C’est officiel. Les 10 courts en lice pour la Palme d’Or 2016 sont désormais connus. Pour la petite histoire, pas moins de 5008 courts métrages ont été soumis au comité de sélection.
Ces films concourront pour la Palme d’or du court métrage 2016, décernée par Naomi Kawase, Présidente du Jury, lors de la Cérémonie du Palmarès du 69e Festival de Cannes, le 22 mai prochain.
Films en compétition
La laine sur le dos de Lotfi Achour, Tunisie, France, 15’
Dreamlands de Sara Dunlop, Royaume-Uni, 14’
Timecode de Juanjo Gimenez, Espagne, 15’
Imago de Raymund Gutierrez, Philippines, 15’
Madre de Simón Mesa Soto, Colombie, 14’
A moça que dançou com o diabo (La jeune fille qui dansait avec le diable) de João Paulo Miranda Maria, Brésil, 14’
Après Suzanne de Félix Moati, France, 15’
4:15 p.m. Sfarsitul Lumii de Catalin Rotaru et Gabi Virginia Sarga, Roumanie, 15’
Il silenzio de Farnoosh Samadi Frooshan et Ali Asgari, Italie, 15′
Fight On A Swedish Beach de Simon Vahlne, Suède, 14’
Depuis 2007, le programme Audi talents awards soutient la création émergente et s’attache à faire émerger des projets ambitieux et innovants grâce à un concours gratuit et ouvert à tous.
Chaque année, un jury de six professionnels sélectionne quatre lauréats en Court-métrage, Design, Art contemporain et Musique à l’image, qui sont accompagnés dans la réalisation, la monstration et la médiatisation de leur projet pendant un an, grâce à :
➢ des moyens de production financiers et humains,
➢ l’écosystème du programme qui s’entoure depuis 10 ans de partenaires engagés et d’acteurs culturels majeurs.
La catégorie court-métrage
Dans la catégorie Court-métrage, des jurés tels que Carole Scotta, Nicolas Altmayer et Alain Attal ont ainsi pu récompenser de nombreux talents et les aider à mener à bien leurs projets.
Parmi les lauréats des éditions précédentes, le programme Audi talents awards a notamment accueilli Magali Magistry (2015), Rony Hotin (2012), Dominique Rocher (2011), Manuel Schapira (2010), Grégory Hervelin (2009) ou encore Coralie Fargeat (2013) et Romain Quirot (2014) qui viennent tous deux d’être sélectionnés au Festival du Film de Tribeca pour leurs films respectifs : Reality+ et Le dernier voyage de l’énigmatique Paul W.R.
Dépôt des projets avant le 29 avril 2016
Vous pouvez consulter le règlement et retirer votre dossier de candidature en ligne.
Les dossiers doivent être envoyés par voie postale ou remis en mains propres à :
Audi talents awards
Double 2
34, rue Eugène Flachat
75017 Paris
Depuis 3 ans, Format Court accompagne le festival de Brive et soutient de jeunes auteurs maîtrisant l’art de raconter des histoires singulières et originales.
Après Arthur Harari et sa « Peine perdue », après Héloïse Pelloquet et son « Comme une grande », le jury Format Court (composé cette année de Paola Casamarta, Nadia Le Bihen-Demmou, Gary Delépine et Katia Bayer) a choisi de récompenser un film aussi jouissif que surréaliste et aussi bien écrit qu’interprété : « Le Mali (en Afrique) » de Claude Schmitz.
Le film primé bénéficiera d’un focus spécial en ligne, sera programmé lors d’une prochaine séance Format Court organisée au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution.
Le Mali (en Afrique) de Claude Schmitz, Fiction, 59′, France, Belgique, 2015, Production : ChevalDeuxTrois, Wrong Men
Synopsis : Alors qu’ils tentent de fuir l’Europe en crise, Darius, Stanislas et Gabriel tombent en rade dans un domaine privé. Le propriétaire propose de les héberger le temps de réparer leur véhicule, sous condition d’effectuer des travaux de rénovation dans le bâtiment et de distraire sa fille dont le fiancé américain est décédé la veille.
