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Les Amours Vertes de Marine Atlan

Après un passage au festival Premiers Plans d’Angers où le jury des courts-métrages l’avait distingué du reste de la sélection en lui remettant une Mention spéciale, c’est en remportant hier rien moins que le Grand Prix de la compétition nationale de la nouvelle édition du festival de Clermont-Ferrand que le film de Marine Atlan « Les Amours Vertes » fait parler de lui. Une nouvelle réjouissante, tant le film est remarquable et mérite, en plus de ses récompenses, que l’on s’intéresse à son cas.

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Marine Atlan a suivi le cursus du département image de la Fémis, dont « Les Amours Vertes » constitue son film de fin d’études. Ce n’est pas un détail, tant l’on constate depuis plusieurs années que les courts-métrages les plus singuliers et réussis produits par la célèbre école sont réalisés la plupart du temps par des élèves issus de départements parallèles à celui des réalisateurs. On pense aux films de Jonathan Vinel (le multi-primé « Tant qu’il nous reste des fusils à pompes »), d’Héloïse Pelloquet (« Comme une grande ») ou encore de Clémence Diard (« L’Amie d’Amélie ») qui ont tous suivi un cursus de montage, cursus à l’intérieur duquel semble émerger les talents les plus prometteurs de l’institution. Il en va de William Laboury, camarade de promotion de Marine Atlan dont les films « Hotaru » et « Fais le mort » semblent bien partis pour faire de nombreuses escales en festival sans jamais repartir bredouille (deux récompenses rien qu’à Clermont : Prix spécial du jury Labo pour « Hotaru » et Prix Canal + pour « Fais le mort »).

Faut-il en déduire que le regard d’un cinéaste s’éprouve et s’affirme mieux devant la timeline d’un logiciel de montage ou encore dans l’œilleton d’une caméra ? S’il serait malvenu de généraliser cette observation et d’en faire un cas d’école, l’on trouve néanmoins à l’intérieur des films des éléments de réponses qui corrobore ce sentiment d’évidence qu’ils produisent dans le rapport au médium, cette fraîcheur du regard que les élèves réalisateurs ont tant de peine à trouver et à garder intact au fil de leur cursus.

L’action des « Amours Vertes » prend place dans une ville provinciale de bord de mer, et nous conte le temps d’une saison la chronique de la vie d’une petite fille. L’héroïne, Camille, partage son temps entre l’école, sa bande de copines et les séances d’entraînement avec la troupe de majorettes locale dont elle est la benjamine. Marine Atlan orchestre dans un premier temps et avec une aisance certaine l’enchaînement de séquences brossant le quotidien de son personnage principal, en inscrivant ses partis pris de mise en scène dans une tradition naturaliste lorgnant du côté des stases récréatives de Jacques Rozier. Les parties dévolues aux séances d’entraînement des majorettes sont particulièrement réussies dans leur manière de saisir l’énergie d’un groupe d’actrices non professionnelles, leur bagout naturel et leur capacité à faire corps toutes ensembles. Le film pourrait néanmoins courir à cet instant le risque du ronronnement,et s’endormir au son de la petite musique que des décennies d’ersatz de films de Pialat ou de Rozier ont imposé et qui a aujourd’hui valeur de dogme pour tout un pan de la production française.

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Fort heureusement, il n’en est rien, et Marine Atlan opère assez vite dans son récit et sa mise en scène un glissement bienvenu et surprenant. Ce glissement survient lorsque débarque, dans la petite ville par le Bus Vert, un bel adolescent, figure diaphane qui aimantera dès lors le regard de la jeune héroïne. L’on bascule alors dans un autre rapport au temps et à l’espace, en épousant pleinement le point de vue de la petite fille qui voit naître en elle un premier émoi amoureux. À l’occasion de belles scènes de filatures à vélo où l’héroïne prend en chasse le jeune homme à travers les rues de la ville, des travellings langoureux se substituent à un filmage en caméra portée pour mieux restituer l’érotisme de ce corps étranger filmé de dos. La mise en scène du film évolue à mesure que Camille sculpte son regard, apprenant ni plus ni moins à mettre en scène son désir en même temps qu’il s’impose à elle, en fétichisant ce corps qui devient un objet de fantasme. L’héroïne de Marine Atlan se découvre finalement en petite cousine des personnages d’Eric Rohmer, tous des metteurs en scène en puissance pour qui la consommation du désir n’est jamais une fin en soi, ce que viendra confirmer l’ultime séquence des « Amours Vertes » qui voit la jeune Camille renoncer à l’objet de ses convoitises en adressant une lettre d’adieu à l’adolescent.

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Raconter une première expérience de l’érotisme chez une enfant est un pari pour le moins risqué et casse-gueule. On imagine malheureusement sans mal quelle vulgarité ou opportunisme un tel sujet pourrait appeler, connaissant le nombre de réalisateurs sévissant dans le milieu du court-métrage français et disposés à faire feu de tout bois pour produire du sulfureux à peu de frais. Marine Atlan s’en tire haut la main, en nous invitant à la fois dans son œil de chef opératrice attentif et aiguisé et dans son regard de metteur en scène qui n’a plus rien à prouver. Ce n’est pas tous les jours que l’on a envie de tirer notre chapeau à la Fémis et au festival de Clermont-Ferrand, alors profitons-en et souhaitons à cette jeune cinéaste et à son film le plus beau des parcours !

Marc-Antoine Vaugeois

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A comme Les Amours Vertes

Fiche technique

Synopsis : Face à une grande route, bordée d’arbres, un sentiment nouveau naît chez Camille. Il va grandir, à la découverte des sentiments des autres, entre les vagues.

