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K comme Kung Fury

Fiche technique

Synopsis : Détective à la police de Miami et adepte des arts martiaux, Kung Fury entreprend un voyage dans le temps depuis les années 80 jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Son objectif : tuer Adolf Hitler, alias « Kung Führer », et venger son ami tué par le leader nazi. Un problème technique va le conduire jusqu’à l’époque Viking.

Genre : Fiction

Durée : 30’

Pays : Suède

Année : 2015

Réalisation : David Sandberg

Scénario : David Sandberg

Image : Jonas Ernhill, Martin Gärdemalm, Mattias Andersson

Son : Patrik Öberg

Montage : Nils Moström

Musique : Mitch Murder, Lost Years

Interprétation : David Sandberg, Leopold Nilsson, Eleni Young, Helene Ahlson, Jorma Taccone, Per-Henrik Arvidius

Production : Laser Unicorns Productions

Article associé : la critique du film

T comme Tourisme International

Fiche technique

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Synopsis : Comment une dictature se présente à ses touristes ? Quel récit, quels acteurs, quelle mise en scène mobilise-t-elle ? Tourisme International a été tourné comme la captation d’un spectacle à l’échelle d’un pays, la Corée du Nord. Musées, ateliers de peinture, studios de cinéma ou usine chimique nous sont présentés par des guides dont on n’entendra jamais les voix.

Genre : Documentaire

Durée : 48′

Pays : France

Année : 2014

Réalisation : Marie Voignier

Image, montage : Marie Voignier

Son : Thomas Fourel

Production : Bonjour Cinéma

Article associé : la critique  du film

Tourisme International de Marie Voignier

En décembre 2014, Format Court remettait son quatrième et dernier prix au festival du film de Vendôme, ce dernier ayant annoncé sa fermeture définitive en janvier 2015. Après « Pour la France » en 2013, « Le Monde à l’envers » en 2012 et « La Maladie blanche » en 2011, « Tourisme International », moyen-métrage d’une cinquantaine de minutes de Marie Voignier primé par notre jury, est l’une des dernières belles découvertes cinématographiques que la riche programmation de ce festival aura offertes.

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Marie Voignier, cinéaste et vidéaste, ne rapporte pas de ses voyages des films de vacances banaux et dignes d’intérêt uniquement pour ses propres souvenirs. Bien au contraire. De son séjour en Corée du Nord, elle propose un documentaire militant et novateur, tant sur la forme que sur le fond. « Tourisme International » n’est pas un film de touriste mais un film sur le tourisme dans un pays en dictature. Le tourisme individuel en totale autonomie y étant interdit, les étrangers sont obligés de passer par une agence spécialisée pour organiser leur circuit et être accompagnés par un guide de l’État tout au long de leur voyage. Par l’intermédiaire de ce guide, le gouvernement peut alors transmettre l’image qu’il le souhaite de son pays. Marie Voignier a visité la Corée du Nord parmi l’un de ces groupes et livre un témoignage poignant, évidemment contraire à la majestueuse image du pays que les guides ont essayé de décrire.

Par un choix de montage, pas des plus simples mais des plus percutants, la réalisatrice critique les faits du gouvernement avec une justesse implacable. En effet, elle a décidé de couper le son et de ne postsynchroniser que les sons d’ambiance, oubliant ainsi volontairement les voix des guides. Ce procédé dérangeant souligne l’absence de sens réel de leurs propos et permet au spectateur de se concentrer uniquement sur l’arrière-plan. Seulement, quelques cartons le guident pour expliquer le contexte de la visite, mais la neutralité des cadrages et l’absence de commentaires de la part de la réalisatrice le laissent libre d’analyser lui-même les images et de tirer ses propres conclusions sur les conditions de voyage en Corée du Nord. Le film n’est probablement pas tourné intégralement en caméra cachée mais certaines images, régulièrement filmées à la taille, le sont certainement. Ces plans témoignent de la détermination de Marie Voignier à filmer, même lorsqu’elle ne devait pas en avoir la permission.

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Il faut bien sur s’accrocher pour tenir presque une heure devant de tels longs plans fixes sans voix mais le propos de Marie Voigner est tellement saisissant que l’on ne peut qu’être captivé et sortir de ce moyen-métrage avec un nouveau regard sur notre époque et en particulier sur la Corée du Nord.

Zoé Libault

Consultez la fiche technique du film

Rappel. Dernière Soirée Format Court de l’année, spéciale Vendôme, ce jeudi 11 juin !

Ce jeudi 11 juin, à 20h30, notre dernière soirée Format Court de l’année aura lieu au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Pour l’occasion, nous rendons hommage au Festival de Vendôme dont la dernière édition a eu lieu en décembre 2014. Quatre films sélectionnés au dernier festival seront projetés sur grand écran, en présence d’Émilie Parey, déléguée générale du festival, Davy Chou (réalisateur de « Cambodge 2099») et Marie Voignier et Marie Vachette (réalisatrice et productrice de « Tourisme International », dernier Prix Format Court à Vendôme).

En guise de supers bonus, des dessins et croquis préparatoires  relatifs aux deux films d’animation programmés seront exposés à l’entrée du cinéma et un verre offert ponctuera cette dernière soirée de l’année. Soyez au rendez-vous !

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En pratique

– Jeudi 11 juin 2015, à 20h30, accueil : 20h. Durée de la séance : 92′
– Infos (programmation, synopsis, critiques, trailers, …) : ici !
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Kanun de Sandra Fassio, Prix Format Court au Court en dit long !

La 23ème édition du festival de courts métrages belges Le Court en dit long s’est tenue du 1er au 6 juin au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris. Pour la première fois, Format Court y attribuait un prix au sein de la compétition. Parmi les 44 films sélectionnés, le Jury Format Court (composé de Sylvain Angiboust, Katia Bayer, Juliàn Medrano Hoyos et Paola Casamarta) a choisi de récompenser « Kanun » de Sandra Fassio, un film noir impressionnant par la rigueur et la subtilité de son intrigue. Comme tous les bons films noirs, il tient de la tragédie dans sa façon de parler de la culpabilité et de la rédemption et de confronter les individus à des règles inflexibles qui les écrasent.

