Tous les articles par Katia Bayer

D comme La Drumul Mare (La Vie est dure)

Fiche technique

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Synopsis : À la faveur d’un embouteillage, un jeune homme tente de dévaliser une jeune femme au volant de sa voiture. Mais l’approche de la police fait de lui le passager involontaire de sa victime…

Genre : Fiction

Durée : 21′

Pays : Roumanie

Année : 2007

Réalisation : Gabriel Sirbu

Scénario : Gabriel Sirbu

Images : Marius Panduru

Son : Dana Bunescu

Montage : Dana Bunescu

Interprétation : Claudia Prec, Andi Vasluianu

Production : National Film Center

Article associé : la critique du film

La Drumul Mare (La Vie est dure) de Gabriel Sîrbu

Sélectionné dans plusieurs festivals dont celui de Clermont-Ferrand, le film « La Drumul Mare » (La Vie est dure) du réalisateur roumain Gabriel Sîrbu décrit la rencontre fortuite de deux individus sur fond de clichés et d’abus de situation.

Dans les rues embouteillées de Bucarest, au volant de sa voiture, une jeune femme aisée (Claudia Prec) se fait surprendre par un jeune homme (Andi Vasluianu) qui tente de lui dérober son sac à main. Au moment où la police fait irruption, il se retrouve malgré lui à occuper le siège passager et à se transformer en moniteur d’auto-école.

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L’opposition : c’est peut-être le mot clé du film de Gabriel Sîrbu. Une opposition liée aux rapports de classes, de sexe et, de pouvoir. Elle, petite bourgeoise apprêtée, sous la coupe de son père, soumise en apparence ; lui, délinquant gauche, mal rasé et machiste. Pour eux, de manière différente, la vie est dure. C’est aussi le cas pour un troisième personnage : un mendiant se faisant passer pour invalide.

Si le sujet de « La Drumul Mare » semble a priori plutôt simple, son traitement, lui, peut tout de même être qualifié d’original. L’agression fait place à une leçon de conduite, le mendiant, en chaise roulante, se met miraculeusement à marcher ou à courir selon les circonstances, la jeune fille se révèle plus manipulatrice que manipulée, tandis que le voleur se soumet progressivement aux caprices de sa « victime ». Rien ne se passe comme prévu; l’arroseur est arrosé.

Malgré un titre qui laisse présager une réalité potentiellement sombre, le film choisit un registre divertissant, humoristique, léger et décalé. Il touche le spectateur par sa simplicité, son traitement singulier des clichés, et sa positivité. Mais aussi par sa capacité d’évasion, tellement nécessaire dans la vie et au cinéma.

Adi Chesson et Katia Bayer

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E comme l’Endroit idéal

Fiche technique

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Synopsis : Barbara, réalisatrice qui travaille dans le milieu carcéral et prépare un film écrit et interprété par des détenus, est arrêtée par la police. Elle est soupçonnée d’avoir fourni de l’argent à Michel, un détenu dont elle est tombée amoureuse.

Genre : Fiction

Durée : 30′

Pays : France

Année : 2008

Réalisation : Brigitte Sy

Scénario : Brigitte Sy, Gaelle Macé

Images : Grédéric Serve

Son : Luc Meilland

Montage : Julie Dupré

Musique : Archie Shepp, Daniel Mille

Interprétation : Ronit Elkabetz, Carlo Brandt, Noémie Lvovsky

Production : Mezzanine Films

Article associé : la critique du film

L comme Luksus

Fiche technique

Synopsis : Luksus, un enfant prostitué de 17 ans, est délaissé par son proxénète car il se fait trop vieux pour les clients pédophiles. Il doit alors faire face à sa nouvelle situation.

Genre : Fiction

Durée : 38′

Pays : Pologne

Année : 2008

Réalisation : Jaroslaw Sztandera

Scénario : Jaroslaw Sztandera, Tomasz Olejarczyk

Images : Radoslaw Ladczuk

Son : Tomasz Wieczorek

Montage : Jaroslaw Sztandera

Interprétation : : Piotr Sokolowski, Zbigniev Zamachowski, Michal Wlodarczyk, Dorota Chotecka, Pawel Szczesny

Production : PWSFTviT (Pantstowowa Wyzsza Szkola Filmowa Telewizyjna I Teatralna)

Article associé : la critique du film

The Heart of Amos Klein (Le Cœur d’Amos Klein) de Michal Pfeffer-Kranot et Uri Kranot

Sélectionné dans divers festivals dont celui de Clermont-Ferrand et Anima, « The Heart of Amos Klein » (Le Cœur d’Amos Klein), dernier film des animateurs israéliens Michal Pfeffer-Kranot et Uri Kranot, entremêle l’artistique et le politique, dans la lignée de leurs précédents courts métrages.

« Le Cœur d’Amos Klein » juxtapose l’histoire d’un officier israélien avec celle de son pays. Afin de relever le défi de cette narration métaphorique, les deux réalisateurs, anciens étudiants et actuels professeurs de l’école Bezalel (Jérusalem), inventent un style singulier, caractérisé par une sobriété esthétique, une narration par flashbacks, et un récit quasiment muet.

Structurellement, l’histoire d’Amos Klein est subdivisée en chapitres reliés par une image centrale : l’apparition ponctuelle du cœur de Klein lui-même. Frêle et malade, le cœur est d’une certaine manière le véritable protagoniste du récit. Klein subit une telle accumulation d’événements personnels et historiques (brimades pendant l’enfance, amputation d’un bras pendant le service militaire, …) que son cœur est sur le point de lâcher. Là réside toute l’allégorie du film. Le cœur d’Amos Klein symbolise-t-il le cœur d’une nation déchirée par l’incertitude et l’insécurité dès sa création, un État marqué par le militarisme, la corruption et l’endoctrinement ?

Sur le plan visuel, ce qui frappe le plus le spectateur est le jeu chromatique. Chaque séquence est réalisée dans une couleur particulière et représente non seulement un événement historique mais aussi une phase clé de la vie d’Amos Klein (déclaration de l’Indépendance d’Israël, Intifada, érection du mur de séparation, …). À la manière des premiers films colorisés, les souvenirs d’Amos, vécus en flashbacks lors de sa transplantation cardiaque, sont monochromatiques. Par contre, les images du présent filmique sont, elles, richement colorées. Par cette technique, « Le Cœur d’Amos Klein » se distingue des films précédents du duo Pfeffer-Kranot, plutôt traversés par le noir et blanc.

