I Know You Can Hear Me de Miguel Fonseca

Prix Format Court du Meilleur Film dans la catégorie OVNI (objet visuel non identifié), I Know You Can Hear Me est un véritable tour de force. A partir d’une double citation, Miguel Fonseca déploie une narration neuve et non tributaire de ses composantes initiales drôlement antinomiques : l’ “action hero”-isme américain des années 80 et le haut Romantisme de Chopin.

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Les deux premières études du maître polonais (op. 10 nos. 1 et 2) encadrent des scènes de « First Blood » (Rambo I) de Ted Kotcheff : courses-poursuites avec un chien de chasse, explosions dans la forêt et des stations-services, fusillades urbaines… Les images choisies sont chaqune totalement dépourvues de présence humaine au point d’être méconnaissables : on ne se rend compte de la source des séquences que lors du générique final. Le travail de l’image se veut brut et le réalisateur laisse les bruits de fond de la bande-son originale ainsi que des bribes de dialogue limite compréhensibles interférer avec la musique de Chopin. Celle-ci offre un écho au dualisme entre les images de violence et les idylles verdoyantes. La première étude (communément baptisée “Cascade”) est sulfureuse et écrasante, le virtuose primant de loin sur l’expressif, tout comme la mise en scène spectaculaire prime sur la narration dans l’image. La deuxième pièce, en revanche, est plus douce, basée sur une mélodie chromatique frénétique. Deux facettes qui définissent parfaitement le dilemme romantique entre l’artiste tourmenté, à la fois rêveur et révolutionnaire, poussé jusqu’au bout par les compositeurs du XIXe siècle (notamment Schumann qui était déchiré entre la persona du Florestan explosif et celle de l’Eusebius docile).

Improbable donc à première vue, le lien entre l’image rambo-esque et la musique chopinesque apparait graduellement plus plausible. Après tout, ne pourrait-il pas s’agir de deux faces de la même médaille? Ne pourrait-on pas percevoir une continuité logique entre le Romantisme humaniste du XIXe, le Rêve américain du XXe et finalement l’héroïsme extrême qui a rendu la société d’Oncle Sam humanicide et corrompu le cinéma américain depuis tant de décennies? Partant de cette idée, on pourrait effectivement voir dans « I Know You Can Hear Me », comme dit le sous-titre de Fonseca,  “un film d’amour dans un film de guerre”.

Adi Chesson

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