Synopsis : Kiki de Montparnasse était la muse infatigable des grands peintres avant-gardistes du début du XXe siècle. Témoin incontestable d’un Montparnasse flamboyant, elle s’émancipera de son statut de simple modèle et deviendra reine de la nuit, peintre, dessinatrice de presse, écrivain et chanteuse de cabaret.
Synopsis : Dans le calme d’une cafétéria, une jeune femme malade est assise au comptoir. Autour d’elle, tout devient de moins en moins stable. Tandis que son univers bascule littéralement sens dessus dessous, le chaos qui s’ensuit déclenche d’inquiétants événements.
Genre : Expérimental
Durée : 12’10 »
Pays : Canada
Année : 2012
Réalisation : Phillip Barker
Scénario : Phillip Barker
Image : Kris Belchevski
Son : Tom Third
Musique : Tom Third
Montage : Roland Schlimme
Interprétation : Thomas Hauff , Ashleigh Warren , Alex Paxton-Beesley , Ryan Granville-Martin
Le festival de Clermont Ferrand est une occasion unique pour les réalisateurs du monde entier d’échanger sur tout ce qui les concerne, les préoccupe, les motive dans le court métrage. La SRF (Société des Réalisateurs de Films) vous convie cette année à un nouveau rendez-vous débat en ouverture du Bar des réalisateurs, le mardi 5 février de 16h à 18h, à l’hôtel Océania (82 bd. François Mitterrand), où des cinéastes européens viendront dialoguer et confronter leurs points de vue sur la diffusion du court : comment les réalisateurs européens montrent-ils leurs courts métrages, et dans quelles conditions ?
Avec Véronique Jadin (réalisatrice, membre de l’ARRF, association officielle des réalisateurs de la Belgique francophone, Belgique), Aleksandra Terpinska (réalisatrice, sélectionnée en compétition internationale 2013 avec Swieto Zmarlych, Pologne), Christoph Wermke (réalisateur, sélectionné en compétition internationale 2013 avec Stolz des Ostens, Allemagne), Anne Zinn-Justin (réalisatrice, élue au CA de la SRF, France). Débat modéré par Katia Bayer (Format Court).
Pour info/rappel, le traditionnel Bar des Réalisateurs se tiendra du mardi 5 au vendredi 8 février de 18h à 20h à l’Hôtel Océania (en face de la Maison de la Culture).
Avec « Malody », un huis clos autour de la chute physique et mentale d’une jeune femme malade qui laisse autour d’elle un décor sans dessus dessous, Philipp Barker poursuit son expérimentation autour de ce que montre ou cache le cinéma et de ce que l’image recèle de mystère. Dans ses précédents films « I am always connected » et « Regarding », le réalisateur transportait déjà les spectateurs dans un jeu de faux semblants en élaborant des dispositifs cinématographiques, actionnés avec maestria, qui nourrissaient ses fictions tant d’un point de vue narratif que visuel.
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Barker invente un cinéma qui joue avec ses propres codes techniques. En rendant visible ce qui ne devrait pas l’être, il propose une nouvelle dimension esthétique. « Malody » est en ce sens sans doute la plus aboutie des ses réalisations. D’une part, il réussit à créer visuellement une ambiance surréelle en suspendant le temps, l’espace d’un instant à l’image du Nighthawks de Hopper. D’autre part, il pose sa caméra dans un décor de fast-food comme un œil qui détaille ce qui se passe dans la scène. Chaque objet, chaque mouvement est montré, parfois avec insistance, avec l’aide de gros plans ou encore de ralentis qui guident le regard du spectateur dans ce trompe l’œil. Observateurs autant que voyeurs, on scrute l’espace et on pénètre presque jusque dans les âmes des protagonistes. Le spectacle filmé par Barker, la défaillance physique et mentale d’une jeune femme malade, propose un récit expérimental qui s’appuie essentiellement sur ce qui est cadré et ce qui est hors cadre.
