Premier film d’un jeune réalisateur australien, « The River » de Tarquin Netherway est le portrait déroutant d’une jeunesse en roue libre savourant ses derniers instants de liberté. Film de fin d’études dont l’étrangeté appuyée peut autant séduire qu’agacer, il emprunte la voie de l’expérimentation trouvant naturellement sa place cette année dans la section Labo du Festival de Clermont-Ferrand.
Il est assez logique d’entendre Tarquin Netherway citer Harmony Korine comme le premier réalisateur qu’il admire. Les deux personnages de « The River » pourraient être des cousins australiens de Solomon et Tummler, les deux adolescents livrés à eux-mêmes dans « Gummo », le premier long de Korine. La scène d’ouverture rappelle cependant plus Kubrick et son « Orange Mécanique ». On y voit un jeune garçon en uniforme d’écolier agressé verbalement par une bande de fumeurs au bord d’un canal (on reconnaît d’ailleurs le réalisateur parmi eux). La course poursuite qui s’en suit, montée en accéléré, cite ouvertement le cinéaste de « 2001 ».
Des références donc, mais qu’en est-il du style propre de Netherway ? Tout d’abord un rapport à la Nature assez étonnant, lui, qui considère l’espace urbain comme partie intégrante de la nature – en comparaison au terme « naturel ». Ses héros semblent d’ailleurs approcher le parc naturel où ils se rendent en vélo de la même façon que la maison qu’ils pénètrent illégalement, avec ce sens de l’appropriation, de la colonisation, idée évidemment sensible en Australie. Ces héros déposent une télévision au bord de la rivière de la même façon qu’une bouteille d’urine dans le frigo d’étrangers, comme on marque son territoire, histoire de laisser une trace, aussi déplaisante soit-elle.
« The River » est construit sans réelle linéarité, suivant simplement deux jeunes garçons dans leurs journées faites d’un certain ennui, contré par l’invention d’activités stupides. On aperçoit dans plusieurs scènes un homme vivant avec eux qui pourrait être leur père ou leur grand-père et qui se livre lui aussi à des actes étranges dans le jardin.
Netherway lance des pistes mais ne donne pas de clés de compréhension laissant certainement au passage quelques spectateurs sur le carreau. Son récit, abstrait et elliptique, laisse surtout la place aux sensations, notamment visuelles. L’apparition à l’écran d’un extra-terrestre finit de compléter ce tableau déroutant. On est libre ou pas d’adhérer au propos de l’auteur qui fait preuve toutefois d’un certain talent pour attiser la curiosité au travers notamment de quelques fulgurances formelles.
Synopsis : Une petite rivière traverse un quartier résidentiel où on regarde la télé, on fait la lessive, on va se balader, nager, traîner, on regarde la télé, voilà des extra-terrestres, on regarde la télé, on regarde la télé et l’eau coule toujours.
« Nous ne pouvons prétendre rendre compte de l’imposante sélection du Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand. Ces quelques titres, parmi les films qui ont particulièrement retenu notre attention, incarnent au moins la preuve vivante de la diversité à l’oeuvre dans cette célèbre manifestation. Ils nous offrent un petit aperçu sur notre planète et, entre fantaisie, gravité ou humour, brossent quelques destins plus ou moins rocambolesques. Pour la plupart de ces films, cette séance constitue l’occasion unique de les découvrir en France après leur présentation à Clermont-Ferrand. » Jacques Kermabon
45 Degrés de Georgis Grigorakis. Grèce, 2012, couleur, 14 mn.
Réalisation, scénario et production : Georgis Grigorakis • Image : Claudio Bolivar • Son : Leandros Notunis, Kenan Akawwai, Kostas Varubopiotis et Persofoni Miliou • Montage : Theodoros Armaos • Interprétation : Yiannis Tsortekis, Eleutheria Komi et Stelios Ksanthoudakis
Athènes, août 2012. Quarante-cinq degrés. Le frigo est vide. La situation est très tendue. Un père change sous le fardeau de la crise économique. La nuit tombe et il fait encore une chaleur écrasante. Une capitale au bord de l’implosion…
Une histoire plutôt marrante de Evan Morgan. Canada, 2012, couleur, 19 mn.
Réalisation et scénario : Evan Morgan • Image : Mehran Jabbari • Son : Alex Unger et Matthew Chan • Montage : Adam Crosby • Musique : Jay McCarrol • Interprétation : Erin Hicock, Jimi Shlag, Justin Conley, Ezra Sherman et Tim Walker • Production : Echo Pictures Pictures.
Témoin des singeries embarrassantes d’un voisin, un père de famille qui s’ennuie à mourir a hâte d’aller raconter l’histoire au bureau, mais le voisin, paranoïaque, échafaude un plan bizarre et radical pour le faire taire.
Sur Cette île de Matthew Knott. Royaume-Uni, 2012, couleur, 16 mn.
Réalisation et scénario : Matthew Knott • Image : Brian Fawcett • Son : John Baker et Lois Jones • Montage : Jean Fenning • Musique : Eugene Feygelson • Interprétation : James Norton, Michele Valley, James Northcote, Jack Chedburn et Joanna Benecke • Production : Louise Simpson.
Dans une société qui classe ses immigrants dans des catégories aux restrictions absurdes, un jeune fonctionnaire et son professeur de langue, une immigrante grecque, font l’expérience de destins divergents.