Le court-métrage primé bénéficiera d’un dossier spécial en ligne, sera programmé lors d’une prochaine séance Format Court au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). La réalisatrice bénéficiera également d’un DCP pour un prochain court doté par le laboratoire numérique Média Solution.

Kanun de Sandra Fassio (Fiction, 27′, Belgique, France, 2015, Helicotronc, Offshore).

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Syn. : KANUN : code albanais ancestral, impitoyable. L’article 864 dit : Tu vengeras la mort d’un membre de la famille par la mort de l’assassin. Mais l’article 602 impose de respecter et protéger son invité comme son propre enfant. Et ce soir, Adil a accepté d’héberger Johan, un de ses hommes de main, alors que son fils ainé n’est pas encore rentré à la maison.

Parallèlement au prix, le Jury a souhaité décerner une mention à « Sœur Oyo » de Monique Mbeka Phoba pour sa représentation singulière du monde de l’enfance, sa description d’un passé méconnu ainsi que son ouverture sur l’imaginaire.

Soeur Oyo de Monique Mbeka Phoba (Fiction ,23′, Belgique, 2014, Rumbacom)

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Syn. : Dans le Congo belge colonial des années 50, une écolière congolaise, Godelive, vit au pensionnat catholique de Mbanza-Mboma, première école en français pour congolaises. Elle s’y occidentalise, suivant le souhait de ses parents. Mais, le souvenir de sa grand-mère s’interpose…

Consulter le palmarès entier du festival Le Court en dit long

Le Court en dit long, le 23ème palmarès

Du 1er au 6 juin 2015, s’est tenue la 23ème édition du Festival Le Court en dit long au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris. La compétition comptait 44 courts métrages (co)produits en Wallonie et à Bruxelles. En voici le palmarès délivré par le Jury officiel (Olivia Bruynoghe, Justine Bruneau, Patrice Carré, Benoît Giros et Olivier Jahan) ainsi que les autres prix.

Palmarès

Grand Prix du Jury : Monstre de Delphine Girard (INSAS).

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Prix de la Mise en Scène : Vertiges de Arnaud Dufeys (Replica Films).

Prix du Scénario : Elena de Marie Le Floc’h et Gabriel Pinto Monteiro (IAD).

Prix d’interprétation féminine : Lucie Debay dans Jung Forever de Jean-Sébastien Lopez (Les Passeurs de lumière, Artémis Productions).

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Prix d’interprétation masculine : Olivier Bonjour dans Le Zombie au vélo de Christophe Bourdon (Les Films du Carré, CCA).

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Mention spéciale à Damien Collet pour ses films La Demi-saison et Untitled-Figuration libre (Lentille Optique)

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Mention Spéciale Animation : Les Pécheresses de Gerlando Infuso (Eklektik Productions).

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Autres Prix

Prix du Public : Jung Forever de Jean-Sébastien Lopez (Les Passeurs de lumière, Artémis Proudctions).

Prix Coup de Cœur RTBF : Au moins le sais-tu d’Arthur Lecouturier (IAD).

Prix Coup de Cœur Be-TV : La Valse mécanique de Julien Dykmans (autoproduction).

Prix Format Court : Kanun de Sandra Fassio (Helicotronc, Offshore).

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Mention spéciale Format Court : Soeur Oyo de Monique Mbeka Phoba (Rumbacom).

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C comme Copain

Fiche technique

Synopsis : Fré est un adolescent déchiré entre deux mondes, celui de sa famille aisée et conservatrice et celui de ses amis des banlieues. Il réussit à garder ces deux mondes séparés, jusqu’au jour ou il tombe amoureux.

Genre : Fiction

Durée : 15’

Pays : Belgique

Année : 2015

Réalisation : Jan et Raf Roosens

Scénario : Sanne Nuyens, Bert Van Dael

Musique : Raf Keunen

Production : Rococo

Article associé : la critique du film

Copain de Jan et Raf Roosens

En sélection officielle, cette année, au Festival de Cannes, « Copain », des frères Roosens traite de la difficulté adolescente de se construire. Après un premier court métrage, « Rotkop », centré sur le quotidien difficile d’un jeune garçon, malmené par ses camarades, ce deuxième film a pour sujet la double vie d’un adolescent, écartelé entre une vie familiale douloureuse et des amis avec lesquels il n’est pas tour à fait sincère.

Les réalisateurs nous invitent à découvrir le quotidien de Fré, un jeune homme issu d’une famille bourgeoise et conservatrice au sein de laquelle il ne trouve plus sa place. Fuyant ce foyer endeuillé par le décès de son frère aîné, l’adolescent passe le plus clair de son temps à vadrouiller avec un groupe de jeunes issus des quartiers populaires. Avec eux, il oublie son quotidien en jouant à être un autre. Le film dévoile la vie de ce jeune homme qui s’évertue à instaurer une barrière imperméable entre sa famille, son passé et ses nouvelles fréquentations.

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Le film démarre par une course, joyeuse et effrénée, dans les escaliers d’un immeuble désert. L’humeur est joueuse, faite de rires et de bousculades. Puis, la nuit arrive et l’atmosphère se fait de plus en plus sombre, Fre enfourche sa bicyclette pour rentrer chez lui. À son arrivée, la maison est vide, son regard s’arrête sur une chambre invariablement vide aussi – on devine qu’il s’agit de celle de son aîné – sur des fleurs semi-fanées, des photographies de famille. Le climat est de plus en plus pesant quand vient l’heure du dîner, la lumière s’affaiblit, les bruits de couverts raclent dans les assiettes. Le jeune homme, les yeux rivés vers la table, reste silencieux. À l’issue de cette scène, il plonge dans la piscine pour ressortir en plein jour, dans un lac, entouré de ses amis. L’alternance de scènes diurnes, au cours desquelles il semble vivre le quotidien normal d’un adolescent de son âge, et nocturne ou fuyant les regards, il s’efface et paraît perpétuellement vouloir fuir, renforce l’idée de mur dressé entre ces deux volets distincts de son quotidien.