L’obsession de la chambre noire
Philipp Barker prouve encore une fois avec « Malody » tout l’intérêt qu’il porte au processus de réalisation cinématographique. Obsédé par ce qui est symboliquement enfermé dans les caméras, il cherche où se situe l’écart entre ce qui est capté par l’œil et ce qui est rendu sur le film, la pellicule. Barker n’hésite pas à déconstruire la magie du cinéma. Il fait entrer des morceaux de réels dans ses fictions et déroute ainsi les schémas narratifs classiques. Réalisateur, production designer mais également artiste réalisant des installations monumentales, Barker travaille beaucoup sur le thème de l’observation, de ce qui est vu à travers les fenêtres, les miroirs et autres objets qui contraignent l’œil. Avec ces dispositifs filmés, Barker donne un peu à voir ce qui se passe dans la chambre noire. Il brise l’image cadrée initiale en montrant la façon dont sont créées les images avec leur hors champ. « Malody » est un film étrange qui piège le regard. Sa mise en scène est sans concession, et si le parti pris du réalisateur peut en laisser certains sur le bord de la route, il permet néanmoins de prouver encore une fois qu’on ne peut se fier à ce que les images nous donnent à voir.
Les Iraniens n’ont vraiment pas leur pareil en matière de cinéma. De Kiarostami à la famille Makhmalbaf en passant par Jafar Panahi, une réelle école iranienne s’est créée, prônant un cinéma simple et proche de la vérité. La mise en scène est la plupart du temps minimaliste, s’attardant plus sur un moment de vie et laissant au spectateur le choix de comprendre toute l’importance du hors-champ. « After the class » de la jeune Fereshteh Parnian, sélectionnée dans la compétition internationale à Clermont-Ferrand, est de cette veine-là.
Le jour où Madame Ansari apprend qu’elle va être promue directrice du lycée où elle enseigne, sa fille vient la voir pour lui demander l’argent de son héritage car elle a décidé de quitter la maison et d’emménager avec une amie. Ce qui pourrait être banal en apparence revêt en réalité une tout autre dimension.
Dès l’arrivée de la fille de Madame Ansari sur son lieu de travail, la tension devient palpable. Cette tension est naturellement liée au fossé générationnel mais pas seulement. La mère, qui porte un tchador noir, classique, affronte sa fille vêtue d’un tchador assorti à son rouge à lèvres de couleur vive. Elle craint le regard des autres, c’est pourquoi elle ne peut/veut accepter la volonté d’indépendance de sa fille qui fera davantage de bruit que sa promotion.
Avec ce plan qui fait preuve d’une grande économie de moyens, la réalisatrice dit tout : la condition de la femme dans la société iranienne, le désir vital de la jeune génération de s’émanciper et de s’affranchir d’un modèle établi. Elle parle également de l’incompréhension de deux mondes : la tradition qui s’oppose à la modernité.
Le court métrage de Fereshteh Parnian immerge le spectateur in media res dans l’histoire sans donner trop d’explication et crée par là un suspens, un intérêt même pour la plus banale des réalités. La caméra est au plus près des protagonistes qui se défient du regard dans ce lieu symbolique qu’est l’école, endroit d’apprentissage par excellence. La mère semble désespérée face à cette fille indomptable et rebelle, qui fait fi de la tradition et de la transmission.
« After the class » met en images une conversation délicate entre une mère et sa fille. Au-delà de leur relation, le film aborde les problèmes liés à la condition de la femme dans un pays où la liberté d’expression continue à être mise à l’épreuve.
Synopsis : Le jour où Mme Ansari, une prof de lycée, est promue au poste de directrice d’établissement, sa jeune fille vient l’informer d’une décision inattendue.
À l’occasion de la Saint-Valentin (mais pas seulement), Format Court vous invite à une nouvelle soirée de courts-métrages éclectiques et singuliers au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Au programme : un classique de Leo Mac Carey mettant en scène l’irrésistible Charley Chase, une animation tissée par Spike Jonze et Simon Cahn, un premier film très pictural et onirique, une exploration juvénile des sensations et des sentiments et une joute animalière décalée. À l’image des précédentes soirées Format Court, cette séance sera suivie d’une rencontre avec les équipes de films présentes.
Programmation
Mourir auprès de toi de Spike Jonze et Simon Cahn (Animation, 6′, 2010, France, Realitism Films). Semaine de la Critique 2011. En présence de l’équipe
Synopsis : La nuit tombe, un vieux libraire parisien ferme sa petite boutique. Les personnages des couvertures de livres disposés sur les étagères se réveillent. Une histoire d’amour naît entre Mina (la fiancée de Dracula) et le squelette de Macbeth.