Le premier Sang de Ramiro Longo et Leo Gracés. Argentine, 2012, couleur, 10 mn.
Réalisation, scénario, image et montage : Ramiro Longo et Leo Gracés • Interprétation : Ezequiel Varela • Voix : Ramiro Longo • Production : Cinedromo.
En Argentine, tous les conducteurs de train, à un moment ou un autre de leur carrière, renversent ou tuent quelqu’un.
Sevilla de Bram Schouw. Pays-Bas, 2012, couleur, 11 mn.
Réalisation : Bram Schouw • Scénario : Marcel Roijaards • Image : Jasper Wolf • Son : Evelien van der Molen • Montage : Annelien van Wijnbergen • Musique : Rutger Reinders • Interpretation : Ludwig Bindervoet, Kay Greidanus et Stefanie van Leersum • Production : BALDR Film.
Trois jeunes gens partent en voiture, direction Séville, pour un voyage qui changera leurs vies à tout jamais.
Una furtiva lagrima de Carlo Vogele. États-Unis, 2012, couleur, 3 mn.
Réalisation, scénario, image, montage, décors, animation et production : Carlo Vogele • Musique : Gaetano Donizetti.
Ultime voyage d’un poisson qui chante son propre requiem, depuis l’étal de la poissonnerie jusqu’à la poêle à frire.
Bienvenue et… sincères condoléances de Leon Prudovsky. Israël, 2012, couleur, 27 mn.
Réalisation et scénario : Leon Prudovsky • Image : Israel Friedman • Son : Michael Gurevitch et Slava Frenklakh • Montage : Evgueny Ruman • Musique : Amsterdam Klezmer Band • Interprétation : Ola Schur Selektar, Gera Sandler, Rosa Lifshitz, Irit Kaplan et Hay Davidov • Production : 2-Team Productions.
1991. Avec son caméscope, le petit Misha, douze ans, filme le voyage de sa famille qui quitte l’URSS pour aller s’installer en Israël. Lorsque la vieille tante meurt dans l’avion, la famille doit passer par les innombrables formalités des douanes israéliennes avec un cadavre.
Infos pratiques
Soirée Bref – Mardi 12/02. Séance à 20h30
MK2 Quai de Seine – 14 Quai de la Seine – 75019 Paris
M° Jaurès ou Stalingrad
Tarif : 7,90 € (cartes illimitées acceptées)
Pile, on réunit les éléments sensoriels venus de l’imaginaire pour représenter le mouvement des êtres. Face, on appréhende le monde et ses labyrinthes en plongeant directement en son sein. Fiction et documentaire, loin d’être des démarches opposées, ne sont en réalité que les deux faces d’une même carte. Ce n’est pas la réalité elle-même qui est enregistrée (comme le disent certains maladroitement), mais une vision du monde qui s’imprime. L’enjeu personnel de chaque cinéaste est de « piéger les faits qui (les) traversent », pour reprendre l’expression du peintre Francis Bacon.
Cette carte à deux surfaces, est faite de cavités et de reliefs; sur et sous elle, chaque réalisateur trace sa trajectoire, sa route thématique et son itinéraire esthétique. Tout est une question d’approche, de rapport institué avec les faits et les sensations. Entretenant une liberté de ton rarement aussi assumée, le réalisateur polono-suisse Jan Czarlewski a compris qu’il n’avait pas à choisir son camp entre ce qu’on appelle le « réel » et l’ »imaginaire »; il le prouve une nouvelle fois dans « L’amour bègue » , en compétition au Festival de Clermont-Ferrand. Proche d’Alain Cavalier dans sa manière de filmer, il aborde de front les êtres en assumant tout autant sa présence de « filmeur ».
Avec « L’Ambassadeur et moi » (2011), il avait été remarqué au Festival de Locarno pour ce film déconcertant autour de la filiation. Le fils (réalisateur) filmait le père (ambassadeur de Pologne à Bruxelles) et ouvrait une étrange lutte de pouvoir entre les deux. Jan Czarlewski avait fait preuve d’une maîtrise comique, ridiculisant par exemple les parades officielles, mais surtout de grandes qualités concernant le montage. En effet, le film ménageait une place pour les situations d’embarras tout en maintenant un ton doux et bienveillant, voire émouvant. Avec ce film, Czarlewski explorait le côté face.
« L’amour bègue » penche davantage du côté pile. Tout en développant une approche naturaliste, fondée sur des plans filmés la caméra à l’épaule, ce nouveau film transforme une fois encore une situation gênante en lutte positive : Tim (Olivier Duval), jeune étudiant séduisant mais bègue, tente d’approcher les filles. Son ami colocataire (joué par Jan Czarlewski lui-même), l’encourage et le pousse à dépasser ses craintes. Tim remarque Victoria (Camille Mermet) à la salle de boxe et souhaite sortir avec elle. Cette simple histoire d’amour donne lieu à l’évocation plus profonde du handicap : comment exprimer ses sentiments lorsque les mots ne sortent pas, restent dans la gorge comme autant d’objets de frustration ? Néanmoins, l’amour est matière à transformation : les regards, les gestes et les intentions comptent davantage que l’expression verbale.
