Un regard mystérieux dans un rétroviseur, comme celui de Robert de Niro dans Taxi Driver, un pare-brise qui donne sur les pistes historiques du site Michelin. C’est ainsi que le festival de court-métrage de Clermont se pare sur l’affiche de sa 47e édition qui se tient du 31 janvier au 8 février 2025, signée Marie Larrivé, Césarisée pour Noir-Soleil (qui avait par ailleurs signé l’affiche de notre propre festival en 2021).
Dans le cinéma de Kiarostami, la voiture est à la fois le lieu des confidences feutrées comme de l’ouverture sur le monde, sur un chemin sinueux. L’automobile ou le lieu parfait pour voir, en mouvement, la vie, l’existence à travers un écran, comme au cinéma. De même que lors des années précédentes, le festival, rendez-vous éminent et remarqué du court métrage, propose quatre compétitions : internationale, nationale, labo et XR. Ces sélections permettent l’effervescence d’horizons pluriels, comme la mise en avant de propositions expérimentales, qui font à chaque édition la richesse et la renommée du festival, comme des auteurs qui en croisent la route.
La nouvelle édition clermontoise promet d’ouvrir grand les yeux et les oreilles en proposant une rétrospective autour du son et ses utilisations multiples, entre cris et chuchotements, entre tapage et mélodie. Elle invite également à sillonner jusqu’au Liban, cinématographie plus méconnue, donc très attendue, à travers une rétrospective couvrant vingt années de réalisation, de 2004 à 2024.
Il y aura d’autres rendez-vous parallèles, comme les séances Pop-Up ou bien Regards d’Afrique. Les séances Polar et Kids pour ne citer qu’elles, complètent ce tableau bigarré, chatoyant, qui fait le présage d’une nouvelle édition ardente dans laquelle nous avons envie de nous laisser porter.
Notre équipe vous fera part dans les jours à venir de ses émerveillements sur la route du festival auvergnat.
Ce mercredi 29 janvier, l’Académie des Arts et Techniques du cinéma a dévoilé la liste des films et artistes nommés pour la 50 Cérémonie des César qui aura lieu le 28 février prochain dans la salle de l’Olympia à Paris. Voici les courts en lice pour le César du meilleur court-métrage de fiction, documentaire et d’animation. Pour info, le second tour de vote s’ouvrira le jeudi 5 février et se clôturera le vendredi 28 février, quelques heures avant l’ouverture de la Cérémonie qui révélera les lauréats 2025.
2 bonnes infos à retenir : 8 cinéastes sur 10 sont des femmes et Salomé Da Souza, réalisatrice de Boucan (Grand Prix du Festival Format Court 2024), est nommée !
Courts-métrages en lice pour le César 2025 du meilleur court-métrage de fiction
Synopsis : Dans un établissement maraîcher, un couple d’amoureux, Bruno et Céline, tous deux déficients mentaux, vivent en parfaite harmonie. Leur quotidien est bouleversé lorsque Lucie intègre l’équipe des éducateurs.
Quelques pas dans la nuit, une pierre et une main qui l’enserre, voilà comment débute L’Envoûtement de Nicolas Giuliani, réalisateur de trois courts métrages : Petites Vallées, Les Louves et Elio, qui révélaient son affection particulière pour les grands espaces et la ferveur des liens entre les êtres, qu’ils soient familiaux ou amoureux. L’Envoûtement présélectionné en vue des César 2025, offre une histoire d’amour déchirante, rarement montrée au cinéma, filmée avec tendresse et pudeur.
Dans un établissement maraîcher accueillant et employant des personnes en situation de handicap mental, Bruno et Céline s’aiment. Bruno, atteint d’autisme, est un formidable jardinier. Passionné par la nature, il s’occupe avec beaucoup de dévotion de ses plantes, tandis que Céline veille constamment sur lui et le rassure. Dans ce couple, on ne se parle pas beaucoup, mais on se touche, on se palpe, on s’enlace. L’arrivée de Lucie, une nouvelle éducatrice, fascine Bruno jusqu’à le détourner de sa compagne, terrassée de se voir remplacer par une autre.
C’aurait pu être un documentaire autour du quotidien des personnes en situation de handicap dans cet ESAT de Dordogne (Établissement et Service d’Aide par le Travail), saisissant leurs gestes au travail et leurs petites tragédies. Et pourtant, le film de Nicolas Giuliani va au-delà et prend le pari de la fiction et d’une histoire d’amour fou, sans pour autant écarter le réalisme, ni la précision documentaire. Pour préparer son film, il a mis en place des ateliers d’initiation au cinéma dans l’établissement et s’est familiarisé avec le lieu, son esprit et ses êtres. Marion Carpentier (Céline) et Guillaume Drouadaine (Bruno) sont tous les deux des acteurs professionnels issus de la troupe Catalyse de l’ESAT des Foyers à Morlaix. Ils apportent à leurs personnages autant d’authenticité que de sensibilité.
Tout le film se noue autour des mains qui dévoilent et deviennent des paysages, des visages de l’amour. Par elles, au début du film, l’on découvre en suivant leur mouvement, l’identité du protagoniste à mesure qu’il porte une pierre proche de son visage. Ce sera aussi par un toucher de la plante teintée de terre, en écho à un plan du début du film, que Lucie devine la présence de Bruno dans son appartement. Lorsque celui-ci disparaît, il revient dans le champ du visible, au milieu des fleurs, par une main tendue.
L’envoûtement qui donne son titre au film, la fascination quasiment mystique que Bruno va développer à l’égard de Lucie, s’annonce par un contact entre les mains. Tandis que Bruno jardine, la main de Lucie fait irruption dans le champ. Elle est acceptée dans l’espace de Bruno lorsqu’il crée un agencement de deux pierres et qu’après avoir tâté et caressé la main de Lucie, il la dépose sur elles. Pour sceller cette première communion, il couvre la main de l’éducatrice de la sienne. Un peu plus tard, Lucie montre à Céline comment défaire des liens lorsqu’ils s’emmêlent : une résurgence allégorique de la déliaison de Bruno et Céline provoquée par l’arrivée de l’éducatrice.
Bruno va manifester pour la nouvelle arrivante, une adoration, comme un état de grâce, dont les rituels ressemblent à ceux de la religion chrétienne. Il répète comme en prière les paroles de Lucie,“Merci Bruno”. Il dérobe également une clé et une photo d’identité qu’il conserve dans une boîte à biscuits déterrée à la force de ses doigts. Son attention particulière aux objets les transforme en reliques. Il taille un arbre, afin de déposer l’image de Lucie et se prosterner devant, à genoux. La séduction exercée par Lucie sur Bruno est un désir sacré, déséquilibré et donc inachevé.
Par les mains, l’on se révèle, l’on se déclare. Tandis qu’on la somme de dire ce qu’elle sait de la fuite de Bruno, Céline oppose la rugosité de ses mains à la douceur de celles de Lucie : c’est dans ce hiatus que se joue le drame du film. Touchés par les mains, les objets prennent part à l’intimité. Les deux pierres de Bruno sont tapotées à plusieurs reprises par Céline, comme un totem se confondant avec l’être cher perdu. Lorsqu’elle porte le caillou à son oreille, comme pour entendre le lieu où se tient l’être aimé, la pierre se fait le relais d’un appel.
Il en va de même lorsque la casquette jaune divague dans les flots de la rivière jusqu’à ce jeune couple amoureux qui ne tardera pas à l’emmener dans leurs ébats. Ce double rappel de la relation privilégiée qu’il possède avec Céline : l’amour de deux inconnus et la personnification du couvre-chef met Bruno face à ses sentiments. Il se saisit de l’objet et l’emporte dans son autel, en le serrant contre lui, avec le même geste que pour les gants de Lucie, sur le cœur.
Au terme d’un sublime monologue, bouleversant, au clair de lune, Céline dépasse sa condition et proclame son amour, dans un élan qui affirme que quelque chose de Bruno vit en elle : “ Ton cœur est en moi, tout mon cœur bat pour lui.” La résolution d’un amour réciproque se fait encore une fois par une main, qui effleure la joue avant d’être suivie par celle de l’être aimé. Puis, vient l’étreinte.
Nicolas Giuliani consacre l’amour fou à travers les mains, la transcendance des objets, dans un film lumineux, humain et d’une délicatesse sidérante. L’amour, c’est sans doute cela, une traversée dans la nuit, dans un souffle, main dans la main.
Son film, Anushan, a été diffusé l’an passé dans le cadre de la séance Ville de Paris de notre Festival Format Court. En lice cette année aux César, le film parle du regard que porte un ado d’origine tamoule du Sri Lanka sur le passé trouble (guerres, non-dits) de sa famille. Entre fiction et auto-biographie, le réalisateur Vibirson Gnanatheepan revient longuement sur son histoire familiale, mais aussi sur sa timidité, son besoin de s’entourer, son métier de directeur de casting et son désir de rester ancrer dans le réel et le sincère.
Vibirson Gnanatheepan : En fait, j’ai beaucoup d’idées, des souvenirs de ce que j’ai vécu ou ce que j’ai vu et qui m’ont impacté. J’essaie de les écrire, de les assembler, mais ce n’est pas suffisant pour faire un scénario. C’était le cas sur Anushan. C’est parti d’un souvenir assez précis. On hébergeait des oncles chez moi et j’ai du mal à mettre en place un scénario. J’avais fait la résidence La Ruche pour Anushan pour avoir un accompagnement dans la structure de mon scénario. Je viens d’être admis à l’atelier scénario de la Fémis où je vais développer un scénario de long-métrage. J’ai deux idées de projets. L’un, c’est une potentielle suite d’Anushan. L’autre, c’est complètement autre chose.
