L’employé en colère et le patron malhonnête qui l’a licencié au terme de sa période d’essai se poursuivent dans les couloirs de l’usine et en viennent aux mains, accompagnés par une caméra heurtée. La scène, marquante, qui ouvrait « Rosetta » (1999) – le plus célèbre long-métrage des cinéastes belges Jean-Pierre et Luc Dardenne, récompensé par la Palme d’or du Festival de Cannes – est reprise à l’identique au début du premier court-métrage de Christophe Bourdon. Lorsque l’image se stabilise et que les deux personnages se font face, on découvre que l’ouvrier n’a pas les traits d’Émilie Dequenne, ni ceux d’Olivier Gourmet ou Jérémie Rénier, interprètes réguliers des Dardenne, ni même ceux de Peter Mullan ou d’un autre habitué du cinéma de Ken Loach, auquel on pourrait également penser : non, ce chômeur est… un zombie dans un état de putréfaction avancé. Un zombie intégré à la société (à la manière de la comédie canadienne « Fido », 2006) mais qui vivote, victime de la méfiance et du mépris des vivants, et dont le seul plaisir est de faire du vélo, jusqu’au jour où on lui vole son véhicule.
Comme son titre ne l’indique pas, « Le zombie au vélo » est d’abord une réécriture de « Rosetta », dont il duplique des scènes (l’ouverture) et des décors (la baraque à gaufres), mais il s’inspire aussi du « Gamin au vélo », sorti en 2011, dont il reprend la bicyclette et le final optimiste. À ce cocktail de Dardenne, Christophe Bourdon ajoute un troisième ingrédient, plus inattendu : des zombies, figures centrales la pop culture actuelle (voir le succès de la bande-dessinée et de la série télévisée « Walking Dead »). Cet accouplement entre culture populaire et sérieuse, entre cinéma d’épouvante et drame social, n’est contre-nature qu’en apparence. Il semble même plutôt pertinent si on remonte aux origines des films de zombie.
1968 : le jeune George A. Romero tourne à l’économie, avec des comédiens inconnus et dans un style abrupt (caméra à l’épaule, montage à la serpe), son premier film, « La nuit des morts-vivants », qui marque durablement la peur cinématographique par son approche naturaliste. Avant Romero, le zombie était associé à l’imaginaire exotique des cérémonies vaudou (« I Walked with a Zombie » de Jacques Tourneur en 1943) ; après, le zombie se charge d’une forte symbolique politique : l’irruption des morts au milieu des vivants est l’illustration cauchemardesque de la situation de crise que traversent alors les États-Unis, un retour du refoulé violent de la guerre du Viêt-Nam et de l’assassinat de Martin Luther King (qui a lieu durant le tournage). Dans « Zombie » (1978), Romero fait de ses morts-vivants les victimes de la société de consommation, qui se trainent lamentablement dans les centres commerciaux. Dans « Land of the Dead » (2005), le cinéaste imagine une révolte de zombies avec à sa tête un homme noir en bleu de travail. Difficile d’être plus explicite : le mort-vivant est un prolétaire, le symbole derrière lequel se regroupent tous les opprimés de la société capitaliste. Ce qui nous ramène au « Zombie au vélo », où les morts-vivants occupent la position de travailleurs pauvres, allant de contrat précaire en contrat précaire, sous le contrôle sévère, pour ne pas dire injuste, des employés de l’agence pour l’emploi.
Le zombie de Christophe Bourdon est lent, comme chez Romero et contrairement aux cadavres véloces des récents « 28 jours plus tard » (2002) ou « L’armée des morts » (2004) : les morts demandeurs d’emploi ont cette mollesse, cette passivité que la société reproche parfois aux chômeurs de longue durée (ceux qui ne « veulent pas s’en sortir »). Une scène située dans les locaux de l’agence pour l’emploi est représentative de l’humour noir, gentiment gore, du « Zombie au vélo », mais aussi de sa dénonciation par l’absurde du cynisme de l’institution : un zombie bûcheron, sa hache plantée dans le corps, se voit reprocher de travailler moins efficacement que lorsqu’il était vivant, pendant qu’une femme zombie, qui ne s’exprime plus que par borborygmes, ne parvient pas à trouver un poste de secrétaire multilingue. Le zombie est le dernier des prolétaires car il est privé de la parole : chez les Dardenne, Rosetta pouvait encore crier sa colère à son patron, son désespoir à sa mère et faire le tour des commerces pour demander du travail, alors que le mort-vivant est muet, sa révolte ne peut passer que par des grognements et quelques coups de dents bien placés. La bestialité du zombie, dont le comportement fruste est réduit à l’assouvissement des besoins fondamentaux (faire du vélo est un plaisir « gratuit » qui donne au personnage son humanité), n’est une nouvelle fois pas si éloignée de l’animalité de Rosetta, que les Dardenne filmaient dans la forêt comme une bête, toujours en mouvement pour assurer sa survie.
Saluons au passage la qualité de l’interprétation d’Olivier Bonjour qui parvient à rendre son personnage de zombie amusant et touchant sans parler et avec une forte couche de maquillage sur le visage. Saluons aussi la clairvoyance du jury du 23ème festival Le court en dit long qui l’a récompensé du prix d’interprétation masculine : le cinéma de genre offre régulièrement des performances d’acteur mémorables, mais il est rare qu’elles soient reconnues dans les festivals généralistes.
Sous son apparence potache, le film de Christophe Bourdon a été fait avec le plus grand sérieux : les maquillages sont splendides et le réalisateur a apporté un soin tout particulier à choisir des décors, des cadrages et des éclairages qui pouvaient rappeler le style des Dardenne. Le rire naît de décalage causé par la présence du mort-vivant maladroit dans un film des Dardenne, mais aussi de la réelle proximité que le film entretient avec leur cinéma, d’un point de vue tant esthétique (une approche directe, « documentaire », du quotidien) que thématique (l’individu en lutte contre les injustices). Les meilleures parodies ne sont pas celles qui se contentent de moquer des films célèbres mais celles qui, par l’humour, nous permettent de mieux en comprendre les enjeux : les anachronismes des « Trois âges » de Buster Keaton (1923) faisaient référence à la structure temporelle complexe du très sérieux « Intolérance » de D.W. Griffith (1916) et, plus près de nous, les blagues salaces d’« Austin Powers » (1997) révèlent en l’exagérant le sexisme de la série de « James Bond ». « Le zombie au vélo », lui, se charge de nous démontrer que les frères Dardenne sont aussi les cousins de Romero.
Autre festival à s’être achevé ce weekend, le festival Côté Court de Pantin. Pour sa 24ème édition (10-20 juin), le festival aux nombreux programmes (films, vidéos, performances) a honoré les films suivants.
COMPÉTITION FICTION
GRAND PRIX FICTION : « Les Rues de Pantin » de Nicolas Leclerc. PRIX D’INTERPRÉTATION MASCULINE : Hiroto Ogi pour « Les Rues de Pantin »
PRIX SPÉCIAL DU JURY, PRIX DE LA PRESSE : « La Terre penche » de Christelle Lheureux
PRIX DE LA JEUNESSE : Bison 6 » de Pauline Laplace. PRIX D’INTERPRÉTATION FÉMININE : Coralie Russier dans « Bison 6 ».
