Tous les articles par Katia Bayer

Anima 2009

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Du 20 au 28 février 2009, se tenait la 28ème édition d’Anima, le Festival international du film d’animation de Bruxelles. Pendant 9 jours, de nombreux rendez-vous ont émaillé la programmation de cet événement fort dynamique dans la vie culturelle belge : près de deux cents films en compétition internationale (courts et longs métrages, publicités, vidéos musicales) ou en panorama, une compétition et un focus belges, des expositions (“De la case à l’écran”, “Panique au Village’ et “Kinky & Kosy”), des avant-premières (notamment « Ponyo sur la falaise » de Hayao Miyazaki,), une Nuit animée, un concours “Cosplay”, un hommage à Ralph Bakshi (réalisateur de « Fritz The Cat »), une rencontre avec l’animateur Bill Plympton,  un atelier d’une journée animé par Kyle Balda (ex Pixar), des ateliers pour enfants, des journées professionnelles Futuranima, des séances consacrées au Computer animation Festival SIGGRAPH 2008, au Cartoon d’Or, aux studios de Zagreb, à Channel 4, et à la National Film and Television School (NFTS).

Retrouvez dans ce Focus :

A fantastic journey in Plympton’s world

À 63 ans, l’animateur et dessinateur Bill Plympton n’a rien perdu de sa superbe et de son humour subversif. Sélectionné pour les Oscars et récompensé par le Prix du Jury à Cannes en 1991 pour le court métrage « Push Comes to Shoves », sa réputation n’est plus à faire, et le nombre de ses productions ne semble pas se tarir, qu’il s’agisse de longs ou de courts métrages qu’il enchaîne à un rythme effréné. Sexe, violence, dessins au bistouri, humour caustique, cet Américain, adepte du politiquement incorrect, s’est toujours tenu à l’écart des grosses sociétés de production et continue son bonhomme de chemin sur la dure pente de l’indépendance à tout prix. En février, Mister Bill nous a fait l’honneur de sa visite lors du Festival Anima, à Bruxelles, accompagné de surprises en tout genre et… dans son genre. Rencontre exceptionnelle organisée par l’ASA, l’association des scénaristes de l’audiovisuel.

© Renaud Fang

Le producteur, réalisateur, et scénariste belge Laurent Denis a accueilli l’animateur américain Bill Plympton au cours de la 28ème édition d’Anima pour une conférence intitulée Écrire l’image par image. Ce n’est pas la première fois que Plympton promène son grand corps et son visage poupin dans ce festival. La Belgique, c’est un peu comme là d’où il vient, l’Oregon, un pays pluvieux qui encourage les vocations précoces : « quand on est enfant et qu’il est impossible de jouer dehors, il faut s’occuper. Le dessin est une bonne occupation d’intérieur ». Il aura donc fallu attendre la vision particulière de cet artiste hors normes pour nous révéler la raison du nombre impressionnant de dessinateurs qui sévissent dans le plat pays : le temps, tout simplement !

C’est la quatrième fois que Plympton rend visite au festival. Il le dit lui même, le Festival International du Film d’Animation de Bruxelles est son festival préféré. Et Anima le lui rend bien puisque cette année, deux de ses films ont été sélectionnés : « Idiots and Angels » dans la catégorie long métrage, et « Hot dog » pour les courts en compétition.

Pourtant, Plympton est reparti sans  trophée sous le bras, ne recevant qu’une mention spéciale pour son chien sapeur-pompier et gaffeur de vocation. Espérons seulement que l’animateur n’en tiendra pas rigueur à Bruxelles pour les prochaines éditions car, s’il a un talent fou, Plympton n’est pas ce que l’on pourrait qualifier de modeste. Pour preuve, les titres choisis pour ses séries, comic-strips hebdomadaires, et autres DVD : Plympton, Plymptoons, Mondo Plympton, Plympmania… Un choix  marketing pour imposer une image forte ? Certes, et avouons-le, ça marche.

Ajoutons que pour rester indépendant et ne pas être englouti par la masse, le réalisateur doit user de stratégies pour être reconnu. De toute façon, le talent ne fait pas bon ménage avec la modestie, et c’est tant mieux. Généreux, ouvert, le réalisateur sait se rendre disponible pour son public, n’hésitant pas à brancher une webcamera au-dessus de sa table à dessin pour permettre aux « plympmaniaques » de suivre son travail en direct de New York City.

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Les spectateurs privilégiés bruxellois qui ont pu assister à la conférence, eux, ont eu le plaisir de le voir exécuter des dessins en deux temps trois mouvements sur le rétroprojecteur du Studio 5 du Flagey… Une dextérité impressionnante : ses longues années de caricaturiste pour divers magazines et journaux lui ont appris à travailler vite et bien. Généreux disions-nous, Bill Plympton n’est pas seulement venu armé de son crayon et de ses feuilles blanches, mais aussi de jolies surprises filmées et non filmées. Devant nos yeux, l’animateur a feuilleté le storyboard de son dernier long métrage, (« Idiots and Angels ») une série de dessins à la fois précis et agités. L’histoire ? Un  véritable « trou du cul » (dixit Plympton) s’aperçoit un matin que deux étranges ailes poussent sur ses omoplates. Contrairement à ce que l’on voit habituellement, ce héros « angélisé », se voit contraint à faire le bien, malgré sa volonté de nuire.

Du côté des films, nous avons eu le plaisir de voir un extrait de ce dernier long,  mais aussi les 5’50 de « Hot dog » ainsi que  le court métrage « Santa : The Fascist Years » dans lequel un Père Noël fasciste impose sa loi et se retrouve en guerre contre la dinde de Thanksgiving, les lapins de Pâques et autres épouvantails d’Halloween, ne trouvant pour seul allié qu’Adolph Hitler himself à qui il serre la main… Voilà une petite chose en noir et blanc qui ne sera pas du goût de tous.