Le film repose en grande partie sur l’interprétation des acteurs, et avant tout sur celle d’Olivier Duval et Camille Mermet. La séquence du restaurant, où les deux personnages ont rendez-vous, montre toute leur puissance de jeu; le spectateur reste (non pas bègue mais) béas face à la fragilité des regards et l’échec permanent et potentiel auquel s’expose Tim. Mais les doutes se révèlent partagés, ainsi que les handicaps et leurs palliatifs, même s’ils ne sont pas de même nature.
La finesse de mise en scène de Jan Czarlewski provient de l’interprétation mais également de ce que la caméra, tout comme dans « L’Ambassadeur et moi », peut capter furtivement d’une relation entre deux êtres. En effet, la caméra bouge face aux acteurs comme un narrateur face à des personnages; la focale s’ajuste, les mouvements suivent en tremblant ceux des sujets. La fragilité des êtres trouve celle des personnages. Ce cinéma construit moins qu’il ne cherche, attrape, dévoile. Mais aucune banalité n’advient; seulement des impressions premières et justes. Pour reprendre le mot de Bacon, ce cinéma “piège” ce qui s’échappe du handicap lui-même et laisse poindre les sentiments les plus enfouis.
Synopsis : Tim a 23 ans. Il est intelligent, plutôt beau garçon mais il est bègue. Séduire une fille est un calvaire pour lui. Poussé par son ami, il va tenter de décrocher le graal – Victoria, une jolie fille qu’il croise à la boxe. Mais Tim est incapable d’aligner deux mots correctement.
Genre : Fiction
Durée : 20’
Pays : Suisse
Année : 2012
Réalisation : Jan Czarlewski
Scénario : Jan Czarlewski
Interprètes : Olivier Duval, Camille Mermet, Jan Czarlewski, Maud Laedermann, Mali Van Valenberg, Prune Moeckli, Lola Riccaboni
Images : Bastien Bösiger
Son : David Puntener, Jan Czarlewski, Samuel Aïchoun
Le Festival international du Court Métrage s’est achevé à Clermont-Ferrand hier soir, samedi 9 février 2013. Le Grand Prix International est revenu au film mexicain de fiction « Para armar un helicóptero » (« Même de quoi construire un hélicoptère »), réalisé par Isabel Acevedo et le Grand Prix Labo à « A Story for the Modlins » (« Une histoire pour les Modlin »), documentaire espagnol de Sergio Oksman. Côté français, le premier film du comédien Xavier Legrand, « Avant que de tout perdre », a cumulé le Grand Prix National, le Prix du Public, le Prix de la Jeunesse et le Prix de la Presse Télérama.
Compétition Internationale
Grand Prix : Para armar un helicóptero (Même de quoi construire un hélicoptère) d’Isabel Acevedo – Mexique
Prix Spécial du Jury : Qurban (Sacrifice) d’Anar Abbasov – Russie, Azerbaidjan
Prix du Public : Penny Dreadful (Penny la terreur) de Shane Atkinson – Etats-Unis
Prix du Meilleur Film d’Animation : Bydlo de Patrick Bouchard – Canada
Prix de la Jeunesse : Welcome and… Our Condolences (Bienvenue et… sincères condoléances) de Leon Prudovsky – Israël
Prix Canal+ : A Pretty Funny Story (Une histoire plutôt marrante) d’Evan Morgan – Canada
Prix des Médiathèques : Girl of Wall (La fille du mur) de Yuji Harada – Japon
Mentions du Jury International : San Juan, la noche más larga (Saint-Jean, la nuit la plus longue) de Claudia Huaiquimilla – Chili, Kendo monogatari de Fabián Suárez – Cuba, Guatemala, The Curse (Le sort) de Fyzal Boulifa – Royaume-Uni, Maroc,
Koorsoo (Lueur) de Omid Abdollahi – Iran, Girl of Wall (La fille du mur) de Yuji Harada – Japon
Compétition Labo
Grand Prix et Prix du Public : A Story for the Modlins (Une histoire pour les Modlin) de Sergio Oksman – Espagne
Prix Spécial du Jury : Sizígia de Luis Urbano – Portugal
Prix Canal+ : Rauch und Spiegel (Fumée et miroir) de Nick Moore – Australie
Mention : The Lady and the Tooth (La dame et la dent) de Shaun Clark – Royaume-Uni
Compétition Nationale
Grand Prix, Prix du Public, Prix de la Jeunesse, Prix de la Presse Télérama : Avant que de tout perdre de Xavier Legrand
Prix Spécial du Jury : Le sens de l’orientation de Fabien Gorgeart
Prix de l’ACSE (Agence Nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances) : Rodri de Franco Lolli – France, Colombie
Prix de la meilleure musique originale (SACEM) : Tram de Michaela Pavlátová – France, République Tchèque. Musique : Petr Marek
Prix de la meilleure photographie (Nikon) : Ce chemin devant moi de Mohamed Bourokba dit Hamé & Lisières de Grégoire Colin. Directeur de la photographie : Léo Hinstin
Prix de la Meilleure Première Œuvre de Fiction (S.A.C.D.) : Cadavre exquis de Léa Mysius
Prix ADAMI d’interprétation Meilleure comédienne : Madalina Constantin dans Solitudes de Liova Jedlicki
Prix du Meilleur Film d’Animation francophone (S.A.C.D.) : Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine de Céline Devaux – France
Prix Canal+ : Swing absolu de François Choquet
Prix du Rire « Fernand Raynaud » : Helmut d’Eric Turpin, Rose Turpin
