L. H. d’Adam Sedlák

« Merde alors ! » Voilà ce qui nous traverse l’esprit lorsque l’on découvre la scène de crime au début de « L. H. » : les toilettes d’une université dont les murs de faïence blanche ont été recouverts d’une impressionnante couche d’excréments. Par qui ? Le mystère sert de point de départ à ce film d’école tchèque pour dresser un état des lieux peu reluisants mais cocasse de son pays. Et oui, cette situation improbable est « inspirée d’une histoire vraie ».

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L. H. : « Lord Hoven », le Seigneur du Caca. C’est ainsi que se fait appeler le vandale. L’inspecteur Arnõst est dépêché à l’université par son supérieur pour faire la lumière sur cette affaire. Le policier est à sa place au milieu des étudiants : gringalet vêtu en jean/t-shirt et roulant à vélo, Arnõst a toujours l’air d’un adolescent.

Son enquête sort de l’ordinaire mais elle est traitée tout à fait sérieusement, avec une telle gravité que cela en devient drôle : il faut voir Arnõst, imperturbable, relever des indices dans les toilettes maculées, analysant la consistance des excréments du coupable pour en déduire son régime alimentaire, à la manière d’un épisode des « Experts » coprophile. De façon tout aussi pince-sans-rire, le court-métrage reprend les conventions du film policier. Comme un serial killer et son profiler, Lord Hoven et Arnõst entretiennent des points communs troublant (leur obsession pour la matière fécale) ; ensuite, toujours comme dans nombre de films à suspense, la vie privée du policier interfère avec son enquête lorsqu’il a une aventure avec une suspecte.

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À plusieurs reprises, des personnages croisent le déféqueur en série sans soupçonner son identité. La résolution de l’affaire a de toute façon aussi peu d’importance que les motivations du « criminel » (une blague potache pour passer le temps). Ce qui intéresse le réalisateur Adam Sedlák, c’est ce que l’affaire des toilettes révèle de son pays : corruption et racisme ; merci de vous boucher le nez en entrant. La merde est partout, des policiers bidonnent leurs résultats d’enquête pour toucher des primes, la direction de l’université trafique des faux diplômes. Chez les étudiants, la recherche du vandale vire au délit de faciès : on accuse les Roms, puis les Slovaques, voisins peu appréciés. L’arrivée du policier à l’université se fait au son de la Moldau, célèbre morceau de musique classique et hymne de la République Tchèque : le décalage entre les images et le lyrisme de la musique fait sourire mais le recours à un morceau aussi emblématique permet surtout de montrer que c’est l’ensemble du pays qui est concerné par l’ironie du film.

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Le prénom Arnõst signifie « honnête ». Même lui, pourtant, ne l’est pas : cet amateur de plaisirs tarifiés est un faux naïf, à la fois manipulateur et manipulé. Pour échapper à l’ordure, il cherche pendant tout le film une destination de vacances lointaine sur le Web : il finira sur la plage d’un centre de vacance, un décor artificiel qui reflète ses compromissions tout au long de l’enquête.

Sylvain Angiboust

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