Pour l’édition 2016 du festival Premiers Plans d’Angers , le jury Format Court (composé de Fanny Barrot, Katia Bayer, Agathe Demanneville, Lola L’Hermite, Gary Delépine) a décerné au film britannique « Mr Madila, Or The Colour of Nothing » de Rory Waudby-Tolley le prix du meilleur court métrage d’animation. Une nouvelle récompense pour ce film qui a obtenu cette année le Prix du Public au Festival des British Shorts de Berlin et qui a été sélectionné pour le prix du meilleur film d’animation du Royaume-Uni.
Dans ce film d’animation, réalisé au Royal College of Art, le réalisateur mène l’enquête sur Mr Madila, un guérisseur spirituel dont il possède une carte de visite. A la lecture de celle-ci, on apprend que Mr Madila peut régler les problèmes de magie noire, d’amour vaudou, d’impuissance sexuelle, de transactions financières, d’affaire judiciaire comme d’immigration. Guidé par une curiosité de circonstance, Rory Wauldy-Tolley contacte le guérisseur et obtient un entretien. L’enquête débute comme un reportage télévisuel. Équipé d’une caméra cachée, le réalisateur fixe le rendez-vous et se rend sur place.
Mais puisque Mr Madila ne veut pas être filmé, le film change d’aspect pour devenir un « cartoon », avec un entretien audio enregistré et une rencontre visuelle dessinée et illustrée après coup. Les deux personnages, Rory et Mr Madila, le réalisateur et le protagoniste, l’enquêteur et le sujet d’étude, contrastent fortement. Alors que Rory est petit, courbé, sceptique et demande à comprendre, Mr Madila quant à lui paraît hégémonique, il est plus grand et plus dynamique, il connaît l’ordre du cosmos et impose sa vision. Ce décalage inconciliable des deux personnages inscrit le film dans le genre du Buddy Movie (film autour de héros dont la collaboration est problématique) et nourrit tout l’humour de cette rencontre inopinée.
On ne se trompe pas en soulignant que les visages, celui de Mr Madila rond comme un atome, signe géométrique de la perfection divine, et celui de Rory de forme carré, symbole des quatre éléments et donc signe de l’existence terrestre, parachèvent de distinguer les deux traits d’esprits distincts. Ainsi sous la diction du guérisseur, le visage carré de Rory passe par le losange, le tourbillon, le cube, pour finir évaporé. Se laisser convaincre par la plaidoirie de Mr Madila, c’est avant tout s’y conformer. Mais Rory n’est pas convaincu, et comme une résurrection, l’animateur reprend sa forme initiale, imperméable aux paroles de l’enchanteur.
De façon judicieuse, Waudby-Tolley décide d’intégrer la fabrication du film dans le film lui-même. Au second et dernier rendez-vous avec Mr Madila, le réalisateur lui présente la première partie du film déjà montée pour recueillir ses premières impressions. Là encore, l’opposition des deux tempéraments est manifeste et jubilatoire. Mr Madila, acerbe, ne voit pas l’intérêt du film, il s’y trouve mal représenté, il n’aime ni le dessin ni la voix – qui est la sienne ! Décidément il faut que Rory le fasse jouer par un acteur pour être plus proche de la philosophie de Madila. La réalité est mieux défendue par la fiction que par elle-même.
Le conseil devient consigne, et Mr Madila écrit pour Rory le film qu’il doit faire, une publicité ésotérique vantant les mérites de Mr Madila où Rory interprète le patient en détresse. Et si Rory objecte qu’il n’a jamais dit les mots que le guérisseur met dans sa bouche, Mr Madila lui rappelle une vérité générale, « It’s a cartoon ! You can just make it up ! »
C’est sur cet éclat d’humour que le film se ferme, laissant les deux personnages définitivement mystérieux l’un pour l’autre, emblématiques de leurs deux approches distinctes, le spirituel et le rationnel. On pourra rapprocher ce film au long-métrage de Michel Gondry « Conversation avec Noam Chomsky » (2013) où l’artiste français illustrait ses conversations enregistrées avec le linguiste américain sur sa vision de l’homme et de tout ce qui nous entoure. Mais là où le film de Gondry prend source dans un dialogue passionnant et réflexif, le court de Rory Waudby-Tolley est polarisé par le discours omniscient de Mr Madila, un guérisseur qui fait peu de cas de la réalité et base sa spiritualité sur une couleur imaginaire, la couleur de rien (« the Color of Nothing »), une teinte que l’on peut toujours attendre de découvrir.