Avec humour et dérision, Bill Plympton s’est prêté au jeu de l’entretien, pimentant le tout de petites anecdotes, notamment sur Disney : « À quatorze ans, j’ai envoyé des dessins chez Disney pour qu’il m’engagent. Ils ne m’ont jamais répondu. Je n’ai pas été déçu parce qu’ils ne m’ont pas renvoyé mes dessins. Je me suis dit, s’ils les gardent, c’est qu’ils les aiment ! » Ironie de l’histoire, quelque trente années plus tard, les studios Disney demandent à Plympton de travailler sur Aladin. Il refuse. Rancunier Bill Plympton ? Non, libre tout simplement !

Sarah Pialeprat

Article associé : la critique de « Hot dog »

H comme Hot dog

Fiche technique

Synopsis : Notre héros courageux rejoint les pompiers pour sauver le monde des incendies et gagner l’affection qu’il mérite tant.

Genre : Animation

Durée : 5’20”

Année : 2008

Pays : États-Unis

Réalisation : Bill Plympton

Scénario : Bill Plympton

Graphisme : Bill Plympton

Storyboard : Bill Plympton

Layout : Bill Plympton

Décor : Bill Plympton

Animation : Bill Plympton

Caméra : Kerri Allegretta

Musique : Corey A. Jackson

Son : Greg Sextro

Montage : Biljana Labovic

Compositing : Kerri Allegretta

Production : Plympton Studio

Distributeur : SND FILMS

Articles associés : la critique du film, et le compte rendu de la rencontre avec Bill Plympton, à Anima

Hot dog de Bill Plympton

De l’huile sur du feu

Quand un brave cabot, mascotte de caserne, est prêt à tout pour figurer en bonne place sur la photo des héros modernes que sont les pompiers, les choses ne se passent pas toujours comme il l’avait rêvé. Après « Guide dog » (un bull-dog qui postule pour devenir chien d’aveugle), et « Guard dog » (qui explique enfin pourquoi les chiens aboient), voici « Hot dog »… Chaud, très chaud !

Disney a sa souris, Plympton a son chien. Les habitués du célèbre dessinateur américain, dès la première image, reconnaîtront avec plaisir son irrésistible personnage canin aux yeux ronds un peu abrutis, à la langue pendante, et à son corps lourdaud péniblement soutenu par ses minuscules pattes. Ceux qui le découvrent pour la toute première fois ne s’étonneront pas des catastrophes qui ne manqueront pas de se produire tout au long des cinq minutes de ce court métrage. En effet, le « dog » de Plympton ne brille pas par son intelligence et, dès la première scène, preuve nous est donnée que ce néanmoins sympathique clébard est un gaffeur de la première heure. C’est avec une petite appréhension, mais le sourire aux lèvres, que nous entendons donc retentir l’alarme de la caserne pour une alerte au feu. C’est parti ! Les gags s’enchaînent à une allure effrénée et sans aucun temps morts. Le voyage en camion se transforme en Odyssée dans laquelle notre canidé se retrouve seul au volant, le sauvetage de la belle hystérique perchée sur le toit redonne une bouffée d’espoir jusqu’à ce que l’arbre, situé près de la maison, se mette lui aussi à brûler et patatras… Avec la maison, ce sont les rêves de notre malheureuse petite bête qui se retrouvent réduits en cendres.

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Dans la plus pure tradition plymptoonienne, « Hot dog » est un délire visuel où la spontanéité et la vitalité sautent aux yeux et envoûtent totalement. L’irrégularité des traits et les coups de crayons dynamiques sont la patte caractéristique de cet animateur qui semble dessiner plus vite qu’il ne pense. Joyeux, débordant d’énergie, « Hot dog » est une brillante illustration du proverbe : «  le mieux est l’ennemi du bien ». Une leçon que Bill Plympton semble, à tous les niveaux, avoir bien assimilée. On attend le quatrième volet « Horn dog » avec impatience…

Sarah Pialeprat

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Article associé : le compte rendu de la rencontre avec Bill Plympton, à Anima

P comme Paradise

Fiche technique

Synopsis : Les rêves de John Small semblent être entièrement prédestinés. Dépourvu de libre arbitre, il rêve d’un avenir meilleur, sans toutefois s’épanouir dans sa banlieue dystopique.

Genre : Animation

Durée : 7’59”

Année : 2007

Pays :  Canada

Réalisation : Jesse Rosensweet

Scénario : Jesse Rosensweet

Technique : Marionnettes

Animation : Robert Crossman, Rachelle Lambden

Musique : David Buchbinder

Montage : Robert Crossman, Robert J. Coleman

Voix : Dave Foley

Production : Copper Heart Entertainment Production

Distributeur : ONF – Office National du Canada

Article associé : la critique du film

Paradise de Jesse Rosensweet

Paradis artificiel

Après avoir remporté le Prix du Jury à Cannes en 2002 pour « Stone of Folly », le Canadien Jesse Rosensweet nous revient enfin avec un nouveau court métrage, « Paradise », tourné avec des automates. Quand le chemin est tracé d’avance, pas sûr qu’il conduise au Paradis.

Sur une musique très « La Croisière s’amuse », le soleil s’est levé sur le petit monde parfait de « Paradise ». John, et son impeccable petite femme d’intérieur, commencent une journée qui ressemblera à celle de demain, d’après demain et du jour d’après. Ont-ils le choix ? Notre petit couple « idéal » est en effet posé sur des supports métalliques qui suivent précisément des rails circonscrits dans (et hors de) la maison. John et son épouse sont des automates, et quoi de mieux, pour illustrer la vacuité de l’existence humaine que des pantins articulés condamnés à la répétition.

