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Festival du film court en plein air de Grenoble, la sélection 2013

Du 2 au 6 juillet, Format Court assistera pour la première fois au Festival du film court en plein air de Grenoble (par la participation de Katia Bayer, en tant que jurée au festival). Avant de découvrir le focus entourant cette 36ème édition, retrouvez la liste des 34 films retenus pour la compétition, sur le millier de films inscrits.

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Films en compétition

– 216 mois, de Valentin et Frédéric Potier

– Amal, de Alain Decheres

– As it used to be, de Clément Gonzalez

Avant que de tout perdre, de Xavier Legrand

– Betty’s blues, de Rémi Vandenitte

– Bonne poire, de Marie Belhomme

– Cargo cult, de Bastien Dubois

– Cicatriz, de José Manuel Cacereno

– Date limite de consommation, de Christelle Lamarre

– Dozdi, de Mohammad Farahani

– Faim, de Géraldine Boudot

– French kiss, de Céline Groussard

– Fuck you, de Olivier Jean

– Guillaume le désespéré, de Bérenger Thouin

– Habiba, de Ingrid Lazenberg

– Jacobo, de David Delaguila Perez

– La nuit américaine d’Angélique, de Joris Clerté

– Les chrysanthèmes sont des fleurs comme les autres, de Yann Delattre

Les Lézards, de Vincent Mariette

– Les traits, de Guillaume Courty

– Lettres de femmes, de Augusto Zanovello

– Mobile Homes, de Vladimir de Fontenay

– Programme libre, de Vianney Etossé

– Rae, de Emmanuelle Nicot

– Second Wind, de Sergueï Tsyss

– Sein Kampf, de Jakob Zapf

– Shavi Tuta, de Gabriel Razmadze

– Soleil sur un trottoir, de Zangro

Solitudes, de Liova Jedlicki

– The mass of men, de Gabriel Gauchet

– Toteninsel, la isla de los muertos, de Jevrenovic Vuk

– Un minute-lumière, de Roberto d’Alessandro

– Wax, de Bastien Dubois

– Welcome Yankee, de Benoît Desjardins

M comme Las Mujeres del Pasajero

Fiche technique

Synopsis: Quatre femmes de chambre travaillent au motel « El Pasajero », où les clients ne sont de passage que pour quelques heures. Les chambres n’ont pas à être particulièrement belles. L’important, c’est le lit sur lequel les couples peuvent se livrer à leurs passions charnelles, parfois sous l’influence d’alcools ou de drogues. Nous ne voyons et n’entendons de ces visiteurs qu’une jambe qui dépasse, des voix sans corps, et, au fur et à mesure du film, des gémissements. Mais en dépit de tout, les femmes de chambre, loin de tout cynisme, conserve de l’amour une idée romantique.

Pays : Chili

Genre : Documentaire

Durée : 46′

Année de production: 2012

Réalisation : Valentina Macpherson & Patricia Correa

Image: Denis Arqueros

Son: Roberto Espinoza

Montage: Catalina Marín

Production: El Paseodigital

Article associé : la critique du film

Las Mujeres del pasajero de Patricia Correa et Valentina Mac-Pherson

Documentaire chilien présenté en compétition internationale au Festival Millenium cette année, « Las Mujeres del Pasajero » de Patricia Correa et Valentina Mac-Pherson dresse le portrait original d’un hôtel de passage qui accueille les couples, illégitimes ou ad hoc, le temps de quelques heures. Son originalité réside dans le point de vue choisi par les réalisatrices, celui de ses femmes de ménage qui, jour après jour, y remettent l’ordre après les bacchanales de la veille.

Ce lieu atypique, qui a manifestement bien d’histoires à raconter, et les quatre femmes qui y travaillent sont les protagonistes éponymes de ce film documentaire, curieusement traduit en anglais comme « The Women and the Passenger ». « Le passager » en question n’est vraisemblablement rien d’autre que le nom de l’hôtel. L’unique scène du documentaire, celui-ci occupe une place centrale dans l’image, à la manière de « Hotel Monterey » d’Akerman. De gros plans fixes au début et des plans larges finaux renforcent la personnification de l’endroit et servent à encadrer la narration des femmes de ménage, qui en sont en quelque sorte les porte-parole. Le rapport de confiance entre ces dames et le spectateur est établi dès les premiers plans, lorsqu’on assiste à leur maquillage à la fois mécanique et suggestif. D’ailleurs on pourrait presque croire un bref moment qu’il s’agit d’une maison de passe avec ses belles-de-nuit. De tous les âges et types, celles-ci se livrent franchement à la caméra pour partager leurs expériences et opinions sur leur lieu de travail, et petit à petit, nous confient leur vie privée, leurs rêves les plus intimes et leurs avis sur l’amour et la sexualité.

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Des clients de cet établissement, on ne voit que quelques bribes impersonnelles, des pieds dans les halls ou des commandes de repas et de boissons et des échanges civils mais gênés avec le personnel en off. Ils sont plutôt décrits, certains spécifiquement, d’autres de manière générique, par les employées de l’établissement. Ces dernières racontent les différentes activités sexuelles qui s’y pratiquent : des jeux de domination et de rôle dans des chambres thématiques (‘Afrique’, ‘Asie’, ‘Petit chaperon rouge’, etc.), du SM, des objets de l’attirail dont notamment un ‘siège de sexe’ qui semble bien intriguer une des femmes…

Malgré le sérieux des mœurs sexuelles exacerbées dans une société de refoulement, les témoignages décèlent un certain humour, lorsque l’observation des actions des clients rejoignent leurs propres fantasmes. Le voyeurisme des femmes de ménage, judicieusement épargné au spectateur, se traduit à un seul moment par un montage sonore grotesque de gémissements sexuels des clients. Pour le reste, les réalisatrices optent pour une mise en scène sobre et allégée : la plupart des scènes se passent pendant la journée ensoleillée, en contraste total avec les nuits glauques et grivoises évoquées.

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Le résultat est un film très réussi, avec un point de vue profondément sensible et féminin sur une société catholique inhibée. A force d’avoir fréquenté ce milieu de débauche, ces femmes se questionnent sur l’amour parfait, l’ennui de la routine et l’art de la sexualité. Tout en nettoyant la cocaïne et le vomi laissés dans les chambres, elles contemplent la vraie nature de ces choses, tout en essayent des analyses psychologiques de l’érotisme hédoniste dit déviant.

Pourtant, l’amour à l’ancienne, elles y croient dur comme fer, du moins certaines qui prétendent le vivre. Ancrées dans une réalité sociale défavorisée et parfois cruelle, ces quatre femmes semblent avoir compris quelque chose d’insolite et acquis une conscience de l’équilibre subtil entre les coutumes catholiques sévères et le libertinage qui en est la réaction naturelle. Dans un lieu qui se met à la disposition du plaisir charnel, fatalement passager, l’amour semble impossible, comme le déplorent une lettre d’adieu retrouvée et le chant du générique de fin. De ce point de vue, le thème de « tout à vendre » de cette édition du festival Millenium est bien défendu par ce film.

Adi Chesson

Consultez la fiche technique du film

Millenium International Documentary Festival 2013

C’est un festival engagé, conscient des défis du millénaire qui vient de fêter ses 5 ans. Un festival à visage humain qui, pour l’occasion, s’est vu élargir sa programmation à 100 documentaires venus d’une cinquantaine de pays. Des films sélectionnés à la fois pour leur volonté de faire changer les choses que pour l’importance qu’ils accordent au point de vue du cinéaste. Surprenants, révoltants, amusants, les films offaient, cette année,  une vision du monde où le maître mot était « Tout à vendre ».

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Retrouvez dans ce focus les films qui ont particulièrement touché l’équipe de Format Court.

