Après The World et Under the sun, le réalisateur chinois Qiu Yang réalise avec A Gentle night son troisième court-métrage, mais aussi un clip avec l’artiste Wet et des photographies visibles sur son site internet (http://www.whosqiuyang.com/). A Gentle night, son dernier film, qui vient de remporter la Palme d’or au festival de Cannes, approfondit les visions et les émotions troublantes de ses précédentes réalisations, en radicalisant encore d’un pas ses processus narratifs. Le résumé est simple : un couple a perdu sa fille, et la mère part à sa recherche tandis que son mari va se coucher.
Le drame originel qui structure les films de Qiu Yang surgit toujours dans les abysses d’une nuit atone et rouge, dont nous pouvons apercevoir tous les contours puisque l’élément déclencheur passe en hors-champ, nous sommes simplement mis face à ses brutales conséquences. Une accusation dans Under the sun, une disparition dans A Gentle night. La narration se résume à ce type d’évènement, qui devient comme un foyer sismique ébranlant tout le reste du déroulement.
Si Qiu Yang élabore cette construction, c’est d’abord par un refus radical du sensationnalisme. Pas d’enquêtes effrénées ni de courses-poursuites dans A Gentle night, juste une femme qui cherche dans une semi-errance sa fille disparue après une déposition à la police. Le réalisateur joue de ce contraste entre le calme désintéressé du policier, et plus tard d’autres personnages, par rapport à l’urgence sourde qui anime la mère. Le refus du spectaculaire n’est pas gratuit, il traduit un état des choses et de l’humanité.
Ainsi le drame est inscrit dans un cercle de banalités. Par exemple, dans la phrase que prononce le mari dans la voiture en rentrant du commissariat : «J’ai perdu mon briquet. Chaque fois que tu ranges, je ne retrouve plus mes affaires ». On devine l’expression interdite de la mère, ici filmée de dos, puisque ce décalage est arrivé peu de temps auparavant, lorsque le policier dit au couple de rentrer tranquillement chez eux. Une autre phrase, prononcée cette fois pendant le générique d’ouverture, résume le conflit. Le mari dit à sa femme en arrivant au commissariat: « Je parlerai, ne m’interromps pas ». La disparition de la fille ne change pas les êtres, ne rapproche pas le couple, et le mari reste profondément lui-même, avec sa légère supériorité auto-proclamée, et son indifférence, certes moins douloureuse que celle du policier, mais néanmoins intolérable pour la mère.
C’est là l’originalité profonde du cinéma de Qiu Yang : il n’y a rien qui ne change jamais, ni les êtres, ni la ville. La persistance du réel après que tout soit détruit pour la mère qui a perdu sa fille, voilà le motif qui irrigue chaque image: son désespoir intérieur n’a aucune prise sur la permanence du monde.
Ce pourrait être un constat trop théorique si le dispositif filmique du film ne collait pas exactement à ces émotions. Les personnages sont filmés dans des plans longs, fixes ou en légers travellings avant ou panoramiques. Ces trois figures composent chaque film, et Qiu Yang possède une véritable unité stylistique qui relient ses productions.
Dans A Gentle night, chaque cadrage ouvre une large part à l’environnement autour du personnage de la mère. Un peu comme dans les photos qu’on peut voir sur son site déjà cité, dans lesquelles l’individu est très souvent compris dans un espace plus large qui semble le dépasser. C’est ce qui lie la dimension esthétique à la dimension sociale, car les individus existent d’abord dans leur milieu. À chaque plan de A Gentle night, la caméra dévoile la spatialité d’un endroit : dans l’urgence contenue de sa recherche, la mère se heurte aux lieux calmes, déserts, fantomatiques du milieu de la nuit. La douceur des décors renvoie au titre du film, et à ce contraste toujours amer entre la perte qui laisse un vide profond et l’existence irrémédiable du monde.
Toujours sur son site, Qiu Yang cite Bresson qui disait : « Fais apparaître ce qui sans toi ne serait peut-être jamais vu ». Pour le réalisateur chinois, cette espèce d’impératif éthique formulé dans les Notes sur le cinématographe passe artistiquement par un élargissement des perspectives, une ouverture sur ce qui entoure les personnages.
A gentle night est enfin une expérience de la durée : 14 plans pour 15 minutes de film, ce qui fait une moyenne d’une minute par plan en comptant le générique de début et de fin. C’est la temporalité d’un effondrement dans le désespoir. L’espoir, même minime, est contenu dans les quelques bruits de pas pendant le générique d’ouverture, des parents qui vont rencontrer un commissaire qui pourrait peut-être les aider. Mais la chute arrive rapidement lorsque le policier les renvoie chez eux, et l’espérance s’évapore petit à petit dans le temps long des plans pour laisser apparaître la totale nudité du réel.
Ainsi, le dernier plan, où la mère apparaît derrière un rideau transparent entre deux murs noirs, ancre définitivement l’attente, l’écrasement d’une mère brisée par l’impuissance, et la stérilité polie des administrations qui, de la police à la morgue, ne peuvent rien pour combler l’urgence indéterminée d’une mère qui vient de perdre sa fille. Plus d’espoir possible, simplement un espace-temps qui subsiste et une douleur qui dure.
Plus de mystère. La Palme d’or des courts métrages du 70ème Festival de Cannes a été attribuée ce soir àXiao cheng er que (Une nuit douce) du réalisateur chinois Qiu Yang. Le film a été distingué par Cristian Mungiu et son Jury parmi les 9 films en compétition.
En pleine écriture de son premier long-métrage à la Résidence de Cannes, Qiu Yang a réalisé en 2015 Sous le soleil(Ri Guang Zhi Xia), en sélection à la Cinéfondation l’an passé et ayant fait l’objet d’une critique sur notre site web.
En parallèle à Xiao cheng er que, le Jury cannois a également décerné une Mention spéciale au court métrage Katto (Le plafond) du réalisateur finlandais Teppo Airaksinen.
Pour mémo : la Quinzaine des Réalisateurs est une section non compétitive, mais certains de ses partenaires attribuent des prix lors de la cérémonie de clôture, qui a eu lieu hier soir. Sur les différents prix remis, l’un est consacré au court métrage via la marque de café Illy.
Le jury 2017 a distingué cette année Benoit Grimalt pour son court-métrage Retour à Genoa City produit par entre2prises.
Synopsis : Mémé et son frère Tonton Thomas regardent le même feuilleton américain, tous les jours à la même heure, depuis 1989. Vingt ans après mon départ de Nice, je reviens les voir pour qu’ils me racontent les 3527 épisodes que j’ai manqués.
Pour info, Benoît Grimalt, par ailleurs photographe et dessinateur, a également réalisé Not all fuels are the Same produit également par entre2prises, visible ci-dessous.
Et hop ! Premier palmarès à être rendu à Cannes, celui de la 56ème Semaine de la Critique, décerné hier soir. Du côté des courts, deux films ont été primés par le Jury et les partenaires.
Le Jury de la Semaine a récompensé du Prix Découverte Leica Cine du court métrage le film espagnol Los Desheredados (Les Déshérités) de Laura Ferrés.
Synopsis : Los Desheredados dresse le portrait du père de la réalisatrice, Monsieur Ferrés, confronté à la perte de son entreprise familiale. Le manque d’argent le pousse à faire le chauffeur pour des enterrements de vies de garçons. Alors que des clients détruisent sa voiture, il refuse de perdre sa dignité.
Synopsis : Dans un monde contemporain, dans une ville européenne, trois amis, alors qu’ils font face à un conflit militaire, doivent revoir leurs plans pour le futur.
À qui seront remis les prix de la Queer Palm cette année ? Verdict prévu ce samedi. En attendant, faisons état des enjeux LGBT++s au 70e Festival de Cannes. Ceux-ci sont de taille, malgré la discrétion des images — et des plumes — qui se risquent à en témoigner. Outre les longs-métrages (dont le splendide film de Robin Campillo, 120 battements par minute, en compétition officielle), figurent des œuvres courtes, relativement délaissées par l’attention générale. Aussi ne bouderons-nous pas notre plaisir de parler de ces films à l’esthétique souvent plus libre, qui développent des poétiques singulières et prometteuses. Où en est-on des aspirations politiques relatives à l’inclusion de formes d’amour qualifiées à tort de “minoritaires” ? En quoi l’excès, arbitrairement et volontairement attribué à des rapprochements souvent disjoints d’une norme encore excluante, se voit-il repris, nourri, interrogé, voire universalisé par les films ? Telles sont les deux questions qui nous serviront de phares aiguillant nos analyses dans cette eau (souvent glacée) que constitue la programmation cannoise, d’où émergent des îlots de chaleur inattendue et communicative.
Mauvais Lapin
Rêveries gays (et tristes)
Rien ne sert de tout dire, il faut rêver à point. Ce ne sont pas les deux courts métrages montrés en séances spéciales à Semaine de la Critique, Mauvais Lapin (Coelho Mau) de Carlos Conceição et Les Îles de Yann Gonzalez, qui viendront contredire cette équation. L’un et l’autre ont en effet pour point commun de développer un onirisme gay, foisonnant et sylvestre. Adoptant un genre fantasque et ouvert sur une mythologie millénaire, Mauvais Lapin campe dans un château isolé au Portugal, situé en bordure de forêt. Il relate l’histoire intemporelle d’une jeune fille affaiblie par une maladie pulmonaire (Julia Palha) qui s’apprête à connaître ses premiers émois sexuels. Mais cette trame générale dissimule surtout la réalité d’une passion masculine, nourrie par le frère de la protagoniste (João Arrais) envers l’amant de sa mère. Le personnage du frère, récalcitrant aux ordres d’une marâtre insatiable, apparaît affublé d’un bonnet de lapin. La défloration hétérosexuelle finale, fruit d’un don du frère à la sœur, est l’aboutissement d’une quête homoérotique évidente. Les corps masculins y sont constamment exaltés dans une atmosphère en clair-obscur punk. Le film est également sous-tendu par le fantasme sexuel attribué au personnage français (Matthieu Charneau) qui est décrit comme la figure libidinale corvéable à merci — passant du lit de la mère irascible à celui de la divine et pitoyable pucelle, sous le regard envieux du frère. Le désir ainsi légué par solidarité, observé par procuration, qu’on qualifierait d’inaccompli plutôt qu’inassouvi, laisse moins planer une frustration qu’une forme de détresse, confinant à une douce tristesse.
