Tous les articles par Katia Bayer

4 comme 4444444444

Fiche technique 

Synopsis : Un jeune homme reçoit un appel d’un mystérieux garçon fantomatique.

Genre : Fiction

Durée : 02’59 »

Pays : Japon

Année : 1998

Réalisation : Takashi Shimizu

Scénario : Takashi Shimizu

Image : Takahide Shibanushi

Musique : Gary Ashiya, Hitomi Shimizu

Interprétation : Daiki Sawada, Kazushi Ando

Production : Yasuyuki Uemura

Article associé : La critique du film

K comme Katasumi

Fiche technique 

Synopsis : Deux écolières sont victimes d’un horrible fantôme.

Genre : Fiction

Durée : 03’24 »

Pays : Japon

Année : 1998

Réalisation : Takashi Shimizu

Scénario : Takashi Shimizu

Image : Takahide Shibanushi

Musique : Gary Ashiya, Hitomi Shimizu

Interprétation : Takako Fuji, Ayako Omura, Kanna Kashima

Production : Yasuyuki Uemura

Article associé : la critique du film

Katasumi et 4444444444 de Takashi Shimizu

Une petite fille aux longs cheveux noirs et à la robe déchirée, l’œil révulsé, rampe au dehors d’un puits. Ses os craquent, ses membres s’agitent, désarticulés, en une chorégraphie macabre. Inéluctablement, le spectre progresse, à travers la télévision, vers sa futur victime… Il n’est pas exagéré de dire que le film Ring, de Hideo Nakata, a révolutionné, à son échelle, le cinéma d’épouvante. La figure intemporelle du fantôme intègre notre modernité, et acquiert, aux yeux du monde, un nouveau visage. Sadako n’est qu’un amoncellement de détails abominables, d’idées géniales et de traits iconiques, qui participent à sa légende. Le paroxysme d’une certaine figure de l’horreur est atteint. Un archétype est né. Le long-métrage, sorti en 1998 et adapté d’un roman de Kōji Suzuki, transfert toute une tradition de contes et de légendes dans notre univers technologique, dévoré par le béton, les routes, le téléphone, les appareils photo et la télévision. L’au-delà s’introduit dans les interstices de notre monde contemporain. Il contamine, et utilise à son profit les propriétés nouvelles de notre civilisation : la reproductibilité des choses et des œuvres ; les moyens de communication de plus en plus performants qui réduisent les distances tout en dépersonnalisant et dématérialisant, les interactions humaines ; notre rapport au monde, qui passe de plus en plus par l’image, par la copie, par l’enregistrement automatique, par la machine… Des photographies déformées, une vidéo maudite, un téléphone qui annonce la mort prochaine, et un croquemitaine à la fois minimaliste et sophistiqué, quelques éléments simples suffisent à tisser une véritable toile mythologique, qui dévore, viralement, tous les repères rassurants, toutes les petites artificialités, toutes les petites traces de civilisation et de progrès, de notre quotidien.

Les histoires de fantômes ne sont pas nouvelles au Japon. Les yōkai, les créatures surnaturelles, se comptent par centaines, peut-être même par milliers. Et des milliers de légendes, de contes, de rituels, de traditions les accompagnent. En 1904, l’écrivain irlandais – naturalisé japonais – Lafcadio Hearn publie Kwaidan ou Histoires et études de choses étranges, qui regroupe seize fables mettant en scène monstres et fantômes. Parmi les esprits féroces de la culture nippone, nous pouvons compter la Yuki-onna, la femme des neiges, à la peau blanche et aux lèvres gelées, qui perd les voyageurs dans la montagne. Les fantômes, eux, sont plus spécifiquement appelés yūrei, et d’entre les yūrei, les plus craints sont les onryō, les esprits vengeurs. Sadako n’est que la petite sœur de ces revenants, traditionnellement vêtus de kimonos blancs et coiffés de longs cheveux noirs. Au rang des plus célèbres, il faut compter la dame Oiwa, empoisonnée, qui traîne son crâne dégarni, son visage difforme et son œil gonflé, à la recherche de ses assassins, ou bien le fantôme d’Okiku, jeune servante jetée au fond d’un puits par un maître tyrannique. Le puits, l’œil, les cheveux, les ongles arrachés, la mort violente, la vengeance… d’histoire en histoire, nous retrouvons, comme des fragments éparpillés, toutes les singulières caractéristiques du spectre de Nakata.

A l’ère Edo, les hommes courageux se rassemblaient dans une pièce sombre pour jouer au Hyakumonogatari Kaidankai. Cent bougies étaient allumées. Cent contes d’horreur étaient contés. A la fin de chaque histoire, une chandelle était éteinte. A mesure que l’obscurité envahissait la salle, la terreur s’emparait de l’assemblée. Quand la dernière flamme était soufflée, un fantôme, selon la tradition, apparaissait. A la fin du XXème siècle, avec la modernisation du Japon, les contes se transforment en légendes urbaines. Les « histoires qui font peur » inondent les cours de récré. Les écoliers, souvent, conservent l’aspect ludique de ces récits, comme sauront le faire les enfants américains avec, par exemple, la légende de la Bloody Mary. Les fantômes pénètrent le quotidien. La Kuchisake-Onna se promène la nuit, un masque chirurgical sur le visage, révélant sa bouche mutilée aux passants solitaires. Teke Teke rampe, le corps coupé en deux par le passage d’un train, à la recherche d’une victime sur laquelle exercer sa vengeance. Hanako-san, enfin, hante les toilettes des écoles, emportant dans les canalisations les imprudents qui l’invoque.

Ring fait donc l’effet d’une déflagration. Le film synthétise, et propulse en même temps, tout un folklore en pleine construction. Le film de Hideo Nakata devient un phénomène culturel et, par conséquent, une aubaine financière. Des dizaines de productions vont surfer sur la vague. Les films mettant en scène des spectres à cheveux sales constituent peu à peu un genre entier. Le terme « J-Horror » ne désigne bientôt plus, auprès le grand public, que les clones et descendants du yūrei le plus célèbre du monde. Cette même année 1998, le producteur Yasuyuki Uemura élabore dans l’urgence le projet Gakkō no Kaidan G, un simple téléfilm, tourné à la va-vite, censé mettre en scène croquemitaines et apparitions fantomatiques dans les couloirs d’une école. Kiyoshi Kurosawa, révélé l’année précédente avec Cure, rejoint le projet. Il fait venir à sa suite son ami Takashi Shimizu, passionné par le cinéma de genre et les histoires de fantômes. Des histoires séparées, entrecoupées d’interviews et de séquences animées, le tout présenté par un mystérieux enseignant, constituent l’essentiel du film. Les moyens mis à la disposition des réalisateurs sont dérisoires. Le tournage a lieu des des conditions amateurs. Seul Kurosawa, sur la brochette d’apprentis cinéastes rassemblée par le producteur, a une réelle expérience du grand écran. Shimizu, lui, ne se voit confié que six minutes de bobine, sur les soixante-dix qui constituent le film. Six minutes qu’il divise encore en deux, deux segments séparés, deux histoires terriblement brèves, et pourtant terriblement efficaces. Si Gakkō no Kaidan G peut aujourd’hui s’enorgueillir d’un petit embryon de postérité, il ne le doit qu’aux courts-métrage glaçants du futur démiurge de la saga Ju-On.

Katasumi suit deux étudiantes venues nourrir quelques lapins à l’arrière de leur école. L’une d’elles se blesse au doigt. L’autre va chercher du sparadrap. Quand la jeune fille revient, son amie a disparue. C’est alors qu’une forme humanoïde commence à ramper entre les arbres… 4444444444, de son côté, met en scène un jeune homme trouvant un portable dans un tas d’ordures. Le téléphone sonne. Le numéro affiché indique 4444444444. L’étudiant décroche. Des miaulements lui répondent. Le garçon, inquiet, regarde autour de lui. Il est seul. Les miaulements s’intensifient…

En six minutes, Shimizu met en place les grands axes de son cinéma : une image à la limite de l’amateurisme qui, paradoxalement, donne un étrange souffle naturaliste, presque documentaire ; une peur puisée dans le folklore japonais, faite de malédictions antédiluviennes et de légendes urbaines très contemporaines (à ce titre, le chiffre 4 est réputé maudit dans une grande partie de l’Asie, notamment du fait que le mot japonais qui le désigne, « shi », se prononce de la même manière que le mot « mort ») ; et, bien sûr, les créatures épouvantables qui deviendrons les futurs vedettes de son œuvre. Nous retrouvons ainsi l’actrice Takako Fuji dans sa première interprétation du fantôme Kayako. L’inconnu Daiki Sawada incarne, quant à lui, le petit Toshio. Les deux personnages ont déjà acquis toutes leurs caractéristiques : la peau blafarde, les cernes immenses ; la robe déchirée, les membres désarticulés, la posture rampante et les crissements gutturaux pour l’une ; les tapotements insistants, le regard béant, la nudité animale et les miaulements suraigus pour l’autre. Les personnages sont déjà pleinement existants, avant même la naissance de la saga qui les verra s’épanouir. Ils étaient là, probablement, dans un coin du cerveau apeuré de Shimizu, avant même que celui-ci ne tienne, pour la première fois, une caméra.

Les onryō Toshio et Kayako sont, à l’image de Sadako, les représentants d’une grande famille cauchemardesque. Chaque yūrei est cousin de ses pairs. Des caractéristiques communes les lient tous. Mais c’est par leurs particularités propres que chacun marque l’imaginaire. Sadako faisait le choix du visage masqué et des ongles arrachés, du puits et de la télévision. Kayako renifle le sang, vampirise ses victimes, tortille abominablement ses os brisés entre les feuilles mortes, et émet son grincement aujourd’hui si célèbre. Toshio, ici, se laisse invoquer par un numéro maudit, jouant avec sa victime à la manière d’un félin, ou d’un enfant, la terrorisant avant de surgir pour s’en débarrasser. Ce n’est pas tant une horreur pure, abominable, qui arme ces revenants. Il est facile de ne pas voir autre chose, chez eux, qu’un maquillage léger et une démarche chorégraphiée. Mais Takashi Shimizu joue de leur inquiétante étrangeté. Ce sont deux épouvantails qu’il lui sera maintenant possible de réutiliser à loisir, de placer dans toutes les situations, deux masques d’horreur parfaits, deux cauchemars indélébiles pour toute une génération de spectateurs. Ils ne sont pas encore exactement ce qu’ils deviendrons dans Ju-On. Il leur manque une histoire, il leur manque leur destin funeste et leur maison maudite. Mais déjà, ils ont le goût des mises en scène macabres, qui font précéder la mort d’un peu de terreur et de folie. Les deux courts-métrages de Takashi Shimizu souffrent indéniablement d’une certaine médiocrité, dûe à la fois au manque d’expérience de l’auteur et, surtout, aux conditions précaires de production. Kiyoshi Kurosawa lui-même, d’ailleurs, a-t-il réussit à faire mieux ? Et pourtant, 4444444444 et Katasumi ont l’efficacité belle et simple d’une histoire de fantômes, résumable en quelques lignes autour d’un feu de camps ou sur un un forum obscur.