L’interview d’Olivier Magis, réalisateur de « Ion » (Belgique, 2013)
Le reportage « Liberté, Égalité, Technologie »
Le reportage Fenêtre sur le court documentaire bangladais
La critique de « Las mujeres del pasajero » de Patricia Correa et Valentina Mac-Pherson (Chili, 2012)
La critique de « L’âge adulte » de Eve Duchemin (France, 2011)

Concours : 15 x 2 places à gagner pour les reprises du Festival d’animation d’Annecy au Forum des images !

Plus grand événement mondial entièrement dédié au cinéma d’animation, le festival d’Annecy contribue chaque année à faire de l’animation un art à part entière, toutes techniques confondues. Quelques jours après la clôture du festival, le public parisien aura la possibilité d’en découvrir le palmarès au Forum des images, entre le 25 et le 27 juin. Parmi les programmes proposés, trois d’entre eux reprennent les courts métrages, les films de fin d’études, les films de télévision et de commande primés lors de cette 37ème édition. En partenariat avec le Forum des images, nous vous offrons 15 x 2 places pour ces séances. Pour ce faire, répondez à nos questions (faciles) et gagnez vos places (haut la main).

Mercredi 26 Juin 2013, 19h00 : Courts métrages primés (1ère partie). Durée de la séance : 1h10. 5 x 2 places à gagner !

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Ab ovo de Anita Kwiatkowska-Naqvi (Pologne 2012, coul. 5 min.14 sans dialogues) : Prix du meilleur film de fin d’études

Lettres de femmes de Augusto Zanovello (France 2013, coul. 10 min.11) : Prix du public (courts métrages)

Feral de Daniel Sousa (Etats-unis 2012, coul. 12min.46 sans dialogues) : Prix du jury junior, Mention spéciale Fipresci, Prix Festivals Connexion – Région Rhône-Alpes en partenariat avec Lumières Numériques (courts métrages)

Nyuszi és Őz (Rabbit and Deer) de Peter Vacz (Hongrie 2012, coul. 16 min.43 sans dialogues) : Prix du jury junior (films de fin d’études)

Trespass de Paul Wenninger (Autriche 2012, coul. 11 min. sans dialogues) : Mention pour un premier film (courts métrages)

Lonely Bones de Rosto (Pays-Bas 2013, coul. 10 min. vostf) : Prix Sacem de la musique originale (courts métrages)

Question : Comment s’appelle le précédent film de Rosto qui concourait cette année au César du meilleur film d’animation ?

Mercredi 26 juin, 21h00 : Courts métrages primés (2ème partie). Durée de la séance : 1h20. 5 x 2 places à gagner !

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Norman de Robbe Vervaeke (Belgique 2012, coul. 10 min. sans dialogues) : Prix «Jean-Luc Xiberras» de la 1ère oeuvre (courts métrages)

Because I’m a girl de Raj Yagnik, Mary Matheson et Shona Hamilton (GB 2012, coul. 3 min. vo anglaise) : Prix Unicef (films éducatifs, scientifiques ou d’entreprise)

Obida de Anna Budanova (Russie 2013, coul. 9 min. sans dialogues) : Prix spécial du jury (courts métrages)

Kolmnurga afäär (The Triangle Affair) de Andres Tenusaar (Estonie 2012, coul. 10 min. sans dialogues) : Mention spéciale (courts métrages)

Autour du Lac de Carl Roosens et Noémie Marsily (Belgique 2013, coul. 5 min) : Prix Canal+ aide à la création pour un court métrage

I am Tom Moody de Ainslie Henderson (GB 2012, coul. 6 min.55 vo anglaise) : Prix spécial du jury (films de fin d’études)

KJFG No 5 de Alexey Alekseev (Hongrie 2007, coul. 2Min10 sans dialogues) : Film le plus drôle du public d’Annecy (courts métrages)

Gloria Victoria de Theodore Ushev (Canada 2013, coul. 6min.57 sans dialogues) : Prix Fipresci (courts métrages)

Pandy (Pandas) de Matus Vizar (Slovaquie 2013, coul. 12 min.12 sans dialogues) : Mention spéciale (films de fin d’études)

Subconscious Password de Chris Landreth (Canada 2013, coul. 11 min. vostf) : Cristal du court métrage

Question : Lequel de ces films a remporté le Prix Format Court au dernier Festival Anima, à Bruxelles, et a été projeté en mai à la séance Format Court, au Studio des Ursulines, à Paris ?

Jeudi 27 Juin 2013, 19h00 : Films de télévision et de commande. Durée de la séance : 1h15. 5 x 2 places à gagner !

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L’automne de Pougne de Pierre-Luc Granjon et Antoine Lanciaux (France 2012, coul. 26 min.) : Prix pour un spécial TV

Benjamin Scheuer « The Lion » de Peter Baynton (GB 2013, coul. 3Min.10 vo anglaise) : Prix spécial du jury (vidéoclips)

Dumb Ways to Die de Julian Frost (Australie 2012, coul. 3Min12 vo anglaise) : Cristal pour un film de commande

Tom & The Queen Bee de Andreas Hykade (Allemagne 2012, coul. 5 min. vostf) : Prix spécial pour une série TV

Room on the Broom de Jan Lachauer et Max Lang (GB 2012, coul. 25 min. vostf) : Cristal pour une production TV

Question : Quel film de Pierre-Luc Granjon était l’un des cinq finalistes du Cartoon d’Or 2008 ?

Pour participer à ce concours et tenter de gagner des places, envoyez-nous vos réponses à info@formatcourt.com avant le mardi 25 juin, à midi. Les gagnants seront avertis par e-mail. Bonne chance à tous et à toutes !

Les inscriptions pour le 36e Festival de Clermont-Ferrand sont ouvertes

Les inscriptions pour le 36e Festival de Clermont-Ferrand (31 janvier – 8 février) sont ouvertes jusqu’au 14 octobre 2013. Inscrivez vos films sur le site Short Film Depot.

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COMPÉTITION INTERNATIONALE

Dates limites d’inscription :
– 15 juillet 2013 pour les films terminés en 2012 (après le 1er juillet 2012)
– 14 octobre 2013 pour les films terminés en 2013
Durée maximum : 40 minutes

Contact : Christian Guinot

COMPÉTITION NATIONALE

Date limite d’inscription : 25 octobre 2013
Films terminés après le 1er novembre 2012
Durée maximum : 59 minutes

Contact : Nadira Ardjoun

Notre nouvelle page Facebook

Bonjour/bonsoir. Notre page Facebook a pratiquement atteint sa limite de contacts autorisés. Nous ne sommes malheureusement plus en mesure d’accepter vos nombreuses demandes d’amitié.

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Notre page actuelle sera bientôt supprimée. Nous vous invitons donc à nous suivre et à reporter votre affection sur notre nouvelle page où vous pourrez retrouver toutes nos actualités.

À très vite !

L’équipe de Format Court

Soirées Croq’LaBelle, 2ème édition. Ce soir à la Bellevilloise : carte blanche à Richard Van Den Boom, de Papy3D Productions

L’équipe de Croq’Anime (le rendez-vous du film d’animation à Paris) organise ce soir sa deuxième soirée Croq’LaBelle à la Bellevilloise, sous la forme d’une carte blanche à Richard Van Den Boom, administrateur de la société Papy3D Productions. Six films, en lien avec l’animation, le Festival d’Annecy ou les dernières productions de Papy3D Productions, seront projetés à cette occasion.