Synopsis : « Le Tout, dans l’ensemble, c’est du rien. Regardez-y de plus près et vous verrez tous les petits morceaux, tous les petits fragments, et tous les vides dans les interstices. » Mr Madila ou La Couleur du rien met en scène une série de conversations entretenues par le réalisateur avec un guérisseur revendiquant un don spirituel.
Jeudi 14 avril 2016, Format Court vous invite à sa nouvelle soirée de courts-métrages (l’avant-avant-dernière de l’année) à 20h30 au Studio des Ursulines (Paris 5ème).
Pour l’occasion, pas moins de cinq films français, belges, anglais et polonais, dont deux Prix Format Court, seront présentés, en présence de plusieurs équipes et sélectionneurs de festivals dont nous sommes partenaires (Angers, Créteil). Bonne info : une double exposition de dessins et croquis autour des deux films d’animation programmés accompagnera cette toute nouvelle projection soutenue par le British Council.
Programmation
A Strong Woman de Iwona Kaliszewska et Kacper Czubak. Documentaire, 16′, 2014, Pologne, Stowarzyszenie Filmowcow Polskich – Studio Munka. Prix Format Court au Festival de Films de Femmes de Créteil.En présence de Marina Mazzotti et Claire-Lise Gaudichon, programmatrices.
Le portrait d’une femme dans un village du Daghestan. À l’encontre du monde patriarcal qui l’entoure, elle adopte une attitude anticonformiste. Dans son combat, quelque chose se révélera utile : son expérience, du temps de l’ère soviétique, lorsqu’elle était championne de lutte…
Des millions de larmes de Natalie Beder. Fiction, 22′, 2015, France, Yukunkun Productions. Sélectionné au Festival de Locarno 2015 et d’IndieLisboa 2016.En présence de l’équipe
C’est l’histoire d’une rencontre dans un café-restaurant désert le long d’une route. Un homme d’une soixantaine d’années qui attend là. Une jeune femme fait son entrée, un sac sur le dos, sa vie dedans et la mine passablement fatiguée. Il lui propose de l’avancer. Elle accepte.
Haircut de Virginia Mori. Animation, 8’, 2015, France, 25 Films. Sélectionné aux festivals d’Annecy et Go Short 2015
Une enseignante et son élève s’attardent dans une salle de classe vide. À travers leurs regards, leur gestuelle, débute une étrange confrontation.
Elena de Marie Le Floc’h et Gabriel Pinto Monteiro. Fiction, 17′, 2014, Belgique, Institut des Arts de la Diffusion. Prix du Scénario au Festival Le Court en dit long 2015
Elena, adolescente polonaise de 15 ans, doit accompagner ses parents à un rendez-vous pour leur servir d’interprète. Ce qu’elle pensait être une simple formalité la confronte à la violence d’être adulte.
Mr Madila or The Colour of Nothing de Rory Waudby-Tolley. Animation, 8′, 2015, Royaume-Uni, Royal College of Art. Prix Format Court au Festival d’Angers 2016.En présence du réalisateur et de Thibaut Bracq (sélectionneur)
« Le Tout, dans l’ensemble, c’est du rien. Regardez-y de plus près et vous verrez tous les petits morceaux, tous les petits fragments, et tous les vides dans les interstices. » Mr Madila ou La Couleur du rien met en scène une série de conversations entretenues par le réalisateur avec un guérisseur revendiquant un don spirituel.
* Jeudi 14 avril 2016, à 20h30. Accueil : 20h
* Durée : 71′
* Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
* Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
* Entrée : 6,50 €
* Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com
* Événement Facebook : ici
Bonne nouvelle pour les amateurs & programmateurs de l’excellent cinéma suisse : le e-Booklet Short Films 2016 de SWISS FILMS est en ligne. Il présente 40 courts métrages suisses de tous genres, avec 19 fictions, 9 animations, 3 films expérimentaux et 9 documentaires.
Véritable vitrine de la création helvétique en matière de courts métrages, il représente aussi bien des productions indépendantes que des films d’écoles. Cette publication représente la diversité et la vitalité de ce format pour la promotion de la production suisse à l’international.
Ce livret comprend des titres de 2015 et 2016 réalisés par des cinéastes confirmé(e)s, tel(le)s que Georges Schwizgebel, Max Philipp Schmid, Christian Frei ou Eileen Hofer, ainsi que par de jeunes talents à suivre.