MENTION SPÉCIALE DU JURY DE LA PRESSE : « Notre Dame des Hormones » de Bertrand Mandico
PRIX DU PUBLIC : « Haramiste » d’Antoine Desrosières
PRIX DU GNCR : « Les Filles » d’Alice Douard
COMPÉTITION EXPÉRIMENTAL – ESSAI – ART VIDÉO
GRAND PRIX EXPÉRIMENTAL-ESSAI-ART VIDÉO, PRIX DU PAVILLON : « Enfants, poussière » de Frédérique Devillez
PRIX SACEM DE LA MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE : Olivier Marguerit pour la musique de « While the Unicorn is Watching Me » de Shanti Masud
SUR LES DEUX COMPÉTITIONS : PRIX RENARD DE LA MEILLEURE BANDE SONORE : Géry Petit et Olivier Touche pour la bande sonore du film « Le Souffleur de l’Affaire » d’Isabelle Prim
MENTION SPÉCIALE « Le Renardeau » : Philippe Dubernet, Guillaume Durrieu et Arno Ledoux pour la bande sonore du film « Black Diamond » de Samir Ramdani
PRIX DU MEILLEUR PROJET DE FILM : T’es cap ou t’es pas cap d’Enrika Panero
LAURÉATS DE LA RÉSIDENCE DE CINÉASTE EN SEINE-SAINT-DENIS : Audrey Jean-Baptiste, François Jeevaranjan, Demba Sonate
Primé par notre site au festival Go Short (Pays-Bas), Guido Hendrikx avait fait le déplacement à Paris courant avril pour présenter son film « Onder ons » aux Ursulines. Sujets tabous, traitement médiatique, intérêt pour le documentaire et la fiction, manipulation, instincts individuels, nuance,… : le jeune réalisateur est revenu sur les différents thèmes qui ont influencé son travail et son parcours. Rencontre.
Avant de faire des études de cinéma, tu es passé par une école de journalisme. Pour quelle raison ?
J’aime les bases, l’écriture des reportages. J’ai étudié le journalisme dans le cadre d’une formation générale à l’Université d’Utrecht. À cette époque, j’ai réalisé un film, « Minor », car je voulais être journaliste d’investigation. Juste après, j’ai réalisé que le journalisme traitait juste des exceptions, des catastrophes, de ce qui sortait de l’ordinaire et pas assez de la façon dont le monde fonctionnait, de la vie quotidienne en somme. Ce qui se passe tous les jours n’est pas couvert par les médias qui ne pensent qu’à travers le prisme de l’exception. Prenons le cas de « Onder ons ». Pour les médias, les pédophiles ne sont que des déséquilibrés, vieux, manipulateurs, qui agressent les enfants. Ça, c’est l’exemple généralisé. J’ai fait des recherches pour ce film. Les médias n’ont jamais parlé des pédophiles différemment, aucun journaliste n’en a interviewé.
Pour moi, le traitement de l’actualité était également trop conventionnel, conservateur et rapide, lié au format et aux deadlines. Je n’ai plus eu envie de poursuivre dans cette voie.
« Day is Done * » a été ton premier film réalisé après tes études à Utrecht . Comment cela s’est-il passé ?
J’ai filmé un homme qui ne sortait pas de chez lui. J’ai eu des intuitions, je me suis écouté, j’avais juste une feuille contenant les scènes que je voulais. Je n’avais pas de règles, de limites. Pour faire des films intéressants, il faut apprendre à se limiter. Faire des films, c’est faire des choix et s’y tenir. Je me suis limité : j’avais 15 heures pour un film de 30 minutes. Si tu sais ce que tu cherches, ça marche. Si tu attends que ça se passe, tu dois changer de profession.
Pour construire « Onder ons », tu as donc rencontré des pédophiles. Raconte-nous.
Il faut mettre de côté ses a priori, être le plus ouvert possible. J’ai rencontré des pédophiles, les ai interviewés pour le film. Ils ne voulaient pas être montrés à l’écran, on a enregistré leur texte, monté le film avec leurs voix originales et demandé à des comédiens de dire leur propos grâce à un casque. Je ne voulais pas qu’ils apprennent le texte par coeur.
J’ai voulu travailler sur les émotions que les pédophiles ont ressenti à partir du moment où ils ont compris qui ils étaient. Ils ont une attitude différente de la réalité, ils se comportent comme des minorités extérieures au monde. Je souhaitais coller à leurs perspectives le plus possible.
D’où vient cet intérêt pour la marginalité ?
Je ne cherche pas à faire des films ou des sujets difficiles. Quand j’ai une idée, quand quelque chose m’interpelle, je me dis que ça vaut la peine d’en faire un film. Ce n’est pas un processus rationnel. Apparemment, la marginalité m’attire, c’est peut-être lié à la manière dont les gens agissent et pensent. Ils sont si différents, ils pensent si différemment de moi que c’est pour ça aussi que je les filme.
Pourquoi as-tu ressenti le besoin de suivre des cours à la Nederlandse Filmakademie, à Amsterdam ?
Après, « Day is Done * », j’ai eu du mal à retrouver une vie sociale. Le problème, c’est que j’étais tout seul pour filmer, faire les recherches, produire, prendre le son, monter et distribuer le film. Il n’y avait que moi et le protagoniste. J’étais curieux de savoir comment les choses pouvaient se passer dans un groupe avec des moyens et de bénéficier d’un enseignement spécialisé.
C’est pour ça que je suis allé vers cette école qui a un bon niveau. J’en avais beaucoup entendu parler. Après avoir été accepté, je suis entré en section documentaire. À l’époque, j’étais un cinéaste documentaire pur et dur. Je ne voulais pas changer l’ordre des séquences. Maintenant, 5 ans plus tard, je pense totalement à l’envers. L’objectif est de raconter une bonne histoire quelque soit la manipulation. Aujourd’hui, je me sens attiré par la fiction, je peux incorporer des éléments fictionnels dans mes films. J’écris d’ailleurs un scénario de fiction pour un autre réalisateur. Je désire combiner l’écriture pour la fiction et les tournages dans le documentaire.
En documentaire, il est toujours possible de compter sur la réalité. Il faut pouvoir la reconnaître, juger ce qu’elle nous offre. En fiction, on contrôle tout du début à la fin. L’authenticité est plus présente en documentaire, elle est impossible à restituer en fiction.
Est-ce que ton école a facilement accepté le projet de « Onder ons » ?
« Onder ons » touche à un sujet totalement tabou en Hollande. Il y a 18.000 pédophiles dans le pays. Le mot pédophile généralise un concept simple qui n’est pas du tout lié à la réalité. Il est difficile d’expliquer qu’un pédophile peut être quelqu’un d’autre qu’un vieux pervers, qu’il peut être un étudiant d’université par exemple. L’équipe du film m’a toujours suivi mais l’école moins, elle avait peur. J’avais la réputation d’être un enfant terrible, de causer des difficultés. Quand j’ai dû présenter le projet aux organes de financement, ceux-ci ne comprenaient pas mon empathie. Clairement, le film aurait été difficile à faire sans école et moyens.
Après « Onder ons », on a découvert un formidable autre court réalisé par tes soins : « Escort ». Le film traite à nouveau d’un sujet difficile, l’expulsion des sans-papiers du point de vue des personnes chargées de les escorter en vue de leur expulsion.