Le caractère légendaire de ce Mauvais Lapin l’inscrit dans une époque intemporelle (même si la présence d’une moto et de billets de banque fait jaillir par moments une attache au présent), à l’inverse des Îles de Yann Gonzalez dont l’aspect mythologique revêt directement un caractère plus politique. Comme souvent chez ce cinéaste, c’est à partir d’une convention spatiale que les désirs jaillissent et c’est dans le déplacement de ces désirs — leur « communication » — qu’il faut comprendre la densité politique mise en jeu. On se souvient évidemment que son premier long-métrage, Les Rencontres d’après minuit (2013), avait lieu dans un espace unique, exclu du monde, lieu où les fornications étaient un prétexte à une réflexion sur ce qui forme la source du plaisir et l’identité. LesÎles ont d’emblée quelque chose de plus atomisé, figurant un archipel où se distinguent régimes de vérité (rêve/réalité), environnements dont les seuils résistent à toute mathématique (scène de théâtre/place et parc publics/chambre d’adolescente), et sphères d’appréhension (visuelle/sonore).
Les Îles
Le cinéaste pose d’emblée avec adresse la question de l’attrait du laid, et Bertrand Mandico doit être dûment félicité pour avoir créé une créature aussi repoussante qu’attrayante, à la façon de Carlo Rambaldi pour le film Possession d’Andrzej Żuławski — créer un monstre avec lequel on fait l’amour. La deuxième question, c’est celle de l’écriture du désir (le plaisir reste hors-champ ou bord-cadre) : suppose-t-elle la réécriture d’une mémoire trouble (la réclusion dans les parcs, où chaque tronc cache un amant possible, remplaçant le droit à l’amour domestique), figurée ici sur un mode mythologique ? Peut-il s’enregistrer et s’écouter sur une bande magnétique ? Ce sont des réactions en chaîne auxquelles le spectateur participe, et rapidement une évidence nous assaille : c’est moins de la nature de nos désirs qu’il s’agit (elle se définit indiscutablement en fonction de chaque personnage) qu’un partage stimulant de sensualités, impulsant des désirs sans cesse renouvelés à travers les projections du regard et les évocations sonores. De cette coulée étonnante, notre imaginaire curieux est fait. Et Yann Gonzalez parvient à nous placer devant un artisanat de la lubricité, pavé d’arbres et de phallus turgescents. Si on connaissait déjà les boîtes à musique, on pourrait dire que le film forme une boîte « de nuit » d’un nouveau genre. Ou mieux : une boule de neige dont chaque flocon en plastique annoncerait un avenir de passion douce-amère.
Mais derrière le mécanisme libidinal dessiné par le film (les acteurs du désir deviennent le modèle du plaisir d’un couple, ce dernier devenant le modèle du plaisir d’autres personnages, etc., etc.), se trame clairement un enjeu politique : l’inclusion du plaisir homosexuel en tant qu’elle résulte d’un changement de perspective. Cela demande explication. En effet, le film trace une trajectoire qui débute auprès d’un couple hétérosexuel faisant l’amour sur une scène de théâtre, bientôt rejoint par le « monstre », puis nous suivons un couple ayant assisté à la pièce (composé d’un homme et d’une femme transexuelle), ce couple décide de faire l’amour dans un parc, où ils sont vus par une dizaine d’hédonistes échaudés parmi lesquels jaillit une jeune femme-reporter qui se sert d’un magnétophone-enregistreur à cassette pour capter les paroles et les soupirs, laquelle ensuite réécoute dans sa chambre les sons comme support à un plaisir solitaire. Plus qu’une inclusion, c’est à une propagation infinie du désir dont nous sommes témoins. Une façon peut-être de désamorcer des siècles de pathologisation de l’homosexualité ? Et de retourner par l’imag(inair)e l’argument de “contamination” dont les homosexuels seraient les pourfendeurs démoniaques (idée renforcée au moment de l’épidémie du SIDA) ? Supputons.
Il semblerait bien que le film, toutefois, illustre point par point la théorie de l’inversion de la question homosexuelle, développée par Éric Fassin à la fin des années 1990 : ce n’est plus depuis la norme que l’homosexualité est perçue (en tant que « marge »), mais bien depuis la minorité elle-même que l’homosexualité se définit désormais et peut éclabousser les schémas normatifs imposés. La fin du film indique une nouvelle étape du processus : l’homosexualité serait-elle devenue un/le modèle, à défaut de ne jamais devenir la norme ?
(Heureuse) Tragédie lesbienne
Les plus beaux feux d’artifice
De la simultanéité entre (homo)sexualité et contexte politique oppressant, il en est question dans le court métrage polonais Les plus beaux feux d’artifice (Najpiękniejsze fajerwerki ever, Semaine de la Critique) d’Aleksandra Terpińska, récompensé hier soir du Prix Canal + du court-métrage. Inscrit dans un contexte à la fois réaliste (dans la Varsovie contemporaine) et fantasque (la ville est à feu et à sang, soumise à des conflits militaires), la jeune cinéaste décide de traiter ensemble deux réalités qui ne se conjuguent que par défaut : la réalité vitale du plaisir et de la communion, d’un côté, et de l’autre, la réalité arbitraire d’une mort annoncée. Plus précisément, le film suit trois personnages : Ju (jouée par la fascinante Justyna Wasilewska), Anna (Malwina Buss) et Jan (Piotr Polak). Ils sont décidés à s’adonner aux plaisirs jusqu’au bout. Si le film rend compte des ultimes moments de ce trio, représentant des proies à une délirante situation de guerre ininterrompue dont on ne connaîtra ni les opposants ni le sens, c’est plutôt sur les relations humaines et amoureuses qu’il se concentre. Il commence d’ailleurs dans un lit, où se prélassent Ju et Anna. Elles ont visiblement passé la nuit ensemble. Elles jouent, s’embrassent, s’aiment. L’idée selon laquelle faire l’amour avec une fille pour une fille, ce n’est pas vraiment être infidèle à son copain, advient dans le dialogue comme un argument usuel. Comme une sorte d’hypocrisie quotidienne (en temps de guerre) ou d’auto-homophobie banalisée que la cinéaste Aleksandra Terpińska restitue avec un naturel déroutant. La cinéaste s’intéresse ici moins à la sexualité en tant que telle qu’à l’intimité qui surgit à tout moment, maintenant entre les personnages une solidarité indéfectible, malgré l’environnement martial et malgré ce que la norme officiellement définit.
La première séquence fait écho à la dernière, durant laquelle Ju trouve Anna dans les bras de Jan : la situation s’est inversée, et la boucle est bouclée. Ou plutôt : la fluidité du désir a poursuivi son inter-minable cheminement. Les trois personnages se savent désirés les uns des autres, et de ce fait, ils semblent promis à l’infidélité. Car rien ne leur permet, en revanche, d’imaginer de faire l’amour tous les trois. Étrange schéma alla polacca : l’amour correspond au chiffre 2, la solidarité, elle, se confondra avec le chiffre 3. Ce sera donc à trois qu’ils attendront la fin. Le choix de conditions “plaisantes” pour mourir semble prévaloir sur tout le reste. La tragédie (en partie lesbienne) doit être vécue de façon heureuse, mais aussi comme un passage détaché d’un contexte culturel. L’amour, sous la forme qu’on veut, est-il devenir la condition même d’une mort migrante, correspondant aux immigrés que nous sommes tous devenus ? Étrange question, oui. À ce moment-là, on ne peut s’empêcher de réfléchir à l’équation inextricable propre au monde contemporain dont les trois termes principaux seraient : sexualité, immigration et terrorisme.
Transition au creux du corps
C’est depuis les Balkans, que l’on considère peut-être à tort comme l’une des régions les plus défavorables en Europe à l’égard des populations LGBT++s, que nous viennent deux courts métrages bouleversants : le serbe Transition (Tranzicija, Acid Trip #1) de Milica Tomović et le croate Les Cerises (Trešnje, Quinzaine des Réalisateurs, Compétition CM) de Dubravka Turić.
Transition
Dans Transition, Milica Tomović nous raconte le départ d’une jeune femme prénommée Jana. Celle-ci a décidé de partir étudier aux États-Unis. Elle dit adieu une à une aux personnes qui la chérissent : sa petite amie, son meilleur ami, etc. Mais rapidement la cause officielle du départ se craquelle comme un tissu de glaise au soleil : Jana part en fait aux États-Unis pour changer de sexe, pour devenir un homme. Elle n’a partagé ce secret qu’avec sa tombe de sœur. Sur le plan narratif, le film est relativement simple. C’est son traitement qui en fait une œuvre immanquable : l’image capte ce qu’il reste des relations bientôt déchirées, caresse les corps et leurs déplacements minimes, s’introduit dans les excès confondus avec des manquements. C’est à partir de gestes microscopiques que se dessine un désarroi macroscopique. Subtilement, quoique centré sur la protagoniste, le film cesse de questionner les sentiments de celle qui part pour s’intéresser à ceux qui, autour d’elle, vont rester. De la question : « Comment dire au revoir quand on s’en va ? », on passe à un autre, plus troublante : « Comment quitter quelqu’un qui part ? ». La problématique est d’autant plus prégnante que dans le cas présent, il s’agit de faire indirectement le deuil non pas de la personne, de sa présence physique, mais de l’apparence dont elle décide — le départ n’étant qu’un moyen — de se défaire. Pourquoi ? Pour être elle/lui-même. Justement.