Genre : Fiction

Durée : 32′

Pays : France

Année : 2015

Réalisation : Marine Atlan

Scénario : Anne Brouillet, Marine Atlan

Image : Marine Atlan

Montage : Guillaume Lillo

Son : Benjamin Silvestre, Simon Prieur, Elisha Albert, Jonas Orantin

Interprétation : Camille Lerebourg, David Anselme, Nadine Bisson

Production : La Fémis

Article associé : la critique du film

Clermont-Ferrand 2016, le palmarès

Le 38ème festival de Clermont-Ferrand s’est terminé ce samedi soir. Voici la liste des films primés par les 3 jurys (international, labo, national), avec en bonus certains films en ligne grâce à Court-Circuit, l’émission du court sur Arte notamment !

Palmarès international

Grand prix : Las Cosas Simples (Les choses simples) de Alvaro Anguita, Chili
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Prix Spécial du Jury : Die Badewanne (La baignoire) de Tim Ellrich, Autriche
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Prix du Public : Madam Black de Ivan Barge, Nouvelle-Zélande

Prix du Meilleur film d’animation : Dernière porte au sud de Sacha Feiner, Belgique/France

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Prix Étudiant : Babor Casanova de Karim Sayad, Algérie/Suisse

Prix Canal + : El Hueco (Le trou) de Daniel Martin Rodriguez et German Tejada, Pérou

Mentions spéciales du Jury International :
Uzak Mi… (Lointain…) de Leyla Toprak, Turquie
Panorama de Virginia Urreiztieta, Vénézuela

Nomination European Film Awards : In the distance (Au loin) de Florian Grolig, Allemagne

Palmarès Labo

Grand Prix : Eden’s Edge (Three shorts on the Californian desert) [Aux confins de l’Eden, trois courts métrages dans le désert californien)] de Leo Calice et Gerhard Treml, Autriche
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Prix spécial du Jury : Hotaru de William Laboury, France

Prix du Public : Ghost Cell de Antoine Delacharlery, France

Prix Canal + : Greener Grass (L’herbe sera plus verte) de Paul Briganti, États-Unis

Mention Spéciale du Jury Labo : The Reflection of power (Le reflet du pouvoir) de Mihai Grecu, France

Palmarès National

Grand Prix : Les amours vertes de Marine Atlan

Prix Spécial du Jury : Le Repas dominical de Céline Devaux

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Prix du meilleur film d’animation francophone : Le Repas dominical de Céline Devaux

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Prix du public : Ennemis intérieurs de Sélim Azzazi

Prix égalité et diversité : Réplique de Antoine Giorgini, France/Belgique

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Prix de la meilleure musique originale : Pierre Caillet pour Dans les eaux profondes de Sarah Van Den Boom, France/Canada

Prix de la meilleure photographie : Paul Guilhaume pour L’île jaune de Paul Guilhaume et Léa Mysius

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Prix de la meilleure première œuvre de fiction : Au bruit des clochettes de Chabname Zariab, France/Tunisie
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Prix Étudiant : Ennemis intérieurs de Sélim Azzazi
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Prix Adami d’interprétation (meilleure comédienne) : Florence Fauquet dans Une sur trois de Cecilia de Arce

Prix Adami d’interprétation (meilleur comédien) : Eddy Suiveng dans Réplique de Antoine Giorgini, France/Belgique
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Prix Canal + : Fais le mort de William Laboury

Prix de la Presse Télérama : Le gouffre de Vincent Le Port

Mention spéciale de la presse Télérama : Réplique de Antoine Giorgini, France/Belgique
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Prix du rire « Fernand Raynaud » : Première séance de Jonathan Borgel
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Prix Procirep du producteur de court métrage : Je suis bien content

Bourse des festivals : La troisième guerre de Giovanni Aloi

Mentions spéciales du Jury National :

– Fuck l’amour de François Zabaleta

– Le gouffre de Vincent le Port
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– Isabel Pagliai et Julien Guillery pour la photographie de Isabelle Morra de Isabel Pagliai
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Coup de coeur Canal + family : Pourquoi les vaches ont des taches ? de Nina Degrendel et Soizic Delon, France

Prix Orange : A géométrie variable de Marie-Brune de Chassey, Belgique
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Au bruit des clochettes de Chabname Zariab

« Au bruit des clochettes », co-production franco-tunisienne présentée en compétition nationale au festival du court-métrage de Clermont-Ferrand et visible sur Arte + 7 jusqu’au 21/2/2016, est un mets raffiné qui nous laisse un goût amer dans la bouche. Avec ce premier film, la réalisatrice Chabname Zariab nous emmène dans le pays de son enfance à travers un récit à la narration classique, mais maîtrisée, à la rencontre de personnages romanesques poignants, victimes d’une pratique tabou mais devenue malgré tout courante en Afghanistan et en Iran.

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Saman, le jeune homme que l’on suit tout au long du film est prisonnier, esclave d’un homme d’âge mûr pour qui il danse et satisfait les désirs des convives exclusivement masculins. Cette pratique ancestrale d’achat (ou d’enlèvement comme c’est le cas ici) de jeunes garçons imberbes que l’on transforme en objets sexuels, s’appelle le bacha bazi. Elle est officiellement interdite, mais officieusement autorisée, puisque l’apanage d’hommes riches et puissants, et serait aujourd’hui en train de reprendre de l’essor en Afghanistan. Le bacha bazi, est un terme qui vient à la fois de l’iranien et de l’afghan, signifiant plus ou moins «jouer avec les garçons» et du perse «garçons imberbes». Issus de milieux très pauvres, ces garçons, choisis pour leur beauté, sont formés à la danse et au chant.

Le personnage central de « Au bruit des clochettes », Saman, superbement interprété par Shafiq Kohi, a dix-huit ans et devient un homme. Bientôt, il va devoir être remplacé par un autre garçon. Le jour où le maître ramène sous son toit son remplaçant, Saman est contraint de le former. Anxieux, il le considère d’abord avec méfiance mais les deux garçons développent peu à peu une relation privilégiée pleine de tendresse. Alternant scènes de jour et scènes nocturnes en huis clos, le film repose sur un enchaînement de révélations diurnes, puis de pratiques nocturnes à demi révélées, filmées avec pudeur.

