Palmarès du Festival de Vendôme 2013

Le festival de Vendôme s’est terminé hier soir. Voici le palmarès complet de la compétition nationale des courts métrages.

Grand Prix : Le Jour a vaincu la nuit de Jean-Gabriel Périot

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Cliquer sur l’image pour visionner le film

Prix spécial du jury : Petite Blonde d’Emilie Aussel

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Mention spéciale du jury : Petit Matin de Christophe Loizillon

Prix Format Court : Pour La France de Shanti Masud. Prix d’interprétation pour les comédiens du film : Friedelise Stutte, Sigrid Bouaziz, David Atrakchi, Bastien Bouillon

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Prix du jury jeune, Prix CinEcole en Vendômois : US de Ulrich Totier

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Prix du jury étudiant : Le Tableau de Laurent Achard

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Un jour, un court

Bonne nouvelle. À partir d’aujourd’hui, Format Court diffusera quotidiennement des films sur son site internet à l’occasion du Jour le plus Court. Ces films, pour certains chroniqués dans nos colonnes et diffusés dans le cadre de nos projections, seront accessibles jusqu’au dimanche 22 décembre à 8h. Profitez-en, les neuf bons films en ligne que nous vous proposons sont pour la plupart difficiles à voir et à trouver sur la Toile.

Jour 1 : 14/12 : Viejo Pascuero (Une petite histoire de Noël) de Jean-Baptiste Hubert, fiction, 3′, France, 1993

Synopsis : Au lendemain des fêtes de Noël, un gamin des bidonvilles de Santiago écrit au Père Noël pour se plaindre des cadeaux qu’il a reçus.

Jour 2 : 15/12 : Miniyamba de Luc Perez, animation, 14′, France, Danemark, 2012

Synopsis : Comme des dizaines de milliers de personnes qui chaque jour dans le monde quittent leur terre natale, Abdu, un jeune malien, a décidé de gagner l’Europe. Un voyage du fleuve Niger aux barbelés de l’enclave de Ceuta, où les rêves se confrontent à la dure réalité des migrants, avec au loin les lumières de l’Occident.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Luc Perez

Jour 3 : 16/12 : Je sens le beat qui monte en moi de Yann Le Quellec, fiction, 32’12 », France, 2012

Synopsis : Rosalba, jeune guide touristique, souffre d’une affection inédite : la moindre mélodie provoque chez elle gesticulation et danse. Malgré ses ruses pour cacher son excentricité, ce corps indomptable pourrait bien séduire son collègue Alain.

Jour 4 : 17/12 : Jeunesses françaises de Stéphan Castang, documentaire/fiction, 19′, France, 2011

Synopsis : Des lycéens, cadre serré, répondent aux questions d’un conseiller d’orientation un peu agressif. Tour à tour, les adolescents se révèlent, plus dans la manière que dans l’anecdote, entre le vrai et le faux, entre fiction et documentaire.

Article associé : la critique du film

Jour 5 : 18/12 : Le Locataire diabolique de Georges Méliès, fiction, 7′, France, 1909

Synopsis : Un locataire doué de pouvoirs magiques sort de son sac de voyage tout son mobilier, et même les membres de sa famille !

Jour 6 : 19/12 : Fais croquer de Yassine Qnia, fiction, 21′, France, 2011

Synopsis : Yassine, jeune cinéphile passionné, veut tourner un film dans son quartier. Il souhaite associer ses amis d’enfance à son projet. Mais l’amitié a parfois ses travers….

Jour 7 : 20/12 : Le Silence sous l’écorce de Joanna Lurie, animation, 11′, France, 2009

Synopsis : Dans une forêt géante couverte d’un grand manteau blanc, de drôles de petites créatures découvrent la neige si blanche, si belle, si fascinante. Elle les emporte dans un tourbillon d’ivresse et de joie à la rencontre d’étranges phénomènes. Un conte nocturne plein de tendresse.

Jour 8 : 21/12 : Mississipi de Arash T. Riahi, expérimental, 6′, Autriche, 2005

Synopsis : « Mississippi » se réfère à certains égards à cette tradition, pour s’en détacher par ailleurs à travers le prisme de l’ironie. Ce qui, au début de Mississippi, fait penser à un dialogue savamment orchestré entre chaos naturel et structure abstraite se révèle à un moment donné être un concert formel absolument autonome. » Robert Buchschwenter

Jour 8 : 21/12 : Kwiz de Renaud Callebaut, fiction, 5’45 », Belgique, 2006

Synopsis : Dans la salle d’attente d’un hôpital deux dames âgées se livrent une bataille sans merci de connaissances musicales à l’aide de leurs sonneries de téléphones portables. Laquelle des deux ressortira grande gagnante de ce « kwiz » improbable ?

Silence Radio de Valéry Rosier

Déjà auteur du remarqué et remarquable « Dimanches »Valéry Rosier séduit à nouveau avec « Silence Radio », moyen métrage inspiré, présenté à Vendôme, qui suit les auditeurs de Radio Puisaleine, station locale de Picardie carburant à la nostalgie. Portraits d’anonymes en proie à la solitude, « Silence radio » questionne aussi brillamment la place de la mise en scène dans le documentaire.

Lucienne Delile, Berthe Sylva, Rina Ketty, les noms de ces chanteuses ne vous disent peut être rien mais elles passent en boucle sur les ondes de Radio Puisaleine, station picarde suivie par des auditeurs fidèles qui apprécient aussi Claude François, Jacques Brel, Daniel Guichard ou Charles Trenet. Chanteurs morts, oubliés ou même parfois ringards.

Valéry Rosier a choisi de filmer ceux qui font cette radio et ceux qui l’écoutent dans un montage qui alterne entre le collectif et l’intime. Dans un format habituellement réservé à la télévision (le 52 minutes), il fait de « Silence radio » un véritable objet de cinéma, oscillant entre le documentaire et la fiction.

D’abord en s’attachant au cadre et à la mise en espace de ses personnages il tend vers un travail photographique qui pourrait rappeler celui de Martin Parr, la moquerie en moins, ensuite, en choisissant de mettre en scène ces moments du quotidien, s’éloignant du principe de cinéma-vérité. L’auteur fait ainsi sans nul doute rejouer à ses personnages certaines scènes ou dialogues mais cette réalité « fictionnalisée » sert le film et sa construction sans jamais détourner le spectateur de son intérêt premier.

Ce qui frappe d’emblée dans le film est la puissance de ces personnages et leur inscription dans l’espace. Rosier transforme la Picardie en paysage cinégénique et y installe ses protagonistes comme de véritables héros de fiction. On ne connaît pas le processus de « casting » et comment le choix s’est opéré mais tous sont fantastiques. Chacun émeut, fait rire et touche.

Si le film de Valéry Rosier fait souvent rire (et fort), jamais il ne se place comme ont pu le faire avant lui certains réalisateurs de l’émission culte Striptease. Sa démarche semble directement plus inclinée vers une certaine mélancolie, sans toutefois toucher à la nostalgie (le fameux « c’était mieux avant »). La façon dont il témoigne de la solitude quotidienne, du manque d’affection et du pouvoir d’évocation d’une chanson ancienne sont autant de preuves de son talent de portraitiste à la manière d’un Sempé qui croquait ses contemporains avec une élégance certaine.