La communauté tamoule est peu représentée au cinéma, elle a ses propres codes comme toute communauté. Comment as-tu réussi à te construire en tant qu’individu en son sein ?
V.G. : Comme je parle de gens qui n’ont pas encore été représentés, pour moi c’est très important de rester dans quelque chose de très réaliste. Je parle toujours de cinéma naturaliste parce que j’ai un peu de mal à inventer ou aller dans quelque chose qui n’existe pas, pour le moment. Il y a certaines personnes qui ne voient pas la part de fiction dans les films, ils vont s’imaginer que les gens représentés sont réellement comme à l’image, donc j’aimerais rester dans quelque chose de très réel.
Et en tant qu’individu, si la question c’est comment je suis arrivé à faire des films et comment je me suis construit, c’est que je pense qu’on ne peut pas parler de quelque chose qu’on ne connait pas. Une directrice de casting, Marie-France Michel, m’a dit : « Parle de toi ». C’était un peu flou pour moi, mais en cherchant en moi, en essayant de mettre des mots sur ce que j’avais vu, petit à petit, j’ai compris que ce que j’avais à raconter pouvait parler à beaucoup de gens. C’est comme ça que j’ai déjà intégré La Ruche qui a été pour moi un tremplin, une lumière sur l’histoire d’Anushan. On arrive avec une idée ou un scénario. On est 8 à être choisis chaque année dans toute la France. Au début, je me sentais seul. En arrivant dans la résidence, de plus en plus on m’a dit : « Tu as le droit de raconter, tu es légitime ». J’ai pris conscience de ça, petit à petit, j’y ai cru. Je pense que de plus en plus de personnes s’identifient à un personnage qui ne leur ressemble pas du tout physiquement. Je me suis dit qu’à partir d’une chose, on pouvait avoir une portée universelle.
Ça m’étonne ce genre de questionnements parce que plein de réalisateurs parlent d’histoires sans les avoir forcément vécues, simplement parce que leur imaginaire travaille.
V.G. : Moi, je pense que quand on parle d’une chose, il ne faut surtout pas blesser des personnes qui sont concernées. Par exemple, si on parle de violences, je ne veux surtout pas blesser quelqu’un qui les a réellement subies. Quand je raconte dans Anushan ce dont j’avais extrêmement peur si quelqu’un qui a vu la guerre civile ou qui l’a vécue, qui a combattu comme l’un des personnages, me dit : « Mais qu’est-ce que tu racontes ? », là, je me dis que j’ai tout perdu.
A priori, ce ne sont pas les retours que tu as eus.
V.G. : Ce ne sont pas du tout les retours que j’ai eus, c’est là où je fais très attention, j’essaie de rester sur quelque chose de très sincère et réel. J’observe, je me construis, en faisant ce que je fais, je m’affirme. Là, j’ai fait un film, je me considère en tant que réalisateur, et de plus en plus, je m’affirme comme ça, même au sein de ma famille.
Tu as fait des études d’informatique, a priori pour plaire à ta famille, pour avoir une sorte de sécurité d’emploi. Comment as-tu été amené à devenir réalisateur ?
V.G. : Oui, c’est ça. Moi, je suis fils unique et je pense que mes parents font partie d’une génération qui a tout sacrifié. Quand ils voient que leur seul enfant se met à dire qu’il va faire quelque chose qui ne leur parle pas, notamment du cinéma, ils ont peur, et on peut tout à fait le comprendre. Eux, les métiers qu’ils identifient, c’est ingénieur ou avocat. Moi, je veux faire autre chose, et ce que je veux faire, ils ne le comprennent pas.
Ça va mieux maintenant ?
V.G. : Ça va de mieux en mieux, dans le sens où, en tout cas, ils comprennent que j’ai trouvé ma place, que je fais quelque chose que j’aime, et parfois, j’ai tendance à chercher cette reconnaissance auprès de mes parents. Je me suis toujours dit que ma mère, mes parents seraient fiers de moi s’ils m’avaient vu avec un diplôme à la main. Mais ils ont fait un sacrifice, et moi, je pense que j’ai fait mon sacrifice à moi : j’ai envie de faire du cinéma pour raconter des choses, mais je ne peux pas totalement être compris par mes parents, parce que je suis issu de la double culture, et eux n’y auront jamais accès, en fait, ils n’ont pas cette culture française.
C’est quoi leurs repères cinématographiques, les acteurs sri-lankais ? Quel est l’état de ce cinéma ?
I V.G. : Il n’y a pas d’école. Il n’y a pas ça au Sri Lanka. En fait, au Sri Lanka, il y a deux ethnies, les Tamouls et les Cinghalais. La guerre civile opposait le gouvernement sri-lankais, majoritairement Cinghalais, aux Tigres Tamouls. En temps de guerre, les Tamouls n’ont pas eu l’occasion ou le temps de regarder des films. Il n’y a pas de films tamouls venant du Sri Lanka, c’est plutôt des films tamouls venant d’Inde. Quand j’ai annoncé à ma mère que je voulais faire du cinéma, elle m’a dit : « Tu veux aller en Inde ? ». J’ai dit non. Elle m’a demandé : « Tu veux en faire où alors ? ». Ils n’ont pas du tout des repères de films ici. Pour te donner une idée, j’avais travaillé sur Le Grand Bain de Gilles Lellouche, l’équipe a fait une avant-première au Grand Rex. Moi, j’étais en résidence d’écriture à Gindou et j’ai dit à mes parents d’y aller. Ils y sont allés tous les deux et à la fin, ils sont sortis du film. Ma mère m’a appelé, elle m’a dit : « Je crois que c’est un film avec des stars, qu’elle voyait des Français assis sur les escaliers pour regarder les comédiens quand ils sont arrivés à la fin du film. Le public était enthousiaste, ébahi. Je leur ai avais expliqué pourtant que c’était un film avec des stars, mais ils ne les connaissent pas, ils ne les identifient pas.
Ça leur a parlé ou pas, le film ?
V.G. : Non, le film ne leur a pas parlé, je pense.
En fait, ils étaient juste là pour voir ton nom en générique.
V.G. : Voilà, c’est ça. Même si je leur explique que ces acteurs représentent tel ou tel acteur en Inde, dans tous les cas, ce ne sera jamais compris de la même façon. Quand j’ai travaillé sur Dheepan, je leur disais que Jacques Audiard représentait telle personne, mais ce sera toujours un Français.
Ça se comprend, en fait.
V.B. : Mais moi, j’accepte ça. Au début, j’avais du mal. Je leur disais tout le temps, quand je travaillais avec un réalisateur ce qu’il représentait. Et maintenant, j’accepte. En fait, je pouvais même leur en vouloir, à un moment donné, de ne pas comprendre ce que je faisais. Mais c’est comme ça. Ils n’ont pas cette double culture. Moi, j’ai une culture française qu’eux n’ont pas.
Comment s’est déroulé le tournage de ton film ?
V.B. : Je suis quelqu’un d’extrêmement timide. Moi, quand j’étais au collège, je ne voulais surtout pas lire. Je ne voulais surtout pas que ma prof s’intéresse à moi. Quand il y avait des exposés, mon cerveau cherchait toujours comment sécher ou éviter le cours plutôt que de me retrouver face aux autres. Et là, je me retrouve sur le plateau. J’ai fait en sorte d’être accompagné de gens qui sont toujours là pour moi et qui m’aident à me sentir confiant : mon meilleur ami et ma femme. J’ai eu une équipe extrêmement bienveillante autour aussi. Mais une fois sur le plateau, on était très nombreux et j’avais de nouveau eu le trac. Le premier jour de tournage, j’étais dans mon coin. En fait, je parlais aux comédiens, au chef op mais je ne prenais pas du tout de place. À la fin du premier jour de tournage, le directeur de production qui est aussi très jeune mais extrêmement mature, m’a dit : « Tu sais, ton film, tu l’as en tête. Tu sais ce que tu racontes, c’est ton histoire, c’est ton film. Tu n’as besoin de demander l’approbation de personne. À chaque fin de prise, tu n’as pas besoin de regarder autour de toi si tout va bien. Tu sais ce que tu racontes, tu as tout en tête ». Le lendemain, je suis arrivé sur le plateau et j’ai pris un peu plus de place, je me suis plus affirmé. Ca, c’est grâce aux gens extrêmement bienveillants qui m’ont aidé à me rendre moins timide, à m’affirmer et à me construire en tant qu’individu.
A la soirée Format Court [After Short César], je me disais que j’avais travaillé énormément sur moi pour m’affirmer. Je me disais que j’y étais arrivé. J’avais le micro, mais j’avais les mains moites. J’ai même partagé des photos qui ont été prises à la soirée. Il y a des gens qui me connaissent, qui savent que je suis très timide et qui m’ont dit : « Tiens, maintenant, tu es plus à l’aise ». Je leur ai parlé de l’état dans lequel j’étais et ils m’ont dit que ça ne se voyait pas du tout.
Tu es autodidacte. Qu’est-ce qui t’a incité à te tourner vers Bien ou Bien Productions pour produire ton film ?