Mentions du jury Télérama : La maison vide de Mathieu Hippeau – France et Solitudes de Liova Jedlicki – France – Roumanie
Prix Procirep du producteur de court métrage : Mezzanine Films (Mathieu Bompoint)
Prix « Spécial 35e anniversaire » décerné par le comité de sélection des films français : Ceux qui passent, réalisé par Chloé Gosselin et produit par Morgane Derriennic Long « pour l’amour partagé du cinéma »
Nomination European Film Awards : Skok (Saut) de Kristina Grozeva, Petar Valchanov – Bulgarie
Mentions spéciales : Mention « Depardon » : Nos jours, absolument, doivent être illuminés de Jean-Gabriel Périot – France,
Mention « Pialat » : Solitudes de Liova Jedlicki / France, Roumanie, Mention « Gondry »: Feux de Thibaut Piotrowski – France,
Mention « South Park » : Comme des lapins (Chroniques de la poisse, chap. 2) de Osman Cerfon – France
Avec « Para armar un helicoptero », lauréat du Grand Prix international du Festival de Clermont-Ferrand, la réalisatrice mexicaine Izabel Acevedo nous plonge dans la réalité chaotique d’une ville tentaculaire, Mexico. Avec un regard intime et social, elle aborde le thème de la survie au quotidien face aux carences structurelles inhérentes à ces mégalopoles du sud qui, souffrant d’une croissance démesurée, peinent à offrir des conditions de vie stables à ces habitants. Le film nous invite à suivre le parcours d’Oliverio, un jeune adolescent à la recherche de solutions pratiques et inventives pour compenser l’absence de services publics et répondre aux besoins vitaux de sa famille.
Comme pour symboliser l’atmosphère de précarité sociale, le film démarre sur un de ces marchés informels si nombreux dans les quartiers de Mexico où tout s’échange contre quelques pesos. Rien ne se jette, tout se recycle, se répare et se revend sur un coin de bitume dans une économie parallèle permettant aux habitants de se fournir en biens à moindre coût, et aux revendeurs de s’assurer quelques revenus. On est dans le système D si caractéristique du quotidien des habitants pauvres de la ville. Dans le même esprit et comme pour souligner la recherche d’alternative bon marché au mode de déplacement, le jeune homme s’achète une bicyclette. Autour de lui, dans une atmosphère sombre et orageuse, la ville s’inonde sous des pluies diluviennes qui en aggravent les difficultés de fonctionnement. L’impressionnant trafic automobile est au ralenti entre d’immenses nids de poule gorgés d’eau, et le système électrique municipal explose en courts circuits, plongeant des quartiers entiers dans l’obscurité de la nuit.
C’est dans ce décor chaotique qu’on entre dans l’immeuble du jeune garçon. Derrière la porte, dans la pénombre résultant de la panne électrique, on découvre un univers tendre et drôle fait de solidarité familiale et de bon voisinage. Les gens vivent et s’organisent ensemble pour trouver des solutions à leurs difficultés. Sur le toit de l’immeuble, un voisin recharge des batteries à l’aide de panneaux solaires afin de fournir un minimum d’éclairage aux habitants du bâtiment. Dans l’appartement d’Oliverio, ces batteries sont utilisées rationnellement pour éclairer prioritairement l’espace dédié aux cultures vivrières, laissant les habitants s’éclairer au feu de bois. Prolongeant des pratiques rurales dans le cadre urbain, on vise l’autonomie alimentaire en faisant pousser des salades dans la baignoire ou en adoptant une poule comme animal domestique. La créativité est en marche pour inventer des formules qui permettent la survie. Oliverio grandit dans cette culture de l’ingéniosité, et c’est sur son nouveau vélo, à l’aide d’une dynamo, qu’il entend faire marcher la télé.
Avec « Para armar un helicoptero », Izabel Acevedo réalise tout en sobriété, un film tendre et plein d’espoir où la pratique du développement endogène et du « faire soi-même » apparaît comme la réponse humaine la plus appropriée face aux défaillances d’une société déstructurée où le sens du collectif est à réinventer.
Synopsis : Oliverio vit dans un immeuble occupé par des migrants des campagnes mexicaines qui travaillent sans relâche, offrcant de petits services en tous genres dans le quartier. Malgré l’instabilité de l’électricité, l’adolescent passe son temps à jouer aux jeux vidéos. Quand les orages d’été provoquent une coupure, de nouvelles idées pour obtenir du courant apparaissent.
Parmi les nombreux programmes proposés cette année au 35ème Festival du court métrage de Clermont-Ferrand, nous avons eu le plaisir de regarder le « Projet eau/Water Project ». Initié par Yael Perlov du département du film et de la télévision de l’université de Tel Aviv, ce projet regroupe 2 programmes de 9 courts métrages réalisés par des cinéastes israéliens et palestiniens. Avant cela, toujours dans la volonté de redéfinir les rapports entre Israéliens et Palestiniens, deux autres séries de courts métrages avaient été réalisés, notamment autour du thème du café.