Amaury Augé

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S comme Silence radio

Fiche technique

Synopsis : La Picardie. La Picardie rurale. Des gens qui ne parlent parfois presque plus qu’à eux-mêmes. Des gens oubliés, en marge de la société. Les gens du silence. Certains d’entre eux s’accrochent à la vie, aux autres. Ils écoutent Radio PUISALEINE, une radio régionale. A travers elle, ils se parlent, se tiennent compagnie, échangent, rient, chantent, se replongent dans leur passé. Portrait d’une radio qui fait reculer l’exclusion et la solitude.

Genre : Documentaire

Durée : 52’

Pays : Belgique, France

Année : 2012

Réalisation : Valéry Rosier

Direction de la photographie : Olivier Boonjing, Mathieu Cauville

Son : Arnaud Calvar, Guilhem Donzel

Montage image : Nicolas Rumpl, Didier Vandewattyne

Montage son : Aurélie Valentin, Mathias Leone

Production : Need Productions, Perspective films, Papyrus Films

Article associé : la critique du film

Anima de Simon Gillard

Gestes et couleurs en Afrique

En titrant son film Anima (emprunt à Jung) et en l’ouvrant par une citation sur le mystère du monde et la folie des actions humaines (formulé par Carlos Castaneda, inspirateur controversé du new-age), on attend du film de Simon Gillard une complexité du développement. Il n’en est rien.

Le film, lauréat du Prix Format Court au festival Filmer à tout prix et du Prix des Ateliers d’Accueil WIP-CAB (Bruxelles), est quasiment muet et d’une grande limpidité visuelle. Il montre dans leur simplicité les gestes qu’on imagine quotidiens des habitants de deux petits villages du Burkina Faso. La belle photographie de Juliette Von Dormael révèle des couleurs ocre rouge, bleu de Prusse ou orangées. Les transparences sont travaillées au travers de toiles d’araignées retenant des objets ou des nuées de poussière. Dans ce film, l’ambiance sonore capture de petits éléments aussi fugaces que certains gestes au départ anodins.

Car derrière chaque geste, se dessinent en fait des fonctions vitales humaines (la transmission du père, de la mère, le rapport à la chasse, au travail). Et si le film commence par l’usage du corps pour le combat, il se termine par son utilisation pour le jeu.

Par un bel étalonnage et un sens aigu du montage, le film parvient à excéder le cadre du portrait. Il propose de suivre le voyage d’une âme (« anima » en latin veut aussi dire « âme ») s’incarnant d’un objet à l’autre. Il est aussi possible d’y voir une forme de révérence face à la beauté du monde. « Amina » qui apparaît en reflet au début du générique est le mot burkinabé pour dire « Merci » tout en faisant une bénédiction pour l’autre. Anima est donc un film recherchant une forme de transcendance au travers de ses images. C’est un objectif courageux pour un simple exercice de l’INSAS belge.

Le prochain film de Simon Gillard, le moyen-métrage Yaar, touchera à nouveau au documentaire et à l’Afrique, puisqu’il s’intéressera à une mine d’or mouvante dans la région de Banfora, à l’ouest du Burkina-Faso. On l’attend avec impatience…

Georges Coste

Article associé : l’interview de Simon Gillard et Juliette Van Dormael

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Ulrich Totier : « Avec notre film, on n’a pas cherché à donner de leçon, on a avant tout voulu faire rire le spectateur »

Le court-métrage d’animation «Us» nous avait beaucoup fait rire quand nous l’avions découvert au festival Paris Courts Devant il y a quelques jours. Nous en avons profité de la récente sélection du film au festival de Vendôme pour y rencontrer son réalisateur Ulrich Totier et l’interroger sur son parcours et sur l’élaboration de son film.

ulrich-totier

Peux-tu me parler de ton parcours et de ce qui t’a amené au cinéma d’animation ?

J’ai fait les arts appliqués au lycée, puis un BTS de communication visuel pour m’orienter vers le graphisme, une activité que j’ai pratiqué pendant un an et demi sans passions et avec un certain dégoût au final. Je me suis dit qu’il fallait passer à autre chose, j’ai donc tenté le concours de l’école de la Poudrière à Valence, une formidable école de cinéma axé sur l’animation où j’ai été reçu.

Le cursus dure deux ans, l’enseignement y est très dense, il faut s’y préparer physiquement et mentalement. Il y a énormément de chose à voir, à connaître, à fouiller. On voit de tout, tout ce qui est du domaine du langage cinématographique est abordé en profondeur avec des intervenants très intéressants. Je regrette de ne pas en avoir assez profité, c’était comme pénétrer à l’intérieur d’une bibliothèque qui contiendrait tout ce que j’avais toujours voulu savoir ! Il faut arriver avec une grosse besace et prendre le maximum (rires) !

« Us » est ton premier film réalisé hors cursus. Quelle est la genèse de ce projet ?

J’ai co-écrit le film avec Julie Rousset, qui travaille plus dans le graphisme et dans l’édition. On a vraiment fait ce film ensemble, même si je me suis occupé de la réalisation final. À la base, on voulait réaliser une galerie de portraits, des personnages qui représenteraient tous les caractères et les travers de l’humanité. On a vite trouvé ça assez lourd et on a cherché à orienter le projet vers quelque chose de plus universel, que tout le monde pourrait comprendre. On a cherché à aller vers plus de légèreté, de ludisme, et l’idée d’une sorte de laboratoire où l’on observerait de loin des petites créatures nous est apparu comme la meilleure façon de raconter ce qui nous intéressait initialement.

Ton film a recours aux codes du burlesque, du cartoon. Tout repose sur le mouvement. Comment as tu développé le scénario ?

On n’a pas misé sur l’originalité. Ce n’est pas le premier film avec un caillou qui tombe du ciel et qui provoque des catastrophes. On s’est concentré sur les réactions des personnages, le sens qui pouvait s’en dégager et le potentiel comique de chacun d’entre eux. La phase d’écriture n’as pas été évidente. On a commencé par lister toutes les actions possibles avec l’objet (le caillou), ce qui nous a donné une suite de gags qu’on a ensuite essayé d’organiser pour obtenir un scénario avec un début, un milieu et une fin. En partant du jeu des personnages avec le caillou, on a progressivement défini les rapports qui allaient se créer entre eux au cours du film. La phase d’écriture la plus intéressante à mon goût fut la recherche de gags (rires).

ulrich-totier

L’humour du film est assez noir, avec les morts successives de tous les personnages.

Les moyens pour se supprimer sont multiples. Autant que ça soit absurde et en apothéose ! La mort dans ce film-là est traitée de manière légère même si le fond reste tragique. On n’a pas cherché à donner de leçon, on a avant tout voulu faire rire le spectateur !

As tu déjà de nouveaux projets de films ?

Avec Julie, on aimerait poursuivre dans ce registre et développer une série d’animation qui conserverait ce ton, cet humour. Ça serait un gros investissement psychologique et physique, on attend d’être prêt. J’ai d’autres idées pour des courts-métrages, mais souvent elles semblent plus adaptées à de la prise de vue réelle, un domaine que je ne maîtrise pas encore très bien. Alors, je me tâte !