Dormir, s’habiller, manger, travailler et recommencer, telle est la vie bien réglée de nos petits jouets mécaniques si dociles. Mais dans ce décorum « so cute » et très années 50, voilà que tout commence à dérailler quand la charmante épouse éprouve et ose enfin exprimer ses propres désirs…. désir d’une autre vie, désir d’ailleurs. Rien ne va plus. La belle se fait la malle, et ne reste alors qu’une petite tige vide qui continue machinalement des allers et retours de l’assiette à la cuisinière, de la cuisinière à la porte d’entrée. Terrible image de l’absence que ce triste clic-clic qui ne soutient plus personne et que John contemple, « désespéré », terrible baiser traditionnel donné à présent, dans le vide. Les gestes, si bien appris et réitérés, ne s’effacent pas si facilement.

Jesse Rosensweet construit avec humour et ingéniosité une métaphore originale d’un sujet pourtant mille fois abordé dans les courts comme dans les longs (cf.le très beau « Les Noces rebelles » de Sam Mendès). En moins de 8 minutes, il parvient à toucher des thèmes aussi vaste que le conformisme, l’ennui, la frustration familiale et professionnelle, l’incommunicabilité et la désagrégation du couple. Par des procédés simples, l’accélération montrant l’implacable répétition, ou les ellipses qui créent une sensation de vide, le réalisateur canadien atteint une réelle intensité dramatique. D’un humour grinçant, un peu sombre peut-être, le propos n’offre aucune échappatoire et nous laisse, même si c’est avec un sourire, sur un triste constat d’impossibilité à sortir d’un quotidien qui emprisonne.

Sarah Pialeprat

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Speed Pitching dans le cadre du Festival du Court Métrage de Bruxelles‏

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Le Festival du Court Métrage de Bruxelles, associé à l’UPFF et la SACD, recherche des candidat(e)s motivé(e)s à l’idée de présenter un projet de scénario de court métrage à des producteurs/scénaristes dans le cadre d’une séance de Speed Pitching organisée le lundi 4 mai.

Le principe : 8 participants sélectionnés (réalisateurs et/ou scénaristes) rencontreront 8 producteurs et/ou scénaristes professionnels. Les participants auront à chaque fois 7 minutes pour « Pitcher » leur projet. L’enjeu est de rencontrer un éventuel producteur, d’apprendre à « Pitcher » et pour le plus convaincant, de remporter 200 euro offerts par la SACD.

Conditions de participation : les participants devront envoyer un traitement de 2 pages d’un scénario déjà écrit, une lettre de motivation, un CV, et une note d’intention de réalisation avant le 17 avril 2009 à julien@courtmetrage.be. Ils devront également avoir réalisé un court métrage dans le passé et être disponible toute la journée le lundi 4 mai. Une leçon de Pitching est également prévue le lundi 04/05 à 10h. Cette leçon est accessible à tous, uniquement sur réservation (julien@courtmetrage.be)

Pour plus d’informations : www.courtmetrage.be

Annecy : la sélection officielle

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Le prochain festival d’Annecy, la référence mondiale de la création animée, aura lieu du 8 au 13 juin. La sélection officielle de cette année est désormais connue, à l’exception des longs métrages dont les résultats ne seront publiés qu’à la fin du mois d’avril. Au total, 80 courts, 60 films de fin d’études, et environ 80 films de commandes / TV, soit près de 220 films, seront projetés lors de cette 33ème édition implantée dans « La Venise des Alpes ».

Séries TV (41)

Spéciaux TV (6)

Films éducatifs, scientifiques ou d’entreprise (5)

Films publicitaires (22)

Vidéoclips (8)

Films de fin d’études (60)

Courts métrages hors compétition (40)

Pour plus d’informations : www.annecy.org

Deux mois…

Apparu quelques jours avant le Festival de Clermont-Ferrand, Format Court a amplement développé, en l’espace de deux mois, son contenu rédactionnel (chroniques, critiques, interviews, focus, fiches techniques) et iconographique (extraits, photographies, et illustrations). En phase avec la vitalité et la diversité du court métrage, nous avons souhaité mettre en lumière des films, des individus, des festivals, des genres, et des pays différents. Le site a ainsi accueilli de la fiction, de l’animation, du documentaire, de l’expérimental, du film mobile ou d’école, et des articles liés à la France, la Belgique, l’Australie, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Japon, Israël, les Philippines, l’Allemagne, la Suisse, la Pologne, la Chine, les Pays-Bas, le Sénégal, la Hongrie, et le Mozambique.

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Que s’est-il passé pendant ces deux derniers mois ? Format Court a fait la fête, organisé une projection de courts, bénéficié d’un passage sur France Culture, rejoint le Jury Presse International du Festival de Clermont-Ferrand, créé des pages consacrées aux Actualités et aux DVD, repensé sa périodicité, et s’est fait de nouveaux copains.

Depuis son lancement en janvier, le site  a attiré 3000 visites, dont 600 le jour de sa mise en ligne. Il est consulté en Europe, en Amérique du Nord, en Afrique du Nord, en Australie, en Inde, et au Japon. Vraisemblablement, le court métrage vous séduit, ce qui nous ravit. Nous profitons de cet éditorial pour vous remercier de vos messages de soutien et de vos encouragements. Continuez à nous suivre et à vous intéresser au format court.

Katia Bayer
Rédactrice en chef

La petite collection de Bref : une sélection de courts métrages néerlandais

En 2007, Bref, le magazine français du court métrage, inaugurait “La petite collection”. En partenariat avec l’éditeur Chalet Pointu, il lançait un DVD de films belges francophones en lien avec la rétrospective belge programmée par le festival de Clermont-Ferrand. Deux ans plus tard, après 10 volumes majoritairement associés au contenu de la revue, Bref a établi une sélection de 15 courts métrages néerlandais, faisant écho à la rétrospective consacrée cette année par le festival aux Pays-Bas.