Mighty like a moose (À visage découvert) de Leo Mac Carey (Fiction, burlesque, muet sonorisé noir & blanc, 22’45, 1926, États-Unis, Hal Roach – Pathé Exchange)
Synopsis : Monsieur et Madame Moose souffrent de leur difformités physiques respectives. Chacun de leur côté, ils décident de faire appel à la chirurgie esthétique. Cela devient un jeu d’enfant de conter fleurette ailleurs lorsque le conjoint ne reconnaît pas sa moitié.
Mademoiselle Kiki et les Montparnos d’Amélie Harrault (Animation, 14′, 2012, France, Les 3 Ours). Sélectionné en compétition nationale au Festival de Clermont-Ferrand 2013. En présence de l’équipe
Synopsis : Kiki de Montparnasse était la muse infatigable des grands peintres avant-gardistes du début du XXe siècle. Témoin incontestable d’un Montparnasse flamboyant, elle s’émancipera de son statut de simple modèle et deviendra reine de la nuit, peintre, dessinatrice de presse, écrivain et chanteuse de cabaret.
Tous les garçons aiment ça de Philippe Deschamps (Fiction, 30′, 2012, France, Mezzanine Films). En présence de l’équipe
Synopsis : Un adolescent retrouve sa copine pour le week-end. Ils ont décidé de faire l’amour. Les parents sont absents et rien ne devrait empêcher leur première fois. Enfin, si l’on est dans un teenage movie !
John and Karen de Matthew Walker (Animation, 3′30″, 2007, Royaume-Uni, Arthur Cox LTD). Prix Spécial du Jury au Festival International d’Animation d’Hiroshima2008.
Synopsis : John l’ours polaire s’excuse auprès de Karen le pingouin à la suite d’une dispute; puis il prend du thé et un biscuit.
– Projection des films : jeudi 14 février 2013, à 20h30. Durée du programme : 78′
– Adresse : Studio des Ursulines – 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris – Accès : BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée).
À Clermont-Ferrand, pendant le Festival, le court-métrage est partout et suscite un réel engouement. En marge de l’événement officiel, Format Court s’associe à une initiative originale qui mettra en lumière le travail d’un cinéaste de la mémoire, fin analyste de l’image et sondeur passionné du sentiment humain, Jean-Gabriel Périot.
Dans le cadre convivial et intime du café associatif clermontois l’Atelier Jaune, Jean-Gabriel Périot, à qui nous avons consacré un focus et un reportage sur ses deux films sélectionnés au Festival de Clermont-Ferrand (« Nos jours, absolument, doivent être illuminés » et « The Devil »), a accepté de se livrer au jeu d’un « Ciné-soupe ». L’occasion de (re)découvrir un grand pan de sa filmographie et d’en discuter avec l’auteur autour d’un bon bol de soupe auvergnat.
Rendez-vous ce lundi 4 février à l’Atelier Jaune de Clermont-Ferrand (14, rue de la treille) à partir de 20h30 pour un Ciné-soupe rétrospectif sur l’oeuvre de Jean-Gabriel Périot en sa présence. Durée du programme : 2 x 1h
Entrée libre : Adhésion requise à l’Atelier Jaune = 2 € + prix libre pour le ciné-soupe
Les lézards, animaux à sang froid, ont un corps dont la température varie en fonction de celle de leur environnement. Ne pouvant maitriser leur température interne, ces derniers se mettent souvent au soleil pour se réchauffer. En plaçant ses acteurs dans un hammam, Vincent Mariette réinvente en quelque sorte d’un même geste, le vivarium et le film animalier. Benoit Forgeard et Vincent Macaigne incarnent ces deux reptiles en chasse dans un film proche du buddy movie qui laisse une grande place au talent de dialoguiste de son auteur, déjà repéré dans ses deux courts précédents.
À première vue, deux corps nus, serviettes autour de la taille, que tout oppose. Un homme imberbe et chétif, un autre poilu et plus massif. Deux amis réunis dans l’espoir d’apercevoir une femme rencontrée sur le net à qui l’un deux a donné rendez-vous dans un hammam, tentative risquée pour déjouer les artifices vestimentaires et les illusions de la première impression.
Le principe d’un duo donc, dynamique déjà présent dans les deux courts précédents de Vincent Mariette, « Le meilleur ami de l’homme » (2010) et « Double Mixte » (2011) qui démontraient déjà un sens aigu du casting : Noémie Lvovsky et Jules-Edouard Moustic pour le premier, Gilles Cohen et Alexandre Steiger pour le second.