Propos recueillis par Marc-Antoine Vaugeois

Article associé : la critique du film

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Pour en savoir plus, visionnez l’entretien d’Ulrich Totier réalisé pendant le festival de Vendôme

Pour information, « Us » sera projeté à la séance anniversaire de Format Court, le jeudi 16/01/2014, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), en présence de Julie Rousset, co-réalisatrice et co-scénariste

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Fiche technique

Synopsis : Dans un décor vierge et hors du temps, des bonshommes errent sans but précis. Jusqu’à ce qu’un caillou tombe du ciel. La manière dont ils s’en emparent va révéler la nature de cette drôle d’espèce.

Réalisation : Ulrich Totier

Genre : Animation

Durée : 8′

Pays : France, Belgique

Année : 2013

Scénario : Ulrich Totier, Julie Rousset

Son : Philippe Fontaine

Musique : Ulrich Totier, Christophe Arnaud

Production : Fargo

Articles associés : la critique du film, l’interview d’Ulrich Totier

Floriane Montcriol : « En général, les gens aiment bien mon film parce qu’il s’y passe beaucoup de choses visuellement. Il y a beaucoup de détails qu’on ne voit pas forcément la première fois »

Réalisatrice fraîchement diplômée et jeune maman, Floriane Montcriol présentait il y a quelques jours son film de fin d’études « Amères frites » aux Rencontre Internationales Henri Langlois. Entre drôlerie animalière et regard critique et léger sur la situation politique belge, cette comédie emporte le public dans une jolie fable pleine d’un humour belge forcément décalé.

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Comment est-né ton projet de fin d’études « Amères frites » ?

L’histoire remonte un peu. Quand j’étais en option cinéma-audiovisuel au lycée, nous devions faire un exercice de scénario autour du thème de la chute. J’avais pour l’occasion pensé à une histoire en chaîne où l’on suivait des évènements liés au hasard avec pour fil conducteur un objet. La chute de ce récit était une vraie chute de frites qui tombaient par terre avec en parallèle la chute de tout un pays. Mais ce projet d’époque reste malgré tout très différent du film. J’étais partie sur l’idée d’un fils qui voulait empoisonner sa mère avec des frites. Cela se passait plutôt en France, avec en toile de fond le président Chirac. Et puis quand je suis partie vivre en Belgique, j’ai trouvé que l’histoire collait bien avec ce pays où il y a des friteries partout, et j’ai eu envie d’adapter mon idée à la Belgique. De fil en aiguille, cela s’est transformé en une histoire de couple. J’ai aussi découvert la culture de ce pays, le surréalisme belge et j’ai eu envie qu’il y ait de cela dans mon film.

Comment as-tu imaginé le bestiaire de ton film ?

Au départ, j’étais partie sur une autre histoire. Mais au fur et à mesure les personnages ont fini par avoir des têtes d’animaux. J’avais aussi vu les films de Ladislas Starewich où les personnages ont des têtes d’animaux et des corps d’humains. Cela m’a vraiment plu et influencée.

Tu vis en Belgique mais tu viens du sud de la France. Comment as-tu travaillé le côté belge de ton film ?

J’ai écris le scénario en ayant l’idée de l’adapter au maximum à la Belgique. Je me suis alors renseignée sur le cinéma belge et ai aussi sollicité pas mal d’aide des Belges pour la narration car on m’avait dit que mon style sonnait très français et qu’il faudrait peut être y ajouter quelques beaux belgissismes qui ne pouvaient bien sûr pas me venir naturellement! À Bruxelles j’ai rencontré le propriétaire du théâtre Toone, un théâtre de marionnettes qui montre des pièces issues de la culture locale. Il m’a accordé un petit moment pour retravailler tout mon texte, non pas en changeant le propos mais en ajoutant ici et là quelques mots en flamand. Au final, en France, les spectateurs ne comprennent pas forcément ce qui est dit. C’est un peu gênant mais pas très grave car on comprend quand même l’idée générale. Les Belges par contre apprécient beaucoup le film, ils rient toujours, et se reconnaissent. Les têtes de lion et de poule leurs parlent beaucoup plus ; la plupart des gens en France ne connaissent pas ces symboles. Si mon film a d’ailleurs été sélectionné en festival en Belgique ça n’a pas été le cas en France avant une période très récente. Je pense qu’il passe plus difficilement en France car les gens n’y voient que le premier degré d’un couple en crise. Personnellement, j’apprécie quand dans un film il y a des références et que tous les éléments ne soient pas livrés, ce qui n’est pas forcément le cas de tout le monde. En n’explicitant pas les raisons du choix du lion et de la poule, je crois que je perds une partie du public. C’était déjà le cas dans mon premier film où je traitais du mythe de Narcisse transposé de nos jours. Beaucoup de gens ne connaissaient pas l’histoire et ne comprenaient pas la fin du film où une fleur se mettait à pousser.

Le film est porté par la voix d’un narrateur belge. Comment l’as-tu casté ?

En fait, ce n’est pas un comédien. Il s’agit de Julien Vrebos, un bruxellois. Il est réalisateur et également présentateur TV. Au départ, je travaillais la voix avec un ami belge, mais rapidement mon professeur a pointé le fait que sa voix n’était pas très adaptée. Je ne savais pas qui prendre. C’est un autre professeur qui m’a parlé de Julien Vrebos. Je suis allée voir des vidéos de lui sur internet et j’ai été convaincue. Il a accepté de collaborer à mon projet.

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Peux-tu nous parler de la technique d’animation que tu as utilisée ?

J’ai souvent des idées de techniques, des envies. Par exemple j’aimerais faire une animation avec des fleurs et des feuilles séchées mais pour l’instant je n’ai pas trouvé d’histoire qui colle à cela et je pense qu’il vaut mieux que la technique soit au service du récit. Pour « Amères frites », j’ai travaillé en cut out (matière découpée). J’ai tout fabriqué moi-même. Au début, j’hésitais entre deux techniques : la stop motion ou le cut out. J’avais moins d’expérience avec la stop motion, mais j’avais quand même commencé à fabriquer des poupées dans la phase de préparation. Le résultat n’était pas vraiment satisfaisant. Un professeur m’a suggéré de bien réfléchir à ce qui convenait le mieux à mon style de film, je me suis dit que pour une comédie, le cut out était sûrement plus adapté car il apporte un côté décalé aux choses et donc un potentiel comique. En général, les gens aiment bien mon film parce qu’il s’y passe beaucoup de choses visuellement. Il y a beaucoup de détails qu’on ne voit pas forcément la première fois, comme la mention «Albert King size» (ex-roi de Belgique) sur l’aquarium !

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Tu es sortie diplômée en 2012. « Amères frites » est ton film de fin d’études. Comment se passent les exercices de réalisation dans ton ancienne école, le Kask ?

Dans cette école, la licence et le master sont proposés aux étudiants. La formation est très axée sur la pratique. Dès la première année il y a des exercices techniques mais si les étudiants le souhaitent, ils peuvent déjà réaliser un petit court métrage, et c’est pareil en deuxième année. En troisième année et en master le projet doit être plus conséquent et pus qualitatif. Pour cela, les étudiants peuvent avoir à disposition un petit studio pour réaliser leur film. Personnellement, j’avais besoin de beaucoup d’espace pour tous les décors, les personnages, les vêtements… J’ai pu bénéficier d’un studio quasiment toute l’année scolaire pour moi toute seule ! J’ai eu de la chance, les conditions étaient très confortables.

