Synopsis : Sur une comptine très populaire en Russie, un poète fait vivre les images de souvenirs d’un monde paisible où les hommes et les animaux savaient être ensemble, avant que la guerre n’arrive.
Tout se disloque. Le centre ne peut tenir – The Second Coming, W. B. Yeats
Lauréat du Grand Prix de Tricky Women 2008, du Grand Prix du Festival regard sur le court métrage au Saguney 2008, du Prix spécial du Jury Hiroshima 2008, et de bien d’autres accolades, l’ovni « Don’t Let It All Unravel » a enclenché des applaudissements enthousiastes à Anima.
Le film de Sarah Cox repose sur l’idée de défaire, de démêler, au sens littéral du mot unravel, et sur la découverte, au sens figuré. La réalisatrice britannique a choisi d’animer une tapisserie, en train de se détricoter, représentant des éléments relatifs à la menace écologique actuelle : la Terre, des avions, des ours polaires, des glaciers fondants, … En l’espace de deux minutes, tout tend à se désagréger, pour ne plus tenir qu’à un fil de laine. « Don’t Let It All Unravel » fait aussi référence aux découvertes scientifiques importantes qui mettent en péril l’équilibre de la planète. Le pessimisme est renforcé par l’accompagnement musical, un chant répétitif, aux tonalités tribales africaines, présage d’un avenir morne mais imminent.
« Ne laissons pas notre monde ne tenir qu’à un fil. Raccommodons-le. » : le synopsis du film recommande la sensibilisation et l’action. Curieusement, en anglais, le pitch – « Don’t pull the end of the thread*, darn it! » – contient un jeu de mots supplémentaire. Le verbe darn signifie à la fois repriser un vêtement, et un juron euphémique en allusion à damn (m****). Le film n’est pas anglais pour rien !
Ce très court réussit, malgré son format succinct, à ramener l’art cinématographique au service des considérations sociopolitiques, à la façon du cinéma documentaire, ou des publicités de propagande britanniques, telle la campagne des années cinquante, « Go to work on an egg ». L’animation de Cox témoigne de l’efficacité du soft power dans un domaine où les messages ne sont pas toujours faciles à faire passer, mais nécessitent tout de même une prise de conscience globale et une réaction urgente.« Don’t Let It All Unravel » est une tentative ingénieuse de véhiculer un tel message critique, d’une façon minimaliste, quasiment naïve et véritablement universelle, par la métaphore du tricot.
La huitième édition du festival du court métrage d’Altkirch (Alsace) rebaptisée Kino Knock Out (KKO) Festival aura lieu du 15 au 19 avril prochain. Le thème de cette édition 2009, » Entrer dans l’histoire », associera, en plus de 33 courts métrages projetés en compétition, le souvenir des images, l’identité des hommes, et la mémoire des lieux.
Liste des films en compétition
– Est-ce que tu m’(a)imes de Pierre Loechleiter
– Trompe l’œil de Florent Sawze
– Le secret de Salomon de David Charhon
– La saint Festin de Anne-Laure Daffis et Léo Marchand
– L’homme est le seul oiseau qui porte sa cage de Claude Weiss
– Peau neuve de Clara Elalouf
– La résidence Ylang Ylang de Hachimiya Ahamada
– Petzolds Pfeifen de Olaf Held
– The Big Brother State de David Scharf
– Ultima Ratio de Marc Schleiss
– Der Jäger und der Bär de Joachim Brandenberg
– Golden Guy de Julia Tews
– Tsuribashi de Ulrike Schulz
– La raison de l’autre de Foued Mansour
– Partition oubliée de Teona Grenade
– L’enclave de Jacky Goldberg
– Je criais contre la vie ou pour elle de Vergine Keaton
– Alter ego de Cédric Prevost
– Les mots de Madame Jacquot de Matthias Desmarres
Synopsis : Un enfant réussit à apprivoiser un gros loup blanc pour en faire sa monture. Son petit frère et lui sont ravis. Mais pour nourrir sa famille, le père ramène de la chasse un gibier plus gros que d’habitude, un loup blanc…
Année : 2006
Durée : 8’10″
Pays : France
Réalisation : Pierre-Luc Granjon
Scénario : Pierre-Luc Granjon
Image : Sara Sponga
Montage : Nathalie Pate
Son : Loïc Burkhardt
Musique originale : Timothée Jolly
Voix : Oriane Zani, Louis Sommermeyer, Hélène Ventoura, Sylvain Granjon
Synopsis : Un homme et son fils vivent au sommet d’un pic escarpé. Le seul accès au monde extérieur se fait par un pont ; celui-ci étant détruit, les deux personnages sont entièrement isolés du reste de l’humanité. Le père a veillé à tenir son fils éloigné des réalités du monde des hommes. Mais une nuit, l’enfant aperçoit au loin, en bas de la falaise, une ville dont les lumières brillent. Il devient alors fasciné par cette ville, dont son père veut le préserver à tout prix.