Pour information, ces 40 films ont été choisis par un comité de sélection composé des deux spécialistes du court métrage à SWISS FILMS Simon Koenig et Sylvain Vaucher ainsi que du directeur artistique des Internationale Kurzfilmtage Winterthur, John Canciani.
La 13ème édition du festival IndieLisboa aura lieu du 20 avril au 1er mai à Lisbonne. Format Court y attribuera pour la deuxième année consécutive un prix au sein de la section « Silvestre », un nouveau programme regroupant des films à part et inattendus réalisés par de jeunes auteurs comme des cinéastes établis. Pour l’occasion, le jury Format Court (Katia Bayer, Marie Bergeret, Adi Chesson, Sarah Escamilla, Aziza Kaddour) évaluera les 23 films sélectionnés.
Pour info/rappel, le film primé bénéficiera d’un focus spécial en ligne, sera programmé lors d’une prochaine séance Format Court organisée au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution.
Films en lice dans la section Silvestre Shorts
B-ROLL with Andre de James N. Kienitz Wilkins, États-Unis
Coming Of Age de Jan Soldat, Allemagne
Dans ton regard de Julien Arnal, France
Dear Lorde de Emily Vey Duke, Cooper Battersby, Canada
Depart at 22 de Wiep Teeuwisse, Pays-Bas
Ears, Nose and Throat de Kevin Jerome Everson, États-Unis
Elle pis son char de Loïc Darses, Canada
Josef – Täterprofil meines Vaters/ Josef – My Fathers Criminal Record de Antoinette Zwirchmayr, Autriche
The Lamps de Shelly Silver, États-Uni
L’aquarium et la nation de Jean-Marie Straub, France, Suisse
Mad Ladders de Michael B. Robinson, États-Unis
Matkormano de Fabien Rennet, Julien Louvet, France
The Miniaturist de Paribartana Mohanty, Inde
Postcards from Manila de Harry Lagoussis, Grèce
Quintal/Backyard de André Novais Oliveira, Brésil
Scrapbook de Mike Hoolboom, Canada
La terre penche de Christelle Lheureux, France
Terrestrial de Calum Walter, États-Unis
Toré de João Vieira Torres, Tanawi Xucuru Kariri, Brésil, France
Une sur trois de Cecilia de Arce, France
Unhappy Happy de Peter Millard, Royaume-Uni
Villeneuve de Agathe Poche, France
World of Tomorrow de Don Hertzfeldt, États-Unis
Auréolé du prix du meilleur court métrage européen par le jury Format Court à la trentième édition du festival du film court de Brest, en novembre denier, Larp de Kordian Kadziela est un court métrage d’école qui s’attache à dépeindre le désarroi prononcé qui sévit chez les adolescents. Sergiusz, 17 ans, développe une passion bénine et exaltante pour les jeux de rôle grandeur nature (en anglais LARP aka Live Action Role Playing,) mais cet attrait loin d’être compris ou partagé par sa famille est moqué et ridiculisé à la moindre occasion.
Larp dure 27 minutes. C’est le temps que s’accorde son réalisateur Kordian Kadziela pour traiter de l’adolescence, cette période charnière où l’on n’est plus un enfant mais pas encore un adulte, où l’on doit, pour découvrir ce que l’on veut faire et qui l’on est, se projeter dans ses envies, dans ses passions, trouver des modèles à imiter, des comportements à calquer, être responsable et gagner en autonomie sans oublier pourtant d’arriver à l’heure au repas familial. À cheval entre deux âges, à cheval entre deux mondes des années durant.
Ce sont ces deux aspects d’une même vie qui font la complexité de cette période où l’incompréhension règne, pour l’adolescent et son entourage. Ainsi, alors que le film s’ouvre comme un récit de chevaliers par des batailles en cotte de maille dans la forêt, le passage d’un train avorte l’affrontement final des forces armées. Le sifflement de ce train est un rappel à la réalité, la sonnerie du réveil qui clôt les projections rêveuses de ces hordes d’adolescents casqués. Parmi eux Sergiusz, tout juste initié à ses pratiques, se distingue déjà dans les batailles et fraternise avec ses compagnons d’armes.