Les réalisateurs assurent aussi la continuité de la narration de plusieurs autres façons : par le biais d’éléments visuels et sonores, du double registre microcosmique/macrocosmique, et du jeu entre les images réelles et mentales. Par exemple, le battement du cœur d’Amos se fond avec le son du sifflet qui rythme une marche de soldats. De même, le cheminement d’une balle dans les veines du personnage renvoie au parcours d’une automobile dans le désert. Ces exemples démontrent un travail sur l’image mais aussi sur la bande-son. Celle-ci, épurée et marquée par de longs silences, ne fait intervenir la musique que pour accompagner les images d’archives illustrant les événements historiques. La partition, composée par Uri Kranot lui-même, est à la fois héroïque et touchante, avec une mélodie récurrente jouée au clairon et évocatrice des films de guerre.

Malgré un sujet délicat et controversé, le film réussit à éviter des lourdeurs ou des jugements faciles. La pudeur avec laquelle les réalisateurs expriment les événements de l’histoire de leur pays contribue en grande partie à cette subtilité. C’est pourquoi la description des émeutes et des guerres se fait par le biais de la suggestion plutôt que par la démonstration directe. Et lorsque Klein torture un prisonnier lors de l’Intifada de 1987, la scène se déroule derrière une porte close gardée par deux soldats blasés. La puissance de ce moment qui se déroule hors champ aurait été fort atténuée dans le cas d’une représentation frontale de la violence.

Si « Le Cœur d’Amos Klein » est remarquable par sa pudeur, son intérêt tient aussi à l’optimisme qui en émane. Celui-ci ne se manifeste qu’à la fin du film, après une progression chronologique inversée et des flashbacks remontant jusqu’au jour où le petit Amos tombe de son balcon. Les réalisateurs suspendent cet instant en y ajoutant une image mentale secondaire : celle d’un parachute imaginaire qui aurait pu sauver Amos Klein et son cœur malade, et, par conséquent, éviter le malaise à venir de tout un pays. La narration inversée apparaît comme une tentative de réécrire symboliquement l’histoire d’Israël. Optimisme déplacé ou cynisme implacable ? Une chose est certaine : dans « Amos Klein », l’originalité du style et la nécessité de l’expression artistique dans un contexte politiquement éprouvé l’emportent sur la controverse.

Adi Chesson

Article associé : l’interview d’Uri Kranot

Festival de Clermont-Ferrand 2009

Affiche du festival de clermont ferrand 2009

Le 31ème festival international du court métrage de Clermont-Ferrand s’est achevé il y a un mois. Du 30 janvier au 7 février, le format bref était à l’honneur dans la capitale de la région d’Auvergne et du département du Puy-de-Dôme. Outre les trois compétitions officielles (Nationale, Internationale, Labo), l’événement incontournable du court avait prévu d’autres rendez-vous dans sa programmation : des séances scolaires, une carte blanche à la boîte de prod’ Les Films du Nord, deux rétrospectives, l’une consacrée aux Pays-Bas, l’autre aux comédies musicales, des films de co-réalisateurs (Ciné Tandem), des films de l’école du documentaire de Lussas, une section “Clips”, sans oublier la collection Canal+ “Ecrire pour un chanteur”, et des programmes de courts distribués en salle.

Cette année, Format Court était à Clermont-Ferrand pour découvrir la sélection 2009, promouvoir le site, nouer des contacts, déguster des canards auvergnats, rejoindre le Jury Presse International, et participer à une table-ronde critique, en direct et en public, sur France Culture.

Retrouvez dans ce Focus :

Carrefour de l’animation : 7e rencontre autour du cinéma d’animation et du jeu vidéo

Pour sa 7e édition, du 20 au 22 mars, le Carrefour de l’animation célèbre toutes les facettes de la création sonore et musicale dans les images animées : bande-son et musique dans les films d’animation, techniques sonores des jeux vidéo… Trois jours de découvertes, en présence de compositeurs, musiciens, mixeurs et sound designers, aux côtés des incontournables écoles françaises du cinéma d’animation et du jeu vidéo.

Programme

20 Mars

09h30 : Programme spécial Collèges & Lycées Métiers et formations du cinéma d’animation
14h30 : Programme spécial Collèges & Lycées Métiers et formations du jeu vidéo
15h00 : Tour de courts – Table ronde
17h00 : Clips animés – Projection
20h00 : Piano Forest de Masayuki Kojima – Avant-première

21 Mars

10h30 : La « Young French Touch » – Table ronde
10h30 : Installations interactives des écoles toute la journée
13h00 : Instantanés 1 – Projection
13h30 : Prototypes de jeux vidéo Présentation
13h30 : Making of jeux vidéo : « God Blessed » Rencontre
14h00  : Evolution des techniques sonores du jeu vidéo – Table ronde
14h00 : Instantanés 2 – Projection
15h00 : Rencontres avec les écoles
15h00 : Making of jeu vidéo : « Totem » Rencontre
16h00 : Instantanés 3 – Projection
16h00 : Making of jeu vidéo : « Byook » Rencontre
16h30 : CinéSon, l’image lit le son Evénement
18h00 : Instantanés 4 – Projection
18h30 : « Beyond Good & Evil » : 1 heure de musique ! Etude de cas
21h00 : Vjing VisionSonore Evénement

22 Mars

10h30 : Installations interactives des écoles toute la journée
13h30 : Instantanés 5 – Projection
13h30 : Prototypes de jeux vidéo – Présentation
14h00 : Making of films de fin d’études – Rencontre
14h00 : Dofus, Dofus-Arena, Wakfu : animation, jeux vidéo et bandes dessinées Rencontre
14h00 : Making of films de fin d’études – Rencontre
14h30 : Films d’écoles : spécial musique et son – Projection
15h00 : Rencontres avec les écoles
15h30 : La compil’ des petits Projection jeune public
16h00 : Making of films de fin d’études – Rencontre
16h30 : Musique et création sonore dans les images animées -Table ronde
16h30 : Making of jeux vidéo – Rencontre
17h00 : Instantanés 6 – Projection
17h00 : Making of films de fin d’études – Rencontre
17h30 : Making of jeux vidéo – Rencontre
17h30 : Making of de la bande-annonce du Carrefour de l’animation

Pour plus d’informations : http://www.forumdesimages.net
Tarif unique : 5 euros par jour, gratuité pour les étudiants des écoles participantes

Festival d’Anima : le Palmarès

Compétition internationale

Prix décernés par le Jury


Grand Prix Anima 2009 de la Région de Bruxelles Capitale : Skhizein, Jérémy Clapin (France)

Prix du meilleur court métrage : Kudan, Taku Kimura (Japon)

Mentions spéciales :
Hot Dog, Bill Plympton (USA)
– Lies, Jonas Odell (USA)
– Dinner in Lisbon, André Carrilho (Portugal)

Prix du meilleur court métrage étudiant : Keith Reynolds Can’t Make It Tonight, Felix Massie (Grande-Bretagne)

Prix du meilleur court métrage jeune public : Wallace & Gromit: A Matter of Loaf and Death, Nick Park (Grande Bretagne)