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Tout sera sur le point de changer lorsqu’il tombe amoureux de la fille de sa bande. Elle lui révèle un secret, il vent se livrer aussi et l’entraîne, à travers la foret, pour lui montrer où il vit. Pourtant, l’arrivée impromptue de ses parents va venir contrarier la fin que l’on voyait se dessiner. Les frères Roosens nous livrent au final un film sur les apparences et retranscrivent avec brio l’écartèlement d’un jeune homme tiraillé entre un quotidien familial trop pesant et une vie sociale faite de mensonges lourds à assumer.

Paola Casamarta

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Leonardo Brzezicki, Prix Format Court au festival IndieLisboa 2015

Toujours en quête de (bons) films venus d’ailleurs, Format Court a attribué pour la première fois un Prix Format Court à l’occasion de la dernière édition du festival IndieLisboa. La toute nouvelle section « Silvestre », regroupant des films à part et inattendus réalisés par de jeunes auteurs comme des cinéastes établis, contenait, parmi de nombreuses propositions, une curieuse pépite, un film à part, à la croisée des genres, drôle et mélancolique à la fois, traitant de l’amour, de la vie, de l’absurde, des rêves mais aussi des ruptures. Un film dans lequel on chante, on dit des choses insensées, on se cogne contre les poteaux, on aime (ou pas) l’art contemporain, on continue (ou pas) à jouer au tennis et à se lever le matin et où les chats ont (ou pas) trois yeux dans la nuit noire.

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« The Mad Half Hour » de Leonardo Brzezicki, un film dano-argentin, a réussi à séduire notre jury  et est vu attribuer notre Prix Format Court, une récompense que nous souhaitons associer à l’originalité, au talent et à la perception d’autres bons films, courts ou longs.

Dans le cadre du Prix Format Court, le film a été projeté le jeudi 14 mai dernier au Studio des Ursulines (Paris, 5è) lors d’une séance spéciale consacrée à quatre Prix Format Court (attribués à Angers, Brive, Go Short et IndieLisboa). Déjà auteur d’un long-métrage (« Noche »), Leonardo Brzezicki bénéficie également d’un DCP pour un prochain projet de court, doté par notre partenaire, le laboratoire numérique Média Solution. Cela tombe bien, le court intéresse et inspire cet auteur marqué par les relations humaines et les nouvelles histoires.

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Retrouvez dans ce dossier spécial :

– La critique du film

– L’interview de Leonardo Brzezicki

Leonardo Brzezicki : « Quel est l’intérêt de faire un film si on n’essaie pas d’offrir de nouvelles perspectives par rapport à ce qui a déjà été fait ? »

Lauréat du premier Prix Format Court à IndieLisboa et sélectionné au préalable à la dernière Berlinale, « The Mad Half Hour » est un court-métrage, noir, drôle, argentin, blanc, mélancolique et danois, réalisé par un ancien comédien, Leonardo Brzezicki, déjà auteur d’un long-métrage, « Noche », bien repéré sur la scène festivalière. En amont de la projection de son film que nous avons organisée en mai à Paris, nous avons rencontré Leonardo Brzezicki à Lisbonne pour un entretien autour du court, des non-professionnels, du cinéma français et des difficultés à se forger une filmographie en Argentine.

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Format Court : Ton film, « The Mad Half Hour » se présente comme une co-production entre le Danemark et l’Argentine. Quel est l’apport de chaque pays et ton lien avec Gudmundur Arnar Gudmundsson (ndrl. réalisateur de « Whale Valley » et « Artùn ») sur ce projet ?

Leonardo Brzezicki : Avec Gudmundur, on s’est rencontré lors du festival CPH : DOX, à Copenhague. Il y existe un programme, le « CPH : LAB », qui consiste à inviter des réalisateurs du monde entier à Copenhague pour participer à une sorte de labo pendant huit jours. Gudmundur et moi avons été choisis pour faire un film ensemble. Malheureusement à cette époque, il était sur le montage de son dernier film et venait de rentrer à la Résidence de Cannes, il n’avait donc pas beaucoup de temps pour s’investir dans ce programme. Je ne voulais pas postposer le projet un an plus tard car je suis pris par l’écriture d’un long, nous avons décidé ensemble que j’écrirais et réaliserais le film quand même et qu’il ferait figure de producteur exécutif. C’est comme ça qu’est né « The Mad Half Hour ». En fait, l’argent et la production viennent du Danemark mais le film a été tourné en Argentine, c’est pourquoi c’est un film dano-argentin.

Parfois, sur des co-réalisations, il y a des conflits d’idées. Parfois ça marche, parfois pas. Mes différentes expériences de co-réalisation ont été différentes en fonction du réalisateur sur lequel je suis tombé. Avec Gudmundur, nous nous sommes très bien entendus. Nous avons échangé quelques idées au départ, puis tout s’est passé très vite, il n’avait plus le temps et j’ai fini le film tout seul.

L’univers des films de Gudmundur est très différent du tien. As-tu une idée de la raison pour laquelle vous êtes-vous retrouvés ensemble sur ce projet ?

L.B. : Je ne sais pas. C’est comme un couple, plein de mystères. C’est peut-être lié au fait que mon précédent long-métrage, « Noche », parlait de dépression et de suicide. C’est l’histoire d’un groupe de six amis qui se rendent chez un homme qui s’était auparavant tué chez lui. Cet homme était designer sonore et a laissé derrière lui tous les sons sur lesquels il travaillait. Les jeunes se mettent à écouter les enregistrements et entrent dans une étrange ambiance de deuil et de réalité subjective. Hormis cela, je ne vois vraiment aucun lien entre mon travail et celui de Gudmundur.

Peux-tu me parler de toi et de ce que tu as fait avant ce court-métrage ?