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Programmation

Au bout du monde de Konstantin Bronzit (8mn)
Monsieur COK de Franck Dion (10mn)
La Femme Squelette » de Sarah Van Den Boom (9mn)
Fable de Dan Sousa (7mn)
Love Patate de Gilles Cuvelier (13mn)
Palmipedarium de Jérémy Clapin (10mn)

Infos pratiques

Projection, le 19 juin 2013 de 20h à 22h à la Bellevilloise
Salle du Forum – 21, rue Boyer – 75020 Paris
Entrée gratuite

Collectif Jeune Cinéma : séance spéciale consacrée à Marie Losier, ce jeudi 20 juin, au Cinéma La Clef (Paris 5e)

Ce jeudi 20 juin, la cinéaste Marie Losier viendra présenter 4 de ses films-portraits consacrés aux figures de l’avant-garde George et Mike Kuchar, Richard Foreman et Tony Conrad, ainsi qu’un teaser inédit de son prochain long-métrage. Fantaisistes, poétiques, oniriques et non-conventionnels, les films de Marie Losier explorent la vie et l’oeuvre de ces artistes.

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Programme

BIRD, BATH AND BEYOND – 2003, 13′, avec Mike Kuchar

ELECTROCUTE YOUR STARS – 2004, 8′ avec George Kuchar

THE ONTOLOGICAL COWBOY – 2005, 16′, avec Richard Foreman

TONY CONRAD: DREAMINIMALIST – 2008, 26′, avec Tony Conrad

TEASER SURPRISE ET INÉDIT DU PROCHAIN LONG-METRAGE DE MARIE LOSIER
2013, 10′

Infos

Durée de la séance : 1h15

Tarif unique : 5 euros

Cinéma La Clef, Paris 5e – 34 rue Daubenton

75005 Paris – M° Censier-Daubenton

Plus d’informations sur la séance : http://www.cjcinema.org/pages/seances.php?id_news=358
Plus d’informations sur Marie Losier : http://marielosier.net/

Eduardo Williams : « Le décor, pour moi, n’est pas un accessoire décoratif, je le considère comme un personnage qu’il faut que je fasse dialoguer avec le reste du film »

Le film « Que je tombe tout le temps ? » était en sélection à la Quinzaine des Réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes. Il s’agissait de la deuxième sélection à Cannes pour le réalisateur Eduardo Williams (après « Pude ver un puma » à la Cinéfondation 2012) et presque d’une habitude pour le producteur Amaury Ovise (Kazak Productions) d’être pris à Cannes. Si les deux hommes se sont rencontrés il y a maintenant un an avec l’envie de travailler ensemble, de notre côté, nous avions très envie de les convier à un entretien croisé sur une des plages de la Croisette. Tous deux placides et respectueux du temps de parole de l’autre, ils nous ont parlé de leur manière de travailler et de créer ensemble. Eduardo, dans un français encore fragile, nous a embarqué dans son monde à lui, tandis qu’Amaury est apparu comme un producteur extrêmement attentif auprès de son réalisateur.

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Eduardo, peux-tu nous parler des prémisses de « Que je tombe tout le temps ? » ?

Eduardo : Au niveau pratique, tout a commencé au Fresnoy. Dans le cadre de mes études, je devais travailler sur un projet de film. Au niveau personnel, c’est un peu étrange car lorsque je commence à écrire, je ne suis jamais vraiment confiant ; par conséquent, je jette sur le papier un peu tout ce qu’il y a au fond de moi et après seulement, je lui donne une forme, une organisation. C’est toujours mon intimité, quelque chose d’intérieur qui ressort. C’est amusant d’ailleurs car je ne m’en rends pas forcément compte au départ, puis en regardant le film fini, je m’aperçois que ça parle vraiment de moi ou de quelque chose qui s’est passé dans ma vie. Pour ce film, j’ai voulu continuer le chemin que j’avais initié avec mes autres courts, tout en me concentrant un peu plus sur un seul personnage. J’affectionne toujours l’idée du groupe, mais j’aime bien le fait d’avoir extrait un personnage de manière plus claire. À côté de ça, j’apprécie l’idée d’aller chercher encore plus loin, d’explorer des domaines que je ne connais pas forcément. C’est en partie la raison pour laquelle j’ai voulu que cette histoire se déroule en Afrique. Enfin, il y a la question des langues. Avant « Pude ver un puma », j’écrivais toujours en espagnol et je faisais des choses très proches de l’Argentine. Puis j’ai commencé à voyager et j’ai adoré être dans un autre pays, entendre les gens qui parlent une langue que je ne comprenais pas, un peu comme une musique. J’ai ensuite commencé à assimiler des langues, comme le français, et j’ai souhaité l’évoquer dans ce dernier film.

Il semble donc que tes films se créent plus volontiers sur un ressenti, sur une expérimentation sans cesse en mouvement. Dans ce sens-là, la phase de l’écriture du scénario est-elle importante pour toi  ?

Eduardo : Oui, c’est important, mais plus pour une question d’organisation, pour avoir une structure qui me guide et pour ne pas être totalement dans l’improvisation. Et aussi parce que c’est une nécessité pour la production du film. Mais c’est vrai que j’aime rester assez libre concernant les dialogues et les détails du film. Comme je ne parle pas bien le français, je préfère que les acteurs parlent de leur propre manière. Ils sont également libres de me suggérer des choses, pas seulement des dialogues, mais aussi des actions. En plus, comme je travaille le plus souvent avec des acteurs qui ne sont pas professionnels, je préfère qu’ils se sentent à l’aise dans des éléments qu’ils me proposent plutôt que de leur imposer une manière de jouer.

Avec autant de liberté, peux-tu nous décrire un tournage avec toi ?

Eduardo : Idéalement, j’adorerais avoir trois mois de tournage pour un simple court métrage (rires) ! Mais je sais que c’est cher. Néanmoins, pour ce tournage à Sierra Léone, je n’avais jamais eu autant de jours : 18 au total, pas uniquement pour le tournage en fait, mais aussi pour les repérages et pour connaître les gens. On y est d’abord allé avec mon comédien, Nahuel Peréz Biscayart pour être en immersion là-bas, puis mon chef opérateur, Julien Guillery, nous a rejoints la dernière semaine. En tout cas, j’ai toujours essayé que durant le tournage, il y ait la même ambiance que ce qui se voit dans le film. C’est très important pour moi, pour pouvoir créer, d’avoir une ambiance amicale et pacifique sur le tournage, de telle sorte que des choses viennent de chacun.

Aussi bien dans «  Pude ver un puma  » que dans « Que je tombe tout le temps ? », les décors sont incroyables. Comment procèdes-tu ? En as-tu une idée très précise avant de découvrir les lieux où tu tournes  ? Ou bien, est-ce pendant les repérages que tu vois des lieux qui t’inspirent  ?

Eduardo : En général, les lieux sont toujours à l’origine de l’idée ou bien alors, je mélange des idées que j’ai avec des endroits que je connais. Ce sont en tout cas des éléments essentiels à prendre en compte afin d’écrire le scénario. Le décor, pour moi, n’est pas un accessoire décoratif, je le considère comme un personnage qu’il faut que je fasse dialoguer avec le reste du film. Par exemple, j’ai découvert la grotte du film « Que je tombe tout le temps ? » lorsque je suis allé manger chez la mère d’un ami et ça m’a évoqué beaucoup de choses. Je suis vraiment très sensible aux lieux que je découvre.

Pourtant, dans tes films, on a l’impression que parfois, l’improvisation domine et qu’il n’y a presque pas d’effort esthétique. Comment expliques-tu cela ?

Eduardo : En fait, c’est très important pour moi de mélanger l’irréel, le quasi fantastique, avec quelque chose de beaucoup plus naturel, comme si c’était l’un des personnages du film qui tenait lui-même la caméra pour tourner. J’ai toujours besoin d’éléments contraires et de créer des contrastes. Alors, c’est vrai que j’adore mettre en relation des aspects irréels avec des caractéristiques proches du documentaire. Et je pratique ça sur le film en général, aussi bien auprès des personnages, des actions que des décors.