Prix du meilleur clip vidéo : No Place like Home, Rosto (Pays-Bas)

Prix du meilleur film publicitaire : Tiji TV « Le Voyage », Yoann Lemoine (France)

Prix décernés par le public


Prix du public du meilleur court métrage : Skhizein, Jérémy Clapin (France)

Prix du public du meilleur court métrage jeune public : Wallace and Gromit: A Matter of Loaf and Death – Nick Park (Grande Bretagne)

Prix du public du meilleur long métrage : Kappa no Coo to natsu yasumi – Summer Day with Coo – Un été avec Coo – Keiichi Hara (Japon)

Prix du public du meilleur long métrage jeune public : Piano no mori – Masayuki Kojima (Japon)

Prix décerné par les partenaires


Prix BeTV du meilleur long métrage : $9,99, Tatia Rosenthal (Israël / Australie)

Compétition nationale

Prix décernés par le Jury


Prix de la Sabam : La Svedese, Nicolas Liguori

Grand Prix de la Communauté française, destiné à un film issu de la Communauté française : La Vita Nuova, Christophe Gautry, Arnaud Demuynck

Prix de la SACD : Zachte Planten, Emma De Swaef

Prix TVPaint du film étudiant : Milovan Circus, Gerlando Infuso

Prix décerné par le public


Prix du public du meilleur court métrage belge : Milovan Circus, Gerlando Infuso

Prix décernés par les partenaires


Prix BeTV : Milovan Circus, Gerlando Infuso

Prix de la RTBF : De si près, Rémi Durin

Prix Cinergie : Ex aequo, Jazzed, Anton Setola, et Paola poule pondeuse, Louise Marie Colon

Les Miettes de Pierre Pinaud, César du Meilleur court métrage 2009

Vendredi 27 février 2009, la 34ème Cérémonie des Césars dévoilait son palmarès, ses surprises, et ses hommages annuels. Cinq films étaient nominés dans la catégorie « Meilleur Court Métrage » :

Les Miettes de Pierre Pinaud
Les Paradis perdus de Hélier Cisterne
Skhizein de Jérémy Clapin
Taxi Wala de Lola Frederich
Une leçon particulière de Raphaël Chevénement

Ouverture d’enveloppe. Petit suspense. Un gagnant, Pierre Pinaud. Le César du Meilleur Court Métrage a été attribué à son film, Les Miettes, visible ci-dessous.

France / 2008 / Fiction / 31’00 / 35 mm

Synopsis : Une ouvrière vit dans sa maison, va travailler dans une usine, fait ses courses dans un commerce. Un matin, l’usine qui sert de toile de fond à son univers se déplace et sort du champ. Sidérée, la femme tente de la retenir.

Entretien avec Zhang Xian Min, juré à Clermont-Ferrand

Membre du Jury International au dernier festival de Clermont-Ferrand, Zhang Xian Min dissimule plusieurs identités dans ses poches. Diplômé de la Sorbonne et de La Fémis, il est aussi réalisateur, acteur, écrivain, producteur, enseignant à l’Académie du cinéma de Pékin, et co-fondateur du Festival du Film Indépendant de Nankin. Entretien autour du cinéma, de la Chine, du court métrage, et de la France.

Enfance et cinéma

Je me souviens avoir vu, vers 11-12 ans, un film chinois intitulé « Les cinq fleurs d’or » (Wang Jiayi, 1959). Il m’a tellement marqué que je me suis obligé à en réécrire de mémoire, chaque jour, un morceau. La patience m’a manqué : je me suis arrêté au tiers du film ! À l’âge de 10 ans, l’État chinois m’a attribué la langue française. Je me suis retrouvé dans un lycée français, et après le Bac, j’ai commencé des études de sémiologie. Le cinéma m’intéressait : à 21 ans, j’ai été assistant sur deux films, et j’ai passé pratiquement deux ans à étudier le cinéma chinois couvrant la période entre 1949 et 1966, y compris « Les Cinq Fleurs d’or ». À cette époque, Internet n’existait pas, et je ne savais pas ce qu’était une Cinémathèque. Pour s’instruire, il n’y avait pas d’autres moyens que d’aller au Marché aux Puces pour trouver des livres, et dans les rares salles qui projetaient de vieux films. Dans la foulée, je me suis retrouvé à enseigner l’histoire du cinéma mondial à l’Académie de Pékin, avant de venir étudier en France, à la Sorbonne d’abord, à La Fémis (section « scénario »), ensuite.

La Fémis

La Fémis propose à peu près le meilleur dans l’éducation. Mais ce n’est qu’une institution de l’éducation, avec toutes les limites que l’éducation peut avoir : il y a des choses que l’on ne peut pas apprendre à l’école… .

L’Académie de Pékin

L’enseignement à Pékin est plutôt conventionnel. L’Académie a été créée dans un esprit assez traditionnel. Pour certains, l’Académie de Pékin cultive une contradiction : elle a un esprit d’élite, et elle est en même temps très populaire. À l’entrée, il y a évidemment une sélection, mais le nombre d’étudiants admis est important. On accueille au moins 3.000 étudiants; ce n’est vraiment pas comme à la Fémis ! Cette faculté est pourtant assez élitiste. En comparaison, à Pékin, La CUC (Communication University of China) une université spécialisée dans la formation de la main d’œuvre de la télévision, compte 30.000 étudiants. Et oui, la Chine est grande !

Création et visibilité

Il y a eu une période où il y avait une pénurie de films. En conséquence, tout le monde voulait en faire. Maintenant, c’est pratiquement le contraire : on est dans l’abondance, il y a trop de courts métrages. Chaque année, de nouvelles chaînes de télévision se créent, mais nous n’arrivons toujours pas à distribuer tous les films existants. Pour les étudiants, cette situation est réellement difficile. Ils mettent un an ou deux pour écrire un truc fou, ils passent un temps incroyable dessus, et ils dépensent tous leurs moyens financiers pour leur projet. À la fin, il faut bien qu’il montrent leurs films quelque part, parce que les projections réservées à l’enseignant et aux copains, c’est bel et bien insuffisant ! De nos jours, un étudiant en cinéma n’a pas fini son travail, une fois son film terminé. Il faut qu’il balade son film un peu partout, qu’il essaye de le promouvoir, de l’envoyer dans des festivals, et le diffuser sur Internet. Il faut qu’il fasse tout pour avoir une autre opportunité et faire un autre film. Un auteur, s’il ne s’occupe pas de sa propre promotion, et de son propre film, il est mort.