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Le soir, Saman, qui apparaît voilé, entame sa danse et se découvre progressivement. Le temps est en suspens tandis que le garçon passionné semble oublier, pour un court instant, ses craintes. Le répit ne dure pas, après le spectacle, Saman doit satisfaire les désirs sexuels des clients. Allongé sur le ventre à l’arrière d’une voiture, un homme vient sur lui tandis que la caméra, glissant vers ses mains aux poings serrés, laisse deviner le reste. Cette scène sombre est aussitôt suivie d’un plan où le maître, à genoux sous un soleil éblouissant, termine sa prière. La position de soumission du maître face à son dieu fait écho à celle du garçon, et pourtant, le soleil si lumineux vient créer un fort contraste avec l’obscurité de la scène précédente de façon à révéler tout le paradoxe : entre pratiques officielles telles que la prière, et le bacha bazi, contraire à la charia, se creuse un immense fossé alimenté par l’hypocrisie des hommes, qui ferment les yeux face à l’inhumanité de certaines pratiques.

Dans une scène suivante, sous un soleil éclatant, Saman est interpellé dans la rue par deux clients au volant de leur véhicule et, assailli par d’autres hommes à l’approche, se voit contraint de monter dans la voiture. Les deux hommes, à coup de railleries, tentent de lui ouvrir les yeux sur sa situation en lui affirmant sa fin de « carrière » imminente, et l’emmènent dans une sorte de terrain vague où vit un homme aux trait tirés qui révèlent une beauté fanée, qui fut sûrement aussi saisissante que celle de Saman, afin de regarder en face son prédécesseur. Le regard vague de ce dernier, aussi perdu que celui du petit garçon devenu son élève, rend pour Saman la confrontation insupportable.

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Dans « Au bruit des clochettes », la danse est aussi le moment où Saman prend le dessus sur son audience. Par la danse, par son art interprété avec passion et dévouement, le jeune homme parvient à envoûter le public, et à reprendre, pour quelques instants, possession d’un corps qui ne lui appartient plus et à inverser provisoirement les relations de pouvoir. Au bruit des clochettes, Saman reprend son corps et sa vie en main, et dans une danse qui clôt le film, tandis que la caméra se resserre sur le personnage enchaînant les pirouettes, et que tout autour de lui semble disparaître, le regard de celui-ci change, affichant une détermination qui semblait avoir disparue et une volonté de se réapproprier son corps et son destin. La danse, dont l’apprentissage est imposé aux garçons victimes du bacha bazi, devient finalement l’art par lequel s’exerce leur liberté.

Agathe Demanneville

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Article associé : l’interview de la réalisatrice

Pour information, le film sera présenté jeudi 9 février 2017 au Studio des Ursulines dans le cadre de la nouvelle soirée Format Court, en présence de la réalisatrice, Chabname Zariab, et sa productrice, Judith Lou Lévy (Les Films du Bal)

A comme Au bruit des clochettes

Fiche technique

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Synopsis : Saman, dix-huit ans, vit depuis longtemps dans l’enfer du Bacha bazi. Tout bascule le jour où un petit garçon débarque sous son toit. Il comprend qu’il s’agit de son remplaçant. Leur maître Farroukhzad contraint Saman à lui apprendre à danser. Une amitié va naître entre les deux enfants.

Genre : Fiction

Durée : 26′

Année : 2015

Pays : France, Tunisie

Réalisation : Chabname Zariab

Scénario : Chabname Zariab

Image : Eric Devin

Montage : Guillaume Saignol

Son : Aymen Toumi

Interprétation : Farhad Faghih Habibi, Shafiq Kohi, Arya Vossoughi

Production : Les Films du Bal

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Je suis bien content, lauréat 2016 du Prix du Producteur de Court Métrage de la PROCIREP

Le 20ème Prix du Producteur de Court Métrage de la PROCIREP, qui a été remis le mercredi 10 février 2016 à la Maison de la Culture de Clermont-Ferrand, a été décerné à la société Je suis bien content.

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Créée en 1996 par Franck Ekinci et Marc Jousset, Je suis bien content s’est spécialisée dans la production de films d’animation. Parmi les derniers courts métrages produits, mentionnons « Smart Monkey » de Nicolas Pawlowski et Winshluss et « La chair de ma chère » de Calvin Antoine Blandin, sélectionnés pour les Césars 2016 du meilleur court métrage, ainsi que « Café froid » de François Leroy et Stéphanie Lansaque, en compétition nationale à Clermont.

Le lauréat reçoit une dotation de 5.000 € de la PROCIREP sur une prochaine production de court métrage, et bénéficiera d’une carte blanche lors de la prochaine édition du Festival.

S comme Sous le soleil

Fiche technique

Synopsis : La Chine d’aujourd’hui. Un incident. Deux familles impliquées. Rien de nouveau sous le soleil.

Genre : Fiction

Durée : 19’02’’

Pays : Australie, Chine

Année : 2015

Scénario, montage et réalisation : Qiu Yang

Interprétation : Ping Zhu, Weiming Gong, Zhongwei Sun, Lihong Bai.

Production : Victorian College of the Arts, School of Film and Television
 (Australia)

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Sous le soleil de Qiu Yang

Une femme trébuche en sortant du bus. Un adolescent témoin de la scène accompagne à l’hôpital la blessée qui sombre dans le coma. La famille de la victime accuse alors le garçon d’avoir lui-même provoqué l’accident et demande une réparation monétaire à ses parents… En dépit d’un pitch qui devrait d’ordinaire donner suite à une enquête et au triomphe de la vérité, le réalisateur Qiu Yang préfère effectuer une étude des mœurs et des comportements de ses compatriotes.

« Sous le Soleil » est le court-métrage de fin d’études de Qiu Yang. Sélectionné dans la compétition internationale du festival de Clermont-Ferrand, le métrage se démarque dès ses prémisses par la simplicité de sa mise en scène et le point de vue magnanime que l’auteur pose sur un fait divers récurrent en son pays – les arnaques et chantages en tout genre.