Genre : Animation
Durée : 14’
Pays : Belgique, France
Année : 2007
Réalisation : Vincent Bierrewaerts
Scénario : Vincent Bierrewaerts
Assistant réalisateur : Mehdi Ouahad
Animateur marionnette : Xavier Truchon
Assistant animation : Ronan Cueff
Chef décorateur : Zoé Goetgheluck
Décorateur : Eric Blésin
Accessoiriste : Magali Wassong
Costumière : Jeanne Corbel
Marionnettistes : David Thomasse, David Roussel, Maëlle Bossard, Delphine Priet Mahéo
Infographiste : Julien Leconte
Monteur Image : Nolwenn Jacob
Animateur 2D : Vincent Bierrewaerts
Bruitage : Marie Jeanne Wijckmans
Son : Christian Cartier
Mixage : Michel Coquette
Technique : dessins animés en volume et ordinateur 2D
Production : La Boîte,…Productions, Les Films du Nord, Vivement Lundi !, Digit Anima, Studio Suivez mon regard, CRRAV
Synopsis : Un homme est en prison. Son compagnon de cellule est torturé jusqu’à la mort. Quand ses geôliers viennent le chercher à son tour, il parvient à s’enfuir dans l’enceinte du bâtiment. Geste désespéré car il s’agit d’un vrai labyrinthe. Il échappe pourtant à ses poursuivants jusqu’au toit du bâtiment. Du haut des miradors, un militaire le tient en joue. Là il exprime devant eux toute la mesure de sa liberté.
Genre : Animation
Durée : 10’
Pays : France, Belgique
Année : 2007
Réalisation : Arnaud Demuynck
Scénario : Arnaud Demuynck
Coréalisation – graphisme : Gilles Cuvelier, Gabriel Jacquel
Chorégraphie : Thomas Lebrun
Animation: Gilles Cuvelier, Gabriel Jacquel, Nicolas Liguori, Frits Standaert
Décors : Gilles Cuvelier, Samuel Guénolé
Son : Fred Meert
Musique originale : Falter Bramnk
Chant : Cécile Thircuir
Voix : Thomas Lebrun
Production : La Boîte,…Productions, Les Films du Nord, Digit Anima, Studio Suivez mon regard, Frits GCV, CRRAV
À l’image de ses éditions précédentes, Anima a consacré, cette année, une de ses séances au Cartoon d’Or. Unique prix européen récompensant un court métrage d’animation, il offre au lauréat l’opportunité de se lancer dans un projet plus ambitieux tel un long métrage ou une série télévisée. L’initiative comporte une particularité, mais aussi une limite : seuls les films récompensés dans l’un des principaux festivals européens d’animation peuvent concourir au Cartoon d’Or. Cette année, 5 nominés avaient été retenus, par un jury de réalisateurs, parmi 32 films d’animation primés en festival. Présentation des finalistes.
John and Karen de Matthew Walker (Royaume-Uni)
Épisode 43.762. John, l’ours polaire, n’aurait pas dû remettre en question, la veille, les talents de pêcheuse de Karen, le pingouin. Aujourd’hui, il est venu s’excuser, lui dire qu’elle était une excellente nageuse, et que ce n’était pas important si elle n’arrivait pas à attraper de baleine. Pattes croisées, Karen est contrariée, mais elle offre tout de même du thé et des biscuits à John.
« John and Karen » est né sur une page vierge du carnet de croquis de Matthew Walker. Un ours polaire et un pingouin, assis l’un en face de l’autre, se lancent : « Tu te tais ! », « Non, toi, tu te tais ! ». Le réalisateur, ayant déjà été sensible aux duos (des cosmonautes dans « Astronauts », un homme et Dieu dans « Operator »), a développé une histoire courte délirante autour de ce nouveau couple improbable. L’humour « british » est au rendez-vous, les dialogues sont savoureux, et les biscuits se prennent jusqu’au générique de fin.