L.B. : J’ai étudié le théâtre dramatique et le cinéma en même temps. Quand je suis sorti de l’école de cinéma, j’ai plus trouvé des emplois d’acteurs. J’ai enchainé les rôles, aussi bien au théâtre qu’au cinéma, dans des longs comme dans des courts. Au bout d’un moment, j’en ai eu assez. J’ai joué dans un film américain dont je n’aimais pas du tout le scenario. Je réécrivais les pages du scénario tous les matins et je me suis dis que je ne voulais plus faire ça, que je voulais juste faire mes propres films.

Toutefois, en Argentine c’est très difficile de faire son premier film. La différence est très forte entre les réalisateurs qui ont de l’argent et ceux qui n’en ont pas. Moi, je fais partie de la deuxième catégorie. J’ai donc pris deux ans pour faire mon premier film tout en travaillant comme serveur pour économiser de l’argent. J’ai donc fait mon premier film, un long, comme ça, avec mon propre argent.

Il n’y a aucune aide de la part de l’État argentin ?

L.B. : Il n’y a pas d’aide au développement et puis, c’est difficile d’obtenir une aide quand tu n’es pas connu. En plus, le type de film que je voulais faire n’aurait pas tellement intéressé les fonds d’aide. C’était un film très personnel, basé sur ma propre expérience. Je voulais dresser le portrait d’un état émotionnel et le film ne suivait pas du tout un scénario classique. Celui-ci était plus libre, plus ouvert. Le film a gagné au LAB films de Rotterdam, ce qui nous a permis de le finir et de payer tout le monde.

Aujourd’hui, je travaille sur un scénario bien plus narratif et j’ai besoin de plus d’argent. La situation est de plus en plus difficile en Argentine pour les longs-métrages car il y a moins de moins en moins d’argent pour le cinéma. La majorité des films réalisés en Argentine ne sortent pas ou s’ils sortent, ils ne restent pas plus d’une semaine à l’affiche. Personne ne va au cinéma.

Pourquoi es-tu passé du long au court-métrage ? Est-ce que cela te paraissait plus simple ?

L.B. : En fait, avec l’argent de programme danois, j’aurais pu faire aussi bien un long qu’un court, mais depuis le début, on s’est mis d’accord avec Gudmundur qu’on ferait un court-métrage. Je souhaite faire mon propre long avec d’avantage d’argent et de temps.

Qu’as-tu voulu raconter dans ton film ?

L.B. : Je commence toujours par une image, après une chose en entraîne une autre. J’avais l’image de ce garçon qui voulait soudainement arrêter de jouer au tennis, je voulais aussi explorer les rôles que chacun joue dans une relation amoureuse sous différents angles, fantaisiste, fantastique, absurde et existentialiste.

Le film emprunte différentes directions. La première partie est absurde et très drôle tandis que la deuxième adopte un côté plus sombre.

L.B. : Oui, sombre et incertaine. Je voulais finir le film avec un sentiment d’incertitude. J’ai le sentiment que parfois dans les relations amoureuses, on oublie ce qu’on veut vraiment, ce que chacun désire et qu’on est seulement obnubilé par l’amour.

C’est marrant mais je pense qu’au fond, le film est très mélancolique. Je ne voulais pas explorer ces sentiments sérieusement mais en même temps, il y a toujours une certaine forme de mélancolie dans mon travail, même quand j’essaie d’être drôle.

Mon prochain projet parlera d’amour aussi, mais je vais traiter d’une relation plus complexe, celle de deux hommes ayant une fille. Il s’agira d’un long-métrage, ce sera donc différent. Ce que je souhaite le plus en faisant du cinéma, c’est de pouvoir offrir un nouveau point de vue sur un sujet. Quel est l’intérêt de faire un film si on n’essaie pas d’offrir de nouvelles perspectives par rapport à ce qui a déjà été fait ?

Sur « The Mad of the Hour », tu as travaillé avec des non-professionnels. Comment s’est passée la direction d’acteurs ?

L.B. : C’était génial ! J’ai choisi ces personnes parce qu’elles possédaient en elles les qualités que je cherchais, leur jeu était donc très naturel. Ma nièce, par exemple, joue dans mon film. Elle n’est pas actrice, elle n’avait jamais joué avant. Le casting est l’élément le plus important pour moi. Pour mes prochains projets, j’investirai d’ailleurs plus de d’ailleurs dans le casting.

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L.B. : À quoi ressemble le scénario de ton film ? Est-il très écrit ou as-tu laissé une grande part à l’improvisation ?

C’était écrit, il n’y avait pas d’improvisation. Les scènes étaient écrites mais en rediscutant avec les acteurs, je les ai réécrites en fonction de leurs remarques.

Tes références de films sont-elles plutôt européennes ou américaines ? Où vois-tu les films ? Sortent-ils en Argentine ?

L.B. : Les films ne sortent pas mais je vais les voir à la Cinémathèque et je les télécharge. Je suis un grand fan des films français. Ceux-ci offrent vraiment des nouveaux regards, notamment sur les relations humaines. J’adore les dialogues et la manière dont les acteurs jouent. Ils jouent beaucoup sur les émotions mais en même temps, il est possible de percevoir l’artifice de leur jeu. Ce n’est pas la réalité, on sent un réalisateur derrière. Je pense que ce que j’aime aussi dans le cinéma français, c’est que généralement ce ne sont pas des films à gros budgets. Ils ne sont pas loin de mon univers et de moi-même.

Tu as produit « Noche » et « The Mad Half Hour », tu travailles fréquemment avec des amis. Comment perçois-tu l’étape supérieure, la professionnelle, associée au long-métrage ?

L.B. : Les gens avec qui je travaille sont des professionnels et je n’ai pas tellement envie de changer mon style de production. J’aimerais avoir plus d’argent pour développer et faire des films, mais je ne sais pas si je suis fait pour en avoir trop car ça pourrait changer le type de film que j’aime faire. De plus, je pense que vraiment profitable de travailler avec la même équipe car on se connaît de plus en plus et on arrive à un point où on n’a même plus besoin de se parler pour se comprendre.

