméra. Ils sont la cause de notre malheur, du départ des jeunes filles et elles vont le leur faire payer. Avec une froideur assez effrayante d’ailleurs. Un mélange de tristesse et de haine poussera les héroïnes à agir, deux émotions parfois si proches, c’est un acte de désespoir.
Pour revenir à un thème plus joyeux, découvrons une animation, de la section Panorama, mettant en avant de nouvelles créations contemporaines. Montagne, de Louise Cailliez, est un court de 18 minutes, il met en scène trois adolescents partis camper à la montagne.
À première vue, c’est un beau séjour qui se profile, mais très vite, l’ambiance se gâte, le temps s’agite, il pleut et les garçons ne semblent pas s’apprécier tant que ça.
L’histoire porte sur des amitiés, celles de deux copains qui se jalousent la place du meilleur ami avec le troisième. Le garçon tant convoité est placé sur un piédestal, au centre de toutes les attentions, et il en joue. L’un réclame une amitié exclusive tandis que l’autre, un peu d’attention, mais au final, ils ont tous les deux la même peur, celle de l’abandon. C’est dans une explosion de couleurs, un langage parfois vulgaire, et la mélodie de la pluie que Louise Cailliez entraîne le spectateur dans un périple moins fun que prévu. La narration du film ainsi que les dialogues des personnages nous plongent doucement dans une atmosphère sombre, toujours en contraste avec les dessins très colorés, à la manière d’un coloriage dont est fait le court-métrage.
Parlons maintenant poésie, avec Ailleurs, de Théo Gottlieb, de la programmation “Carte blanche de Dominique Frot”. La comédienne, a composé une sélection de 5 courts-métrages, elle a choisi des films reflétant la vie et sa lenteur, des films qui se cherchent, comme chaque être humain se cherche sans savoir où il va réellement.
Ailleurs a ce quelque chose de lent, de réfléchi et aussi d’inachevé, ce qui n’enlève rien à la beauté de ce film. Il s’impose comme un souffle doux et amer, la lumière est apaisante et un jeu d’ombres vient s’additionner à la mélodie du piano qui résonne tout au long du court.
L’histoire porte sur deux soeurs et leur mère, elles vivent loin de l’effervescence de la ville, pour leur mère c’est l’occasion de développer leurs dons. Charly a un don, elle sait mettre en lévitation des objets, mais Romy, elle, tarde à découvrir le sien. Et peut-être aurait-elle préféré ne pas en avoir finalement.
Tout en voix off, raconté par Romy, à la voix douce et cassée, elle nous fait découvrir à travers ses mots, une ôde à la mère, décrite tel un guide, c’est celle qui nous pousse à trouver notre voix. Il est fort probable de devoir se séparer de la mère pour prendre son envol, et ce film nous le raconte, de manière très poétique.
Notre 6ème coup de coeur, tout en restant dans un univers très sensible, porte sur 1998-2018, de Sigrid Bouaziz est un court métrage tiré du journal intime de la réalisatrice et actrice. À l’époque, elle n’a que 13 ans et s’adresse à sa meilleure amie, Sarah, qui ne lui répond pas, ce qui nous laisse penser que c’est une amitié à sens unique ou du moins qui l’est devenu.
La caméra nous promène dans une propriété du sud, en province, sûrement dans la maison de la jeune fille, pendant qu’elle lit ses lettres, en voix off. La nature a une place importante ici, le chant des cigales accompagne ses paroles.
Dans ses lettres, Sigrid se remémore les moments passés avec Sarah, alternant description du quotidien, allant de l’olivier visible à l’écran et récit de ses émotions. Dans un langage courant, criant de sincérité, la réalisatrice nous dévoile ses blessures, sans artifice. Le monologue résonne comme un poème à la fois doux et nostalgique. Dans cette narration autobiographique on retrouve des photographies datant de son enfance venant se coller à des gros plans sur des arbres ou des fleurs. Le zoom et le zoom arrière sont utilisés sur ces captations de la flore, ce qui lui donne un aspect sauvage et parfois même, inquiétant. C’est d’ailleurs ce que retranscrivent les mots de la jeune fille, à travers ses lettres, on ressent énormément d’amour pour son amie mais aussi beaucoup d’inquiétude quant au silence de celle-ci. Ce qu’on voit à l’image nous apparaît toujours comme les restes d’une vie passée, sans personnage, seulement les pièces de la maison, les objets qui traînent, comme si les personnes avaient disparu, laissant un vide immense. Le spectateur prend alors toute la place qu’il veut, s’identifie ou bien se laisse bercer par les mots et les paysage qui défilent.
Pendant 25 minutes Sigrid Bouaziz nous convie dans son intimité, le film démarre sur le portail de la maison s’ouvrant pour nous, et se termine sur une fenêtre grande ouverte, nous laissant découvrir le jardin au-dehors, nous incitant à continuer de rêver.
Après vous avoir présenté la sélection officielle des courts de Cannes 2020, voici celle de la Cinéfondation, la section dédiée aux écoles de cinéma du monde entier.
Cette année, pour sa 23e édition, le comité de sélection dirigé par Dimitra Karya a choisi 17 films (13 fictions et 4 animations), réalisés par onze hommes et huit femmes, et sélectionnés parmi les 1952 œuvres qui ont été présentées par l’ensemble des écoles de cinéma. Les pays représentés sont Israël, le Royaume-Uni, l’Argentine, la Hongrie, la Roumanie, l’Inde, la Suisse, les États-Unis, la Corée du Sud, la France, la Pologne, le Portugal, l’Allemagne ainsi que la Slovénie, dont un film est sélectionné pour la première fois.
Films sélectionnés
Shaylee ATARY – NEURIM – The Steve Tisch School of Film & Television, Tel Aviv University – 30’ – Israël
Toby AUBERG – PILE – Royal College of Art – 4’ – Royaume-Uni
Santiago BARZI – MURALLA CHINA – Universidad del Cine – 17′ – Argentine
Márk BELEZNAI – AGAPÉ – Budapest Metropolitan University – 16′ – Hongrie
Lucia CHICOS – CONTRAINDICATII – UNATC « I. L. CARAGIALE » – 19′ – Roumanie
Tzor EDERY & Tom PREZMAN – TAMOU – Bezalel Academy of Arts and Design – 10′ – Israël
Ashmita GUHA NEOGI – CATDOG – Film and Television Institute of India – 21′ – Inde
Sarah IMSAND – LE CHANT DE L’OISEAU – HEAD Genève – 19′ – Suisse
Matjaž JAMNIK – NIHČE NI REKEL, DA TE MORAM IMETI RAD –
UL AGRFT – 18′ – Slovénie
KEFF – TAIPEI SUICIDE STORY – NYU Tisch School of the Arts – 45′ – États-Unis
KIM Min-Ju – SEONGINSIK – Soongsil University – 22′ – Corée du Sud
Timothée MAUBREY – CARCASSE – La Fémis – 33′ – France
Yelyzaveta PYSMAK – JA I MOJA GRUBA DUPA – The Polish National Film School in Lodz – 10′ – Pologne
Afonso & Bernardo RAPAZOTE – CORTE – Escola Superior de Teatro e Cinema – 28′ – Portugal
Elsa ROSENGREN – I WANT TO RETURN RETURN RETURN – DFFB – 32′ – Allemagne
Mitchelle TAMARIZ – EN AVANT – La Poudrière – 4′ – France
ZHANG Linhan – DOU ZEOI GU SI – NYU Tisch School of the Arts – 14′ – États-Unis
Synopsis : Ce film retrace la vie d’un inconnu naviguant à travers ses souvenirs de jeunesse en Bulgarie, lesquels le ramènent à la mélancolie et au déracinement croissants qui plombent son existence d’adulte au Canada.