Moins de deux ans plus tard, Takashi Shimizu, aidé des bons conseils de son ami Kurosawa, portera ses deux démons à l’écran. Ce sera le début d’une longue et fructueuse épopée. En 2000 donc, sort le téléfilm Ju-On, suivit, la même année, par un second opus. En 2003, Shimizu réalise deux remake pour le grand écran, connus sous les noms de Ju-On : The Grudge et Ju-On : The Grudge 2. Puis, en 2004 et 2006, ce sont les remake américains qui lui sont confiés : The Grudge 1 et 2. D’autres réalisateurs s’empareront ensuite de la saga, donnant naissance à des kyrielles de suites : Ju-On : White Ghost (2009), Ju-On : Black Ghost (2009) The Grudge 3 (2009), Ju-on : The Beginning of the End (2014), et un dernier remake, cette fois complètement américanisé, The Grudge (2020). Shimizu reprendra en partie son bestiaire dans d’autres films, avec, par exemple, une femme livide se nourrissant de sang dans son chef d’œuvre Marebito (2004) ou bien une poupée désarticulée et difforme dans Réincarnation (2005). Shimizu essaima nombre de frayeurs chez nombre d’adolescents. Toshio observant ses victimes à travers la vitre d’un ascenseur, ou bien Kayako émergeant de dessous une couette accueillante, ont probablement hanté bien des mauvais rêves. Katasumi et 4444444444 nous offrent leur genèse.

Virgile Van de Walle

Consulter les fiches techniques de 4444444444 et de Katasumi

« Fire (Pozar) » de David Lynch, en ligne !🔥

David Lynch a sortir son court-métrage d’animation “Fire (Pozar)”sur sa chaîne YouTube « David Lynch Theater ».

On retrouve ici l’étrange dont David Lynch nous a habitués tout au long de sa carrière. Dans un court assez glauque voire oppressant, David Lynch retranscrit les peurs et l’incertitude qui planent sur l’avenir de notre société.

Avec une référence à l’Allégorie de la caverne de Platon, ce court plonge le spectateur dans le théâtre des conséquences, des erreurs de l’humanité dues à l’ignorance des êtres humains.

Face à une animation en noir et blanc, nous sommes hypnotisés par la musique de Marek Zebrowski, et le déluge qui hantent notre monde. Une danse macabre clôt le film, avec un jeu des corps tandis que le rideau se ferme. Nous avons trop joué, nous voilà perdus.

Manon Guillon

Hommage à Michel Piccoli ✨

Michel Piccoli a rejoint les étoiles.

Cet immense acteur, figure emblématique de la Nouvelle Vague, a interprété des rôles dans bon nombre de courts-métrages.

Nous avons choisi de lui rendre hommage en vous en présentant trois :

La Chevelure, Adonys Kyrou, 1961 :


Bête de scène, Bernard Nissile, 1994 :


Mal de mer, Olivier Vinuesa, 2002 :

Participez à notre Quiz spécial Festival de Cannes !

Après vous avoir proposé fin avril notre premier Quiz, en voici le deuxième consacré à Cannes. Pour rappel, le festival aurait dû se tenir ces jours-ci et et se clôturer le 23 mai. Qu’à cela ne tienne : le cinéma est toujours là et de notre côté, on vous propose 10 questions sur  le festival, ses courts ou encore ses anecdotes. Aurez-vous un sans-faute à notre test ? 3-2-1 : à vous de jouer !

Festival de Cannes : notre sélection de 25 courts à voir en ligne du 12 au 23 mai !

Ce mardi 12 mai 2020, aurait dû démarrer le 73ème Festival de Cannes. Pour info, les films de la sélection officielle seront finalement dévoilés courant juin.

Après avoir diffusé fin avril une dizaine de courts-métrages issus du 1er Festival Format Court, nous vous proposons de découvrir dès le 12 mai une sélection internationale et éclectique de 25 courts visibles en ligne, sélectionnés à Cannes, toutes sections confondues.

Du 12 au 23 mai, période à laquelle le festival aurait dû avoir lieu, nous diffuserons 2 à 3 films par jour sur le site et les réseaux sociaux de Format Court. Ces films seront regroupés par section cannoise.

Les courts-métrages retenus sont issus de la compétition officielle, de la Cinéfondation mais aussi des sections parallèles : la Quinzaine des Réalisateurs, la Semaine de la Critique ainsi que l’ACID. Ces films, très différents les uns des autres, ont pour certains été repérés par Format Court, d’autres ont été découverts récemment sur Internet. Certains réalisateurs sont passés au long-métrage, d’autres non. Le court le plus ancien date de 1965, le plus récent de 2017.


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⏰ JOUR 12 : Quinzaine des Réalisateurs

Pour conclure ces 10 jours cannois, Format Court a le plaisir de vous présenter le court métrage québécois « Bleu Tonnerre » co-réalisé par Jean-Marx E. Roy et Philippe David Gagné. Il a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2015. Les deux cinéastes reviendront d’ailleurs à la Quinzaine deux ans plus tard avec leur court métrage « Crème de menthe ».

Comédie musicale déjantée et rock and roll, « Bleu Tonnerre » traite sur un ton léger et humoristique la détresse d’un homme face à ses responsabilités.

Après avoir rompu avec sa copine, Bruno, ouvrier trentenaire des plus banal, se retrouve seul et à la rue. Il profite de l’occasion pour redécouvrir sa liberté et pour se replonger avec euphorie dans sa passion de jeunesse, le catch. Si Bruno est plus heureux que jamais sur le ring, cette cure de jouvence ne dure pas longtemps, étant vite rattrapé par la réalité. Les états d’âmes des personnages comme les moments de conflits qu’ils traversent sont chantés, ce qui confère au court métrage un ton décalé et délicieusement surprenant.

“Bleu Tonnerre” conclut ainsi notre sélection des 25 courts cannois partagée sur notre site et nos réseaux sociaux. Une sélection en ligne qui a été très suivie, nous ne pouvions pas être plus comblés et on vous en remercie !

Nous proposerons prochainement d’autres sélections en ligne à l’occasion de festivals à venir. Continuez à liker la forme courte à nos côtés, à très bientôt.


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⏰ JOUR 12 : Quinzaine des Réalisateurs

Ce samedi marquant la toute dernière journée de notre sélection spéciale festival de Cannes, nous vous faisons découvrir avec joie le court-métrage d’animation « Tram » de la réalisatrice tchèque Michaela Pavlátová, réalisé par Sacrebleu Productions et mis en ligne par Univerciné. Il a été présenté en 2012 à la Quinzaine des Réalisateurs.

Jour après jour une conductrice de tram transporte les mêmes hommes d’affaires silencieux sur le même trajet. Mais voilà que l’imagination érotique de la généreuse jeune femme vient un jour briser cette morne et grise routine.

Un fantasme qui prend alors peu à peu vie visuellement ; les couleurs se font éclatantes, les suggestions sexuelles deviennent omniprésentes et le rythme tout comme la musique s’accélèrent. Sondant la sexualité et l’excitation, « Tram » est une comédie plaisante, dédiée entièrement au désir féminin qui charme par sa fausse candeur. De quoi en faire rougir plus d’un, devant la vision fantastique et libérée du sexe, selon Michaela Pavlátová.


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⏰ JOUR 11 : Cinéfondation

Après vous avoir présenté ce matin le court métrage « #1 » Format Court remet à l’honneur le cinéma d’animation avec « Der Wechselbalg » de la réalisatrice allemande Maria Steinmetz, produit pour l’école de cinéma Babelsberg Konrad Wolf et sélectionné en 2011 à la Cinéfondation.

Suite à l’attaque d’un troll, un jeune couple perd son enfant et se retrouve à la place avec la progéniture du monstre. Si l’instinct maternel de la femme s’intensifie de plus en plus pour ce bébé innocent, son mari, comme les villageois, souhaiteraient plutôt le voir mort. Malgré les épreuves, la fin est heureuse pour cette étonnante animation aux traits médiévaux et aux figures chrétiennes.

« Der Wechselbalg » est un conte fantastique qui interroge avec force les terribles conséquences des préjugés populaires et qui revendique la tolérance face à l’étroitesse d’esprit.


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⏰ JOUR 11 : Cinéfondation

Format Court a le plaisir de vous présenter ce matin le renversant court métrage d’animation « #1 » de Naomir, un film d’animation de l’école La Cambre (Belgique) qui fut présenté en 2008 à la Cinéfondation.

Un homme s’engage dans une course effrénée pour fuir tableaux, sculptures et architectures en tout genre qui, tombant du ciel, menacent de l’écraser de leur poids. En 4 minutes, ce sont des millénaires d’œuvres d’art que l’on voit défiler dans un rythme chaotique, accentué par une bande sonore qui accompagne chaque dissonance et sprint.

Si visiblement tout a déjà été dit et tout a déjà été fait, Naomir, collectif artistique d’un frère et d’une sœur, font de « #1 » une sorte de revanche sur l’Art lui-même, une mise au défi de créer encore et toujours.


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⏰ JOUR 10 : Compétition officielle

Après vous avoir fait découvrir le court métrage « The Chair », Format Court vous présente le poignant court métrage islandais « Hvalfjordur » de Gudmundur Arnar Gudmundsson, présenté en 2013 en compétition officielle au Festival de Cannes et lauréat d’une Mention spéciale à Cannes.

Une famille ordinaire vit paisiblement dans un fjord isolé de tout, mais les multiples tentatives de suicide du frère aîné viennent assombrir le tableau. C’est une tragédie silencieuse que l’on découvre par les yeux du plus jeune frère, les parents étant incapables d’entrevoir la peine de leurs enfants.

Dans ce court métrage, une attention particulière est donnée aux paysages islandais, qui, étendus et désertiques, fonctionnent presque comme les miroirs des états d’âme des deux garçons, rongés par la solitude. Le réalisateur explore ainsi avec force les tourments de l’adolescence et le puissant lien qui se tisse entre les deux frères.


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⏰ JOUR 10 : Compétition officielle

Ce matin, Format Court vous présente le court métrage « The Chair » du réalisateur américain Grainger David, sélectionné en 2012 en compétition officielle à Cannes.

Suite à une étrange épidémie de moisissure qui se répand dans une petite ville de Caroline du Sud, un jeune garçon fait face à la mort soudaine de sa mère. Avec le temps, la chaise de la défunte devient une obsession pour la grand-mère du garçon et se met à incarner tous les maux qui s’abattent sur eux.

Un court-métrage puissant à l’ambiance lugubre, presque irréelle, où les événements sont racontés par la voix monotone et détachée du narrateur. Portant sur la perte, “The Chair” explore essentiellement la place que prend l’incompréhension dans le processus du deuil.


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⏰ JOUR 9 : Semaine de la Critique – Cannes

Pour bien finir la journée, découvrez le court-métrage « La Lampe au beurre de Yak » du réalisateur Hu Wei, produit par Ama Productions et sélectionné en 2013 à la Semaine de la Critique. Le film est mis en ligne par UniversCiné.

Un jeune photographe propose à des familles tibétaines de se faire prendre en photo, ce qu’ils acceptent avec plaisir et curiosité. Les clichés pris oscillent entre artifice et réalité car si la mise en scène est factice et représente des lieux rêvés inaccessibles, les personnages, eux, sont authentiques. La caméra, en plan fixe, porte un regard percutant sur une Chine entre tradition et modernité et sur les aspirations silencieuses d’un peuple reculé.


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⏰ JOUR 9 : Semaine de la Critique – Cannes

Format Court vous partage cet après-midi, le magnifique court métrage d’animation « Mourir auprès de toi », réalisé par Spike Jonze et Simon Cahn, ayant été présenté à la Semaine de la Critique en 2011.