Cette transition en forme de prise de conscience, on la retrouve sous une autre forme dans Les Cerises de Dubravka Turić. Le film retrace, en effet, la trajectoire d’une famille dont l’homophobie latente ou affichée produit une situation des plus terribles : la perte d’un enfant. Elle est d’autant plus insupportable que le point de vue duquel nous suivons l’histoire est celui d’un petit garçon de huit ans (dont le frère aîné est homosexuel) et que le nœud de l’intrigue (la fugue du frère et la découverte de sa dépouille) se fera hors-champ. Ici rien n’est bord-cadre : derrière la belle clarté du récit que nous raconte le petit garçon, et les situations par lesquelles on traverse, il y a un gouffre d’ignorance et de violence. La mise en scène épouse donc cette radicalité arbitraire. Ce que nous verrons à travers les yeux du plus jeune frère est le fruit d’un secret, c’est la partie visible d’une réalité que les autres membres de la famille semblent avoir décidé, sans même l’évoquer vraiment, de nier.
Les Cerises
Or, cette négation, contre les tentatives de signification du jeune frère à l’égard de son aîné (trouvant dans son regard deux intermédiaires : un tatouage et une paire de chaussures rouges), atteint donc la vie même de l’homosexuel. Le constat est sans appel, mais sans raison valable non plus : l’aîné a entrepris de fuguer avec son petit ami, et on les a retrouvé morts. Dubravka Turić évite à tout prix d’en faire ainsi une tragédie, pour ne garder présente que l’acuité d’un petit garçon à travers lequel surgit le pathétique du rejet familial. Film sur l’aveuglement, il se termine d’ailleurs sur des larmes qui jaillissent au moment même où le jeune frère, en rentrant de l’enterrement, bouche de ses mains la vue du père conduisant la voiture. On pleure alors d’un regret étrange : n’avoir pas su voir. Œuvre abordant l’homophobie latente, Les Cerises est sans doute le film le plus émouvant de cette quinzaine cannoise. Nous aurons bien du mal à oublier le cerisier, près du lieu où se voyaient les amoureux et signe de la connivence entre le cadet et son aîné, et sur lequel le jeune protagoniste a pendu désormais deux paires de chaussures. Pour rien au monde, le vent ne les emportera.
Pour conclure ce rapide (et incomplet) état des lieux des enjeux relatifs aux populations LGBT++s dans les courts-métrages montrés au Festival de Cannes cette année, il faut dire deux choses. D’un côté, les films donnent le signal que le combat social et politique est loin d’être terminé en ce qui concerne la possibilité d’une union homosexuelle. La réalité ne contredit pas cette position, et la situation actuelle en Tchétchénie en offre l’exemple manifeste. Les films traitent en particulier de cette période normalisante et rebelle qu’est l’adolescence, pendant laquelle l’abnégation tragique l’emporte toujours sur le renoncement pathétique. D’un autre côté, ces films répondent finalement moins à l’idée d’“hypothèse répressive” (dont Michel Foucault lui-même questionne la pertinence) qu’à l’idée précieuse d’“inventivité relationnelle” (à distinguer de la “fluidité” chère à Zygmunt Bauman), visant non seulement à trouver constamment des formes nouvelles d’amour tout en valorisant un rapport flexible avec les mots et les identités que chacun se choisit (face au pouvoir) pour se définir. C’est d’ailleurs dans cette brèche que le cinéma aurait raison de continuer de chercher, participant ainsi à l’intégration dans l’imaginaire de sociabilités queer comme un cadre investi, mythique et sans cesse singularisé. Ces films en sont des preuves tangibles et stimulantes.
Fiction, 9′, 2003, États-Unis, Florida State University
Synopsis : Aux Etats-Unis, Aadid travaille de nuit dans une laverie. Suite aux événements du 11 septembre, le nettoyage des drapeaux américains est gratuit. Aadid est amoureux de sa collègue Adela, qu’il considère, en fin connaisseur de Napoléon qu’il est, comme « sa Joséphine ».
Membre du Jury de la Cinéfondation et des Courts Métrages de la 70e édition du Festival de Cannes, Barry Jenkins, oscarisé cette année pour Moonlight, a réalisé plusieurs courts-métrages dont certains sont des commandes. La plupart d’entre eux se trouvent sur le net (on vous laisse les découvrir).
À la veille de la remise des prix des films d’écoles à la Cinéfondation, nous vous invitons à découvrir My Josephine, le premier court-métrage de Barry Jenkins qu’il a réalisé il y a plus de 10 ans, alors qu’il était encore étudiant à la l’université d’État de Floride. Ce film de jeunesse, qu’il décrit comme « son préféré » sur sa page Vimeo, a été écrit peu après le 11 septembre. Il sera réalisé en 2003.
Dans une laverie, une jeune homme, Aadid, tombe amoureux de sa collègue Adela. Elle est à ses yeux le véritable amour, la « Joséphine » de Napoléon. Ensemble, ils nettoient gratuitement des drapeaux américains après les attentats de septembre 2001 au nom de l’effort patriotique, ce qui ne représente pas trop de travail car « ce qui ne touche jamais le sol ne devrait pas être sale ».
À l’époque du film, Barry Jenkins expérimente les tournages et fait la connaissance de son futur chef opérateur James Laxton qui l’accompagnera sur ses projets futurs dont bien sûr Moonlight. Le sens de la narration, la sensibilité et l’esthétique de ce court se retrouveront d’ailleurs dans son dernier long-métrage. Dans cette toute première chronique, on aime tout particulièrement les ralentis, les flous, les mains dans l’eau et les plans de machine à laver, accompagnés par une B.O. sympa et éclairée.
Jean-Marc E. Roy et Philippe David Gagné, cinéastes québécois, reviennent à la Quinzaine des Réalisateurs avec leur dernière production, Crème de menthe, deux ans après la sélection de leur court métrage Bleu Tonnerre.
Renée, la vingtaine, voyage à Saguenay (Québec) où elle a grandi, mais où elle n’était pas retournée depuis longtemps, pour assister aux funérailles de son père. Elle y apprend qu’elle n’a que six jours pour vider la maison du défunt et entame alors une semaine de travail acharné pour se débarrasser des tonnes de cassettes, vinyles, vêtements, objets en tous genres qui se sont entassés dans une maison où rien ne semble avoir été jeté depuis des années. Ce travail colossal en un laps de temps très court est cinématographiquement rythmé par un carton montrant chaque jour qui défile. Le spectateur, comme Renée, ressent le passage du temps comme un poids ; la tension est lourde face à cette maison qui paraît toujours aussi pleine et la date butoir qui approche. Cette sensation est renforcée par la quasi solitude de Renée dans ce huis clos étouffant, manquant d’espace et de lumière.
Jean-Marc E. Roy et Philippe David Gagné travaillent ensemble depuis bientôt dix ans et se sont essayés avec brio à plusieurs genres et formats : documentaire, fiction, courts métrages, séries. Leur sensibilité pour le documentaire se retrouve dans leur façon de filmer Crème de menthe. La caméra est souple, elle se fait oublier dans les méandres de cette maison ultra chargée. La photographie est sobre, paraît naturelle, sans artifice.
Le film est porté par Charlotte Aubin, actrice confirmée, dont le personnage est traversé par plusieurs émotions tout au long du film. Au départ plutôt froide, elle semble supporter la mort de son père mieux que quiconque. Son sarcasme face à la situation montre une jeune femme emplie de colère envers son père et le monde. Cette tristesse qu’elle semble avoir emmagasinée en elle la rend tout de même attendrissante. En effet, progressivement, son visage s’adoucit, on la sent se rapprocher de la mémoire du disparu. Plus la maison se vide, plus les souvenirs et la tendresse s’emparent d’elle et sa colère semble se transformer en mélancolie. Jusqu’à la séquence finale où elle rend un dernier hommage touchant à son père ; qui donne son titre au film, Crème de menthe.
Jean-Marc E. Roy et Philippe David Gagné, maintes fois reconnus en festival ou à la télévision tout au long de leur parcours, signent avec Crème de menthe un court métrage simple et fort. Se retrouveront dans le personnage de Renée ceux qui, comme elle, ont fait face à une maison pleine de souvenirs à vider après un décès.
Synopsis : Suite au décès de son père, Renée revient au Saguenay pour les funérailles. Obligée de vider la maison du défunt, elle découvre un fouillis inouï. Son père était un collectionneur compulsif. Dans les six jours qui suivent, elle tentera de découvrir sa trace à elle au milieu de ce désordre.
Genre : Fiction
Durée : 21’
Pays : Canada
Année : 2017
Réalisation : Jean-Marc E. Roy et Philippe David Gagné
Scénario : Philippe David Gagné & Jean-Marc E.Roy
Image : Olivier Gossot
Son : Christian Rivest
Décor : Serge Potvin
Montage : Philippe David Gagné, Jean-Marc E.Roy
Musique : Dragos, Mériol Lehmann, Érick d’Orion
Interprétation : Charlotte Aubin, Fred-Éric Salvail,Guillaume Ouellet, Macha Limonchik
Il y a un an, Sylvain Desclous signait avec Vendeur son premier long-métrage, après une série de courts-métrages dont les deux derniers avaient été particulièrement remarqués : en 2012 pour Le Monde à l’envers, qui avait remporté, entre autres, le Prix Format Court en 2012 au Festival de Vendôme; et en 2014 pour Mon héros, en lice pour les Cesar.