Le Pontde Vincent Bierrewaerts (Belgique, France)
Au sommet d’une falaise, vivent, coupés du monde extérieur, un homme, son fils, et quelques animaux de ferme. À l’extrémité de leur terre, se trouve un pont en ruine. Tenant farouchement à leur isolement, le père n’a jamais cherché à réparer la passerelle, et a tenté de préserver, à tout prix, son fils des tentations de l’humanité. Une nuit, l’adulte pointe le ciel et les étoiles, quand tout à coup, l’enfant baisse le regard, et découvre, en bas de la falaise, la ville et les hommes…
« Le Portefeuille », le film précédent de Vincent Bierrewaerts, ancien élève de la Cambre, se basait sur le choix, le double, et la surimpression en couleur. « Le Pont » évoque, quant à lui, le passage à l’âge adulte et la confrontation au monde réel, par le biais d’une animation en volume soignée.
L’Évasionde Arnaud Demuynck (Belgique, France)
Du pain pour deux. Un homme partage sa cellule avec un autre prisonnier. La porte s’ouvre : le codétenu, traîné par des gardiens, est torturé à mort. Ration pour un. La porte s’ouvre à nouveau, l’homme est escorté vers un destin similaire. Il réussit à s’enfuir, et est rattrapé par ses poursuivants. Faisant mine de se rendre, il met un pas devant l’autre, et se met à danser devant les visages fermés et les armes chargées.
Après « Signes de vie » et « À l’ombre du voile », « L’Évasion » clôt la « trilogie chorégraphique » d’Arnaud Demuynck. Ce film de dix minutes, dépourvu de tout dialogue, est une interrogation en noir et blanc sur l’enfermement, l’oppression, le corps, le désespoir, et la liberté.
Le Loup blancde Pierre-Luc Granjon (France)
Arthur et Léo, deux petits garçons éveillés, vivent aux abords d’une forêt, à la fois terrain de jeu et de chasse. Ils s’y aventurent sur leurs chevaux de bois, tandis que leur père y traque des beaux lapins. En jouant, Arthur se retrouve nez à museau avec un loup blanc. Il apprivoise l’animal, en fait sa monture, et se met à rêver de chevauchées intrépides, dans les bois, avec son nouvel ami. En se réveillant, l’enfant découvre que le loup a été capturé par son père.
Dans ses précédents courts métrages (« Petite escapade », « Le château des autres », « L’enfant sans bouche »), Pierre-Luc Granjon s’intéressait déjà aux forêts sombres et aux enfants rêveurs et imaginatifs. Avec « Le Loup blanc », il récupère ces deux idées, et signe un conte atypique en papier découpé, dans lequel il n’y a pas de grand méchant loup, de lapin blanc en redingote et en retard, et de parents rassurants et végétariens.
La Queue de la sourisde Benjamin Renner (France)
Dans une forêt rouge, noire et verte, une souris importune, par inadvertance, un lion. Celui-ci l’attrape par la queue, et ne la montre pas à ses messieurs. Il s’apprête à croquer sa proie quand celle-ci se met à le supplier de l’épargner et lui propose un marché (lui ramener quelque chose de bien meilleur qu’elle-même). Le lion, pas bête, attache un fil à la queue de la souris.
Lauréat du Cartoon d’Or, « La Queue de la souris » est le film de fin d’études de Benjamin Renner, ancien étudiant de La Poudrière. Inspiré des fables de La Fontaine, ce conte très court (4’), conçu en papier découpé, est un film profondément esthétique et drôle, porté par des couleurs, des ombres et une musique envoûtantes.
Dans le cadre des Midis du Cinéma, un programme de courts articulé autour du thème « Un peu d’Afrique…. » sera présenté au cinéma Arenberg (Bruxelles), le mardi 28 Avril, à 12h00.
Les veuves ne meurent plus de Aïcha El Hammar – IAD – Belgique – 2008 – Vidéo – 12’55 »
Je me bats pour que chaque femme ayant perdu son mari ne subisse pas le même sort que moi…
L’Université Gaston Berger du Sénégal compte près de 5000 étudiants. Le restaurant universitaire assure la nourriture quotidienne de tout ce monde. Une chaîne alimentaire qui focntionne chaque jour, des premières lueurs de l’aube jusqu’à la tombée de la nuit. Ce film donne à découvrir la transformation lente et minutieuse des aliments, mais aussi des corps au travail de ceux et celles qui préparent et servent les repas.
Où sont-ils ? de Anite Kassa Lellly – Belgique – INSAS – 2008 – 13’55.
Une jeune Burkinabaise débarque à Bruxelles et part à la recherche du « belge typique »…
Sensible aux histoires et à la magie, Helen Nabarro, est responsable du Département Animation à la National Film and Television School (NFTS), une des écoles d’animation les plus réputées d’Angleterre. Venue en coup de vent à Anima, elle y a présenté une sélection de films d’étudiants des cinq dernières années. Discussion autour du cinéma d’animation anglais, de la place du spectateur, et de l’influence de l’audience.