Genre : Animation
Durée : 27’
Pays : Canada
Année : 2019
Réalisation : Theodore Ushev
Animation : Theodore Ushev
Scénario : Theodore Ushev
Musique : Shitty City et Yesterday’s fire de Moonface ; Hungarian Quick March de Franz Liszt ; The Safety Dance de Men Without Hats ; Fuga de Kottarashky ; The Hebrides op. 26, Figals caves de Felix Mendelssohn ; Symphony No. 8 in B minor, D 759 de Franz Schubert ; Tous les garçons et les filles de Françoise Hardy
Theodore Ushev, réalisateur et dessinateur québécois d’origine bulgare, est depuis plusieurs années un habitué incontesté du Festival d’animation d’Annecy où il a été récompensé à de multiples reprises. Pour cette édition en ligne 2020, le cinéaste a été élu grand gagnant du festival en remportant à la fois le prix FRIPESCI et pour la première fois de sa carrière le Cristal du court métrage avec son dernier film Physique de la tristesse.
Véritable œuvre d’art, Physique de la tristesse est le tout premier court métrage d’animation réalisé entièrement à l’encaustique. Ancienne technique de peinture à la cire fondue principalement utilisée durant l’Égypte ancienne, l’encaustique a la fâcheuse particularité d’être particulièrement difficile à manier dû à la rapidité de son séchage. De quoi représenter un défi colossal pour le réalisateur, qui a commencé à penser ce projet en 2011 et pour qui il aura fallu sept longues années de travail, de peinture et de photographies pour en achever la production.
Une fiction que Theodore Ushev s’est réappropriée et a rattachée à sa propre histoire pour offrir finalement un film très personnel. Comme son personnage, le réalisateur est lui aussi d’origine bulgare et a migré pour Montréal, à ces similarités s’ajoute sa propre relation avec son père. Le réalisateur découvre et apprend grâce à son père l’encaustique et ils commencent à travailler ensemble sur ce film. Le décès de ce dernier avant la fin du court métrage rend le processus particulièrement difficile pour le cinéaste.
Ce court métrage de 27 minutes, inspiré du roman bulgare Physique de la mélancolie de Guéorgui Gospodinov, retrace les souvenirs et les évènements de la vie d’un homme inconnu empreint de tristesse et de mélancolie. Narré par Xavier Dolan, le film raconte l’histoire d’un individu mais aussi l’Histoire de l’Humanité, toutes les deux accompagnées par leurs mythes et leur obscurité.
Né en 1968, le narrateur voit sa jeunesse marquée par quelques émois amoureux, mais essentiellement par les instabilités politiques, notamment par la guerre froide. On découvre ainsi par un récit fragmenté, son enfance affligée par la perte de l’être aimé, sa jeunesse à l’armée, puis finalement son départ pour le Canada et sa vie d’adulte vide de sens.
Dans Physique de la tristesse, le narrateur se retrouve tiraillé tout au long de sa vie entre sa propre individualité et cette mémoire universelle qui s’impose à lui tel un gouffre. Perdu dans son propre labyrinthe de souvenirs, il est défini uniquement par le passé et est incapable de concevoir sa propre identité. Le court métrage représente la crise identitaire déchirante et la profonde détresse du personnage et raconte ainsi la destinée d’un homme qui ne peut être sauvé de lui-même. En ce sens, il est intéressant de noter comment la technique de l’animation rend compte à merveille du trouble qui imprègne la vie du narrateur, puisque l’encaustique, ne pouvant mettre l’accent sur les détails, a l’avantage de mettre en exergue le flou et l’indistinct.
Ensuite, le court métrage montre comment le temps s’écoule inexorablement et qu’avec lui rien ne dure. Les objets d’une vie se perdent, les personnes qui ont un jour compté dans notre existence s’éloignent et il ne reste plus que quelques minces souvenirs auxquels se rattacher. La thèse ainsi défendue et illustrée avec un sombre réalisme par ce court métrage est que le temps implique nécessairement l’abandon de notre passé, de notre jeunesse et finalement d’une part de notre identité. Lorsque le narrateur migre pour le Canada, il expérimente cette séparation avec une partie de lui-même.
Déraciné de sa propre existence, le narrateur ressent une profonde lassitude à vivre si bien que la mélancolie finit par l’envahir pleinement. Theodore Ushev peint là le tableau déchirant d’un homme habité par la solitude et la tristesse qui ne trouvera jamais du réconfort auprès des autres, que ce soit dans le mariage ou dans la paternité.
Physique de la tristesse est un court métrage qui réussit à explorer avec sagesse et surtout avec une incroyable sensibilité des concepts complexes comme l’Identité, le Temps ou encore l’Existence. Sondant le désespoir et l’accablement qu’un homme peut éprouver au cours de sa vie, Théodore Ushev offre ici un court métrage bouleversant qui nous immerge dans la fin d’un individu et sa propre fin du monde.
On l’attendait, la voici. La sélection des 11 courts-métrages en compétition officielle à Cannes 2020 a été rendue publique ce vendredi 19 juin.
Comme l’annonce le communiqué, 3 810 œuvres venant de 137 pays différents ont été visionnées par le comité de sélection contre 4 240 l’année dernière. Les 11 courts-métrages sont issus de 12 pays différents. Cinq réalisatrices font partie de cette sélection.
La Compétition des courts métrages, à l’issue de laquelle la Palme d’or sera décernée par le Jury, se déroulera à l’automne prochain, à Cannes, dans le Palais des Festivals. La date de l’événement, ainsi que la composition du Jury, seront dévoilées très prochainement. On vous tiendra bien entendu informés !