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Justement, tes personnages sont à la fois étranges et très normaux. Ils ont des discussions qui semblent complètement sorties du contexte et d’autres qui sont très terre à terre, de l’ordre du quotidien. Et tu filmes le plus souvent des jeunes dans des situations peu valorisantes. Qu’est-ce qui t’amène à faire ces choix ?

Eduardo : Il y a des expériences et des sentiments que j’ai vécus, que j’ai partagés avec d’autres, et par conséquent, que j’ai envie de montrer. Parfois, ça passe par des choses étranges en effet, ce qui m’aide à être en connexion avec des lieux ou avec des personnes. Mais c’est aussi parce que c’est très intime et très personnel. Néanmoins, j’aime bien raconter ça, même si les spectateurs ne voient pas toujours bien ce que je veux dire ! Disons qu’il y a des choses qui sont importantes et significatives pour moi et pour d’autres, peut-être un peu moins. Après, j’espère que les gens vont tout de même comprendre ce que j’ai voulu dire.

On réussit tout de même à cerner des thèmes récurrents dans tes films, comme la destruction par exemple, et on imagine que c’est aussi ce qui explique que tu emploies souvent des jeunes. C’est un sujet qui t’est cher ?

Eduardo : Oui, c’est un thème qui vient naturellement pour moi. Après, il est vrai que je me demande pourquoi ça me vient et pourquoi ça m’attire (rires). Quelques fois, je me dis que c’est génial, et d’autres fois, je me dis que je ne suis peut-être pas bien dans ma tête. En réalité, j’aime bien chercher des éléments qui me sont inconscients et les analyser.

En même temps, il y a de l’espoir dans tes films, tout n’est pas chaotique.

Eduardo : Oui, c’est ça : toujours mettre en valeur et en scène des contrastes. En effet, la destruction et l’espoir sont des idées contraires, et c’est notre action qui fait qu’on bascule de l’un à l’autre. Dans mon dernier film, un de mes personnages dit : « Pour me comprendre, je me suis détruit ». C’est quelque chose que j’ai lu pendant mon année au Fresnoy, mais c’est en tout cas une phrase, une notion qui me parle beaucoup et qui ressemble à ce que je veux faire passer. Je pense qu’il y a quelque chose de positif dans la destruction. Qui plus est, selon moi, la destruction est naturelle. Et la relation entre les personnages pour s’aider ou pas, est très importante aussi.

Amaury, lorsque nous t’avons contacté pour réaliser cette interview et qu’on a commencé à parler d’Eduardo, tu nous as dit que lorsque tu avais vu «  Pude ver un puma », ça avait été comme une évidence de le suivre pour collaborer avec lui sur un prochain film, dont « Que je tombe tout le temps ? » est la preuve. Pourtant, lorsqu’on voit ce que vous produisez avec Kazak, même si les films sont tous uniques en leur genre, ce que fait Eduardo va encore plus loin dans la différence. Par conséquent, peux-tu nous dire ce qui t’a attiré dans son travail  ?

Amaury : Chez Kazak, lorsqu’on produit un film, on se pose la question suivante : est-ce que les films précédents des réalisateurs avec qui on travaille nous donnent envie d’aller plus loin ? Lorsque j’ai vu « Pude ver un puma », ça faisait très longtemps que je ne m’étais pas retrouvé devant un film avec une grammaire de cinéma, une manière de raconter une histoire aussi particulière, unique et finalement rare dans le court métrage. En fait, j’ai l’impression que les films que fait Eduardo sont des films qu’on ne peut pas faire en Europe. Je pense que les courts-métragistes en France ou en Europe ont une culture cinématographique et une grammaire qui sont infuses, et par conséquent, on a souvent le sentiment de voir des films qui se ressemblent, ou tout du moins avec la même façon de raconter une histoire, quelle qu’elle soit. Chez Eduardo, il y avait quelque chose qui n’est pas narratif et j’ai trouvé ça formidable. Dès le début du film, on devine qu’on va être perdu, qu’on ne va pas tout comprendre, mais que c’est poétique et qu’il y a des choses qui circulent dans un espace complètement surréaliste. Par conséquent, à la fin, on y réfléchit longtemps, on y revient. Personnellement, j’ai vu plusieurs fois « Pude ver un puma » et il a toujours le même effet sur moi. Fort de ça, j’ai vu en Eduardo un auteur avec qui j’avais vraiment envie de travailler, sachant que dans son cas, ça n’allait pas exactement être la même façon de travailler qu’avec les autres auteurs avec qui on collabore pendant très longtemps en développement. En effet puisque comme il l’a si bien dit, il a une manière de construire ses films de manière plus intuitive.

Par conséquent, comment en es-tu venu à ce film-là ?

Amaury : C’est Bernard Payen, à la Semaine de la Critique, qui m’a dit que c’était un film qui pourrait me plaire, sachant que je l’ai vu après Cannes. Du coup, on s’est rencontré avec Eduardo à Paris et on a évoqué l’idée de travailler ensemble, mais il avait déjà intégré le Fresnoy. Néanmoins, Eduardo m’a parlé de son projet de film en m’informant qu’il devait le faire dans le cadre de l’école. Ça restait donc un film d’école et il était difficile pour nous, à Kazak, de mettre de l’argent du CNC pour faire le film. Après, comme le film avait lieu dans la jungle, en Sierra Leone et que c’était un peu plus cher que le prix habituel des films d’écoles, on a décidé de co-produire ce film avec le Fresnoy. Mais j’ai très envie de travailler avec Eduardo sur un autre projet. D’ailleurs, on en parle pour cet été. Si bien que là, l’un des enjeux est d’essayer de faire en sorte que dans le cinéma d’Eduardo, il y ait un point d’équilibre qui se fasse entre le narratif et son univers. On s’est dit qu’il faudrait donc peut-être travailler plus longuement sur l’écriture, parce que personnellement, je n’ai pas suivi cette phase pour son dernier film. Dans notre boîte, de toute façon, on aime la diversité et la radicalité; par conséquent, on met nos désirs à l’épreuve. Eduardo fait partie des gens avec qui ça m’excite de travailler. Notre but est de collaborer avec eux en leur laissant la plus grande latitude possible pour qu’ils puissent exprimer pleinement leur talent, leur cinéma.

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Et vous n’avez jamais peur de la prise de risques, justement sur des films différents à produire ?

Amaury : Non, parce qu’on a un crédo chez Kazak, c’est de dire qu’il faut absolument que le court métrage soit vraiment une recherche de développement, sinon, il n’a aucun intérêt d’exister. On se dit toujours qu’il mieux vaut rater des films que de faire des films académiques, confortables, qu’on oublie. En Eduardo, je vois un grand cinéaste en devenir avec qui j’ai envie de travailler au niveau de l’écriture dans une configuration classique de développement, comme on aime le faire en général. Je trouve personnellement que le tournage est un espace qui n’appartient qu’au réalisateur, dans le choix de ses comédiens, de ses techniciens, de ses décors, et encore plus chez Eduardo. Dans ce que met en place Eduardo, il y a des enjeux excessivement forts sur le développement et sur le montage également.

Ce que je trouve intéressant, c’est de découvrir le travail et l’univers d’un nouvel auteur avec qui on travaille. Chaque réalisateur nécessite une collaboration différente et c’est ça qui nous plaît. Notre métier est de trouver leurs points forts et de les mettre en avant. Ici, c’est un film essentiellement produit par le Fresnoy on n’a pas encore eu le temps de réellement expérimenter notre collaboration. C’est ce qui nous donne l’envie de trouver de nouveaux défis entre nous, d’aller jusqu’à créer un dépassement dans son prochain film.