Aujourd’hui, tu prépare un long-métrage, penses-tu revenir un jour au court-métrage ?

L.B. : Faire du cinéma, c’est super mais un court n’est pas plus facile qu’un long. Faire un film pour moi, c’est faire un film. C’est pareil.

Propos recueillis par Katia Bayer. Retranscription : Sukriti Syal. Traduction : Zoé Libault

Article associé : la critique du film

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Concours : 10 places à gagner pour la reprise des courts de la Semaine de la Critique à la Cinémathèque

Comme tous les ans, la Cinémathèque reprend la sélection (courts et longs métrages) de la Semaine de la critique du Festival de Cannes. Pour accompagner cette reprise et vous permettre de voir les courts de Cannes, nous vous offrons 5 places pour chaque séance de courts métrages prévues le weekend prochain. Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

Programme de courts métrages 1 : samedi 6 Juin 2015 – 17h30

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Too Cool for School de Kevin Philips/Etats-Unis/2014/11′
Boys (Pojkarna) de Isabella Carbonell/Suède/2014/19′
Varicella de Fulvio Risuleo/Italie/2014/14′. Prix Découverte Sony CineAlta
Le Renard exploite la force du tigre (The Fox exploits the Tiger’s Might) de Lucky Kuswa/Indonésie/2014/25′
La Fin du dragon de Marina Diaby/France/2014/26′

Programme de courts-métrages 2  : dimanche 7 juin 2014 – 14h30

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Jeunesse des loups garous de Yann Delattre/France/2014/22′
Love Comes Later de Sonejuhi Sinha/Etats-Unis/2014/10′
Command Action de João Paulo Miranda Maria/Brésil/2014/14′
Alles wird gut de Patrick Vollrath/Allemagne-Autriche/2014/30′
Ramona de Andrei Cretulescu/Roumanie/2014/20′. Prix Canal +

Coup de pouce DCP, le premier prix offert par Média Solution

Afin de donner plus de visibilité aux jeunes talents du court métrage francophone, le laboratoire numérique Média Solution, le partenaire de nos Prix Format Court, a lancé en mars dernier le Coup de pouce DCP.

Le principe de ce concours est simple : permettre à un réalisateur ou une réalisatrice de voir son court-métrage diffusé en salle de cinéma et en festival en lui offrant le DCP de son film (encodage au format Cinéma Numérique).

Mourir oui mais au son des violons

Jeudi 28 mai 2015, un jury de professionnels s’est réuni au siège parisien de Média Solution pour visionner et départager les films en lice pour la finale de la première édition du Coup de pouce DCP.

Parmi les 45 films reçus, le jury a décidé de récompenser « Mourir, oui mais au son des violons tsiganes » d’Isabelle Montoya. La réalisatrice remporte ainsi un encodage DCP de son film, offert par Média Solution.

Pour en savoir plus : http://mediasolution.fr/blog/

La prochaine édition du Coup de Pouce DCP aura lieu du 26 juin au 31 août avec délibération du jury le 24 septembre 2015.

Séquence court-métrage, appel à films

Du 18 au 22 novembre 2015, le festival Séquence court-métrage fêtera sa 24ème édition à Toulouse et en région Midi-Pyrénées à travers 5 jours de temps forts à travers des compétitions internationales et programmes thématiques, des rencontres, et une nuit du court métrage.

Via une formule singulière, l’association propose en amont 3 phases de présélections pendant l’année. 18 films sont ainsi soumis aux votes pour concourir aux finales du Prix du Public et du Jury pendant le festival.

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L’appel à films (fictions, animations et documentaires terminés après janvier 2013, d’une durée maximum de 25 minutes) est ouvert jusqu’au 3 juillet 2015 sur filmfestplatform.com. Les formats acceptés sont le DCP de préférence, le Blu-Ray ou le DVD le cas échéant.

Pour plus d’informations sur le festival :
www.sequence-court.com
www.facebook.com/sequence.court

Prochaine Soirée Format Court, spéciale Vendôme !

Notre dernière soirée Format Court de l’année, organisée le jeudi 11 juin à 20h30 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), est consacrée au Festival de Vendôme, une manifestation de premier plan ayant malheureusement disparu en janvier dernier après 23 ans de bons et loyaux services en faveur du cinéma français et européen de qualité.

Partenaires du festival depuis plusieurs années, nous y avons attribué 4 Prix Format Court dont nous vous proposons de découvrir le dernier lauréat, « Tourisme International » de Marie Voignier, accompagné de 3 autres films sélectionnés à la dernière édition de Vendôme.

À l’occasion de cette séance, venez rencontrer Émilie Parey, la déléguée générale du festival et deux équipes de films, et découvrir non pas une mais deux expositions de dessins et croquis préparatoires organisées autour des films d’animation programmés. En guise de bonus sympa, la séance sera suivie d’un verre offert.

Programmation

Tourisme International de Marie Voignier (France, Documentaire, 48′, 2014, Bonjour Cinéma). Prix Format Court, Festival de Vendôme 2014. En présence de l’équipe

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Syn : Comment une dictature se présente à ses touristes ? Quel récit, quels acteurs, quelle mise en scène mobilise-t-elle ? Tourisme International a été tourné comme la captation d’un spectacle à l’échelle d’un pays, la Corée du Nord. Musées, ateliers de peinture, studios de cinéma ou usine chimique nous sont présentés par des guides dont on n’entendra jamais les voix.

Article associé : la critique  du film

Beach Flags de Sarah Saïdan (Animation, 13′, France, 2014, Sacrebleu, Folimage). Prix du meilleur film au Festival Anime Award de Tokyo 2015

Syn. : Vida est une jeune nageuse sauveteuse iranienne. Favorite dans son équipe, elle est décidée à se battre pour décrocher une place dans une compétition internationale en Australie. Mais, avec l’arrivée de Sareh, aussi rapide et talentueuse qu’elle, elle va être confrontée à une situation inattendue.