Une fois la nuit tombée, tout un monde fantastique s’anime au cœur de la librairie Shakespeare and company et redonne vie aux plus grands classiques de la littérature anglophone. Cette animation délirante, réalisée en stop motion par Olympia Le Tan, donne vie avec humour à des marionnettes articulées et élaborées en bout de tissus, le tout sur un fond sonore signé par la chanteuse Soko. Plongeant d’un univers à l’autre, la fiancée de Dracula et le cadavre de Macbeth se cherchent et s’attirent. Avec ce court-métrage léger et humoristique qui transgresse les histoire traditionnelles des livres, les deux réalisateurs inventent un conte mortellement romantique.


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⏰ JOUR 9 : Semaine de la Critique – Cannes

Aujourd’hui, ce n’est pas 2 mais bien 3 courts-métrages que Format Court vous propose. Nous avons tout d’abord été conquis par « Printed Rainbow », le court-métrage d’animation de Gitanjali Rao, sélectionné en 2006 à la Semaine de la Critique. Treize ans plus tard, la cinéaste réalise son tout premier long-métrage en animation « Bombay Rose ».

Enfermée dans un monde terne et flou, une vieille femme trouve le moyen de rompre la routine grâce aux dessins de ses boîtes d’allumettes. Fenêtres ouvertes sur le monde et sur l’infini, les boîtes symbolisent l’évasion d’une femme lassée de la réalité, préférant se laisser dépérir dans son imaginaire. Par son immense palette de couleur et par sa touchante poésie, « Printed Rainbow » est une invitation au voyage au cœur de la fantaisie.


 

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⏰ JOUR 8 : Quinzaine des Réalisateurs

Après vous avoir présenté ce matin « La mort de Shula », découvrez le court-métrage d’animation « Decorado », réalisé par l’illustrateur espagnol Alberto Vázquez et présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2016. Pour info, « Homeless Home », le nouveau court métrage d’Alberto Vázquez est sélectionné cette année au Festival d’Annecy, soit 5 ans après son long-métrage « Psiconautas »

🐻 Dans “Decorado”, des personnages aux traits d’animaux mignons évoluent dans un monde invraisemblable, peuplé de créatures étranges, de rires préenregistrés, où le chant des oiseaux est celui des notifications Twitter… Tout semble artificiel aux yeux d’Arnold, un ourson tourmenté qui remet en doute sa réalité et croit vivre dans un décor cauchemardesque.

Théâtre sombre de notre monde moderne, « Decorado », produit par Autour de Minuit et Uniko, est un court métrage imprégné d’humour noir qui interroge la place de la solitude, de la folie ou encore de l’amour.


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⏰ JOUR 8 : Quinzaine des Réalisateurs

Nouvelle matinée, nouveau coup de cœur pour le court-métrage “La mort de Shula”, du réalisateur israélien Asaf Korman, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs en 2007, soit 7 ans avant son retour à la Quinzaine avec son long métrage « Next to Her » portant sur le handicap.

Shula, le chien des Korman est atteint d’une tumeur et doit être piqué. Le père de famille se charge alors seul du corps ; il le transporte dans une boîte de carton, l’enterre et lui fait, seul, des adieux déchirants. Asaf Korman met en scène sa propre famille et s’inspire d’un événement de son passé pour écrire ce court métrage émouvant. La fragilité du père comme la simplicité de la réalisation font de « La mort de Shula » un film poignant à vous briser le cœur.


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⏰ JOUR 7 : Cinéfondation

Découvrez le court-métrage « Anna » de la réalisatrice israélienne Or Sinai produit par l’école The Sam Spiegel Film & TV School. Le film a remporté le 1er Prix à la Cinéfondation ainsi que le Prix Format Court au Festival des films d’écoles de Tel Aviv.

Anna est une mère célibataire, enfermée dans une routine monotone entre son boulot et son fils. Un jour, celui-ci s’absente plus longtemps chez son père et voilà que les repères d’Anna s’effondrent. Cherchant à combler un vide, Anna finit par se réapproprier son corps et sa féminité.

Par une mise en scène très juste qui oscille entre émotions et simplicité, Or Sinai capture le portrait intime d’une femme seule retrouvant peu à peu son identité. Si Anna incarne la situation d’un grand nombre de femmes, elle incarne aussi une forme d’espoir par la satisfaction du désir féminin.


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⏰ JOUR 7 : Cinéfondation

🎬 « The Aftermath Of The Inauguration Of The Public Toilet at Kilometer 375 » de Omar El Zohairy (Egypte)

En cette nouvelle semaine cannoise, Format Court a voulu remettre à l’honneur le court métrage « The Aftermath of the inauguration of the public toilet at kilometer 375 », du réalisateur égyptien Omar El Zohairy, sélectionné en 2014 à la Cinéfondation.

Au milieu du désert se tient une cérémonie d’inauguration pour de nouvelles toilettes publiques. Le discours est plus que solennel, mais voilà, un fonctionnaire a le malheur d’éternuer, ni une, ni deux, mais trois fois… S’ensuit de multiples tentatives de sa part pour se faire pardonner. Jouant sur un ridicule constant, le court métrage souligne les absurdités de l’Administration et en propose une satire réussie.


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⏰ JOUR 6 : Compétition officielle

🎬 « My rabbit Hoppy » de Anthony Lucas (Australie)

🐰 Cet après-midi, nous vous faisions découvrir le court-métrage “My rabit Hoppy” réalisé par l’Australien Anthony Lucas et sélectionné, en 2008, à Cannes en compétition officielle.
Henry, le fils du réalisateur, filme un exposé pour sa classe et présente son lapin Hoppy, mais le projet prend une tournure des plus inattendues. Un court-métrage de trois minutes, complètement décalé et fantastique qui dépeint la métamorphose d’un animal familier, plus si familier que ça.


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⏰ JOUR 6 : Compétition officielle

🎬 « Love is blind » de Dan Hodgson (Royaume-Uni)

Ce dimanche marque le retour de la compétition officielle dans notre sélection spéciale “Cannes ». 2 films, en lice pour la Palme d’or par la passé, vous sont proposés par nos programmateurs. Prenez le plaisir de découvrir le court-métrage britannique “Love Is Blind” réalisé par Dan Hodgson en 2015.

Alors qu’Alice est dans les bras de son amant, son mari, lui, rentre plus tôt de son voyage d’affaires. La voilà obligée de jongler entre les deux hommes pour sauver la situation. Une comédie séduisante, à la mécanique simple mais efficace par son humour rafraîchissant, des imprévus farfelus et un plot twist cocasse.


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⏰ JOUR 5 : L’ACID

🎬 « A headful of stones » de Stefan Ivančić (Serbie)

Cet après-midi, découvrez notre coup de cœur pour le court-métrage de Stefan Ivančić, sélectionné en 2017 dans le cadre du focus ACID consacré à la Serbie.

Ivica, 11 ans, passe son temps libre à explorer des bâtiments à l’abandon. Un passe-temps qui lui permet de s’échapper de son foyer, ne pouvant faire face à la séparation de ses parents, eux-mêmes incapables de se confronter. « A headful of stones » est un court métrage touchant qui questionne la préadolescence, cette période de la vie où il est difficile d’osciller entre les désirs enfantins et les préoccupations des adultes.


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⏰ JOUR 5 : L’ACID

🎬 « On bosse ici ! On vit ici ! On reste ici ! » de Collectif des cinéastes pour les « sans-papiers » (France)

Aujourd’hui, Format Court vous propose un court-métrage documentaire : « On bosse ici ! On vit ici ! On reste ici ! », réalisé par le Collectif des cinéastes pour les sans-papiers, présenté à l’ACID 2010.

Alors que le mois d’octobre 2009 est marqué par les grèves de 6000 travailleurs sans papiers réclamant la reconnaissance de leurs droits, un collectif rassemblant plus de 200 professionnels du monde du cinéma s’engage politiquement et réalise en 2010 ce court-métrage. Le film donne la parole à ces hommes invisibles aux yeux du système et les lie physiquement au territoire français grâce à la répétition des “ici” dans son titre.


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⏰ JOUR 4 : Semaine de la Critique – Cannes

🎬 « Skhizein » de Jérémy Clapin (Dark Prince – France)

Après avoir présenté ce matin “Next Floor”de Denis Villeneuve, découvrez à présent le court-métrage “Skhizein” de Jérémy Clapin, sélectionné la même année (2008) à la Semaine de la Critique.

Du jour au lendemain, Henri, un homme se trouve à 91 cm de lui-même suite à la chute d’une météorite. Si les interactions du héros avec le monde physique se trouvent être chamboulées, il souffre davantage de son entourage, incapable de comprendre ce qu’il traverse. Par la représentation d’une histoire atypique, quasi fantastique, “Skhizein” propose un portrait réaliste de la schizophrénie et annonce le style singulier de Jérémy Clapin, qui, 11 ans après, réalisera le long métrage « J’ai perdu mon corps », avec le succès qu’on lui connaît.


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⏰ JOUR 4 : Semaine de la Critique – Cannes

🎬 « Next floor » de Denis Villeneuve (Canada)

Aujourd’hui, nous nous sommes laissés séduire par des courts-métrages de réalisateurs reconnus pour leur(s) long(s)-métrage(s). Nous avons ainsi le plaisir de vous présenter le court-métrage « Next Floor », réalisé par Denis Villeneuve et sélectionné à la Semaine de la Critique 2008. Onze hôtes bourgeois se retrouvent autour d’un banquet luxueux pour une dégustation des plus particulières.

Dans ce huis-clos vertical, où tout s’effondre, les plats s’enchaînent à un rythme effréné tandis que les convives dévorent frénétiquement leurs mets. Tableau absurde et fantastique qui dégoûte autant qu’il fascine, “Next Floor” déroge aux bonnes manières et à l’entendement.


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⏰ JOUR 3 : Quinzaine des Réalisateurs

🎬 « Man » de Myna Joseph (Etats-Uni)

Notre second coup de cœur de la journée est le court métrage « Man » réalisé par Myna Joseph en 2008 et présenté à la Quinzaine des Réalisateurs. Le temps d’une après-midi, deux sœurs tissent un lien particulier entre elles par l’intermédiaire d’un jeune garçon.
Si le court métrage se nomme « Man », l’unique personnage masculin n’est là que pour mettre en lumière la complicité silencieuse mais évidente des deux filles. Ancienne étudiante à la Columbia University in the City of New York, Myna Joseph dévoile, dans son film, un conte moderne provoquant dans lequel des adolescentes s’enfoncent seules dans les bois et défient leur « prédateur ».


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⏰ JOUR 3 : Quinzaine des Réalisateurs

🎬 « Chasse royale » de Lise Akoka et Romane Gueret

Nouvelle journée, nouveau coup de cœur pour Format Court. Nous avons jeté notre dévolu sur « Chasse Royale », sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs 2016. Angélique, 13 ans, est repérée dans son collège par une équipe de cinéma qui lui propose de participer à un casting. Un puissant court-métrage qui peint avec réalisme les états d’âme d’une adolescente et les fantasmes vides de sens associés aux mots « Paris » ou « Cinéma ».
Les deux cinéastes tissent avec intelligence la réalité au cœur de la fiction en racontant à la fois l’histoire vraie d’Angélique, une actrice amatrice, et l’histoire inventée d’Angélique, une jeune fille féroce.

 


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 JOUR 2 : Cinéfondation

🎬 « Head over heels », Timothy Reckart (Royaume-Uni)

Alors que ce matin, nous vous présentions « Manoman » de Simon Cartwright, nous vous invitons à découvrir dès à présent le court-métrage d’animation, « Head over Heels », de Timothy Reckart, sélectionné à la Cinéfondation 2012.
Un court métrage, produit lui aussi par l’école britannique National Film And Television School-NFTS, qui nous dépeint le quotidien d’un couple marié depuis longtemps, vivant à l’envers l’un de l’autre. Elle vit au plafond et lui au sol, à moins que ce ne soit l’inverse…
En soulignant les moments de tendresse passés du couple, « Head over Heels » nous offre une histoire muette qui interroge la distance tant physique qu’émotionnelle des relations amoureuses.