Propos recueillis par Camille Monin et Fanny Barrot. Retranscription : Camille Monin

Article associé : la critique du film

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Gudmundur Arnar Gudmundsson : « J’ai laissé parler l’enfant en moi pour qu’il prenne une place d’adulte dans mon film »

Après s’être posé des questions sur son avenir, Gudmundur Arnar Gudmundsson a travaillé dans la restauration avant de penser sérieusement au cinéma. Son film, « Hvalfjordur » (Le Fjord des Baleines), en compétition officielle à Cannes, était l’un de nos films favoris au dernier festival pour son esthétique (paysages islandais, visage angélique) et sa dureté (rapport à la mort, traitement de la solitude). Au final, le film a obtenu l’une des deux Mentions spéciales de Cannes (l’autre allant à « 37°4S » d’Adriano Valerio). Fin mai, nous rencontrions son auteur. Mi-juin, voici son entretien.

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Tu as étudié en Islande dans une école d’art et non dans une école spécifiquement cinématographique. Pour quelle raison ?

Plus jeune, j’étais plutôt un garçon à problèmes. Vers dix-huit ans, j’ai commencé à m’intéresser à l’art. Je regardais ma sœur, qui est une artiste, peindre. J’ai arrêté mes études, j’ai commencé à travailler dans un restaurant dans lequel je cuisinais. En travaillant les aliments, en les associant, j’y ai trouvé une forme d’art. J’aimais beaucoup créer de belles assiettes, je m’entraînais souvent dans mon coin. Ensuite, je me suis intéressé à l’écriture, à la peinture et à la photographie. Cela devenait compliqué parce que j’aimais vraiment toutes les formes artistique. Finalement, je suis rentré dans une école d’art où je peignais principalement mais où je touchais à beaucoup de choses. Faire des films est une finalité à cette pratique. À l’époque, je créais surtout une cuisine de qualité parce que je voulais rendre les gens heureux. Quand je fais des films, je cherche à les influencer, à les marquer, à ce qu’ils se sentent différents après la projection.

Tu as fini tes études en 2006. Comment as-tu appris à tourner, à influencer tes spectateurs ?

Dans l’écriture du scénario. Lorsque j’écris, je le fais toujours avec mes propres mots. Si tu es honnête avec toi-même, les gens le sentent et l’apprécient. C’est à ce moment-là qu’ils peuvent sentir ton influence.

Tu as eu l’opportunité de faire du documentaire. Ce film-ci est une fiction, tu as donc procédé autrement pour montrer ton univers.

Dans les deux, tu amènes un peu de magie dans la façon dont tu montres les choses. Ça reste du cinéma. Tu es le magicien, tu façonnes le film à ta façon.

Je n’ai pas vu ton film précédent, mais d’après que j’ai pu en lire, la vérité et la réalité semblent être au centre de tes préoccupations.

Je fais beaucoup d’expériences à travers mes films, parce que j’aime ça. Je suis beaucoup inspiré par les films de Wong Kar-wai, par sa façon de créer : il tourne, il écrit, il tourne à nouveau. Je mets du temps à écrire mes films, parce que je n’aime pas rester devant un ordinateur toute la journée. Je n’aime pas les ordinateurs ni toutes les choses électriques qui nous entourent. Alors, je procède un peu de la même façon que Wong Kar-wai.

Dans « Hvalfjordur », il était important que le spectateur perçoive ce que voit l’enfant, qu’il vive les situations de son propre point de vue ?

Je pense qu’il était difficile au moment de l’écriture de traduire cet aspect. Les adultes ne perçoivent pas les mêmes situations que les adolescents. J’ai cherché à me souvenir de quelle façon je pouvais vivre une situation lorsque j’avais neuf ans et c’est cette version que j’ai gardé pour le scénario. J’ai alors laissé parler l’enfant en moi pour qu’il prenne une place d’adulte dans mon film. Petit, j’avais hâte de grandir, je pense d’ailleurs que tous les enfants ressentent cela. C’est pour cela aussi que dans « Hvalfjordur », on ne voit pas les parents, on entend simplement leurs voix.

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Comment est-ce que cela s’est passé pendant le tournage avec ton jeune comédien ?

Il avait joué au théâtre auparavant et des petits rôles dans des films. Ça a plutôt été facile en fait, il était a l’écoute et je lui demandais des choses simples qu’il faisait très bien. Je lui ai demandé d’être lui-même, mais il n’y avait pas d’improvisation alors, il devait vraiment respecter mes indications pour se déplacer ou pour fixer son regard.

En quoi est-ce un film personnel ?

Quand j’avais quatorze ans, le grand frère de mon meilleur ami s’est suicidé. Cela m’a marqué et je ne pense pas que j’aurais fait ce film si cet évènement ne s’était pas passé. C’est toujours resté présent en moi. Je savais que j’aurais besoin de m’en servir un jour.

L’avant-dernier plan de ton film, qui montre la mort, est très esthétique, très cinématographique. Comment as-tu choisi de le filmer ?

J’ai essayé de traiter cela de façon simple, sans multiplier les angles de vue. Le temps et le matériel étant limités, il fallait faire au plus efficace. Écrire et tourner dans cette optique a été pour cela très instructif. Le film raconte une belle histoire, avec beaucoup d’émotions. Il ne fallait pas bâcler cela.

Il y a quelques années, j’ai rencontré Rúnar Rúnarsson (réalisateur d’« Anna » et de « Smáfuglar »). Comme toi, il est islandais, il a fait des films au Danemark et ses films prennent place dans de magnifiques paysages. Son style t’a-t-il influencé ?

Je ne sais pas, mais nous avons travaillé ensemble. J’ai lu le scénario de son long-métrage « Volcano » et il a lu le mien. Il m’a dit que ce film irait à Cannes !

Tu as une idée de ce que tu vas faire après ce film ?

J’ai un autre court métrage, tourné en Islande, en cours de montage. Je tourne beaucoup là-bas car au final pour moi, ce n’est pas la langue d’un film qui compte, mais où cela a lieu. Pour cela, l’Islande possède des paysages remarquables. Comme ce pays n’est pas grand, il est souvent nécessaire d’avoir recours à la coproduction pour monter un projet.

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Quel est ton rapport au court ?

Dans le court métrage, il y a certaines règles que tu dois respecter, comme la durée d’un film. Tu es limité dans ce que tu fais, tu dois alors chercher la meilleure solution pour montrer ce que tu veux, malgré une restriction de temps. Pour cela, j’aime les courts métrages.

Propos recueillis par Katia Bayer

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Festival d’Annecy : le palmarès 2013

Samedi soir, les jurés du Festival d’Annecy ont remis les prix des différentes compétitions. En court métrage, c’est le film « Feral » de Daniel Sousa qui a raflé la mise avec trois prix (prix du jury junior, mention spéciale de la Fipresci et prix festival connexions). Plutôt éclectique tant en termes de récits que de techniques d’animation, le palmarès s’articule autour de films européens et américains qui ont pour cette édition littéralement évincé les productions asiatiques pourtant riches et originales…

Le Cristal du court métrage : Subconscious Password (Jeu de l’inconscient) de Chris Landreth

Prix spécial du jury : Obida (The Wound) d’Anna Budanova

Mention pour un premier film : Trespass de Paul Wenninger

Prix « Jean-Luc Xiberras » de la première oeuvre : Norman de Robbe Vervaeke

Mention spéciale : Kolmnurga afäär (The Triangle Affair) d’Andres Tenusaar

Prix Sacem de la musique originale : Lonely Bones de Rosto

Prix du jury junior pour un court métrage : Feral de Daniel Sousa

Prix du Public : Lettres de femmes d’Augusto Zanovello

Prix du meilleur film de fin d’études : Ab ovo d’Anita Kwiatkowska-Naqvi

Prix spécial du jury : I Am Tom Moody d’Ainslie Henderson

Mention spéciale : Pandy (Pandas) de Matus Vizar

Prix du jury junior : Nyuszi és Oz (Rabbit and Deer) de Peter Vacz

Prix Unicef : Because I’m a Girl (Parce que je suis une fille) de Raj Yagnik, Mary Matheson, Hamilton Shona