Produit par Florence Borelly de Sésame Films, qui avait déjà produit ses deux derniers courts-métrages, et distribué par Bac Films, Vendeur raconte la relation conflictuelle de Serge, interprété par Gilbert Melki, avec son fils Gérard, joué par Pio Marmaï, sur fond de vente de cuisines.
Dans Vendeur, Sylvain Desclous continue d’explorer les thèmes qui traversent ses courts-métrages. En tout premier, la cellule familiale décousue, les membres d’une famille éclatée qui tentent de nouer une relation. Il y avait la mère et le fils dans Le Monde à l’envers et les deux frères dans Mon héros, c’est maintenant le duo père-fils qui est développé. À chaque fois, le réalisateur évite le piège de réconciliations trop simplistes pour une ambiguïté qui se révèle parfois douloureuse. Il faut néanmoins noter que cette ambiguïté fonctionne mieux dans les deux courts-métrages cités que dans Vendeur, qui obéit davantage à une trame narrative classique, peut-être plus prévisible par certains aspects.
L’autre thème décisif est l’observation du milieu professionnel des individus. Chaque personnage dans le cinéma de Desclous est d’abord caractérisé par la fonction qu’il exerce dans la société. Chacun doit jouer un rôle, endosser un costume, comme Yan (Guillaume Viry) dans Mon héros avec son costume de poulet. Mado (Myriam Boyer), caissière dans Le Monde à l’envers refuse de porter un costume qu’elle trouve ridicule. Les personnages sont donc caractérisés en ce qu’ils acceptent ou refusent de se mouler sur ce que la société souhaite obtenir d’eux, sur les moyens qu’ils vont, chacun de leur côté, trouver pour éviter de se laisser ronger par le travail.
Vendeur élargit en quelque sorte le champ d’investigation puisque les lieux de la vie professionnelle occupent une place importante. Le parallèle entre zones industrielles, commerciales et l’authenticité naturelle de la campagne, constitue une opposition centrale. Serge, personnage principal du long-métrage, est tiraillé entre la campagne et les zones où il travaille, Gérald entre les non-lieux de sa nouvelle vie professionnelle et la maison de son foyer familial. Chaque individu évolue dans un milieu qui le détermine. C’est ce que Sylvain Desclous explore dans toutes ses réalisations, puisque déjà dans Le Monde à l’envers, Mado quitte le supermarché terne pour l’environnement rural de la maison du fils (Vincent Macaigne).
Au cœur de ces thèmes, Vendeur fonctionne donc comme une variation, qui n’engage a priori aucune différence de format. On peut alors poser la question : pourquoi le passage du court au long-métrage ?
D’abord l’existence peut-être un peu plus concrète de personnages secondaires. Serge et Gérald sont autant déterminés par leur environnement que par les personnages qui gravitent autour d’eux. Le conflit familial implique alors d’autres enjeux, professionnels, économiques. Tout ceci noue une intrigue plus élaborée narrativement que celle des courts-métrages de Sylvain Desclous, avec des rebondissements. Pourtant, subsiste la sensation d’avoir perdu en route ce qui faisait le mystère de Mado ou de Thierry, mère et fils dans Le Monde à l’envers, qui se donnait davantage comme un fragment de vie. Vendeur laisse moins de place au non-dit, au hors-champ, au spectateur peut-être. La fin des courts-métrages était une porte grande ouverte, celle de Vendeur reste à peine entrebâillée. C’est probablement dû aux contraintes du long-métrage, qui impose une résolution plus claire que celle des courts-métrage, le spectateur ayant plus le temps de s’attacher aux personnages. A la fin d’un film comme Vendeur, il faut que les destins soient fixés, tandis que le court permet le flottement, l’indécision.
Néanmoins, ce constat n’enlève rien ni au travail méticuleux qu’opère Sylvain Desclous sur son sujet principal, la réalité sociale, ni à la singularité de ses héros qui en définitive, restent seuls. C’est que malgré leurs trajets filmiques de luttes et de réconciliations, subsiste une distance entre les êtres.
De nombreux courts métrage sélectionnés à Cannes cette année racontent un départ ou une fuite, une trajectoire nécessaire vers l’étranger, une transition horizontale vers un ailleurs indéfini. Citons au hasard le pudique Ela – Esquisses d’un adieu (Ela – Szkice na Pożegnanie, Semaine de la Critique) du très jeune cinéaste allemand Oliver Adam Kusio, le troublant Transition de la serbe Milica Tomović (ACID), ou encore le bouleversant Les Cerises (Trešnje, Quinzaine des réalisateurs) de la croate Dubravka Turić. Mais la notion de départ n’implique pas forcément l’éloignement géographique, il indique plutôt un changement de vie, une émancipation possible qui supposerait une verticalité.
C’est sur cette pente, tantôt douce tantôt rugueuse, que glisse le dernier opus de la réalisatrice Manon Coubia : Les Enfants partent à l’aube. Originaire de Thonon-les-bains, la talentueuse cinéaste avait déjà convaincu la presse avec des premiers pas aux allures de sommet. Le film s’appelait L’Immense retour et il a été récompensé par le Léopard d’or à Locarno en 2016. Cette fois-ci, il s’agit de rendre compte d’une déchirure, dont le deuil semblait illusoirement avoir été consommé. Une mère (Aurélia Petit), habitant en hautes montagnes, reprend contact avec son fils (Yoann Zimmer). Ce jour-là le jeune homme devient, le temps d’une cérémonie officielle, membre d’une troupe d’élite de l’armée française. Une mère, ça ne se résout pas à laisser partir sa progéniture, ça redoute les dangers, même lorsque l’enfance est déjà loin. Difficile de faire du film le portrait à distance d’une quadragénaire tant l’impression rendue par les situations est celle d’être auprès d’elle, à ses côtés, proche d’un désespoir qui ne prend pas forme. Un film avec elle, criant de malaise enfoui sous la neige.
Je suis venu te dire que je m’en vais (à la guerre)
Un fils qui part constitue la tragédie maternelle par excellence, même lorsque la mère en question semble avoir volontairement choisi de se terrer seule dans une maison presque recluse, loin de tout. Cet indépassable et terrible état n’est que la première étape d’une longue série, faite de départs et de retours, de retrouvailles et de nouveaux adieux. Les Enfants partent à l’aube raconte l’un de ces événements : un matin enneigé, alors que la vieille voiture manque de tomber en panne, Macha quitte sa maison pour l’hôpital où elle travaille. Sur le chemin, ce n’est pas un chevreuil qui manque de s’étaler sous ses roues mais son fils de dix-sept ans. Commence alors un trajet automobile où les deux personnages font mine de refuser une familiarité dont, une fois investie, il serait trop dure de se défaire. La retenue est donc préférée à toute effusion sentimentale. À travers le détachement naît une tension étonnante, qui ne se résume pas à un tiraillement contrôlé, à un conflit psychologique. L’enjeu mêle émotion et éthique : pourquoi se revoir s’il s’agira bientôt de se quitter ? Pourquoi, sous les ors de la République, exposer une fierté en guise de porte-drapeau dissimulant la crainte d’une mort possible, sinon prévisible ?
Si la déchirure mère-enfant et l’éventualité détestable d’une mort prochaine constituent les deux premiers piliers de cette fiction résolument vallonnée, le troisième enjeu engage le récit vers l’objet d’un malaise d’un autre ordre : la relation amoureuse que son fils entretient avec une jeune fille de la région (Emmanuelle Gilles-Rousseau). Macha sait que rien objectivement la relie à cette fille, que leur rapport n’existe que par l’intermédiaire du fils. Mais dès lors, toutes deux partagent malgré elles plus que la connaissance et la relative proximité d’un homme : elles sont comme tenues par le secret d’un amour impossible. L’indifférence mutuelle qui marque dans un premier temps leur rapport, perçue avec acuité par la réalisatrice, ne laisse présager que d’un rapprochement à marche forcée. Macha semble résolue à ne partager qu’une chose : le silence.
Suivre des lignes et des courbes
Si la première partie du film dépeint une descente dans la vallée, la deuxième partie elle, dessine la remontée dans les hauteurs. Ce second mouvement, jouant du hasard et de la nécessité, conjugue les trajectoires des deux femmes. La mère propose à la fille, habituée à faire de l’auto-stop, de la raccompagner chez elle. À partir de là, quelque chose devient clair pour le spectateur : le film vise à articuler des lignes et des courbes, un tissage de relations, qui par défaut ne trouvent pas refuge dans les mots. D’ailleurs, les deux femmes continuent d’utiliser essentiellement le regard comme modalité d’échange. Et ce qui semblait vertical, simple, était en fait transversal, plus complexe : chacun des deux personnages fuit l’autre pour se sauver. Mais de quoi ? Si les conditions d’une rencontre ne sont pas réunies, l’épreuve de leur rapport n’est sous-tendu par aucune curiosité, aucune volonté, aucune bienveillance. La caméra caresse les visages, évite de juger ce qui se passe; c’est à partir de cette humanité perturbée qu’on voit jaillir un néant d’aigreur. Jusqu’à la rupture. La jeune fille sort de la voiture. À ce moment-là, la transversalité devient une modalité esthétique : le champ visuel blanchi par la couverture hivernale est traversé par une ligne en diagonale, qui n’est rien d’autre qu’un chemin en arrière-plan que suit la jeune fille pour fuir, laissant la mère seule et désemparée.