V.B. : En écrivant, déjà, tout le monde me disait qu’il y avait un côté Maman(s) dans mon film. Dans le film de Maïmouna Doucouré., le père de la petite fille arrive avec sa deuxième femme et elle essaie de faire sortir cette femme de sa vie. Dans mon film, c’est un oncle qui arrive, qui dérange l’espace vital de Anushan. Dans Maman(s), c’est une autre femme qui dérange l’espace vital de la petite. Dans ma tête, je trouvais ça bizarre. Ils sont à des années-lumières de où je suis. Mais c’est resté dans un coin de ma tête. Je n’ai jamais osé leur envoyer le projet. En 2019, j’ai rencontré des producteurs grâce à la Ruche. J’ai pitché le projet à Talents en court, là aussi, des gens étaient intéressés. Ça a également été le cas de France 2 qui voulait lire le projet dès que je trouverais une production. J’ai eu la possibilité de rencontrer énormément de boîtes. Mais les étoiles n’étaient pas alignées. Après, il y a eu Covid. Entre temps, j’avais envoyé le projet à Zangro. A l’époque, le film s’appelait Ce qui nous lie. Je n’avais pas eu de réponse. J’étais épuisé par le projet. Je me suis dit que j’allais le faire en auto-production. J’avais juste prévenu Sébastien Lasserre de Gindou qui m’a conseillé d’écrire à Bien ou Bien. Mon meilleur ami m’a dit : « Ça te coûte quoi ? Tu as le mail, envoie tout simplement ». Je me rappelle que j’avais effacé le titre et j’ai mis Anushan. J’ai eu un déclic, je ne saurais pas dire pourquoi. Moins d’une semaine après, ils m’ont contacté. Ils étaient intéressés, ils m’ont proposé de venir à Bordeaux pour les rencontrer. A la fin, ils m’ont proposé de signer. Là, je ne me suis pas posé de questions. J’ai vu le poster de Maman(s), j’ai vu le César. Je me suis dit : « Tiens, il y a deux ans, quand j’avais commencé à écrire, on me disait qu’il y avait des similitudes avec le film de Maïmouna. Je me disais : « Maman(s) c’est loin, Maïmouna c’est loin, Bordeaux c’est loin, Zangro c’est loin, mais on y est. » Et c’est comme ça que je suis arrivé chez Bien ou Bien Productions.
Tu viens d’être admis à l’atelier de scénario de la Fémis. Tu as envie d’attaquer quelque chose d’un peu plus long ?
V.B. : On travaille avec des scénaristes professionnels. Moi, j’aime bien être seul pour commencer. J’aime bien essayer de faire tenir debout quelque chose. Être un peu dans mon coin, avancer seul. Je n’aime pas trop dépendre de quelqu’un. Un atelier, c’est un peu plus scolaire. J’ai des retours, j’ai un cadre.
Avant Anushan, c’était quoi ton rapport au court-métrage ?
V.B. : Je regardais énormément de courts-métrages. Je venais chaque fois à vos événements. Je restais discret dans un coin. Pour te dire, à l’époque, c’était le summum de ma timidité. Quand c’était la fin, je partais, je n’osais pas parler aux gens. Je craignais qu’on vienne me parler. Je pense que la première fois, je suis même rentré, j’ai eu peur et je suis parti. Je me suis dit que ce n’était pas mon milieu et qu’on me demanderait ce que je faisais là. J’identifiais les boîtes de production de courts-métrages, et j’essayais de comprendre le système de court-métrage, les productions. Je n’avais aucun contact dans le milieu, c’était une façon d’identifier les gens. Je regardais des courts-métrages partout, il y en avait que je ne comprenais pas du tout, j’essayais de comprendre pourquoi certains étaient sélectionnés. J’avais un peu compris qu’il fallait passer par le court et que pour écrire le mien, je pourrais y arriver en en regardant plein.
Tu penses que ça t’a aidé, que ça t’a formé ?
V.B. : Non. C’est plus la résistance qui m’a formé.
Quand on est un enfant d’exilé, comment construit-on son imaginaire autour de la guerre ? Comment raconte-t-on la guerre quand on ne l’a pas vécue soi-même ?
V.B. : J’aime beaucoup cette question. Raconter la guerre sans l’avoir vécue. Comme je disais, c’est ce dont j’avais peur. Que des gens de la communauté me disent que j’en parle sans la connaître. Mes parents, c’est un peu comme dans le film, ils ne m’ont jamais parlé de cette guerre. En cinquième, mon meilleur ami a été très impliqué au moment du tsunami, il en parlait tout le temps, ses parents étaient aussi très impliqués. Ils allaient aux manifestations. Je me suis demandé pourquoi ce n’était pas mon cas. J’ai posé cette question à mes parents : « Vous êtes arrivé dans un pays, vous êtes en sécurité, et ça y est, vous avez tout oublié ». En fait, ils n’ont jamais su me répondre. Je ne saurais pas pourquoi. Même encore, d’ailleurs. Du coup, j’ai voulu savoir, me renseigner. Je me suis mis à regarder énormément de vidéos. Je lisais des articles, je parlais à des oncles, ils me racontaient des choses, c’est un peu comme ça que je me suis mis à m’intéresser, à aller aux manifestations.
Par rapport à la façon dont j’ai imaginé cette guerre, j’ai écrit une scène que j’adorais, hyper impactante, avec des figurants, des tanks. Cette scène raconte la guerre, mes producteurs m’ont dissuadé de la tourner car c’était trop cher. Moi, j’ai insisté. Zangro m’a dit : « Cette guerre, ne la montre pas de cette manière, laisse les spectateurs s’imaginer, c’est beaucoup plus violent, tu ne peux pas t’arrêter à ça ». Il avait les mots Je suis allé au Sri Lanka en 2002, j’ai des images plus concrètes, j’ai vu vraiment les lieux, on est allé où mon père a grandi il ne reste plus qu’une porte.
Comment se passe la campagne autour du film ?
V.B. : J’ai travaillé sur plusieurs longs métrages en tant que technicien, les gens me connaissent comme quelqu’un étant dans le casting, mais je vais communiquer au sein de tout mon réseau, dire que je suis aussi aux César. Comment je le vis ? Je reste confiant dans le fond, enfin posé, C’est une belle lumière, mais on parle du film. Après, on ne va pas se mentir, on est dans les 24. Si je n’y avais pas été, je serais un peu triste. Mais maintenant qu’on y est, je pense qu’il faut tout faire pour arriver à quelque chose que ce soit positif ou négatif, le principal, c’est qu’on n’ait pas de regrets. Tout simplement. C’est tout ce que je me dis. C’est tout ce que je compte faire.
Le casting, c’est une épreuve pour les comédiens. Toi, tu es de l’autre côté. Tu fais défiler des gens. Tu fais partie des gens qui rappellent. Est-ce que la conception du casting a évolué ces dernières années ?
V.B. : D’une certaine manière, il y a des choses à dire aux comédiens pour ne pas que ce soit trop dur si ils ne sont pas pris. J’ai un peu cette idée de persévérance. Il y a un élu pour je ne sais pas combien de personnes qui se présentent. Je le dis tout le temps et d’autant plus quand je fais du casting sauvage. Ces gens n’ont rien demandé. On va dans la rue, on les trouve bien, on les cherche. Je prends énormément de temps à expliquer, surtout après. J’essaie avec beaucoup de délicatesse d’expliquer aux gens que si ils ne sont pas pris, ce n’est pas parce que quelque chose n’allait pas. Je leur dis que ce n’est pas forcément parce qu’ils ne sont pas bien. C’est plein de choses. C’est l’imagination du réalisateur, ça peut être une énergie, ça peut être tellement de choses. On ne saurait pas s’arrêter là. Il faut continuer, persévérer. Ça arrivera à un moment donné. J’essaie d’être bienveillant au casting. Ce n’est pas facile, c’est comme moi en tant que créateur qui envoie des dossiers et ne suis pas pris. Il y a tellement des choses qui doivent s’aligner pour qu’on soit pris, il faut être vigilant là-dessus. J’essaie tout le temps d’analyser les situations après coup. J’ai vu passer des comédiens qui n’ont pas été rappelés et qui sont aujourd’hui en tête d’affiche.
Synopsis : César a 12 ans lorsque sa grande sœur Lou est victime d’une agression sexuelle. Dans les vestiaires des cours d’escrime qu’il fréquente, tout se mesure à l’aune de la violence. César voudrait prendre part à tous les combats mais n’a pas les armes.
Genre : Fiction
Durée : 18’
Pays : France
Année : 2024
Réalisation : Violette Gitton
Scénario : Violette Gitton
Image : Martin Laugery
Son : Elias Graziani
Montage : Cyrielle Thelot, Clémentine Lacroux
Montage son : Matthieu Frelin
Musique : Delphine Malausséna
Interprétation : Marius Plard, Billie Blain, Jala Altawil, …
César, 12 ans, est un jeune garçon dont la sœur a été agressée sexuellement. Le film de Violette Gitton, en lice aux César, est aussi doux que percutant et filme la jeunesse et l’enfance dans toute sa vérité aussi violente qu’elle soit. Comme le précise la réalisatrice sur Court-Circuit, également assistante à la direction et à la protection des enfants sur les tournages, avec ces derniers, il n’y a éthiquement pas le droit à l’erreur. C’est ce qui émane de ce film, où l’attention portée à l’enfance témoigne d’un sens précis de ce qu’est tourner avec des enfants, de leur prise en charge et de ce que psychologiquement, l’histoire représente pour eux.