Marché chinois

Le cinéma chinois est assez mouvant, assez turbulent. Pour des premiers et deuxièmes films, il est très difficile de prévoir un public stable. En tant que producteur de longs métrages, je suis en mesure de transmettre à des jeunes réalisateurs les tarifs de la télévision et des droits DVD. Par contre, je suis incapable de leur donner un chiffre pour les salles chinoises. Parfois on gagne un peu d’argent, mais parfois, cela n’arrive même pas. On cède les droits, et cela couvre juste les frais de promotion pour la sortie en salle. Certains premiers films ont pu être projetés en salle, mais les sorties étaient tellement minces qu’ils ne sont pas restés bien longtemps à l’affiche. Ces films souffrent particulièrement de la concurrence des blockbusters. Dans le domaine de l’économie du cinéma, c’est le plus gros qui attrape tout, et il ne reste plus rien pour les autres. Quand des blockbusters chinois ou étrangers sortent en Chine, ils occupent huit salles dans un multiplexe de dix salles ! Huit salles vont donc projeter le même film, avec des variantes : en HD, en 35 mm, en V.O. sous-titrée, en version doublée, … Tandis que les autres films se feront oublier, faute de diffusion et de public.

Engagement

Avec quelques amis, j’ai crée un festival [le Festival du Film Indépendant de Nankin] il y a 6 ans. Nous ne présentons pratiquement pas de programmes étrangers, nous nous concentrons plutôt sur des films de l’industrie indépendante nationale. Le festival est un événement mixte qui accueille à la fois des longs métrages (documentaires et fictions) et des courts métrages (expérimentaux et films d’école). Depuis deux-trois ans, nous nous sommes radicalisés : nous ne projetons que des films sans permis, des films que le gouvernement chinois ne permet pas de montrer en Chine. Il y en a suffisamment pour qu’on les montre dans notre festival.

Clermont-Ferrand

La sélection à Clermont est assez pétillante dans l’ensemble. On y trouve à la fois une culture très pop, comme le dernier « Wallace et Gromit » [Wallace and Gromit : A Matter of loaf and death], une tendance élitiste avec des films très intellos, très spirituels, mais aussi des films très représentatifs de leur propre culture, des audaces cinématographiques, et des œuvres à tendance humanitaires réalisées au Tiers-Monde par des cinéastes de pays développés. Cette variété se révèle stimulante quand on est juré de festival.

Propos recueillis par Katia Bayer et Thierry Lebas. Retranscription : Marie Bergeret

Nora de Alla Kovgan et David Hinton

Il est des rencontres qui restent ancrées dans l’esprit tant elles sont fortes, belles ou violentes, comme il est des films qui touchent par leur sujet, leur mise en scène ou leur interprétation. Présenté à Clermont-Ferrand dans la catégorie Labo, « Nora », le documentaire expérimental de Alla Kovgan et David Hinton est un voyage envoûtant aux confins d’une Afrique ancestrale et contemporaine.

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L’histoire de Nora est parsemée de drames mais l’idée n’était pas de  les raconter d’une façon grave et dramatique, mais plutôt de manière poétique. Il fallait quelque chose de rapide, de vif, quelque chose qui combine clarté et narration avec intensité. Alla Kovgan et David Hinton.

Le film dépeint, dans une profusion de sons et d’images poétiques, la vie de la chorégraphe Nora Chipaumire. D’une grande sensibilité, cette biographie physique joue la carte de la distanciation par le biais de la performance et de la théâtralisation de moments précis, de la vie de la danseuse. À l’instar de Jean Genet, l’auteur des Nègres, « Nora » interroge de manière très personnelle, la relation politique, économique et idéologique, entre l’Afrique et l’Occident.

L’artiste, née au Zimbabwé en 1965 et exilée aux États-Unis depuis 1989, interprète elle-même les événements phares de sa vie (divorce de ses parents, décès de son père, aventures amoureuses, engagement politique, exil…). Sur le chemin du souvenir, Nora n’est pas seule; des figurants l’accompagnent.

Entre ombre et lumière, entre silences et bruits, entre images figées et mouvements saccadés, ce documentaire expérimental, entièrement tourné en Afrique du Sud et rythmé chronologiquement par des intertitres, reconsidère de façon originale le film de danse.

La performance de Nora, d’une violence sauvage et primitive, toujours en décalage par rapport aux images à caractère anthropologique, est engagée. Au-delà du corps, la danse est l’expression même du « je », mêlant identité, racines, et culture.

Dès les premières images, on aperçoit Nora au milieu d’une nature mystique et sauvage, déconstruisant le mouvement d’un coureur. Au fur et à mesure, la chorégraphe se redresse, droite, fière et affranchie. En quelques minutes, le décor est planté, les intentions aussi. Ce n’est qu’à la fin que l’on comprend l’enjeu de ces précieux moments. On retrouve Nora, seule avec sa danse, en pleine nature. La caméra recule, le cadre se rétrécit, et un mot vient à l’esprit : liberté.

Marie Bergeret

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Les courts métrages récompensés aux Oscars en 2009

Dimanche, Los Angeles vivait sa 81ème cérémonie des Oscars. Hugh Jackman, Danny Boyle, Sean Penn, Kate Winslet, Penelope Cruz, Brad Pitt, Angelina Jolie, Marion Cotillard, Natalie Portman, et les autres avaient sorti leurs smokings/robes/noeux pap’/escarpins pour l’occasion. Ce fut également le cas pour  Jochen Alexander Freydank, Kunio Kato, Megan Mylan, les trois réalisateurs de courts métrages récompensés ce soir-là.

Oscar du Meilleur court métrage de fiction : Spielzeugland (Jochen Alexander Freydank, Allemagne)

Oscar du Meilleur court métrage d’animation : La Maison en petits cubes (Kunio Kato, Japon)

Oscar du Meilleur court métrage documentaire : Smile Pinki (Megan Mylan, Inde)

Andong de Rommel Milo Tolentino

Même dans un contexte difficile, il ne faut pas renoncer à ses désirs. « Andong », réalisé par le philippin Rommel Milo Tolentino, est un film délicat, drôle et sensible sur les enfants et leurs stratégies futées et quotidiennes. À Clermont-Ferrand, le film a remporté le Prix du Public et de la Presse Internationale (composé de Thomas Martinelli – Il Manifesto, et de l’auteur de cette critique, pour Format Court).

 

© Gwendoline Clossais

 

La journée a été longue. À regret, Andong, un enfant de 6 ans, rentre chez lui. En retard pour le dîner (des nouilles), il se fait réprimander par sa mère (« encore en train de regarder la télévision chez les autres ? Ôte-toi la télé de la tête, ça rend stupide ! »). Renoncer à la télévision ? Impossible ! Pour Andong, ce n’est certainement pas une bêtise, surtout quand le son fonctionne, l’image est en couleur, et la marque est réputée. Spectateur assidu, le garçon entraîne même son petit frère dans sa quête d’images, lorsqu’il découvre l’existence d’une loterie dont le premier prix n’est autre que l’objet tant convoité. De facto, il réclame 20 pesos, le prix d’un ticket, à sa mère qui lui rétorque qu’elle n’est pas une banque. Andong se voit contraint d’expérimenter la valeur de l’argent au moment où son petit frère développe une autre obsession que la sienne.