Sur la pochette de ce DVD en hommage à la Hollande, point de tulipes, de fromages, et de sabots. Un cliché, un seul : les vélos. Autour d’eux, le graphisme a conservé au sol, les passants, les voitures, et un grillage, et en hauteur, le ciel, les lignes de trams, et les nuages. Quinze titres variés composent ce volume rouge-blanc-bleu : des courts métrages d’animation (« Les caractères », « Jazzimation », …), de fiction (« La route », « Le visage caché », …), des films expérimentaux (« La Hollande à bicyclette »), des images primées (« Miroir de Hollande », « La Muraille de Chine », …), et des identités connues (Paul Verhoeven, Bert Haanstra, Uri Kranot et Michal Pfeffer-Kranot, …). Parmi ces titres, Format Court en a isolé cinq.

Spiegel van Holland (Miroir de Hollande) de Bert Haanstra

En navigant le long du canal de la Vecht (reliant Utrecht à Amsterdam), le photographe et réalisateur Bert Haanstra tourna  en 1950 un documentaire sur son pays en filmant, en caméra inversée, les reflets dans l’eau. « Spiegel van Holland » (Miroir de Hollande), récompensé du Grand Prix au festival de Cannes en 1951, fut le miroir aquatique de son voyage. La caméra de Haanstra, tenue à l’envers, enregistra les reflets des rencontres : nénuphars, ciel, maisons, ponts, moulins à vent, clochers, écluses, chevaux, hommes, …. Au-delà du poétique, des confusions troublantes surgissent : par moments, le réel se fond avec l’imaginaire, la mer et le ciel ne font plus qu’un, et les ondulations de l’eau affectent l’image (maisons folles, formes étranges, individus déstructurés). Près de 60 ans après sa réalisation, « Spigel van Holland » offre un regard en noir et blanc plus qu’original sur la Hollande, ses canaux, et ses habitants.

Feest ! (La fête !) de Paul Verhoeven

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Bien avant les Etats-Unis, « Total Recall », « Robocop », « Basic Instinct », « Showgirls », et « Starship troopers », Paul Verhoeven tourna aux Pays-Bas des courts et des longs métrages. En 1963, il y eut  « Feest ! » (La fête !), l’histoire de Peter, un adolescent blond et timide, séduit par Anja, une fille de son lycée. Au bal annuel, Anja le délaisse, le trouvant “embêtant”. Dans la tour de l’établissement, ils sont désignés pour jouer à colin-maillard. Elle s’immobilise. Les yeux bandés, il la retrouve, l’embrasse, et se fait gifler devant tout le monde. La fête est terminée. Dans l’intervalle, Verhoeven a filmé, de façon très libre et mobile, la jeunesse hollandaise, les premiers émois, l’isolement au sein du groupe, ainsi que les coins et recoins d’un établissement scolaire.

The Quiet One (Le garçon silencieux) de Danyael Sugawara

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« The Quiet One » (Le garçon silencieux), le film de fin d’études de Danyael Sugawara, ancien élève de l’Académie de cinéma et de télévision d’Amsterdam (NFTA), traite du phénomène Hikikomori. Au Japon, près d’un million de jeunes gens se marginalisent totalement de la société en ne sortant plus de chez eux et en ayant des contacts extrêmement limités avec le monde extérieur. De même, le héros de « The Quiet One », Kiyoshi, un garçon de 18 ans, a élu domicile dans la cuisine de ses parents, et y vit reclus depuis deux ans. La seule personne avec laquelle il continue à communiquer est sa petite soeur, Nozomi. Ses parents, embarrassés par la situation, justifient son absence en prétendant qu’il étudie à l’étranger. Sur Internet, il est en contact avec d’autres adolescents qui ont, comme lui, rejeté la notion de groupe (la société et la famille). « The Quiet One » est un film sobre sur l’auto-exclusion, l’adolescence, la famille, l’isolement, et les barquettes d’oeufs vides. Pratiques pour étouffer les bruits extérieurs et recouvrir les corps, celles-ci sont également liées au générique et au titre original du film de Danyael Sugawara (« Tamago » : oeuf, en japonais).

God on our Side (Dieu est avec nous)  d’Uri Kranot et de Michal Pfeffer Kranot

Avant  « The heart of Amos Klein », le tandem d’animateurs israéliens Michal Pfeffer Kranot et Uri Kranot réalisa « God on Our Side » (Dieu est avec nous), en tant qu’artistes en résidence invités à l’Institut néerlandais du film d’animation (NIAF). Le film, récompensé par le Prix spécial du jury à Annecy en 2007, traite du conflit israélo-palestinien en s’inspirant d’événements vécus pendant la Seconde Intifada et de la toile de Picasso, Guernica (1937). « God on Our Side » est une interprétation libre du tableau de l’Espagnol. Certains éléments se retrouvent dans les deux (un cheval à l’agonie, une femme tenant dans ses bras un enfant mort-né, un homme piétiné, une vache affolée, … ), mais le film conserve toutefois son identité et son lien avec l’actualité (représentations de tanks, d’avions de chasse, de bombes, d’attentat-suicide, de bulldozer, …). Relevée par la musique grave d’Uri Kranot, l’émotion du film tient à son sujet, à la couleur terne de ses images, aux incrustations violentes de rouges, à son absence de mots, et aux traits typiquement cubistes de ses personnages.