De retour au domicile familial, Sergiusz doit reprendre un autre rôle, celui de l’enfant, celui du frère, celui de l’aîné. Il y est « surpris » par sa famille qui s’est réunie pour célébrer son anniversaire – deux semaines après la date prévue. Quelques échanges laissent transparaître la nature forcée de la réunion, les passions ne sont pas partagées, les cadeaux ne sont pas vraiment faits pour lui. Mais puisqu’on lui offre une maquette d’avion et qu’il ne s’y est jamais intéressé auparavant, c’est l’occasion idéale pour lui d’en entamer la collection. Il faut qu’il tienne son rôle, celui de l’enfant qui est heureux malgré tout, heureux comme sa famille qui interprète celui de la famille soudée et réunie en son honneur.
D’ordinaire, on traite l’adolescence au cinéma par ses débordements, depuis un point de vue d’adulte, soulignant les excès et l’absence de contrôle d’un adolescent colérique, maladroit, naïf ou rocambolesque. Mais dans Larp, plus que la fougue c’est un sentiment de tendresse extrême qui se distille tout au long du film grâce à son personnage principal Sergiusz, qui n’est pas dupe du désintérêt de ses proches pour sa passion pour les jeux de rôle et ne déplore pas cette situation car elle est aussi le signe de son émancipation. Cette prise de conscience de Sergiusz permet au réalisateur de révéler le charme trop sous-estimé des faux-semblants, des artifices et des subterfuges des membres de cette famille cherchant à se rapprocher les uns les autres alors même qu’ils savent l’exploit impossible.
À l’image du calendrier des rencontres de Jeu de Rôles Grandeur Nature (de LARP donc) et des fiches de personnages que chacun y reçoit, les obligations familiales de Sergiusz et les rôles parents-enfants répondent eux-aussi à une distribution définie. Si cette observation s’offre de façon ostentatoire dans les scènes du jeu de rôle, où les costumes sont évidemment artificiels et où une Arménienne joue l’elfe et sa langue maternelle tient en place de l’elfique, la remarque implique aussi la vie réelle. Sergiusz l’a compris, c’est pourquoi le caractère artificiel du jeu de rôle ne le repousse pas, la vie de tous les jours l’y a habitué, voilà pourquoi il sourit quand il voit son entourage cabotiner à vouloir faire croire qu’ils attendent beaucoup des échanges avec lui, parce que c’est l’intention qui compte.
Avec de telles psychologies de personnages, Kordian Kadziela met en image les intentions de son personnage principal et les explicite par le cadre. Dans les phases de jeu de rôle grandeur nature, le réalisateur a l’habitude de serrer les cadres sur son personnage et d’opérer des champs-contre-champs qui soulignent la polarisation du film autour de lui. Hors du domicile familial, Sergiuzs doit constamment défendre sa place, la conquérir, tel le chevalier qu’il interprète et qui poursuit sa mission au péril de sa vie.
A l’inverse, les scènes familiales, qu’elles réunissent toute la cellule ou bien seulement certains de ses membres, s’articulent avec des cadres larges qui permettent par leur frontalité de révéler l’orchestration des places dans le milieu familial.
Au final, tout est ordonné, et la logique du pater familias de Sergiuzs n’est pas plus ou moins farfelue que celle des organisations LARP. Elle est simplement valide au domicile, et perd toute sa justesse dans la rue. De même, la logique des organisations LARP est crédible quand elle seule s’exprime – la première scène nous propulse dans un film de chevalerie avant que le train ne détruise l’illusion. Sergiuzs lui, doit découvrir qui il est, et pour ce faire ne peut continuer d’épouser la dynamique familiale, il a besoin de choisir et c’est tout le besoin du LARP : choisir qui il veut être, le code qu’il veut suivre, et la tactique à employer pour atteindre ces objectifs.
C’est d’ailleurs ce que Sergiusz affirme et démontre dans un face à face ultime. En confrontation avec un homme mieux bâti, il joue David contre Goliath et l’apostrophe comme le chevalier qu’il se pense. Et dans le combat, ce n’est pas la salve des petits coups de poings fébriles qui fera fuir l’assaillant mais bel et bien la constance de Sergiuzs, sa volonté de ne pas laisser faire les agissements du malotru. Sergiusz a réussi a lier les deux bouts, il a trouvé sa place dans le monde « réel », a su défendre ses convictions selon le rôle qu’il s’est composé, et peut rentrer chez lui poursuivre sa progression vers sa vie d’adulte.