Quels sont tes projets en cours ?

Je travaille sur un projet d’illustrations avec du cut out et de la prise de vue photo, du volume… Ce ne sera pas un projet traditionnel. Et puis je suis aussi sur un projet de film sur le thème de l’introspection, mais je n’en suis qu’à la phase d’écriture et de recherche.

Propos recueillis par Fanny Barrot

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A comme Amères frites

Fiche technique

Synopsis : Dans une friterie de Bruxelles, on raconte l’histoire de M. Lion et Mme. Poule, un couple d’hurluberlus qui décide un beau jour de s’entretuer. Seulement, rien ne se passe comme prévu et à cause d’eux, le plat pays se retrouve sans dessus-dessous.

Réalisation : Floriane Montcriol

Genre : Animation

Durée : 10’

Pays : Belgique

Année : 2012

Son : Elias Vervecken

Musique : Koen de Couter

Voix : Julien Vrebos

Production : KASK

Article associé : l’interview de Floriane Montcriol

Simon Gillard et Juliette Van Dormael : « Il ne faut pas se leurrer, nos courts métrages ne sont pas des objets à vendre, ce sont des outils promotionnels »

Simon Gillard est venu présenter Anima au Festival de documentaire Filmer à tout prix au mois de novembre 2013. Il en est reparti avec le Prix des Ateliers d’Accueil WIP-CAB et le Prix Format Court. Nous l’avons rencontré en compagnie de sa chef opératrice, Juliette Van Dormael, en prévision de la projection du film ce jeudi 12 décembre au Studio des Ursulines (Paris, 5ème).

Quel a été votre déclic cinéma ?

Simon : Pour moi, c’est la famille. Mon père possédait une boîte de production de films publicitaires en Bretagne et il y avait toujours une caméra qui traînait à la maison. Ma mère en était fan, elle l’utilisait tout le temps. Plus tard, quand il a fallu archiver toutes ces images, il m’a semblé important de comprendre ce besoin d’images. En a découlé le besoin d’apprendre à lire l’image et de faire du cinéma car c’est l’art le plus majestueux qui allie l’image photographique au mouvement et au son.

Juliette : Pour moi, c’est la photo qui m’a menée au cinéma. J’ai fait beaucoup de photo étant adolescente. Et puis, j’ai été entourée de gens qui faisaient du cinéma. Mais je me suis vraiment décidée à l’étudier sur le tournage de « Mr. Nobody », de mon père [Jaco Van Dormael]. J’avais 16 ans et j’ai passé mon été sur le plateau à observer comment les choses se passaient. J’ai appris énormément rien qu’en observant.

Vous avez tous les deux étudié à l’INSAS, à Bruxelles, Simon en réalisation et toi Juliette, en image, Anima est votre première collaboration. Pouvez-vous revenir sur la genèse de ce projet ?

Simon : Anima est un film réalisé dans le cadre des « Regards croisés ». L’INSAS envoie les étudiants en réalisation qui le souhaitent dans un pays étranger pour y tourner un film en collaboration avec une école sur place. On avait le choix entre le Brésil, la Chine et le Burkina-Faso. Logiquement, les réalisateurs ne sont jamais allés dans le pays avant, et leur regard reste vierge face à la réalité qu’ils découvrent sur place, ce qui fait que les films réalisés sont souvent empreints de fascination comme l’est Anima, même si pour ma part, j’étais déjà allé en Afrique de l’Ouest et au Burkina-Faso, en particulier et que je souhaitais y retourner. Anima a été filmé aux frontières du Mali et de la Côte d’Ivoire. L’idée a été d’approcher une civilisation rurale qui a une identité forte, un savoir-faire fort mais qui n’est pas régulièrement documentée ou pas toujours de la bonne façon. J’avais envie de dépeindre la non possession de ce peuple.

Juliette : En fait, Simon et moi, nous nous étions rencontrés sur un autre tournage et il m’avait parlé de son projet de tourner au Burkina. Très vite, je lui ai fait savoir que cela m’intéressait de collaborer avec lui et il a accepté. Il est d’abord parti seul et puis, une fois que l’idée du film est devenue plus concrète, je l’ai rejoint.

Simon : Ce qui m’intéressait avant tout, c’était de filmer le territoire, le relief, les falaises, les cascades. L’eau en mouvement me fascine. La première rencontre que j’ai faite était autour d’un tas de charbon et ça m’a fait penser à un film italien qui m’a beaucoup influencé et inspiré, « Le Quattro volte » de Michelangelo Franmartino dans lequel on suit, selon les quatre saisons, un berger, sa chèvre et le travail du charbon.

Pourquoi avoir opté pour une image l’emportant sur la parole ?

Simon : C’est vrai que nous avons mis l’accent sur un traitement graphique. Dans ma façon d’aborder un sujet, j’essaye en général d’éluder le contexte. Pour ce film, cela me semblait primordial tout simplement parce j’arrive dans un pays qui n’est pas le mien, avec une culture que je connais très peu, il y au moins 70 ethnies et tout autant de langues que je ne connais pas donc il m’est impossible d’aborder la parole avec intelligence. Et plutôt que de réaliser un film qui se veuille un petit peu réducteur, j’ai décidé de réduire moi-même ma capacité d’action en enlevant les mots dans le film. Avec Juliette, on a beaucoup parlé de la manière de filmer. Et comme moi, elle ne ressentait pas le besoin de mettre et d’utiliser le verbe, surtout le verbe traduit, qui aurait réduit le sujet à des bribes d’informations auxquelles le spectateur se serait raccroché.

C’est vraiment faire confiance au spectateur que de ne pas le guider par des explications.

Simon : J’ai voulu mettre l’accent sur l’aspect graphique pour que le spectateur puisse ressentir les images avec ses sens, que le film soit une expérience sensorielle qui fait appel au toucher, à l’ouïe et peut-être même à l’odorat.

Juliette : Je pense qu’au début, le spectateur est troublé mais que grâce au montage, au choix de la longueur des plans, il se retrouve petit à petit et peut se laisser aller.

Simon : À propos de la confiance que l’on accorde au spectateur, il faut savoir si on fait des films pour nous ou pour quelqu’un en particulier. Avant, dans tout ce que je faisais, je me posais la question du destinataire or, ici, pour Anima, c’est la première fois que je ne pense pas à l’individualiser. C’est la raison pour laquelle, le film partage les avis. Beaucoup de gens peuvent être agacés par ce manque d’explications car ce n’est pas habituel. Et c’est cela que je trouve intéressant, Pour moi, c’est de l’éducation à l’image avant tout que de montrer qu’il existe d’autres manières de raconter quelque chose.

Comment avez-vous travaillé l’image sur ce film ?

Juliette : On tournait à deux caméras, il fallait que nos images coïncident un minimum. Chaque soir, on comparait ce qu’on avait tourné la journée.

Simon : On a dû faire des choix parce qu’avec les caméras qu’on avait, c’est-à-dire des caméras non professionnelles qui n’offraient pas vraiment une image très souple, on a été obligé d’avoir des partis pris et de faire des choix.