L’approche minimaliste employée par Qiu Yang n’est pas une facilité, c’est la preuve d’un récit maitrisé dont chaque élément est soigneusement pesé et ordonné afin de lui donner la place appropriée pour porter le récit au-delà de la simple chronique de faits divers. La mise en scène du « fait » lui-même, l’accident ou l’agression c’est selon, est un exercice de haute voltige cinématographique – un plan séquence de 2 minutes et 30 secondes alignant un travelling avant, un panoramique et un zoom. Dans le même cadre, l’auteur plante le décor, présente l’adolescent, l’accompagne jusqu’au bus qu’il attend, le bus arrive et s’arrête au devant du garçon, une passagère avance vers la sortie que nous ne voyons pas, puis le moteur s’arrête et du silence surgit la voix hors cadre du chauffeur qui demande ce qui est arrivé à la passagère. La scène se clôt sans qu’il nous ait été donné de voir l’accident, la victime, ou l’agresseur présumé, nous laissant dépendant des propos que chacune des « parties civiles » tiendra par la suite sans autres preuves que leurs paroles.

Il y a quelque chose d’hitchcockien dans la grammaire cinématographique de Qiu Yang. La façon dont l’auteur découpe constamment ses cadres et orchestre le mouvement des corps pour ne nous donner que ce qui est nécessaire – et tout ce qui est indispensable – sans jamais nous laisser assez d’indices pour supposer plus loin que ce que l’image ne nous montre. En 19 minutes, et seulement 14 plans, le réalisateur multiplie les cadres dans le cadre, et dose ses mouvements de caméra pour ne jamais sombrer dans le superflu et la prouesse gratuite. Les choses arrivent naturellement, comme « en vrai », elles sont en elles-mêmes et c’est au cinéaste qu’il revient de les condenser en un tout cohérent.

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C’est toute la singularité de ce point de vue qui fait la beauté du film. Avant que le générique ne referme l’image, Qiu Yang capture les réactions et conséquences de cet incident sur les deux familles. Ainsi, nous savons pourquoi les protagonistes réagissent de telle ou telle manière, sans jamais savoir s’ils sont dans leurs droits de le faire. Et si dans ce papier les personnages sont anonymes, c’est qu’ils le sont également dans le film. Ils sont la mère, le père, la sœur, le frère, le fils, ils sont des personnes que l’on « connaît », ils ont des mobiles propres qui ne leur sont pas exclusifs. Le film s’émancipe de la chronique particulière pour se harnacher à l’individu et ses particularités.

Point d’orgue d’un film généreux, un détail de la dernière scène, un enfant qui détale dans une rue sombre pour ne pas être dérangé par les cris d’un supplicié (ni tenté d’intervenir lui-aussi ?), illustre une ultime fois l’absence de besoin de justice lorsque celle-ci implique un potentiel péril financier. Il ne vaut mieux pas se mêler des affaires des autres, y compris à leurs dépends, si cela peut coûter cher. Désormais, seule prévaut la santé économique dans un pays à la croissance exponentielle dont tout le monde ne profite pas, et dont chacun est convaincu que l’autre en profite bien assez.

Avec « Sous le Soleil », Qiu Yang trace avec parcimonie et humilité le portrait d’une humanité prête à s’adonner à de basses pratiques si elles lui sont favorables. Lucide et poétique, on ne s’étonne plus de l’attention soutenue que « Sous le Soleil » a reçu de nombreux festivals en un peu moins d’un an, y compris celle de la Cinéfondation cannoise qui l’inclue en compétition officielle en mai 2015.

Gary Delépine

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Soirée Format Court, jeudi 18 février 2016 au Studio des Ursulines

Jeudi 18 février 2016, à 20h30, Format Court vous invite à sa nouvelle séance de courts-métrages au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Pour l’occasion, 4 films français fictionnels & animés, sélectionnés & primés en festival, seront projetés sur grand écran, en présence de 3 équipes. On vous y attend nombreux avec nos films, nos invités & nos traditionnels Carambar !

Programmation

La Contre-allée de Cécile Ducrocq. Fiction, France, 28’50’’, 2014, Année Zéro Production. Nommé aux César 2016, sélectionné à la Semaine de la Critique 2014. En présence de l’équipe

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Suzanne se prostitue depuis 15 ans. Elle a son bout de trottoir, ses habitués, sa liberté. Un jour, de jeunes prostituées africaines s’installent en périphérie. Suzanne est menacée.

Articles associés : la critique du film, l’interview de Laure Calamy

La Maison de Poussière de Jean-Claude Rozec. Animation, 11’35’’, France, 2013, Vivement lundi !, Blink Productions. Prix France Télévisions, Festival de Clermont-Ferrand 2015

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Une femme vit seule dans un HLM. Elle déménage lorsque sa tour doit être démolie. Elle surprend des silhouettes d’enfants en train de jouer dans le bâtiments abandonné et les suit à l’intérieur, où se déroulent d’étranges évènements.

Article associé : la critique du film

Les Petits cailloux de Chloé Mazlo. Animation, 15′, France, 2014, Les films sauvages. César du meilleur court-métrage d’animation 2015. En présence du producteur

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Chloé est une jeune femme qui mène une vie légère et heureuse, se laissant porter joyeusement par les choses de la vie. Mais une souffrance physique viscérale la fait ployer peu à peu, perturbant sa vie quotidienne insouciante.

Article associé : l’interview de Chloé Mazlo

Jeunesse des loups-garous de Yann Delattre. Fiction, 22’, France, 2015, Stromboli Films. Prix du public, Prix des bibliothécaires, Prix d’interprétation féminine et masculine au festival Premiers Plans 2016, sélection à la Semaine de la Critique 2015. En présence du réalisateur

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Entre son travail, son petit copain, son colocataire japonais, Julie avance résolument de travers dans la vie. Sans voir Sébastien qui met pourtant toute sa timidité et sa maladresse à la séduire. Ils se trouveront peut-être lors d’une nuit en oubliant qu’il y a toujours un matin.