Pijn (Souffrance) d’Ivàn López Núñez

Après avoir étudié à Barcelone, Iván López Núñez a poursuivi son cursus à l’Académie  de cinéma et de télévision d’Amsterdam (NFTA). « Pijn » (Souffrance), son film de fin d’études, suit de près un individu qui provoque des anonymes dans la rue afin de se faire délibérément tabasser, sans apposer la moindre résistance. Une fois rentré chez lui, l’homme désinfecte ses blessures avant de se prendre en photo, le visage tuméfié. Sa démarche est double. Personnelle : il tente d’évacuer une blessure psychologique (le départ de sa femme et de son enfant) au profit d’une souffrance physique. Artistique : en tant que photographe, il s’entoure de clichés, miroirs et traces de ses rencontres sanglantes. Survient le hasard, sous les traits d’une jeune touriste asiatique perdue dans les rues d’Amsterdam. Idée originale, dialogues rares, musique inexistante, arrêts sur image, caméra mobile, comédiens pudiques,… : Iván López Núñez a privilégié des partis pris audacieux pour son fin d’études. « Pijn » est un film à la fois sombre, violent, et épuré, relevant d’une beauté étrange et d’une grande maîtrise.

Katia Bayer

La petite collection : une sélection de courts métrages néerlandais (#11).  Bonus : les biofilmos des réalisateurs. Distribution : Chalet Films

L’Arenberg et les Midis du Court

Mardi 31 Mars, à 12h00, un programme de courts articulé autour du thème « Histoires d’amour » sera présenté aucinéma Arenberg (Bruxelles).

Premier amour : de et avec Léonore Frenois et Cédric Delaunoy – 15’ – n/b – 2005 – Video.

Cette adaptation du court roman éponyme de Samuel Beckett a pour lieu principal le parc de la cité administrative à Bruxelles.

La Svedese de Nicolas Liguori – 10’ – 2008 – animation – 35mm

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Un couple se retrouve et s’aime sous la lumière écrasante de l’été. Elle découvre Naples, ses processions religieuses, ses musées silencieux. Il filme les pentes arides du volcan. La Svedese rend un hommage émouvant à Ingrid Bergman et Roberto Rossellini, à la rencontre aussi improbable qu’explosive d’une célèbre actrice d’Hollywood et d’un réalisateur « missionnaire ».

Les Corps silencieux de Luz Diaz – fiction – 2007 – 17’ – 35mm

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Les errances d’une jeune fille solitaire fascinée par une femme mystérieuse… Film de fin d’études sublime d’une cinéaste prometteuse.

En compagnie de la poussière de Jacques Molitor – 20′ – 2008 – fiction – 35mm

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François aime Michel. Michel ne peut donner réponse à ses sentiments. Brisé, François préfère se supprimer plutôt que de vivre sans l’amour de sa vie. Deux ans plus tard, Michel est devenu étudiant en médecine. La compagnie des cadavres trouble son esprit: il hallucine le retour de François. Face à cette présence inquiétante, Michel devra confronter sa culpabilité.

Pour plus d’informations : www.arenberg.be

W comme The Woman who is beating the earth (La Femme qui martèle la Terre)

Fiche technique

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Synopsis : Chiharu travaille à mi-temps dans une boucherie. Les vibrations de la viande que l’on aplatit résonnent dans tout son corps, réveillant en elle un volcan endormi. L’éruption est imminente !

Genre : Fiction

Durée : 21′

Pays : Japon

Année : 2007

Réalisation : Tsuki Inoue

Scénario : Tsuki Inoue

Images : Yousuke Omori

Son : Shingo Ishikawa

Montage : Tsuki Inoue

Musique originale : Grace, Rei Shibakusa

Interprétation : Grace, Rei Shibakusa, Jun Nagami,  Sohkoh Wada, Shinobu Kawai

Production : Tsuki Inoue

Article associé : la critique du film

The Woman who is beating the earth (La Femme qui martèle la Terre) de Tsuki Inoue

Une femme battue, une boucherie glauque, et des percussions à n’en plus finir. Tels sont les ingrédients de ce film japonais à la tonalité baroque repéré à Clermont-Ferrand.

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« The woman who’s beating the earth » (La femme qui martèle la terre) est l’histoire d’un transfert au sens freudien du terme. Chiharu se fait battre par son petit ami. Le visage tuméfié et couvert de bleus, elle se rend à son travail, le sous-sol d’une boucherie. Chiharu n’a qu’une seule fonction : elle bat de la viande pour l’attendrir a longueur de journée. Les coups qu’elle donne sur les morceaux de bœuf sont ceux qu’elle ne peut pas donner à son petit ami. Mais ces coups ne suffisent pas. Elle rêve de jouer de la batterie dans un groupe et de donner libre cours à sa propre violence.

Traitant du thème connu de la violence conjugale, la réalisatrice Tsuki Inoue ne quitte pas son héroïne que ce soit dans sa vie ou dans ses rêves. Elle préfère l’évasion à la victimisation. Les rêveries de Chiharu sont de vrais moments d’évasion dénués de bonheur. Elle tape, par exemple, sur sa batterie imaginaire comme si sa vie en dépendait. L’énergie de ses rêves est en contradiction radicale avec a léthargie du personnage.

Les rêves sont filmés en plan large alors que la vie apparaît en gros plan. Tsuki Inoue aime s’attarder sur le visage boursouflé de sa comédienne, victime silencieuse et stoïque d’une violence devenue ordinaire. Malgré une réalisation parfois clipesque et des lumières très crues, « The woman who’s beating the earth » est un plaidoyer pour l’évasion dénué de tout cliché sur l’onirisme ou le désir de fuite. Un parti pris cinématographique courageux servi par des personnages tous plus pitoyables les uns que les autres. Ce film ne laissera pas indemne le spectateur, mais après tout, une petite claque cinématographique ne fait de mal à personne.