Rien, dans la mise en scène de ce court métrage, ne relève de solutions de facilité. Le souffle de vent et les soupirs font partie d’une partition parfaitement cohérente. La montagne, par exemple, ne fait pas l’objet d’une esthétisation gratuite, qui formerait le soubassement utile à la territorialisation du récit. La démarche de Manon Coubia confine même à l’exact opposé : il s’agit de raconter une histoire provenant de l’espace lui-même, pour révéler les tiraillements internes d’une femme, son sens de la responsabilité et ses frustrations. On assiste à la mue d’une mère, vivant dans un espace-temps où la froideur apparente recouvre une chaleur inattendue. Notons d’ailleurs l’extraordinaire performance réalisée par Aurélia Petit, parvenant du début à la fin du film à demeurer sur un fil ténu, celui qui relie un doux charisme à une intense fébrilité. Si le monde des festivals en offrait l’option, c’est à cette actrice trop méconnue qu’on remettrait volontiers un prix d’interprétation féminine.
Synopsis : Dans le brouillard matinal d’une route enneigée, un choc sur la voiture de Macha : c’est Mo, son fils de 17 ans, avec qui elle a coupé les ponts. A travers les montagnes, le fils entraîne la mère pour un dernier voyage ensemble. Aujourd’hui, Mo rejoint les chasseurs alpins, troupe d’élite de l’armée française.
Si la jeune cinéaste polonaise Aleksandra Terpińska ne mâche pas ses mots, il semblerait qu’elle croque la réalité à pleines dents. À la manière de ses personnages qui, dans une métropole en guerre, se demandent comment vivre. Ou mourir. Il y a quelque chose de fulgurant dans Les plus beaux feux d’artifice (Najpiękniejsze fajerwerki ever), le court métrage qu’elle présente ces jours-ci en compétition à la 56e Semaine de la Critique à Cannes. Rares sont les films cannois à traiter de façon aussi tragique et souterraine la situation politique présente, où la guerre advient comme une réalité possible, sans crier gare. Alors faut-il qualifier ce film, aussi poétique qu’intransigeant, de “fiction politique” ? Ou bien de mythe prémonitoire ? Ou encore de légende revitalisée, puisée dans la culture et le cinéma polonais ? Autre interrogation : comment le cinéma peut-il rendre compte, de façon détournée, des démons du présent européen ? Pour avoir des éclaircissements sur ces points, nous avons interviewé la réalisatrice au cours d’une rencontre pour le moins électrique.
Au cours des ces dernières années, vous avez réalisé deux courts métrages de fiction remarqués et récompensés dans de nombreux festivals internationaux : Święto Zmarłych (La Fête des morts, 2011) et Ameryka (L’Amérique, 2015). Le point commun (trop) flagrant entre les deux, c’est sans doute la présence de jeunes figures féminines en proie à des questionnements liées à l’adolescence. Pourquoi portez-vous autant d’intérêt pour les personnages féminins ?
Aleksandra Terpińska : Pour moi, cela ne fait aucune différence. Je fais des films sur les êtres humains. Ce qui m’intéresse, ce sont des enjeux psychologiques majeurs. Je choisis des sujets plutôt que des personnages. Et il est évident que, puisque je suis une femme, je me sens plus proche de la féminité. Je pense que les personnages féminins sont particulièrement intéressants. Quelque part, je me dis que cela ne devrait pas être une question.
Ma question concernait davantage le rapport entre la féminité et la jeunesse. Pourquoi centrer vos films sur l’adolescence et la jeunesse ? Est-ce que parce que c’est un moment transitoire, où les normes ne sont pas encore tout à fait acquises, où les doutes les plus profonds se confondent avec les plus grands espoirs ?
A. T. : Oui, ils ressemblent tous à des films de passage, d’apprentissage, qui annonce l’âge adulte. Je n’ai jamais eu l’intention de parler frontalement des adolescents. Probablement, je fais des films sur des sujets qui me sont proches. Je me fonde sur une sorte de flair. Je sais plus de choses sur les gens jeunes, de mon âge, que sur les hommes de soixante ans. Cela explique peut-être mon intérêt pour les personnages de jeune âge.
Diriez-vous que vos films sont autobiographiques ?
A. T. : La plupart ne sont pas autobiographiques, non. Néanmoins, le sujet de La Fête des morts raconte une histoire que j’ai vécue. Mais en ce qui concerne les autres films, ils font partie de moi d’une façon ou d’une autre. J’ai puisé les situations dans mon expérience. L’expérience d’être une jeune fille, par exemple. Au fond, je ne suis présente que dans les détails, mais pas dans la thématique générale. Je n’ai jamais été violée ou brutalisée; mais j’ai pensé qu’il était intéressant de parler d’une telle situation dans L’Amérique. Dans le cas des Plus beaux feux d’artifice, j’ai seulement été attiré par le sujet. Pour moi, c’était important d’en parler maintenant. Ce sont des choses auxquelles je pense. Faire des films pour moi signifie forcer les gens à faire face à certains enjeux, prendre conscience qu’il se passe des choses comme ça. Il est possible de faire ça en utilisant des émotions et des personnages qui sont autant de prismes à partir desquels on peut s’ouvrir au problème. Si vous suivez le personnage, si vous vous attachez à lui, votre cœur est plus ouvert à ce qui lui arrive. Dans le cas de L’Amérique, certes l’une des filles est victime d’agression sexuelle, mais on ressent ce qui se passe parce qu’on a vu ce personnage en train de rire dans les séquences précédentes. C’est une façon d’aller plus loin dans la possibilité de montrer le problème. Cela ne veut pas dire que je veux être pédagogique ou scolaire. Si je veux dire quelque chose au spectateur, je le fais comme je le sens. On ne devrait pas faire des films subitement, ou seulement pour soi-même, uniquement parce qu’on a une histoire. La narration doit importer aux spectateurs, toucher leur sensibilité, ouvrir leurs yeux. Puisque tu engages tant de gens, d’énergie, de temps et d’argent, aies au moins quelque chose à dire !
Si vos films ne sont que partiellement autobiographiques, où puisez-vous votre inspiration ?
A. T. : C’est un processus très difficile. L’écriture est pour moi l’étape la plus complexe. Je déteste écrire. Je ne suis pas très rapide. Pendant le processus, on développe les personnages et leur psychologie, les rebondissements de l’action, les images qu’il faut employer pour raconter l’histoire. Même si on a déjà un cadre dans la tête, la question qui demeure est la suivante : comment rendre compte d’un sentiment, d’un scène, d’une relation ? De ce fait, l’écriture est également une étape très créative. Je la considère comme une part de la préparation du film. Si le script ne me paraît pas achevé, je ne vais pas tourner. J’accorde une grande importance au scénario, je n’ai jamais cru à la possibilité de tout réinventer sur le plateau. Je suis extrêmement précise. Si cette préparation est bonne, on peut ainsi laisser les acteurs improviser quelque chose. Pour résumer, je tire mon inspiration des choses qui me touchent. Et je pense que si cela me bouleverse, cela pourrait toucher aussi les spectateurs.
En général, on a le squelette du scénario et puis l’inspiration vient de toutes parts. Si quelqu’un de mon entourage prononce une plaisanterie, et qu’elle fonctionne dans le scénario, je l’ajoute. Pendant tout le processus, mes yeux et mes oreilles s’ouvrent et se remplissent des situations vécues.
Dans le cas des Plus beaux feux d’artifice, le processus a été étrangement court. La première version du scénario faisait huit pages. J’ai décidé de déposer le script pour un concours de scénario où il fallait s’inspirer du film Le Hasard (Przypadek, 1981) de Krzysztof Kieślowski. Par conséquent, j’ai développé le scénario très rapidement; en quatre jours, il est passé de huit à trente pages. Pendant l’année qui précéda cette écriture, j’ai vécu avec le sujet en moi. Parfois, on écrit très vite. Chaque séquence doit avoir un sens, un rôle. D’ailleurs, dans le cadre de la production de ce film, je n’ai coupé aucune scène au montage. Tout ce qu’on a tourné est dans le film. Cela ne m’était jamais arrivé auparavant. Il ne faut pas oublier non plus que si l’écriture demande du temps, ce n’est que le premier pas.
Pendant le tournage, je peux être inspirée par le lieu où l’on tourne. Et je peux changer l’action en fonction de ce lieu. Par exemple, dans la séquence où l’héroïne parle au téléphone avec son dealer à l’hôpital, on voit que derrière la porte située derrière elle, un médecin applique une réanimation cardiaque à un homme blessé. Cette idée m’est venue en visitant le lieu, en voyant l’emplacement de la porte.
Après avoir dépeint une situation rurale dans L’Amérique, vous revenez dans l’espace urbain avec Les plus beaux feux d’artifice. Le film s’inscrit manifestement dans la ville de Varsovie. Avez-vous mené une enquête ethnographique en milieu varsovien pour préparer le film ?
A. T. : (Rires.) Pour être honnête, votre question me déçoit, parce que mon hypothèse était que le film se déroule dans une métropole quelconque et indéfinie. Je ne situe pas l’action à Varsovie en particulier. Je voulais qu’elle soit universelle.
Mais est-ce vraiment contradictoire ?
A. T. : J’espère que non. Pour moi, le film se passe dans un ville européenne. Au fond, je voulais aller contre l’idée que la guerre est une réalité lointaine. Nous avons l’idée que la guerre, elle se passe en Afrique, en Syrie ou en Irak. Mais pas ici.