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 JOUR 2 : Cinéfondation

🎬 « Manoman », Simon Cartwright (Royaume-Uni)

Format Court vous dévoile aujourd’hui « Manoman », un court métrage d’animation réalisé par Simon Cartwright, ancien étudiant de la National Film and Television School, sélectionné à la Cinéfondation 2015 et Prix Format Court au Festival Court Métrange 2016.

Glenn est un homme banal qui laisse un jour s’échapper hors de lui un double primitif et incontrôlable. Alors que la bestialité du double se développe, Glenn se métamorphose et adopte à son tour un comportement autodestructeur le menant jusqu‘à une fin cathartique. Avec « Manoman », Simon Cartwright signe un court métrage d’un humour noir cinglant mettant en scène la contradiction entre les pulsions primitives enfouies en chacun et les normes sociales imposées.

 


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 JOUR 1 : Compétition officielle

🎬 « Waves ’98 », Ely Dagher (Liban)

Après vous avoir parlé de “Skaterdater”, Palme d’or de 1966, faisons un saut dans le temps en vous présentant le court métrage d’animation libanais “Waves 98”, réalisé par Ely Dagher, Palme d’or de 2015.

“Waves 98” nous plonge dans une exploration urbaine et déroutante de Beyrouth, huit années après la guerre civile (1975-1990) dont les dévastations se font encore lourdement ressentir auprès d’une jeunesse désillusionnée. L’animation, construite à la fois par des dessins et des photographies, créé une esthétique colorée permettant de balancer entre la réalité et le rêve. Marqué par cette époque particulière, Ely Dagher déclare à travers une réalité fantasmée et les errances d’un adolescent, tout son amour pour sa ville natale.


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⏰ JOUR 1, 12.5 : Compétition officielle

🎬 « Skaterdater », Noel Black, Etats-Unis

Pour ce premier jour de focus cannois, Format Court vous propose de découvrir deux Palmes d’or, l’une en début de journée, l’autre en milieu d’après-midi.

« Skaterdater », réalisé par Noel Black, s’est vu décerner la Palme d’or du meilleur court-métrage en 1966.

Par des plans riches et ingénieux et une bande sonore rock’n roll, Noel Black nous fait dévaler les rues californiennes au côté de jeunes skateboarders. Entre fanfaronnades et provocations infantiles, les garçons se défient au sein du groupe alors que les charmes de l’adolescence s’éveillent peu à peu. “Skaterdater” est aujourd’hui considéré comme le premier film jamais réalisé explorant le monde du skate et en demeure aujourd’hui une représentation intemporelle.

L comme Lick the Star

Fiche technique

Synopsis : Une bande de 4 adolescentes mettent au point un plan secret, nom de code : « Lick the Star », objectif : empoisonner les garçons.

Genre : Drame

Durée : 14’

Pays : États-Unis

Année : 1998

Réalisation : Sofia Coppola

Scénario : Sofia Coppola et Stéphanie Hayman

Musique : The Amps, Free Kitten, The Go-Go’s, Land of the Loops

Photographie : Lance Acord

Montage : Eric Zumbrunnen

Interprétation : Christina Turley, Audrey Heaven, Julia Vanderham, Lindsy Drummer

Production : Sofia Coppola

Article associé : la critique du film

Lick the Star de Sofia Coppola

L’adolescence est un thème amplement représenté dans le cinéma, s’appuyant trop souvent sur une projection de clichés, de stéréotypes et d’imaginaires sociaux infidèles à la réalité. Elle renvoie à cet âge trop lointain des adultes, dont il est plus simple de ne retenir que la superficialité et la légèreté.

Un parti pris que la réalisatrice Sofia Coppola a toujours rejeté dans ses films. Bercée depuis son enfance dans le milieu du cinéma et dans l’agitation hollywoodienne, Sofia Coppola s’est illustrée comme une réalisatrice talentueuse pour sa vision unique et sensible de l’adolescence.

Réalisatrice reconnue aujourd’hui pour ses explorations cinématographiques de l’adolescence dans des œuvres telles que Marie Antoinette ou encore Virgin Suicides, Coppola explore les drames intimes de jeunes filles transitant entre l’enfance et l’âge adulte, leur mal-être, la brutalité de leur monde et leur solitude perpétuelle. Des thématiques chères à Coppola que l’on voit déjà poindre dans ce premier court métrage Lick the Star, sorti en 1998, un an seulement avant l’œuvre magistrale Virgin Suicides.

En 14 minutes, la jeune cinéaste nous dépeint le tableau noir et blanc des intrigues de 4 adolescentes. Ces dernières complotent en secret un plan diabolique, visant à affaiblir les garçons.

La caméra s’attarde sur la représentation de lieux communs, on observe de loin l’agitation des élèves dans la cour de récré, leur ennui dans les salles de classes, leurs cris dans les vestiaires et leurs conversations murmurées dans le bus scolaire. Voilà le spectateur plongé dans une ambiance visuelle et sonore qui transcrit l’atmosphère du lycée.

Coppola représente aussi fidèlement les mécanismes sociaux typiques du monde adolescent où la hiérarchie sociale régit les relations. Les « popular kids » règnent sur les autres malchanceux. Si l’obsession cinématographique de Sofia Coppola est la figure féminine, généralement adolescente et à l’apparence blonde virginale (Kristen Dunst, Scarlett Johansson, Elle Fanning), elle fait pourtant le choix, ici, de mettre en avant un stéréotype opposé pour incarner la reine du lycée.

Chloé, 14 ans, brune, maquillée à outrance, provocatrice, une cigarette à la main, auréolée d’un diadème couronnant son statut royal, terrorise autant qu’elle fascine les autres élèves. La caméra suspend à plusieurs reprises la narration pour se focaliser entièrement sur l’aura dégagée par la jeune fille. Hors du temps, s’enchainent ainsi sur une musique punk, plusieurs gros plans sur les lèvres malicieuses, les yeux scintillants et étoilés. Coppola s’assure que le spectateur soit à son tour pleinement fasciné par cette ado. Sous le couvert d’une fausse superficialité et des jeux innocents d’une cour d’école, se cachent en réalité la brutalité et la cruauté du monde adolescent.

Coppola nous dévoile l’existence de véritables luttes de pouvoir. Chaque lieu commun est un lieu d’exercice du pouvoir où blagues et humiliations se succèdent. Il faut lutter pour grimper dans la hiérarchie sociale et se battre davantage pour y rester. Mais puisque l’inconstance est le propre de l’adolescence et que les rouages de la popularité sont impitoyables, la chute de la reine ne peut que se faire attendre. Aussi intouchable que fut Chloé, il aura suffi de quelques chuchotements et rumeurs pour briser son statut royal et la relayer au statut de paria.

C’est alors qu’entre en jeu la signature cinématographique propre à Sofia Coppola pour qui la solitude et l’isolement sont les plus violentes destructions de l’être. La descente aux enfers de Chloé est instantanée, caractérisée par la perte progressive de son emprise sur les autres et par un rejet social définitif.

La tentative de suicide de Chloé, remarquable par son esthétisme poétique sous fond de musique rock’n roll incisive, est elle-même moquée par les autres adolescentes.

Toutefois, c’est la dernière scène du court métrage qui incarne le mieux la solitude profonde de l’adolescente. Nous tournant le dos, Chloé s’éloigne, résignée, sur ces derniers mots « life goes on ». La lenteur du plan et la musique languissante accompagnent la chute de l’adolescente.

Une dernière question se pose, où sont les adultes ? Pourquoi ne protègent-ils par leurs enfants ? Chez Coppola, l’adolescence est un de ces drames intimes qui se joue loin du regard des adultes. Ces derniers brillent par leur absence ou par leur incompétence. L’autorité paternelle, invisible, est évoquée dans le seul objectif de souligner le mal qu’elle inflige, directement ou indirectement, à sa progéniture. Quant à l’autorité scolaire, si elle est belle et bien présente, elle n’est d’aucun secours pour protéger les adolescents. Uniquement là pour blâmer et punir, les adultes sont incapables de s’identifier aux adolescents.

Résonnent alors les mots de Cecilia, une des protagonistes de Virgin Suicides : alors qu’après sa tentative de suicide un docteur lui dit qu’elle est trop jeune pour connaître les duretés de la vie, la réplique se fait cinglante : « Obviously, doctor you’ve never been a 13-year-old girl.” Lick The Star pose définitivement les bases du cinéma de Sofia Coppola, un cinéma féminin, languissant et soulignant la solitude des êtres.

Sans jamais prendre position, la caméra de la jeune cinéaste ne cherche pas à donner du sens aux actions ou aux motivations des adolescents. Elle ne juge pas. Le regard ne fait que se poser sur ce qui est trop vite jugé insignifiant, il est là pour dévoiler l’intimité d’adolescentes abîmées.

Marguerite Stopin

Consulter la fiche technique du film

My Darling Quarantine Short Film Festival

Lancé le 16 mars, My Darling Quarantine Short Film Festival est un festival en ligne de courts-métrages visant à soutenir le monde du court et à récolter des fonds pour les organismes de santé en cette période de pandémie. Il se déroule en ce moment sur la plateforme “Talking Shorts” jusqu’à la fin de la quarantaine. Format Court vient de rejoindre le projet en tant que partenaire.

Enrico Vannucci, conseiller court-métrage au Festival de Venise et programmateur au Marché du film de Turin, en est à l’origine : « Face à cette situation, alors que j’étais confiné à la maison, j’ai eu l’idée de créer un festival de court-métrages en ligne à propos de cette crise pour amasser des fonds afin de venir en aide aux différents intervenants du milieu de la santé ».

De nombreux programmateurs à travers le monde participent au projet afin de proposer des films quotidiens, de Cannes à Berlin en passant par Locarno ou Vienne.

Ce festival en ligne s’est axé autour d’un thème bien précis, révélateur de cette période de troubles : la dystopie. Face à l’annulation de nombreux festivals, le collectif de programmateurs internationaux a tenté d’amoindrir les dégâts en continuant à diffuser régulièrement des films.

Chaque semaine, depuis près de 2 mois, un programme de 7 courts-métrages est proposé au public qui a la possibilité de voter pour son film préféré. Les votants, comme les personnes extérieures,  sont invitées à participer à la cagnotte mise en place par le festival. 50% des fonds seront reversés à Médecins Sans Frontières et les 50 autres aux institutions culturelles qui en auront le plus besoin.

Pour faire un don, cliquez ici : https://talkingshorts.com/festivals/my-darling-quarantine-short-film-festival

Pour aller plus loin, nous avons demandé à l’un des fondateurs du projet, Niels Putman, par ailleurs Rédacteur en chef de Kortfilm.be, l’excellent site dédié au court-métrage en Flandre (Belgique), de nous soumettre un film de son choix, programmé dans le cadre de My Darling Quarantine Short Film Festival. Il a opté pour Yellow Fieber de la réalisatrice grecque, Konstantina Kotzamani, déjà évoquée sur Format Court pour deux de ses courts, Electric Swan et Washingtonia.

« Dans Yellow Fieber, Athènes est couvert d’une étrange poussière jaune, considérée à tort, au départ comme du soufre. Très rapidement, pourtant, la fièvre jaune éclate, comme une maladie venue de loin. Dans le contexte de la crise actuelle et et au regard de son arrivée en  Europe, je pense que ce film est une excellente approche poétique de la période à laquelle nous sommes tous confrontés. C’est une histoire sur la perte d’une ville, présente et lue comme un poème. »

Participez à notre 1er Format Quiz !