Cocasserie philippine pleine d’humanité, « Andong » fait partie de ces courts métrages évoqués entre un sourire franc et un rire gras. Fort applaudi dans les salles clermontoises, le film de Rommel Milo Tolentino s’intéresse au quotidien, aux visages, et à la spontanéité de deux enfants dont la volonté ne semble pas avoir de limites. Andong et son petit frère vivent dans un quartier pauvre de Manille, à proximité du marché et de la décharge locale. Même si la misère et les bidonvilles les entourent, ils nourrissent des désirs individuels, obsessionnels et immédiats. Prêts à tout pour les concrétiser, ils ont autant recours à la débrouillardise qu’aux stratagèmes. Mauvaise foi, insistance, promesses, larmes, tentatives de négociation, chantage affectif, … : le répertoire des petits malins des rues est pour le moins diversifié !

Deux syllabes, mais aussi deux idées. « Andong » n’est pas qu’un film sur l’enfance servi par deux mômes fabuleux et irrésistibles. C’est aussi un récit tendre et lumineux sur une réalité traitée avec intelligence et humour, sans aucune concession misérabiliste. Parmi d’autres idées et syllabes, celles-ci se sont vraisemblablement imposées naturellement au dernier festival de Clermont-Ferrand, au vu des deux récompenses – bien méritées – attribuées au film.

Katia Bayer

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A comme Andong

Fiche technique

Synopsis : Hanté par une idée fixe, un garçon de six ans, pris entre sa mère et son petit frère, découvre la vraie valeur de vingt pesos durement gagnés.

Genre : Fiction

Durée : 20′

Pays : Philippines

Année : 2008

Réalisation : Rommel Milo Tolentino

Scénario : Rommel Milo Tolentino

Images : Rommel Milo Tolentino

Son : Rommel Milo Tolentino

Montage : Rommel Milo Tolentino

Musique : Rommel Milo Tolentino

Interprétation : Job Leonoro, Leonardo Solis, Manuel Gonzaga, Teresita Solis, Leo Solis

Production : StudioIndio

Article associé :  la critique du film

H comme The Heart of Amos Klein (Le Coeur d’Amos Klein)

Fiche technique

Synopsis : Durant une opération à cœur ouvert, Amos Klein, entre la vie et la mort, se remémore les événements significatifs de sa vie correspondant à des moments clés de l’histoire israélienne. Son voyage spirituel est une réflexion sur la corruption morale, le militarisme et l’endoctrinement.

Genre : Animation

Durée : 15′

Pays : France, Pays-Bas, Israël

Année : 2008

Réalisation : Uri Kranot, Michal Pfeffer-Kranot

Scénario : Uri Kranot, Michal Pfeffer-Kranot

Animation : Uri Kranot, Michal Pfeffer-Kranot

Son : Jeroen Nadorp, Ronald Nadorp

Montage : David Tousek, Salavador Simo

Musique : Uri Kranot

Voix : Morten Thorning, Elad Mizrahi

Production : Les Films de l’Arlequin, Ijssel Producties, TinDrum Animation

Articles associés : la critique du film, l’interview d’Uri Kranot

Uri Kranot : « Avec nos courts, nous représentons simplement ce que nous ressentons et observons autour de nous »

En novembre 2008, le réalisateur d’animation israélien Uri Kranot était invité aux Rencontres Audiovisuelles de Lille, en tant que membre du Jury Professionnel. Avec sa femme, Michal Pfeffer-Kranot, il a co-réalisé plusieurs courts métrages, depuis leur rencontre à l’Académie d’Art et de Design Bezalel, à Jérusalem. Leur dernier film, « The Heart of Amos Klein » (Le Coeur d’Amos Klein), sélectionné au dernier Festival de Clermont-Ferrand et à celui d’Anima (Bruxelles), entremêle un parcours individuel avec l’histoire collective d’Israël. Rencontre furtive à Lille, entre deux séances, avec Uri Kranot.

uri-kranot

Bezalel

J’ai fait mes études et j’enseigne à Bezalel. À l’époque, il n’y avait pas trop de choix pour apprendre l’animation. Même aujourd’hui, Bezalel est l’un des endroits les plus professionnels pour ce genre d’études. Je ne me suis pas tout de suite orienté vers l’animation. J’ai commencé à étudier la musique, et après un an de formation en composition, j’ai compris que je ne pourrais pas devenir musicien professionnel. J’étais un musicien plutôt médiocre ! Ensuite, je me suis tourné vers d’autres formes d’art, notamment vers le dessin qui m’avait toujours intéressé. Par hasard, je suis tombé sur un cours d’animation à la Cinémathèque de Tel-Aviv. Il s’agissait de mon premier contact avec ce genre dont je ne connaissais que les grands classiques, du style Disney. L’inscription à l’école a suivi.

Court métrage

Quand j’étais étudiant à Bezalel, nous ne pensions qu’à faire notre art, et à rien d’autre, surtout pas à l’argent ! Nous ne faisions pas des courts métrages dans le but de faire des longs après ; nous ne pensions qu’à terminer notre film de fin d’études. Aujourd’hui, les choses ont changé : tout est centré sur l’industrie, et beaucoup d’étudiants en art pensent à leur avenir. Même si beaucoup restent attachés à l’idée du film en lui-même, certains considèrent le court comme une étape vers le long ou bien se tournent, a contrario, vers la 3D et le jeu vidéo, deux secteurs en pleine expansion.

Cinéma, Israël

Le cinéma israélien, comme le cinéma roumain, a une bonne réputation à l’étranger depuis quelques années. Je ne sais pas comment ça se passe en Roumanie, mais dans mon pays, les fonds sont plutôt consacrés aux longs métrages. En ce qui concerne le court, les soutiens sont encore limités. Peu de réalisateurs vivent exclusivement de ce format-là. Par conséquent, la co-production devient incontournable. Notre propre studio [Tindrum Animation] respecte cette logique : nous travaillons avec des pays comme la France et les Pays-Bas sans être subventionnés. (…) Les choses sont pourtant en train d’évoluer. Il y a quelques années, une loi a été votée au Parlement pour soutenir le cinéma israélien. Ce système d’aide a surtout été bénéfique pour les films de fiction et très rarement pour les animations. « Valse avec Bashir » a crée un précédent intéressant : c’est le premier film d’animation israélien à avoir apporté une reconnaissance à un genre que beaucoup associaient jusque là aux films pour enfants. C’est peut-être lié au bruit que le film a fait à Cannes, mais maintenant, on parle de réserver 5% du budget annuel aux animations, ce qui est beaucoup et stimulant pour notre travail.