Films en compétition
I am afraid to forget your face de Sameh Alaa (Égypte) – 15’ – Egypte, France, Belgique, Qatar
Filles bleues, peur blanche de Marie Jacotey & Lola Halifa-Legrand (France) – Animation – 10’ – France
Motorway65 de Evi Kalogiropoulou (Grèce) – 14’ – Grèce
Sudden Light de Sophie Littman (Royaume-Uni) – 14’ – Royaume-Uni
Son of Sodom de Theo Montoya (Colombie) – Documentaire – 15’ – Colombie, Argentine
Camille sans contact de Paul Nouhet (France) – 15’ – France
O Cordeiro De Deus (L’agneau de Dieu) de David Pinheiro Vicente (Portugal) – 15’ – Portugal, France
Shiluus de Lkhagvadulam Purev-Ochir (Mongolie) – 13’ – Mongolie, Royaume Uni
Benjamin, Benny, Ben de Paul Shkordoff (Canada) – 7’ – Canada
Stéphanie de Leonardo Van Dijl (Belgique) – 15’ – Belgique
David de Zachary Woods (États-Unis) – 11’ – États-Unis
Après vous avoir proposé notre tout premier Quiz en avril dernier, puis un deuxième consacré au Festival de Cannes en mai, en voici un nouveau dédié au cinéma d’animation. Côté actu, le Festival d’animation d’Annecy qui a démarré en ligne le 15 juin se terminera le 30 juin prochain. C’est le moment de faire le point sur vos connaissances en anim’, le tout en 10 questions.
Cette année, et pour la première fois en 29 ans d’existence, le festival Côté Court de Pantin ne pourra pas se dérouler, comme à son habitude au cinéma 104 mais se fera, comme beaucoup d’autres, en ligne.
Il se tiendra du 17 au 27 juin sur le site du festival, aucune inscription n’est nécessaire et les films seront visibles pendant 6 jours.
Côté Court, spécialisé dans la création cinématographique française, nous a, pour rappel, fait découvrir de nombreux réalisateurs, du court, aujourd’hui passé au long tels que Yann Gonzalez (Un couteau dans le coeur) ou encore Katell Quillévéré (Réparer les vivants).
Cette année encore, le festival nous propose une sélection de films français éclectique avec de la fiction, du documentaire, des films-essais ou encore des vidéos artistiques.
Au programme : 5 sections, dont 3 compétitions : Fiction et Essaie, Art vidéo et Prospective cinéma, une nouveauté, permettant de mettre en avant les moyens-métrages.
Le reste de la programmation se répartie dans la section Panorama, reflet de la richesse de la création contemporaine et Ecran Libre, mettant en avant des oeuvres expérimentales.
On retrouve, pour cette édition, des réalisateurs dont nous vous avions déjà parlé à Format Court, avec notamment, la réalisatrice Sigrid Bouaziz et son film en compétition Art vidéo, 1998, évoquant des souvenirs de jeunesse.
1998, Sigrid Bouaziz
C’est aussi l’occasion de revoir Electric Swan de Konstantina Kotzamani (compétition Prospective cinéma), déjà diffusé ici pendant le We Are One Festival ou encore L’Heure de L’oursd’Agnès Patron dans la section Panorama.
De plus, le festival, non satisfait d’une édition en ligne, et peiné par le manque relationnel que cela entraîne, tient tout de même à conserver un minimum d’échange entre les professionnels et leurs publics. Ainsi, des discussions, rencontres en lives et chats ont été mis en place tout au long de l’évènement.
C’est au total, plus de 150 films à voir gratuitement, retrouvez le programme ici, avec les liens direct pour visionner les films. Il est aussi possible de faire un don pour soutenir les actions du festival.
À l’occasion de la 60ème édition du Festival d’Annecy qui commence aujourd’hui et qui se tient exceptionnellement online cette année en raison de la crise sanitaire, nous revenons sur 5 coups de cœur issus de l’édition de l’année passée.
L’un de ces films, The Girl in the Highway de Valerie Barnhart, fait par ailleurs partie de notre sélection de 16 courts-métrages programmés entre 2002 et 2020 au festival, tous accessibles en ligne, mis en avant sur notre site et nos réseaux à partir de ce lundi 15 juin 2020.
My Generation de Ludovic Houplain (France)
My Generation est le dernier court métrage de Ludovic Houplain multiprimé en son temps pour Logorama. My Generation, court-métrage explosif à l’esthétique neo-pop, dresse un état des lieux de notre monde contemporain. Dans cet inventaire, tout y passe, l’art, les GAFA, le sport, la religion, la pornographie, la politique, les finances…C’est aussi un voyage à travers le temps que l’on visite. Depuis Logorama, 10 ans ont passé. De la société de consommation, on passe une société hyper connectée. Dans My Generation, un long travelling de 8 minutes traverse notre époque, sans jugement, dressant ainsi un constat de l’aliénation du monde moderne. Devant ce long plan-séquence, en caméra subjective, le spectateur est embarqué dans une voiture invisible qui roule en marche arrière à toute allure faisant défiler devant lui les logos, les enseignes, les personnages qui peut-être deviendront demain les vestiges de notre temps….
Je sors acheter des cigarettes d’Osman Cerfon (France)
Osman Cerfon dont les films ont souvent été sélectionnés et primés dans de nombreux festivals (Chronique de la poisse ou Comme des lapins…) abordait l’an passé dans son dernier court métrage, Je sors acheter des cigarettes, le thème de la famille. Dans son film aux couleurs pastel, Osman Cerfon nous montre les difficultés de la famille monoparentale. Jonathan un garçon de douze ans qui vit, ou plutôt cohabite avec sa mère et sa sœur, voit son père partout, recroquevillé dans les placards, planqué dans la machine à laver ou encore dans l’aspirateur…. À travers une mise en scène surréaliste, Osman Cerfon nous plonge dans la tête de Jonathan avec beaucoup d’humour et de tendresse. Les visions loufoques de l’adolescent traduisent le manque de son père absent et la difficulté de vivre sans lui car après tout, il est seulement sorti quelques minutes, le temps d’acheter des cigarettes…
Acid Rain de Tomek Popakul (Pologne)
Film polonais au style graphique dans la mouvance punk, Acid Rain nous emmène dans l’univers des rave party des années 90. Un travail remarquable est à saluer sur le son et la musique pour illustrer l’errance, fil conducteur du film. De longues séquences électro proches de l’expérimental viennent rythmer les délires visuels psychédéliques des deux personnages sous l’emprise de psychotropes. Dans ce film sous acide, on suit les déambulations d’une jeune fille qui semble avoir fugué et qui fera la rencontre de Skinny avec qui elle partagera un bout de chemin. Ce road-movie en caravane nous plonge dans l’atmosphère oppressante de la jeunesse désenchantée des pays de l’Est.