En pratique

Jeudi 18 février 2016, à 20h30, accueil : 20h. Durée de la séance : 76′
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Wake Man de Tornike Bziava

Troisième film et deuxième sélection au festival de Clermont-Ferrand pour Tornike Bziava qui, avec « Wake Man », concourant en compétition nationale, plonge à nouveau au cœur de ses racines pour dresser un portrait naturaliste d’une Géorgie post-soviétique où il est difficile de trouver sa place.

Du cinéma géorgien on retient le nom d’Otar Iosseliani dont le style poétique a inspiré de nombreux cinéastes. Quelques décennies plus tard, Tornike Bziava déploie des mêmes tonalités mélancoliques pour dépeindre la décrépitude d’un monde. D’« Aprilis Suskhi » (en compétition internationale au festival clermontois en 2010 et détenteur d’une Mention du Jury et de la Mention Gérard Manset) à « Wake Man » en passant par « Le Nid », le cinéaste évoque la mort de façon plus ou moins explicite.

Quand le premier opus a pour toile de fond les 22 morts du 9 novembre 1989, « Le Nid » décrit le quotidien d’un vieil homme que plus grand chose ne retient à la vie. Quant à « Wake Man », Bziava y fait de la mort le décor principal du film. Par-delà ce thème, ce que nous présente le jeune réalisateur c’est la chute d’un monde et, avec lui, l’effondrement d’un système, la perte de valeurs et de repères dans une société meurtrie par les guerres civiles et frappée par la crise économique. D’un monde sécurisé, on est passé à un univers précaire qui n’offre que peu de possibilités. Car si Rezo (Rezo Chanishvili qui incarnait le professeur de danse dans « Aprilis Suskhi »), vieil homme symbolisant la pérennité d’un certain nombre de coutumes traditionnelles, s’invite à l’enterrement d’un parfait inconnu, ce n’est évidemment pas pour ses affinités avec le défunt qui sont par ailleurs nulles. C’est pour bénéficier des services offerts durant ces cérémonies où nourritures et boissons sont servies en suffisance.

Dépositaire d’un monde révolu, il porte en lui les valeurs, la prestance et la délicatesse de quelqu’un d’éduqué, condamné à se faire passer pour ce qu’il n’est pas : un proche, une connaissance, un ami du disparu jusqu’à ce qu’un ancien élève le reconnaisse et d’autres convives le surprennent à voler de la nourriture. Tout dans son comportement, de ses gestes à son clignement des yeux excessif exprime le sentiment de honte et de culpabilité. Mal à l’aise, il ne se sent à sa place nulle part car la société ne lui en accorde aucune.

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Le film s’ouvre in medias res avec un plan d’ensemble d’une petite assemblée de personnes âgées assistant à une interview télévisée (en hors champ). Derrière elles, une immense image de forêt luxuriante figure l’idée que le « paradis » ne serait en définitive que virtuel. Le contraste cynique fait mouche. On est dans une maison de repos. Ici, il n’est plus question d’embellir la réalité comme dans « Aprilis Suskhi » mais au contraire de la montrer fidèlement au travers de ses imperfections afin d’en révéler les failles. Plus de noir et blanc esthétique, plus de plans bien cadrés mais des plans où les personnages sont parfois coupés, perdus ou isolés, et assurément en marge. Rezo s’est assoupi, on le voit à peine, il se réveille, se lève et sort du champ. D’emblée, Tornike Bziava plante le décor et donne le ton. Un ton que le film ne quittera pas jusqu’au plan final, pathétique à souhait. Le rythme est volontairement lent et laisse apparaître l’ennui de la vacuité existentielle.

Avec une grande économie de moyens et un traitement vériste, « Wake Man » est à la fois un terrible constat et une critique acerbe du capitalisme sauvage.

Marie Bergeret

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W comme Wake Man

Fiche technique

Synopsis : Rezo, vieil homme symbolisant la profonde pérennité d’un certain nombre de coutumes orthodoxes géorgiennes, s’invite lors d’un office mortuaire dans une ville post-soviétique.

Genre : Fiction

Durée : 29’

Année : 2015

Pays : Géorgie, France

Réalisation : Tornike Bziava

Scénario : Tornike Bziava et Data Pirtskhalava

Image : Goga Devdariani

Montage : Nodar Nodzadze

Son : Maxime Champesme

Interprétation : Tariel Beradze, Rezo Chanishvili, Giorgi Makharashvili, Tornike Gogrichiani

Production : Ama Productions, ReactorMonkey LTD

Article associé : la critique du film

Format Court, invité par la SRF au Bar des Réalisateurs, à Clermont-Ferrand, vendredi 12/2 !

Organisé depuis une dizaine d’années par la Société des réalisateurs de films (SRF) pour favoriser les liens entre les réalisateurs et les différents acteurs de la filière court métrage, le Bar des réalisateurs est un lieu incontournable pendant le festival de Clermont-Ferrand pour tous ceux qui souhaitent rencontrer des professionnels dans une ambiance conviviale.

Cette année, le Bar des réalisateurs aura lieu pendant 4 soirs, du mardi 9 au vendredi 12 février 2016, de 18h à 20h, à l’Hôtel Océania (en face de la Maison de la Culture).

Cette année, la SRF invite quatre acteurs du court à présenter leurs actions respectives pendant le « Bar » : la Région Bretagne mardi 9/2, l’Aide au film court mercredi 10/2, le Moulin d’Andé-Céci jeudi 11/2 et Format Court (!) vendredi 12/2.

Vous êtes encore présents à Clermont-Ferrand le vendredi 12/2 ? C’est l’occasion de venir nous rencontrer, de découvrir notre travail sur le web, en salle et en festival et de clore le Bar des Réalisateurs avec nous !

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Bonne info. Pendant le festival, la SRF organise également un débat le jeudi 11/2 à 14h à la Maison de la Culture, salle Gripel (entrée libre) entre Céline Sciamma (« Naissance des Pieuvres », « Tomboy », « Bande de filles », coprésidente de la SRF) et Aude Léa Rapin (« La Météo des Plages », « Ton cœur au hasard », Grand Prix au Festival de Clermont-Ferrand 2015).