Dans le film, César fait de l’escrime et passe une partie de son temps à l’entraînement puis à la piscine où il vient chercher sa sœur. Dans les vestiaires, ces garçons répètent des schémas de virilité : mesurer son sexe, bizuter. Ce chahutage que certains diraient bon enfant, est symptomatique de la violence dont les enfants peuvent être à l’origine. Ainsi, Violette Gitton pose les bases d’une enfance contrainte à la fois à grandir au travers des principes de l’enfance mais aussi avec ce que représente être un homme dans la société actuelle. Une position qui s’impose dans des schémas de construction de la personne, de masculinité mais aussi de questionnement quand César repense à l’agression de sa soeur. Cet ordre dans lequel César évolue est aussi régi par un certain équilibre, celui d’un entraînement rigoureux, d’un cadre, de règles, et de la vie intime de chacun.
Pour César, il s’agit d’apprendre à réagir face à l’agression de sa soeur. Ce n’est pas elle qui en parle, la première fois qu’on l’apprend, c’est par la police spécialisée des mineurs qui vient interroger César. Derrière le froid de la caméra qui le filme, une première étape brutale le confronte à une réalité que l’on souhaite restée éloignée de l’insouciance d’un jeune garçon. Une femme explique à César que sa sœur a été agressée sexuellement. Il y a une sorte de neutralité dans sa réaction. Que faire ? Il ne semble pas avoir peur, est-il peut-être triste ? L’impassibilité est la réaction propre à cet enfant qui ne comprend peut-être pas très bien le drame qui bouscule sa famille.
Avec ce film, la réalisatrice s’inspire de sa propre expérience avec son frère et comme le dit le titre, souhaite raconter « ce qui appartient à César ». Soit ce qui lui est propre dans le tumulte de ces évènements, un enfant confronté à l’agression sexuelle de sa sœur. Un dur rappel qui s’effectue aussi visuellement avec les marques implicites de ce drame. Devant la piscine, lieu de l’agression, est garée une voiture vide. Cette carcasse de voiture, cette chose inanimée qui pourtant dégage une étrangeté et un silence comme une omerta. Il n’en parle pas à sa sœur, elle ne lui en parle pas non plus. Ils partagent quelques moments du quotidien que cela soit dans la chambre ou dans le salon devant l’avocat de l’affaire. César ne modifie en rien son quotidien mais quelque chose le travaille. Il cherche une justesse, un moyen de réagir. Ainsi, César perd un fragment de normalité mais essaye de prendre en main son quotidien. Avec sa sœur, qu’il continue d’aller chercher à la piscine, ils observent la voiture être amenée à la casse par une grande machine. Le dernier vestige de ce drame est emporté loin d’eux et un silence tacite les réunit dans l’espoir de passer outre tout cela.
Il y a un mois, nous vous annoncions la liste des 45 titres de courts présélectionnés aux Oscars 2025. Il y a quelques jours, les nominations des votants de l’Académie se sont fait connaître. Un tiers des films (15 donc) reste en lice pour l’Oscar du meilleur court-métrage de fiction, d’animation et documentaire. Le p’tit bonus : plusieurs de ces films sont visibles sur la Toile, via cette actu.
Et pour la suite ? À l’issue du deuxième tour de vote qui aura lieu du 11 au 18 février, les prix seront remis pendant la 97ème cérémonie des Oscars, le 2 mars prochain.
Après avoir été auréolé du prix du public lors du festival du court-métrage de Clermont-Ferrand 2024, le film de Marie-Lola Terver et Paul Jousselin pousse la porte des César en intégrant la sélection officielle des courts métrages de fiction de l’édition 2025. Sans rien sacrifier à sa drôlerie ni à son fantasque, Les Mystérieuses Aventures de Claude Conseil, revêt l’étoffe d’un conte philosophique. Leur premier film s’intéresse à l’improbable rencontre de deux mondes à travers deux femmes que tout semble a priori séparer. Le court-métrage joue avec les possibilités du son, Paul Jousselin est par ailleurs diplômé de la Fémis en section son, Marie-Lola Terver est quant à elle costumière. Devant l’exceptionnel parcours de leur film, riche en nominations et en prix, Paul Jousselin a même pensé un site internet en l’honneur du film, prolongeant l’atmosphère du court-métrage avec ses détails les plus emblématiques, comme un jeu de solitaire, ou le fond d’écran signé Pasolini, et recense tous les honneurs récompensant leur film.
Vivant paisiblement dans la forêt et unis par une passion dévorante pour les oiseaux, les époux Claude Conseil (Catherine Salviat et Olivier Saladin) recueillent leurs chants sifflés et les diffusent sur leur chaîne YouTube. Cette tendre tranquillité est perturbée le jour où le téléphone portable de Madame Claude Conseil est submergé de messages de désir et de haine. Le pépiement des oiseaux nappait leur maison au fond des bois : il laisse place à une pluie de voix électroniques. Cette avalanche de messages est provoquée par la sortie d’un titre de rap de la chanteuse Leys scandant ce qui s’avère être le numéro de téléphone de Claude Conseil. De là, les gazouillement d’oiseaux croisent la verve des paroles de la rappeuse comme les platines de ses productions, les feuillages et la lumière du jour rencontrent miraculeusement celle des néons et de l’esthétique très léchée du clip. Les Mystérieuses aventures, ce sont ces métissages de deux mondes, de deux femmes, un cocktail étonnant, détonnant, dont on peut attendre le pire, mais qui s’avère bienveillant. Cette persistance de la gentillesse et de l’altruisme dans le monde contemporain, une ode à l’inclusivité, voilà peut-être la plus belle surprise du court-métrage.
Le “Il était une fois” des contes infuse la forme comme le ton du court-métrage. Claude Conseil et son époux sont des passeurs d’histoire. Leur répertoire de chants d’oiseaux assure la transmission de la nature à internet. L’idée est plaisante : la féérie harmonieuse des oiseaux nourrit souvent l’imaginaire des contes. Elle est ici aussi comique, dessinant un jeu subtil avec le langage et le son : gazouillis, piaillements, roucoulements et paroles s’emmêlent, troublant ainsi ce qui se dit. Le clin d’œil amusé au film de Pasolini Uccellacci e uccellini (Des oiseaux petits et gros), vient renforcer à la fois la notion de conte et la portée du langage. Dans un monde connecté où l’âge, le vocabulaire et les centres d’intérêts creusent l’écart générationnel, Claude Conseil prône l’amitié : s’écouter, c’est mieux s’entendre. Claude Conseil comme Saint François d’Assise s’adresse aux oiseaux : “Qu’est-ce que tu vas me raconter aujourd’hui?”
Au début du film, Claude Conseil est assise face à sa fenêtre entrebâillée, au rebord de laquelle un oiseau se pose. Lorsque cette paisible retraitée sifflote à la manière des oiseaux le rap qu’elle vient d’assimiler, la preuve est apportée par le son cette fois-ci : il ne faut cesser d’ouvrir des portes et des fenêtres sur le monde qui nous entoure. Claude Conseil, au milieu de la nature, le téléphone tendu, comme un Orphée brandissant sa lyre, ne cherche pas à dompter les oiseaux, mais en poète, elle désire conter leur mélodie aux microphones d’un studio de musique. De l’autre côté, Leys tient son téléphone proche du micro, cherchant dans le chant des oiseaux le flow, le rythme qui permet de mixer les sifflements à la cadence du rap. Il y a transmission à partir du moment où Leys se rend disponible à recevoir et intégrer, de la même manière que Claude Conseil, apprend et assimile le vocabulaire qui lui est inconnu. Les Mystérieuses Aventures de Claude Conseil, dans une mise en scène radieuse, fait du dialogue, à l’instar de ses deux cinéastes, le levier de la création.
Synopsis : Claude Conseil vit une retraite paisible avec son mari dans une maison au milieu des bois. Elle occupe son temps à écouter et enregistrer les oiseaux. Un soir de printemps, d’incessants et énigmatiques appels viennent rompre le calme de la forêt.
Synopsis : Sous un soleil caniculaire, Charlie s’ennuie ferme et rêve d’aller à la mer. Mais elle est contrainte de garder un motel miteux avec sa cousine Jess qui reste affalée dans son transat. Les deux ados ne s’entendent pas et se chamaillent à la moindre occasion. À la radio, la voix monocorde d’un éminent chercheur en collapsologie prédit une fin du monde imminente. La piscine est vide, le soleil tape, la tension monte : l’apocalypse écologique annoncé sur les ondes fait soudain irruption dans la réalité.
Genre : Animation
Durée : 12’
Pays : France, Belgique
Année : 2024
Réalisation : Camille Monnier
Scénario : Camille Monnier
Animation : Léa Krawczyk, William Lebrun, Camille Monnier, Anne Huynh
Qui n’a pas connu ces longues journées d’été marquées par la chaleur suffocante et l’ennui écrasant ? C’est de cette torpeur envoûtante que la jeune réalisatrice Camille Monnier va tirer son dernier court-métrage, Soleil gris, préselectionné aux César 2025 et disponible sur Arte. Deux cousines, coincées dans un hôtel vide et se supportant peu, cherchent à combler l’ennui dans un climat de fin des temps.
Dans un mélange de chaleur accablante et de poussière volante, Camille Monnier représente les journées vides d’été dans un paysage quasi désertique, rythmé par le mouvement de sacs plastiques volant doucement au gré du vent. Au bord d’une piscine vide, dans un motel où personne passe et où s’étend au loin une étendue ocrée d’herbes sèches, on est vite pris d’un sentiment de solitude face au monde, et même celui de la fin du monde en elle-même. Le court nous plonge directement dans cette ambiance particulière et indéfinissable, avec une poésie désolée du vide et ce léger vent qui n’arrive pas à rafraîchir.