Juliette : Ça a été des choix de tournage, finalement. Mais, je suis assez contente du résultat qu’on a eu à l’étalonnage.

C’est important pour vous d’être sélectionné dans un festival entièrement consacré au documentaire comme Filmer à tout prix ?

Simon : Pour moi, ça n’a pas beaucoup d’importance si ce n’est que dans un festival de documentaires, j’ai l’impression que le public est plus critique et plus exigeant.

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Simon, tu as des affinités avec le documentaire, comptes-tu en réaliser d’autres ?

Simon : Disons qu’avec Anima, je suis parti dans une recherche, dans un style de réalisation que j’ai envie d’explorer davantage car je sens que je dois encore progresser. J’aime le documentaire et j’ai envie d’encore en tourner pour le moment. Je ne me sens pas encore prêt à me mettre à une fiction qui ne soit pas un travail expérimental avec des comédiens.

Quel rôle donneriez-vous au documentaire, aujourd’hui ?

Simon : C’est difficile de répondre à cette question car justement Anima ne tranche pas sur la question. En ce qui me concerne, je ne fais pas vraiment la différence entre le documentaire et la fiction. Ce sont deux manières de transmettre un message, de communiquer, d’exprimer une idée à autrui.

Juliette : D’ailleurs, ce serait plutôt réducteur que de le restreindre à un rôle. Mais moi, la seule différence que je vois entre les deux, c’est que dans le documentaire, la réalité filmée n’aura lieu qu’une fois.

Simon : Oui, mais ça dépend aussi à quel détail on décide de se placer. Par exemple, en filmant cette jeune fille sur la balançoire dans Anima, elle s’est balancée pendant peut-être 25 minutes sans que je prononce un seul mot, sans que je lui dise ce qu’elle devait faire. Simplement, elle a compris qu’il se passait quelque chose, que c’était un instant pour elle et elle a eu envie d’en profiter.

Être primé, c’est quelque chose d’important ?

Juliette : C’est une belle reconnaissance.

Simon : C’est vrai. Et puis, c’est aussi une chance pour nous de pouvoir mettre nos films en avant. Un Prix comme le Prix Format Court,  ça permet de faire la promotion de notre travail.Il ne faut pas se leurrer, nos courts métrages ne sont pas des objets à vendre, ce sont des outils promotionnels. Et ce qui m’a été donné à Filmer à tout prix, c’est la certitude de faire encore au moins un film, si pas deux.

Avez-vous encore le projet de collaborer par la suite ?

Simon : Pas dans un avenir proche puisqu’on est assez occupé chacun de son côté mais c’est certain qu’on va retravaille ensemble. En ce qui me concerne, j’ai un projet de moyen métrage, Yaar dans la continuité d’Anima dont le tournage débute en janvier.

Propos recueillis par Marie Bergeret

Article associé : la critique du film

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Simon Gillard, Prix Format Court au Festival Filmer à tout Prix 2013

Pour sa première collaboration avec le Festival Filmer à tout prix, à Bruxelles, Format Court a attribué un Prix à Anima (Belgique) de Simon Gillard. Un film d’école, simple et poétique, un voyage envoûtant dans l’Ouest africain. Le court métrage sera montré jeudi 12 décembre 2013, lors de la dernière projection Format Court de l’année en présence de son charismatique réalisateur. L’occasion pour Format Court de publier le focus qui lui consacré dans le cadre du prix.

Marie Bergeret

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Retrouvez dans ce dossier spécial :

La critique de Anima de Simon Gillard

L’interview de Simon Gillard et Juliette Van Dormael, réalisateur et chef opératrice de Anima

A comme Anima

Fiche technique

Synopsis : Parmi les hommes et leurs gestes, bruts et graves, une âme se libère. Elle s’extrait de notre monde dans un curieux voyage, une traversée par les airs de cet étrange village de l’ouest Africain. Ses images puissantes et évocatrices se mêlent aux sonorités entêtantes, pour nous donner à voir, sans limites, ce rêve éveillé.

Genre : Documentaire

Durée : 18′

Pays : Belgique

Année : 2013

Réalisation : Simon Gillard

Scénario : Omran Risheq

Montage : Cécile Orfila

Image : Simon Gillard, Juliette Van Dormael

Son : Alain Kabore

Mixage : Sara Kaddouri

Musique : Caixacubo – Lamine Soulama

Production : INSAS

Articles associés : l’interview de Simon Gillard et Juliette Van Dormael, la critique du film

A comme Arekara, La vie d’après

Fiche technique

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Synopsis : Cinq témoignages d’un événement apocalyptique et surréaliste: un tsunami. Les rescapés racontent.

Genre : Documentaire

Durée : 17’

Pays : France

Année : 2013

Réalisation : Momoko Seto

Interprétation : Kōichi Nakazato, Shigetsugu Gotō, Sumiko Abe, Yūji Ishimori, Hiroko Utsumi

Image : Momoko Seto

Son : Quentin Degy

Montage : Momoko Seto, Nicolas Sarkissian

Production : Ecce Films

Article associé : la critique du film

Arekara, La vie d’après de Momoko Seto

En 2011, la réalisatrice japonaise Momoko Seto nous présentait son court métrage expérimental « Planet Z », nous plongeant dans une guerre macro entre champignons et végétaux, le tout en timelapse. La même année, un tsunami s’abattait sur le Japon. De cet évènement tragique, Momoko Seto nous revient avec « Arekara, La Vie d’Après », documentaire en compétition au 22ème Festival du film de Vendôme.

C’est dans la ville à moitié dévastée d’Ishinomaki, au nord de Tokyo, que la réalisatrice a choisi de poser sa caméra. Partant à la rencontre de rescapés, elle capte à travers le témoignage de cinq d’entre eux la réalité terrifiante, triste mais aussi touchante de la vie depuis le drame, à l’image d’un homme ayant perdu son fils ou celle d’une femme devenu fan de sumo après la catastrophe.

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Trois parties composent ce court métrage. Dans un premier temps et dans la tradition des documentaires, de nombreux plans fixent mettent en scène les récits des survivants. La caméra n’est ici que spectatrice des histoires de ces hommes et ces femmes, comme immobile ou paralysée face à la fatalité de la situation. Mais ce qui aurait pu n’être qu’une simple réunion d’histoires illustrant le désastre se révèle être un recueil d’expériences surréalistes, exceptionnelles, où les rires et les larmes font face à l’incertitude et la précarité qui rythme à présent le quotidien de chacun.

Appuyant les témoignages, la deuxième partie de l’œuvre se base sur des images fortes de paysage dévasté, à l’instar d’un bus toujours suspendu sur le toit d’un immeuble rappelant la puissance de l’évènement. La dernière partie du film continue de montrer les ruines de la ville, mais cette fois-ci soutenue par le récit des survivants, rajouté comme une illustration aux faits.

Momoko Seto livre ici une œuvre forte, poignante et réussit le pari de ne pas plonger dans le dramatique, mais plutôt d’insister sur l’universalité des évènements vécus par chacun de ces sinistrés. Car ce drame a changé leur vie mais cette dernière, inlassablement, reprend son cours. On retiendra de ce court métrage un optimiste contagieux, rappelant que même si la nature fait son œuvre parfois aux dépens des hommes, ces derniers ne doivent pas s’arrêter sur la fatalité des choses. Il y a eu une vie avant. Il y en aura une après.