En ces temps un peu flous, Format Court explore les possibilités du Web et vous propose cette semaine un Quiz sur le court-métrage. En 10 questions, faites le point sur l’actualité du court et ses classiques. Aurez-vous un sans-faute à notre test ?

Ne manquez pas nos prochains Format Quiz publiés sur notre site web et nos réseaux !

C comme Un Chien andalou

Fiche technique

Synopsis : Un balcon dans la nuit. Un homme aiguise son rasoir près du balcon. L’homme regarde le ciel au travers des vitres et rêve éveillé : un léger nuage avançant vers la lune qui est dans son plein. Puis une tête de jeune fille, les yeux grands ouverts. Vers l’un des yeux s’avance la lame d’un rasoir. Le léger nuage passe maintenant devant la lune. La lame de rasoir traverse l’oeil de la jeune fille en le sectionnant…

Genre : Expérimental

Durée : 16’

Pays : France

Année : 1929

Réalisation: Luis Buñuel

Scénario : Luis Buñuel, Salvador Dalí

Musique : Richard Wagner, Tristan et Iseult ; tango argentin

Photographie : Albert Duverger

Montage : Luis Buñuel

Interprétation : Pierre Batcheff, Simone Mareuil

Production : Luis Buñuel

Article associé : la critique du film

Un Chien andalou de Luis Buñuel

C’est l’une des scènes les plus connues du cinéma de Buñuel, sinon du cinéma en général : cet œil que l’on fend d’un rasoir. Une scène insoutenable, qui nous force à fermer les yeux et n’a rien à envier aux films d’horreur contemporains. La petite histoire veut qu’il s’agisse de l’œil – réel – d’un bœuf. Peu importe en vérité : c’est l’œil d’une femme que le spectateur, par la magie du montage, y voit, et c’est le réflexe de clignement qui rend cet œil si vivant et sa souffrance si présente. S’il est sans doute vain de réduire les quinze minutes que dure Un Chien andalou à cette seule scène, il n’en reste pas moins qu’elle apparaît à bien des égards comme la synecdoque du film tout entier. Oublions tout ce que nous savons ou pensons savoir du cinéaste espagnol et replongeons dans cette première scène et ce premier film.

Bien que le « plan de l’œil » arrive très tôt, il n’est pas, comme on le dit souvent, liminaire : le spectateur aura vu auparavant le tortionnaire aiguiser le rasoir qui lui servira d’arme et vérifier sur son ongle la qualité de cet affutage. Aussi la douleur infligée à l’œil est-elle annoncée par le premier frémissement que ce contact de la lame sur l’ongle provoque chez le spectateur. Et c’est sans doute ainsi qu’il faut lire l’ensemble de la scène : une annonce, un avertissement au spectateur.

À l’instar en effet de cet œil, humain ou bovin, l’œil du spectateur est et sera malmené tout au long du film. Malmené d’abord dans cette même scène d’ouverture – pour les raisons évoquées plus haut – mais aussi lors des gros plans sur l’invasion inopinée de fourmis dans une main d’homme ou sur une aisselle velue. Malmené aussi par son propos politique, les institutions comme le mariage et l’Eglise étant, élément récurrent chez Buñuel, volontiers conspuées. Malmené surtout par le coq-à-l’âne visuel que constitue le film tout entier, qui prend l’œil du spectateur au dépourvu et l’empêche de savoir où regarder. Aussi le spectateur ne sait-il plus s’il peut encore croire ses yeux ou si ceux-ci ne commenceraient pas à lui faire défaut – ne serait-il pas devenu, lui aussi, aveugle ?

La réponse la plus simple à ce constat de cécité serait de situer ce film dans son contexte esthétique, celui du surréalisme, qui se présente, ainsi que Breton le martèlera tout au long de sa vie, comme un « automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée ». Et il est en effet difficile de le nier, tout, dans Un Chien andalou, « fait » surréalisme : l’importance du rêve et de l’inconscient, dont rendent compte les surimpressions ; les associations d’idées, qui nous font passer, par la seule grâce de la ressemblance visuelle, d’une colonie de fourmis à une aisselle, et d’une aisselle aux piquants d’un oursin ; la réhabilitation de la folie, avec le cycliste aux étranges oreilles ; l’immixtion du merveilleux, avec le carton liminaire « Il était une fois » ; enfin, l’« inquiétante étrangeté » chère à Freud, avec ce mari qui se transforme en monstre, la bave aux lèvres.

Il s’agit toutefois de remarques qui se bornent à observer les thèmes saillants de l’œuvre sans s’intéresser à sa construction. Car, si surréalisme il y a, c’est moins dans les thèmes que dans ce montage singulier qui donne l’impression de glisser d’un plan à l’autre sans autre raison apparente que l’errance de la pensée la plus intime. Or, au contraire de l’écriture et de la peinture, les seules « manières » qui, jusque-là, « exprim[aient] le fonctionnement réel de la pensée », le cinéma suppose montage et, de fait, relecture. Au cinéma, l’écriture automatique n’existe pas, tout simplement parce que, à un moment, il faut bien coudre les plans ensemble. Ainsi, ce qui donne à Un Chien andalou des allures d’œuvre surréaliste, c’est justement la précision de ce montage, assurément réfléchi en amont, qui donne certes sa saveur onirique à l’ensemble mais nous certifie que, quoi qu’en dise Buñuel lui-même, s’il s’agit d’un rêve, il est en réalité extrêmement bien ficelé. Le film est alors moins à voir comme un hymne au rêve ou au surréalisme que comme un hymne au montage et au pouvoir de démiurge qu’il accorde au réalisateur.

Revenons à présent à la première scène du film, de l’affutage du couteau à l’incision de l’œil : elle a lieu au son du prélude de Tristan et Isolde. Chez Buñuel comme chez Wagner, les relations entre les hommes et les femmes sont difficiles, faites de viol et de mutilation chez le premier, d’adultère et de mort chez le second. La lune intervient, qui semble annoncer un soulagement au spectateur malheureux : sans doute, la mutilation proprement dite lui sera épargnée, suggérée simplement par l’astre de la nuit. Mais non, si la lune apparaît, c’est pour mieux souligner l’horreur de ce supplice. Alors, comme cet œil qui cligne, le spectateur ferme le sien, avant de se rendre compte qu’il a été joué. La lune est repassée, si bien que l’œil n’a pas encore été coupé. Voilà, c’est fait : le spectateur n’a pu y échapper, il l’a vu. Reflet microscopique du film tout entier, voilà ce que nous dit cette scène : le spectateur a beau se cacher les yeux pour éviter de contempler l’horreur, le réalisateur le mène à sa guise et décide, seul, des passages qu’il verra et ne verra pas. Démiurge moqueur et tout-puissant, qui se joue du spectateur comme du critique, Buñuel nous avertit qu’aucune glose ne saurait rendre compte de ses choix esthétiques. S’il souhaite accompagner des scènes de viol et de torture du prélude de Tristan et Isolde ou d’un tango argentin, c’est son pouvoir de réalisateur, et toute tentative d’explication sera vaine. Pourquoi donner du sens à ce qui n’en a pas ?

Julia Wahl

Consulter la fiche technique du film

Festival Format Court #1, 12 courts à (re)voir en ligne du 22 au 26 avril 2020 !

Ce mercredi 22 avril 2020, aurait dû démarrer la 2ème édition de notre Festival Format Court au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et ce, jusqu’à ce dimanche.

Pour info/rappel, nous avons décidé il y a un bon mois de décaler l’événement, à la rentrée, en novembre, pour – on l’espère – pouvoir vous accueillir dans des bonnes conditions et vous présenter notre toute première sélection, les films programmés en séances parallèles et nos chouettes invités.

En lieu et place du festival, nous allons dès aujourd’hui diffuser sur la Toile 12 films liés à 5 programmes mis en place l’an passé, à l’occasion de notre première édition. Ces programmes vous seront proposés jusqu’à ce dimanche, pendant la période qui aurait dû accueillir normalement notre 2ème festival.

Dès ce mercredi 22 avril, nous vous proposerons dès lors chaque jour à 16h un programme de courts-métrages sur notre site et sur les réseaux. Au programme : des courts de réalisateurs passés au long-métrage, des films d’anciens étudiants de l’école ESRA, mais aussi des films interrogeant la marge, des courts primés aux César et un très court belge. Il ne s’agit pas d’un festival en ligne mais d’un condensé de notre projet de l’an passé en attendant que le deuxième puisse être aussi cool, sympa, humain et cinéphile.

Nous vous invitons également à consulter sur notre page Facebook un album Festival#1 comprenant des croquis préparatoires de l’affiche de notre 1er festival, réalisés par Lucrèce Andreae, une sélection de dessins envoyés par des animateurs du monde entier pour les 10 ans de Format Court (le site), quelques photos du festival, ainsi que notre bande-annonce.


🎬 [Retour sur le Festival Format Court #1] 🎬

 JOUR 5 : Spéciale Belgique !

Notre 1er festival avait mis la Belgique à l’honneur en conviant plusieurs comédiens et réalisateurs talentueux et sympas à Paris : : Jean-Benoit Ugeux, Catherine Salée, Wim Willaert, Xavier Seron, François Bierry et Emmanuel Marre.

Pour clôturer notre festival, la séance belge réunissait 5 films traversés par cet humour autodérisoire, typique du plat pays. En guise de dernier clin d’œil, nous vous proposons de découvrir un très court ludique réalisé dans le cadre des Nuits en or du court-métrage.

Longueur, fréquence, intensité, émotion de Xavier Séron, Méryl Fortunat-Rossi, Belgique, France, 2016, sélectionné au Festival Regard 2016 


🎬 [Retour sur le Festival Format Court #1] 🎬

JOUR 4 : 25/4/2020 : En Marge !

Format Court a sillonné de nombreux chemins, au carrefour de l’un d’eux, une rencontre importante s’est opérée avec un cinéma différent, comprenant des propositions ne cessant de surprendre, d’intriguer, voire de choquer. L’idée d’un programme spécial, entièrement consacré à ces œuvres exigeantes qui évoluent dans la « marge », s’est alors imposée d’elle-même.

2 films issus du programme 2019 vous sont proposés aujourd’hui :

The Origin of Creatures de Floris Kaayk, Pays-Bas, 2010, Prix Format Court au Festival Paris Courts Devant 2011 

Articles associés : l’interview de Floris Kaaykla critique du film

Articles associés : la critique du film, l’interview de Guy Maddin


JOUR 3 : 24/04/2020 : Focus ESRA !

Chaque année, les étudiants de l’ESRA (formation privée aux métiers du cinéma, de la télévision, de l’animation et du son) réalisent des films de fin d’études soumis à des jurys professionnels.

Voici 2 films programmés en 2019 dans le cadre du programme que nous avions consacré à l’école :

Le Phénomène Paul Emile Raoul de Fred Perrot et Audrey Najar (2007)

Se taire de Tancrède Delvolve (2012)

 


⏰ JOUR 2 : 23/04/2020 : César !