Oncle Thomas – La comptabilité des jours de Régina Pessoa (Canada, France, Portugal)
Histoire tragique avec fin heureuse ou encore Kali le petit vampire : les films de Régina Pessoa ont en commun une prédilection pour l’enfance. Son quatrième court ne déroge pas à la règle. La réalisatrice nous parle directement de son enfance et de son oncle Thomas qui a eu une influence déterminante dans sa vie d’artiste. Dans son court-métrage, Oncle Thomas représente cet oncle à qui elle rend hommage. Accompagnée par sa propre voix en off, elle nous transporte dans les souvenirs de la maison de sa grand-mère. On découvre cet oncle excentrique qui tenait une comptabilité de chaque chose et pour qui elle vouait une tendresse et une admiration sans faille. C’est aussi l’oncle Thomas qui lui a appris à dessiner sur les murs de chaux avec du charbon de bois… On retrouve d’ailleurs dans chacun des courts-métrage de Régina Pessoa ce style graphique qui lui est propre, celui de l’effet gravure, qui a une origine directe avec la pratique du dessin de son enfance. Dans une atmosphère tamisée aux nuances sépia, ponctuée par des touches de couleurs qui viennent rythmer les souvenirs, elle nous livre ici un bel hommage à son oncle.
Girl in the Hallway de Valerie Barnhart (Canada)
Girl in the Hallway de Valerie Barnhart est un film bouleversant sur le kidnapping d’une petite fille dont le scénario est magistralement mis en scène. À travers un témoignage en voix off, un homme nous raconte l’histoire de cette fillette qui attendait chaque jour dans le couloir de son immeuble le retour de sa mère partie travailler. Laissée à l’abandon, elle allait régulièrement frapper aux portes de ses voisins qui ne la laissaient pas rentrer jusqu’au jour où elle ne vint plus frapper aux portes… Ce film poignant dont les diverses techniques d’animation 2D servent le sujet à la perfection (sable, papier découpé, crayon….) traduisent parfaitement les émotions d’angoisse et de solitude de l’enfant.
Une palette de couleurs sombres renvoie à l’atmosphère inquiétante de l’abandon. Livrée à elle-même, la petite cherche du réconfort auprès de ses voisins de palier qui restent sourds à sa demande… Critique sur l’individualisme, le rejet et l’indifférence qui, parfois, peuvent être fatals, Girl in the Highway fait également partie du focus que nous consacrerons à partir de ce lundi à Annecy.
Ce lundi 15 juin 2020, le Festival international du film d’animation d’Annecy aurait dû prendre place dans la « Venise des Alpes » et fêter ses 60 ans d’existence.
Cette année, comme beaucoup d’autres festivals, il se tiendra en ligne. On vous invite d’ailleurs à le suivre sur le web, le festival étant accessible à tous pour 15 euros.
Pour accompagner l’évènement, nous avons décidé de diffuser quelques perles du court, accessibles en ligne, programmées à Annecy de 2002 à aujourd’hui.
Les 16 courts-métrages retenus seront partagés sur notre site et sur nos réseaux, à raison d’un film par jour, du 15 au 30 juin, dates auxquelles le festival se tiendra cette année virtuellement.
JOUR 16 : Atama Yama, Koji YAMAMURA, 2002, Japon
Le dicton « Il n’y a pas de petites économies » est poussé à l’extrême dans cette adaptation étonnante et drôle du rakugo japonais « Ataya Yama ». Un vieillard avare se retrouve avec un cerisier sur la tête après avoir mangé des noyaux de cerises afin de ne rien gaspiller…Une situation insolite avec un dénouement inattendu font de ce court métrage d’animation primé du Cristal d’Anneyc en 2003 un vrai moment de pur plaisir.
JOUR 15 : Overtime, Oury ATLAN, Thibaut BERLAND, Damien FERRIÉ, 2004, France
Réalisé par trois anciens de Supinfocom, « Overtime » se partage entre nostalgie, poésie et mélancolie. Film-hommage à Jim Henson, le créateur des Muppets, ce court métrage bicolore orchestre, le temps de quelques partitions kletzmer, un réjouissant ballet chorégraphique en images de synthèse. « Overtime » renvoie l’homme à son côté obscur en même temps qu’il inscrit avec rythme les mouvements de pantins-amphibiens dans la postérité d’une fable graphique.
JOUR 14 : KJFG n°5, Alexey ALEKSEEV, 2007, Hongrie
« KJFG n°5 » est une animation musicale absurde mettant en scène nos amis, les animaux des bois. Lauréat du prix SACEM de la musique originale au Festival d’Annecy en 2008, ce sketch hongrois épatant laisse un air ridicule dans la tête et un sourire joyeux sur les lèvres.
JOUR 13 : Slavar, Hanna HEILBORN, David ARONOWITSCH, 2008, Suède
Documentaire animé sur l’esclavage infantile au Soudan, « Slavar » de Hanna Heilborn et de David Aronowitsh a remporté en 2009 le Prix Unicef ainsi que le prestigieux Cristal d’Annecy. À partir d’une interview, le court métrage retrace la triste histoire d’Abuk, 9 ans et de Machiek, 15 ans, anciens esclaves d’une milice militairesoudanaise.
JOUR 12 : El empleo, Santiago Bou Grasso, 2008, Argentine
Mêlant subtilement passivité du quotidien, individus-objets et sobriété du dessin, « El Empleo », de Santiago Grasso, est le tout premier film argentin primé à Annecy depuis la création du festival. Prix Fipresci à Annecy en 2009, le film livre, entre critique sociétale et humour raffiné, un regard différent et original sur les notions de travail, de monde en crise et d’exploitation de l’homme par l’homme.
JOUR 11 : Western Spaghetti, PES, 2008, USA
Les spaghettis à la sauce tomate façon PES, dont les ingrédients secrets sont de la stop motion, un peu de magie, de l’humour et beaucoup d’imagination sauront ravir vos papilles. Avec l’aide de matériaux banaux que l’on trouve dans n’importe quelle maison, le réalisateur crée un plat hors du commun. Son insolite recette de pâtes, primée par le Public d’Annecy en 2009, ravira les gourmets de l’animation. Temps de dégustation : 1’45’’.
JOUR 10 : Edmond était un âne, Franck Dion, 2012, France, Canada
Edmond est petit, esseulé, différent, étrange. Un jour, ses collègues jaloux le couvrent d’un bonnet d’âne. Edmond devient un phénomène de foire mais il trouve étonnement dans ce couvre-chef inattendu une révélation et un apaisement au point de ne plus vouloir le quitter au grand dam de ses collègues et de son épouse. Ode absolue à la tolérance, « Edmond était un âne » de Franck Dion est un film précieux, lumineux, bouleversant et époustouflant de maîtrise, très justement récompensé du Prix spécial du Jury à Annecy en 2012.