Carine Lebrun

Consulter la fiche technique du film

Festival de Vendôme 2013

Vendôme n’est pas seulement la ville de naissance du grand Alain Cavalier. C’est aussi le berceau du Festival du Film de Vendôme, le bien nommé. Depuis 22 ans, chaque mois de décembre, le festival déniche des merveilles européennes du côté du court, du long, du documentaire et de l’animation. C’est là qu’on été découverts et célébrés les courts de Benoit Forgeard, Nicolas Provost et Sophie Letourneur, pour ne citer qu’eux.

Cette année, Vendôme consacrera un focus au travail de Sébastien Betbeder, un autre grand ami du festival. L’occasion notamment de revoir son magnifique moyen métrage « La vie Lointaine ». En plus d’un focus sur le cinéma italien, d’un panorama sur le documentaire de création, d’avants premières de longs, le festival propose une compétition d’une vingtaine de courts français qui brillent par leur éclectisme. Avanti !

Amaury Augé

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Retrouvez dans ce Focus :

« Pour La France » de Shanti Masud, Prix Format Court au Festival de Vendôme !

Palmarès du Festival de Vendôme 2013

La critique de « Silence Radio » de Valéry Rosier (Belgique, France)

L’interview d’Ulrich Totier, réalisateur de « Us » (France, Belgique)

La critique de « Arekara » (La vie d’après) de Momoko Seto (France)

Nouveau Prix Format Court au Festival de Vendôme !

Carte blanche Format Court au Festival de Vendôme !

– …

Festival de Poitiers, le 36ème palmarès

Ce dimanche, s’est achevée la 36ème édition du Festival de Poitiers. En voici le palmarès.

Compétition

Grand Prix du Jury : Las Lágrimas de Pablo Delgado Sánchez – Centro de Capacitación Cinematográfia – Mexique – Fiction – 2012 – 66 min

Prix spécial du Jury, Prix du Jury étudiant : To Guard a Mountain de Izer Aliu – Norwegian Film School – Norvège – Fiction – 2012 – 24 min

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Prix de la Mise en scène : Sleeping With The Fishes de Yousif Al-Khalifa – National Film and Television School – Royaume-Uni – Animation – 2013 – 10 min
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Prix du Scénario : Bon voyage de Fabio Friedli – Hochschule Luzern Design & Kunst, Stud. Video (HSLU) – Suisse – Animation – 2011 – 6 min

Prix Découverte de la Critique française : Buhar de Abdurrahman Öner – Istanbul Kadir Has University – Turquie – Fiction – 2012 – 12 min

Prix du Public : Welkom de Pablo Munoz Gomez – Institut des Arts de Diffusion – Belgique – Fiction – 2013 – 18 min

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Mention spéciale du Jury étudiant : A Fable of a Blood-Drained Girl (Contrafábula de una niña disecada) de Alejandro Iglesias Mendizabal – Centro de Capacitación Cinematográfica – Mexique – Fiction – 2012 – 25 min

Prix transversal sections films d’écoles : Prix Amnesty International France : Water Project : Films réalisés par des israéliens et des palestiniens autour du thème de l’eau.

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Côté courts français

Prix du Côté courts français : Souffle court de Johann Dulat – Fiction – 2013 – 25 min ENS Louis Lumière

Prix du Jury Lycéen : La Ville est calme d’Alexandre Labarussiat – Fiction – 2012 – 19 min – Université Paris 8

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Petit déjeuner & Ce qu’on doit faire de Karim Moussaoui

Avant de tourner cette année « Les Jours d’avant », Prix Format Court au Festival du Film Francophone de Namur (FIFF), Karim Moussaoui a tourné deux courts métrages en 2003 et 2006. Ces films, réalisés sans moyens, ont été les premières expérimentations d’un réalisateur n’ayant pas fait d’école mais ayant concrétisé ses envies de cinéma au moment de l’arrivée du numérique.

Petit déjeuner

Filmé en sépia, le premier court métrage de Karim Moussaoui, « Petit déjeuner » couvre en un instant très court (6 minutes) le petit déjeuner partagé entre un homme et une femme. Sur un air de jazz et le ronronnement d’une 35 mm, le couple s’apprête à partager le premier repas de la journée. La femme prépare le café et les toasts, l’homme s’habille. Sans échanger la moindre parole, ils s’installent à table et mangent, comme si de rien n’était, sauf que la femme observe son conjoint qui, lui, évite à tout prix son regard. Le temps de terminer sa cigarette et de se recoiffer, l’homme enfile son blouson et s’en va pour de bon. La porte claque, la femme s’effondre.

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De ce « Petit déjeuner », la tension est bel et bien palpable. Tout passe par les yeux ou la fuite (du regard, de la maison). Les seuls sons proposés sont ceux des tasses et de l’environnement sonore. Comme si les personnages n’avaient plus rien à se dire, comme si il était déjà trop tard. La femme pourrait retenir son compagnon par une parole, un geste, mais ne tente même pas de le faire. Celui-ci est ailleurs, déjà parti, loin de ses habitudes. Ce petit déjeuner, leur dernier moment passé ensemble, est le chapitre final de leur histoire.

Plus proche de l’essai que de la création originale, le premier film de Karim Moussaoui est une adaptation libre d’un poème de Jacques Prévert, Déjeuner du matin. Dans ce texte très touchant, la souffrance côtoie la solitude d’un être abandonné par l’autre. Le film de Moussaoui s’inspire de ces thèmes et réussit à installer une atmosphère en jouant la carte de la simplicité et de l’expérimental.

Ce qu’on doit faire

Autre film auto-produit, « Ce qu’on doit faire » a été réalisé trois ans après « Petit déjeuner ». Il suit la déambulation nocturne de Hakim, un personnage paumé abandonné par sa femme, noyant sa solitude dans l’alcool. Un soir, en rentrant chez lui, il assomme un individu qui lui demande du feu dans la rue. Plus tard, il se met à sa recherche et le retrouve dans une mosquée secrète.

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Filmé de nuit, à Alger, Ce qu’on doit faire » est plus long que le précédent (25 minutes). À nouveau, le réalisateur choisit d’adapter un texte préexistant (The Copulating Mermaid of Venice, une nouvelle de Charles Bukowski) et a la bonne idée de situer son histoire en Algérie, son pays d’origine, un lieu qui l’inspire et qu’il connaît bien. Malheureusement, la verve de Bukoswki est absente du film, le scénario est par moments obscur, et le son fait défaut, notamment lorsque les paroles échangées entre Hakim et son ami sont couvertes par le bruit de la télévision allumée. Néanmoins, comme dans le premier film, Moussaoui installe une atmosphère, capte joliment les gros plans et soigne sa bande-son. Des ingrédients qui feront quelques années plus tard le succès mérité des « Jours d’avant ».

Katia Bayer

Articles associés : la critique des « Jours d’avant », l’interview de Karim Moussaoui

Rappel. Dernière projection Format Court de l’année, ce jeudi 12 décembre 2013 !