La manifestation la plus importante dans le domaine du 7ème art en France, la plus ancienne également, celle des César, s’intéresse également au court-métrage. Ce jeudi, nous vous présentons 4 films primés aux César en guise de mémo de notre 1er festival :

Logorama de François Alaux, Hervé de Crécy, Ludovic Houplain, France, 2009. César du meilleur court-métrage d’animation 2011

Articles associés : la critique du filml’interview de Ludovic Houplain, l’interview de Nicolas Schermkin (producteur)

Foutaises de Jean-Pierre Jeunet, France, 1990. César du meilleur court-métrage 1991

Article associé : l’interview de Jean-Pierre Jeunet

Le Repas dominical de Céline Devaux, France, 2015. César du meilleur film d’animation 2016

Articles associés : la critique du filml’interview de la réalisatrice

Des majorettes dans l’espace de David Fourier, France, 1997. César du meilleur court-métrage 1998

 


⏰ JOUR 1, 22.4.20 : Retour vers le court

Le court-métrage est un aphorisme, une poésie de l’instant, une figure d’un moment dans le temps. Et puis vient ce temps où le long se rappelle au court, où la poésie s’étale, se transforme en recueil et se mue en long-métrage. C’est de la forme courte que tout s’élance, tout démarre, tout se réalise pour les auteurs.

Ce retour vers le court, programmé en avril 2019 à l’occasion de notre tout 1er festival, s’exprime avec 3 films que nous avions diffusés, tous disponibles sur la Toile : « Valimo » de Aki Kaurismäki, réalisé pour les 60 ans du Festival de Cannes, « Listen » de Rungano Nyoni et Hamy Ramezan, réalisé dans le cadre de la Nordic Factory 2014 (critique en ligne) et « La Queue de la Souris », film d’école de Benjamin Renner, alors étudiant à La Poudrière, école du film d’animation.

 

Le Bunker de la Dernière Rafale de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet

En 1981, la bande-dessinée franco-belge connaît son âge d’or. La science-fiction et la fantaisie ont le vent en poupe. Bilal, Bourgeon, ou les frères Schuiten se révèlent les uns après les autres. Mœbius et Jodorowsky publient le premier tome de L’Incal, RanXerox montre enfin le bout de sa carcasse cybernétique, et Loisel planche déjà, avec Le Tendre, sur ce qui deviendra La Quête de l’Oiseau du Temps. Tardi et Druillet traînent déjà leurs univers tourmentés, l’un constellé de savants fous et dévoré par la Grande Guerre, l’autre hanté de monuments psychédéliques, de junkies ultra violents et de titans lovecraftiens. Au milieu de tout ça, Métal Hurlant mène la danse, publiant les uns et les autres, révélant les talents, et imposant pour tous ses visions fiévreuses et hallucinées. Marc Caro est alors un jeune dessinateur de vingt-cinq ans, qui a déjà vu paraître quelques unes de ses planches entre les pages d’un Fluide Glacial, d’un Écho des Savanes ou, bien sûr, d’un Métal Hurlant. Passionné par le Punk et le mouvement industriel, il fait un peu de musique à ses heures perdues. C’est un touche-à-tout. Cela fait sept ans déjà qu’il a rencontré un certain Jean-Pierre Jeunet, apprenti cinéaste. Ensemble, ils ont déjà réalisés deux films, deux petits courts-métrages d’animation : L’Évasion, en 1978, et Le Manège, en 1980. En cette année 1981, leur ambition est déjà montée d’un pallier. Depuis plusieurs mois, ils préparent leur première grande œuvre, celle qui cristallisera à elle seule leurs influences bédéphiles, cinématographiques et musicales, celle qui concrétisera, en moins d’une trentaine de minutes, l’imaginaire de leur époque.

C’est ainsi qu’ils réalisent Le Bunker de la Dernière Rafale. Le film nous enferme, comme son nom l’indique, au fond d’un souterrain lugubre, en un temps mal défini. Des militaires aux crânes rasés y observent de mystérieux radars, réparent des machines fumantes ou s’emploient à réaliser d’étranges expériences, impliquant électrochocs et cryogénie. A l’extérieur, la terre n’est plus qu’un champs de ruine, un paysage lunaire écrasé sous une nuit perpétuelle. Un compte à rebours, jusque là caché, est découvert dans un recoin oublié de la base. Nul ne sait ce qu’il adviendra lorsque le compteur atteindra zéro. Les uns après les autres, les soldats tombent dans la paranoïa, puis la folie.

Dire que l’ambiance est anxiogène relève du gentil euphémisme. Le futur que Jeunet et Caro nous invitent à contempler est un monde de ténèbres et de métal, un labyrinthe de boyaux étroits, de tuyaux rouillés et de mécanismes semblables à des appareils de torture, un dédale où se perdent quelques visages blafards, marqués par une vie sans soleil, des visages de revenants. Est-ce une retranscription fantasmée de la Seconde Guerre Mondiale ? Est-ce l’apocalypse nucléaire ? Ou une bataille sur une planète lointaine ? Est-ce l’au-delà ? Des cadavres empaquetés se cachent dans les placards. Une main flotte dans le formol. Tout est rongé, usé, décomposé, tout est sale, dégoulinant et malsain. Des cyborgs, des hommes-machines, hantent les lieux. L’un cache son œil sous un monocle futuriste, un autre répare la pince mécanique qui lui sert de bras. En regardant ce film, nous pensons à La Jetée, de Chris Marker, à son Paris post-apocalyptique et à ses savants fous cachés dans les entrailles du métro. Nous pensons à Alien, de Ridley Scott, qui vient d’ouvrir, à peine deux ans auparavant, les portes de la science-fiction horrifique, avec ses créatures biomécaniques et ses épaves organiques dessinées par Hans Ruedi Giger. Nous pensons, enfin, à l’énigmatique Eraserhead, de David Lynch, sorti en 1977, auquel les deux jeunes auteurs feront directement référence dans leur court-métrage suivant, Pas de Repos pour Billy Brakko, en 1984.

Le film baigne dans un noir et blanc granuleux, crasseux, aux ombres découpées. La pellicule est teintée d’une nuance verdâtre, et parfois bleutée. L’une colle à la terre, à la peau, au fer et au béton, l’autre aux écrans, aux émanations électriques, à ces étranges aurores boréales qui traversent le ciel obscur. Ces images monochromatiques, ce sont celles du cinéma muet. Le Nosferatu de Murnau (1922), pour ne citer que lui, usait et abusait de cette pellicule teinte, tantôt en bleu, tantôt en jaune ou en rouge, symbolisant la nuit, la lueur des torches ou l’aube ensanglantée. Le Bunker de la Dernière Rafale, par beaucoup d’aspects, se rattache à une certaine école du cinéma des années vingt, un cinéma de visages cadavériques, de monstres fous, et de ténèbres omniprésents. C’est l’expressionnisme allemand que Caro et Jeunet convoquent, et avec lui un imaginaire de rêves aliénants, de transes meurtrières, l’imaginaire d’un peuple traumatisé par la Grande Guerre. En invoquant Le Cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene (1920), l’atmosphère gothique de Faust (1926), les hurlements de Munch ou les gravures abominables d’Otto Dix, c’est la guerre elle-même, et tout son carnaval de psychoses et de démences, que libèrent les jeunes cinéastes. C’est, en fin de compte, une passerelle dressée vers une autre époque, où les limbes du cinéma muet exprimaient encore, tout doucement, les murmures de la catastrophe passée.

La guerre, c’est, pour Jeunet et Caro, une abstraction, un moment d’Histoire qu’ils n’ont pas connus. Mais, dans les années de leur enfance, la guerre est encore sur toutes les lèvres. Leurs aînés ont connu l’horreur. Eux, non. Déjà, toute une génération réinvestit cette anomalie de la chronologie humaine que fut la Seconde Guerre Mondiale. Cette guerre qu’ils n’ont pas vécue n’existe qu’à travers les souvenirs, les témoignages, les photos, les films, les contes. Cette guerre si proche, qui n’a précédé leur existence que de dix, cinq, deux ans, quelques mois… Cette aberration, trop grande pour être pleinement conceptualisée par l’homme, commence, déjà, tout doucement, entre les mains d’une jeunesse insouciante, à devenir mythologie. La « Der des ders » hante le dessinateur Tardi, dont les tronches chauves et disproportionnées inspireront peut-être les âmes damnées du Bunker. Ces mêmes crânes chauves rappellent l’imagerie nazie, la coupe militaire, les prisonniers des camps, ou le crâne rasé des skinheads. Le Bunker de la Dernière Rafale pourrait correspondre à une vision allégorique de la guerre, non pas seulement dans ce qu’elle a d’universel, mais dans la façon précise dont toute une génération a dû la réinventer, l’imaginer, l’interpréter, afin de comprendre un passé pourtant incompréhensible.

La guerre, c’est aussi la Guerre Froide, ce conflit titanesque qui sculpte la seconde moitié du XXème siècle. Ça, Jeunet et Caro connaissent. Tout un imaginaire paranoïaque s’est développé sur la base de la confrontation invisible entre les deux blocs, un imaginaire d’espionnage, de stations d’écoute, de radios pirates, d’assassinats politiques à coups de parapluies bulgares, d’aéronefs expérimentaux, de voyages spatiaux, de militaires lobotomisés, d’athlètes dopés, et d’expériences inhumaines conduites au plus profond de laboratoires secrets. La Guerre Froide déplace la crainte d’une boucherie à découvert, pour la transformer en méfiance vis-à-vis de toutes les ruses, toutes les perfidies, toutes les nébuleuses méthodes qu’un État serait susceptible d’employer pour arriver à ses fins. Le complotisme se démocratise, et avec lui émerge une toute nouvelle mythologie. La science, sous toutes ses formes, devient objet de fantasmes. D’elle viendra notre perte. Le Bunker de la Dernière Rafale met à l’honneur les prothèses encrassées, les chars blindés gargantuesques, les machines instables prêtes à exploser et à provoquer nombre d’accidents mortels, les expériences sadiques impliquant lavages de cerveaux et insectes électrocutés. La science telle qu’elle apparaît dans le film ne va nulle part, ne cherche rien, elle ne fait qu’exprimer l’état de déliquescence mentale de pauvres erres confinés. La génération des baby boomers a troqué le positivisme du début de siècle pour une peur tenace, et parfois irraisonnée. La science n’exprime plus le progrès, mais le délitement de la civilisation. A la tête de la grande hiérarchie des paranoïas, il y a, bien évidement, la crainte du conflit nucléaire, celui-là même qui doit mettre fin à l’humanité telle que nous la connaissons, celui-là même qui transformera notre planète en ce champs de ruines verdâtres enveloppées d’une nuit perpétuelle que Caro et Jeunet ont choisi pour décor de leur cauchemar dystopique.

Bande-dessinée franco-belge, expressionnisme allemand, aberrations biomécaniques, mémoire traumatique, folklore complotiste et conflits nucléaires, se mêlent harmonieusement dans l’univers du Bunker. Plus qu’une somme de peurs et de visions, le film est la retranscription d’un certain état d’esprit, une jeunesse marquée à la fois par le triomphe de la culture populaire, de la science-fiction et de la fantaisie, et par celui des contre-cultures issues de la Beat Generation, le mouvement Punk en tête. C’est une œuvre anarchiste, qui balaie, consciemment ou inconsciemment, tous les systèmes, s’attaquant au militarisme, à l’autorité, ou à toute politique sécuritaire à grands coups de caméras dans les toilettes, de généraux impotents ou d’ordres cryptés venus d’on ne sait où. Plus que cela, c’est une œuvre nihiliste, l’expression la plus brutale du slogan « No Future » chère au mouvement Punk, la contemplation d’une humanité vouée à l’échec, condamnée à détruire le monde et à s’anéantir elle-même. Le compte à rebours du film exprime la certitude d’une fin proche, une fin inéluctable, que chacun pressent sans pour autant deviner la façon dont elle se manifestera. Dès l’année suivante, sortiront Blade Runner (Ridley Scott) et Mad Max 2 (Georges Miller), qui offriront au monde une forme analogue de misanthropie. En 1984, William Gibson publie son célèbre roman Neuromancien. Le Japon se laissera, à son tour, conquérir par la vague crépusculaire, avec le manga Akira, de Katsuhiro Ōtomo, ou bien le court-métrage avant-gardiste de Shin’ya Tsukamoto : Tetsuo (1989), plus bel héritier, sans doute, du Bunker de la Dernière Rafale. En une poignée d’œuvres sombres et viscérales, de mondes apocalyptiques, de cyborgs psychotiques et de métropoles enténébrées, naît, croît et s’impose le mouvement Cyberpunk.