Hormis peut-être la guerre des Balkans qui a laissé une trace durable… Vous voulez dire que la guerre était devenue un concept ?
A. T. : Quelque chose comme ça, en effet. Les choses ont changé lorsque la guerre a commencé en Ukraine, elle était très proche de nous. L’Ukraine est un pays limitrophe à la Pologne. Et l’impression était irréelle, comme si nous n’étions pas préparé à cela. Lentement, la guerre est devenue de plus en plus réelle. Et cela a commencé à m’angoisser. Désormais, la situation politique a changé, et les choses ne sont pas si différentes que les années précédant la seconde guerre mondiale. Les partis d’extrême droite arrivent au pouvoir dans de nombreux pays européens, les formes fascistes ont refait surface. De nombreux réfugiés traversent l’Europe. La peur des réfugiés s’est accrue. On recherche un ennemi.
Contre ce processus, les gens descendent dans la rues, ils protestent. Peut-être qu’il s’agit d’un sentiment très local, très polonais. Mais lorsque je parlais de cela dans les festivals internationaux, avec des gens de différents pays, le mot « guerre » est devenu éloquent. Aujourd’hui, la guerre revient souvent dans les conversations. Pour moi, c’est comme si une ligne rouge avait été franchie. C’était mon point de départ pour écrire Les plus beaux feux d’artifice.
Si on est conscient de la possibilité que cette situation peut arriver, on peut se défendre d’une façon plus apaisée. Être conscient du présent conduit à prendre ses responsabilités, et d’aller voter aux élections importantes. Et d’éviter de se cacher derrière la posture paresseuse du hipster européen, qui s’en fiche. Nous devons être concentrés et conscients de ce qui se passe en ce moment. Nous avons trop l’habitude de laisser les choses se faire. Nous croyons que la situation de confort et de richesse est un état naturel. Il est très facile de la détruire. La seconde guerre mondiale nous l’a bien montré.
Avez-vous ressenti une urgence à faire ce film ?
A. T. : Oui. Mais votre question porte sur l’urgence que j’ai ressentie ou bien sur l’urgence sociale ?
De votre démarche émane le sentiment qu’il était vital de faire ce film.
A. T. : Oui, c’est vrai, à la nuance près que j’ai écrit les premières pages du scénario il y a deux ans. Mais à ce moment-là, j’ai pensé qu’il serait trop difficile de monter financièrement le film. Au début, je pensais que je ne le ferai jamais. Je pensais ne jamais pouvoir faire un film court avec les nécessités techniques et humaines que l’histoire impliquait : la présence des tanks, le nombre de figurants, etc. Lorsque j’ai gagné le concours de scénario pendant l’« année Kieślowski », il ne me restait que quatre mois pour tout faire. J’ai réécrit un peu le scénario et fait simultanément les repérages et le casting. Le tournage et le montage se sont aussi succédés rapidement. Ce fut très intense. C’était maintenant ou jamais. Et comme ce film parle du présent, cela paraissait cohérent. Je me demande, en revanche, si le film sera toujours actuel dans deux ans.
Ce sentiment actuel concernant la proximité de la guerre est-il particulièrement prégnant en Pologne ?
A. T. : Mon rêve est que le film ne soit pas spécifiquement polonais. Je ne l’ai pas fait comme ça. La langue est toujours un obstacle, puisque dans tous les cas, des accents nationaux émergent d’elle. J’aurais pu le faire en anglais. Mais dans ce cas, quel accent anglais aurait-il été le plus indiqué ? Il a été fait comme un film international, en termes de réflexion, de thématique. D’une certaine façon, c’est une fiction politique. Donc il devrait être perçu comme un conte, comme un mythe.
Les mythes ne sont pas internationaux…
A. T. : Oui, mais les mythes sont similaires les uns aux autres. Ils interrogent la nature humaine. Ils développent des motifs très semblables. Il me semble qu’ils s’intéressent à des choses fondamentales : aimer quelqu’un, être aimé, se sentir en sécurité, etc. Ce sont les besoins élémentaires. J’ai étudié la psychologie pendant cinq ans. Bien sûr, il y a des différences, mais les bases sont les mêmes.
Les plus beaux feux d’artifice racontent la trajectoire de trois personnages dans un ville à feu et à sang. Dans un tel contexte, votre choix est de mêler la réalité d’une mort imminente et la recherche absolue du plaisir. Pourquoi avoir conjuguer ces deux sentiments relativement opposés ?
A. T. : Ils ne sont pas si éloignés l’un de l’autre, vous savez. Dans cette situation-limite, le seul choix qu’il leur reste se résume à choisir comment mourir. Avant cela, on peut vouloir retirer du plaisir de cette situation. C’est la vie des personnages, c’est la vie que nous avons. Ils n’échangeraient pour rien au monde cette vie de loisirs et de plaisir. Ils ne veulent pas faire la guerre, ils veulent s’amuser. Ma question serait : peut-on juger si c’est un bon choix ou non ? Je voulais parler de l’intimité, de la proximité entre les êtres. Il s’agit d’aimer et d’être aimé. À la fin, même si deux personnages sont infidèles l’un à l’autre, il est crucial qu’ils soient ensemble au moment de mourir.
Avez-vous imaginé que le film puisse se terminer autrement ?
A. T. : Non, la scène finale est sans doute la première à me venir à l’esprit. Je n’ai jamais imaginé d’autres fins.
L’univers de la guerre, et les enjeux liés au milieu militaire, ne sont pas étrangers à l’histoire du cinéma polonais. On pense, par exemple, au premier long-métrage de Jerzy Skolimowski, Signes particuliers : néant (Rysopis, 1964). Une des séquences du film, durant laquelle le protagoniste est appelé par une commission martiale à faire son service militaire, est reprise dans votre film. Aviez-vous en tête le film de Skolimowski lorsque vous avez écrit le film ?
A. T. : Non. Mais j’ai l’impression que cette séquence est présente dans la plupart des films de guerre. Dans Hair de Miloš Forman (1979), par exemple, il y a une séquence similaire. Il en est d’ailleurs de même des scènes de soirée. Dans tout film, il y a une séquence de fête ou de dîner. Je sais que ce sont des séquences stéréotypiques mais la vie est faite aussi de ces moments-là.
Ça va peut-être vous surprendre mais j’ai également pensé à Cendres et diamant (Popiół i diament, 1958) d’Andrzej Wajda. L’action se passe en 1945. Dans ce film, le héros tue un homme politique communiste alors qu’un feu d’artifice emplit le ciel étoilé. Pendant que la Pologne fête la Libération, ce meurtre montre qu’un combat reste vivant entre les différentes forces de résistance. Or, on retrouve dans votre film la combinatoire entre une joie libératrice et un destin mortel.
A. T. : La dernière séquence du film se réfère de façon lointaine à un autre film d’Andrzej Wajda, Chronique des événements amoureux (Kronika wypadków miłosnych, 1986). J’avais vu le film dans mon enfance. M’était restée en tête la séquence pendant laquelle deux jeunes amoureux se suicident en mangeant des fraises sauvages. Au même moment dans le ciel, des avions filent. C’est un geste que je trouve très romantique. Choisir de mourir avec ses propres règles plutôt que choisir de vivre sans avoir la liberté; c’était l’idée de base pour Les plus beaux feux d’artifice. À un moment, on est obligés de prendre certaines décisions. Peut-être que choisir de mourir est une bonne solution. Ou peut-être pas.
C’est un concept tragique, pour le moins très présent dans le cinéma polonais.
A. T. : La Pologne est une nation tragique. Notre histoire est pleine de traumatismes et de drames. Ce sentiment de traumatisme est en nous. Nous sommes nés avec. On ne peut rien faire contre ça. On peut seulement faire des films pour le représenter.
Vous avez dit que vous aimeriez que le film permette aux spectateurs d’être plus conscients de la situation actuelle. Attendez-vous que les spectateurs agissent différemment après avoir vu le film ?
A. T. : C’est une question difficile. Puis-je répondre seulement par « oui » ou par « non » ?
Bien sûr.
A. T. : (Rires.) C’est la décision du spectateur. Je recommande aux spectateurs de se comporter différemment que les personnages. Mais je comprendrais également que quelqu’un réagisse comme eux. Tout est une question de compréhension, et pas une question de volonté. Je n’attends rien des spectateurs en particulier. Le fait de comprendre est une chose fondamentale. Si tu comprends les autres, leurs comportements, tu possèdes tout.
Avez-vous dû faire des compromis pendant la production de ce film ? Avez-vous un quelconque regret ?
A. T. : Je ne regrette rien. Chaque séquence demandait une grande capacité d’adaptation. Nous avons tourné avec cinq caméras différentes. Des séquences sont tournées comme un documentaire, certaines tournées très professionnellement. Nous n’avions que 35 000 euros pour faire le film. Et 50% du budget a été dépensé pour la séquence de manifestation de rue, pendant laquelle nous avons dû couper la circulation d’un boulevard. L’organisation avec les figurants était lourde. Les compromis que j’ai dû faire était donc d’ordre technique. Mais on ne les voit pas dans le résultat final. Il était impossible de tourner professionnellement de bout en bout. En revanche, je n’ai jamais renoncé à quoi que ce soit. Nous avons simplement essayé de trouver des solutions.
Le film ressemble-t-il à l’image que vous en aviez en écrivant le scénario ?
A. T. : Oui. Il ressemble parfaitement à la façon dont je l’ai pensé et écrit. Je suis heureuse d’être parvenue à ce résultat.
Tantôt source de plaisir, tantôt aliénant, le travail se trouve au cœur de notre société « métro-boulot-dodo ». Pour faire écho au 1er mai, Short Screens consacre sa prochaine séance au thème du travail et vous propose une sélection de courts métrages qui révèlent autant d’interprétations qu’ils posent question(s).