Ici, Mariette met en scène deux réalisateurs/acteurs : Benoit Forgeard, membre du Jury Labo cette année à Clermont et auteur de nombreux courts délicieusement décalés pour Ecce Films (« La course nue », « Coloscopia »…), et Vincent Macaigne, omniprésent ces dernières années dans le paysage du court métrage français. Leur duo, inattendu, est la grande réussite du film. Même si Macaigne reprend la posture du garçon sensible manquant de confiance en lui déjà vue chez d’autres (« Un monde sans femmes », « La règle de trois »), on doit bien reconnaître qu’il y excelle. Forgeard, pour la première fois dirigé par un autre cinéaste que lui-même, garde le côté pince-sans-rire qu’on lui connaît et ne démérite pas face à l’expérience de son partenaire. Vincent Mariette fait également appel à Estéban (vu récemment dans « La Vie parisienne ») acteur -et surtout chanteur -à la voix improbable qui fait son apparition au milieu du film et par là-même accentue encore un peu plus le côté étrange de ce huis-clos embué et moite.
Vincent Mariette opte pour le noir et blanc qui adoucit les corps nus que la couleur aurait rendu certainement plus triviaux. Le choix de plans souvent fixes et l’attention portée aux positions des corps ramène le film vers une mise en scène et un vocabulaire pictural. Y sont convoqués bien sûr le fantôme d’Ingres et de son célèbre Bain Turc peuplé de femmes. Ces dernières justement, au nombre de trois -à parité avec les hommes, sont l’incarnation du désir, n’hésitant pas à en jouer quitte à se jouer de leurs prétendants. Au milieu de cette tension érotique, un lézard erre seul transformant ce hammam en vivarium occupé par des créatures au sang chaud.
Synopsis : Accompagné de son pote Bruno, Léon patiente dans ce hammam où il a donné rendez-vous à une fille croisée sur Internet. De rencontres étranges en révélations vaporeuses, nos deux héros attendent fébrilement l’hypothétique venue de la mystérieuse inconnue.
Genre : Fiction
Durée : 14′
Pays : France
Année : 2012
Réalisation : Vincent Mariette
Scénario : Vincent Mariette
Image : Julien Poupard
Montage : Frédéric Ballehaiche
Son : Emmanuel Bonnat
Décors : Sidney Dubois
Interprétation : Vincent Macaigne, Benoit Forgeard, Estéban
Une architecture très ordonnée. Le roulement d’une valise. Un homme d’une quarantaine d’années descend une rue vide et calme en plein jour. Il porte à la main un sac en plastique portant l’inscription : Japan Duty Free.
En retournant au Japon, Motokazu a pensé à acheter un cadeau pour sa mère à l’aéroport. Il semble qu’il n’ait pas eu une minute à lui pour en acheter un pendant ses quinze années passées aux États-Unis. De la fonction qu’il a exercée là-bas ou de celle à laquelle il aspire désormais, nous ne saurons rien. Nous constatons avec lui que le temps a aussi travaillé en son absence : une toile d’araignée, la sonnerie de la maison qui ne marche plus et personne pour lui répondre ou lui ouvrir la porte. Seule une certaine obscurité et le silence l’accueillent lorsqu’il retrouve la clé de la porte d’entrée à l’endroit habituel dans un pot de terre. Et puis, Motokazu revoit sa mère. Morte et seule. À cet instant, « Mou Ikkai » (Encore une fois) aurait pu devenir un film ténébreux à la peine émétique nous laissant à quai. Au contraire, il nous entraîne vers la vie. Et quoi de plus vivace que l’enfance ? Il suffit à Motokazu, dans ce fatras que lui a laissé le décès de sa mère en héritage, de retrouver sous le réfrigérateur une de ces balles de caoutchouc avec lesquelles il jouait, gamin, pour qu’il se décide à partir se promener dans les environs. Là, s’il est devenu étranger à cette ville, au point de rencontrer avec un ancien camarade qu’il ne reconnaît pas, il se rend néanmoins à une fête foraine pour, comme les enfants, participer à un jeu d’adresse où il est possible de gagner d’autres balles de caoutchouc de toutes les couleurs. Mais il n’a plus le coup de main. À côté de lui, un gamin de dix ans est plus adroit et, aussi, plus malin. Survient alors une vieille dame qui, le prenant par la main, l’aide à gagner une partie. Dès lors, Motokazu et la vieille dame deviennent inséparables. A sa hâte de lui faire des cadeaux, nous devinons assez vite qu’elle pourrait être de l’âge de sa propre mère. Puis l’inconnue disparaît. Aussi, à propos de ce que nous avons vu entre Motokazu et cette dame mystérieuse, nous hésitons : l’a-t-il réellement rencontrée ? L’a-t-il vraiment emmenée chez sa mère et aidée à prendre son bain ?