Article associé : la critique du film

Cambodge 2099 de Davy Chou (Fiction, France, 21′, 2014, Vycky Films). Grand PrixFestival de Vendôme 2015, Sélection à la Quinzaine des Réalisateurs 2014. En présence du réalisateur

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Syn. : Phnom Penh, Cambodge. Sur Diamond Island, joyau de modernité du pays, deux amis se racontent les rêves qu’ils ont faits la veille.

Article associé : la critique du film

Oripeaux de Sonia Gerbeaud et Mathias Panafieu (Animation, 10′, France, 25 Films, Ambiances…asbl). Sélection aux festivals d’Annecy et de Clermont-Ferrand 2014

Syn : Dans un village isolé, une petite fille se lie d’amitié avec une meute de coyotes. Les villageois mettent brutalement fin à cette relation sans se douter du soulèvement qui les guette.

En pratique

– Jeudi 11 juin 2015, à 20h30, accueil : 20h. Durée de la séance : 92′
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com
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Cinéma de poche/Cinémathèque : reprise de la Cinéfondation 2015 aujourd’hui et demain

Cannes, encore…  Aujourd’hui et demain soir, la Cinéfondation, la section consacrée aux films d’écoles, débarque à la Cinémathèque française au détour du cycle Cinéma de poche. L’occasion de découvrir les films des réalisateurs sélectionnés cette année, en présence de Georges Goldenstern et Dimitra Karya (représentants de la Cinéfondation).

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Programmes détaillés ici : http://www.cinematheque.fr/fr/dans-salles/rendez-vous-reguliers/fiche-cycle/cinema-poche-2014-2015,606.html

Tarifs : 6€50 Plein tarif, 5€50 Tarif réduit, 3€ pour les moins de 18 ans. 4€50 avec le Forfait Atout Prix.

Entrée libre avec le Libre Pass

Maureen Fazendeiro : « Comment rend-t-on visible la mémoire d’une vie entière ? »

De la danse au cinéma en passant par la distribution ou l’édition, Maureen Fazendeiro est une grande voyageuse de cinéma. Elle nous livre un premier film, « Motu Maeva », qui est lui-même un voyage, celui d’une passagère du siècle. Entre deux aller-retours portugais où elle travaille avec Miguel Gomes, elle revient pour Format Court, sur son film qui a remporté le Grand Prix Europe au dernier Festival de Brive.

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Tu travailles dans le cinéma depuis un moment et « Motu Maeva » est ton premier film. Quel fut le déclic pour faire de Sonja André ton personnage principal ?

Maureen Fazendeiro : Pour une raison très simple : Sonja est très âgée et je me suis dit que ses histoires allaient disparaître avec elle sans laisser de traces. Personne d’autre que moi n’allait les connaître si je ne faisais pas quelque chose maintenant. Ça a été impulsif quand j’ai décidé de faire ce film. J’ai senti qu’il fallait le faire à cette étape de mon désir de cinéma tout autant que pour elle.

Comment as-tu rencontré Sonja ?

Je connaissais Sonja depuis longtemps, et cela faisait des années que j’allais dans son jardin en Bourgogne, celui qu’on voit dans le film. J’allais la voir au début pour lire, me reposer, discuter et passer du temps avec elle. C‘était un endroit où je ne me sentais pas du tout en France, aujourd’hui. On y trouve une végétation luxuriante, des bambous partout, des objets ramenés de Tahiti et des masques africains. J’ai projeté beaucoup de choses dans ce jardin qui réveillait mon imaginaire de littérature, de cinéma. Je m’étais donc dit que filmer Sonja revenait à filmer ce lieu qu’elle avait créé et montrer comment elle réinventait sa vie. Ça a été le départ du film.

Comment as-tu décidé de faire se répondre images d’archives et images du présent ?

Dès le départ, j’avais l’idée que ce jardin serait un « ici et ailleurs ». Aussi, je souhaitais jouer avec cette idée de proche et de lointain. Le contraste se situait entre la solitude extrême de Sonja dans son jardin et toutes ces personnes qu’elle avait rencontrées et qui sont présentes avec elle en souvenirs et en traces enregistrées qu’elle avait accumulées au fil du temps. Elle ne se sentait donc jamais seule.

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Comment s’est passé le montage ?

On a monté en deux semaines à Lisbonne et quand on est revenu à Paris, on a travaillé plus précisément que dans le premier montage les archives que Sonja avait retrouvées dans son jardin. Les images dataient de 1956 à 1976 environ. Sonja et Michel, son mari, avaient filmé dans tout les pays où ils sont allés, en Afrique, à Tahiti, en Asie.

Comme j’avais 18h d’archives et pas les moyens de tout numériser, j’ai fait le montage à la colleuse (NDR : petit appareil mécanique pour découper et assembler les éléments de pellicule cinéma) et je n’ai numérisé que les moments qui m’intéressaient. A la visionneuse (NDR : Appareil doté d’une loupe rétro éclairée permettant de voir le film sur pellicule sur un petit écran), image par image, on doit couper le film original et choisir ce qui va être intégré au film. Je réfléchissais donc beaucoup à chaque coupe. Je faisais toujours de nombreux tests avant de couper et c’était vraiment très différent de ce que l’on fait de nos jours, en montage virtuel, avec Final Cut. Cela a duré plus d’un mois, mais pour retrouver un autre temps, c’était très juste de travailler comme ça.

La voix-off de Sonja sert un peu de fil d’Ariane dans ces passages du passé au présent. Comment l’as-tu élaborée ?

Comme c’était mon premier film, j’ai tout fait de manière intuitive. Pendant une bonne semaine, je suis passée la voir tous les jours et j’enregistrais 2 à 3 heures de nos discussions afin de la faire parler. En ce sens là, « Motu Maeva » est un documentaire et à la fin, j’avais donc une douzaine d’heures de son.