Travailler à vingt doigts

Avec Michal, on travaille en duo. On écrit ensemble, puis on se sépare, pour mieux se retrouver. En ce qui concerne la réalisation, je m’occupe surtout du story-board et de la composition. Michal prend plus en charge le dessin, les décors et le look général. Et puis, l’animation, on la fait ensemble. Cette collaboration nous joue parfois des tours : quand nous voyons le film terminé, nous ne nous souvenons pas toujours de celui ou celle qui a animé telle ou telle séquence !

Inspiration et expression

Bezalel a toujours été une école très libérale : on pouvait – et on peut toujours – y faire ce qu’on veut. Je ne sais pas pourquoi, mais la plupart des étudiants choisissent d’y faire des films drôles; peut-être est-ce parce qu’ils essayent d’échapper aux problèmes du pays. Quand Michal et moi avons été accueillis comme artistes en résidence en Hollande et que nous avons travaillé sur « God on Our Side » [interprétation libre de Guernica, ndlr], nos amis hollandais faisaient des films sur des sujets légers, comme le lever du soleil ou la pluie. Nous, nous avions travaillé dans une toute autre ambiance. Lorsque nous avons commencé à faire des films, il y avait un certain contexte politique en Israël : la mort de Rabin, les traités d’Oslo, la 2ème Intifada, … Tous ces événements ont eu un impact fort à Jérusalem, où nous habitions et où nous étudions. Les bus explosaient, l’armée était sur le qui-vive, les gens restaient chez eux, …Nous, nous avons produit dans ce contexte. Bizarrement, c’est un bon environnement pour la création parce qu’on ressent beaucoup de peur et de colère et qu’on s’exprime vraiment à ces moments-là. Le seul élément positif, c’est que cette situation difficile nous a inspirés ; c’est pourquoi nos films sont si durs, je suppose.

Etiquette

Etant donné que nous venons d’un endroit particulier qui est très médiatisé, nos films sont souvent marqués comme étant « politiques ». Je ne suis pas d’accord avec cette appellation dans notre cas; je pense plutôt que nos films sont authentiques. Avec nos courts, nous représentons simplement ce que nous ressentons et observons autour de nous. Nous sommes définitivement plus dans une approche humaniste que politique.

Amos Klein

« The Heart of Amos Klein » narre le lien entre le cœur d’une personne et celui d’un pays. Amos Klein est un personnage fictif, mais toutes les parties qui le constituent ont réellement existé dans l’histoire israélienne. Il s’interroge sur la corruption morale, le militarisme et l’endoctrinement. Si nos précédents courts métrages semblaient pessimistes, je trouve qu’il y a beaucoup d’espoir dans celui-ci. La fin du film (la mort du personnage) coïncide d’une certaine façon avec une deuxième chance, et peut-être aussi à un début de paix.

Dans nos films antérieurs, nous étions surtout dans une esthétique en noir et blanc. « The Heart of Amos Klein » est à l’inverse un court métrage très coloré. Même si le film est plutôt monochromatique, il est très coloré, du début à la fin. L’animation se veut mixte : c’est un mélange d’images d’archives, de dessin traditionnel, de « live action », … Nous avons aussi abordé autrement la partition musicale. Rétrospectivement, j’ai le sentiment qu’il y a eu trop de notes dans mes courts, surtout dans les premiers qui étaient des films d’école. La musique d’ « Amos » se limite donc à illustrer certaines images bien spécifiques. Pour le reste du film, nous n’avons utilisé que des effets sonores. Moins de musique, plus de couleur, de l’optimisme : on a franchi une étape !

Propos recueillis par Katia Bayer et retranscrits par Adi Chesson

Article associé : la critique de « The Heart of Amos Klein »

Clermont-Ferrand, le petit journal

Pourquoi est-ce que chaque année, à la même époque (fin janvier/début février), certains amateurs et professionnels du court métrage, quittent leur ville, leur famille, leur bureau, voire leur école, au profit d’un séjour à Clermont-Ferrand? Pas seulement pour rendre hommage à la ville qui a vu naître Blaise Pascal, André Michelin et Lolo Ferrari, et pour profiter de la gastronomie locale. Mais aussi – et surtout – parce que depuis 31 ans, y a lieu un événement réputé et incontournable en matière de cinéma bref : le Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand. Le point, les points sur cette édition.

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L’arrivée

Pour se rendre à Clermont-Ferrand, il est d’usage de prendre, au choix, le train, l’avion, la voiture ou le taxi, mais dans l’obligation de se munir de cartes de visite, de vêtements de rechange, et d’éléments promotionnels (catalogues, DVD, flyers, …). Après plusieurs heures de voyage, un arrêt à l’hôtel, et un passage par le bureau d’accréditation, le festival peut commencer.

La programmation

Si le festival intéresse les amateurs et les professionnels du court, il attire aussi les films, ces supports plutôt utiles pour concevoir une programmation. Clermont a sa réputation, Clermont est populaire : près de 4800 films étrangers et plus de 1300 films français ont été soumis au comité de sélection. Au final, 400 titres ont été retenus pour cette 31ème édition. Près de la moitié alimente les trois compétitions officielles : le programme International, National et Labo (expérimental). Le reste de la programmation officielle n’en demeure pas moins énorme : cette année, le festival comptait des séances scolaires, une carte blanche à la boîte de prod’ Les Films du Nord, deux rétrospectives, l’une consacrée aux Pays-Bas, l’autre aux comédies musicales, des films de co-réalisateurs (Ciné Tandem), des films de l’école du documentaire de Lussas, une section “Clips”, sans oublier la collection Canal+ « Ecrire pour un chanteur », et des programmes de courts distribués en salle. Rien que ça.

L’organisation

Il ne faut pas se leurrer : il est impossibe de tout voir au festival de Clermont-Ferrand, non seulement parce qu’il y a énormément de séances, de programmes, et de salles, mais aussi parce que les distractions extérieures sont nombreuses. Spontanément, la pensée s’arrête sur les fêtes, les balades dans la vieille ville, les pots quotidiens au Marché du film et au Bar des Réalisateurs, et la célèbre cuisine du pays d’Auvergne (truffades, trippoux, confits de canards, fois gras, Saint Nectaire et Cantal, pompes aux pommes, glaces au vin, …). Pour rester néanmoins concentré sur les films, il faut s’organiser, revoir ses priorités, patienter à l’entrée des salles, s’approprier le programme, manger que des sandwiches, et surtout reconsidérer la question du sommeil.