Ces questions n’ont plus aucune d’importance et l’on s’affranchit de toute obsession de vraisemblance. Imaginé ou vécu, devant ce présent recomposé, on prend plaisir avec Motokazu à son attention pour sa mère ainsi qu’à cet hommage qu’il lui rend au travers de cette vieille dame.
Tel un conte que l’on nous dirait afin d’endormir la douleur d’un deuil, « Mou Ikkai » nous suggère que quels que soient les rendez-vous manqués avec les êtres chers, il reste possible de les saluer ; les années passées loin d’eux n’auront pas été vaines. Et lorsque à la fin du film, Motokazu, aveuglé par le soleil, regarde à nouveau le corps de sa mère, c’est par son amour pour elle que nous sommes éblouis.
Synopsis : Motokazu, vient d’obtenir la Green Card aux Etats-Unis. Il retourne voir sa mère au Japon pour la première fois après 15 années d’exil. Il la retrouve morte, assise près de ses plantes.
Jean-Gabriel Périot, à qui nous avons déjà consacré un focus, est un habitué du Festival du Court-métrage de Clermont-Ferrand puisque sa première participation à l’événement auvergnat remonte à 2004 avec son film « We are winning, don’t forget ». Depuis, la filmographie de cet auteur prolifique n’a cessé de croître, explorant tour à tour la diversité des styles du court métrage, parfois expérimental, fiction ou documentaire, mais toujours avec cet indéfectible attachement à la recherche du sens et au questionnement par l’image. Pour sa 35éme édition, le Festival de Clermont-Ferrand témoigne une nouvelle fois de son intérêt pour le travail de cet auteur multiforme en intégrant pas moins de trois de ses films à sa grille de programmation : « Nos jours, absolument, doivent être illuminés » dans la compétition nationale, « The Devil », dans la compétition labo, et « Nijuman no borei » diffusé lors des séances Courts de Rattrapage (programme CR2).
The Devil
Avec « The Devil », Jean-Gabriel Périot décortique en à peine plus de 7 minutes l’histoire du mouvement des Black Panthers dans l’Amérique des années 60 et 70. Sur la base d’archives audiovisuelles en noir et blanc, Périot renoue avec un style de montage percutant qu’on ne lui avait plus connu depuis 2009 et « L’art délicat de la matraque ». Il nous livre cette fois le portrait d’une lutte saisissante, celle d’une communauté réagissant à la violence par la violence, au nom de la reconnaissance des droits et de l’égalité.
Le film s’ouvre par les quelques mots d’une jeune femme noire, « Vous ne savez pas qui nous sommes… « , comme pour nommer l’ignorance propre à toutes formes d’intolérance. Puis, la musique de Boogers démarre, sur un rythme lent qu’illustre une galerie de portraits d’enfants dans les rues de ghettos misérables et une série de gros plans sur les visages d’hommes noirs. Les regards sont durs et nous mettent bien face à l’humanité qui s’en dégage. Ils soulignent en même temps la question raciale, ces traits négroïdes conditionnant la ségrégation. Les images d’archives choisies par Périot sont marquées par le temps, renforçant le côté brut des scènes présentées. Comme une partition visuelle en parfaite harmonie avec la musique, Périot cadence les images sur le rythme du morceau de Boogers pour nous faire traverser cette histoire du mouvement social noir américain. Des séquences symboliques de l’escalade insurrectionnelle s’enchaînent sur un montage qui alterne les phases. Des scènes de violence ordinaire où des « blacks » se font tabasser par des « pigs » tournent en boucles syncopées alors que la guitare électrique fait rage. À la mobilisation pacifique pour les droits civiques et l’émergence des leaders noirs, succède la répression brutale, à laquelle répond comme une nouvelle boucle de plus, la militarisation du mouvement Black Panthers et sa radicalisation. Une chorégraphie de poings levés accompagne les défilés marchant au pas entre des drapeaux brandis et des postures martiales en lunettes noires et bérets de guerre. Peu à peu, la musique s’estompe pour laisser la place aux discours révolutionnaires au sein d’assemblées mobilisatrices. La colère, l’orgueil, la révolte, le sacrifice, l’affirmation s’expriment alors à pleine voix dans des gros plans d’images recentrées. Et comme pour boucler la boucle et répondre à la question initiale posée par la jeune femme au début du film, « The Devil » s’achève sur cette phrase à l’écho prolongé : « We are beautiful ».