« Onder ons » est venu après « Escort ». Tous les deux parlent de manière différente de la rivalité entre la morale et les instincts individuels. L’essence est la même : comment les gens agissent en fonction de ce que leur environnement leur dit et comment ils réagissent à la pression sociale.
Dans « Escort », l’institution, la Maréchaussée royale, explique comment déporter les gens, mais quelques jeunes recrues à l’intérieur tentent de résister. Leurs convictions sont heurtées mais elles sont trop faibles pour résister à l’institution. Je filme ces deux personnes qui ont des doutes, même si je ne pense pas qu’un jour, elles quitteront l’institution.
Comment as-tu préparé ce projet ? Tu es très proche des protagonistes, tu filmes des situations étonnantes comme l’accompagnement musclé d’un sans-papier dans un avion.
Je ne crois pas à l’objectivité. Je n’essaye pas d’être objectif mais d’être nuancé. J’ai suivi un stage à destination des nouvelles recrues. Pendant la préparation, j’étais engagé, parfois très choqué et touché par ce que je voyais, comme par exemple lorsque la famille d’un réfugié s’est fait expulser devant moi. Pendant le tournage, par contre, je suis trop pris par le film pour être impressionné par une situation. C’était quand il n’y avait pas de caméra que je réagissais.
Très vite, les choses sont devenues naturelles. On a installé la caméra devant les gens tout de suite. La seule manière d’obtenir une relation de confiance, c’est d’être sincère. Quand le réfugié est monté dans l’avion, je ne savais pas ce qui allait se passer, je ne savais pas du tout comment il serait expulsé (avec les menottes, de force, …), mais j’ai manipulé la situation. J’ai demandé aux deux stagiaires de rentrer dans la voiture, on les a filmés en permanence, on a saisi leurs émotions à vif. Je savais que cette scène serait la dernière.
Le film circule dans quelques festivals mais vous avez beaucoup du mal à le montrer…
Oui, le sujet est très sensible. Cela a pris beaucoup de temps et de conviction pour avoir accès à la Maréchaussée. Ils ont accepté le projet dans un but éducationnel, ont adoré le film, mais le Ministre de la Justice bloque sa diffusion. C’est très difficile de le montrer en festival.
Est-ce que tes films représentent une étape à chaque fois ?
Je ne crois pas beaucoup au fait qu’on fait le même film à chaque fois. C’est important de se réinventer comme réalisateur dans le style et l’histoire. Les meilleurs auteurs sont reconnaissables à la manière dont ils parlent au public, à leur ton, à la façon dont ils manipulent les spectateurs. Je trouve ça intéressant car le cinéma est une question de manipulation. Les auteurs qui m’intéressent le plus viennent de la fiction. Lars Von trier, Werner Herzog, Michael Hanneke, …, ce sont tous des manipulateurs.
Hier soir, le palmarès du 39ème Festival international du film d’animation 2015 a été dévoilé. Voici les nombreux prix attribués aux courts-métrages lors de la cérémonie de clôture de l’édition 2015.
Courts métrages
Cristal du court métrage : We Can’t Live Without Cosmos de Konstantin Bronzit (Melnitsa Animation Studio, Russie)
Prix du jury : Isand de Riho Unt (Oü Nukufilm, Estonie)
Prix « Jean-Luc Xiberras » de la première œuvre : Guida de Rosana Urbes (RR Animaçao de Fimes, Brésil)
Prix du public, Mention du jury : World of Tomorrow de Don Hertzfeldt (Bitter Films, États-Unis)
Prix du film « Off-Limits » : Mynarski chute mortelle de Matthew Rankin (Gabrielle Tougas-Fréchette, Matthew Rankin, Canada)
Films de fin d’études
Cristal du film de fin d’études : My Dad de Marcus Armitage (Royal College of Art, Royaume-Uni)
Prix du jury : Edmond de Nina Gantz (NFTS, Royaume-Uni)
Mention du jury : Brume, cailloux et métaphysique de Lisa Matuszak (EMCA, France)
Prix spéciaux
Prix « CANAL+ aide à la création » pour un court métrage : Edmond de Nina Gantz (NFTS, Royaume-Uni)
Prix Festivals Connexion – Région Rhône-Alpes : Dans les eaux profondes de Sarah Van den Boom (Papy 3D Productions, ONF, France, Canada)
Prix du jury junior pour un film de fin d’études : Roadtrip de Xaver Xylophon (Weißensee Kunsthochschule Berlin, Allemagne)
Prix du jury junior pour un court métrage : We Can’t Live Without Cosmos de Konstantin Bronzit (Melnitsa Animation Studio, Russie)
Prix Fipresci : Teeth de Daniel Gray, Tom Brown (Holbrooks, États-Unis, Hongrie, Royaume-Uni)
Prix Fipresci – Mention spéciale : Guida de Rosana Urbes (RR Animaçao de Fimes, Brésil)
Prix André Martin pour un court métrage français : Rhizome de Boris Labbé (Sacrebleu Productions, France)
Prix André Martin – Mention pour un court métrage français : Yùl et le Serpent de Gabriel Harel (Kazak Productions, France)
Prix de la meilleure musique originale, avec le soutien de la SACEM, dans la catégorie courts métrages : Dissonance de Till Nowak. Musique : Olaf Taranczewski, Frank Zerban (Framebox, Allemagne)
Ce qui frappe dans l’œuvre documentaire du Néerlandais Guido Hendrikx, réalisateur de « Onder ons », primé par notre équipe au festival Go Short de Nijmegen, c’est la maturité avec laquelle il dépeint la réalité. Qu’il aborde les derniers jours d’un alcoolique dans son premier film « Day is Done * » ou qu’il montre des professionnels de la Maréchaussée royale des Pays-Bas en formation dans « Escort », Hendrikx fait preuve d’une justesse de mise en scène qui ne laisse pas indifférent. Cultivant le goût pour la marginalité, il aime à plonger dans les abîmes de l’exclusion sociale pour y révéler les failles de la société contemporaine et, tel un peintre renaissant, il a recours à un clair-obscur métaphorique pour mettre en lumière la part sombre de l’âme humaine qu’il transporte bien au-delà des espérances.
Il est des artistes qui dès leur premier opus se distinguent grâce à la maîtrise de leur sujet, à l’approche empathique qui le met en valeur et au génie qu’ils ont de toucher l’Autre en plein cœur. « Day is Done * » dresse un portrait intimiste, naturaliste et sans concession de Peter Oud, un quinquagénaire malade, alcoolique et agoraphobe. Avec ce premier film réalisé après ses études à Utrecht et avant qu’il n’entame son cursus à la Nederlandse Filmacademie, Hendrikx aborde l’un des thèmes qu’il ne cessera d’approfondir et de varier dans ses autres films à savoir celui de l’inadaptation sociale que l’on retrouvera dans « Onder ons » notamment. En Peter Oud qu’il a rencontré alors qu’il travaillait comme aide à domicile, il perçoit la figure d’un Sisyphe. Prenant parti de la pensée camusienne, il imagine ce tendre bourru, abruti par la douleur et les médicaments, heureux de son sort, ce qui lui permet d’affronter chaque jour comme si c’était le premier sans se poser davantage de questions. Bien que le monde de Peter soit cloisonné, confiné à son appartement rempli d’objets aussi exotiques qu’incongrus, la caméra d’Hendrick laisse entrevoir une ouverture par le simple fait de le filmer, laissant au monde un très beau témoignage posthume d’un oublié, prisonnier de la solitude de sa vie.