Les courts métrages programmés cette année montrent tous à quel point le cinéma moyen-oriental explore sans cesse les limites de l’interdit pour mettre en avant les conditions de vie, les tensions et les difficultés quotidiennes liées au conflit qui l’habite. On se rend compte aussi combien dans les territoires occupés le manque d’eau et sa nécessité dictent la vie de ses habitants jusque dans les moindres détails. La collaboration entre les réalisateurs issus des deux côtés de la frontière s’est avérée des plus réussie tant les films présentés ressortent du lot de ce que l’on a l’habitude de voir grâce à leur manière ingénieuse et audacieuse de décliner la thématique de l’eau à travers des fictions et des documentaires exemplaires.
Dans « Still Waters » de Maya Sarfaty et Nir Sa’ar, un jeune couple d’Israéliens profite d’un moment de liberté, loin de l’agitation de Tel Aviv, pour se ressourcer un temps au bord d’une rivière. L’endroit idyllique sert également de point d’eau à un groupe de Palestiniens venus travailler illégalement dans la région voisine. Dès l’arrivée des Palestiniens, la réalisatrice fait ressortir la tension en filmant les protagonistes de très près, captant leurs regards craintifs et leurs gestes trahissant une certaine angoisse. Tout se joue dans le non-dit où l’on sent la peur de l’autre l’emporter sur l’envie de le connaître. La jeune fille se retrouve le centre d’intérêt, de convoitise et de désir. Consciente que sa féminité attise les regards des jeunes hommes peu habitués à voir leurs femmes aussi peu vêtues, elle tente néanmoins de surmonter ses appréhensions en tissant un lien d’amitié en leur proposant à boire car la rivière est polluée. En plus d’être une nécessité vitale, l’eau devient ici symbole d’unification. La mise en scène plonge les personnages dans une nature sauvage, loin de tout points de repères, les obligeant à se regarder en face, à s’affronter sans armes pour finalement se parler.
Parmi les trois documentaires de la sélection, « The Water Seller » (Le Vendeur d’eau) de Mohammad Fuad fait partie de ces films qui sensibilisent à la question du conflit israélo-palestinien par un regard posé sur un cas particulier, celui du travail d’Abu Firas, livreur d’eau dans la région de Bethléem, raconté de façon plutôt classique. Là, les habitants souffrent d’une pénurie d’eau et se retrouvent dans l’obligation de l’acheter à des prix élevés. Par le biais de questions-réponses, d’une caméra témoin et relais, en manque d’originalité formelle, le réalisateur a néanmoins le mérite de révéler la précarité dans laquelle les habitants de Cisjordanie sont plongés. Il met en avant l’injustice liée à la politique de déracinement. « L’eau, c’est la vie » affirme le transporteur d’eau. Comment peut-on penser à construire un avenir si la seule préoccupation des individus est de s’assurer que des besoins premiers sont comblés ? Comment vivre quand il faut avant tout survivre ?
Yona Rozenkier, quant à lui, traite du conflit dans une fiction maîtrisée de bout en bout. « Raz and Radja » (Raz et Radja) met en scène Raz, un soldat israélien et Radja, un prisonnier palestinien, cultivateur de pastèques n’ayant pas respecté le couvre-feu car il voulait fermer le robinet d’eau qui arrosait ses pastèques. L’eau n’est ici qu’un prétexte. Bloqués dans un camion en panne et attendant du renfort, les deux hommes partagent l’envie de s’enfuir; le soldat israélien, parce qu’il a un rendez-vous chez “le médecin de la tête” et le prisonnier palestinien, parce qu’il veut rentrer chez lui. Tous les moyens seront bons pour tenter de quitter ce lieu. Ayant choisi l’humour proche du burlesque, Rozenkier frôle également du côté de l’absurde en présentant un Raz en anti-héros désabusé et complètement perdu. Le tête-à-tête, qui commence dans l’agressivité, se mue en une légèreté de ton presque amusante malgré le contexte et se termine dans un climax où la folie et la violence finissent par dominer dans cette relation d’amitié qui commençait à naître. Très à l’aise dans ces transitions, le réalisateur livre un film fort et profond dont le final sur l’air disco de Boney M « Rivers of Babylon » souligne l’incapacité du personnage à répondre à ce que la société et la patrie exigent de lui : être un bon soldat. Mais Raz n’a que faire de l’armée et ses contraintes, il n’a pas du tout envie de se battre. Avec son côté “Full Metal Jacket”, le film de Yona Rozenkier est un des plus réussis de cette sélection.
D’une toute autre facture, « Make Yourself At Home » (Faites comme chez vous) de Heli Hardy s’attarde sur les différences qui touchent les communautés israéliennes et palestiniennes. Le film commence par un gros plan sur une jeune femme qui se lave les mains. Très vite, on visualise Rauda, une adolescente coquette. De l’autre côté de la cloison, sa mère lui somme de ne pas utiliser toute l’eau car ses frères doivent encore se laver. Elle sort, met son voile et se rend dans une maison d’un quartier riche pour effectuer son premier jour de nettoyage. La maison respire le luxe, le calme et la volupté. Le contraste entre les deux milieux sociaux est frappant. Noya, la fille des propriétaires est seule, elle doit avoir le même âge que Rauda. L’une est israélienne, l’autre palestinienne, l’une est issue d’une famille riche, l’autre d’une famille pauvre, l’une se baigne dans la magnifique piscine alors que l’autre en profite pour remplir quelques bouteilles pour les ramener chez elle car l’eau y est rare. Avec une narration aux accents dichotomiques qui arrive à dépasser le cliché grâce à une mise en scène tout en finesse, un jeu d’actrices sensible et une utilisation sensuelle de la caméra, Heli Hardy aborde les différences culturelles, religieuses et sociales qui divisent Israéliens et Palestiniens tout en soulignant leurs ressemblance dans la quête de féminité des deux jeunes filles.