L’ambiance

Chaque festival génère une atmosphère. Celle de Clermont-Ferrand est joyeuse tout en restant professionnelle. Pour preuve, les blagues, astuces, et cartes de visite s’échangent partout : au petit déjeuner, au restaurant, en salle, au Marché du film, dans les soirées, et dans les transports en commun. Pour le divertissement, les années antérieures, une joyeuse fanfare locale jouait des airs de fête sous un chapiteau, près du marché. Celui-ci a disparu, les musiciens délurés sont quand même réapparus, avec leurs perruques et instruments. Ça dansait donc toujours aussi sec, à Clermont, aux abords de la Maison de la Culture (le centre du festival), devant le café “L’Univers” (le Q.G. des badgés), et à la Coopérative du 1er Mai, pour les soirées.

La salle de presse

Les journalistes ont un refuge dans les festivals : la salle de presse. Ils y travaillent, papotent, consultent leurs mails et tentent d’être discrets lorsqu’ils surfent sur Facebook. À Clermont-Ferrand, la salle de presse a une particularité : elle se trouve dans un local de la piscine municipale. Scoop : le court métrage aime le chlore, les yeux rougis, ainsi que les bonnets et maillots de bain.

France Culture

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Quelques jours avant le festival, un mail fou tombe. « Tout arrive ! », l’émission quotidienne d’Arnaud Laporte diffusée sur France Culture, compte poser ses casques et ses questions à Clermont-Ferrand. Une table-ronde critique, en direct et en public, est prévue en première partie d’émission. L’auteur de ces points-lignes est invitée à y participer aux côtés de Jacques Kermabon, rédacteur en chef de la revue Bref.

Stress et culture. Pendant six jours, la pensée rebondit. Enthousiasme. La radio mauve et son émission confrontant les points de vues et les fourchettes s’intéressent à Format Court ! Angoisse. La rédac’ chef a une totale inexpérience en matière d’ondes, de direct et de public, et redoute de lâcher à l’antenne des bafouillements, des hésitations, des tutoiements, et surtout des bêtises. Heureusement, l’émission ne dure que 30 minutes, et 300.000 personnes “seulement”  l’écoutent en moyenne. Rassurée ?

Le palmarès

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Un festival se clôt par un palmarès. Pour ceux qui assistent à la remise de prix, c’est l’occasion de connaître les choix des différents Jurys, d’identifier les gagnants, d’applaudir les entrées et sorties de scène, de compter le nombre de mentions (14, cette année à Clermont-Ferrand), de découvrir l’affiche du prochain festival, et d’assister à l’ultime projection, celle des Grands Prix liés aux compétitions.

Le retour

En quittant le festival, plusieurs actions sont censées s’accomplir : libérer la chambre avant midi, ne pas rater le train/l’avion, pester contre le poids de sa valise, revenir à la vie normale, mémoriser les dates du prochain festival (29 janvier – 6 février 2010), dormir, et surtout, surtout, se motiver pour aller à la piscine, autrement que dans le cadre journalistique de Clermont.

Katia Bayer

The Ground beneath (Le Sol sous nos pas) de René Hernandez

Parmi d’autres sujets, les difficultés de communication inspirent les réalisateurs. Autour de ce thème, un court métrage se dégageait, cette année, de la sélection du festival de Clermont-Ferrand. Son identité : « The Ground beneath » (Le Sol sous nos pas). Un film australien, touchant et sensible sur la question du choix et du passage à la vie adulte, réalisé par René Hernandez.

Kaden, adolescent isolé, est le souffre-douleur de certains élèves de sa classe. Une fois rentré chez lui, ses tourments reprennent : son père le bat à coups de ceinture. Que lui reste-t-il ? Des verbes de situation : s’identifier à un chien en laisse, se venger imaginairement de ses ennemis, enfourcher son vélo, ou bien se réfugier dans sa chambre. Partagé entre la souffrance et l’agressivité, Kaden se rapproche de plus en plus de la tristesse, de la solitude et de la violence. Jusqu’au jour où Casey, une fille de sa classe, et Lewis, son voisin autiste, lui offrent la possibilité de se représenter trois autres mots : l’apaisement, l’ouverture et le changement.

Quand on subit la violence, faut-il la répéter nécessairement ? Pourquoi s’en prend-on à plus faible que soi? Doit-on rendre les coups donnés ou bien tendre l’autre joue, encore vierge d’ecchymoses ? Comment s’affirme-t-on et acquière-t-on confiance en soi , lorsqu’on est rejeté par les autres ?

Récompensé du Prix des Médiathèques, et de deux mentions (celle du Jury Jeunes et du Jury de la Presse Internationale) au dernier festival de Clermont-Ferrand, « The Ground beneath » est un film qui reste en mémoire, une fois la séance terminée et les lumières rallumées. Pour son sujet bien évidemment, et son esprit de tolérance (Kaden commence à reporter son agressivité sur Lewis, son voisin handicapé, avant de tenter d’entrer en contact avec lui). Mais aussi pour la présence et les regards formidables de ses jeunes comédiens (en particulier, Tom Green, alias Kedan), et la très belle photographie signée Simon Chapman (son image terne et automnale confère une beauté supplémentaire au film).

Certes, le film comporte une métaphore inutile : il s’ouvre et se referme sur un plan,  celui d’un chien sur lequel se projette Kedan. Enchaîné au début, l’animal se montre violent, agressif et probablement malheureux. Détaché au final, il s’éloigne, prêt à profiter de sa liberté et de sa quiétude retrouvée. Pourtant, « The Ground beneath » porte une beauté extrême et un espoir sensible. La main fictionnelle ne sert pas qu’à porter des coups; elle peut aussi se retenir dans son élan, ou se tendre dans le don ou la caresse.

Katia Bayer

Consulter la fiche technique du film

G comme The Ground beneath (Le Sol sous nos pas)

Fiche technique

Synopsis : C’est en se faisant des amis, et des ennemis, que Kaden découvre qui il est.

Genre : Fiction

Durée : 20′

Pays : Australie

Année : 2008

Réalisation : René Hernandez

Scénario : René Hernandez

Images : Simon Chapman

Son : Dan Johnston

Montage : Adrian Rostirolla

Mixage : Tony Vaccher

Musique : Miles Nicholas , Jonathan Nix

Interprétation : Tom Green, Paul Tassone , Rahel Abdulrahman , Jade LeBrocq

Production : Passion Pictures

Article associé : la critique du film

Le Festival Premiers Plans d’Angers vu par Raoul Servais

Angers, un bon plan

Il y a de petits objets géniaux que l’on aurait aimé inventer, le post-it, l’entonnoir pliable. Il y a des titres que l’on aurait aimé imaginer, Les affinités électives, À l’ombre des jeunes filles en fleurs…Et puis des noms, des intitulés, des slogans politiques qui frappent, qui restent. Ainsi en est-il de Premiers Plans, le Festival d’Angers mettant à l’honneur chaque année au mois de février, les premières œuvres, longues, courtes ou moyennes.