JOUR 9 :I am Tom Moody, Ainslie Henderon, 2013, Royaume-Uni
Lauréat du Prix spécial du jury à Annecy en 2013 et Prix Format Court du meilleur film d’école au festival Anima la même année à Bruxelles, « I Am Tom Moody » d’Ainslie Henderson est un conte touchant sur les rêves brisés et la confrontation avec ses démons intérieurs.
JOUR 8 : Guida, Rosana Urbes, 2014, Brésil
Rosana Urbes, première femme brésilienne à être sélectionnée et primée à Annecy avec son court-métrage « Guida » (Mention du jury Fipresci, Prix « Jean-Luc Xiberras » de la première œuvre), nous livrait en 2014 un charmant projet autour de l’acceptation de soi, de son corps et du regard d’autrui (une femme entre deux âges décide de poser nue pour des séances de modèle vivant et se révèle à elle-même et aux autres), le tout accompagné d’une superbe musique (signée Gustavo Kurlat et Ruben Feffer) et de croquis inachevés.
JOUR 7 : Negative space, Max Porter, Ru Kuwahata, 2017, France
“Negative Space”, réalisé par Ru Kuwahata et Max Porter, en lice aux Oscars 2018, raconte l’histoire de Sam et de sa relation particulière avec son père qui n’est quasiment jamais à la maison. Pourtant, un lien très fort l’unit à lui : il lui a en effet enseigné comment faire sa valise le plus rapidement et efficacement possible, de manière à ne laisser aucun espace vide. Cette animation en stop-motion nous emmène dans l’intimité de ces personnages, dont l’histoire métaphorique résonne en chacun de nous.
JOUR 6 : Happyness, Steve Cutts, 2018, Royaume-Uni
La quête du bonheur, du plaisir et de l’amour ne connaît pas de limites. Dans « Happiness », Prix CANAL+ en 2018 à Annecy, Steve Cutts nous renvoie une image directe et forte de notre société avide d’un consumérisme effréné. Nous sommes tous des rats, pris dans un tourbillon sans fin. Il faut toujours plus, toujours mieux, et tout est bon pour y arriver : la drogue, l’alcool, le sexe, les médocs… Mais comme nous le rappelle cette vidéo satirique et pleine d’humour, on a beau chercher, le bonheur reste hors d’atteinte, et pour couronner le tout, le Dieu Dollar nous prend dans son étau impitoyable.
JOUR 5 : Girl in the Hallway, Valerie Barnhart, 2019, Canada
Prix Festivals Connexion – Région Auvergne-Rhône-Alpes à Annecy en 2019, Girl in the Hallway de Valerie Barnhart est un film bouleversant sur le kidnapping d’une petite fille dont le scénario est magistralement mis en scène. Adapté de l’histoire du Petit Chaperon Rouge et revisité en un conte cauchemardesque, le film témoigne, à travers la voix off du narrateur, du triste destin d’une petite fille livrée à elle-même. Ce court métrage offre une critique passionnante sur l’individualisme, le rejet et l’indifférence.
JOUR 4 : Catgot, Ho Tsz Wing 2020, Chine
Annecy accueille au sein de sa compétition de films de fin d’études le magnifique “Catgot”, réalisé par l’animateur hongkongais Ho Tsz Wing. Ce très court expérimental de 3 minutes offre une explosion de couleurs sur fond noir dans une ambiance électro sympa. L’objectif de l’auteur : “présenter une performance de fontaine de manière abstraite”. Pari réussi, tout juste récompensé du Prix du Jury Jeunes pour un film de fin d’études 2020.
JOUR 3 : « Mashrou’ Leila – Radio Romance » , Vladimir Mavounia-Kouka », 2020, France, Liban
Sélectionné cette année en compétition officielle au Festival d’Annecy, le clip « Mashrou’ Leila – Radio Romance » du réalisateur Vladimir Mavounia-Kouka nous emporte au cœur d’une histoire d’amour.
Dans ce clip, deux femmes s’élancent dans une danse charnelle mais sont constamment repoussées l’une de l’autre par des obstacles symbolisant l’homophobie ou encore le racisme. Un rêve en bleu et orange qui débute par cette maxime « Love is resistance » et qui finit par s’évanouir sur un tendre baiser.
JOUR 2 : « Le Passant », Pieter Coudyzer, 2019, Belgique
En compétition officielle au Festival d’Annecy cette année, “Le Passant” de Pieter Coudyzer est un film incroyable, disponible sur Court-Circuit. Imaginé de manière chronométrée autour d’un travelling latéral, ce court-métrage belge évoque deux destins croisés : ceux de jeunes garçons habitant dans la même rue. Visuellement et scénaristiquement, le film émouvant à souhait est un grand moment de cinéma.
JOUR 1 : « No, I Don’t Want to Dance », Andrea Vinciguerra, 2020, Royaume-Uni, Italie
Pour ouvrir notre focus consacré au Festival international du film d’animation d’Annecy, voici “No, I Don’t Want to Dance” réalisé par Andrea Vinciguerra, distribué par Autour de Minuit et mis en ligne par Court-Circuit. Le film, en compétition officielle cette année à Annecy, dépeint en moins de 3 minutes, une joyeuse satire de notre société. Marionnettes en laine, sens de l’absurde, rythme maîtrisé et crise de nerfs au rendez-vous !
Ce samedi 6 juin 2020 se clôturait la 28ème édition du festival franco-belge Le Court en dit long. Une édition un peu spéciale, compte tenu de la situation internationale, qui s’est déroulée entièrement en ligne. C’est ainsi que 34 courts métrages, répartis en 6 programmes à thème, ont été diffusés gratuitement en ligne du 1er juin au 6 juin. Une large sélection dans laquelle Format Court a le plaisir de vous partager ses coups de cœur.
Grand gagnant du festival, Matriochkas de Bérangère McNeese a raflé à la fois le Grand Prix et le Prix d’interprétation féminine attribué à la jeune actrice Héloïse Volle.
Anna, adolescente de 16 ans, vit aux cotés de sa jeune mère Rebecca et de ses petits amis qui s’enchaînent semaine après semaine. C’est sous le soleil ardent du sud de la France qu’Anna, qui n’en est qu’à l’éveil de sa sexualité, tombe alors enceinte. Une grossesse qui résonne aussitôt comme une seconde chance pour sa mère-enfant, qui autant emballée qu’inconsciente des désirs d’Anna, fera pression sur cette dernière.
Si le schéma semble se reproduire de mère en fille, à l’image de ces poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres, Anna rejette ce destin et tente de trouver une échappatoire, aidée par l’un des amants de sa mère. Un homme réservé qui s’inquiète sincèrement du sort d’Anna, sans jamais la juger ou lui imposer sa volonté.