D’un côté, nous avons Jess sur son transat, en train de lire un magazine sur comment perdre du poids, triturant son corps tout exposé au soleil, et de l’autre, Charlie, toute habillée et tournant en rond autour de la piscine comme un vieux loup, voulant absolument aller se baigner à la mer. Entre les deux, pas d’atomes crochus, elles sont là parce qu’elles doivent garder le motel, forcées de rester ensemble, et c’est tout. À coup de paroles cinglantes, la tension monte un peu, Jess menace Charlie de croiser un coyote. Lorsque Charlie va se chercher un Coca pour se rafraîchir, la soif monte aussi en nous (encore plus quand la boisson reste coincée dans le distributeur). À ce titre, on ne peut qu’applaudir le rendu atmosphérique visuel de ce court, qui fait aussi bien sentir au personnage qu’au spectateur la gorge s’assécher et le malaise s’installer.
Un élément vient couper l’ennui dans lequel les deux filles se trouvent. Derrière le grillage, une voiture apparaît et roule jusqu’au motel. Au volant, un garçon leur propose de monter pour aller se baigner. Finalement, aucune des deux n’y va. La tension monte encore. Les corps gris se déplacent avec langueur dans le décor, marqué de-ci et de-là de nuances bleues et rouges. Le faux calme du vent chaud, de la voix radiophonique qui grésille dans le haut-parleur et de cette espèce de bourdonnement incessant rendent toujours plus insupportable le paysage desséché.
L’ambiance devient sombre, comme dans un rêve sur fond noir : un corps nu féminin, une coupure rouge puis un coyote apparaissent pour se rapprochent de plus en plus. Il semble que c’est Charlie, qui plonge ses mains dans la fourrure d’un coyote, et ses poils ressemblent à des flammes. Puis le coyote se renferme sur elle. C’est un songe bizarre dont on est surpris, tout autant que Charlie qui se réveille bouillante au fond de la piscine, sa peau grise devenue rouge. Dans le bassin, des choses volent : est-ce des bouts de feuilles ou bien des cendres ?
L’étendue d’herbe jaune séchée au soleil est devenue un brasier, les palmiers sont couverts de flammes, et on entend la voix de Jess en fond, empreinte de panique. Enfin, les deux sortent du motel par la contrainte. La fuite des incendies se présente comme une course effrénée, presque irréelle dans un rouge vermillon teinté de particules de cendres, reproduisant comme le grain d’un vieux film, mais sur fond d’aquarelle. Ce visuel graphique aussi beau qu’étrange se prolonge jusqu’à l’arrivée dans la mer, dont la surface est colorée de cet orange doux des flammes. La baignade tant souhaitée est devenue une libération étrange, proche de l’apocalypse : les coyotes sont aussi au bord de l’eau, les sacs plastiques s’envolent, et l’ambiance est toujours aussi désolée qu’avant, si ce n’est plus.
Dans un entretien à Arte, Camille Monnier se confie sur son intérêt pour la collapsologie, c’est-à-dire l’étude d’un effondrement potentiel de la civilisation, qu’elle lie subtilement dans son court-métrage à l’adolescence, une période de (dé)constructions aussi ravageante, la fin d’un monde en lui-même. Ce double lien est parfaitement rendu par la beauté sombre de cette peinture et animation sur papier, qui nous emporte pendant douze minutes dans un paysage caniculaire pénétré de lassitude, si particulier par la grande sensorialité qu’il arrive à nous transmettre.
Fin novembre 2024, Djiby Kebe a remporté au Festival Entrevues de Belfort le Grand Prix du Court Métrage André S. Labarthe pour son premier film, L’Avance, soutenu par la Ville de Paris. Le réalisateur a plus d’un mot dans sa besace et fait son bout de chemin, entre vieux films et grands espoirs. Son court métrage retrace le parcours d’un jeune artiste Aliou (Saabo Balde), vendant sa première toile pour une bouchée de miettes à une collectionneuse (Julia Faure), bien éloignée de ses repères. Influencé par Robert Bressson et Samuel Fuller, Djiby Kebe s’interroge sur sa place de cinéaste dans un milieu qu’il a choisi et dont il continue à décrypter les codes.
Format Court : Quel a été ton parcours avant L’Avance ?
Djiby Kebe : La première fois que je me suis retrouvé dans un cadre scolaire, officiellement, c’était en droit, à la Sorbonne. Ça a duré 6 mois. Ensuite, je suis allé à l’école Kourtrajmé, en section photo, pendant 6 mois. Après, je suis allé aux Beaux-Arts, deux ans après. J’ai arrêté mes études. Maintenant, je travaille à mon compte et j’écris des films. J’ai un projet de magazine à côté qui s’appelle Air Afrique. Ça me permet de gagner un peu d’argent de poche, de pouvoir me concentrer aussi sur des films et de ne pas avoir un boulot freinant.
Air Afrique, ça parle de quoi ?
D.K. : Air Afrique, c’était une compagnie aérienne qui a été fondée dans les années 60 par les 11 États fraîchement indépendants. Elle a existé jusqu’en 2002. En parallèle d’être une compagnie aérienne, Air Afrique a été mécène de cinéma africain, d’art africain, de littérature africaine, etc. Avec mes amis, on est super cinéphiles. On a regardé beaucoup de films, on s’est intéressés à la compagnie, on a décidé de reprendre le nom pour en faire un projet culturel.
Qu’est-ce que la critique t’apporte dans tes idées d’écriture de films ?
D.K. : Je suis hyper cinéphile. J’anime un ciné-club tous les deux mois au cinéma Christine, dans le 6ème arrondissement. Je fais partie de ces gens qui pensent que pour devenir cinéaste, c’est très important de connaître l’histoire du cinéma. En montrant des films qui partent de cette perspective africaine, afro-diasporique, ça me permet aussi de situer mon oeuvre, de la relier avec ces films-là. Mais en même temps, la réalité, c’est que j’ai grandi en France, que j’ai été nourri au cinéma occidental, que j’adore. J’adore aussi Hollywood, les grosses industries européennes. C’est hyper intéressant de faire le parallèle entre tous ces cinémas-là, et d’arriver avec un objet qui va essayer d’être différent de ce qui peut se faire en temps normal.
Pourquoi avoir étudié la photo à Kourtrajmé ? Qu’est-ce que tu y as appris ?
D.K. : J’écris des scénarios depuis que j’ai à peu près 16-17 ans sauf que je n’ai pas eu le courage de faire des films, parce que quand on pense au cinéma, on a l’impression que c’est compliqué, que ça nécessite d’avoir une équipe. Je m’auto-censurais pas mal, c’était compliqué pour moi de porter à l’écran un récit que j’avais moi-même écrit. Passer par la photo, justement, c’était passer par un biais un peu plus subtil, où je pouvais mettre en scène quelque chose de fragmenté, quelque chose qui reste bloqué dans le temps, comme une seule image. Je fais de la photo depuis que j’ai à peu près 15 ans. J’ai été vraiment inspiré par les photographes new-yorkais des années 80 qui ont beaucoup documenté la scène skate. Moi-même, j’ai été un skater.
Je suis allé à Kourtrajmé en section photo parce que j’étais à un moment de ma vie où je n’allais pas à l’école, j’avais 19-20 ans, je ne faisais pas grand-chose. Ma mère n’était pas très contente. Je ne pouvais pas retourner en cours comme ça du jour au lendemain. J’ai vu que ces formations existaient du coup, je me suis dit : « Pourquoi pas ? ». Je me suis dit que ça me ferait rencontrer des gens, essayer de nouvelles choses. Et puis, en étant aux côtés des cinéastes de l’école, des étudiants des autres sections, ça m’a aussi fait comprendre que le cinéma, c’était peut-être à ma portée, qu’il fallait potentiellement que je me lance aussi là dedans.
J’entends assez régulièrement de la part de jeunes qu’il ne faut pas forcément avoir besoin des commissions pour y aller, qu’il faut tourner et c’est comme ça qu’on apprend. Dans quelle mesure as-tu le sentiment que cette idée, c’était vraiment une réalité pour toi, que tu n’avais pas envie d’attendre et qu’il y avait une forme d’urgence ?
D.K. : Je pense qu’en tant que jeune cinéaste, on est nourri d’une certaine naïveté qui nous fait croire que c’est possible. Cette naïveté-là peut nous emmener dans des endroits hyper intéressants. Après, c’est vrai qu’il y a une réalité économique qui est que si on a des moyens et qu’on a une infrastructure qui peut nous permettre de faire des films, on aura beaucoup plus de facilité à faire quelque chose qui, à la fin, sera quelque chose de regardable, qui sera quelque chose de bien. Moi, j’ai eu de la chance. Le premier film que j’ai fait a eu une subvention de la Ville de Paris. Mais avant cela, j’avais quand même dit à mon producteur que si on n’avait pas la subvention, je voulais quand même qu’on fasse le film. Après, est-ce que ça aurait été le même film ? Je n’en suis pas certain. Le fait qu’on ait eu cette subvention-là a permis à ce que le film puisse être à Belfort et puisse être récompensé.
Parfois, les jeunes réalisateurs sont amenés, pour apprendre à réaliser, à faire des films dans des conditions un petit peu différentes. Tu as dû entendre parler des films Nikon et des films kino, réalisés en 48 heures à Trouville. Est-ce que c’est quelque chose qui t’a tenté ?
D.K. : J’ai voulu faire le film que j’avais en tête. Je ne voulais pas le limiter selon des contraintes temporelles ou esthétiques. Je n’ai pas fait le film en pensant à des festivals. J’ai pensé le film en sortant quelque chose de ma tête qui allait, au final, être porté à l’écran. Ça a été quelque chose d’hyper singulier, d’hyper personnel. Je pense que c’est pour ça que ça fonctionne, pour l’instant.