Ce n’est qu’au montage que j’ai réécouté tout ce que j’avais enregistré. J’avais un tableau et j’isolais des phrases qui m’intéressaient, des bribes d’histoires. Je ne voulais pas faire un film à la structure chronologique, je savais que ça ne serait pas très explicatif. Ce que je cherchais, c’était plutôt des impressions, quelque chose qui ressemble à de la mémoire.

Mon film est donc constitué de fragments. J’avais isolé plusieurs fragments de sons. J’avais tout retranscrit et avec la monteuse, chaque matin, on relisait le texte. On montait l’image, mais ce n’est pas le son qui a dicté l’image, ça s’est vraiment fait de manière très organique. L’image amenait une lumière, une émotion, que le son venait rejoindre mais il a fallu se poser la question : « comment rend-t-on visible la mémoire d’une vie entière ? ». On a construit comme ça une voix. Ensuite, une fois que le montage image était fait, j’ai travaillé avec un monteur son portugais, Miguel Martins qui est aussi le monteur son de Miguel Gomes et de João Nicolau.

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Comment as-tu choisi d’intégrer l’émouvante lettre sonore de la mère de Sonja qu’on entend à la fin du film ?

La lettre, j’y tenais beaucoup. Il y avait beaucoup d’images d’archives mais aussi beaucoup d’archives sonores, près de 200 cassettes de musique enregistrée avec des messages que les deux époux se laissaient l’un à l’autre.

Après le tournage, j’ai passé beaucoup de temps à écouter et quand je suis tombée sur cette lettre de sa mère, je l’ai trouvée déchirante et j’ai pleuré. Et puis, Sonja avait l’habitude de raconter sa vie comme un conte de fée et elle l’a fait pour transformer toute sa souffrance en quelque chose de meilleur. Dans le film, il y a des moments comme des contrepoints à ce qu’elle raconte, d’où la lettre.

C’est un élément qui n’est pas très expliqué dans le film. Rien ne l’est vraiment, rien n’est évident. Je sais que tout est à la fois et fragmentaire et mystérieux mais ce rapport mère/fille est important dans la vie de Sonja. On voit dans les archives qu’elle a une fille et pourtant elle vit seule sur une île comme si elle était la dernière descendante d’une famille qui n’existe plus.

Comment as-tu décidé que le film aurait la durée d’un moyen-métrage ?

À nouveau, ça s’est fait au montage, de manière organique. Je savais que le film se construirait sous la forme d’une journée avec Sonja. On commence à l’aube et on finit à la nuit tombée en ayant parcouru toute une vie.

Ramener toute une vie à une journée, c’était travailler avec des lumières et des émotions différentes. Le temps du film, sa durée, s’est basée sur les étapes émotionnelles qu’on voulait mettre en avant, comme la joie ou la solitude, l’éloignement de sa mère, la tristesse, etc…

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Vous avez été deux à filmer, pourquoi ?

On avait essentiellement une caméra, une Beaulieu 1008 XL. Je décidais avant le plan qui allait filmer. Les plans de Sonja, c’est moi qui les ai tous filmés à cause du rapport personnel que j’essayais d’établir avec elle. Pour chaque autre plan, on décidait avec mon acolyte Isabelle Paglai qui allait filmer.

J’avais l’idée que raconter une histoire, c’était un mouvement. Aussi, à l’image, il fallait chercher ce mouvement. Les déplacements dans le jardin nous ont pris beaucoup de temps. Ça a été une sorte de territoire de jeux et aussi un espace qu’on a voulu explorer.

Le premier plan du film est aussi le premier que j’ai filmé en arrivant là-bas. Je savais que je voulais explorer ce jardin, comme j’allais explorer la vie de Sonja, comme elle- même avait exploré le monde. C’est pour ça qu’on était deux à filmer, avec Isabelle.

Et puis, j’avais une deuxième caméra plus légère, une petite Canon, sans aucune option ou réglage. C’est la monteuse du film qui me l’avait offerte avant que je parte en tournage. Elle m’avait dit : « Ça sera ton stylo ». C’était pour attraper certaines choses au vol sans avoir à rassembler l’équipe ou prévenir qui que ce soit, histoire de ne rater aucun instant. Il y a un arc-en-ciel dans le film que j’ai attrapé comme ça.

Maintenant que le film semble avoir sa vie propre, quels sont tes projets ?

J’ai continué à filmer régulièrement en Super 8 cette année. Je suis passé au 16mm et j’ai appris à développer moi-même mes films pour être autonome. Je ne filme pas des images pour qu’elles intègrent un film, je les filme pour que ça devienne une pratique quotidienne. Les écrivains, quand ils ne sont pas en train d’écrire un roman, ils écrivent quand même plein de choses. Je trouve que c’est important de pratiquer quotidiennement en tant que cinéaste. Certains ne le font pas et le vivent très bien mais pour moi, c’est important de filmer.

Je me suis installée à Lisbonne et j’y travaille, j’aimerai filmer cette ville. Peut-être que le Portugal, c’est un peu comme l’île de Sonja pour moi. Elle y a mis tout le monde qu’elle a traversé et a fait un endroit imaginaire qui regroupe tout ce qu’elle a connu.

Je ne suis pas originaire du Portugal, je n’y suis pas née, mais j’ai des origines portugaises et pour ma famille, ce pays représente l’idée du bonheur. C’est un endroit où je projette beaucoup de choses, par l’histoire de ma famille justement, le cinéma portugais que j’aime beaucoup et par la lumière qu’on y trouve. C’est ce pays que j’ai envie de filmer, notamment dans les villages portugais où la tradition orale est préservée. Les Portugais ont une manière particulière de raconter les histoires, ils ont une grande tradition du conte. Ça me plaît.

Propos recueillis par Georges Coste

Article associé : la critique du film

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5 pass à gagner pour le festival Le Court en dit long 2015 !

Le 23ème festival Le Court en dit long, dont Format Court est partenaire cette année, aura lieu du 1er au 6 juin prochain. Ce festival compétitif de courts métrages produits ou coproduits en Belgique francophone programme pendant plusieurs jours, au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris, 44 courts métrages belges francophones ou franco-belges en compétition, répartis en sept programmes thématiques.