Enfin, le dernier film ayant retenu notre attention est « Eyes Drops » (Gouttes d’eau) de Mohammad Bakri. Pour les connaisseurs, le nom de Bakri n’est pas inconnu. Ce réalisateur, acteur, homme de théâtre est un peu l’un des symboles de l’union israélo-palestinienne tant il semble être à l’aise dans ces deux cultures qu’il a complètement intégrées. Ce n’est donc pas un hasard si on le retrouve à collaborer à ce « Water Project ». « Eyes Drops” est une fiction documentaire dans la mesure où Bakri raconte un moment de sa vie, n’hésite pas à souligner que son histoire est basée sur une histoire vraie et se met en scène aux côtés de ses fils Ziad et Saleh qui jouent leurs propres rôles. En voix off, Bakri raconte. Sa voix rauque et chaude fait remonter le spectateur dans un moment de la vie du réalisateur, celui où il montait une pièce à Tel Aviv avec la collaboration de son fils Saleh qui y interprétait l’un des rôles principaux. Pour l’occasion, Mohammad et Saleh logeaint chez Ziad. A côté de leur maison, vivait leur voisine Sarah, une survivante de l’Holocauste. Cette dernière souffrait d’une maladie des yeux et les confondait tous les trois en leur demandant à chacun tour à tour de lui mettre des gouttes dans les yeux.
Dans « Eyes Drops », Bakri mêle narration contée et narration réaliste en recourant à des images prises sur le vif dans les rues de Tel Aviv. On y sent l’appartenance à une double culture et la volonté de bannir les barrières de l’indifférence. Tout empreint de nostalgie, le film de Mohammad Bakri mêle mémoire individuelle, celle du réalisateur et mémoire collective, celle du personnage de Sarah qui parcourt son album photos en montrant des personnes disparues dans la folie nazie. L’artiste poursuit sa volonté d’unifier deux peuples victimes de l’extrémisme de ceux qui les gouverne.
L’intérêt principal de ce « Water Project » a naturellement été de voir comment les réalisateurs israéliens et palestiniens ont développé des histoires dans lesquelles on retrouve directement ou indirectement le conflit qui les oppose. Tous ont souhaité montrer à leur façon les différences et les ressemblances de leurs peuples, suggérant par là une volonté profonde de vivre en paix, et dénonçant une guerre qu’ils rejettent.
Synopsis : Mohammad Bakri et ses deux fils, Saleh et Ziad, vivent dans un petit appartement à Tel-Aviv. La voisine, Sarah une survivante de l’holocauste, lui demande de l’aider à mettre du collyre dans ses yeux. Une relation unique et mystérieuse s’établit entre ses quatre personnages. Basé sur une histoire vraie.
Genre : Fiction
Durée : 24’
Pays : Israël, Palestine
Année : 2012
Réalisation : Mohammad Bakri
Scénario : Mohammad Bakri
Image : Avner Mayer
Son : Eran Barkani, Mark Arfa
Montage : Rachel Yagil
Interprétation : Ziad Bakri, Mohammad Bakri, Saleh Bakri, Miriam Zohar
Production : Shirley Hermann, Oran Buskila, Lior Haskal, Sigal Yona
Synopsis : Rauda est une jeune fille de 19 ans du village de Dahamash. Sa routine quotidienne habituelle change le jour où sa mère a besoin d’être remplacé à son poste de femme de ménage dans une maison d’un quartier riche. A cette occasion, elle rencontre Noya et Adam, deux adolescents israéliens et commence à penser sa vie sous un nouvel angle.
Genre : Fiction
Durée : 15’
Pays : Israël, Palestine
Année : 2012
Réalisation : Heli Hardy
Scénario : Heli Hardy
Image : Ori Noam
Montage : Dafi Farbman
Interprètes : Ella Wittenberg, Sabine Khoury, Daniel Litman
Production : Neta Rabinovitch, Nomi Berezowsky, Shany Levy
Synopsis : Raz, un soldat de réserve fatigué, est envoyé garder un camion de l’armée en panne et un prisonnier palestinien nommé Raja qui a violé le couvre-feu. Les deux tentent de faire redémarrer le camion tandis qu’un âne sympathique refuse de les laisser seuls.
Synopsis : Le vendeur d’eau, Abu Firas travaille à Bethléem. La ville souffre d’une pénurie d’eau courante et les habitants sont obligés de l’acheter à des prix élevés. Ainsi les voyages quotidiens du camion citerne d’Abu Firas révèlent la crise de l’eau en Cisjordanie.