Comment as-tu fait tes premiers pas dans l’animation ?
Quand j’ai quitté l’université, avec un diplôme en littérature anglaise en poche, je voulais travailler dans les médias. Je me suis retrouvée dans une petite boîte de production indépendante qui s’occupait surtout de live-action et occasionnellement de publicités. Je suivais la création de spots radio et de publicités d’animation car mes collègues, obnubilés par le live, trouvaient le reste ennuyeux. Dans le cadre de ce travail, j’ai découvert quelque chose de fascinant, l’animation en studio, et les gens formidables des productions Richard Purdum. J’ai rejoint l’équipe, et pendant six ans, j’ai travaillé comme assistante de production, puis comme productrice, avec Richard Purdum, Michael Dudok de Wit, Sylvain Chomet, et Paul Demeyer.
Par la suite, tu as été engagée aux studios Aardman et à la BBC. Quelles y furent tes activités ?
Ayant déménagé à l’ouest, j’ai travaillé, pendant trois ans, chez Aardman, qui était à l’époque une toute petite boîte. J’y ai produit plusieurs publicités et courts métrages, en collaborant notamment avec Luis Cook (« The Pearce Sisters »), Steve Fox (« Stage Fright ») et Nick Park (« Wallace and Grommit »). Ensuite, j’ai rejoint le Département Animation de la BBC où j’ai produit des programmes maison, des séries, et des émissions spéciales de 30 minutes, notamment « The Gogs », une série galloise très vulgaire, avec des hommes de cavernes brusques qui passent leur temps à roter (!).
Comment l’animation était-elle perçue à la BBC ?
Au début, il y a eu de l’intérêt pour des courts métrages d’animation de qualité. Beaucoup de nos films se retrouvaient dans de grands festivals, comme à Annecy, et on pouvait les programmer relativement aisément à l’antenne. Mais après, les télévisions sont devenues très compétitives, et la BBC n’a plus voulu de trous dans sa programmation. Les décideurs, ayant peur de perdre des spectateurs, ont promu d’autres programmes. Pour les courts animés, il ne restait qu’une seule possibilité, des blocs de 30 minutes, de préférence comiques, mais même ceux-ci n’étaient pas toujours considérés comme assez rentables. Si on dépensait autant d’argent pour un programme, il fallait au moins attirer tel ou tel public sinon, c’était de l’argent perdu. Je ne suis pas du tout d’accord avec ce point de vue, mais malheureusement c’est comme ça partout. La télévision est très influencée par les résultats d’audience et le revenu des publicités. À la BBC, à la fin, l’animation n’était plus perçue comme un genre, mais comme une technique de production visant le moins cher, et la section Animation a fermé.
Récemment, des étudiants m’ont interrogée sur la BBC, et je crois avoir réussi à déprimer toute une classe, en l’espace de quelques minutes ! J’ai parlé de la chaîne de façon positive, mais quand ils m’ont demandé : « est-ce qu’ils aimeront ceci ou cela ? », j’ai répondu par la négative. Tout ce qu’ils aiment, c’est la comédie, c’est un humour à la « Monkey Dust » [dessin animé satirique]. Moi aussi, cela me déprime !
Depuis janvier 2008, tu es responsable de la section Animation de la National Film and Television School (NFTS). Quel est ton lien avec cette école ?
Quand j’étais à la BBC, on avait l’habitude de rencontrer des étudiants en animation pour leur expliquer notre travail. J’ai fait la connaissance de Gillian Lacey, qui encadrait précédemment la section d’animation de la NFTS. Quand j’ai quitté la BBC, elle m’a appelée et m’a demandé si je voulais travailler avec elle. Au début j’étais hésitante parce que je n’avais jamais enseigné et que tous les autres professeurs étaient des réalisateurs. Finalement, j’ai accepté. Tout au long de ma carrière, j’ai toujours soutenu les animateurs/réalisateurs. À l’école, je fais la même chose : j’aide les nouveaux réalisateurs.
Certaines écoles conçoivent les élèves comme des artistes individuels. Vous misez beaucoup, dans votre communication, sur le travail d’équipe…
Oui. Nos étudiants – huit admis par an – collaborent avec des élèves d’autres sections de la NFTS (réalisation, son, montage, production, musique) dès la première année. Ils rencontrent plein de gens, et à la fin de leurs études, ils se sont tous entourés d’une équipe. Nous les incitons à se préparer à l’industrie, ce qui n’est pas évident. Ils doivent déjà apprendre à bien diriger leur équipe, à accepter les critiques et feedbacks de celle-ci, et décider ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. En fonction du projet, certains travaillent avec des petites équipes, d’autres avec des grandes. Cette année-ci, on a, par exemple, un projet très ambitieux : un film de 10 minutes en 3D. Le réalisateur et ses producteurs ont fait faire des séquences d’animation partout dans le monde. Tout seul, le réalisateur n’aurait pas pu mener son projet à bien.