Jean-Gabriel Périot aime interroger l’Homme à travers son histoire, et son regard sur la lutte nous pousse à réfléchir sur la récurrence des schémas historiques. L’Amérique d’Obama n’est peut-être plus tout à fait celle des Blacks Panthers, mais il est difficile d’oublier qu’aujourd’hui en France, les réactions se hérissent contre l’ouverture de droits aux minorités sexuelles, se superposant aux ardeurs xénophobes du récent débat sur l’identité nationale.
Nos jours, absolument, doivent être illuminés
Avec « Nos jours, absolument, doivent être illuminés », Jean-Gabriel Périot réalise un film documentaire de 22 minutes à la charge émotionnelle déroutante. L’histoire de ce film est liée à celle de l’auteur avec la maison d’arrêt de la ville d’Orléans. Suite à une projection de ses films dans les lieux quelques années auparavant, Périot organise en 2011 un concert avec les détenus pour un public rassemblé à l’extérieur, sous les murs de la prison. C’est le projet initial, il ne s’agit alors pas de faire un film, mais plutôt de créer un lien entre ceux qui sont dedans et ceux qui sont dehors, de bâtir un pont vibratoire au-delà des murs. L’idée du film est venue après, et s’est greffée sur le projet de façon presque accidentelle.
Le film débute par un plan large de l’installation telle qu’elle est configurée dans la rue, une simple paire d’enceintes aux pieds des hauts murs de la prison. On entend des chants d’oiseaux, puis les premiers accords d’un piano, et enfin des voix d’hommes qui commencent à entonner » La chanson pour Pierrot » de Renaud. La caméra est installée côté rue, ne s’intéressant exclusivement qu’à saisir les réactions du public recevant les voix de ces hommes et femmes enfermés de l’autre côté du mur. Dans un rythme très lent, se succède à l’image une série de portraits dans des plans-séquences très longs et resserrés sur les visages qui nous confrontent aux personnes de façon étroite. Très vite, tout devient intérieur. Parfois à la limite du champ, le mouvement naturel des individus est à l’intérieur du cadre fixe de la caméra, tout comme sont intérieures les émotions qu’ils ressentent. On ignore le pourquoi de leur présence. Simples badauds, ou parents de taulards ? La question est ouverte et sollicite notre imagination. L’esprit humain est ainsi fait qu’il cherche à comprendre… Comprendre les histoires et les vies de ces hommes et de ces femmes réunis ici sous les murs, pour un instant de communion avec ceux de dedans. On est alors amené à scruter le moindre détail de ces visages anonymes pour en percevoir l’émotion brute ; on se surprend à questionner chacune des rides de ces visages marqués par la vie, à guetter les éclats miroitants au fond des pupilles, à interpréter les sourires, les attitudes et les postures de chacun, pour envisager leur vie et se projeter, au plus profond de leur intimité. Il y a quelque chose qui tient du voyeurisme qui est renvoyé au spectateur, quelque chose de tellement intrusif qu’il pourrait presque en devenir gênant.
Il n’y a pas de mots échangés pour la caméra, sauf bien sûr ceux des chansons puisées dans un répertoire populaire qui laisse difficilement indifférent. Comme un dialogue avec l’extérieur, les voix de l’intérieur interprètent, parfois avec une maladresse touchante, les textes de Piaf (« Mon amant de Saint-Jean »), de Balavoine (« Tous les cris, les SOS »), d’Aznavour (« Emmenez-moi ») ou de Polnareff (« On ira tous au paradis »). Autant de chansons qui résonnent comme des cris d’humanité, d’espoir et de fraternité par dessus les murs d’une prison. Pour le spectateur l’empathie alors devient complète, et l’on vibre à l’unisson de cet instant magique, submergé d’émotions.