Virgile Van de Walle

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S comme Small Deaths

Fiche technique

Genre : Fiction

Durée : 11’

Pays : Royaume-Uni

Année : 1996

Réalisation : Lynne Ramsay

Synopsis: Anne-Marie est une jeune fille écossaise : trois moments de sa vie sont le lieux d’une mort. Une soirée où son père quitte le foyer, une journée dans les champs au milieu des vaches, et une farce cruelle dont elle est victime.

Scénario : Lynne Ramsay

Montage : Lucia Zucchetti

Son : Trevor Powell et Tsang Hing

Interprétation : Anne McLean, James Ramsay, Lynne Ramsay Jr, Genna Gillan, Jodie McCartney, Anne-Marie Kennedy, Ann Mary Lafferty, Danny Hamilton

Production : National Film and Television School

Article associé : la critique du film

Small Deaths de Lynne Ramsay

En 2007, The Guardian fait un classement des 40 meilleurs réalisateurs vivants. En douzième position, juste au-dessus de Béla Tarr, Wong Kar-Wai, Perdo Almodovar, Todd Haynes et Quentin Tarantino, nous trouvons Lynne Ramsay. Un cinéphile attentif reconnaîtra peut-être le nom de celle qui réalisa We Need to Talk About Kevin (2011), Le Voyage de Morven Callar (2002), Ratcatcher (1999), ou plus récemment A Beautiful Day (2017). Si ces films ont leur réputation, peu sont ceux qui auront l’audace de leur donner l’impact d’un Pulp Fiction ou d’un Cheval de Turin (pour peu que l’on puisse placer ces deux films dans une même phrase). Comment expliquer, alors, le choix du journal britannique ? Pour comprendre l’importance allouée à Lynne Ramsay, il faut revenir à son premier court-métrage.

Small Deaths est, au départ, un film de fin d’études pour la National Film and Television School, où elle fait ses études. La jeune Lynne Ramsay, en 1996, n’est cependant pas à prendre à la légère. Car Small Deaths sera sélectionné au Festival de Cannes, et gagnera même le Prix du Jury (un moyen comme un autre de lancer sa carrière). Le film est composé de trois scènes, chacune mettant en scène une jeune fille, Anne-Marie, à trois moments de sa vie – l’enfance, le début de l’adolescence, et la fin de celle-ci. Dans la première, Ma and Pa, on voit la très jeune protagoniste qui refuse d’aller au lit, pendant que son père se prépare à aller au pub; une ombre plane sur son retour. Dans la deuxième scène, Holy Cow, Anne-Marie et sa jeune soeur sortent jouer dans un pré, profiter de la nature, précédées par un groupe de garçons qui jouent à faire peur aux vaches avec des cailloux. Soudain, les filles tombent nez à nez avec une vache blessée au ventre, en train d’agoniser. Son oeil et celui d’Anne-Marie se croisent. Enfin, dans la troisième scène, The Joke, elle se rend dans un triste appartement, où une bande de copains se trouve. Ils sont aux prises avec une fille qui semble avoir fait une overdose. L’inquiétude d’Anne-Marie monte, jusqu’au moment où la fille se réveille en souriant, montrant que c’était évidemment une blague. Dégoûtée, Anne-Marie s’en va, croisant le regard d’un garçon qui semble trouver ça aussi peu drôle qu’elle. Elle hésite, et finit par le suivre dans l’escalier.

Ce qu’il faut d’abord remarquer, c’est que Ramsay est une plasticienne : ce qui compte plus que tout, c’est l’image et le son. La matière qui compose le film heurte, cueille, éblouit le spectateur. Small Deaths est avant tout un choc de lumière et de contraste. Il ne s’agit pas de plonger le spectateur dans la réalité du moment, mais de dépasser ce qui serait du pur réalisme. L’objectif est de capter et de retranscrire une réalité ressentie, une intensité profonde. Ainsi on se passe de musique pour des bruitages bruts, une ambiance visant à retranscrire l’entièreté de l’atmosphère des lieux. Le son prend déjà cette fonction moderne de faire sentir la scène de manière presque cutanée, afin que l’on soit pris par les sensations avant toute autre chose. C’est par elles que l’on accède au contenu émotionnel du film, lequel est un mélange de nostalgie, de mélancolie, de tristesse, parfois de joie – surtout de violence. C’est ici que commence la carrière de Ramsay, dont les films s’évertuent à faire physiquement mal : le choc brutal de ses films ne consiste pas cependant tout à fait en la brutalité graphique ou sonore, mais bien en une violence symbolique, retranscrite avec d’autant plus de clarté que les sens du spectateur n’ont accès qu’à une agression étouffée, partielle, qui laisse à l’imagination et à la sensibilité le soin de compléter ce dont il est témoin.

De la mort réelle d’une vache à celle simulée d’une adolescente, le choc est avant tout celui du traumatisme. Car c’est de cela qu’il s’agit dans Small Deaths : trois morts symboliques, trois morts qui sont d’abord la mort de quelque chose à l’intérieur du personnage principal. Si le film nous fait voir ce plan serré de la tête d’Anne-Marie, avec en fond ses parents, c’est pour nous signifier que nous sommes justement dans un univers mental. On a aussi le son des enfants qui jouent dehors, que la petite fille semble entendre, par fantasme toutefois, puisqu’il disparaît aussi vite qu’il est venu. De même la lumière naturelle puissante permet de créer un contraste fort entre les extérieurs et les intérieurs, et de faire des ombres marquées sur les visages, souvent vus de très près et avec une courte focale, pour en déformer les traits. Ceux qui ne sont pas déformés ou obscurcis apparaissent d’autant plus doux : c’est un moyen, en un sens, de leur donner la consistance du souvenir, où les personnes seront parfois réduites à de simples silhouettes ou caricatures.

On pourrait même dire du cinéma de Ramsay qu’il est un cinéma de la mémoire. Au lieu de nous montrer le présent, on sent bien que les scènes auxquelles on assiste sont des sortes de souvenirs, des souvenirs traumatiques. Le propre du trauma est précisément de ne pas être une image lointaine, mais un moment perpétuellement revécu. C’est dans ce souci de faire « plus vrai que vrai » que l’ensemble de la mise en scène semble s’articuler, pour donner une consistance brutale et pourtant presque mythique aux événements, en particulier en ce qui concerne la mort de la vache. On ne peut que songer à une scène similaire dans Requiem pour un Massacre d’Elem Klimov, lui aussi un film à la fois brutalement réaliste et pourtant halluciné, où l’on assiste au même plan sur un oeil bovin. Ce qui est sûr c’est que Ramsay convoque ici tout son bagage cinéphile, de Cassavetes – dans sa façon de filmer les visages et les rapports humains – à Bergman ou Fassbinder pour la consistance hallucinée des images traumatiques, ainsi qu’une froideur percutante. La réalité d’une Écosse morne et pauvre, la violence des enfants et des jeunes laissés seuls, rappelle aussi de loin les films de Larry Clark.

Le traumatisme se présente toujours avant ses causes, avant son origine, cachant dans le labyrinthe de la mémoire les explications salutaires. Small Deaths nous montre l’ennui, la pauvreté, l’exploration des enfants, mais aussi un rapport particulier aux rôles de genre. Si Ramsay n’aime pas être considérée en tant que réalisatrice, ou comme cinéaste féministe, on constate bien ici une attention toute particulière portée aux différences de genre. La mère d’Anne-Marie coupe les cheveux de son mari, lui fait le café, le ménage. Lui est absent même lorsque son corps est là. Ce sont les garçons qui lancent des pierres sur les vaches. Ce sont eux aussi qui sont les plus nombreux au moment de la blague, qui font d’une fille la victime idéale. Pourtant, Anne-Marie semble bien intéressée par les hommes, les contemple de loin. De là jusqu’à A Beautiful Day, la question des identités de genre est généralement montrée dans une profonde ambiguïté, un conflit complexe et douloureux. L’origine du mal sera toujours laissée, comme ici, à l’interprétation.

Small Deaths lance une approche subtile et décalée, fantasmatique et poétique, très souvent bien sombre, que Ramsay explore en longs et en courts métrages – souvent oubliés. Swimmer (2012) ou Gasman (1997) sont d’autres pistes à privilégier vers ces rêves étranges ou ces interrogations sociales et psychologiques – émotionnelles, en fin de compte.

Théo Mathis

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La Petite Histoire de Gwen la Bretonne d’Agnès Varda, en ligne !

Il y quelques jours, L’American Cinematheque a mis en ligne sur YouTube un court métrage inédit d’Agnès Varda, La Petite Histoire de Gwen la bretonne, un an après la disparition de la réalisatrice- photographe.

Rappelons-le, Agnès Varda est l’une des premières femmes à s’être imposée dans le cinéma de la Nouvelle Vague, ce qui lui vaudra de nombreux prix, dont le César du meilleur court métrage en 1984 pour Ulysse (diffusé l’an passé à notre festival).

Sorti en 2008, La Petite Histoire de Gwen la bretonne, petit court métrage de 5’13 exactement, raconte la rencontre d’Agnès Varda et de son amie, Gwen Deglise, devenue programmatrice de l’institution américaine.

Tourné à la manière d’un documentaire, alternant voix off de la grand-mère de la Nouvelle Vague et témoignages de Gwen, les deux amies se répondent et conversent sur les souvenirs de leur rencontre.

Dans un décor idyllique, à la conquête de l’ouest sur les plage de Los Angeles, l’histoire d’amitié se transforme en récit de voyage. Et Varda n’oubliera pas de nous citer quelques anecdotes de sa vie, pour notre plus grand plaisir. Un émouvant petit docu de fiction mêlant rêves et nostalgie, mettant en scène le cinéma lui-même autour d’un portrait sincère et touchant.

Remerciements : Ciné-Tamaris

Manon Guillon

L’Usine de Sergueï Loznitsa

Le réalisateur ukrainien Sergueï Loznitsa hante depuis quelques années les festivals. Depuis Dans la Brume, en 2012, nous le retrouvons régulièrement à Cannes, que ce soit pour Une Femme Douce en 2017 ou Donbass en 2018. Pourtant, sa filmographie ne saurait se limiter à quelques films primés. En parallèle de ses ambitieux films de fiction, Loznitsa ne se plaît parfaitement que dans le documentaire à tendance expérimental, que ce soit via le court ou le long-métrage, genre dont il ne semble jamais vouloir se lasser. Loin d’être prédestiné au cinéma, le réalisateur a d’abord reçu une formation de mathématicien. Ingénieur, spécialisé dans l’intelligence artificielle, il se lasse bien vite de sa carrière scientifique, pour se tourner vers des études plus artistiques. Jusque en 2010, son travail est uniquement documentaire. Son style est déjà très marqué : L’Attente (2000) propose une longue contemplation a travers les visages endormis des voyageurs assis dans une gare de province ; Portrait (2002) n’est précisément qu’un enchaînement de portraits, des hommes et des femmes tentant maladroitement de tenir la pose devant l’œil de la caméra ;  Artel (2006), sous prétexte de nous montrer des pêcheurs au travail sur un lac gelé, se vit comme une véritable expérience sensorielle, où le fond blanc neigeux, quasiment abstrait, se mêle aux sons apaisants des craquelures de la glace.