Genre : Documentaire
Durée : 18’
Pays : Israël, Palestine
Année : 2012
Réalisation : Mohammad Fuad
Scénario : Mohammad Fuad
Image : Ahmad Hamad, Ahmad Bargouthi, Mohammad Fuad
Synopsis : Près de Jérusalem, au bord d’une vieille source d’eau, un couple d’Israéliens, échappant à la course effrénée de la vie de Tel-Aviv, trouve un moment de calme. La source d’eau fraîche est également utilisée par un groupe de Palestiniens se rendant à leur travail illégal en Israël. A midi, ils sont tenus de se regarder les yeux dans les yeux.
Depuis 1995, la Satyajit Ray Film and Television Institute (SRFTI) de Calcutta œuvre à former une nouvelle génération de cinéastes indiens. En marge du cinéma commercial devenu synonyme d’industrie, de production et de consommation de masse, leurs films livrent un portrait plus réaliste de l’Inde, mettant en avant ses diversités, ses identités plurielles et complexes. Dans le cadre de sa rétrospective Inde cette année, le festival de Clermont-Ferrand a consacré une séance à cette école de cinéma fort renommée avec cinq films peu connus, plus captivants les uns que les autres.
Panchabhuta, les cinq éléments de Mohan Kumar Valasala
Seul documentaire du programme, « Panchabhuta » visite un site de recyclage de déchets où hommes, femmes, enfants et animaux sont quotidiennement immergés dans une mer d’immondices. La valeur sacro-sainte de la dignité humaine demande d’être remise en contexte dans ce monde qui exploite comme des hommes-machines les « hors caste », ces êtres les plus démunis de la société, dépourvus même du droit de mettre en cause leur condition. La ressemblance thématique avec le documentaire bangladeshi « Hombre maquina » d’Alfonso Moral et Roser Corella est par ailleurs évidente.
Interpellant déjà par ses prises de vue franches et dépersonnalisées, le film bouleverse davantage par la dimension poétique que le réalisateur y infuse, complètement aux antipodes du sujet sordide. Le titre et le synopsis à connotation fort cosmologique évoquent la permanence des éléments qui, dans la philosophie hindoue, donne une cohérence à l’univers spatial. Cette référence védique a manifestement un effet ironique dans le contexte du film. La symbiose des cinq éléments « permanents », filmés de manière très lente, fait appel à d’autres sens que le visuel et l’auditif : les odeurs, les moiteurs et la chaleur de cette Terre vaine ne sont que trop bien senties. Le contraste est renforcé par la manière posée et imperturbable avec laquelle Valasala présente des scènes pour le moins choquantes : des ouvriers mangent leur repas assis sur la montagne d’ordures, d’autres balayent des cadavres de chiens de rue, des gamines jouent dans le détritus, des cochons aux cris perçants se font attacher les pattes avant d’être balancés au loin… L’ironie mordante qui souligne ce triste spectacle est parfaitement exprimée dans un plan symbolique : celui d’un camion délabré du Ministère de Justice sociale et d’Autonomisation des groupes défavorisés. Avec un silence étourdissant, « Panchabhuta » rappelle à l’ordre l’apathie qui consiste à accepter la polarisation injuste et contre nature entre hommes sur la base de leur caste ou selon quelque critère artificiel qu’il soit.
Kusum de Shumona Banerjee
Sorte de love story inhabituelle, « Kusum » raconte l’improbable union entre un professeur d’anglais obsessionnel compulsif, à la limite du pathologique, et un jeune travesti prostitué rêvant d’une meilleure vie, dans une maison close de Calcutta. S’inspirant des codes bollywoodiens, notamment l’esthétique ultra kitsch et les va-et-vient inattendus entre drame et comédie, ce petit conte touchant témoigne d’une grande simplicité. En même temps, il aborde des sujets complexes liés à la marginalité de genre, de sexualité, d’adaptation sociale.
Les choix formels de la réalisatrice démontrent une grande maîtrise : les jeux de point de vue entre les plongées et contre-plongées marquées, le mélange de montages ralenti et accéléré, les coupes sonores et les prises de vue déformées rendent parfaitement les tourments de ces deux personnages emprisonnés dans un huis clos physique et psychologique. À travers une forme burlesque et sans jamais sombrer dans la lourdeur, Bannerjee parvient à faire passer le message de l’acceptation des différences. Aussi parvient-elle à crédibiliser complètement le lien d’amitié noué entre ces deux personnages de natures opposées, unis dans leur solitude.
Sita Haran aur Anya Kahaniyan (L’enlèvement de Sita et autres histoires) d’Anusha Nandakumar
Ce petit court très singulier relate, à l’instar des incantations narratives sacrées, l’enlèvement de Sita, déesse du panthéon hindou, par le démon à dix têtes. La réalisatrice Nandakumar place ce mythe dans un contexte bien plus humain, à savoir la mort de la jeune fille d’un conteur. Face à la perte imminente de son enfant, celui-ci invoque tous ses talents de fabuliste, comme dans l’espoir de prévenir l’inévitable.
Les frontières entre réalité et fiction ne cessent de se troubler au fur et à mesure que l’état de la malade s’aggrave, et suite à son décès, le chaos règne. L’histoire mythologique se réalise devant les yeux des spectateurs qui se joignent à leur tour au spectacle, observés par d’autres personnages. Les narrations s’emboîtent dans une frénésie de danse et de visages masqués, se déployant visuellement sur plusieurs plans – écrans, ombres, surimpressions… En l’espace de cinq minutes, la réalisatrice réussit à opérer un jeu sophistiqué de mise en spectacle, nous livrant assurément ainsi ces « autres histoires » évoquées dans le titre ! La sobriété que le thème morbide apporte à cet OVNI musical équilibre son côté débridé et en fait un véritable délice pour les sens.