Synopsis : L’œuf de la famille Oie a disparu ! L’agent Nips (un petit chat) de la police de Londres et son supérieur, l’inspecteur-chef Porkington (un cochon) mènent l’enquête.
Le contexte victorien de « The Casebook of Nips and Porkington » ainsi que les charmants animaux anthropomorphes qui en sont les héros feront retomber en enfance les amateurs du « Basil, détective privé » des studios Disney et de la série « Sherlock Holmes » d’Hayao Miyazaki.
Élève en quatrième année dans une école de cinéma canadienne, Melody Wang a un style classique dans le meilleur sens du terme : un trait précis, qui rend immédiatement attachant ses personnages-peluches, et une animation dynamique qui est le propre du cartoon et sied parfaitement à ce bref récit d’aventure mettant en scène un bobby londonien.
Plutôt que par son style graphique, c’est par son décor et l’usage qu’elle en fait que la réalisatrice innove. Le film se déroule en effet intégralement dans les pages d’un journal, débute avec le portrait des deux héros en une et se poursuit au travers des différentes rubriques. En cette fin de dix-neuvième siècle, la presse est le média de masse, là où on rapporte les faits divers et où on célèbre les héros : les deux policiers y ont donc tout à fait leur place.
L’espace de la page inspire à Melody Wang des idées visuelles ludiques : les personnages se déplacent dans les marges, il pleut dans la rubrique météo, les cours de la bourse deviennent une montagne à gravir et les signes typographiques sont détournés pour servir d’accessoires. Les lettristes apprécieront…
Le film ne manque donc pas d’humour, comme en témoigne le nom des deux enquêteurs : Nips le chat (de l’anglais cat-nip = herbe à chat) et Porkington le porc (pork + ington, suffixe so british).
On vous avait prévenus, la 60ème séance Short Screens s’annonce chaude, très chaude! Provocateur à souhait, « Post-Porn Shorts » regroupe des courts métrages qui se jouent des codes et des conventions du cinéma porno pour mieux les détourner. Des films XXX, tous genres et toutes sexualités confondus, vous émoustilleront par leur insolence.
Rendez-vous le jeudi 31 mars à 19h30, au cinéma Aventure, Galerie du Centre, Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles – PAF 6€
Nova Dubai de Gustavo Vinagre, Brésil, 2014, docu-fiction, 50’, Prix Format Court au Festival Filmer à tout prix 2015
Éclaboussure porno-politique, Nova Dubai relate la lutte stérile d’un groupe de jeunes hommes animés d’une rage sexuelle désespérée contre l’insolente spéculation immobilière qui ravage espoirs, mémoires et aspirations. Seule la politique des corps en lutte semble égaler l’obscénité des projets immobiliers… Anti-sexy, éprouvant et marquant.
Seafood Porn de Momoko Seto, France, 2014, xp, 5’30’’
Une histoire d’amour entre une pieuvre et un poisson rouge. Jennifer et Tiffany (un lundi soir dans la salle de bains): Un moment d’amour intense entre Jennifer et Tiffany. Crevettes Orgy (un samedi soir dans un appartement privé): Un moment d’amour fou entre 9 crevettes. Prawn Red Hot Love (un mardi matin sur votre lit): Un moment d’amour fou entre un homme et une crevette.
La Marche du monde de David Le Meur, France, 2014, xp, 5’30’’
Un concept filmé inspiré par l’album « La Marche du monde » de Matico Editions.
Calamares de Meow meow, Berlin, 2015, xp, 3’45’’
On finit toujours par manger l’être aimé. L’histoire d’une jeune fille et d’une pieuvre.
Gourmandises de Roland Lethem, Belgique, 2004, fiction, 10’
« Le plus grand danger du péché de gourmandise, c’est qu’il nous porte au péché de luxure. »(Soeur Sourire). Un insatiable gourmand devant de succulentes gourmandises.