Prix Fipresci : Gloria Victoria de Theodore Ushev

Mention spéciale Fipresci : Feral de Daniel Sousa

Prix « CANAL+ aide à la création » pour un court métrage : Autour du lac de Carl Roosens, Noémie Marsily

Prix Festivals Connexion – Région Rhône-Alpes en partenariat avec Lumières Numériques : Feral de Daniel Sousa

Le film le plus drôle selon le public d’Annecy : KJFG No 5 d’Alexei Alexeev

Annecy 2013, le programme 4 et 5 des courts métrages en compétition

Le Festival d’Annecy est terminé. Nous revenons aujourd’hui sur les oeuvres les plus marquantes des programmes 4 et 5 des compétitions de courts métrages. Ces derniers programmes ont offert une belle place aux cinématographies de pays peu représentés. On aura ainsi eu la chance de voir un film slovène « Boles » de Spela Cadez, un film estonien « Kolmnurga afaär » d’Andres Tenusaar, le très apprécié « Carne » du colombien Carlos Alberto Gomez Salamanca et le court métrage pictural de l’iranienne Shiva Sadegh Assadi « Bache gorbeh ».

Pas toujours faciles à aborder, ces cinématographies que l’on a peu l’habitude de voir – notamment en festival – offrent un regard singulier sur des thématiques plus ou moins fortes, toujours portées par des esthétiques très maîtrisées.

Dans ces courts métrages, peu de place à l’improvisation : les animateurs cherchent la tenue parfaite de leurs séquences animées. Pour autant, les courts métrages précités ne sont pas dépourvus de sens ni d’intérêt scénaristique. Pour exemple, dans « Boles », on regarde du côté de l’angoisse de la page blanche chez les artistes, pendant que dans « Bache gorbeh » on évoque une histoire de famille et le sentiment d’appartenance.

Du côté des films très attendus de la compétition, l’expérimentation 3D de Théodore Ushev aura conquis définitivement le public. « Gloria Victoria » est sans aucun doute un digne représentant de ce que peut être une recherche artistique construite autour de la technique 3D. Celle-ci est ici utilisée pour porter le propos artistique et ne sert pas le sensationnel comme cela est très souvent le cas. Le travail d’Ushev pour ce film s’est élaboré dès le départ en fonction de ce que pouvait apporter la stéréoscopie à son projet. Très présente, voir exagérée au début du film, la 3D s’affaisse au fur et à mesure, en même temps que les couleurs vives du début virent au noir et blanc. Symboliquement, Ushev décrit ici le mouvement qu’imprime la guerre dans les esprits, les nuances disparaissent au propre comme dans les mentalités des soldats confrontés aux conflits militaires. « Gloria Victoria » est le troisième volet d’une trilogie sur les relations entre l’art et le pouvoir. Après les volets politique et économique, c’est le militaire qui est dépeint avec brio dans ce film.

La place des films documentaires était également à relever dans le programme 5 du festival. Avec trois films aux récits documentaires, ce programme revêtait une touche de réel un peu oubliée dans le reste de la sélection compétitive.

Avec « Marcel, king of Tervuren », l’Américain Tom Schroeder signe un court métrage francophone très original. Basé sur le récit d’une femme, le film parle de la cruelle histoire d’un coq aimé de ses maîtres mais confronté à d’incroyables problèmes animaliers. Graphiquement, le réalisateur oscille entre des images dessinées et de la rotoscopie très fidèle au traits de l’animal. Pour autant, il s’octroie la possibilité récurrente d’un dessin abstrait dans les mouvements guerriers du coq quand celui-ci affronte ses démons. Poétique et décalé, le film est suffisamment atypique pour susciter un intérêt fort. Documentaire aussi, « Recycled » du Chinois Lei Lei propose un film fait à partir de 3.000 photographies issues d’une zone de recyclage de la banlieue de Pékin. On y voit des personnes poser devant des monuments, des scènes de la vie quotidienne reproduites quasiment à l’identique par différents individus à différentes époques. Touchant à l’immuabilité de la chose sociale et aux rituels touristiques et photographiques souvent gentiment moqués des Chinois en vacances, le film agit comme une jolie balade documentaire, sans dialogue ni commentaire.

Enfin, l’inattendu « Carne » signé par le colombien Carlos Alberto Gomez Salamanca regarde du côté de l’expérimentation visuelle en travaillant conjointement photographie et peinture. Rapportant un souvenir de son enfance, le réalisateur propose une oeuvre grave en noir et blanc qui parle d’un sacrifice animal.

D’une façon beaucoup plus légère, les sélections ont ouvert une petite place aux blagues les plus courtes mais aussi les meilleures. Sans les dévoiler, nous retiendrons dans le programme 5 le charmant « Not over » du Japonais Toru Hayai tout en images de synthèse qui invite au voyage – rapide (1’30) – dans les grands espaces naturels en compagnie d’un ours en peluche pour qui l’enjeu n’est pas seulement de se balader dans la nature.

Relevons également une petite perle. Le film du Polonais Tomasz Popakul « Ziegenort » est une belle proposition de film narratif aux accents fantastiques troublants. De prime abord assez classique, avec un trait proche des romans graphiques, le réalisateur nous embarque dans son univers étrange, instaurant une ambiance doucereuse qui laisse au fur et à mesure la place à une étrangeté plus franche. Du nom du village d’enfance du réalisateur, « Ziegenort » est la jolie découverte de ces deux programmes.

En 5 programmes et 57 films en compétition, la sélection 2013 des courts métrages d’Annecy a tenu toutes ses promesses tant en terme de diversité que de qualité des oeuvres. Chaque film trouve sa place, chaque réalisateur pose son point de vue sur une idée, une thématique et le talent technique des animateurs sublime les propos. Plus ou moins narratifs, traditionnels ou expérimentaux, les films d’animation nous ont fait voyager mentalement et géographiquement dans des sphères pas toujours connues ni même reconnues, mais très souvent sensationnelles et sensorielles.

Fanny Barrot

Lire aussi : Annecy 2013, le programme 1 des courts métrages en compétition, le programme 2 des courts métrages en compétition, le programme 3 des courts métrages en compétition

Le Quepa sur la Vilni ! de Yann Le Quellec

Après « Je sens le beat qui monte en moi », chouchou des festivals de courts il y a deux ans, Yann le Quellec revient avec un jeu de jambes encore plus musclé et monte en danseuse les pentes ensoleillées du sud de la France dans un court sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs qui fait la part belle au vélo et à un trio improbable et génial d’hommes mûrs (Bernard Menez, Christophe, Bernard Hinault).

« Le Quepa sur la Vilni ! » (chamboulement orthographique de « Panique sur la ville » film de 1957) utilise le cinéma comme toile de fond. Le maire d’un village reculé (Christophe, parfait derrière ses lunettes bleues) souhaite partager avec ses administrés le bonheur d’une projection, en l’occurrence celle du film d’Harmon Jones. Il engage alors le facteur du village à la retraite et lui demande de sillonner les routes aux alentours pour promouvoir la projection événementielle du soir.

Accompagné d’une bande de jeunes plus occupés par leur libido naissante que par le sens de leur mission, il part pour une tournée à vélo d’un genre nouveau, façon homme-sandwich, affublé d’une partie du titre du film dans le dos, la somme des cyclistes de fortune formant le titre dans son entier.