Thierry Lebas

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Luksus de Jaroslaw Sztandera

Réunis par le malheur, un adolescent et un enfant errent dans les rues de Varsovie. Repéré à Angers comme à Clermont, « Luksus » est une plongée en profondeur dans le monde de la pédophilie polonaise.

« Je ramène toujours là ou j’ai trouvé » : c’est ainsi que Luksus se retrouve abandonné à l’aéroport par son souteneur. Luksus a 17 ans, et sa « carrière » de prostitué est finie : il est devenu trop vieux pour la clientèle pédophile de son proxénète. À l’aéroport, il rencontre un enfant SDF, victime potentielle de son ancien souteneur.

Le film nous montre un anti-héros Luksus (signifiant la luxure en polonais) qui n’a plus de nom, et n’a jamais su comment gagner sa vie autrement qu’en vendant son corps. Objet de désir déchu, il garde jalousement des photos de voyage en Egypte, témoins de sa fortune passée. Luksus va être confronté à un dilemme. Doit-il se servir de l’enfant pour retrouver sa fortune passée ou bien lui faire échapper l’enfer de la pédophilie ?

© Gwendoline Clossais

© Gwendoline Clossais

Jaroslaw Sztandera, le réalisateur de « Luksus », filme une Varsovie sombre, glauque et nocturne. Le monde des adultes est présenté comme un monde malsain, voire dangereux. L’enfant ne voit en eux que des pervers à extorquer sans contrepartie sexuelle, il incarne le courage que n’a jamais eu Luksus. À la rédemption (écueil inévitable lorsqu’on traite ce genre de sujet), le réalisateur préfère l’errance d’une jeunesse jetable, traitée comme un objet sexuel par un monde adulte rongé par la perversion.

Film sombre, mais jamais misérabiliste, Luksus est un film sensible, centré sur ses personnages forts et ambivalents. Doté d’un montage efficace et d’interprètes irréprochables malgré le manque de charisme de certains seconds rôles (dont le souteneur qu’on aurait aimé plus menaçant, plus vil), le film tient en haleine son spectateur tout au long de ses 38 minutes sans jamais s’épuiser. Il est fort à parier que Jaroslaw Sztandera, étudiant en dernière année à l’école de Lódz, est un nom qui va compter dans le cinéma polonais.

Thierry Lebas

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Fête de l’Animation 2009 : Cinquième édition à Lille

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Depuis 2004, la Fête de l’animation propose à Lille une programmation centrée sur l’animation dans toutes ses expressions : cinéma et arts numériques, BD et manga, jeu vidéo, culture asiatique. Voici le programme de cette cinquième édition, prenant place du 16 au 19 avril.

Zoom sur Miyazaki : Projections, exposition, conférence avec intervention de Masako Sakano, collaboratrice du réalisateur, rencontre-dédicace en présence de Gersende Bollut, coauteur de l’ouvrage consacré au maître japonais Miyazaki l’enchanteur.

Théma Europe de l’Est :
invitation à six maisons de production et trois écoles d’animation en six programmes de courts métrages. Se-Ma-For Film Production (Pologne), Kenges et Zagreb Film (Croatie), Nukufilm (Estonie), Eallin Animation, l’école supérieure de Zlin et la Famu de Prague (République Tchèque), l’école Moholy Nagy (Hongrie).

Coup de projecteur sur l’animation française :
cartes blanches offertes à six maisons de production françaises. MoonScoop (série Bunny Maloney en avant-première, Titeuf, Creepie, Code Lyoko, Les  4 fantastiques, …), Alphanim (présentation de projet de long métrage, Galactik Football, Zap College, Franklin, …), JeSuisBienContent (Persepolis, courts métrages), Millimages (série Le Tour du monde de Mouk en avant-première, extraits du long métrage Les Lascars), Prima Linea (Peur(s) du noir, et autres longs métrages), Method Films (série Iron Man et court métrage en avant-première).

Convention :
ateliers de découvertes des techniques d’animation, conférences et expositions,  dédicaces BD et manga, Cosplay, village des fanzines, jeux d’arcades, ..

Soirées électro-animées :
deux soirées ouvertes à la musique électronique et aux images numériques.

Journée professionnelle :
dédiée aux professionnels de la filière animation et proposée dans le cadre du Pôle d’excellence image du Nord-Pas-de-Calais. Présentation des outils mis en place par les collectivités territoriales pour aider la filière animation/jeu vidéo à se développer dans la région. Conférences, projections de films d’animations issus des studios et maisons de production de Nord-Pas-de-Calais.

Pour plus d’informations : www.fete-anim.com

6 comme 664 km

Fiche technique

664km

Synopsis : Deux hommes recherchent un million d’euros caché dans une station-service désaffectée après un cambriolage. La concurrence est rude et l’affaire tourne mal. David, petite frappe d’une vingtaine d’années, prend peur et trouve refuge chez Anne, une serveuse de vingt ans son aînée, croisée dans un restau-route.

Genre : Fiction

Durée : 43′

Pays : France

Année : 2008

Réalisation : Arnaud Bigeard

Scénario : Arnaud Bigeard

Images : Isabelle Dumas

Son : Nicolas Paturle, Emmanuel Bonnat, Vincent Verdoux

Musique : Benjamin Voituriez

Décors : David Faivre

Interprétation Anne Coesens, Vincent Rottiers, Guy Delamarche, Jean-Christophe Cochard

Production : Les Films Velvet, CNC, Région Auvergne, Procirep/Angoa, Arte France

Article associé : la critique du DVD 664 km d’Arnaud Bigeard

664 km d’Arnaud Bigeard : Prix Talent Fnac du Festival de Clermont-Ferrand 2008

Récompensé à Clermont-Ferrand, mais aussi à Fréjus ou encore à Angers, le second court métrage d’Antoine Bigeard vient d’être édité en DVD par la Fnac, qui en a fait son « Attention Talent » de l’année 2008. Diffusée dans les magasins de la chaîne de distribution de biens culturels (sic), cette édition, conçue par le réalisateur, permet de découvrir ses deux films et quelques bonus où il se met en scène, pour le meilleur et pour le pire.