Avec l’excellent trio d’acteurs (Héloïse Volle, Victoire du Bois et Guillaume Duhesme), la comédienne et réalisatrice, Bérangère McNeese remet en cause avec justesse la représentation idyllique qui auréole parfois la maternité. Elle explore cette période de la vie d’une femme de façon plus réaliste et plus terre à terre avec Anna, mais aussi avec Rebecca qui, même en étant mère, reste une femme avec des désirs et son besoin de séduction.
Un film dont l’atmosphère joue aussi considérablement sur l’ambivalence et les contradictions de ses personnages. Notamment, avec Rebecca qui tout en veillant maternellement sur sa fille, cherche à être sa copine et la laisse fumer et boire en sa présence. Autre exemple avec Anna qui est à la fois cette ado véhémente et agressive mais aussi une enfant fragile que l’on aimerait à tout prix protéger.
Un autre court métrage qui a attiré notre attention est le film d’animation La visite de Guillaume Cuisset. Il met en scène une maison qui semble déserte où une multitude d’insectes surgissent de tous les côtés. Mouches, fourmis, cloportes, cafards, vers et araignées grouillent et prolifèrent dans les restes de nourriture oubliés, dans les meubles poussiéreux ainsi que dans chaque recoin. Une invasion à taille réduite qui ne fait que grandir et prendre de l’ampleur jusqu’à cette chute dont l’humour noir ne manque pas de mordant.
Le court métrage provoque volontairement le dégoût de ses spectateurs par ses bestioles et se veut presque choquant par sa fin. Une animation en noir et blanc permettant de mettre en exergue les insectes, qui à mesure que la musique s’accélère, pullulent et augmentent en nombre. Si La visite ne cherche pas tant à être moralisatrice, son objectif reste de marquer les esprits pour mieux transmettre sa leçon de morale, déjà annoncée dans le titre. Arachnophobes et phobiques des insectes, s’abstenir !
Autre court métrage qui nous marqué est celui du réalisateur et comédien brésilien Páris Cannes, Le dragon a deux têtes, présenté dans le programme « Émergence : écoles et ateliers », et ayant reçu la Mention spéciale du jury dans le domaine « Art & Essai ».
Deux frères jumeaux ont fait le choix de quitter tous deux leur pays natal, le Brésil, pour se réfugier en Europe et ainsi assumer sans crainte leur homosexualité. Si l’un vit librement à Bruxelles, le second frère, lui, vit comme immigré clandestin à Berlin et doit demeurer caché aux yeux des autorités. Une situation qui se complique lorsque ce dernier se blesse gravement dans un simple accident. Un évènement alarmant qui coïncide alors avec l’ascension populaire du candidat à la présidentielle brésilienne, profondément intégriste, Jair Bolsonaro.
La géographie dans ce court métrage illustre dans quelle mesure deux êtres en tous points identiques peuvent vivre des réalités différentes et injustes à une même époque. Une injustice géographique qui définit s’il est possible ou non d’assumer pleinement son identité, personnelle autant administrative, que ce soit aussi bien au Brésil qu’en Europe.
Ce qui est tout à fait remarquable dans ce court métrage c’est la façon dont le réalisateur brésilien mélange, avec finesse, fiction et documentaire pour montrer la réalité foncièrement conservatrice et cruelle vis-à-vis des minorités qui se cache derrière l’imaginaire paradisiaque et exotique du Brésil. Le dragon a deux têtes, par un écran divisé en deux, oppose en images la solidarité des deux frères et leur amour infaillible face à la peur et la haine que répandent des hommes comme Bolsonaro.
Toujours dans le programme dédié au thème « Émergence : écoles et ateliers », Format Court a eu un penchant pour Ceci n’est pas une valise, le court métrage de fin d’étude de Lou du Pontavice, lauréat du Prix Coup de Cœur RTBF-La Trois.
Chauffeur de taxi, Guy (Wim Willaert) doit se rendre à Londres en train pour rejoindre sa fille qui se marie dans la journée. Mais une petite fille congolaise, Maïssa, 7 ans, s’est glissée à son insu dans sa valise et cherche aussi à se rendre à tout prix à Londres. D’abord catégorique, puis hésitant, cet homme un peu empoté s’embarque alors de plein cœur dans une aventure qui le dépasse, où s’enchainent des péripéties toujours plus amusantes et insurmontables les unes que les autres.
Une comédie qui, par son humour et par sa légèreté, parvient à contourner avec simplicité la gravité qui est souvent associée au sujet de l’immigration clandestine sans jamais démentir sa dangereuse réalité.
À noter que le lundi 30 novembre, le Festival le Court en dit Long conviera son jury ainsi que ses lauréats au Centre Wallonie-Bruxelles Paris, pour officialiser la remise des prix ainsi que pour proposer la projection des courts métrages primés lors de cette riche compétition virtuelle. Une façon de conclure en beauté cette édition en ligne inédite qui marquera certainement l’histoire du festival !
Synopsis : Victor Frankenstein est un jeune étudiant de sciences naturelles. Il essaie de créer la créature parfaite, en mélangeant des éléments chimiques dans un grand chaudron. Malheureusement, sa créature est un monstre laid et violent qui attaque sans provocation.
Genre : Fiction
Durée : 12’42 »
Pays : États-Unis
Année : 1910
Réalisation : James Searle Dawley
Scénario : James Searle Dawley, d’après le roman de Mary Shelley
Interprétation : Augustus Phillips, Charles Ogle, Mary Fuller
Inutile, sans doute, de présenter le célèbre Docteur Frankenstein et son abominable création. L’un savant fou dépourvu de toute conscience morale, l’autre simple amas de cadavres cousus ensemble, maudissant la vie et celui qui l’a lui a donnée. Les héros du roman de Mary Shelley, publié en 1818, sont, à l’image d’un Dracula ou d’un Mister Hyde, devenus des archétypes fondamentaux de l’imagerie gothique. Et, tout comme le comte vampire et le double maléfique du docteur Jekyll, le créateur et la créature ont conquis, très tôt, à la fois le cinéma et la culture populaire. Si chacun conserve en mémoire le film de 1931, réalisé par James Whale, avec un Boris Karloff devenu, depuis, iconique, plusieurs adaptations antérieures sont aujourd’hui tombées dans l’oubli. La première d’entre elles, réalisée par le prolifique James Searle Dawley pour le compte de Thomas Edison dans le courant de l’année 1910, n’est probablement pas la moins originale, ni la moins horrifique.