Yann Le Quellec a le sens du casting. Déjà dans son dernier opus, le couple formé par Serge Bozon et Rosalba Torres Guerrero faisait corps et merveille. Ici, le cinéaste fait appel à des marginaux du cinéma, de ceux qu’on ne voit jamais, ou pas assez. Bernard Menez, en tête, qui trouve un rôle de leader/loser à sa mesure. L’anecdote voulant que l’acteur a un temps brigué des fonctions politiques locales, pourtant, c’est le chanteur Christophe qui porte ici l’écharpe tricolore avec le mystère qu’on lui connaît. Quant à Bernard Hinault – figure centrale et fantomatique du film – son statut de héros national (cinq victoires du Tour de France) est sublimé par le Quellec qui en fait un personnage mythique au visage-paysage à l’image de ceux que l’on pourrait croiser dans les vieux westerns américains.

Comme dans « Je sens le beat… », « Le Quepa sur la Vilni ! » est un film où le corps est omniprésent. Le corps adolescent que l’on aperçoit lors d’une baignade improvisée ou d’un coup de vent bien placé, et le corps adulte que l’on tente tant bien que mal d’entretenir, de travailler. La pudeur est pourtant des deux côtés même lors d’une scène de danse joyeusement hippie. Yann Le Quellec réunit les deux générations sous un orage estival au bord de l’eau qui refroidit les ardeurs et permet à toute la petite bande de repartir de plus belle portée par un autre Bernard proclamé fils spirituel du grand Hinault.

« Le Quepa sur la Vilni » a reçu le prix Jean Vigo avant même sa première cannoise, un double soutien qui laisse augurer d’une carrière brillante en festivals. Une chevauchée fantastique.

Amaury Augé

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Q comme Le Quepa sur la Vilni !

Fiche technique

Synopsis : Aujourd’hui, André sort de sa paisible retraite : sur ordre du maire, il doit mener à travers monts une troupe d’hommes-sandwichs à vélos pour attirer les spectateurs à l’inauguration du cinéma local. Malgré sa détermination, l’ancien facteur a bien du mal à dompter ses jeunes et impétueux coéquipiers.

Genre : Fiction

Durée : 37′

Pays : France

Année : 2013

Réalisation : Yann Le Quellec

Scénario : Yann Le Quellec

Image : Nicolas Guicheteau

Montage : Nicolas Desmaison

Son : Antoine Corbin, Fred Meert, Emmanuel De Boissieu

Décors : Marc Barroyer

Interprétation : Bernard Menez, Christophe, Bernard Hinault , Romeu Runa , Finnegan Oldfield , Maxime Dambrin

Production : White Light Films

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Annecy 2013, le programme 3 des courts métrages en compétition

Retour sur les courts métrages du programme 3 qui, jusqu’à ce jour, est celui qui met le plus à l’honneur le mélange des genres au-delà même de l’animation pure. Entre techniques d’animation classiques et perméabilité avec d’autres disciplines de l’image et du son, le programme est également plus léger que les deux précédents. Les arts y sont sollicités au sens large pour fabriquer des films ingénieux et inattendus.

Ouvert par le film « Trespass » de Paul Wenninger, le programme plonge immédiatement le public dans une atmosphère qui tend vers l’expérimentation. Dans le film, le réalisateur se met en scène dans une chorégraphie en pixilation où le propos principal est de mettre en contexte son corps au milieu d’objets et de les faire intéragir. Ici, on traite de l’art du mouvement. Au-delà de l’animation, c’est le danseur qui imprime la rétine des spectateurs. Ses non-mouvements comme ses mouvements composent une chorégraphie complexe à réaliser : la pixilation impose une staticité de Paul Wenninger sur des temps très longs pour obtenir le rendu souhaité – une impression d’immobilité du personnage dans un monde extrêmement mouvant autour de lui. Tourné en neuf mois, dans cinq pays, ce premier film a nécessité une lourde préparation avant tournage pour un rendu assez bluffant.

Autre film en quelque sorte transdisciplinaire, « The caketrope of Burton’s team » d’Alexandre Dubosc est l’installation artistique filmée d’un gâteau, en pâte à modeler, déposé sur un disque vinyle, sur une platine en mouvement. La rotation de la platine est ici utilisée pour recréer le principe du praxinoscope. Le procédé est intéressant d’autant que le réalisateur travaille autour de ce concept qu’il réutilise et ré-interprète au fil du temps dans un esprit de performance.

La musique et la création musicale se sont également invitées dans le programme avec un clip en 2D, « Zounk! » réalisé par Billy Roisz. Ce film expérimental fait de signaux lumineux colorés et en mouvements soutient la composition musicale et l’interprétation du morceau plus qu’il ne propose une narration propre. Ici, la réalisatrice joue sur l’interaction entre le son, la musique et la vidéo. L’enjeu réside dans le son, dans la fréquence sonore qui influe sur la composition de l’image. Distribué par la fameuse société autrichienne Sixpack (comme «Trespass») spécialisée dans les films expérimentaux, « Zounk! » est une proposition quelque peu horripilante visuellement, presque insoutenable au regard, mais néanmoins particulièrement intéressant du point de vue de la recherche artistique.

Autre thématique récurrente dans les films d’animation mais particulièrement représentée dans ce programme : la figure animale. Hier, dans le programme 2, les êtres humains étaient mis à mal par les réalisateurs, dans ce programme, ce sont clairement les espèces animales qui en prennent pour leur grade. Dans l’angoissant « Peau de chien » de Nicolas Jacquet, un chien va subir les tourments d’une société en crise et pâtir de la cruauté d’un boucher. Dans le graphiquement magnifique « The event » de Julia Pott, un couple de bêtes indéfinissables est plongé dans un monde dont le péril est imminent. Ces héros animaliers ne sont pas sans nous rappeler les fables et contes populaires où les hommes se cachent souvent sous les traits des bêtes, à part peut-être dans le drôle « History of pets » de Kris Genijn où c’est toute l’histoire tragique des petits compagnons domestiques d’une famille qui nous est narrée. Dans ce film, les animaux sont bien dépeints en chair et en os, vivants et mortels, sans plus d’intelligence ou d’intention que les vrais bêtes… souvent drôles dans leurs attitudes.

Enfin, on ne peut pas passer outre l’incroyable « Kick-heart » de Masaaki Yuasa qui a suscité un très fort engouement de la part du public d’Annecy. Concrètement, ce dessin animé japonais, inspiré entre autres du bondage et de shows TV, parle d’une histoire d’amour entre deux catcheurs nippons. Très provocateur, le film fait penser par son esthétique criarde et son rythme saccadé aux dessins animés japonais vus en France dans les années 80. Avec un humour certain, le réalisateur propose une histoire classique dans un milieu qui l’est moins, celle d’un catcheur au grand coeur – qui s’occupe à ses heures perdues d’un orphelinat – qui a pour technique de drague l’utilisation abusive de coups sur le ring.

Le programme 3 de la compétition de courts métrages fait ainsi le grand écart entre des films atypiques dans leur réalisation et des courts métrages techniquement plus classiques mais aux propos décalés. Le coup de coeur du jour va sans concession à une réalisatrice dont nous aurons sûrement l’occasion de reparler, Julia Pott avec « The event » dont l’univers est extrêmement singulier.

Fanny Barrot

Lire aussi : Annecy 2013, le programme 1 des courts métrages en compétition, Annecy 2013, le programme 2 des courts métrages en compétition

À demain, pour les programmes de la compétition 4 et 5 !

Annecy 2013, le programme 2 des courts métrages en compétition

Dans ce programme tout en émotions fortes, assez dur dans ses propos, le Canada s’ausculte et s’introspecte pendant que la Belgique flirte avec les fantômes de l’histoire de la Nouvelle Orléans. La poésie et le conte revêtent un côté punk décomplexé qui rivalise de trashitude avec une comédie « mortelle ». Merci en tout cas aux programmateurs de nous avoir autorisé à nous languir 3’40 » en milieu de programme sur le « Chemin faisant » du maître Schwizgebel, soit un peu de douceur dans ce monde de brutes.