Premiers Plans, titre à double sens : premiers plans tournés évidemment, mais aussi référence à l’expression « de premier plan », quelque chose d’important, qui fait l’objet de l’attention générale. Disparaît, avec ce  nom astucieux, le côté bancal et imparfait que l’on aurait été tenté d’accoler à un nom comme Festival du Premier Film. Après 21 ans d’existence, sa réputation n’est plus à faire, un nom devenu une référence.

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Cette année, outre une centaine de films en compétition, un jury prestigieux, des milliers de spectateurs, des rétrospectives et autres tables rondes, outre tout cela donc, un Président de Jury bien connu  pour la section animation : le réalisateur qu’on ne présente plus, Raoul Servais. Et qui mieux que le maître de l’animation belge qui a su hisser le format court au rang de chef-d’œuvre devenu depuis classiques, pour juger des courts métrages d’animation ? Petite balade lui et moi, escortés par le brouillard glacé de la Côte. Là-bas la mer, ici les yeux clairs du magicien d’Ostende… Nos voix qui se perdent.

Au programme des courts d’animation cette année, 24 films venus de toute l’Europe et trois personnes pour en juger, le plasticien et scénographe français Emmanuel Morin, le  fondateur et directeur de la boîte de production Caméra Enfants Admis, Jean-Luc Slock, et bien sûr Raoul Servais, Président du Jury. Un Jury qui a décerné le grand prix à « La Peste » de Benoît Galland, Gildas LeFranc, Olivier Du bocage et Michal Firkowski. « Les quatre réalisateurs qui ont fait ce film viennent de l’école Supinfocom de Valenciennes. Ce n’est pas pour l’originalité de l’histoire que nous avons décidé de remettre le prix à ce film, mais bien pour son atmosphère et la technique qui nous ont vraiment séduits. C’est un film d’une grande qualité graphique et qui possède une ambiance très particulière. Ce film, qui dure à peine 5 minutes, met en scène des personnages, qui, pour ne pas être touchés par l’épidémie portent des masques avec de longs museaux. On retrouve déjà ça d’ailleurs dans des gravures du XVIIIème siècle : un masque en forme de bec avec deux trous à l’endroit des yeux.  Cela donne aux personnages un aspect totalement monstrueux. Ces gens habillés de noir avec ces masques horribles qui circulent dans les rues, c’est très impressionnant ».

Une description et une atmosphère qui rappellent inévitablement les horribles personnages  masqués d’ « Opération X 70 » que Raoul Servais avait créés en 1971. « C’était vraiment mon coup de cœur, c’est vrai, mais c’était aussi celui des autres membres du Jury… Le film a vraiment fait l’unanimité comme je l’ai annoncé lors de la remise du prix. Il se démarquait des autres, même si nous avons vu des choses extrêmement intéressantes. »

24 films d’animation en compétition, et un seul prix à remettre, voilà de quoi frustrer un jury. Une limitation due aux nombreuses sections récompensées (en tout 23 prix pour  5 sections) dont les plus gros reviennent, comme toujours, à la fiction et aux formats longs. « Ce n’est pas évident en effet de ne choisir qu’un film ! J’ai quand même demandé s’il était possible de remettre des mentions spéciales. Il ne s’agit pas d’un prix, mais une mention a le mérite de mettre d’autres films en valeur. C’est une sorte d’encouragement. Nous avons donc décidé de donner deux Mentions Spéciales à des films qui étaient quand même remarquables, « La Vita Nuova »  de Christophe Gautry et Arnaud Demuynck et « Orgesticulanismus » de Mathieu Labaye. »

Deux films belges donc dont « Orgesticulanismus » qui avait déjà, au mois de novembre, séduit le jury du festival namurois Média 10-10 en remportant le Meilleur Court Métrage d’Animation et le Prix de la Presse ! Une preuve supplémentaire du talent des animateurs du plat pays ou une solidarité pour la production nationale ? « Quand je regarde un film, je ne fais pas attention à sa provenance. Je le regarde pour ce qu’il est, ce qu’il me donne à voir.  Il se trouve que le Jury a décidé de donner ces deux mentions à ces deux films-là parce qu’ils le méritaient vraiment. »

Mais un festival, ce n’est pas seulement des prix et des films, c’est aussi une ambiance. Des festivals, Raoul Servais en a fréquenté des centaines dans le monde entier après 50 ans de carrière. « À Angers, Je n’ai qu’une vue partielle évidemment car je n’ai malheureusement pas pu assister aux séances des autres sections. Ce que j’ai pu voir, c’est qu’il y règne une atmosphère très particulière, sans doute due à la jeunesse du public. Ce festival attire beaucoup de gens, mais surtout des jeunes, la plupart étudiants bien sûr. C’est un festival extrêmement vivant qui facilite les rencontres. L’ambiance bonne enfant me rappelle un peu celle du Festival de Gand qui est aussi un événement qui attire de nombreux étudiants. D’ailleurs, la marraine du festival Premiers Plans d’Angers, Jeanne Moreau, m’avait confié, il y a quelques années, que c’était là les deux festivals qu’elle portait vraiment dans son cœur. »

Un jeune public en demande de nouvelles propositions allant à la rencontre de cinéastes d’une même génération. Voilà une des grandes particularités du Festival d’Angers. « En animation, mais c’est peut-être le cas pour d’autres sections, on sent véritablement une envie d’exploiter de manière inventive les nouvelles technologies. Les jeunes réalisateurs extirpent tout ce qui est possible et imaginable de l’image digitale.  J’ai vu des choses vraiment extraordinaires ».

Autre constat. Ce n’est pas évident, lorsqu’on n’a pas encore un nom, de réunir le budget nécessaire à la réalisation d’un film. Une difficulté plus évidente encore lorsqu’il s’agit de courts métrages d’animation qui n’ont que rarement la chance d’être vus hors des festivals. « La plupart des films en compétition à Angers étaient des films de fin d’études. Il est tellement difficile, lorsqu’on sort du circuit scolaire, de faire un film d’auteur. Les moyens sont extrêmement limités, les aides à la production presque inexistantes car le long métrage et les séries télévisées raflent tout. Du coup, la quasi totalité des courts métrages d’animation qui sont réalisés le sont grâce aux écoles. Pour la plupart des films que j’ai pu voir, on sent qu’il s’agit d’un premier film. Il y a un potentiel, mais pas ce n’est pas encore tout à fait abouti : il manque un peu d’expérience, de maturité. Pourtant, pour quelques-uns, on peut dire que tout est déjà là, et ça c’est vraiment quelque chose d’extraordinaire. »

Sarah Pialeprat