Durant sa première année à la NFA en 2011, il réalise « Human », un petit film d’une toute autre facture. Plutôt esthétique, tourné en noir et blanc, mêlant gros plans et plans moyens d’un jeune homme, beau, bien sous tous rapports et s’exprimant avec son corps. Produit hybride dans la jeune carrière cinématographique de son auteur, le film traite de solitude malgré tout. Perdu dans un espace-temps, l’individu tente de combattre l’inertie par le mouvement, la danse, la boxe ou encore la prière. Quelle réponse idéale attend-on d’un homme qui pense face au vide existentiel ? Aucune, et en quelque sorte « Human » pourrait en être une.
« My Funny Valentine » est une déclaration d’amour à l’Exclusion, au Blues et à l’Art. Il s’agit en fait d’un exercice de deuxième année (il fallait réaliser un documentaire de 10 minutes sur base d’une matière de 50 minutes tournées en 16mm) où à nouveau Hendrikx choisit la voie de l’originalité et de la profondeur pour dépeindre l’univers de Stefan Aukes, un drogué qui bénéficie d’un programme gouvernemental lui permettant la consommation de drogue surveillée. Mais Stefan est surtout un artiste dont les dessins laissent transparaître une douce folie et un monde intérieur intense. Comme si cette intériorité lui échappait, Guido Hendrikx la poursuit de très près, scrutant le moindre détail du visage de Aukes, de ses dessins aussi. Aux images vidéo se mêlent des instantanés réalisés par le dessinateur lui-même représentant ce que le spectateur ne pourra voir (les prises de drogues surtout). « My Funny Valentine » se retrouve sans cesse à la lisière du rêve et de la réalité comme si la personnalité de l’artiste poussait Hendrikx à rester dans un intermédiaire complexe. Entre Miles Davis et « La Vita e Bella », s’impose le fouillis intérieur de Stefan Aukes, un lieu où, comme une chambre d’ado, traînent de vieux albums photos, des lettres lues maintes fois et des cassettes aux solos de guitares légendaires. Entre Aukes et Hendrikx, il ne semble plus y avoir de distance, il y a juste un lien et un même intérêt pour les émotions fortes.
En 2012, il y a eu 4823 refus de demandes d’asile aux Pays-Bas. Parmi eux, 1410 demandeurs furent escortés dans leur pays d’origine par la Maréchaussée royale. « Escort » est l’un des premiers films à montrer du côté des autorités les doutes et les incertitudes de ceux qui sont confrontés à la misère du monde. Durant trois semaines, Guido Hendrikx suit le programme d’entraînement des nouvelles recrues. De la salle de classe à la piste d’atterrissage, la caméra capte les émotions de deux protagonistes choisis pour la sensibilité dont ils font preuve. Opérant par opposition et contraste, le film ne juge pas directement mais pose question sur ces pratiques qui portent clairement atteinte à la dignité humaine.
Le court métrage permet également de mettre en avant les contradictions du discours politique théorique lorsqu’il est appliqué. Ce qui marque ici c’est le sentiment d’impuissance physique mais aussi psychologique face à une décision prise dans un tribunal. La démultiplication du regard par le biais de la caméra d’Hendrikx ou encore des caméras de surveillance dans l’isoloir d’un aéroport fragilise la notion de vérité et de justice. Qui a raison ? Qui a tort ? Peu importe, car pour l’heure la question est de savoir comment escorter dignement une personne menottée et immobilisée dans un manchon de corps.
Lauréat du Prix Format Court au dernier festival Go Short à Nimègue, Guido Hendrickx est un réalisateur prometteur qui ne fait pas de demi-mesure avec un cinéma aussi lyrique que résolument engagé. Dans la sélection éclectique et riche de la compétition nationale cette année, son documentaire « Onder ons » (Parmi nous), une interrogation subtile et approfondie de la pédophilie, s’est démarqué et, tel un coup de poing, a séduit notre Jury Format Court. Dans le cadre de son prix, « Onder ons » a été programmé lors de notre soirée spéciale Format Court au mois de mai. Découvrez dès aujourd’hui notre dossier spécial dédié à ce jeune talent émergeant des Pays-Bas.
Short Screens vous propose un avant-goût cinématographique des vacances et vous embarque, le temps d’une soirée, à bord d’une croisière aux quatre coins du monde avec 9 courts métrages surfant sur les flots de la découverte et de l’évasion.
A ne pas manquer! Dernière séance avant la pause estivale de juillet-août!
Le jeudi 25 juin à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€
LE VOYAGE DANS LA LUNE de Georges Méliès, France/ 1902/ fiction/ 10’30
Lors d’un colloque d’astronomie, le professeur Barbenfouillis crée l’événement en faisant part à l’assemblée de son projet de voyage dans la Lune…
LE VOYAGEUR S’EXCLAME ALORS de Johan Pollefoort, Belgique/ 2007/ animation/ 6’30
Le voyageur s’exclame alors : « Malheur à ceux qui se contentent de peu ».
SHORT TRIP de Johannes Duncker Allemagne/ 2014/ documentaire/ 6′
Un touriste occidental arrive à Istanbul pour un court séjour pendant les manifestations à Gezi Park.
LA CARTE de Stéfan Le Lay, France/ 2009/ fiction animée/ 6′
Un jeune homme qui vit dans une carte postale en couleur tombe amoureux d’une jeune femme qui vit dans une carte postale en noir et blanc. Il est prêt à tout pour la rejoindre et rester avec elle.
P d’Aaron Rookus, Pays-Bas/ 2014/ fiction/ 9′
Les aventures d’une famille en vacances…
INDIAN DIARIES 1 de David Varela & Chantal Maillard, Espagne/ 2014/ documentaire/ 7’30
Travail multidisciplinaire basé sur les textes et poèmes de l’écrivaine et philosophe Chantal Maillard dans la ville de Bénarès, et les images filmées dans la même ville par le cinéaste David Varela.
DEMAIN IL PLEUT de Anne-Céline Phanphengdy & Mélanie Vialaneix; France/ 2014/ animation/ 5′
Dans une petite maison perdue au milieu de la lande, un vieil homme vit une vie monotone en rêvant de voyages exotiques. Mais demain il pleut.
HOME VIDEO ARGENTINA de Xiao-Xing Cheng, Chine/ 2004/ documentaire/ 18′
Retrouvailles avec un oncle d’Amérique.
Règle n°1 : Ne nourrissez jamais les ours.
Règle n°2 : Ne vous approchez pas à moins de 100m.
Règle n°3 : Évitez de surprendre l’ours.
Règle n°4 : Gardez toujours votre chien en laisse.
Maintenant que vous connaissez les règles, nous vous souhaitons un agréable séjour dans le parc naturel de l’ours noir.
La ville de Noisy-le-Sec et le cinéma le Trianon organisent la 4ème édition du Festival du Film franco-arabe qui aura lieu au Trianon du 6 au 17 novembre 2015. Dans le cadre de ce festival, une compétition de courts métrages est organisée. Les lauréats seront annoncés à la cérémonie de clôture , le dimanche 15 novembre et les films récompensés seront présentés à cette occasion.