C’est quoi les attentes que tu avais de L’Avance ?
D.K. : La première chose que j’ai dit à mon producteur, à mon chef opérateur et à mon co-scénariste, c’est que je voulais qu’on fasse un film de cinéma et rien d’autre.
C’est quoi, un film de cinéma ?
D.K. : Pour moi, un film de cinéma, c’est un film ambitieux esthétiquement parlant et exigeant intellectuellement. Je pense que le cinéma vit une époque incroyable, il y a de la diversité. J’ai tendance à beaucoup regarder les films du passé. J’adore la période classique hollywoodienne. Je trouve que c’est vraiment l’apothéose du cinéma, en tout cas dans sa forme, que ce soit dans les costumes ou dans les décors. Je pense aux films des années 30-40-50. J’aime beaucoup les films de gangsters de la Warner, cette période m’inspire, jusque dans les années 70, avec le nouvel Hollywood et même le cinéma français qu’on a tendance à oublier. Les films de Bresson ou de Melville, la façon qu’ils avaient de filmer Paris, leurs personnages marginaux, c’est ce qui m’intéresse et que j’essaie de mettre en scène. Le personnage de L’Avance, qui est incarné par Saabo Balde, pourrait être un personnage mis en scène par un Robert Bresson ou un Maurice Pialat, il y a 40 ou 50 ans. J’aime beaucoup aussi assumer ce côté très français de mon cinéma et pas uniquement copier ce qui se fait aux États-Unis. Je pense qu’en France et en Europe, on a une histoire qui est forte et qu’on n’a pas le même contexte culturel qu’aux États-Unis.
C’est marrant que tu parles de Bresson parce qu’il y a une histoire d’argent qui intervient dans ton film.
D.K. : C’est vraiment un de mes cinéastes préférés, que j’ai beaucoup vu, que j’ai beaucoup entendu parler. J’adore sa façon de penser le cinéma. Ce que j’ai vraiment aimé dans son cinéma, qui m’a vraiment marqué pendant ma jeunesse et qui m’a aussi éveillé, c’est sa façon de mettre en scène ces marginaux qui vivent un peu une espèce de fatalité et qui ne peuvent pas être plus forts que le système, que leur destin. C’est ce que j’ai essayé de montrer avec cette scène de fin, où le personnage d’Aliou ne peut pas sortir de cette pièce où il est enfermé, où il est bloqué, c’était un peu dans cette tradition d’un cinéma bressonien.
Tu as l’impression, toi, d’être bloqué dans ton quotidien ?
D.K. : Dans ma réalité, je pense qu’en fin de compte, les questions que je me pose souvent, justement, c’est : à quel endroit je me situe, qui je suis vraiment, comment les autres me perçoivent ? En réalité, j’ai la chance d’avoir côtoyé des milieux très intellectuels et en même temps, ma mère était femme de ménage, mon père était cuisinier plongeur dans une cuisine, dans le quatorzième. Il est arrivé en France dans les années 70, du coup, il a fait ça toute sa vie.
Il est arrivé d’où ?
D.K. : Il est arrivé de Bamako, du Mali. Et en fin de compte, il y a un peu un écart entre ce que j’étais et ce que je suis devenu, dans la mesure où, aujourd’hui, je ne pense pas qu’être un cinéaste, c’est quelque chose qui m’était offert sur un plateau d’argent. J’ai bénéficié du fait de vivre à Paris, d’avoir grandi dans le 20e arrondissement. Encore une fois, j’ai encore plus de chance que des gens qui habitent en banlieue ou même en province qui, eux, justement, ne sont pas à 30 minutes du Quartier latin pour aller voir des films d’art et essai et qui ne sont pas à côté du Musée du Louvre, qui n’ont pas le métro à proximité. C’est aussi ça qui est intéressant, de par mon parcours personnel, j’ai côtoyé plusieurs écosystèmes, plusieurs milieux qui sont un peu opposés, mais qui, en fin de compte ont un sens, C’est vraiment ça que j’ai essayé de retranscrire dans le film. Une scène fait le lien entre les Beaux-Arts, Strasbourg-Saint-Denis et le 19e arrondissement. On a vraiment fait cette scène en pensant, au parcours que je mène dans ma vie de tous les jours. J’étais au Beaux-Arts, je rentrais tout le temps dans le 20e, dans mon logement social à côté de Cité. Je ne suis pas dans la cité, mais j’ai grandi à côté de Cité, j’étais près de ces gens qui avaient beaucoup moins de chance que moi.
Je n’aime pas trop le mot « diversité ». Mais en même temps, aux Beaux-Arts qui est un peu une école d’initiés, est-ce que tu as pu trouver ta place ?
D.K. : L’école a élargi son champ d’étudiants. Ce n’est plus que c’était il y a 30 ans. Cependant, on peut toujours sentir l’écart qui existe entre certains étudiants. Moi-même, je faisais partie un peu des marginaux de l’établissement. Mes parents n’étaient pas artistes, je n’ai pas grandi dans ce milieu. C’est un peu par accident que je suis arrivé là, mais en même temps, c’est un accident que j’ai provoqué. J’ai rencontré pas mal d’étudiants autour de moi qui, eux aussi, m’ont fait part de leur expérience. C’est justement ce mélange-là de parcours qui m’a intéressé et que j’ai voulu mettre en scène. Le point de départ du film, c’est vraiment mon arrivée aux Beaux-Arts et dans le 6ème arrondissement. C’est devenu mon quartier. Je l’apprécie énormément, j’y ai passé beaucoup de temps, c’est un quartier qui est hyper important pour la culture française, parisienne. Avoir été là, ça a été vraiment un reboost d’énergie intellectuelle. Ça m’a permis aussi de capter beaucoup plus de choses de moi-même. J’ai l’impression que je ne suis pas de ce milieu-là, mais en même temps que j’y appartiens.
Tu as remporté le Prix André S. Labarthe. Est-ce que tu savais qui était André S. Labarthe avant de venir à Entrevues ?
D.K. : Oui. J’aimais beaucoup les séries documentaires qu’il faisait sur les réalisateurs. C’est quand même quelqu’un qui a vu Capra, Fleischer, enfin, les cinéastes qui ont changé ma vie. Je pourrais donner tout mon argent, ne serait-ce que pour les rencontrer. Et lui, il les a rencontrés !
Ça représente quoi, un prix portant son nom ?
D.K. : C’est quelque chose d’extrêmement honorifique parce qu’il m’a vraiment permis de faire évoluer ma cinéphilie. Et puis, Belfort, ça compte aussi pour moi parce qu’en 86, je crois, Samuel Fuller, mon cinéaste préféré, est venu ici. Ça fait trop bizarre de se dire que je suis au même endroit que lui et qu’il est là, en fait. Son cinéma me bouleverse. Je peux regarder ses films à l’infini, son travail me fait comprendre qu’en fait, être un être humain, c’est quand même quelque chose de puissant. Être capable de capter tout ce qui se passe autour de nous et de le mettre en forme, de le mettre en scène, via le cinéma, ou via même d’autres formes, ça me fait croire en l’art, en la vie. Je suis trop content de faire partie de cette famille-là !
Tu connais tous les lauréats du prix ?
D.K. : Non, mais pour le coup, je me suis intéressé au festival lorsqu’on a été sélectionnés. J’ai vu qu’il y avait tous ces noms qui y étaient passés, comme Sean Baker ou les frères Safdie. C’est fou, parce que finalement, ce sont des gens qui font partie de la plus jeune génération de cinéastes aujourd’hui. Ce sont des artistes forts, exposés à l’international. Justine Triet et Arthur Harari aussi en font partie. Ces cinéastes qui sont dans la quarantaine, ont un nouveau regard sur le monde, ils ont grandi avec des dynamiques différentes de leurs prédécesseurs. Maintenant, moi aussi, je fais un peu partie de cette lignée-là, ça me rend très optimiste. Ça veut dire que peut-être qu’un jour, je serai à leur niveau aussi.
Est-ce que le fait de ne pas appartenir à ce milieu-là te procure une forme de rage pour te donner les moyens d’y arriver ?
D.K. : Bien sûr. Cette espèce de rage, c’est propre au commun des mortels, je pense. La littérature en parle depuis longtemps, Rastignac, par exemple, c’est quelqu’un qui a la rage et qui veut tout défoncer. Le fait de ne pas avoir été quelqu’un de privilégié, ça a créé pas mal de complexes en moi dans ma jeunesse que j’ai maintenant réussi à déconstruire. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus apaisé avec la question. Au final, je ne pense pas être en mission. Ce qui est important pour moi, c’est juste d’être épanoui dans la vie, d’être heureux, de faire plaisir à ma famille, de rendre fier mes proches et c’est pour ça que je suis très content qu’on ait gagné ce prix-là. Maintenant, autour de de moi, des gens vont être contents et ça va même peut-être les inspirer. J’ai eu des prédécesseurs, je ne suis pas le premier à avoir fait ça et je ne serai pas le dernier non plus.
Mon film est amené à parler à tout le monde. Il n’est pas amené à fermer les portes parce qu’au final, je pense que la puissance de l’art et du cinéma, c’est de se mettre à la place d’autres personnages. Moi, j’ai appris ce que c’était être une femme japonaise à travers le cinéma de Mizoguchi. J’ai appris ce que c’était d’être un Italo-américain à travers les yeux de Martin Scorsese et je pense que c’est pareil pour quelqu’un qui regarde mon film. Il peut comprendre ce que c’est d’être quelqu’un issu de l’immigration en France, dans les milieux de l’art. Je pense qu’on doit plus être dans une dynamique d’échange plutôt que de renfermer les choses pour soi et qu’en partant de cette perspective-là, on ira vers des choses beaucoup plus radieuses à l’avenir.