Ce jeudi 12 décembre 2013, aura lieu notre dernière séance de courts de l’année. Trois films vous seront proposés, tous en présence de leurs équipes. Parmi eux, figurent deux prix Format Court remis en ce début d’année dans deux festivals belges, l’un à Namur (le FIFF), l’autre à Bruxelles (Filmer à tout prix). Cette soirée sera marquée par la présence de Virginie Legeay, co-scénariste et productrice (« Les Jours d’avant »), Simon Gillard, réalisateur (« Anima »), Nicolas Mesdom et Sébastien Houbani, réalisateur et comédien (« La tête froide »).

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En pratique

► Date, horaire : jeudi 12 décembre 2013, à 20h30

► Durée de la séance : 91′

► Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris

► Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)

► Entrée : 6,50 €

► Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Karim Moussaoui : « Quand on est à la recherche d’une justesse, je ne pense pas qu’on puisse raconter quelque chose qu’on ne connaît pas »

Programmateur cinéma à l’Institut Français d’Alger, Karim Massaoui est le réalisateur du très beau film, « Les Jours d’avant », sélectionné à Locarno et au Festival du Film Francophone de Namur où il a remporté le Prix du Jury et le Prix Format Court. Fin novembre, il est venu à Paris pour présenter son film au festival Maghreb des Films, à l’Institut du Monde Arabe. Nous en avons profité pour le rencontrer, l’interroger sur l’Algérie, son parcours, ses expériences personnelles et son dernier film. Cet entretien est publié dans le cadre du Prix Format Court et en prévision de la projection des « Jours d’avant » le jeudi 12 décembre au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), présenté par Virginie Legeay, co-scénariste et productrice du film.

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Comment se définirait ton lien au court métrage ?

Bizarrement, dans l’absolu, je ne réfléchis pas trop à la durée de ce que je fais. J’ai envie de faire un film, point. Sauf que je suis bien obligé d’y penser lors de l’écriture et la fabrique du film. J’ai toujours eu des envies de longs métrages, mais je passe par le court parce que c’est là qu’on débute. C’est difficile de passer par un long directement, il faut s’exercer, essayer des choses.

Dans les deux précédents films, « Petit déjeuner » et « Ce qu’on doit faire », tu as pu t’exercer ?

Complètement. Pour le premier, je n’avais pas du tout d’expérience. Je l’ai fait en 2003 dans un salon, avec une petite caméra et deux comédiens. Avant de le tourner, pendant des années, je décortiquais les films pour voir la construction des plans, je passais mon temps à tester des appareils photo, des objectifs, j’imaginais que ça pouvait être une séquence ou un plan. Et puis, le numérique est arrivé et j’ai pu accéder pour la première fois de ma vie à une caméra numérique. J’ai eu la possibilité de faire un petit film, des petites prises avec un logiciel de montage basique. D’un coup, le cinéma est devenu concret, alors que pendant des années, il était resté théorique.

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« Petit déjeuner »

Comment, sans expérience, as-tu géré le doute, la peur des premiers films ?

Je ne sais pas. Pour le premier court, il n’y avait pas beaucoup d’enjeux. Il faut arriver à un moment à évacuer l’idée d’enjeux, à accepter qu’on puisse rater un film et se préparer à le faire. C’est comme ça qu’on apprend. À l’époque, j’essayais de préparer mes séquences le plus possible, de travailler le scénario. Ce qui est bien, quand tu abordes l’écriture, c’est que tu peux aisément te rendre compte de ce que tu ne maîtrises pas.

Est-ce que tu as cherché à faire financer tes premiers cours ?

Non, pas du tout. Pour le premier, dès qu’on m’a proposé d’adapter un texte de Jacques Prévert, j’ai mis en place une petite équipe et on a tourné en une journée. Ce n’était pas un film fait professionnellement. Pour le deuxième, c’était un peu pareil. J’ai voulu m’approprier une nouvelle de Charles Bukowski en installant mon histoire à Alger. On avait juste un chef opérateur qui faisait l’image, mais au niveau du son, le micro était directement branché sur la caméra.

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« Ce qu’on doit faire »

Qu’est-ce qui a alors déterminé le financement des « Jours d’avant » ?

Les envies évoluent et à un moment, tu te rends compte qu’elles ont besoin d’argent (rires) !

Qu’est-ce qui est à l’origine du film ?

Après le deuxième court métrage, j’ai eu envie d’écrire un long, d’aller plus loin. J’ai participé à une résidence d’écriture au Maroc où j’ai rencontré Virginie Legeay avec qui j’ai travaillé sur mon scénario de long.

On nous a demandé d’écrire un scénario pour parler des deux personnages, Djaber et Yamina, de leur vécu, de leur passé. Ca faisait longtemps que je voulais raconter une histoire d’adolescents, c’était l’occasion rêvée. La seule adolescence que je connaisse réellement, c’est celle de l’Algérie des années 90 et la seule expérience que j’avais, c’était la mienne.

Pourquoi partir d’une expérience personnelle ?

Quand on est à la recherche d’une justesse, je ne pense pas qu’on puisse raconter quelque chose qu’on ne connaît pas.

Le cinéma permet aussi d’aller vers le fictif.

Bien sûr. Ce que je raconte ne m’est pas arrivé, mais la période, la manière de parler, les relations entre les individus, tout cela fait partie de mes expériences personnelles et a pu m’aider pour l’écriture.


La période choisie des « Jours d’avant »n’est pas anodine, elle se passe dans les années 90, dans une période trouble. Il me semble que cette période est quasiment un troisième personnage.

Absolument, je suis entièrement d’accord. Je voulais inclure cette période dans cette période parce qu’elle est cruciale dans notre histoire et parce que j’ai l’impression que les choses ont tendance à se répéter. Le terreau de la violence en Algérie est toujours d’actualité.

Pour moi, le fond du problème, c’est comment évoluer dans une société pareille dans laquelle les individus sont coupés de toute expérience, de tout lien à l’autre. Vivre, comme Djaber, dans une cité où tu es loin de tout ne te donne pas la possibilité de réfléchir au piège dans lequel tu te trouves. Entre ce que nous demande la société, la morale et la tradition, on est dans une situation de conflit. L’expérience passe par le remords, la culpabilité. Tout est mis en place pour que même quand tu transgresses la règle, tu éprouves de la culpabilité.

Comment les choses se passent quand tu présentes le film dans ton pays ? Est-ce que les langues se délient ?

Non, le rapport du public avec le cinéma ou la télévision est quelque chose de très bizarre. En Algérie, j’ai l’impression que la fiction ne concerne nullement la réalité des gens. Il y a eu très peu de conversations autour du sujet, mais globalement, j’ai l’impression qu’on y voit plus une histoire d’amour impossible qu’une réflexion sur l’Algérie de l’époque. Le film a eu beaucoup de succès à Alger et à Oran, j’ai l’impression que les gens projettent leurs conflits intérieurs mais ce n’est pas pour autant qu’ils arrivent à en parler. La plupart des gens constate la tragédie de ces jeunes tout en la comprenant. Ils ont peut-être vécu des situations similaires face à cette impossibilité de vivre pleinement quelque chose.

J’ai vu bon nombre de films réalisés en Algérie qui parlent du poids de la tradition, de la religion. C’est rare que je ne sois pas tombé sur des films où le discours prenait le dessus, où d’emblée, on était dans l’affirmation, le slogan.