Les films éligibles devront s’inscrire dans la thématique du festival, et témoigner des liens entre les deux cultures, par leur thème, la nature de la production et/ou du financement, la composition des équipes.
Critères d’inscription
Inscriptions ouvertes jusqu’au 30 septembre aux courts métrages français et arabes – fiction ou documentaire – production 2014 ou 2015. Le film ne doit pas excéder 20 mn. Chaque réalisateur ne peut inscrire qu’un seul film.
À fournir : 2 exemplaires du film sur support DVD (qui ne sera pas rendu) – un synopsis – une fiche technique – pour les films non francophones, il est impératif qu’ils soient sous-titrés en français.
À envoyer à : Cinéma Le Trianon, place Carnot 93 230 Romainville.
Pour plus d’informations : Direction des Affaires culturelles de Noisy-le-Sec – TEL. 01 49 42 67 17 ou le Cinéma Le Trianon – Tél . 01 83 74 56 02.
Les prix
Deux prix seront décernés pour chaque catégorie : 2 prix du jury et 2 prix du public pour la meilleure fiction et pour le meilleur documentaire.
Les films primés par le Jury seront projetés pendant la 22e édition du Festival du Film franco-arabe d’Amman en Jordanie, en juin 2016. A cette occasion, les réalisateurs primés seront invités à Amman afin d’y accompagner leur film.
Organisées par l’Académie des César, Les Nuits en or 2015 proposent de découvrir chaque année au mois de juin un panorama de 32 courts métrages récompensés par leurs 9 Académies d’origines (César, Magritte, Jutra, Oscar, Bafta, Donatello, Goya, Ophir…).
Du 15 au 17 juin, les films primés cette année par leurs Académies respectives seront projetés à la Maison de l’Unesco, en entrée libre et gratuite, avec deux séances par jour à 19h et 21h. Une occasion comme une autre de voir les films considérés (parfois à tort) comme les meilleurs, en provenance des pays suivants : Luxembourg, Australie, France, Allemagne, Canada, Suisse, Inde, Corée du Sud, Lituanie, République tchèque, Roumanie, Espagne, Etats-Unis, Israël, Royaume-Uni, Grèce, Belgique, Norvège, Italie, Gabon, Portugal, Chine, Islande, Danemark, Suède, Afrique du Sud, Autriche, Mexique, Brésil et Pays-Bas.
Bon à savoir : les réalisateurs seront présents pour l’ouverture des festivités, le 15 juin à la séance de 19h.
Identifiable par son symbole, un corbeau solitaire, le Festival IndieLisboa (Lisbonne) a clos sa douzième édition le mois passé. Au terme de 11 jours de séances, rencontres et soirées, IndieLisboa a proposé sa propre vision d’un cinéma indépendant, parfois radical et avant-gardiste.
Pour la première fois, notre revue attribuait un prix au festival. Une façon pour nous de maintenir notre curiosité et de poursuivre notre exploration des films et des festivals étrangers, d’observer de l’intérieur l’un des festivals les plus réputés sur la scène internationale et d’accompagner un auteur sélectionné dans la toute nouvelle compétition du festival, « Silvestre », s’intéressant aux figures libres du cinéma court. Cette année, 33 films furent évalués par notre jury, à l’arrivée, un film fut retenu : « The Mad Half Hour » de l’Argentin Leonardo Brzezicki. Précédemment sélectionné à la Berlinale, ce court-métrage a épaté notre équipe par son humour, sa fraîcheur, son joli noir et blanc, sa mélancolie et son excellent jeu d’acteurs (non professionnels pour la plupart). Le film a été projeté en mai dernier dans le cadre de nos séances Format Court à Paris.
Il y a plus de deux ans, nous avions rencontré au Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF) l’un des deux directeurs du festival, Miguel Valverde qui nous avait longuement et brillamment parlé d’IndieLisboa, de sa vision du court et de la nouvelle génération d’auteurs portugais. Si on pense forcément aux références (Manoel de Oliveira et Miguel Gomes), la relève est bel et bien représentée par bon nombre d’auteurs, évoqués sur notre site tels que João Pedro Rodrigues, João Nicolau, Maureen Fazendeiro, Iana et Joao Viana, Jorge Jácome, Regina Pessoa, Carlos Conceição, Rodrigo Areias, Cristina Braga.
En 2011 et 2012 déjà, nous avions attribué deux Prix Format Court à deux auto-productions portugaises, « I know you can hear me » de Miguel Fonseca et « Antero » de José Alberto Pinto. Ces deux films expérimentaux avaient été primés par notre équipe à Média 10-10, un festival namurois de qualité ayant malheureusement dû s’arrêter malgré une belle longévité (41 ans). Ces deux films avaient comme autre point commun celui d’avoir fait leurs premiers pas à IndieLisboa.
Cette année, le cinéma portugais s’est encore un peu plus rapproché de nous grâce à premier Prix Format Court attribué à Lisbonne. Sur place, nous avons senti une belle envie de cinéma, un goût affirmé pour l’expérimental mais aussi un solide lien au réel et une quantité non négligeable d’auteurs, de techniciens, de producteurs et de programmateurs locaux, prêts à mettre leurs idées, services et compétences au service du septième art.
Passons les quelques films, sélectionnés à Lisbonne, plus ou moins intéressants, ayant déjà beaucoup tourné en festival. Côté français, citons « 8 balles » de Frank Ternier, « Notre Dame des Hormone » de Bertrand Mandico, « Tempête sur anorak » de Paul Cabon, « Guy Moquet » de Demis Herenger, « Hillbrow » de Nicolas Boone, « Totems » de Sarah Arnold. Côté étranger, relevons « Me and My Moulton » de Torill Kove (Canada), « Dans la joie et la bonne humeur » de Jeanne Boukraa (Belgique), « Cai Putere » de Daniel Sandu (Roumanie), « Yes we love » (Norvège) de Hallvar Wtzo, « Onder Ons » de Guido Hendrikx (Pays-Bas, ndlr Prix Format Court 2015 au festival Go Short), « Yen Yen » de Chunni Lin (Taïwan).
Parmi les nouveautés de qualité à extraire de cette douzième édition d’IndieLisboa, commençons par un film issu de la compétition nationale, « Fora da vida » de Filipa Reis et João Miller Guerra. Il s’agit d’un magnifique documentaire portant un regard dénué de jugement et de misérabilisme sur différents habitants de Lisbonne vivant de pauvreté et de débrouille, mais aussi de joie, d’amour, d’amitié et surtout de solidarité. Dans ce très beau film, récompensé du Prix du meilleur court-métrage portugais, les deux réalisateurs réussisent à se faire oublier de leurs sujets, des êtres ordinaires particulièrement attachants (un père de famille, une jeune prof, une femme de ménage, …) (se) posant des questions élémentaires et essentielles telles que le rôle du père, les valeurs à transmettre dans la société d’aujourd’hui ou les actions à prendre en compte pour changer de vie.
Autre proposition portugaise intéressante, côté fiction, « Provas, Exorcismos » de Susana Nobre, sélectionné également à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, filme le quotidien de Oscar, employé d’usine, brutalement congédié du jour au lendemain et obligé de se dénicher un autre travail. Les scènes d’ouverture et de clôture, les comédiens non professionnels, l’aspect râpeux du film captent directement le regard même si les scènes d’ennui et de famille ne nous convainquent pas plus que ça.