C’est quoi, les difficultés pour toi aujourd’hui ?
D.K. : Je ne pense pas avoir énormément de difficultés Je pense que je suis même très privilégié dans les projets que j’essaie de mettre en place. J’ai eu la chance d’avoir des gens qui m’ont soutenu, des marques surtout par rapport au magazine. Maintenant, j’ai quand même une communauté qui grossit petit à petit et il y a beaucoup de marques qui viennent me voir pour mettre à bien mes projets, du coup, je suis très heureux. Je pense qu’il y a 30 ans, quelqu’un comme moi n’aurait pas eu la même chance, ça a changé avec la démocratisation des réseaux sociaux. Même s’il y a du mauvais dedans, il y a aussi du bien dans la mesure où maintenant c’est plus possible d’être vu, d’être entendu, mais encore une fois, je ne pense pas être la norme. Je ne pense pas que tout le monde vit la même situation que moi.
Et les difficultés propres au film ?
D.K. : Ça a été extrêmement compliqué, mais je pense qu’encore une fois, ce sont des dynamiques que le plus petit cinéaste comme le plus grand vont rencontrer. Ce n’est jamais facile de faire un film, c’est toujours compliqué et tu as des moments de doute, mais après, ce qui compte, c’est comment on va gérer tout ça personnellement. Moi, je pense que j’ai plutôt été bon, même si j’ai eu des énormes phases de stress où j’ai été bloqué sur mon scénario.
C’est pour ça que tu as travaillé avec un co-scénariste ?
D.K. : J’ai travaillé avec un co-scénariste qui s’appelle Ahmadou Bamba-Thiam. Au-delà d’être mon meilleur ami, c’est quelqu’un qui me comprend énormément et moi, avant tout, ce que j’aime, c’est rigoler en faisant des films. Ça peut paraître bête, mais j’adore rigoler. Écrire tout seul, c’est marrant, on rigole à ses propres blagues, mais écrire avec quelqu’un, c’est encore mieux et j’ai beaucoup aimé ça. Là, pour mon nouveau projet, j’écris seul parce que maintenant, j’ai envie de me fixer le défi de faire quelque chose seul. Ça ne veut pas dire que je vais tenir la promesse. Mais en tout cas, pour L’Avance, je l’ai fait parce que je me sentais bien avec Ahmadou et que surtout, c’était quelqu’un qui me comprenait.
C’est quoi ta culture du court-métrage ?
D.K. : Elle est plutôt faible pour être tout à fait honnête. J’ai juste regardé les courts-métrages des metteurs en scène que j’aimais beaucoup pour voir comment ils avaient commencé. C’est plus pour voir à quelles étapes ils étaient de leur cinéphilie, comment ils avaient digéré l’information et comment ils l’avaient transformée en court. C’est vraiment ça qui m’a intéressé.
Synopsis : Dans la mer, un homme nage. Au fur et à mesure de sa progression, les souvenirs remontent à la surface. De sa petite enfance à sa vie d’homme, tous ses souvenirs sont liés à l’eau. Certains sont heureux, d’autres glorieux, d’autres traumatiques. Cette histoire sera celle de sa dernière nage. Elle nous mènera de la source à la rivière – des eaux des bassins de l’enfance à ceux des piscines – d’un pays d’Afrique du Nord aux rivages de la Méditerranée – des stades olympiques aux bassins de rétention d’eau – des camps de concentration aux plages rêvées de La Réunion. L’homme finira par disparaître dans le bleu infini de la mer.
Genre : Animation
Durée : 14’26
Pays : France
Année : 2024
Réalisation : Florence Miailhe
Scénario : Florence Miailhe
Direction photo : Guillaume Hoenig, Sébastien L’Hermitte
Papillon, ce n’est pas l’histoire d’un battement d’ailes, mais celle d’un battement de bras dans l’eau, qui permet au nageur de s’élancer de souvenir en souvenir. Ce court-métrage d’animation tout en peinture, signé Florence Miailhe, présélectionné aux César 2025, retrace l’histoire personnelle d’Alfred Nakache, connu aussi sous le nom d’Artem, grand champion de nage papillon français. Florence Miailhe, réalisatrice reconnue pour son style unique, a souvent exploré des récits intimes et marqués par la mémoire, mêlant le personnel et le collectif dans ses courts-métrages, avant de passer au long avec La Traversée (2021). Son travail se distingue par l’utilisation de la peinture animée, qui confère à ses œuvres une texture aussi vivante que poétique.
Le film commence sur fond de bruit de vagues et de respirations. Un homme de dos se met de l’eau sur le visage afin de se réveiller – ou de se rappeler, puis s’en va nager. C’est le début de l’histoire, la (re)plongée dans les souvenirs d’Artem. Le motif de l’eau, qui nous guide tout au long du film, nous permet de plonger – littéralement – dans la mémoire du personnage. Par coups de pinceaux ou vagues couvertes d’écume, on découvre doucement les paysages de la vie du personnage. Le premier paysage, très coloré, se concentre sur une eau tremblotante, traversée par des poissons et effleurée par des insectes. On voit là un jeune garçon au bord d’un bassin, sur lequel est posé un papillon jaune vif. Ce sera là la seule allusion imagée de la spécialité d’Alfred Nakache en nage, le papillon, un mouvement de natation très réputé, notamment en raison de sa difficulté. Ce mouvement naît par ailleurs dans les années 1930, au moment où ce dernier se met à nager. Cette variante de brasse, avec le retour des bras hors de l’eau, permet aux nageurs d’aller plus vite lors des compétitions.
Si le court se construit autour des souvenirs progressifs du personnage, il n’en reste pas moins une véritable ode à l’eau, comme source de vie mais aussi de danger. Les premières images de l’enfance sont très parlantes et nous rappellent son omniprésence au cours de la vie : l’eau réconfortante du bain pour se laver, mais aussi l’eau comme source d’angoisse (sauter d’une cascade) ou comme plaisir simple (se prélasser dans un bassin). Artem passe de la peur de l’eau à son plaisir, et du coin de la mer à la piscine. Il n’y a pas que le corps du nageur qui se transforme (humain, dauphin et même oiseau), les lieux aussi se renouvellent inlassablement.
Le temps des compétitions vient rapidement rythmer la vie d’Artem et se reflète dans le court-métrage de Florence Miailhe. C’est là qu’il y expérimente les moments les plus doux de l’existence, mais aussi les plus durs. À la fin d’un championnat, Artem remonte l’échelle qui mène au bord de la piscine, puis se retourne : il nous fait face, ou plutôt regarde derrière lui. C’est la rencontre de l’amour, de la beauté, qui se joue encore une fois sur l’eau : sur le plongeoir, une gymnaste effectue un salto et rejoint ses partenaires pour effectuer un spectacle de natation synchronisée. Artem reste au bord de l’eau, et quand elle passe devant lui ses cheveux flottent, avant de prendre la forme de vagues, dans lesquels il plonge sans hésiter. Alors la nage devient un ballet à deux, chaque coup de pinceau est un remous de plus dans cette danse aquatique.
C’est dans ce contexte de compétition que surgissent les prémisses de la Seconde Guerre mondiale, marqué par la montée des extrémismes et l’arrivée des régimes totalitaires. Les compétitions s’enchaînent, en Afrique du Nord d’abord, puis en Europe. Dans l’eau claire et chlorée de la piscine, apparaissent progressivement un drapeau nazi et des pancartes “Interdit aux Juifs” derrière des cris de haine allemands. Alfred Nakache, athlète juif, participe aux Jeux olympiques de 1936 à Berlin, des Jeux très inscrits dans la propagande nazie. Très vite, on voit la situation basculer. Artem, sa femme et son enfant se font sortir de l’eau, littéralement : la piscine leur est interdite. Plus tard, il se fait également sortir d’une compétition “selon les lois raciales” : cette fois-ci, on entend très distinctement des voix françaises l’annoncer. La collaboration avec le régime nazi et l’antisémitisme en France à cette époque sont montrés sans aucun détour. C’est en outre la violence des voix – françaises ou allemandes – qui résonne particulièrement, en contraste avec les bruits d’eau qu’on peut trouver tout au long du court (agitée, tremblotante, chuchotante même). Il faut par ailleurs souligner que jamais nous n’entendons la voix d’Artem, ou celle de sa femme et de sa fille. Nous ne voyons les événements qu’à travers ses yeux.
La musique, discrète mais omniprésente, accompagne le spectateur dans cette plongée émotive. Les bruits d’eau, mêlés à des mélodies subtiles, renforcent un sentiment d’immersion saisissant. Chaque détail visuel et sonore semble minutieusement conçu pour offrir une expérience profondément sensorielle et humaine, rendant hommage à la fois à l’histoire d’un homme et à une mémoire collective.