Plus d’infos sur le Bar des Réalisateurs sur Facebook : https://www.facebook.com/bardelaSRFclermont?fref=nf

Festival de Clermont-Ferrand 2016

Le festival de Clermont-Ferrand s’est ouvert ce vendredi 5 février 2016. Pour cette nouvelle édition, le festival propose ses traditionnelles sélections de courts en compétition (nationale, labo, internationale), offre un panorama à la Suède et une carte blanche à Takami Productions, et s’intéresse de près à la guerre d’Indochine, aux Regards d’Afrique et aux films en région.

Format Court, présent à Clermont-Ferrand, vous propose de retrouver ses actus & articles publiés quotidiennement dans son traditionnel focus annuel.

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Céline Sciamma et Aude Léa Rapin. Conversation dans l’intimité de leur cinéma

Des millions de larmes de Natalie Beder (compétition nationale)

Maman(s) de Maïmouna Doucouré (compétition nationale)

L’interview de Chabname Zariab, réalisatrice de « Au bruit des clochettes » (compétition nationale)

The Reflection of Power de Mihai Grecu (compétition labo)

Eden’s Edge, Three Shorts on the Californian Desert de Leo Calice et Gerhard Treml (compétition labo)

Les Amours Vertes de Marine Atlan (compétition nationale)

Au bruit des clochettes de Chabname Zariab (compétition nationale)

Sous le soleil de Qiu Yang, Australie, Chine (compétition internationale)

Wake Man de Tornike Bziava, Géorgie (compétition nationale)

Teeth de Tom Brown et Daniel Gray, Royaume-Uni, Hongrie, États-Unis (compétition Labo)

Clermont-Ferrand 2016, le palmarès

Je suis bien content, lauréat 2016 du Prix du Producteur de Court Métrage de la PROCIREP

Format Court, invité par la SRF au Bar des Réalisateurs, à Clermont-Ferrand, vendredi 12/2 !

Clermont-Ferrand 2016, la compétition nationale

Clermont-Ferrand 2016, la sélection labo

Clermont-Ferrand 2016, la sélection internationale

Teeth de Tom Brown et Daniel Gray

Le jeu de mot est facile et nous ne l’éviterons pas : « Teeth » (Dents) est un film mordant. Mordant au sens d’incisif (incisives ?) : qui touche juste et qui fait mal.

Ce deuxième court-métrage d’animation du duo britannique Tom Brown et Daniel Gray – sélectionné entre autres dans le Labo du festival de Clermont-Ferrand – est un récit autobiographique, un témoignage rétrospectif en voix off, mais aussi un film d’horreur viscéral. Le narrateur nous fait part du dégoût ressenti depuis l’enfance pour ses dents qu’il soumet à diverses violences afin de les faire disparaître. Au contact de sa langue avec l’émail crénelé des dents, il préfère celui de la surface lisse et tendre d’une mâchoire édentée, gorgée de sang. En parallèle, il développe en parallèle une obsession pour l’acte de mastiquer, au point de sélectionner avec soin la nature et la forme des aliments qu’il laisse entrer dans sa bouche, et se prend enfin d’une fascination morbide pour la dentition animale, plus efficace que celle des hommes dans sa fonction de destruction.

« Teeth » est donc l’histoire d’une bouche, et de l’humain qu’il y a autour. Un homme que nous ne verrons jamais en entier : son visage reste hors-champ et sa présence à l’image se réduit à des gros plans sur certaines parties de son corps. Le cadrage et le montage fragmentent le personnage (et son environnement, avec de nombreux plans de décors vides), de la même manière que celui-ci dissèque sa nourriture et qu’il met en pièce de petits animaux. La bouche est filmée à plusieurs reprises en gros plans subjectifs, depuis l’intérieur de la gorge, forçant l’identification du spectateur avec cette partie du corps plutôt qu’avec le personnage dans son ensemble.

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Dans ces gros plans, la bouche, la mâchoire et les dents semblent immenses et dotées d’une vie propre. Le trait âpre et le dessin légèrement déformé peuvent rappeler les outrances de l’animateur américain Bill Plympton, qui met régulièrement en scène des bouches monstrueuses, gigantesques et avides. « Teeth » n’a pas la verve grotesque de Tex Avery ou de Plympton mais le film se rapproche néanmoins des œuvres de ce dernier par sa façon de soumettre le corps humain à des forces extrêmes, jusqu’à la mutilation. La souffrance et la jouissance sont liées dès le début du film où un bébé mord le sein nourricier de sa mère et reçoit une gifle en retour : un objet de désir (le sein), une douleur donnée (la morsure) et une douleur reçue (la gifle). À cette violence s’ajoute une atmosphère putride avec l’omniprésence à l’image de grosses mouches sales.

Le recours au gros plan et aux ellipses de montage invitent à recevoir les images sur le mode de la sensation. Coupées de leur contexte, elles ne racontent pas une histoire mais transmettent par le dessin une impression physique au spectateur. Celui-ci se retrouve, par mimétisme avec l’action représentée en grand sur l’écran, à promener malgré lui sa langue dans sa bouche, à tâter sa mâchoire et à tester la résistance de ses dents.

La narration à proprement parler est prise en charge par la voix off. C’est elle qui se livre à l’énoncé des faits, chronologique et factuel, complété et accentué par l’image. « T.O.M. », le précédent court-métrage de Tom Brown et Daniel Gray, était lui aussi entièrement raconté en voix off, celle, amusante et naïve, d’un enfant. La voix off de « Teeth », elle, rajoute encore au malaise. Les deux réalisateurs ont eu la bonne idée de faire appel à l’acteur anglais Richard E. Grant, spécialiste des rôles guindés (dans « Le Temps de l’innocence » de Martin Scorsese ou, récemment, en militaire dans « Queen & Country » de John Boorman). La voix est rauque, le débit lent, avec une froideur dans laquelle perce le mépris ou le dégoût de soi.