Between the Rains (Entre les pluies) de Samimitra Das
Cette fiction chorale dépeint la vie de quatre personnages en quête du bonheur. Une jeune villageoise, encore en robe de mariée, est livrée à elle-même, délaissée (par inadvertance ou délibérément) par son époux sur le quai d’une gare bondée. Un taximan tâche de survivre dans la grande ville, témoin silencieux des aléas que cette dernière réserve à ses habitants. Un couple urbain, aisé et éduqué, est en crise. Mari et femme s’interrogent sur leur avenir ensemble en tant que futurs parents. L’un étant rongé par l’alcoolisme et l’autre par une ambition professionnelle déshumanisée, ils plongent dans l’incommunicabilité totale.
Par le biais d’un concours de circonstances très habilement construit, le cinéaste croise ces différents récits pour énoncer son postulat sur la ville. Véritable protagoniste de ce court métrage, celle-ci est montrée comme impersonnelle et impitoyable, exigeant la cohabitation des opposés, où riches et pauvres, traditionnels et modernes, forts et faibles sont amenés à coexister dans une harmonie aussi délicate soit-elle. Dans une dualité que certains pourraient qualifier d’un brin candide, le couple malheureux, vivant selon le modèle individualiste, trouve son répondant dans le taximan attentionné et la jeune mariée, en effet, malchanceux sur le plan matériel mais plus adaptés à vivre le bonheur.
Beauty de Torsha Banerjee
Torsha Banerjee, jeune élève de la SRFTI, s’est déjà fait remarquer pour son premier film, « Song of the Butterflies », documentaire poignant sur les enfants dans d’un institut pour aveugles. Toujours dans le cadre de ses études, « Beauty » représente sa première incursion dans le monde de la fiction. Un pari que la cinéaste prometteuse relève avec brio.
Avec sa grande sensibilité à la condition humaine dans ses multiples facettes, Banerjee décrit la rencontre entre un écolier adolescent impatient de se faire dépuceler et une fille de prostituée vouée à devoir s’initier tôt ou tard au métier familial. Ce qui se profile comme la promesse d’un vrai bonheur pour celle-ci est alors soumis à une fatalité, une réalité inéluctable.
Le parti pris de la réalisatrice est pourtant d’éviter tout pathos par rapport au destin de son héroïne éponyme. Beauty accepte avec beaucoup de retenue et de pragmatisme son sort, qu’elle n’avait quelque part jamais perdu de vue, malgré la tentation de penser y échapper grâce à sa relation privilégiée avec un garçon apparemment honnête. Le spectateur est alors émerveillé par la très grande maturité dont Banerjee dote son personnage pourtant si jeune et si fragile. Mais le secret du paradoxe réside peut-être dans le fait de faire appel à la faculté d’empathie, et de comprendre que pour les victimes d’oppression sociale, l’essentiel n’est pas – comme dans le jeu capricieux de dualités entre les deux adolescents – de choisir entre la vie ou la mort, mais simplement d’assurer la survie.
Synopsis : La permanence des éléments définit le caractère de base de n’importe quel espace. Un espace peut avoir une tendance à l’incohérence aux yeux de l’être humain moyen. La présence des éléments combinée à la routine des habitants est au centre de Panchabhuta.
Genre : Documentaire
Durée : 16′
Pays : Inde
Année : 2012
Réalisation : Mohan Kumar Valasala
Image : Sunny Lahiri
Montage : Charitra Gupt Raj
Son : Iman Chakraborthy
Production : Satyajit Ray Film and Television Institute
Synopsis : Un jeune prostitué travesti et un professeur de littérature anglaise obsessionnel et suicidaire se retrouvent enfermés dans une pièce, où ils tentent de cohabiter ; la nuit ne fait que commencer…
Genre : Fiction
Pays : Inde
Année : 2010
Durée : 10′
Réalisation : Shumona Banerjee
Scénario : Shumona Banerjee
Image : Raghavendra Matam
Son : Abhik Chatterjee
Montage : Manas Mittal
Décors : Shumona Banerjee
Production : Satyajit Ray Film & Television Institute
Synopsis : La ville, un endroit où les gens de toutes les régions du pays viennent chercher du travail et entreprendre leurs propres voyages. Les priorités et les choix que nous faisons en tant qu’individus dans diverses circonstances font de nous ce que nous sommes.
Synopsis : Une tendre liaison s’installe entre Beauty, 16 ans, vierge et fille de prostituée, vivant dans une maison close, et un jeune garçon de 19 ans inexpérimenté. Mais la tendresse a-t-elle sa place dans ce genre d’endroit ?
Genre: Fiction
Pays : Inde
Année : 2011
Durée : 10’45 »
Réalisation : Torsha Banerjee
Scénario : Torsha Banerjee
Image : Rohit Singh Rana
Son : Aninidit Roy
Musique : Rohit Singh Rana
Montage : Anuj Kumar
Interprétation : Sahajiya Nath , Sourodeep Roy
Décors : Indranil Ghosh
Production : Satyajit Ray Film and Television Institute