664km

« 664 km » est un polar étonnant et abouti. Et il l’est, à plus d’un titre. L’intrigue repose sur les ingrédients classiques du polar : deux types, un jeune et un vieux (un apprenti naïf qui croit que le monde est à portée de mains et une ordure prête à tout pour s’emparer du monde en question), une histoire de billets de banques à retrouver dans une station-service abandonnée, on ne sait plus laquelle, des aires de routes désertes, un bar quelque part, par là-bas, un peu paumé, une serveuse dans le bar, tout aussi paumée… Le tout avec une sorte de réalisme cru qui habite les personnages et les décors. Le jeu du jeune comédien Vincent Rottiers, petite frappe à la fois fragile et orgueilleuse, est à ce titre excellent. Cette intrigue, dont on pourrait se dire qu’a priori, elle nous fatigue pour l’avoir fréquentée trop souvent au cinéma, est ici tenue par une maîtrise stylistique imparable. Grâce à une très belle ambiance sonore, à force de plans d’ensemble horizontaux et de travellings lents et fluides, le film installe une ambiance hypnotique et tendue. Et puis, peu à peu, « 664 km » dérive lentement de cette intrigue de polar, de rivalité entre deux hommes et de qui arrivera à arnaquer l’autre, vers une autre histoire, celle de ce personnage secondaire interprété par Anne Coesens. Il évolue alors vers une histoire d’amour et de trahison, de blessures et de vengeances. Abandonnée sans espoir d’une vie meilleure dans ce bar miteux, la jeune femme se prend à rêver en présence de ce jeune homme fougueux à d’autres horizons, à une seconde chance, un amour et des rêves jusqu’à présent confisqués par une réalité pesante. Mais le prix à payer pour réinventer sa vie est lourd. En véritable film noir, « 664 km » suit des personnages englués dans un réel âpre et aride qui prennent leurs rêves pour des réalités et y risquent leur peau.

664km

Si « 664 km » est vraiment étonnant et réussi, son style, parfois esthétisant, et l’écriture très maîtrisée, gomment un peu le trouble qui en émane. Et c’est la vision du film précédent d’Arnaud Bigeard, « 21h11 » (oui, encore des chiffres, il s’en explique dans les bonus du DVD) qui permet d’en prendre la mesure. Plongeant pourtant dans la même recherche esthétique, faite d’ambiances sonores, de silences pesants, de lents mouvements de caméras, de gros plans anxieux et de plans d’ensemble inquiétants, de temps morts et suspendus et d’ellipses narratives, « 21h11 », bien moins maîtrisé, plus tortueux, tâtonnant et maladroit, est bien plus âpre et troublant par ce qu’il ébauche comme pistes cinématographiques et par tout ce qu’il laisse en suspens. Dès ce premier essai, Antoine Bigeard s’attaque déjà au polar : un type rentre chez lui et assiste par la fenêtre à un viol dans la rue. Il s’empare de son caméscope et menace les agresseurs de les avoir filmés pour les faire déguerpir. Mais il se retrouve victime à son tour quand les deux hommes viennent jusqu’à la porte de son appartement menaçant de lui faire la peau. S’il ne se laisse pas intimider, la peur s’immisce, peu à peu, dans son quotidien. L’univers familier que composent sa rue et son appartement devient hostile et ce d’autant plus qu’il découvre que l’événement a vraiment été filmé par quelqu’un en face de chez lui, quelqu’un qu’on ne verra pas et qui continue à le filmer. Les images de ce film d’amateur, troubles et inquiétantes, viennent alors se mêler à la matière cinématographique de  « 21h11 ». Cette fenêtre, en face, qui l’observe, devient une sorte de trou noir absorbant et réflexif, bien plus effrayant que tous les agresseurs entrevus par la fenêtre ou entendus derrière les portes. Ce qui menace, peu à peu, est devenu sans corps, insaisissable, n’est plus qu’un regard, là-bas, sans origine, n’est plus que ce qui regarde.

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Arnaud Bigeard, qui semble avoir tout fait sur ce DVD, des bonus jusqu’à l’animation des écrans, se met en scène dans son lieu de travail pour raconter, avec pas mal d’humour, son parcours de musicien et de cinéaste qui aura mis un peu de temps pour passer des films de commandes à la réalisation de ses histoires. Certaines explications sur son travail sont tout à fait passionnantes. D’autres petits bonus tout à fait inintéressants : des déconnades entre potes qui nous laissent de marbre parce qu’elles ne nous concernent pas. Cet esprit potache est   lassant et nous ferait presque douter de la profondeur d’une démarche cinématographique par cette manière un peu faussement modeste de prendre les choses à la légère. Mais peu importe, ce prix de la Fnac à Clermont-Ferrand permet de découvrir en effet un jeune talent dont on regardera le prochain film avec beaucoup d’attention, et c’est une petite lucarne au court métrage qu’on souhaiterait plus grande encore.

Anne Feuillère

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664 km d’Arnaud Bigeard. Prix Talent Fnac du Festival de Clermont-Ferrand 2008 – Edition : Fnac

T comme Top Girl

Fiche technique

Synopsis : L’histoire tendre, pleine de vérité, à la fois drôle et crue, de filles qui grandissent dans un univers masculin, à Brixton. Une tranche de vie adolescente brute et sincère.