Film totalement inattendu pour le coup, « La Chasse » de Manoel de Oliveira, projeté à la cérémonie de clôture du festival et jamais montré du vivant du cinéaste, est un petit bijou de cinéma. Tourné en 1961, le film montre deux adolescents désœuvrés, se décidant à aller chasser malgré l’interdiction parentale et sociale. Soudainement, l’un des deux s’enfonce dans un marécage. S’ensuit une chaîne de solidarité humaine burlesque à souhait, mais aussi un doublé proposé par de Oliveira : l’une, allant dans le sens de la censure de l’époque et maintenant le jeune garçon en vie, l’autre, empêchant celui-ci de survivre car il ne peut attraper le moignon du dernier maillon humain de la chaîne. Drôle et subtil à la fois, le film propose une intelligence de plans et dévoile déjà un génie de la mise en scène.
De l’humour et de la fraîcheur, on en a trouvé également dans un petit film de trois minutes (l’un des plus courts du festival), « My BBY 8L3W » proposé par le collectif germano-français Neozoon qui s’est amusé à assembler des images de jeunes femmes et de leurs chiens de compagnie postées sur YouTube. Dans ce très court, il est tout à fait normal de déclarer sa flamme à son chien, de l’embrasser à pleine gueule ou de se faire lécher par celui-ci. Film collector, ce projet fou démontre en une série d’images le bien étrange rapport homme-animal et le caractère toujours aussi particulier de l’exposition de l’intime sur la Toile gigantesque et anonyme. Très pertinent par sa durée (3 minutes), son contenu et son montage, le film, sélectionné dans la section « Silvestre » dans laquelle nous remettions un prix à IndieLisboa, interroge le spectateur sur la création contemporaine, le rapport aux images et au montage.
Dans la même section, on s’est aussi beaucoup intéressé à un film d’artiste, expérimental et américain, « Panchrome I, II, III » de T. Marie. D’une durée de 15 minutes, le film propose une immersion colorée et formelle et un nouveau regard sur la perspective, porté par une très belle musique. Face à une telle proposition visuelle, sans codes classiques, il est nécessaire de s’accrocher, mais le résultat en vaut réellement la peine.
Autre film repéré cette fois en compétition internationale « Shipwreck » de Morgan Knibbe est un documentaire néerlandais, lauréat du Léopard d’argent à Locarno et d’une Mention spéciale à IndieLisboa. Il dévoile des images de coques vides de bateaux, de clandestins Africains éplorés, de cercueils portés par des grues. Un homme y raconte le calvaire de son voyage en bateau pour rejoindre l’Europe et la disparition de son ami, en cours de route, à bout de forces. Extrêmement émouvant, ce court-métrage est maîtrisé de bout en bout autant par son sujet, son travail sur le son (le souffle du vent traverse tout le film) que son image (colorée et douloureuse à la fois). Une réussite totale doublé d’un choc sensoriel.
Évoquons toutefois pour la forme quelques films moins aimés. En compétition internationale, on a bien moins adhéré à « Seat 26D » de Karolina Brobäck, un documentaire suédois traitant d’un crash d’avion survenu dans les années 90 mais n’ayant pas fait de victimes malgré son atterrissage plus que forcé. Le film, stressant au possible, est fortement à déconseiller après un verre de vinho verde (vin vert, spécialité locale) de trop et un lendemain de vol marqué par d’affreuses turbulences.
Deux courts-métrages primés à la dernière Berlinale ont offert, eux aussi, leur lot de perplexité. « Hosanna » de Na Young-kil (Corée du sud), Ours d’Or, est un film bien flippant-perturbant sur l’étrange pouvoir d’un jeune homme taciturne ramenant les disparus à la vie. Ours d’argent “seulement”, « Bad at Dancing », de Joanna Arnow, part par contre avec quelques bons points (sa scène d’ouverture, son côté indie américain, son noir et blanc, son humour et son héroïne – la réalisatrice elle-même – ), mais incommode et ennuie le spectateur très rapidement. Passé la surprise, celui-ci a du mal à s’intéresser plus que cela à cette jeune femme dilatée et célibataire, venant s’épancher chez son amie et colocataire, toujours filmée nue, en plein ébat sexuel.
Hormis ces quelques films moins fous à nos yeux, IndieLisboa nous a offert un bon lot de surprises, avec en premier lieu « The Mad Half Hour », notre prix, un film certes sélectionné à Berlin mais plus original et déluré, exempt de crash, de pouvoirs hors normes et d’Américains à poil. Pour ce film mais aussi pour les autres (« Fora da vida », « La Chasse », « My BBY 8L3W », « Panchrome I, II, III », « Shipwreck »), l’aspect découverte du festival a fonctionné. De nouvelles fenêtres se sont ouvertes, d’autres films sont apparus, invisibles des circuits de diffusion habituels. Sans crier gare, un nouveau cinéma s’est pointé. On ne s’y attendait pas, on est ravi qu’il nous soit tombé dessus. Prochaine étape : contribuer à faire connaître ces films importants sur grand écran, à Paris ou ailleurs, dans le courant de l’année.
Kung Fury, c’est un peu comme si l’ADN des années 80 avait été isolé dans un laboratoire top secret, puis avait été dérobé par un savant fou et nostalgique de cette période bien connue de tous les amateurs de fantaisie capillaire.
Kung Fury, vous l’aurez compris, est une ode aux années 80 et notamment aux films d’action en VHS où une bonne explosion vaut mieux qu’un long discours. Véritable « exercice d’admiration » combinant scènes d’actions toutes plus improbables les unes que les autres et « punchlines » dignes des plus belles citations de Jean-Claude Van Damme, Kung Fury ne lésine pas sur les effets (spéciaux), poussant toujours plus loin la surenchère plan après plan pour le plus grand bonheur de tous les nostalgiques des années 80. Le réalisateur suédois David Sandberg, qui semble avoir baigné dedans quand il était petit, s’est fait une joie (communicative) de reprendre méticuleusement toutes ces petites choses qui ont pu constituer l’esthétique de ces films (et les muscles qui vont avec) pour la détourner à son tour.
Rien de bien nouveau donc puisque déjà en 1993, « Hot Shots 2 », réalisé par Jim Abrahams, tournait en dérision les films mettant en scène ces héros indestructibles incarnés par Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger ou encore Chuck Norris, pour ne citer que les plus célèbres.
Toutefois, la particularité de Kung Fury tient précisément dans la direction artistique particulièrement soignée dont le film a bénéficié. Le film adapte le style « années 80 » au public d’aujourd’hui dans une sorte de « retro-futurisme » très en phase avec les goûts du moment. Par exemple, on peut voir un personnage « pirater» à l’aide d’un Commodore 64, l’un des premiers PC sorti au début des années 80 et très populaire à l’époque.
Kung Fury fourmille de ce genre de petits clins d’œils complices au spectateur, à l’image de son héros, incarné par le réalisateur lui-même, sorte de mélange entre le flic aux méthodes expéditives joué par Stallone dans « Cobra » et le personnage de Ryu, guerrier solitaire et taciturne, expert en arts martiaux que l’on retrouve dans le jeu vidéo de la série « Street FighterI ».