Le film s’ouvre sur un jeune Victor Frankenstein quittant sa famille afin de poursuivre ses études à l’université. Le temps d’un intertitre, nous voilà deux ans plus tard, dans le laboratoire de l’apprenti médecin, alors que celui-ci vient de découvrir « le secret de la vie ». En apparence, ces premières minutes elliptiques suivent encore d’assez près la trame du roman. Pourtant, déjà, les libertés du cinéaste affleurent. Frankenstein, assis sur un trône ancien, joue avec un globe dans son bureau, cerné de crânes, de sculptures anatomiques, de vieux grimoires, mais aussi d’une harpe, une chandelle, ou encore un sablier. Le plan n’est pas sans rappeler, par certains aspects, le Melencolia de Dürer, notamment par ce foisonnement de symboles ésotériques. Nous sommes bien loin de la représentation du scientifique en blouse blanche, entouré de machines, d’alambics et d’éclairs. Ici, nous sommes sur le terrain de l’allégorie, presque de la fable mythologique : l’homme érudit, créateur omniscient, versé aussi bien dans les sciences que dans les arts ou la magie, ordonnateur d’une nature nouvelle, inverseur du flux de la vie et de la mort, et grand rival de Dieu. Plus tard, nous le verrons se diriger vers son laboratoire, une chandelle à la main, prêt à donner la vie ; référence à peine voilée au Prométhée porteur de feu auquel, dès le sous-titre du roman originel, le docteur Frankenstein est comparé.
Nous nous éloignons plus encore du folklore scientifique dans la séquence suivante, qui voit la naissance du monstre. Impossible, aujourd’hui, quand nous tentons de nous représenter cette scène, de ne pas imaginer un corps ligoté sur un lit de métal, et frappé par la foudre. Mais James Searle Dawley a ses propres références. L’opération créatrice accomplie par le docteur tient plus de la sorcellerie et de l’alchimie que de la chirurgie. Frankenstein jette des poudres et d’autres substances étranges dans un chaudron géant, déclenchant geysers et nuages de fumée. Un squelette immobile, réminiscence d’expériences passées, est son seul témoin. Les alchimistes médiévaux croyaient qu’il était possible, via le travail du feu, du souffre et du mercure, de créer la vie, de créer, de toutes pièces, un pseudo humain : l’homoncule. C’est à la conception de cet homoncule que nous assistons. Victor Frankenstein enferme son chaudron dans un énorme four – l’athanor des alchimistes – et laisse le feu agir. Au travers d’une petite écoutille, il regarde son Grand Œuvre s’accomplir. Avec lui nous voyons, émerger du chaudron, un monticule de chair carbonisé, un bras squelettique, un corps décharné… Pour l’époque, et même encore aujourd’hui, la naissance de la créature est terriblement impactante. La détérioration de la pellicule compense la maladresse des effets spéciaux, et il n’est pas difficile, à travers le grain et les rayures, de faire fonctionner son imagination, et de voir, en lieu et place d’un mannequin de papier mâché consumé par les flammes, un véritable corps poisseux, gluant, mort-vivant informe, émergeant du grand chaudron. Nous sommes peut-être là face à l’un des pionniers du gore, plus proche des résurrections sanguinolentes de Hellraiser que des sages frissons offerts par les films de la Universal.
La créature nous est enfin dévoilée dans une scène assez typique de la manière dont, à l’époque, beaucoup envisagent le cinéma. Tout comme la photographie à ses débuts, le cinéma puise, dès ses origines, son inspiration dans la peinture. Dès 1896, les frères Lumière dévoilent le premier péplum de l’histoire, Néron essayant des poisons sur des esclaves, reproduction mouvante d’un dessin de Joseph-Noël Sylvestre. En 1908, André Calmettes et Charles Le Bargy inaugurent le concept de « film d’art » avec L’Assassinat du Duc de Guise, dont une scène s’inspire du célèbre tableau de Paul Delaroche. En 1911, soit un an après le film qui nous occupe, sortira la monumentale adaptation de la Divine Comédie produite par la Milano Films, dont les cinquante-quatre tableaux reconstituent fidèlement les gravures de Gustave Doré. Revenons à Frankenstein. Le docteur, en proie à la panique, se réfugie dans sa chambre, et s’évanouit sur son lit. Au dessus de lui, de grands rideaux sombres s’écartent, dévoilant le visage de l’abomination. Le monstre ne ressemble en rien à l’idée que l’on peut s’en faire depuis le film de la Universal. Homme-bête terrifiant, velu, bossu, griffu, au visage difforme, il semble plus inspiré de Quasimodo (dont les représentations au théâtre et, bientôt, au cinéma, fleurissent à l’époque) que de la figure de mort-vivant que l’on voudrait maintenant imaginer. La scène convoque évidement Le Cauchemar de Johann Heinrich Füssli, et plus particulièrement la version de 1791, aujourd’hui conservée à la Goethe-Haus. Le monstre s’en trouve associé à toutes les significations du tableau lui-même, relégué à la fois au monde des rêves et à l’imaginaire démoniaque, associé à l’imagerie gothique traditionnelle et, parallèlement, aux récentes théories psychanalytiques avancées par Sigmund Freud. En aucun cas, cependant, la créature n’est symboliquement liée à la science, à ses folies et à ses dérives. Le livre et le film se font peu à peu irréconciliables.
La pellicule s’achève loin, très loin du texte de Mary Shelley. Quelques péripéties s’enchaînent. La créature n’apparaît jamais à l’écran que seule avec le jeune docteur. Le reste du temps, elle disparaît, elle se cache, elle se fond dans le hors-champ. Nous commençons à nous demander si cette chose n’aurait, en réalité, de consistance, que dans l’esprit du créateur. Nous commençons à songer au Horla de Maupassant. C’est devant un miroir que tout devra se résoudre. La créature disparaît. Ne subsiste que son reflet de l’autre côté de la glace, reflet qui a son tour s’estompe, pour dévoiler le visage du docteur Frankenstein.
En 1910, les théories freudiennes commencent tout juste à se démocratiser. Le Moi, le Surmoi et le Ça n’ont pas encore été inventés par le fondateur de la psychanalyse, mais les prémisses sont déjà là : à l’individu conscient échappe tout un pan de son être, incontrôlable, insaisissable, l’inconscient. Déjà quelques années auparavant, Charcot révélait les pouvoirs de l’hypnose et de la suggestion. L’esprit échappait à la personne, devenait autre chose, révélait des injonctions secrètes. Le XIXème siècle s’est passionné pour les cas de folie, pour l’hystérie, la schizophrénie ou le dédoublement de personnalité. Nous avons cité Le Horla et L’Étrange cas du Docteur Jekyll. Nous pourrions ajouter William Wilson d’Edgar Allan Poe (1839), Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde (1891) ou Les Élixirs du Diable de Hoffmann (1916), afin de parfaire au mieux, à coups de textes gothiques et de romantisme noir, cette galerie des doubles et des doppelgängers. En un siècle où le spiritisme et la nostalgie des âges obscurs se mêle aux élans du positivisme, les poètes ne pouvaient s’épanouir qu’au travers de formes hybrides, chimères de songes et de scientisme, cauchemars repoussant les limites rationnelles de notre monde, repoussant jusque aux frontières des possibilités du cerveau humain. Le positivisme ne s’essoufflera qu’après le traumatisme de la Grande Guerre, traumatisme qui permettra à Freud, en partie malgré lui, de conquérir le monde des arts, au travers, entre autres, du dadaïsme ou du surréalisme. En 1910, le XIXème siècle établit son bilan, et le fléau n’a pas encore ébranlé le monde. James Searle Dawley, véritable artiste, ou fruit innocent de son époque, n’utilise le roman emblématique de Mary Shelley que comme justificatif d’une synthèse, synthèse des codes et des thématiques qui, probablement, ont bercé sa jeune vie. Synthèse donc, de l’imaginaire gothique, de la peinture de Füssli, de la littérature de Poe, des romans à peine considérés de Stevenson, synthèse de la poésie romantique, de l’artiste maudit, du médiévalisme incarné au travers de quelques références faustiennes, synthèse d’une science qui, effrayée de ses propres découvertes, se met à croire en tout, aux fantômes, aux démons ou à la pierre philosophale, synthèse, somme toute, de toute une époque.