Scientifique, Loznitsa l’est resté. Obsédé par les problématiques de structure, de reconstitution et de distanciation, toute son œuvre n’est de fait qu’un long découpage du monde en fines lamelles, suivi d’un passage sous le microscope. Ses films sont d’abord dépourvus de commentaire, non seulement de la part du cinéaste lui-même (au travers d’une voix off par exemple), mais aussi de la part des protagonistes, auxquels la parole est rarement donnée. Ensuite, chacun d’eux n’a souvent d’autre scénario qu’un découpage méthodiquement étudié. Les plans s’enchâssent au sein de structures prédéfinies comme les perles sur un collier. Les durées sont prédéterminées selon des schémas seulement connus du cinéaste. Enfin, les fictions de Loznitsa sont rarement autre chose qu’une suite de reconstitutions, à l’image de Donbass qui, en 2018, proposait de découvrir la guerre russo-ukrainienne à travers un enchaînement de scènes barbares inspirées de réelles vidéos du conflit postées sur Youtube. En résulte des œuvres neutres, presque des œuvres mortes, plus mécaniques que véritablement humaines. Documentaire ou fiction, chaque film est une vivisection. La substance vivante est retirée pour ne laisser que le squelette, le schéma de l’événement, une structure muette, universelle, intemporelle. Un symbole. La froideur de Loznitsa lui sera reproché tantôt comme le symptôme d’une misanthropie latente, tantôt comme une forme d’apolitisme. Pourtant, politique, le cinéma de Loznitsa l’est. Il n’est même que ça.

En URSS, après la Seconde Guerre Mondiale, la logique du kolkhoze – mise en commun des terres et moyens de production d’un certain nombre d’exploitants agricoles – est appliquée à l’industrie. Ainsi naît le kombinat, qui rassemble, au sein d’une même structure, ateliers, entreprises et manufactures divers. C’est dans l’un de ces antiques kombinats encore en activité, que Loznitsa tourne, en 2004, son septième court-métrage : L’Usine. Long de trente minutes, le film se divise en deux parties égales : « L’Acier » et « L’Argile ». Les deux actes correspondent aux deux ateliers du site. L’un, naturellement, est une aciérie. Ici travaillent les hommes, au milieu des fours et du métal en fusion. L’autre, tout aussi naturellement, est une fabrique de briques. Ici travaillent les femmes, plongées dans une pénombre humide et froide, devant des machines qui ne s’arrêtent jamais. Ce sont deux univers, l’un noir et rouge, l’autre vert et bleu, l’un tout de feux et l’autre de néons blafards. Les uns luttent contre les ténèbres et les flammes, les autres bataillent contre la terre et l’eau, bataillent, surtout, contre la monotonie, l’ennui, la répétitivité du geste, la souffrance du muscle bientôt réduit à l’état de poussière.

L’Usine est d’abord une œuvre formelle. Fidèle à son habitude – habitude qu’il ne fera que confirmer par la suite – Loznitsa se passe de tout commentaire. Il s’en passe tant que, dans un premier temps, le film peut se lire, plus que comme un documentaire, comme une fresque, un tableau, une œuvre purement esthétique. L’environnement, les matériaux, les machines, les humains s’amalgament, s’agglomèrent, se fondent, fusionnent en une même chair, une chair biomécanique, une chair rouillée, calcinée, désagrégée, désintégrée, une chair en décomposition. Les tuyaux, noirs de suie, courent comme des viscères le long des parois minéralisées ; les machines, les fours, les valves, les soupapes, les roues, les engrenages, les poulies et les chaînes sont comme soudés ensemble, soudés par les coulures du métal fondu, et par la concrétion de quelque résidu charbonneux ; les grandes cuves, les brasiers, les tapis roulants paraissent comme des organes fatigués, vieillissants, presque déjà morts, continuant mollement à s’agiter au fond d’une titanesque carcasse ; la terre molle est humide s’accroche partout, colle aux mains, aux vêtements, aux visages, aux appareils rudimentaires qui tanguent et tremblotent sous la charge répétée des mottes et des boules gluantes. C’est d’abord cette sensation épidermique de la matière, de la pesanteur des choses, de la texture – encore renforcée par les chuchotements visqueux de l’acier, ou les clapotis de l’argile malaxée – qui frappe le spectateur au visionnage de L’Usine.

Bercée dans cette absence de message clair, de dialogues, d’explications, bercée dans ce bain de sensations vivantes, muettes et pourtant éloquentes, l’image recouvre toute sa puissance mythologique. Le symbolisme est bien présent, à travers les plans – certains volontairement iconiques –, à travers le rudiment de narration et les choix de structure. La première partie, « L’Acier » s’ouvre sur une représentation que l’on croirait purement métaphorique, amorce d’une véritable cosmogonie qui ne fera que se déployer tout au long du film : un ouvrier, un homme, émerge à la manière d’un nouveau-né de la matrice béante et noire d’une monstrueuse machine, semblable par certains aspects au Moloch de Fritz Lang (Metropolis, 1927). À la vision d’un feu dompté par les ouvriers, baladé à travers l’aciérie, partagé de poste en poste, on pense au mythe de Prométhée, qui vola le feu aux dieux pour en faire don aux hommes. À la vision de femmes réitérant indéfiniment, semblable à des automates, la même boucle gestuelle, nous songeons au mythe de Sisyphe ou à celui des Danaïdes. L’architecture du métrage, divisé en deux panneaux égaux – l’un consacré au feu et à l’acier, au monde des hommes, et l’autre au monde des femmes, à la terre et à l’eau –, cette association symbolique, cet agencement précis nous renvoie directement aux codex alchimiques, et aux genèses de chaque civilisation. L’alchimie, ainsi, lie, cryptiquement, la force masculine au souffre, force active, instable et inséminatrice ; la force féminine est liée à la terre, à l’eau, au mercure, c’est la stabilité, le sel structurant, l’entité incubatrice. Cette symbolique, nous la retrouvons dans la film, non pas seulement au travers des couleurs, des éléments, ou des ouvriers effectivement hommes ou femmes selon le poste qu’ils occupent, mais surtout au travers des deux grands supplices que réserve à ces derniers l’enfer industriel : celui des hommes, c’est le danger, la flamme dévorante, chaotique, imprévisible, qui jaillit, éclabousse, dévore ; celui des femmes, c’est la répétition, le geste robotique, c’est une forme de stabilité absolue et mortifère, un temps qui s’étire indéfiniment, un temps qui reboucle sur lui-même, dépourvu d’incertitudes, dépourvu de la moindre variation.

L’Usine, ne l’oublions pas, a une valeur documentaire. Il s’agit surtout, et avant tout, d’une œuvre politique. L’URSS avait, en son temps, élevé l’ouvrier au rang de héros. Le prolétaire se devait d’incarner, sur le modèle d’Alekseï Stakhanov, l’Homme Nouveau, travailleur acharné entièrement inféodé au bien commun. Le modèle s’est effondré. Les kombinats dépérissent les uns après les autres. Quelques manœuvres, ça et là, continuent à faire tourner les machines, dans des conditions généralement insalubres. Loznitsa film les ruines du régime soviétique. Il les filmera d’ailleurs souvent. Mais il filme avant tout le travail lui-même, dans son acceptation universelle ; le travail qui déshumanise, qui blesse, et qui, lentement, tue. Le cinéaste fait le choix des plans longs, fixes, qui laissent le temps s’écouler, qui ne coupent pas l’action, qui, particulièrement, ne coupent pas le geste de l’ouvrier. L’Usine pourrait faire office de manuel, tant le fonctionnement des hommes et des machines nous apparaît limpide. Pas la moindre étape de leur labeur n’échappe à l’œil. Aucune ellipse n’atrophie l’ampleur de leurs tâches. Chaque geste, chaque mouvement, est restitué dans sa temporalité réelle. Les secondes sont longues. La danse des bras et des mains devient monocorde, épuisante. Des bruits répétitifs et stridents, des cloches, des alarmes, des coups de marteaux, accentuent cette sensation d’emprisonnement temporel. Le spectateur souffre de ces multiples boucles pendant trente minutes. Il ne peut qu’imaginer la souffrance du travail à la chaîne, qui s’étire, s’étire, élastique, tout au long des heures, des jours, des années, des décennies. Et ces souffrances, que produisent-elles ? Quelle est leur raison d’être ? Nous voyons le geste, nous le décomposons. Pourtant, aucune explication ne nous est donnée. Pas plus, probablement, qu’elle n’a été donnée à tous ces travailleurs. Dans ces conditions, le cerveau, peu à peu, s’éteint. L’homme devient machine. Tel est l’Homme Nouveau. Cet homme, l’exploité, le robot, cet homme n’a rien d’exotique. Il n’appartient pas à la Russie, ni à l’ex-URSS, ni aux communismes et totalitarismes de tout horizon, il appartient à la civilisation. Les conditions dans lesquelles évoluent les femmes et les hommes de L’Usine ne sont pas tellement éloignées de celles qui attendent n’importe quel ouvrier français, chez Michelin par exemple, ou dans des groupes plus petits : le réveil à l’aube, le travail de nuit, la répétition du geste, la posture douloureuse, les machines d’un autre âge, les bruits stridents, les produits toxiques, les accidents, le froid, le fer, le béton, le cerveau qui, peu à peu, s’éteint, le temps qui s’étire, élastique, tout au long des heures, des jours, des années, des décennies. Et la retraite que l’on finit par ne plus même espérer.

Quelques parti pris simples, un œil clinique, une méthode à toutes épreuves, une totale absence de compromis, font toute l’œuvre de Sergueï Loznitsa. C’est à ce prix qu’il entasse des couches et des couches de lectures et de significations sur un motif a priori simple, qu’il aurait été facile de diminuer, de réduire à son contexte. Le cinéma de Loznitsa est politique. Difficile, pourtant, de savoir ce qu’il pense. En bon scientifique, il privilégie l’expérience au discours. Il montre et ne commente pas. La forme est tout. La forme, d’ailleurs, n’est pas tant un choix de mise en scène qu’une méthodologie d’expérimentation. La forme doit être telle qu’elle l’est pour préserver la distanciation, la pureté du regard, pour éviter tout parasite émotionnel ou contextuel. Le spectateur devient chercheur. À lui d’observer, de formuler des hypothèses, de recouper les informations, de tirer des conclusions. Le cinéma de Loznitsa n’est de fait qu’un vaste observatoire, tantôt microscope, tantôt télescope, une lentille qui restitue un peu de la nudité et de la simplicité du monde.

Virgile Van de Walle

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U comme L’Usine

Fiche technique

Synopsis : Une fonderie où l’on recycle le métal, une briqueterie. Les gestes du travail, la répétition. Diptyque : masculinité et féminité, continuité et interruption, intégralité et fragmentation. Contemplation impressionniste d’un monde industriel qui disparaît.

Genre : Documentaire

Durée : 29’58 »

Pays : Russie

Année : 2004

Réalisation : Sergueï Loznitsa

Image : Nicolaï Efimenko, Sergueï Mikhailchuk

Son : Vladimir Golovnitski

Montage : Sergueï Loznitsa

Production : Studio du Film Documentaire de Saint-Pétersbourg

Article associé : la critique du film