Rendez-vous le jeudi 25 mai à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€
Europe Endless de Ana Cembrero Coca et Jorge Piquer, fiction chorégraphiée, Belgique/Espagne, 2014, 26’ (La Ignorancia)
Un jour au sein du Parlement européen et ses environs. Le travail et le mode de vie eurocrate sert d’inspiration à ce film qui se déroule au cœur du quartier européen à Bruxelles. Les personnages dansent, courent et glissent au travers d’espaces vides baignés dans une atmosphère intemporelle, décontextualisée , dans une architecture « non-lieu ».
Alter égaux. Et si on parlait travail… de Sandrine Dryvers, documentaire, Belgique, 1999, 12’75’’(Latitudes Productions)
Travailler. Quel est encore le sens de ce mot ?
Loin de l’expertise, « Alter Egaux » donne la parole à celles et ceux qui ont décidé de s’exprimer. Face caméra, sans intermédiaire, des visages, des corps, des voix et des silences nous interpellent, nous interrogent.
La Sortie de l’usine Lumière à Lyon de Louis Lumière, documentaire muet, France, 1895-1896, 2’
Le personnel de l’usine Lumière sort de son lieu de travail, d’abord les ouvrières, puis les cadres.
Cashback de Sean Ellis, fiction, Royaume-Uni, 2004, 18’ (Uglyduckling Films)
Pour gagner sa vie, un étudiant en art travaille dans un supermarché, mais il s’ennuie terriblement : il cherche un moyen d’égayer son existence.
La Dame-lavabo de Alain Cavalier, documentaire, France, 1988, 13’ (La Sept)
Une journée de travail avec Amélia, dame des lavabos dans les sous-sols de Royal Printemps, grand café en face du magasin du Printemps, boulevard Haussmann.
Bureau de Fernand-Philippe Morin-Vargas, fiction, Canada, 2016, 11’25’’ (Jeanne-Marie Poulain)
Trois employés d’un bureau travaillent à l’ordinateur lorsqu’une présence dérangeante les détourne de leur tâche.
Keith Reynolds Can’t Make It Tonight de Felix Massie, animation, Royaume-Uni, 2009, 6’ (Skillset Screen Academy Wales)
Voici Keith Reynolds. Aujourd’hui, c’est le jour de la promotion. Pour avoir travaillé dans l’entreprise pendant huit ans, il est le plus ancien analyste commercial junior de l’immeuble. Il a attendu cette journée pendant très longtemps.
Avec son court métrage Nada, le brésilien Gabriel Martins nous offre une sorte de teen movie post-moderne où l’adolescence n’est plus un genre de paradis perdu mais un temps où l’individu en crise avec le monde découvre les règles du jeu social qui définit le monde des adultes, un monde appréhendé avec méfiance. Loin d’être un débutant, Gabriel Martins a une douzaine de courts-métrages à son actif, et a travaillé comme chef opérateur sur deux films de André Novais Oliveira, précédemment sélectionnés à la Quinzaine des Réalisateurs. Également en compétition à la Quinzaine, cru 2017, Nada est une petite pause introspective sur les choix de vie. Choisir un métier, étudier, travailler, fonder une famille : le film évoque les attentes d’une société qui exerce une pression invisible sur les individus.
Alors que certains synopsis glanés ça et là sur la toile nous annoncent un film sur les débuts difficiles et la persévérance de la rappeuse MC Clara, le film de Gabriel Martins parle en réalité d’autre chose. Bia, l’héroïne, est en effet interprétée par la chanteuse de hip-hop Clara Lima, et la musique tient ici une place de choix, mais l’histoire qui nous est racontée s’intéresse de près à une étape précise et décisive de la vie de cette jeune femme. Le film de Gabriel Martins a cette force d’évoquer avec toute la hargne et la ferveur adolescente ce moment clé du passage à l’âge adulte. Nada s’apparente à un teen movie, à un récit adolescent empreint de l’intransigeance d’une jeunesse qui aspire à autre chose que ses parents. Il nous en présente aussi les codes les plus attendus : l’initiation du héros au monde des adultes, le lycée avec ses salles de classes et ses long couloirs, la chambre qui est le lieu de l’intimité, de l’expression de soi et un refuge.
Bia est un personnage au visage fermé et aux paroles tranchées : à cette période de l’année où tout adolescent se doit de faire un choix pour son avenir, choisir une formation, une université, Bia, selon les dires des adultes qui l’entourent, ne sait pas encore ce qu’elle veut. La réalité est plus complexe que cela et suscite l’incompréhension la plus totale.
Ce court métrage dresse le portrait d’une adolescente qui illustre d’une certaine manière cette expression cliché de la « génération perdue » qui n’espère plus, ne rêve plus, ne se fait pas d’illusions. Bia refuse de faire des choix, de se plier aux attentes de ses professeurs et de ses parents. Peut-être est-ce aussi par pure provocation, par esprit de contradiction. C’est en tout cas cette idée de contrastes, d’oppositions et de contre-sens qui semble guider le film dans son développement, dans la composition des plans et la mise en scène.
Nada débute par un long travelling allant de droite à gauche, à contre-courant, dans un mouvement ralenti, presque nonchalant, tandis que la caméra filme la rue et ses passants qui tous semblent stagner ou avancer dans le sens inverse. Dans Nada, le cadre qui délimite l’espace filmique est aussi un cadre qui définit et impose une limite spatiale et sociale au sein du récit : celui de la salle de classe, et celui de la famille. Sortir ou non de ce cadre devient alors un enjeu majeur et une revendication pour Bia.
Dans la salle de classe, la caméra scrute les étudiants un à un, tous vêtus d’uniformes. Bia, elle, porte un bonnet violet avec un œil au milieu. Détail presque humoristique, Bia a, grâce a ce bonnet, littéralement un troisième œil, élément qui suggère la clairvoyance. Une conseillère d’orientation entre dans la classe. Ses vêtements et son maquillage aux couleurs criardes, ses cheveux blonds platine et son micro collé aux lèvres lui prêtant une voix robotique font de ce personnage un cliché de superficialité. Aux babillages insipides et superficiels de la conseillère d’orientation, s’oppose le rap incisif de Bia qui vient du cœur et des tripes. Pourtant, ce n’est pas à cette dernière qu’on tend un micro.
Le court-métrage de Gabriel Martins repose sur une figure adolescente qui tente tant que possible de repousser l’entrée dans l’âge adulte et nous porte, avec son héroïne, à contre-courant. Le rap de Bia évoque la corruption de l’homme par l’argent, son discours, le droit de ne pas savoir et les inscriptions sur le mur de sa chambre, l’importance de prendre le temps. Le monde de Bia, celui du rap, est aussi celui d’un art contestataire où les mots sont autant de touches de poésie brute et de sincérité dans un monde qui oublie parfois qu’il faut savoir prendre le temps de se connaître et de se questionner sur ses choix.
Synopsis : Bia vient d’avoir dix-huit ans. La fin de l’année arrive et avec elle le temps du choix de son orientation professionnelle. L’école tout comme les parents de Bia la pressent pour qu’elle décide de son orientation. Bia, elle, ne veut rien faire.
Genre : Fiction
Durée : 26’
Pays : Brésil
Année : 2017
Réalisation : Gabriel Martins
Scénario : Gabriel Martins
Image : Diogo Lisboa, Rick Mello
Montage : Thiago Ricarte
Son : Francisco Craesmeyer, Maurilio Martins, Marcos Lopes, Tiago Bello
Musique : Marlon Trindade
Interprétation : Bárbara Sweet, Carlos Francisco, Clara Lima, Karine Telles, Pabline Santana, Rejane Faria
Cette année, à Cannes, de jeunes réalisateurs de courts passent – avec succès – au long et d’autres, déjà bien installés, reviennent à la forme courte. D’autres qui tracent leur sillon dans leur long méritent qu’on revienne brièvement sur leurs très beaux courts. Identification de quelques parcours qui nous intéressent particulièrement.
À l’officielle, on ne fera que citer la britannique Lynne Ramsay qui entre We need to talk about Kevin et son nouveau film sélectionné en compétition, You were never really here, a eu le temps de faire un très beau court que nous avions chroniqué sur Format Court : Swimmer, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2013. Mentionnons aussi le suédois Ruben Östlund qui après plusieurs longs revient à Cannes avec son nouveau long-métrage, The Square. On l’oublie peut-être mais Ruben Östlund avait réalisé à ses débuts le magistral Incident by a bank, Ours d’Or à Berlin en 2010, et véritable choc esthétique où son sens inné du montage et de la narration se révélait déjà.
Dans la section Un certain regard présidée par Uma Thurman, deux premiers longs-métrages retiennent particulièrement notre attention. Tout d’abord, En attendant les hirondelles, le premier film de Karim Moussaoui, réalisateur algérien que nous avions primé en 2013 pour son superbe moyen-métrage, Les Jours d’avant(également sélectionné à Locarno et en lice pour les Cesar). En attendant les hirondelles établit un lien avec le film précédent : Karim Moussaoui poursuit son exploration de la société algérienne et ses dilemmes (raison/sentiments) à travers plusieurs histoires croisées. À Format Court, on croit beaucoup dans ce nouveau projet, étape cruciale pour son auteur étant venu sur le tard au cinéma.
Toujours à Un certain regard, l’italienne Annarita Zambrano propose ces jours-ci de découvrir Après la guerre , son premier long-métrage s’intéressant au passé de l’Italie et à un ancien militant de gauche, soupçonné d’avoir commandité l’attentat d’un juge bolognais.