Le discours de Mary Shelley quant aux déviations de la science, quant à la peur du progrès, est détourné par l’esprit du temps, réorienté vers les grandes questions de ce début de siècle, vers les mystères de la conscience, vers les mondes invisibles du spiritisme, du magnétisme, de l’hypnose et de la sorcellerie. La création telle que présentée par le film n’est plus la création technologique, mais la création au sens large, primaire, universelle, la création en tant que projection de l’esprit dans le monde, à travers le geste, la parole, l’art, la magie. La création devient ésotérique, elle communique avec le mythe, elle devient rituel occulte tout droit issu d’ères antédiluviennes. James Searle Dawley ne fait que poursuivre le syncrétisme opéré par le romantisme et le mouvement gothique – et plus généralement par le fantastique – entre mythologie, paranormal et psychologie. Jung cherchera les traces de ses archétypes primordiaux dans l’hermétisme alchimique. Avant lui, c’est par l’alchimie que Dawley symbolise la pulsion créatrice. C’est par Füssli qu’il fait apparaître, treize ans avant l’invention du terme, le Ça, l’inconscient prédateur, le cauchemar. C’est par le miroir, le jeu du double, qu’il éclaircit, enfin, la nature du monstre, fragment difforme, bestial, incontrôlable de son créateur. D’une certaine façon, le Frankenstein de Dawley est l’une des seules et l’une des meilleurs représentations du gothique littéraire, du gothique vivant du XIXème, avant que le cinéma ne se l’approprie totalement, ne le dévore, ne l’émiette, pour fonder sur ses ruines sa propre mythologie, peuplée de Karloff et de Lugosi, de Nosferatu, d’Igor bossus, d’ombres découpées, de vampires en capes rouges, et de châteaux tordus.
Pour continuer sur notre lancée, l’ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), qui vient de dévoiler sa sélection, accueille également certains cinéastes passés par le court. Voici lesquels, film à l’appui.
Pandore, Ilan Klipper (co-réalisé avec Virgil Vernier), 2010, France (sélectionné à l’ACID avec « Funambules »)
Je suis touché, Marie Dumora , 2017, France (sélectionnée à l’ACID 2020 avec « Loin de vous j’ai grandi »)
La Semaine de la Critique a annoncé sa sélection ce matin. Tout comme la sélection officielle de Cannes 2020, de nombreux réalisateurs, en lice pour leurs longs ou courts-métrages ont démarré par le court. Voici certains de ces films, disponibles en ligne.
Three Brothers, Aleem Khan, 2014, Royaume-Uni (sélectionné à la Semaine de la Critique 2020 avec « After Love », long-métrage)
Acide, Just Philippot, 2018, France(sélectionné à la Semaine de la Critique 2020 avec « La Nuée », long-métrage)
L’amour m’anime, Chloé Mazlo 2007, France (sélectionnée à la Semaine de la Critique 2020 avec « Sous le ciel d’Alice », long-métrage)
Hyacinthe – Sur ma vie, Anna Cazenave Cambet, 2017, France(sélectionnée à la Semaine de la Critique avec « De l’or pour les chiens », long métrage)
Junkske, Vincent Tilanus, 2017, Pays-Bas (sélectionné à la Semaine de la Critique 2020 avec « Marlon Brando », court-métrage)
The Wound, Teymur Hajiyev, 2013, Azerbaïdjan (sélectionné à la Semaine de la Critique 2020 avec « Axşama doğru », court-métrage)
More hate than fear, Molly Manning Walker, 2015, Royaume-Uni (sélectionnée à la Semaine de la Critique 2020 avec « Good Thanks, You ? « , court-métrage)
Copain, Jan & Raf Roosens, 2015, Belgique (sélectionnés à la Semaine de la Critique avec « White Goldfish « , court-métrage)
Aujourd’hui à 18h, Thierry Frémaux a dévoilé la sélection officielle de la 73e édition du Festival de Cannes. Ce sont au total pas moins de 56 films qui seront accompagnés par le festival lors de leur sortie en salles et de leur présentation dans certains festivals. Parmi les réalisateurs de ces films, nombreux sont ceux qui ont commencé par le court avant de s’attaquer au long. Voici quelques courts de cinéastes sélectionnés à Cannes 2020, accessibles sur la Toile.
Hôtel Chevalier, Wes Anderson, 2007, USA (sélectionné à Cannes 2020 avec « The French Dispach »)
Un lever de rideau, François Ozon, 2006, France(sélectionné à Cannes 2020 avec » Été 85″)
Katatsumori, Naomi Kawase, 1994, Japon(sélectionnée à Cannes 2020 avec « Asa Ga Kuru »(True Mothers)
Alors que les manifestations culturelles s’adaptent aujourd’hui en raison de la crise sanitaire du Covid-19, le festival Le Court en dit Long, spécialisé dans le court belge francophone, accueillera très prochainement sur la toile sa 28ème édition.
Du 1er juin au 6 juin, 34 courts métrages, répartis en 6 programmes, entrent en compétition pour cette année si unique en son genre. Disponibles en streaming sur ce site, les films seront en accès gratuit en France.
En parallèle de la compétition, le festival célèbre les 20 ans de Benzine Production, une société de production namuroise, en remettant à l’honneur les comédies réalisées par Xavier Diskeuve, Damien Chemin et François Paquay. Le festival accueillera également deux DJ Set Jean-Benoît Ugeux et Benjamin Schoos, pour ses soirées d’ouverture et de fermeture.
Enfin, le Court en dit Long prévoit en automne au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris, une soirée de projection dédiée aux films récompensés de cette édition inédite, un événement à ne pas manquer qui célébrera avec joie un retour à la normale.