Est-ce que vos étudiants réalisent ce qui les attend après leurs études ?
En première année, on visite des studios et on les encourage à faire des stages. On essaie d’être aussi réalistes que possible et on les forme sans illusion. Ils savent ce qu’ils peuvent faire et ce qu’ils ne peuvent pas faire, mais ils sont bien conscients qu’ils n’auront peut-être pas la chance de trouver du boulot tout de suite après leurs études.
Même si elles sont très distinctes les unes des autres, y a-t-il quelque chose qui relie les animations de la NFTS ?
J’espère que c’est le mot « histoire ». Quand les étudiants arrivent à l’école, ils sont souvent très doués et talentueux dans plusieurs domaines. On leur offre un bon encadrement, mais ce sont les élèves qui définissent leur histoire. Dès le début, et pendant tout le développement de leur projet, on leur demande ce qu’ils souhaitent raconter. Même si leur histoire est abstraite, elle doit être racontée, et ne pas être traditionnellement linéaire. Dernièrement, j’ai repensé à Abigail Youngman, une script editor avec laquelle j’ai longtemps travaillé à la BBC. Elle a écrit un article sur les approches d’écriture. L’histoire ? Pour elle, cela tenait en deux lignes : « De quoi s’agit-il ? » et « De quoi s’agit-il vraiment ? ».
Comment le court métrage est-il vu à la NFTS ? Est-ce un film à part entière ou une carte de visite ?
Les deux, à vrai dire. On est convaincus que le court métrage est une forme d’art à part entière, mais on doit aussi regarder vers l’industrie et répondre aux besoins des étudiants. Il faut que leurs beaux films circulent et qu’ils soient remarqués.
L’école opère une sélection rigoureuse en ne prenant que huit élèves par an. Que recherchez-vous chez vos candidats ?
Ont-ils une vision ? Ont-ils des idées ? Bénéficieront-ils de ce que l’école peut leur offrir ? Si quelqu’un se présente juste pour travailler seul, il sera peut-être un jour un grand réalisateur populaire, mais il ne bénéficiera pas de ce que nous avons à lui offrir. Parfois, nous nous intéressons simplement aux idées. Cette année-ci, par exemple, nous avons reçu la candidature d’un animateur génial. Il était nerveux et nous disait ce qu’il savait faire, mais ce qu’il ne comprenait pas, c’est qu’on voulait qu’il nous raconte ce qu’il avait envie de faire. Tout d’un coup, il a compris, s’est détendu, a commencé à nous raconter tout ce qu’il voulait faire, et a été pris !
Retour en arrière. Te souviens-tu des films d’animation qui t’ont vraiment marqué ?
Il y a eu un moment décisif quand je travaillais chez Purdum. Je n’étais pas très fan de l’animation en volume, je trouvais ça souvent lourd. Mais en voyant les rushes de la séquence du train dans « Wallace and Gromit », j’ai eu l’impression que les personnages avaient pris vie. Un moment similaire s’est produit avec « Stage Fright », le film de Steve Box. J’avais vu Steve animer deux enfants en train de courir, et le lendemain, j’ai vu les rushes : les enfants étaient vivants ! C’est pour cela que j’aime l’animation, c’est parce que je trouve ça magique.