David Sandberg vise juste. Avec ce film, il a su jouer sur la corde sensible en compilant et en capturant avec talent et précision l’esprit des films de ces années-là. Dans une espèce de « gloubi-boulga » délirant, il a su mettre au point avec son équipe des effets spéciaux habiles qui permettent de donner le rythme et l’ambiance adéquate à l’ensemble. Mais une question nous brûle les lèvres : comment David Sandberg a pu s’y prendre pour réaliser ce « blockbuster du court métrage », en Suède, avec quelques amis et quelques couronnes ?
Golden boy
Avant d’affoler le web (près de 15 millions de vues sur Youtube depuis le 28 mai dernier) puis de faire le buzz sur la croisette à Cannes (sélection officielle à la Quinzaine des Réalisateurs), Kung Fury a commencé à faire parler de lui il y a déjà deux ans. En 2013, pour boucler le budget de son premier film Kung Fury, David Sandberg a proposé aux internautes de participer à son financement via Kickstarter. Pour offrir le maximum de chances à son projet, il poste sur internet une bande-annonce du futur film. Bingo ! L’appel à don lancé par « Laser Unicors » récolte en moins d’un mois plus de 600.000 $, l’une des plus grosses sommes jamais récoltées sur le net.
Pourtant sur le papier, le scénario pouvait laisser sceptique plus d’un internaute : un policier remonte le temps pour tenter de tuer Adolf Hitler (The Kung Fuhrer) grâce à sa maîtrise du Kung-Fu, en chemin il recevra l’aide de vikings armés de fusils automatiques et accompagnés de dinosaures. Bref, un scénario dont le film serait digne d’entrer au fameux top ten de Narnarland.
Les mois passent et un beau jour un nouveau clip inspiré de Kung Fury envahit la toile. Ce clip c’est celui d’une des stars télé des années 80 : David Hasselhoff (K2000, Alerte à Malibu, etc…). Joli coup de pub qui alimente à nouveau la machine à buzzer. Cerise sur le gâteau : Kung Fury se voit alors présenté lors de la Quinzaine de Réalisateurs où il reçoit un très bon accueil à la fois public et critique.
Dans ce parcours semé d’embuches, ce court-métrage fait figure d’exception, tant part son mode de production que par la façon dont il est distribué. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que Kung Fury est l’arbre qui cache la forêt (hantée). Il est loin d’être le seul du genre à s’inspirer de ces films à mauvaise réputation que l’on range négligemment dans la case « films Z ». On peut citer par exemple la série « Ninja Eliminator » (2009) ou le court métrage Le Réserviste de Mathieu Berthon. Signalons également les projections organisées par la Cinémathèque française lors des soirées Cinéma Bis ainsi que les projections « Pas de Pitié pour les Navets » qui ont lieu au Bar La Cantada à Paris.
Kung Fury est peut être l’un des seuls courts métrages à parvenir jusque sous les feux des projecteurs par un biais inédit : le crowdfunding, avec à la clef une diffusion de grande ampleur via internet. Réussissant à surfer sur la vague « retro-futuriste », « Kung Fury » parvient à toucher un large public via YouTube (où il est proposé gratuitement) tout en obtenant une certaine considération d’une partie de la critique.
Synopsis : Détective à la police de Miami et adepte des arts martiaux, Kung Fury entreprend un voyage dans le temps depuis les années 80 jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Son objectif : tuer Adolf Hitler, alias « Kung Führer », et venger son ami tué par le leader nazi. Un problème technique va le conduire jusqu’à l’époque Viking.
Genre : Fiction
Durée : 30’
Pays : Suède
Année : 2015
Réalisation : David Sandberg
Scénario : David Sandberg
Image : Jonas Ernhill, Martin Gärdemalm, Mattias Andersson
Son : Patrik Öberg
Montage : Nils Moström
Musique : Mitch Murder, Lost Years
Interprétation : David Sandberg, Leopold Nilsson, Eleni Young, Helene Ahlson, Jorma Taccone, Per-Henrik Arvidius
Synopsis : Comment une dictature se présente à ses touristes ? Quel récit, quels acteurs, quelle mise en scène mobilise-t-elle ? Tourisme International a été tourné comme la captation d’un spectacle à l’échelle d’un pays, la Corée du Nord. Musées, ateliers de peinture, studios de cinéma ou usine chimique nous sont présentés par des guides dont on n’entendra jamais les voix.
En décembre 2014, Format Court remettait son quatrième et dernier prix au festival du film de Vendôme, ce dernier ayant annoncé sa fermeture définitive en janvier 2015. Après « Pour la France » en 2013, « Le Monde à l’envers » en 2012 et « La Maladie blanche » en 2011, « Tourisme International », moyen-métrage d’une cinquantaine de minutes de Marie Voignier primé par notre jury, est l’une des dernières belles découvertes cinématographiques que la riche programmation de ce festival aura offertes.
Marie Voignier, cinéaste et vidéaste, ne rapporte pas de ses voyages des films de vacances banaux et dignes d’intérêt uniquement pour ses propres souvenirs. Bien au contraire. De son séjour en Corée du Nord, elle propose un documentaire militant et novateur, tant sur la forme que sur le fond. « Tourisme International » n’est pas un film de touriste mais un film sur le tourisme dans un pays en dictature. Le tourisme individuel en totale autonomie y étant interdit, les étrangers sont obligés de passer par une agence spécialisée pour organiser leur circuit et être accompagnés par un guide de l’État tout au long de leur voyage. Par l’intermédiaire de ce guide, le gouvernement peut alors transmettre l’image qu’il le souhaite de son pays. Marie Voignier a visité la Corée du Nord parmi l’un de ces groupes et livre un témoignage poignant, évidemment contraire à la majestueuse image du pays que les guides ont essayé de décrire.
Par un choix de montage, pas des plus simples mais des plus percutants, la réalisatrice critique les faits du gouvernement avec une justesse implacable. En effet, elle a décidé de couper le son et de ne postsynchroniser que les sons d’ambiance, oubliant ainsi volontairement les voix des guides. Ce procédé dérangeant souligne l’absence de sens réel de leurs propos et permet au spectateur de se concentrer uniquement sur l’arrière-plan. Seulement, quelques cartons le guident pour expliquer le contexte de la visite, mais la neutralité des cadrages et l’absence de commentaires de la part de la réalisatrice le laissent libre d’analyser lui-même les images et de tirer ses propres conclusions sur les conditions de voyage en Corée du Nord. Le film n’est probablement pas tourné intégralement en caméra cachée mais certaines images, régulièrement filmées à la taille, le sont certainement. Ces plans témoignent de la détermination de Marie Voignier à filmer, même lorsqu’elle ne devait pas en avoir la permission.
Il faut bien sur s’accrocher pour tenir presque une heure devant de tels longs plans fixes sans voix mais le propos de Marie Voigner est tellement saisissant que l’on ne peut qu’être captivé et sortir de ce moyen-métrage avec un nouveau regard sur notre époque et en particulier sur la Corée du Nord.
Ce jeudi 11 juin, à 20h30, notre dernière soirée Format Court de l’année aura lieu au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Pour l’occasion, nous rendons hommage au Festival de Vendôme dont la dernière édition a eu lieu en décembre 2014. Quatre films sélectionnés au dernier festival seront projetés sur grand écran, en présence d’Émilie Parey, déléguée générale du festival, Davy Chou (réalisateur de « Cambodge 2099») et Marie Voignier et Marie Vachette (réalisatrice et productrice de « Tourisme International », dernier Prix Format Court à Vendôme).