En quelques minutes, « Teeth » couvre quasiment toute la vie de son personnage, de l’enfance à la vieillesse, de la première dent au dentier. Les dents de lait poussent, sont remplacées par les dents définitives qui tombent à leur tour. Le bébé et le vieillard ont en commun de ne pas avoir de dents et de consommer des aliments liquides ou en petits morceaux ; ce qui est aussi le cas des mouches qui entourent le personnage et qui diluent leur nourriture avant de l’absorber.

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Dans le premier plan du film, les dents sont représentées comme une forme de vie. On y voit une masse blanche informe évoluer mollement sur un fond rouge. Quelle est ce mystérieux organisme ? Une méduse s’extrayant de la soupe primitive, à l’origine de la vie sur Terre ? Un spermatozoïde agitant sa queue, source de la vie humaine ? Il s’agit en fait d’une dent et de sa racine, en train de se former. Sans quitter la bouche de son personnage, c’est donc l’ensemble du développement humain et du cycle de la vie qu’évoque « Teeth ».

Sylvain Angiboust

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T comme Teeth

Fiche technique

Synopsis : Un homme qui déteste ses dents met tout en œuvre pour les détruire.

Genre : Animation

Durée : 6’56 »

Pays : Hongrie, Royaume-Uni, États-Unis

Année : 2015

Réalisation : Tom Brown, Daniel Gray

Scénario : Tom Brown, Daniel Gray

Animation : Tom Brown, Daniel Gray

Son : Wilson Brown

Interprétation : Richard E. Grant (voix)

Production : Holbrooks, Blacklist

Article associé : la critique du film

Concours : 5×2 places à gagner pour la reprise du palmarès d’Angers le jeudi 11/2 au Forum des images

Format Court, partenaire du Festival d’Angers, vous invite à découvrir une sélection de courts métrages primés lors de la 28e édition du Festival Premiers Plans qui s’est achevée à Angers le 31 janvier dernier.

La reprise du palmarès aura lieu le jeudi 11/2, à 19h au Forum des images. Si vous souhaitez assister à cette séance, contactez-nous. Nous avons 5×2 places à vous offrir !

L’Île jaune de Léa Mysius et Paul Guilhaume – 30min – Grand prix du jury Courts métrages français. En présence des réalisateurs

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Ena, onze ans, rencontre un jeune pêcheur sur un port. Il lui offre une anguille et lui donne rendez-vous pour le dimanche suivant de l’autre côté de l’étang. Il faut qu’elle y soit.

Tombés du nid de Loïc Espuche – 4min – Prix du public Films d’écoles européens

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Fabio et Dimitri se rendent à la Chicha pour que Dimitri puisse peut être enfin aborder Linda. Sur leur chemin, ils rencontrent une cane et ses canetons.

Hotaru de William Laboury – 21 min – Prix des étudiants d’Angers & Prix de la création musicale pour Maxence Dussère Films d’écoles européens. En présence du compositeur

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Ils m’ont dit : « Tu as un don, Martha. Ici, ce don ne te sert à rien. Alors on te montrera les plus belles choses. Tu ne te réveilleras jamais. Mais tu porteras les souvenirs les plus précieux. »

Jeunesse des loups garous de Yann Delattre – 22min – Prix du public Prix des bibliothécaires & Prix d’interprétation pour Nina Meurisse et Benoit Hamon Courts métrages français. En présence de l’équipe

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Julie travaille (elle distribue des canettes de boisson énergisante dans un costume d’ours), a un petit ami (devenu un bon copain qui la néglige gentiment) et un colocataire (japonais) . Une vie normale plutôt (à la dérive en somme) qui ne lui laisse pas le temps de remarquer Sébastien, son collègue de travail, qui met pourtant toute sa timidité et sa maladresse à la séduire. Julie et Sébastien auront peut-être une chance de se trouver lors d’une nuit (mais qu’est-ce qu’une nuit si ce n’est une veille de gueule de bois).

S comme Sali

Fiche technique

Synopsis : Un jour d’école ordinaire dans la vie d’une adolescente, et ses rencontres avec trois hommes différents : sur le chemin du lycée, sur un terrain de basketball, et dans le bus du retour.

Genre : Fiction

Durée : 12′

Année : 2015

Pays : Turquie, France

Réalisation : Ziya Demirel

Scénario : Ziya Demirel, Buket Coskuner

Image : Meryem Yavuz

Montage : Henrique Cartaxo

Son : Murat Onur Oner

Interprétation : Melis Balaban, Zeki Ocak, Yonca Hiç, Can Karaçayli, Artun Ozsemerciyan, Basar Sayin

Production : Istos film, Origine films

Article associé : la critique du film

Sali de Ziya Demirel

« Sali », premier court métrage du jeune réalisateur turc Ziya Demirel présenté ces derniers jours au festival Premiers Plans d’Angers, raconte le parcours d’une adolescente parsemé de rencontres et d’embûches dans Istanbul. Le titre, « Mardi » en français, nous met sur la piste : il s’agit d’une journée ordinaire, et nous suivons une jeune fille qui traverse la ville pour se rendre à l’école et à son entraînement de basketball, puis qui empreinte le bus pour rentrer chez elle. La ville et les rapports de proximité qu’elle implique deviennent le champ d’expérimentation de l’héroïne, et à travers elle, ceux du cinéaste. Le parcours citadin de cette adolescente ordinaire est dépeint comme un mélange d’errances insouciantes, de rencontres provoquées puis de contacts physiques non désirés, une proximité imposée au corps qui évoluent dans le décor urbain. Le film est une sorte de parcours en trois temps, suivant la perspective du corps féminin tandis que celui-ci entre en interaction avec différentes figures masculines, des échanges tantôt voulus, tantôt subis. Trois hommes, trois confrontations, trois réactions : le film nous offre une succession de tableaux qui s’enchaînent et suscitent à tour de rôle excitation, colère et frayeur chez l’héroïne comme chez le spectateur.