De belles surprises constituent ce programme où il faut avoir le coeur bien accroché pour saisir ce que les réalisateurs nous proposent comme visions de l’espèce humaine. Entre les personnages belliqueux de « Fight », l’homme supposé violent de « Liebling », la jeune femme commanditaire d’un crime de « A wolf in the tree », l’obsédé « Norman », les représentants du Ku Klux Klan de « Betty’s blues », l’ivrogne pathétique de « Drunker than a skunk », le banal trou de mémoire perturbateur de vie sociale de « Subconcious password » ou encore l’ado incompris de « Le courant faible de la rivière », les hommes en prennent pour leur grade.

Vils, libidineux, faibles et violents, les personnages ne sont ici pas très héroïques ! Même lorsqu’ils prennent la forme d’animaux fabuleux comme dans « Kalté » et de loups de « A wolf in the Tree », les personnages principaux des films sont tout au mieux dépressifs et mal dans leur peau… La crise, l’inconfort… Ces antis-héros ont laissé leur confiance en eux chez leurs copains du long métrage où Monstres (« Monstres Academy ») et Cafards (« Oggy et les cafards ») s’éclatent dans les salles de projections voisines.

Du côté de la technique, nous ne reviendrons pas sur la maîtrise plastique de Schwizgebel qui propose ici un film de commande inscrit dans une collection consacrée à Jean-Jacques Rousseau. Dans son « Chemin faisant », il nous donne son interprétation toute en mouvement de la citation de Rousseau : « Je ne puis méditer qu’en marchant. Sitôt que je m’arrête je ne pense plus, et ma tête ne va qu’avec mes pieds ». Inutile également de revenir sur le travail reconnu de Bill Plympton pour « Drunker than a skunk ». En revanche, Il faudra s’attarder sur le très maîtrisé « Liebling » d’Izabela Plucinska. Son film en pâte à modeler est assez remarquablement maîtrisé. La réalisatrice a travaillé seule sur l’animation et affirme souhaiter laisser le spectateur assez libre dans son interprétation autant visuelle que dans le sens même de la narration.

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Le très visuel « Subconscious password » commis par le réalisateur de « Ryan » qui avait mis en émoi les spectateurs de nombreux festivals en 2004, est encore une fois une sorte d’ovni visuel dans le paysage de l’animation. Construit autour de l’idée que le personnage de Charles, interprété par le réalisateur, a oublié le prénom d’une personne à laquelle il est confronté et de la gêne engendré par l’oubli, Chris Landreth fait grossir le malaise et s’immisce dans le cerveau de Charles. Il transforme celui-ci en plateau de TV où se joue un étrange spectacle inspiré d’un jeu des années 60 (Password). Le réalisateur joue techniquement avec des éléments de 3D ainsi qu’avec des images de found-footage de personnages célèbres tels que Yoko Ono ou encore Samy Davis pour figurer les combats mentaux qui se trament dans le subconscient de Charles.

Pour le coup de coeur du programme, il s’agira sans doute du film de Joël Vaudreuil, « Le courant faible de la rivière », un retour doux-amer sur les troubles de l’adolescence mâtiné d’humour décalé (apprécions l’incongruité du « pouvoir » de la jeune femme). Egalement musicien, le réalisateur a particulièrement travaillé le rythme du film. Les séquences s’étirent juste ce qu’il faut pour que l’on ressente le trouble et la gêne des personnages mis en scène, gauches et touchants, drôles et singuliers.

Le programme 2 de la compétition des courts métrages laisse peu de place aux rires francs mais souligne à plusieurs occurrences avec un certain humour, qu’il soit noir ou décalé, les travers des hommes en tant qu’êtres faillibles.

Fanny Barrot

Le programme 2 sera présenté vendredi 14 juin à 16h au Décavision 2

À demain, pour le programme de la compétition 3 !

Lire aussi : Annecy 2013, le programme 1 des courts métrages en compétition, Annecy 2013, le programme 3 des courts métrages en compétition

Hvalfjordur (Le Fjord des Baleines) de Gudmundur Arnar Gudmundsson

Parallèlement à « Safe » (Corée), la Palme d’Or du court métrage, deux films ont obtenu deux Mentions Spéciales au 66ème Festival de Cannes : « 37°4S » d’Adriano Valerio (France) et « Hvalfjordur » (Le Fjord des Baleines) de Gudmundur Arnar Gudmundsson (Danemark, Islande). Ce dernier nous invite dans un fjord reculé d’Islande à suivre la relation étroite de deux frères, Arnar et Ivar.

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À travers le regard du plus jeune, Arnar, Gudmundur Arnar Gudmundsson dépeint la solitude d’un enfant malmené par les tentatives de suicide de son ainé, auxquelles il assiste impuissant, et le mutisme de ses parents face à ce tabou. Aussi maladroitement que son jeune âge le permet, il prend la responsabilité de rétablir la situation familiale. Dans son film, le réalisateur, Gudmundur Arnar Gudmundsson, fait de l’enfant son personnage central. Les parents ne font qu’acte de présence, aucun mot ou presque ne sort de leur bouche même s’ils semblent conscients du mal-être de leurs enfants.

Le décor naturel tient une place importante dans ce court métrage : dans une région du Hvalfjordur où la pêche à la baleine est la principale activité, les grandes plaines vides et grisées du fjord tiennent place de métaphore visuelle à la solitude de l’enfant. Cet aspect est davantage mis en avant par le réalisateur grâce à sa façon simple et sans superficialité mais néanmoins très esthétique de montrer les choses. Les points de vue ne sont pas multipliés, ce qui compte uniquement, c’est l’enfant et la perception de ce qui l’entoure. La caméra suit le jeune garçon, explore son visage triste et l’accompagne dans cette immensité islandaise foulée par les chevaux où liberté cohabite avec isolement. Le réalisateur réussit ainsi le tour de force de saisir le contraste entre la beauté des images, lors d’une découpe de baleine par exemple, et le drame qui s’y joue, notamment lors de la scène d’ouverture sur la pendaison de l’aîné.

Einar Johann Valsson joue Arnar, le jeune garçon d’une dizaine d’année. Aussi simplement qu’avec talent, il livre une interprétation pleine de sincérité et de sensibilité, révélant une direction d’acteur tout en finesse, au service d’une belle histoire. Gudmundur Arnar Gusmundsson nous propose à travers ce court métrage très court (une quinzaine de minutes) un voyage rempli d’émotions qui marquera à jamais les personnages comme les spectateurs.

Carine Lebrun

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Article associé : l’interview de Gudmundur Arnar Gudmundsson

H comme Hvalfjordur

Fiche technique

Synopsis : Le film dépeint une relation étroite entre deux frères vivant avec leurs parents dans un fjord reculé. Nous pénétrons dans leur monde à travers le regard du plus jeune frère et nous l’accompagnons dans un voyage qui marquera un tournant dans leur vie.

Genre : Fiction

Pays : Danemark, Islande

Durée : 15′

Année : 2013

Réalisation: Gudmundur Arnar Gudmundsson

Scénario : Gudmundur Arnar Gudmundsson

Image : Gunnar Audunn Johannesson

Son : Huldar Freyr Arnarson, Gunnar Oskarsson

Décor : Julia Embla Katrinardottir

Montage : Anders Skov

Interprétation : Vladimar Örn Flygenring, Unnur Ösp Stefansdottir, Einar Johann Valsson, Agust Örn Wigum

Production : Frae Films, Fourhands film, Sagafilm, Mailand-mercado films

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