En guise de supers bonus, des dessins et croquis préparatoires relatifs aux deux films d’animation programmés seront exposés à l’entrée du cinéma et un verre offert ponctuera cette dernière soirée de l’année. Soyez au rendez-vous !
En pratique
– Jeudi 11 juin 2015, à 20h30, accueil : 20h. Durée de la séance : 92′
– Infos (programmation, synopsis, critiques, trailers, …) : ici !
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
– Entrée : 6,50 €
– Réservations vivement recommandées :soireesformatcourt@gmail.com
La 23ème édition du festival de courts métrages belges Le Court en dit long s’est tenue du 1er au 6 juin au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris. Pour la première fois, Format Court y attribuait un prix au sein de la compétition. Parmi les 44 films sélectionnés, le Jury Format Court (composé de Sylvain Angiboust, Katia Bayer, Juliàn Medrano Hoyos et Paola Casamarta) a choisi de récompenser « Kanun » de Sandra Fassio, un film noir impressionnant par la rigueur et la subtilité de son intrigue. Comme tous les bons films noirs, il tient de la tragédie dans sa façon de parler de la culpabilité et de la rédemption et de confronter les individus à des règles inflexibles qui les écrasent.
Le court-métrage primé bénéficiera d’un dossier spécial en ligne, sera programmé lors d’une prochaine séance Format Court au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). La réalisatrice bénéficiera également d’un DCP pour un prochain court doté par le laboratoire numérique Média Solution.
Kanun de Sandra Fassio (Fiction, 27′, Belgique, France, 2015, Helicotronc, Offshore).
Syn. : KANUN : code albanais ancestral, impitoyable. L’article 864 dit : Tu vengeras la mort d’un membre de la famille par la mort de l’assassin. Mais l’article 602 impose de respecter et protéger son invité comme son propre enfant. Et ce soir, Adil a accepté d’héberger Johan, un de ses hommes de main, alors que son fils ainé n’est pas encore rentré à la maison.
Parallèlement au prix, le Jury a souhaité décerner une mention à « Sœur Oyo » de Monique Mbeka Phoba pour sa représentation singulière du monde de l’enfance, sa description d’un passé méconnu ainsi que son ouverture sur l’imaginaire.
Syn. : Dans le Congo belge colonial des années 50, une écolière congolaise, Godelive, vit au pensionnat catholique de Mbanza-Mboma, première école en français pour congolaises. Elle s’y occidentalise, suivant le souhait de ses parents. Mais, le souvenir de sa grand-mère s’interpose…
Du 1er au 6 juin 2015, s’est tenue la 23ème édition du Festival Le Court en dit long au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris. La compétition comptait 44 courts métrages (co)produits en Wallonie et à Bruxelles. En voici le palmarès délivré par le Jury officiel (Olivia Bruynoghe, Justine Bruneau, Patrice Carré, Benoît Giros et Olivier Jahan) ainsi que les autres prix.
Palmarès
Grand Prix du Jury : Monstre de Delphine Girard (INSAS).
Prix de la Mise en Scène : Vertiges de Arnaud Dufeys (Replica Films).
Prix du Scénario : Elena de Marie Le Floc’h et Gabriel Pinto Monteiro (IAD).
Prix d’interprétation féminine : Lucie Debay dans Jung Forever de Jean-Sébastien Lopez (Les Passeurs de lumière, Artémis Productions).
Prix d’interprétation masculine : Olivier Bonjour dans Le Zombie au vélo de Christophe Bourdon (Les Films du Carré, CCA).
Mention spéciale à Damien Collet pour ses films La Demi-saison et Untitled-Figuration libre (Lentille Optique)
Mention Spéciale Animation : Les Pécheresses de Gerlando Infuso (Eklektik Productions).
Autres Prix
Prix du Public : Jung Forever de Jean-Sébastien Lopez (Les Passeurs de lumière, Artémis Proudctions).
Prix Coup de Cœur RTBF : Au moins le sais-tu d’Arthur Lecouturier (IAD).
Prix Coup de Cœur Be-TV : La Valse mécanique de Julien Dykmans (autoproduction).
Prix Format Court : Kanun de Sandra Fassio (Helicotronc, Offshore).
Mention spéciale Format Court : Soeur Oyo de Monique Mbeka Phoba (Rumbacom).
Synopsis : Fré est un adolescent déchiré entre deux mondes, celui de sa famille aisée et conservatrice et celui de ses amis des banlieues. Il réussit à garder ces deux mondes séparés, jusqu’au jour ou il tombe amoureux.
En sélection officielle, cette année, au Festival de Cannes, « Copain », des frères Roosens traite de la difficulté adolescente de se construire. Après un premier court métrage, « Rotkop », centré sur le quotidien difficile d’un jeune garçon, malmené par ses camarades, ce deuxième film a pour sujet la double vie d’un adolescent, écartelé entre une vie familiale douloureuse et des amis avec lesquels il n’est pas tour à fait sincère.
Les réalisateurs nous invitent à découvrir le quotidien de Fré, un jeune homme issu d’une famille bourgeoise et conservatrice au sein de laquelle il ne trouve plus sa place. Fuyant ce foyer endeuillé par le décès de son frère aîné, l’adolescent passe le plus clair de son temps à vadrouiller avec un groupe de jeunes issus des quartiers populaires. Avec eux, il oublie son quotidien en jouant à être un autre. Le film dévoile la vie de ce jeune homme qui s’évertue à instaurer une barrière imperméable entre sa famille, son passé et ses nouvelles fréquentations.
Le film démarre par une course, joyeuse et effrénée, dans les escaliers d’un immeuble désert. L’humeur est joueuse, faite de rires et de bousculades. Puis, la nuit arrive et l’atmosphère se fait de plus en plus sombre, Fre enfourche sa bicyclette pour rentrer chez lui. À son arrivée, la maison est vide, son regard s’arrête sur une chambre invariablement vide aussi – on devine qu’il s’agit de celle de son aîné – sur des fleurs semi-fanées, des photographies de famille. Le climat est de plus en plus pesant quand vient l’heure du dîner, la lumière s’affaiblit, les bruits de couverts raclent dans les assiettes. Le jeune homme, les yeux rivés vers la table, reste silencieux. À l’issue de cette scène, il plonge dans la piscine pour ressortir en plein jour, dans un lac, entouré de ses amis. L’alternance de scènes diurnes, au cours desquelles il semble vivre le quotidien normal d’un adolescent de son âge, et nocturne ou fuyant les regards, il s’efface et paraît perpétuellement vouloir fuir, renforce l’idée de mur dressé entre ces deux volets distincts de son quotidien.
Tout sera sur le point de changer lorsqu’il tombe amoureux de la fille de sa bande. Elle lui révèle un secret, il vent se livrer aussi et l’entraîne, à travers la foret, pour lui montrer où il vit. Pourtant, l’arrivée impromptue de ses parents va venir contrarier la fin que l’on voyait se dessiner. Les frères Roosens nous livrent au final un film sur les apparences et retranscrivent avec brio l’écartèlement d’un jeune homme tiraillé entre un quotidien familial trop pesant et une vie sociale faite de mensonges lourds à assumer.