Certes, c’est la crise, le réchauffement de la planète, la catastrophe écologique, les émeutes de la faim, la guerre en Irak, au Darfour, au Congo, à Madagascar, en France (ben oui, les amis, en France aussi !)… Certes, certes, certes ! Et quand bien même, pas un seul des courts métrages belges d’animation présentés à Anima cette année ne s’ancrait dans le réel de nos jours difficiles – « Persepolis » est loin des préoccupations de notre plat pays dirait-on -, la plupart de ces films pourtant, étaient tristes, mais d’un triste ! – version condition de l’homme moderne, ab abstracto, entre solitude, folie, isolement, dérèglement, absurde… Et pourtant, on n’a rien vu, on vous le dit, de toute la banale atrocité qui traverse notre époque. Ou presque ! On n’a presque rien vu de ce monde, et si on ne s’est pas pendu au sortir des projections, c’est grâce à quelques films…
À l’école, la chaire semble triste
Sans doute qu’une partie de notre déception trouve son origine dans le fait que beaucoup de ces courts métrages sont des films d’écoles et qu’en tant que tels, ils se veulent des démonstrations de talents. Soit ils ne nous ont pas convaincus des talents en question, comme ce fut le cas d’ « Adalbert » (Albert Jacquard) de Guillaume Dubois, petite histoire de détective, « Une Toile » (KASK Hogeschool Gent) d’Ophélie Tailler où des fils d’araignées – très jolies – emplissaient la toile – ou encore de « 36ème dessous » (Albert Jacquard) de Thomas Dumont, qui nous a semblé fait de clichés et nous a rendu tristes. Soit ils nous ont convaincus, certes, mais de rien d’autre : « Rhum Salé » (La Cambre) de Remi Vandenitte, joli film tout en encre et contrastes blancs noirs sur la mer, disparitions, réapparitions d’images où l’on se noie seul et à plusieurs, ou encore « Bitte Wenden » (KASK Hogeschool Gent) de Joris Bermans où l’on se perd en rond, chacun son tour, vers nulle part, nous laissant ainsi un peu sur notre faim, passant sans doute les lois de l’exercice, mais sans vraiment nous emmener dans un univers à eux. Plus réussi, « Time Out » (KASK Hogeschool Gent) de Sarah Menheere, un beau film assez audacieux par sa technique qui mélange le noir et blanc et la couleur, le dessin crayonné et la peinture épaisse, qui danse autour des jeux de couleurs et tisse le portrait d’une solitude moderne au bord de la folie. Par contre, « Milovan Circus » (La Cambre) de Gerlando Infuso, sélectionné déjà dans de nombreux festivals, y compris à Annecy, résiste toujours à la quatrième vision et continue d’émerveiller par son univers original, sa technique impressionnante et sa poésie grave et délicate.
Ailleurs on a lu tous les livres
Plus professionnels, puisque presque tous produits par Arnaud Demyunck, on a pu revoir « La Svedese » de Nicolas Liguori, crayonné nostalgiquement et magnifiquement, un bel enchantement qui nous laisse de plus en plus sur notre faim parce qu’une fois saisi ce que dessine le film (la rencontre amoureuse entre Ingrid Bergman et Roberto Rossellini) et bien, disons qu’on n’est pas plus avancé et qu’on commence à s’ennuyer de son atmosphère triste et nostalgique. Et si « La Vita Nuova » de Christophe Gautry est un très bel exercice poétique autour de Gérard de Nerval, il nous laisse un peu indifférents parce qu’il est difficile, au-delà de la maestria plastique dont il fait preuve, d’en saisir l’émotion. Il tente pourtant de rendre, dans un entremêlement de réalité et de temporalité, cette émotion qui agite Nerval justement, en lutte avec sa folie grondante – la folie, d’ailleurs, notez-le, au passage ! Beau, rond, et doux, « De si Près » de Rémi Durin, suit la longue rêverie d’un grand-père qui replonge dans son passé de militaire. Un film triste et nostalgique qui s’empêtre un peu les pédales dans des allers-retours temporels et qu’on aurait préféré finalement libéré de ces contraintes narratives tissées dans la thématique d’une impossible transmission – les séquences des flashbacks étaient sacrément réussies ! Au rayon du double pire (entendre le pire de notre monde et le pire de la programmation), on s’est insurgé devant « Candy Darling » de Silvia Delfrance (sorte de cauchemar préhistorique – entendre pour ceux qui le regarde- sur les rapports homme-femme, mère-fille et long long en plus !). Et l’on est resté coi devant le clip « Dictée Magique » d’Aaron Fuks, une sorte de balade électrique urbaine plutôt drôle, mais qu’on a le sentiment d’avoir déjà vu … dans les années 60 ou 70 et 80…
Reste les poules et le jazz… Si, si…
Sur ces visions plutôt crépusculaires de notre monde absurde et violent, quel bonheur s’empare de nous à la vue de quelques petits courts métrages ludiques impertinents, joyeux, ouverts, lumineux, allègrement subversifs ou tout simplement terriblement imaginatifs et inattendus. « Zachte Planten » (KASK Hogeschool Gent) d’Emma De Swaef, tourné dans une technique plutôt inhabituelle d’animation de petits personnages en laine, était une douce rêverie poétique et cruelle, drôle, dure et originale, où un homme coincé à sa table de travail s’évade de son bureau et de son ordinateur pour rêver à une forêt, où, tout nu, il gambade avec les moutons et manque de se faire écraser par un pied de géant ou avaler par une fleur venimeuse. « Bill et Bob », de Nicolas Fong, continue de nous séduire par sa vivacité, son impertinence et son beau travail de rythme musical, mais nous interroge quant à ce qu’il raconte sur les rapports Nord Sud : c’est que deux jumeaux sont séparés à la naissance par un tremblement de terre, mais tandis que l’un devient un merveilleux chirurgien plein de sous et de femmes sur notre continent, l’autre galère allègrement en Afrique – d’un point de vue philosophique et politique, on aurait préféré l’inverse… mais bon !