Dans un mouvement de nage encore, on revient à la mer, cette fois-ci sombre et agitée, devant une dune de sable, en pleine nuit. Les sons sont indistincts, la peur monte, on entend un enfant pleurer. Sur les flots sombres, une barque arrive, les touches de couleur s’animent en tourbillons fiévreux, un chien aboie. Dans l’ombre, la famille se cache, sans pouvoir venir en aide à ce personnage perdu sur l’eau – peut-être une métaphore de ce qu’il va leur arriver. Très vite tout s’enchaîne : la séparation, la violence – tout est suggéré sans pour autant être montré, c’est l’aller vers les camps d’extermination. Seule une scène dans la piscine, profondément choquante, nous rappelle l’appellation du “nageur d’Auschwitz” : des officiers lancent un bout de pain dans l’eau, que le prisonnier doit s’efforcer d’aller récupérer. Des voix acérées encore résonnent dans le fond, les corps deviennent des ombres floues, des squelettes esquissés et peu à peu, le corps rouge-brun remonte à la surface : c’est le retour.
Un retour dans la solitude lié à la perte (de sa femme et de sa fille), à la compétition, à la marque du traumatisme de la guerre. Nous retrouvons enfin Artem sur cette première plage colorée comme professeur de natation : le film se finit comme il a commencé, dans l’eau. À la fois ode à l’eau et hommage à Alfred Nakache, Papillon, plein de couleurs, est important, traitant une mémoire personnelle mais également une mémoire historique à travers des thématiques universelles, aussi bien le sport que la mort, les discriminations et l’amour et que la solidarité.
Depuis 15 ans déjà, les membres de Format Court se prêtent à l’exercice du Top 5 des meilleurs courts-métrages vus pendant l’année écoulée. Rituel oblige, voici les films qui ont le plus marqué notre équipe cette année, par ordre de préférence !
Retrouvez par ailleurs les résultats du Top 5 des internautes. Nous en profitons pour vous souhaiter une bonne et heureuse année 2025, remplie de jolis courts !
Mona Affholder
1. 3350 KM de Sara Kontar (France, Syrie)
2. Chère Louise de Rémi Brachet (France)
3. L’homme qui ne se taisait pas de Nebojša Slijepčevič (France, Croatie, Bosnie, Slovaquie)
4. Les animaux vont mieux de Nathan Ghali (France)
5. Sanki Yoxsan de Azer Guliev (France, Azerbaidjan)
Amel Argoud
1. Nous ne serons pas les derniers de notre espèce de Mili Pecherer (France)
2. Adieu tortue de Selin Öksüzoğlu (France, Turquie)
3. Que les meilleurs gagnent de Noah Cohen (France)
4. Tako Tsubo de Fanny Sorgo et Eva Pedroza (Allemagne, Autriche)
5. Soleil gris de Camille Monnier (France)
Agathe Arnaud
1. Mémoires du bois de Théo Vincent (France)
2. Boucan de Salomé Da Souza (France)
3. Transalpin de Léo Gatinot et Clara Nicolas (France)
4. Les mystérieuses aventures de Claude Conseil de Marie-Lola Terver et Paul Jousselin (France)
5. Malgré la nuit de Guillermo García López (France, Espagne)
Katia Bayer
1. L’homme qui ne se taisait pas de Nebojša Slijepčevič (France, Croatie, Bosnie, Slovaquie)
2. Boucan de Salomé Da Souza (France)
3. Mille moutons de Omer Shamir et Santiago Zermeno (France)
4. Quelque chose de divin de Bogdan Stamatin et Mélody Boulissière (France, Roumanie)
5. Beurk !, de Loïc Espuche (France)
Dylan Librati
1. Very gentle work de Nate Lavey (États-Unis)
2. Montsouris de Guil Sela (France)
3. Au prix de la chair de Tomas Palombi (France)
4. Hymn of the plague de Ataka51 (Russie, Allemagne)
5. Boucan de Salomé Da Souza (France)
Augustin Passard
1. Une orange de Jaffa de Mohammed Almughanni (France, Pologne)
2. Mémoires du bois de Théo Vincent (France)
3. Volcelest de Éric Briche (France)
4. Les Marquises de Adrien Selbert (France)
5. Nino Lunaire de Manuel Billi (France)
Julia Wahl
1. Plus douce est la nuit de Fabienne Wagenaar (France)
2. Amélia Starlight de Laura Thomassaint (France)
3. Un conte très tordu de Catherine Buffat et Jean-Luc Gréco (France)
4. L’Avance de Djiby Kebe (France)
5. Volcelest de Eric Briche (France)
En janvier, Format Court fêtera ses 16 ans (bouchon !). Après avoir publié il y a quelques jours notre propre Top 5 des meilleurs courts-métrages de l’année, retrouvez les résultats de votre propre Top, suite à notre appel publié récemment sur notre site internet. Voici les 5 films, vus cette année, qui ont remporté le plus de suffrages du côté des internautes.
L’Académie des Oscars a annoncé il y a quelques jours les films shortlistés dans 10 catégories dont celles liées aux courts-métrages. À ce stade, 45 films sont en lice pour l’Oscar du meilleur court 2025, que ce soit en fiction, en animation et en documentaire. Les nominations seront annoncées le 17 janvier tandis que la cérémonie des Oscars aura lieu le 2 mars prochain. Bonne nouvelle : le tiers de ces courts en présélection est visible en ligne !
En janvier, Format Court fêtera ses 16 ans d’existence (bouchon !). Comme chaque année, notre équipe prépare son Top 5 annuel des meilleurs courts-métrages, exercice réalisé depuis 14 ans déjà. Depuis 9 ans, vous avez également la possibilité de voter pour vos 5 courts-métrages préférés de l’année par mail.
L’an passé, 5 films avaient remporté le plus de suffrages : La Cour des grands de Claire Barrault, Caillou de Mathilde Poymiro, La Vie au Canada de Frédéric Rosset, Cultes de David Padilla et Binaud & Claude de Mélanie Laleu.
Faites-nous part jusqu’au mardi 31 décembre inclus de vos 5 courts-métrages favoris remarqués cette année, tous pays et genre confondus, par ordre de préférence, en n’oubliant pas de mentionner leurs réalisateurs et pays d’appartenance.
Nous ne manquerons pas de publier les résultats de vos votes sur Format Court !
C’est un sacré premier film. Vingt Dieux de Louise Couvoisier, en lice pour la Caméra d’or, fait partie de la sélection Un Certain Regard 2024. La réalisatrice est issue de la section scénario de la CinéFabrique, une école de cinéma vieille de seulement 9 ans, basée à Lyon et qui a ouvert il y a un an une école à Marseille.
Le film de fin d’études, Mano a mano, de Louise Couvoisier, réalisé à la CinéFabrique, avait obtenu le Premier prix de la Cinéfondation (ex-Cinef) en 2019. Nous en avions parlé sur Format Court.
Dans son court-métrage, Louise Couvoisier traitait du rapport amoureux, entre deux jeunes acrobates. Le réel, le rapport au corps, l’amour étaient déjà au centre de ses préoccupations et de son cinéma. Le premier Prix de la Cinéfondation est une garantie de revenir à Cannes avec son premier long-métrage. C’est chose faite avec Vingt Dieux, le premier long tout en douceur de Louise Couvoisier.
D’une famille très simple (le mot n’est pas péjoratif), elle raconte l’histoire de Totone (Clément Favreau), un jeune paysan jurassien de 18 ans qui passe son temps à traîner avec ses potes. Dans sa vie, il y a bien son père, mais comme tous les jeunes, il en a un peu honte, d’autant plus que le paternel ne tient pas bien l’alcool. Lui reste sa petite soeur de 7 ans (Luna Garret) dont il doit bien s’occuper. Et puis, il y a les filles, les bagarres, les courses de bolides et les fêtes.
Le jour où son père meurt, Totone quitte le monde de l’enfance. Il doit s’occuper de sa soeur et de la ferme. Devenir un adulte, faire à manger, gagner de l’argent, prendre des décisions. Comme faire ? Pourquoi pas en faisant du fromage, voire le meilleur comté du coin, dans l’idée de remporter les 30 000 euros du concours ? Ce projet devient son objectif principal, alors qu’il n’y connaît pas grand chose, quelques soient les moyens pour y parvenir. Dans l’intervalle, il fait la connaissance de Marie-Lise (Maïwene Barthelemy), une productrice de lait réputé dans la région dont il tombe amoureux.
Dans son film, Louise Courvoisier filme joliment la nature, les vaches, la drague, la jeunesse, le sexe, la dureté de la vie et l’accent du terroir. Avec simplicité, douceur, légèreté et humour, elle touche juste, notamment car elle filme ceux qu’elle connaît, de son village. Pour ce film, la réalisatrice s’est entourée de comédiens professionnels et de sa troupe. On retrouve plusieurs Courvoisier au générique, que ce soit côté décors (Ella) ou musique (Linda et Charlie).
« Vingt Dieux », c’est le juron qui exprime la surprise, l’émotion, c’est le « sacrebleu » ou le « flûte » du terroir. On le lâche au bar, sur un tracteur, dans le champ. Il fait partie du quotidien et de l’ADN du cercle de Totone. Ce quotidien, ce monde rural aussi beau qu’éprouvant, bien loin de l’effervescence de la Croisette, on le garde en tête après sa projection. Ce qu’on retient aussi du film, c’est le soin porté aux dialogues (co-écrits par Louise Courvoisier et Théo Abadie), la tendresse à l’égard de cette jeunesse, porteuse d’espoir, ainsi que la solidité du lien familial et la solidarité au sein du groupe.
Issue d’une famille d’artistes du cirque et d’agriculteurs, Louise Courvoisier nous avait intrigués avec son court Mano a mano, inspiré de son premier cercle. Avec Vingt Dieux, lié au deuxième, elle ose un premier film percutant dans lequel l’âpreté n’est jamais loin de la joie et l’amour au plus près de ses personnages et décors.