Plus grand rendez-vous mondial du court métrage, le festival de Clermont-Ferrand fête sa 35ème édition. Des centaines de films venus de contrées lointaines comme du village d’à côté en font un festival à la programmation large et éclectique qui finit toujours par satisfaire tous les goûts, son incroyable succès public en est à chaque édition la meilleure preuve.
Cette année plus que jamais, Format Court, partenaire du festival, couvre celui-ci de bout en bout en déployant toutes ses petites mains dans la capitale auvergnate. Compétition internationale, nationale, labo, programmes spéciaux, hommage à l’Inde… rien ne sera oublié et les publications seront légion et pluri-quotidiennes !
« Hard to say » est sélectionné au Festival Pointdoc dans la catégorie « Première création ». Ce qui frappe dans ce premier film d’Ana Candela c’est, de prime abord, la sobriété avec laquelle elle met en scène la confession de son protagoniste.
Le dispositif est des plus simples: un homme qui a fait ses armes dans les forces spéciales fait son mea culpa devant la caméra, s’adressant aussi bien à la réalisatrice qu’à une foule anonyme sans visage, parmi laquelle les familles de quelques unes de ses victimes. Sa fascination pour le meurtre, l’engrenage de la violence, la description d’une scène de meurtre dans une école, rien n’est épargné et pourtant l’essentiel est en filigrane. Le parti pris de la réalisatrice est d’évoquer cette violence en contre-pied par le prisme d’une sérénité retrouvée: les scènes en plans fixes dans un parc évoquent la contemplation du personnage regardant son propre destin.
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Ces moments de plénitude, le calme apparent du visage de cet homme sont contrebalancés par la difficulté de verbaliser les actes de violence. L’homme parle avec hésitation, bégaye, mais parvient à confier, d’une manière parfois crue, ce qu’il a fait. Le titre du film « Hard to say » témoigne de cette difficulté non pas d’avouer mais de décrire, au sens premier du terme, la violence comme si le sujet prenait ainsi conscience de ses actes pour la première fois. C’est en cela qu’on est bien loin de l’interrogatoire. Les fragments contemplatifs insérés entre les moments de parole vont de pair avec la scène durant laquelle le personnage bétonne un mur, un geste on ne peut plus trivial et nécessaire pour une personne qui doit réapprendre à reconstruire sa vie.
Au fur et à mesure du film, la réalisatrice s’éloigne donc du témoignage convenu, face caméra, et dépasse le stade de la confession pour procéder à une sorte de maïeutique. La parole devient cathartique, elle est une manière, pour ce protagoniste, d’évacuer ses anciens démons. Le dispositif simple mis en place par la réalisatrice permet d’écarter tout jugement. Elle n’épargne pas son sujet, le relançant dès qu’il hésite un peu trop. En ce sens, le film n’est pas un moyen d’excuser cet homme, ni de le rendre sympathique. La réalisatrice ne pose pas de regard tendre sur lui mais tente par un cadre rigide et des effets d’accélération (les nombreux jump cut) de faire « accoucher » les mots.
Synopsis : Odette et Douglas se sont connus à 18 ans. Ils en ont maintenant 90 et affrontent ensemble la vieillesse. Aujourd’hui ils se livrent à leur petit fils âgé de 22 ans.
Genre : Documentaire
Durée : 30’
Pays : Belgique
Année : 2012
Réalisation et écriture: Lancelot Berheim
Image : Lancelot Bernheim
Mixage : Nicolas Royere
Montage : Clément Candelara
Musique : Samson Penot
Production : ESRA (École supérieure de réalisation audiovisuelle)
La troisième édition du Festival Pointdoc a ouvert ses portes virtuelles le 13 janvier 2013 et les gardera ouvertes aux internautes amateurs du cinéma documentaire jusqu’au 13 février 2013. Une édition encadrée par un chiffre porte-bonheur qui ne pouvait que présager des surprises. Toujours animés par la volonté farouche de promouvoir et diffuser des films souffrant de visibilité, les organisateurs du Festival ont sélectionné pas moins de 20 documentaires répartis en “Première création” et “Film jamais diffusé”.