« J’ai faim » et « Paola la Poule Pondeuse », deux films d’ateliers réalisés par des enfants et coordonnés par Louise-Marie Colon avec Caméra etc (le premier avec Delphine Herman et le second avec Quentin Speguel) sont deux petites perles d’inventivités et de fraîcheur. Le premier, qu’on pourra bientôt voir à Annecy, suit les mésaventures d’un petit garçon esquimau qui mange beaucoup trop, tandis que le second, qui a emporté notre adhésion, raconte l’évasion d’une poule condamnée à pondre à l’usine mais qui, faisant la morte, prend la clé des champs, et entraîne, dans son sillage, une vache. Poule insurrectionnelle si l’en est, pas prête à baisser les bras, elle réinvente, à la ferme, le paradis perdu. Très coloré, très naïf, rapide et plein d’humour, pimenté d’une voix-off qui tisse toutes les voix des enfants, Paola la poule pondeuse est un film qui tranche par sa générosité matérielle et narrative et son thème, éminemment politique et là, vraiment subversif. Et il nous ramène à cette première vérité de tout récit, de toute représentation : qu’on peut croire tout et n’importe quoi puisque, comme les enfants le savent parfaitement, il suffit d’un « il était une fois ». Au cinéma aussi, et un arbre est un arbre si « on dirait que c’est un arbre ».
Enfin, « Jazzed » d’Anton Setola, était sans doute le film le plus abouti et plus intéressant présenté à Anima cette année et lui aussi bientôt en compétition à Annecy. À partir de toute une série de clichés cinématographiques sur le jazz, le jeune réalisateur flamand (qui aura commencé une école d’animation mais qui ne l’aura jamais terminée) réalise là son troisième film après deux courts métrages expérimentaux, un objet cinématographique hors pair, une belle expérience de cinéma. « Jazzed » est un film dansé, un film musique, une explosion de couleurs, de formes, d’images en mutations, qui se tisse autour d’un canevas simple et riche de possibilités : les clichés que véhiculent cette musique (celui de la femme fatale, des bars de la boîte de jazz, des néons de la ville, des courses en voitures, etc…) Setola parcourt tout cela avec une vivacité, une joie et un humour qui décapent, et s’évade vers McLarren, joue des couleurs à la Mondrian, explore les formes comme un Matisse… « Jazzed » nous plonge ainsi dans une succession d’états et d’émotions, et fait du spectateur une pâte modelée par toutes les impressions que balance son film. Une belle expérience de cinéma, véritable souffle de liberté et d’invention.
Synopsis : À la tombée de la nuit, Jack quitte son appartement. Au club de jazz du coin, il rencontre une très jolie jeune femme, Jill. Ils prennent un verre ensemble… Jack se noie dans son regard… Elle l’entraîne à l’extérieur de la ville, dans une folle virée nocturne qui les amènent aux portes d’un cimetière.
Synopsis : Paola travaille dans une usine ou elle pond des oeufs à longueur de journée. Un jour, elle reçoit une carte postale de sa cousine qui travaille dans une ferme. Paola décide de la rejoindre…
Bukowski : Trois divines syllabes aux senteurs nicotinées et aux vapeurs éthyliques. Souffrances, scandales et sexes sont les S qui parsèment toute l’œuvre du poète américain. Il y a du Gainsbarre chez Charles, et du Baudelaire aussi, Baudelaire dont il partage le prénom, les initiales et le goût de la provocation. Ses « Fleurs du Mal » à lui , il les a plantées dans chacun des vers incisifs et étonnants de simplicité de « The man with the beautiful eyes ».
Parmi les 13 élus de la rétrospective surprenante et audacieuse consacrée à la chaîne britannique Channel 4 à Anima, le film de Jonathan Hodgson et John Hannah « The man with the beautiful eyes » est une magnifique interprétation du poème éponyme de Charles Bukowski.