Si Karim Moussaoui est sélectionné à Cannes pour la première fois, Annarita Zambrano est pour le coup une habituée : elle a réalisé en 2010 le très beau Tre Ore (sélectionné à la Quinzaine) mais aussi Ophelia en 2013 (retenu en compétition officielle) dont nous avions précédemment parlé.
À la Quinzaine, Rungano Nyoni, réalisatrice d’origine zambienne, propose son premier long-métrage tourné avec des non-professionnels, I am not a witch. Le film réalisé à Lusaka (capitale de la Zambie) et dans ses environs, s’intéresse à une petite fille semant la zizanie dans un camp pour sorcières. Par le passé, Rungano Nyoni avait co-réalisé le très beau Listen avec Hamy Ramezan dans le cadre de la Nordic Factory, également projeté à la Quinzaine 2014. On se souvient aussi de la jeune réalisatrice pour son lien à l’enfance et à son pays d’origine, avec son joli court Mwansa the Great (2011) et sa contribution au scénario de l’intense The Mass of Men (2012) réalisé par Gabriel Gauchet et primé à Locarno en 2012.
Aux côtés de Rungano Nyoni, Jonas Carpignano, italien d’origine, débarque à la Quinzaine après un passage à la Semaine de la Critique avec un film du même nom ! Il faut distinguer A ciambra, court-métrage racontant une nuit dans la vie de Pio, un jeune Rom qui vit en Calabre, distingué à la Semaine de la Critique 2014 du Prix Découverte Sony, et A ciambra, le long-métrage homonyme présenté cette semaine à la Quinzaine, reprenant le sujet du court-métrage en le développant sur une durée plus longue que ses 16 minutes initiales.
Effectuons une parenthèse du côté de la sélection des courts à la Quinzaine pour dire un mot sur Tijuana Tales réalisé par Jean-Charles Hue. Après de très nombreux courts (dont des films expérimentaux), un moyen et trois longs, le cinéaste français revient à ses débuts avec une proposition expérimentale, mêlant images super 8 et numériques. Nous aurons l’occasion de revenir plus longuement sur ce film.
À la Semaine de la Critique, on repère Ava, le premier film de Léa Mysius. Après Les Oiseaux-tonnerre , son film de fin d’études de la Fémis sélectionné à la Cinéfondation 2014 et un très beau premier film professionnel, L’île jaune, produit par Fanny Yvonnet (Trois Brigands Productions), Léa Myisus retrouve sa productrice pour son long, l’histoire d’une adolescence perdant très rapidement la vue et dont la mère (Laure Calamy) décide de faire comme si de rien n’était pour lui faire passer le plus bel été de leur vie. L’adolescence, la nature, les grands espaces, le sens du cadre et du montage, déjà présents dans ses courts, devraient sans nul doute se faire remarquer dans ce premier long très prometteur.
À la Semaine toujours, on s’intéresse également à Oh Lucy ! d’Atsuko Hirayanagi, une réalisatrice japonaise. Atsuko n’est pas une inconnue à Cannes puisque son film de fin d’école produit par la NYU Tisch School of The Arts, intitulé également Oh Lucy ! avait obtenu le deuxième prix à la Cinéfondation en 2014. Les deux films, le court comme le long, racontent la même histoire de base : celle de Setsuko, une femme d’une cinquantaine d’années qui ne trouve de sens à sa vie que le jour où elle commence à prendre des cours d’anglais auprès d’un beau professeur et à mettre une perruque peroxydée, la transformant en son propre double, Lucy. Là encore, le format long devrait permettre à sa réalisatrice de développer son histoire initiale, rythmée par un sens de l’écriture et de humour sans pareil.
En séance spéciale, difficile de ne pas passer à côté de Yann Gonzalez qui, après son long-métrage Les Rencontres d’après minuit (Semaine de la Critique, 2013) propose cette année Les Iles, un court entre désir, érotisme, voyeurisme et monstruosité. Un geste cinématographique qui plaira ou non dans les prochains jours au festival (le film est présenté ce dimanche 21 mai en compagnie des nouveaux courts de Oscar Conceiçao et de Jonathan Vinel et Caroline Poggi).
Enfin, passons à l’ACID où deux filles et deux garçons nous intéressent particulièrement. Lila Pinell et Chloé Mahieu, habituées à travailler en tandem, présentent leur premier long-métrage Kiss and cry, un film sur le patinage artistique de haut niveau et l’adolescence mise à rude épreuve. Un sujet finalement proche de Boucle Piqué, leur moyen-métrage documentaire suivant de jeunes championnes de patinage artistique partagées entre discipline, rivalité et confusions des sentiments. Ilan Klipper, lui, offre Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête, son deuxième long-métrage, un film sur la vie d’un ancien auteur à succès, dont l’entourage s’inquiète toujours autant pour lui 20 ans après sa réussite fulgurante. Un sujet également bien proche de celui de son court Juke-Box dans lequel un chanteur (interprété par Christophe) dont l’heure de gloire est passée depuis bien longtemps vit seul, reclus dans son appartement.
On finit avec Vincent Macaigne qui revient sur la Croisette avec son premier long en séance spéciale, Pour le réconfort, un film sur le retour aux racines, l’amitié, l’âge et le désir. On se souvient encore de Ce qu’il restera de nous, son premier court où la fraternité, la déchirure et l’hystérie faisaient bon-mauvais ménage. Entre les deux films, on a plutôt vu et revu Macaigne le comédien, pitre, angoissé de la vie, trentenaire amoureux dans des courts comme dans des longs, réalisés par les autres. Curiosité donc de le découvrir bientôt dans sa nouvelle réalisation…
Si d’un côté, certains cinéastes sélectionnés cette année à Cannes ont souhaité passé au long, développer leurs idées de courts, franchir une étape importante, grandir en accédant à de nouvelles sections du festival, d’autres préfèrent revenir au court, aux origines, retrouver leur liberté et leur besoin d’expérimentation en osant des films hors normes. À travers les quelques exemples de films précités, on sent toutefois le maintien d’un très beau lien entre formes courtes et longues à Cannes. Tant mieux.
Comme chaque année, Format Court vous parle de Cannes. Depuis ce mercredi 17 mai 2017, le festival le plus médiatique du monde déroule son traditionnel tapis et accueille des films, des stars, des anonymes, des pros, des curieux, mais aussi des films, bons et moins bons, courts comme longs. Format Court suit le mouvement et vous propose d’en savoir plus au quotidien sur les courts sélectionnés.
Synopsis : Dans un bar, un speed-dating. Naissance d’un amour improbable et miraculeux dans des circonstances peu propices…
Film d’école de Lucrèce Andrae, ancienne étudiante en animation à la Poudrière, Les mots de la carpe illustre une séance de speed dating, lors de laquelle douze paires de célibataires se confrontent, changeant de partenaire à chaque coup de gong.
Les nombreux personnages se démarquent autant par leur aspect physique singulier que par leurs voix et accent particuliers. Le dialogue commence par des mots simples mais se dégrade en une cacophonie de sons inintelligibles, symbolisant la défaillance de cette nouvelle formule ‘express’, bien implantée dans nos sociétés de consommation. À chaque instant, le désespoir monte chez les candidats en quête de l’Amour alors que les inégalités et incompatibilités entre eux se font de plus en plus ressentir. À la fin de cette “rencontre-minute”, la plupart des couples finissent par en venir aux mains, alors que les seuls ‘gagnants’ de ce jeu sont le protagoniste timide traumatisé par l’expérience et son interlocutrice enveloppée dans une écharpe géante. C’est finalement le silence de la carpe qui l’emporte sur le bavardage futile des pies.
Riche en couleurs, formes et sons, ce petit court de 4 minutes est une véritable expérience audiovisuelle qui a permis à la réalisatrice de se frayer la voie vers son premier film professionnel Pépé le morse. Bien plus loquace et au scénario plus complexe, ce portrait d’une famille en deuil a été sélectionnée cette année en sélection officielle à Cannes ainsi qu’au festival d’Annecy.
À l’occasion de l’ouverture du 70ème Festival de Cannes ce mercredi 17 mai 2017, voici les photos prises par Stenny Sigere lors de notre deuxième After Short de l’année consacré au Festival, organisé jeudi 11 mai au Point Ephèmère (Paris, 10ème) en partenariat avec le SPI – Syndicat des Producteurs Indépendants.
De nombreuses équipes sélectionnées à Cannes, toutes sections confondues, côté courts et longs-métrages, mais aussi certains sélectionneurs et les équipes de Format Court et du SPI étaient présentes ce soir-là : Qiu Yang (réalisateur, « Xiao cheng er yue »), Olivier Chantriaux (sélectionneur), Dimitra Karya (directrice de la sélection de la Cinéfondation), Fanny Yvonnet productrice de « Ava »), Emmanuel Gras (réalisateur, Malaka »), Fabrice Préel-Cléach (producteur, « Les enfants partent à l’aube »), Salvatore Lista et Mathieu Bompoint (réalisateur et producteur, « Le Visage »), Léo Soesanto (coordinateur du comité court métrage à la Semaine de la Critique), Helen Olive (productrice, « La Bouche »), Lucie La Chimia (réalisatrice, « White Noise »), Shirin Abu Shaqra (réalisatrice, « Hotel Al Naim »), Dominique Welinski (productrice, « Lebanon Factory »), Ilan Klipper (réalisateur, « Le ciel étoilé au-dessus de ma tête »), Vincent Wang, Fatma Tarhouni, Isabelle Mayor (producteurs & monteuse, « Last Laugh »), Vladimir Perisic (réalisateur).