Personnage dynamique, filmé en perpétuel mouvement, cette dernière est d’emblée montrée comme une figure forte, espiègle et sportive, jouant au football avec une bouteille qui traîne sur le chemin. Lors de son entraînement de basketball, elle semble attirée par un jeune homme. Elle se lève pour le défier sur le terrain, tentant de lui prendre la balle et de marquer. Celui-ci l’entoure de ses bras, lui barre le chemin, mais elle parvient, apparemment amusée de cette interaction, à se défaire de l’étau et à marquer. Dans le bus qui la ramène chez elle, un vieil homme bousculé par les à coups du véhicule se tient à elle. Elle lui offre volontiers son soutien jusqu’à ce que l’homme ne commence à abuser de sa gentillesse, plaçant ses mains sur elle de façon trop insistante, tandis que la caméra, fixée sur le visage de la jeune fille, nous laisse percevoir la gêne puis la colère qui l’assaillent. Ce plan, plus long que les autres, nous fait ressentir le débordement et le malaise qui s’installe dans cet espace confiné. Alors qu’elle regagne finalement sa rue à pied, la jeune fille aperçoit un homme endormi dans une voiture, qu’elle avait déjà observé le matin même. Elle frappe le pare-brise pour le réveiller, dans un geste de provocation enfantin, mais qui suscite chez l’homme une violente réaction. Celui-ci sort de sa voiture et la poursuit dans la rue.

Dans tous ces échanges, Ziya Demirel parvient à trouver un équilibre sans cliché: son héroïne n’est pas une victime sans défense, mais il arrive cependant à montrer avec justesse la routine d’une jeune fille confrontée à une société patriarcale où la figure féminine se trouve trop souvent confrontée à des débordements et des réactions violentes. L’héroïne de « Sali » tente dans un premier temps de maîtriser les échanges tactiles qui peuvent s’opérer entre elle et le jeune homme sur le terrain de sport, tandis qu’une fois revenue sur le terrain public, celui de la rue, les rapports semblent plus difficiles à maîtriser, et la jeune fille se voit contrainte de prendre la fuite à deux reprises.

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La caméra portée suit le personnage, d’abord dans une véritable démonstration d’énergie, dans une séquence de jeu et de déambulation, mais l’enferme également, la suivant de très près. Entre la sensation de légèreté et de liberté véhiculée par les premiers plans, et l’enfermement du personnage dans un cadre très serré, on ne sait finalement pas réellement où situer cette figure féminine. Sa situation serait-elle tout simplement résumée par cette phrase de son professeur évoquant le port de l’uniforme : « La liberté à ses limites, non ? » ? Ici, la limite semble être le cadre imposé par une société patriarcale où la femme semble ne pas devoir provoquer les échanges, marquer un score et passer maître du jeu, comme si les événements qui suivaient ce match mixte et cette démonstration de vitalité faisaient office de punition imposée à une jeune citadine un peu trop moderne, une jeune femme qui fume, qui fait du basket, qui tente de défier les hommes. Est-ce cela, un mardi tout ce qu’il y a de plus ordinaire dans l’Istanbul d’aujourd’hui ?

Agathe Demanneville

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Coup de pouce DCP, le 3ème lauréat

Afin de donner plus de visibilité aux jeunes talents du court métrage francophone, le laboratoire numérique Média Solution, le partenaire de nos Prix Format Court, a lancé en mars 2015 le Coup de pouce DCP. Le principe de ce concours est simple : permettre à un réalisateur ou une réalisatrice de voir son court-métrage diffusé en salle de cinéma et en festival en lui offrant le DCP de son film (encodage au format Cinéma Numérique).

Après avoir choisi de récompenser « Mourir, oui mais au son des violons tsiganes » d’Isabelle Montoya et « La nuit, tous les chats sont roses » de Guillaume Renusson, un jury de professionnels, auquel participait un membre de Format Court, s’est réuni il y a une semaine pour visionner et départager les six derniers films en lice de cette troisième édition.

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Parmi les 65 films reçus, le jury a décidé de récompenser « Le Libraire » de Cédric Martin. Le réalisateur remporte ainsi un encodage DCP de son film, offert par Média Solution.

Pour information, la 4ème édition du Coup de pouce DCP aura lieu à partir du 8 février prochain (clôture des envois : le 31 mars, délibération du jury : le jeudi 28 avril)

Pour en savoir plus sur le Coup de pouce DCP: http://mediasolution.fr/blog/

Mr Madila de Rory Waudby-Tolley, Prix Format Court à Angers 2016

Parmi les courts-métrages retenus dans la catégorie des Plans animés de la 28ème édition du Festival d’Angers, le jury Format Court (composé cette année de Fanny Barrot, Katia Bayer, Agathe Demmanneville, Gary Delepine et Lola L’Hermite) a choisi de récompenser « Mr Madila » de Rory Waudby-Tolley. Une animation (très) légère, au croisement du documentaire fictif et du cartoon, où le réalisateur se met lui-même en scène dans une série de conversations entretenues avec Mr Madila, un extravagant marabout, bonimenteur au débit enflammé, enclin à lui révéler les puissants secrets de l’Univers.

À cette occasion, Rory Waudby-Tolley se verra doter d’un DCP (pour le court-métrage en question ou pour une prochaine création) par le laboratoire numérique Média Solution. Le film, quant à lui, sera projeté lors d’une future Soirée Format Court et profitera d’un focus en ligne.

Mr Madila de Rory Waudby-Tolley. Animation, 8′, 2015, Royaume-Uni, Royal College of Art

Synopsis : « Le Tout, dans l’ensemble, c’est du rien. Regardez-y de plus près et vous verrez tous les petits morceaux, tous les petits fragments, et tous les vides dans les interstices. » Mr Madila ou La Couleur du rien met en scène une série de conversations entretenues par le réalisateur avec un guérisseur revendiquant un don spirituel.