Genre : Fiction

Durée : 19′

Pays : Royaume-Uni

Année : 2008

Réalisation : Rebecca Johnson

Scénario : Rebecca Johnson

Images : David Raedeker

Son : Byron Blake

Montage : Mags Arnold

Musique : Skwilla Gee

Interprétation : Rumbi Mautsi, Naomi J. Lewis, Alexis Rodney, Jay Brown, Kerron Darby

Production : Fierce Productions

Article associé : la critique du film

Top Girl de Rebecca Johnson

« Top Girl » est un court métrage anglais abordant l’adolescence, le hip-hop, la localité de Brixton, l’exubérance des filles, le machisme des garçons, et la valeur de l’amitié. Réalisé par Rebecca Johnson, le film a récemment retenu l’attention des sélectionneurs rotterdamois, berlinois, et clermontois.

Sur fond musical, deux adolescentes, planquées dans une cabine d’essayage, fourrent, en riant, des vêtements dans leurs sacs à main. Quand elles se ruent hors du magasin, une sirène s’enclenche, et un vigile tente de les poursuivre. Trop tard. Deux taches de couleur, une rose et une jaune, se dessinent déjà au loin. Meilleures amies, Donna et Félicia partagent autant leurs fringues et leurs secrets que leur intérêt pour le hip-hop. Que ce soit à l’école, vêtues d’uniformes ou à l’extérieur, apprêtées comme des dingues, les deux filles aiment rapper. Donna, surnommée Lady D, a même un objectif : faire entendre sa voix et ses rimes à Legz, un jeune homme branché musicalement. Leur rencontre se passe autrement que comme la jeune fille l’aurait prévu : Legz ne s’intéresse pas qu’à la voix de Donna. Le lendemain, celle-ci est la risée de son collège.

Tourné au cœur de Brixton (banlieue sud de Londres), « Top Girl » est une séquence authentique et brute sur l’adolescence et le passage à la vie adulte. Traversé par le rap, le film de Rebecca Johnson, s’intéresse également à l’amitié et à ses déclinaisons (disputes et réconciliations), et à l’image des jeunes gens dans la société anglaise (les filles tentent de s’imposer dans un univers masculin tandis que les garçons ne sont pas aussi fiers qu’ils le laissent paraître, surtout quand ils sont privés de leur bande). Parallèlement aux thèmes, une scène contribue à l’intérêt du film : après avoir vu Legz, Donna rentre chez elle, se regarde dans le miroir, s’admire, vérifie son maquillage, prend la pause, joue à la dure, simule un baiser, avant de se faire surprendre par son père. À ce moment-là, plus que dans ses chansons, elle est réellement la « Top Girl » du titre : la fille la plus sexy de Brixton !

Si l’histoire de « Top Girl » se déroule dans un microcosme bien déterminé, une dimension universelle émane de son scénario, par les thèmes qu’il aborde mais aussi par la présence des deux personnages féminins. Le monde adolescent n’est-il pas peuplé de copies non fictionnelles de Donna (Rumbi Mautsi) et Félicia (Naomi Lewis) ?

Katia Bayer

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L’Endroit idéal de Brigitte Sy

Brigitte Sy que l’on connait pour avoir été l’égérie de Garrel dans les années 80 réalise avec « L’Endroit Idéal », un premier film étonnant. Cette histoire d’amour dans un lieu impossible est peut-être le film le plus émouvant du festival de Clermont-Ferrand.

Barbara (Ronit Elkabetz) est une réalisatrice qui travaille en milieu carcéral. Elle rencontre Michel (Carlo Brandt) à la prison de Fresnes. Barbara a transmis de l’argent à Michel. Cette faute condamnera la couple à ne plus se voir et à ne plus se parler. De cette séparation forcée va naître leur histoire.

l-endroit-ideal

L’endroit idéal dont parle le titre est un lieu fermé : la prison de Fresnes. De cette histoire d’amour, nous ne verrons rien. Le film débute avec la mise en détention de Barbara et son dialogue avec la belle-fille d’un détenu. Ce monde carcéral s’ouvre sur les femmes, c’est-à-dire celles qui restent, qui attendent, et qui représentent la seule fenêtre vers l’extérieur. Ronit Elkabetz, superbe actrice israélienne vue dans « Mon trésor » de Keren Yedaya, livre le portrait d’une femme forte et digne, malgré les épreuves qui se succèdent tels l’interrogatoire de la police puis le verdict au tribunal.

Dès le début du film, tout le dispositif de mise en scène fonctionne sur la recherche de l’autre. Barbara entend une voix dans un couloir, et tente d’apercevoir l’homme qu’elle aime sans succès. L’espace est ainsi géré d’une façon plus  théâtrale que cinématographique, avec la présence de coulisses où disparaissent les personnages. Brigitte Sy, professeur de théâtre depuis des années (y compris en milieu carcéral) a utilisé les armes qu’elle connaît pour son tout premier film. Comme Bergman éteignait le décor dans « Monika » pour souligner le regard de son actrice (Harriet Andersson), Brigitte Sy compose le cadre comme une scène, en plan fixe, où les seuls moments signifiants sont ceux des corps qui se cherchent, et parfois se touchent dans des étreintes succinctes et sensuelles.

Il est vrai que l’une des tendances du festival de Clermont-Ferrand est de montrer des courts métrages un peu longs. Ce film de 30 minutes n’échappe pas à la règle. Sauf que Brigitte Sy nous offre une épure, un film qui n’intègre pas un seul plan de trop. Mais il est probable que les formes courtes que nous apprécions sont parfois trop étroites pour accueillir des histoires d’amour. « L’Endroit Idéal » a, par contre, sa durée, sa temporalité, et sa propre musique.

Thierry Lebas

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