Dès les premières secondes, on plonge dans la pensée du poète qui revient sur un moment précis de son enfance : celui où il fait la connaissance de l’homme aux beaux yeux. Ce qui impressionne l’enfant-narrateur et ses amis, c’est le sentiment de liberté qui se dégage de l’homme. Une liberté enviable, une liberté à faire peur, une liberté qui se reflète jusque dans les pupilles si claires de l’étranger. Une liberté que ne peuvent admettre les parents qui leur interdisent fermement de côtoyer l’homme en question.
Par cette histoire d’enfants vivant leur première désillusion, les artistes fustigent une société enfermée dans un conformisme écoeurant, détentrice des valeurs morales et orchestrant, à sa manière et selon ses humeurs, les notions de Bien et de Mal. Notons le clin d’œil au très bon film de Charles Laughton « The Night of the hunter » (La Nuit du chasseur) avec les mots « Love » et « Hate » tatoués sur les mains d’un des parents contestataires et faisant référence au personnage énigmatique de Robert Mitchum.
Sur la voix chaude et profonde de Peter Blegvad, les dessins naïfs de Jonathan Hodgson et John Hannah, défilent sous nos yeux. Les animateurs mêlent dessins, mots, collages, travail de caméra avec intelligence et pertinence au bénéfice d’une narration percutante. Tout au long du film, les mots de Bukowski glissent délicatement pour créer, dans un nouvel espace physique, une réelle poésie visuelle.
Dans le milieu de l’animation, l’univers mordant, décalé et très « féminin » de Joanna Quinn fait mouche. Véritable artisan du cinéma dessiné, la cinéaste galloise croque sans pudeur, depuis plus de 20 ans, les rondeurs sympathiques de personnages singuliers à l’humour « so british ».
Qu’elles traitent de l’impérialisme britannique (« Britannia » – 1993) ou des ambitions d’une apprentie cinéaste inspirée par l’avant-garde russe (« Dreams and desires – family ties » – 2006), les animations un brin subversives de Joanna Quinn remportent un franc succès où qu’elles passent.
Présenté à Anima dans le cadre de la rétrospective consacrée à Chanel 4, « Girl’s Night Out » (1987) est le premier film de la réalisatrice financé grâce à la chaîne anglaise. Dans un style simple, enlevé et très libre, Joanna Quinn explore, par la technique du crayon coloré, les contours, ô combien complexes, d’une féminité, qui, loin de correspondre aux canons de la beauté, s’évadent du quotidien en se gavant de lectures mièvres et de comédies romantiques.
Du romantisme ? C’est un peu ce qui manque à la pauvre Beryl, la quarantaine rondouillarde, docile en apparence mais légèrement effrontée. Cloisonnée dans un trois pièces, entre un mari indifférent, obnubilé par le petit écran et un chat pas plus affectueux, Beryl décide de célébrer son anniversaire entre copines dans un club de striptease masculin. Les clichés s’inversent : les femmes matent sans vergogne l’homme-objet (et l’objet de l’homme) faisant ainsi naître les fantasmes enfouis depuis trop longtemps. Réalisé durant les années Thatcher, le film, au-delà d’une caricature amusante, est également un pamphlet féministe remettant en question les rôles de l’homme et de la femme dans la société occidentale.
Par un sens du mouvement (gros plans suggestifs) et un travail du son fort intéressant (sons d’ambiance, jacasseries continuelles de Beryl et ses amies remplissant tout l’espace sonore, musique entraînante du striptease), « Girl’s Night Out » déborde de situations cocasses qui s’enchaînent à un rythme effréné. Le tour de force de Joanna Quinn est de dresser le portrait d’un personnage populaire au visage expressif et à l’accent gallois savoureux sans jamais le dénigrer ou tomber dans la vulgarité. Un film particulier, délicieusement insolent.
Quand on aime, on ne compte pas. Cinergie.be invite, pour sa soirée printanière, à une série de projection de sept courts métrages qui vont de l’animation au clip musical, en passant par l’expérimental et le drame. Sept films, qui témoignent de la santé éclectique du cinéma belge des deux côtés de la frontière linguistique, de sept réalisateurs, présents à la projection, qui font ou feront bientôt l’actualité des salles.
– E pericoloso sporgersi de Jaco Van Dormael
– Dérision douce et Orwold de Jean-Noël Gobron
– To Speak de Erik Lamens
– Pic Pic André Shoow – The first de Stéphane Aubier et Vincent Patar
– Le Voyageur s’exclame alors de Johan Pollefoort
– Home Sweet Gnome de Marie-Laure Guisset.
Infos : vendredi 3 avril, à partir de 20h au Studio 5 de Flagey, en collaboration avec Cinematek et Flagey.
Réservations : 02 641 10 20 – www.flagey.be