Comment rendre compte d’un système de pensée caduc au sein d’une société ? Comment raconter quelque chose d’intime que peuvent ressentir un garçon et une fille et qui peut être partagé par beaucoup de gens ? Je n’ai pas besoin de dire au spectateur : “vous voyez bien que ce n’est pas bien de séparer les gens.” Il faut juste leur faire partager ces moments d’intimité et après, chacun remplit les vides que je laisse.

Ce qui me frappe, c’est que Djaber et Yamina sont souvent en coprésence (au lycée, chez l’épicier), mais ils n’arrivent jamais à se parler, à se rencontrer.

Ils ont été conditionnés pour ça. Le plus grand mur est dans les têtes. Il y a une telle barrière qui a été installée en nous, dans nos chairs que c’est difficile de faire le pas. Et si ça se fait, ça se passe dans la douleur et les regrets.

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Qu’est-ce que tu as voulu raconter dans « Les Jours d’avant » ?

À travers le scénario, j’ai voulu parler de la frustration des individus, mais aussi de ce qui m’a poussé à grandir un peu. Plus jeune, j’ai toujours cru qu’il suffisait d’être innocent pour éviter le pire. Mais il y a une forme de froideur de la vie. Quand un évènement doit se dérouler, c’est comme une tempête. Quand un tsunami passé, il arrache tout, il se fout de savoir si il y a des gens sympas. C’est une croyance d’enfant sûrement liée au fait que nos parents nous protégeaient tellement en nous disant qu’on finit toujours par s‘en sortir, que les problèmes se règlent, que les gens bien s’en sortent. Les informations venaient toujours de loin, ne semblaient pas nous concerner. Notre écran, c’était nos parents et la télévision.

Tu n’a pas été confronté à cette violence ?

J’avais 18 ans en 1994. Bêtement, je pensais que ce qui se passait était une histoire entre des gens au pouvoir et d’autres qui n’avaient pas pu l’atteindre. Quand les choses se sont gâtées, quand ça s’est rapproché de plus en plus, il n’y avait personne pour me rassurer. Au moment où les choses arrivent devant toi, où tout un commissariat pète, où la fenêtre de ta maison s’ouvre à cause du souffle, où le frère ou la soeur d’un de tes amis se fait égorger, là, tu as vraiment peur. Tu as l’estomac qui se serre et tu te rends compte à quel point il n’y a personne pour venir te sauver.

Souvent, j’entends des gens dire qu’il faut régler cette histoire en nous, mais j’ai l’impression qu’on ne réglera rien. Cette tragédie est arrivée, a tout balayé. Est-ce que je peux expliquer ce qui s’est passé ? Non. Tout le débat sur la façon dont les choses sont arrivées n’a pas été évoqué.

Est-ce que tu aborderas ces questions dans ton long-métrage ?

Un peu, oui. Le long n’est pas le prolongement du court. Dans le long, je parle de l’Algérie après la guerre civile et de personnages qui essayent de vivre dans un pays d’oubli, qui n’a pas appris de ses erreurs, qui veut rejoindre les sociétés de consommation à outrance, mais où finalement, rien n’a été réglé.

Pourquoi fais-tu du cinéma ?

Si je n’avais eu que mon travail, ça aurait été dur d’envisager le quotidien. Le cinéma m’apporte de l’expérience, des ouvertures, il me permet de m’exprimer. Le cinéma, c’est aussi des séquences, des comédiens, de la beauté. En faisant du cinéma, on se rend service, ce n’est pas seulement du militantisme. On veut vivre dans le bonheur que procure le cinéma.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique du film

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Les Jours d’avant de Karim Moussaoui

Dans une cité du sud d’Alger, au cœur des années 90, deux jeunes gens, Djaber et Yamina, tentent de traverser l’adolescence malgré une violence qui couve et se resserre autour d’eux. Elle finit par éclater sous leurs pieds et modifier définitivement leurs parcours.

Les garçons et les filles ont à peine l’occasion de se regarder. À la sortie de l’école, les filles se « volatilisent » aux yeux des jeunes hommes. Prix Format Court au Festival du Film Francophone de Namur, « Les Jours d’avant » s’attache successivement aux personnages de Djaber et Yamina, sous forme d’un diptyque, variant les focalisations dans un même déroulement spatiotemporel. Ce schéma parallèle renforce l’impossibilité d’une croisée des chemins. Mais cette solitude endémique est plus profonde : au sein même de la famille, les liens ont disparu. Les voix off des deux personnages se font écho et soulignent l’absence de véritables échanges. À propos de sa sœur, Yamina dira : « Même à elle je ne disais plus rien, nous avions appris à nous taire ».

Yamina et Djaber forment un duo de personnages en miroir. Sur leurs visages se dessine la même impassibilité, seuls leurs yeux traduisent l’ardeur d’un désir et d’une peur, celle de l’autre, celle d’un ailleurs, celle d’une vie qui n’est pour l’instant que suspendue. Le regard de Djaber aspire à autre chose et se perd constamment dans un hors champ (souvent celui d’une fenêtre). Les jeunes gens sont pétrifiés par les interdits parentaux, sociétaux et par le filet des meurtres se tissant progressivement. L’annonce d’une fête et les promesses qu’elle contient les anime pourtant. La vie et les espoirs personnels peuvent encore palpiter sous la torpeur…

Le choix de la saison du tournage s’accorde avec cette ambivalence : l’hiver projette sa lumière froide sur les paysages, les horizons montagneux offrent une échappée belle et viennent contraster avec le ciel bas, avec les chemins détrempés de la cité dans lesquels on s’embourbe, slalomant entre les flaques étales.

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« Les Jours d’avant » a pu être comparé dans sa construction et dans le choix de son sujet au film « Elephant » de Gus Van Sant. Des destins adolescents pris dans leurs préoccupations quotidiennes sont rattrapés par une violence implacable en marche. Les événements revécus différemment selon les points de vue ne font que renforcer l’aspect indétournable du processus. L’emploi de la musique d’opéra (Haendel) rappelle celle de Beethoven employé par le réalisateur américain. La musique donne au film le ton de la tragédie, dont il reprend la structure : unité de temps, lieu et action. Comme dans la tragédie, les hommes sont soumis et impuissants face à la fatalité. Selon les mots de Karim Moussaoui, l’horreur des évènements était « une troisième dimension incontrôlable, qui devait s’imposer à nous ». S’il s’agit de personnages de fiction, la cité de Sidi Moussa et l’époque correspondent à l’adolescence du réalisateur. Et Djaber et Yamina pourraient très bien reprendre les mots de Karim Moussaoui dans leurs monologues intérieurs : « cela ne va pas nous arriver, pas chez nous, pas nous, et puis à chaque fois la violence approchait et on s’interdisait d’être concernés ».

Ce portrait à double facette masculin/féminin d’une résistance intime face au désordre pose cette question sans âge : comment se construire, construire son individualité dans la déréliction d’une société meurtrie ? La beauté de ce film est déjà l’esquisse d’une réponse.

Juliette Borel

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Article associé : l’interview de Karim Moussaoui

Pour information, « Les Jours d’avant » sera projeté jeudi 12 décembre, dans le cadre des soirées Format Court, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), en présence de la co-scénariste et productrice du film, Virgine Legeay.