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Chaque soir à 19h45, le public pourra participer au Forum avec les équipes de films et rencontrer les réalisateurs, scénaristes, acteurs, techniciens et producteurs.

Le samedi 6 juin, le festival propose également deux programmes hors compétition : une séance spéciale à 16h avec des films d’animation pour enfants (dont certains réalisés par des enfants) et à 17h une séance de courts métrages documentaires d’école (INSAS, IAD et La Cambre).

Enfin, en clôture à 19h30, après la remise des prix, le Festival vous propose de découvrir en avant-première le premier long métrage de Vania Leturcq, « L’Année prochaine » (sortie nationale le 24 juin 2015), en sa présence.

Bonne nouvelle : Format Court vous propose de gagner 5 pass pour assister à l’intégralité du festival. Intéressé(e)s ? Contactez-nous !

Le site du festival : http://www.cwb.fr/programme/23e-festival-le-court-en-dit-long

Presente Imperfecto d’Iair Said

L’apparition d’un curieux présent lors d’une soirée d’anniversaire est à l’origine des questionnements hétéronormatifs et identitaires déployés dans « Presente Imperfecto », nouvel opus de l’Argentin Iair Said, ayant brigué ces jours-ci la convoitée Palme d’Or du court métrage au festival de Cannes. Comédien à la base et déjà reconnu pour son premier film « 9 Vacunas » (2013), toujours présent dans le circuit des festivals, Said apparaissait cette année comme le seul représentant latino-américain de la compétition officielle.

Avec une économie de moyens admirable et une simplicité narrative qui aborde un sujet potentiellement très complexe de façon directe et efficace, Said nous met devant Martín, un jeune homme d’une trentaine d’années, interprété par lui-même, recevant une étonnante jupe violette à fleurs comme cadeau d’anniversaire. Le problème à ses yeux ne se rapporte cependant pas au fait d’avoir reçu un vêtement théoriquement et socialement reconnu comme « féminin », mais il aborde plutôt des questions bien plus intéressantes au niveau de l’esthétique et de l’identification personnelle. « Ce n’est pas ma taille, ce n’est pas mon style », dit Martín. « La personne qui me l’a offerte ne me connaît pas du tout », « J’aurais aimé savoir en quoi cette jupe lui a fait penser à moi », se plaint-il encore. Il y a ainsi une claire acceptation de la jupe comme possible accessoire masculin, ce qui nous plonge d’une façon très subtile dans une histoire qui se détache des conventions habituelles du monde d’aujourd’hui et qui propose au spectateur une réalité où il serait normal pour un homme de porter une jupe.

La compréhension de ce changement de valeurs présenté dans cette première partie deviendra fondamentale pour bien comprendre tout ce qui se déroule après. Vu que le cadeau sort rapidement des catégories « masculin » et « féminin », il devient le point de départ de la deuxième partie qui montre la belle rencontre entre Martín et la vendeuse d’un magasin. Toutefois, ce serait trop facile de dire que l’histoire est tout simplement celle d’un homme qui rencontre une femme par le biais d’un présent qu’il veut échanger. Le vrai postulat du film repose sur une claire subversion de l’ordre des choses qui peut pourtant passer inaperçue : le fait de ne pas avouer l’hétéronormativité du monde d’aujourd’hui est une tentative pour justement l’interroger, l’attaquer et bien sur défendre un autre point de vue. Un paradigme différent, si l’on veut.

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La proposition de Said est mise en scène à partir d’une quinzaine de plans fixes et de dialogues soigneusement élaborés qui articulent les 15 minutes du film. La caméra immobile du chef-opérateur Julián Ledesma fixe Martín au centre de chaque plan et relègue le reste à un flou constant. Ainsi, tout tourne autour de Martín et uniquement ce qui est à côté de lui apparaît net. La maîtrise entre la dichotomie du montré et du réel contribue en même temps à créer une distanciation avec le spectateur qui peut se laisser emporter par le naturalisme que suscitent les images et par la relation qui se construit petit à petit et plan par plan entre le protagoniste et la jeune vendeuse. Les courtes conversations qui s’échangent entre eux vont suffire pour entrevoir leurs émotions, leurs envies, leurs désirs et leurs motivations. La présence des comédiens au cadre, de même que leurs gestes et mouvements, accorde à cette histoire potentiellement absurde un coup de véracité et de cohérence impeccable.

L’harmonie que l’on trouve tout au long du film entre le récit et les images fait de « Presente imperfecto » une belle réussite où chaque séquence compte pour elle-même et chaque mot a une place bien établie. Le spectateur aura donc la possibilité de questionner l’actuel état de choses et de se demander s’il est peut-être le plus… normal.

Julián Medrano Hoyos

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Fiche technique

Synopsis : L’anniversaire de Martin. Un cadeau confus va le faire réfléchir et examiner à la façon dont les autres vous voient.

Genre : Fiction

Durée : 15’

Année : 2015

Pays : Argentine

Réalisation : Iair Said

Scénario : Iair Said

Image : Julián Ledesma

Montage : Flor Efrón

Son : Jesica Suárez

Interprétation: Iair Said, Katia Szechtman, Vladimir Durán, Agostina López

Production : Laura Huberman, Iair Said

Article associé : la critique du film

L’autre Palme d’or

Plus de mystère. La Palme d’or des courts métrages du Festival de Cannes a été attribuée hier soir à Waves’98, du metteur en scène libanais Ely Dagher.  Le film a été choisi par Abderrahmane Sissako et son jury parmi les 9 films sélectionnés (7 fictions et 2 animations) sur les 4.550 courts-métrages soumis cette année au festival.

Waves’98 de Ely Dagher (Animation, 15, Liban, Qatar, Beaver & Beaver Studio)

Syn . : Désenchanté par sa vie dans la banlieue isolée de Beyrouth, les errances d’Omar l’amènent dans les profondeurs de la ville. Immergé dans un monde familier mais étrange à sa réalité, il se retrouve en lutte pour sauvegarder ses attaches.