Portrait d’une société
Il semblerait que les documentaristes contemporains soient plus habités par l’envie de filmer l’Autre dans son quotidien pour tenter de déceler ce qui fait sa particularité à leurs yeux. Ainsi, nous sommes frappés par le nombre de portraits cinématographiques de la sélection de cette année. Les réalisateurs esquissent davantage la réalité plus qu’ils ne l’affrontent, se focalisent sur la partie plutôt que sur le tout. La difficulté est bien de sortir du discours anecdotique pour frapper le spectateur et l’élever dans sa conscience de l’Autre et du Monde. Si pour la plupart des films sélectionnés cette année, il n’était pas toujours évident de (re)sentir cette “élévation” de façon intense et originale, certains films en revanche réussissent le difficile pari d’émouvoir et de faire réfléchir en même temps. Aux côtés de longs-métrages documentaires, dont le magnifique « Michel » de Blaise Othnin-Girard, deux courts métrages ont retenu notre attention.
Portraits de famille
Dans Le Mur et Cet homme-là (est un mille feuilles), Lancelot Bernheim et Patricia Mortagne filment leurs proches pour les ancrer dans leur vie, dans le temps qui passe et pour s’en rapprocher aussi.
Le Mur de Lancelot Bernheim
Sélectionné dans la catégorie des “film jamais diffusé”, Le Mur de Lancelot Bernheim présente un couple de retraités, Odette et Douglas, ses grands-parents. Par le biais d’un dispositif somme toute assez simple – face caméra en plan rapproché pour la plupart du temps – Bernheim tente d’arrêter le temps, d’immortaliser son sujet en filmant avec beaucoup de délicatesse et de tendresse la vieillesse de ce couple qui s’est connu à 18 ans et qui approche les 90 ans. “La retraite, c’est l’ennui et l’ennui c’est le début de la mort”, déclare Douglas en début de film.
En toute sincérité, le couple se livre et se dévoile à la caméra de leur petit-fils qui les questionne. Et le point de vue de la caméra et le sien ne font naturellement qu’un. Dans ce portrait de famille simple et émouvant, Lancelot Bernheim arrive à transcender les frontières de l’intime et à toucher à l’universel grâce à une mise en scène où l’importance est axée sur la captation du présent pour (re)donner vie à la nostalgie du passé.
Cet homme-là (est un mille-feuilles) de Patricia Mortagne
Dans la catégorie “Première création”, le film de Patricia Mortagne ne passe pas inaperçu tant sa mise en scène, un rien « westernienne », rend service à l’histoire. Celle de son père, Xavier, qui tout au long de sa vie s’est séparé des personnes qu’il a aimées sans vraiment les quitter. D’abord, il quitte sa femme Dominique avec laquelle il a eu 3 enfants pour François, ensuite après 26 années de vie commune, il quitte ce-dernier pour Guillaume, un homme beaucoup plus jeune que lui.
Filmer pour mieux se comprendre, semble être la démarche de Mortagne pour ce film aux accents de thérapie familiale. La citation introductive de Pasolini le démontre bien « L’Histoire, c’est la passion des fils qui voudraient comprendre les pères ». En filmant son père, la réalisatrice désire légitimiser (la caméra devient un outil derrière lequel elle peut se cacher) sa volonté de le comprendre et en définitive de se comprendre et d’accepter cet héritage familial si original et particulier.
Si elle ne tombe pas dans l’excès ou le trop plein, c’est grâce à l’humour qu’elle parsème tout au long du film qui lui permet de garder une distance critique par rapport à ce père complexe, à cette personnalité solaire qui a l’habitude que l’on gravite autour d’elle.
Serait-il révolu le docu militant voire militantiste qui voyait les Depardon et comparses filmer une réalité conflictuelle pour la dénoncer. Il faut croire que de nos jours, l’idéologie aurait un peu perdu de sa superbe au profit de la sacro-sainte intimité tant nous constatons que le portrait comme concept cinématographique est une récurrence dans les documentaires d’aujourd’hui car le désir des réalisateurs est de faire apparaître l’individu tel qu’il est dans sa diverse et banale complexité.
Synopsis : A moins 398m sous le niveau de la mer, à la frontière Israëlo-jordanienne, Neot Hakikar est un village agricole coupé du monde dans la plaine désertique de Sodome. Construit dans les années 50 par des aventuriers habités par le rêve sioniste, ce village est aujourd’hui une zone d’expérimentation agricole. 400 Thaïlandais y sont arrivés pour compenser la disparition de la main d’œuvre palestinienne depuis les années 90. Dans ce microcosme surplombé par le Mont Sodome, le croisement du mythe ancien et la désillusion du sionisme nous racontent l’histoire contemporaine d’Israël.