Le jeudi 11 février 2016, le festival de Clermont-Ferrand est déjà bien entamé. En marge de la compétition, des projections, des débats, des fêtes, la SRF (Société des Réalisateurs de Films, créée en 1968) organisait, dans la salle Gripel de la Maison de la Culture, une rencontre entre les deux cinéastes Céline Sciamma et Aude Léa Rapin. Trois longs-métrages pour l’une (« Naissance des pieuvres », « Tomboy », « Bande de Filles ») et trois courts pour l’autre (« La Météo des plages », « Ton Cœur au hasard » triplement récompensé à Clermont en 2015 dont un Grand Prix National, et un troisième en post-production au titre encore inconnu) ont dessiné pour chacune une filmographie sensible et emplie de justesse.
On pourrait croire que la rencontre va s’articuler autour de l’idée d’un cinéma de femmes mais il s’agira plutôt de parler de cinéma tout court, féministe peut-être, humaniste c’est certain. Sans modérateur, à bâtons rompus, elles s’interrogent mutuellement sur leurs parcours, leur processus créatif et enfin leur collaboration sur le scénario du premier long-métrage d’Aude Léa Rapin. La salle pleine à craquer se suspend aux lèvres des deux artistes au rythme de confidences, d’anecdotes, de réflexions partagées avec humour et franchise.
Le court, carte de visite ou geste de liberté
Qui dit Clermont, dit court et le premier constat est sans appel et plein d’ironie. Céline Sciamma n’est pas passée par la case « court métrage » avant la réalisation de son premier film « Naissance des pieuvres » (2007). On lui doit néanmoins, en 2010, un court « Pauline » réalisé dans le cadre du concours de scénarios « Jeune et homo sous le regard des autres » présidé par André Téchiné. C’est à l’heure actuelle sa seule incursion dans le format court.
« Ça arrive de plus en plus. Je n’ai pas créé de précédent. Un phénomène s’intensifie depuis 10 ans avec les scénaristes de la Fémis qui sortent de l’école avec un scénario de long-métrage ». Un producteur lui propose d’emblée de financer son scénario, les choses vont très vite. Sortie de l’école en juin 2005, elle tourne son film en juin 2006. « Du coup, pas de court-métrage, de l’inconnu pour tout le monde, y compris pour moi-même, à part quelques expériences d’assistanat de mise en scène et de régie mais je n’avais jamais été chef de guerre ». A l’arrivée, pas de « carte de visite » mais un long-métrage !
Cette idée que le court-métrage joue ce rôle de « carte de visite » angoisse plutôt Aude Léa Rapin, elle aussi passée par la Fémis mais sur le tard et plus brièvement, pour qui le court devrait rester un terrain d’expérimentation et de liberté. Céline Sciamma se demande par ailleurs si le financement toujours plus ardu des longs-métrages n’atténue pas cette force du court-métrage à introduire un cinéaste dans le paysage audiovisuel, en témoigne le temps long qui s’écoule, pour beaucoup de cinéastes, entre la réalisation de leurs court-métrages et leur premier long. Pour elle, le scénario joue de plus en plus cette fonction d’incitant au financement d’un film. Au-delà de cette réalité de production, Aude Léa Rapin, cadette de Sciamma et qui a fait ses premières armes de cinéma dans le documentaire, le film engagé et humanitaire entre autres, voit le court comme un geste qui rassure, qui met à l’épreuve : « Pour moi, c’est la seule condition qui nécessite de faire du court. En fait, il n’est une carte de visite que quand il sort du flux car il y en a tellement… ».
En pleine écriture de son premier long-métrage, elle constate, elle aussi, que c’est le scénario qui influe sur le montage financier. « Mes courts-métrages facilitent juste les rencontres avec les producteurs » précise-t-elle. Toutes deux reviennent à penser le court comme un geste de liberté et de légèreté, une appropriation de sa propre grammaire de cinéaste.
Céline Sciamma se verrait même après trois longs-métrages passer au court. D’ailleurs, sans les concevoir comme des courts-métrages au sens propre, au quotidien, elle confie réaliser de plus en plus d’esquisses, des brouillons, des tentatives de mise en scène, la plupart du temps avec son téléphone. « La forme courte dans la non obligation de faire récit permet de s’éprouver à la mise en scène, c’est comme ça que je regarde et fantasme d’en faire ». Aude Léa Rapin enchérit dans ce sens en voyant le court comme un droit à l’erreur qu’on ne peut plus se permettre dans le long-métrage. Un autre pont que voit Céline Sciamma entre le court et le long est que dans sa méthode de fabrication de ses propres longs métrages, ceux-ci sont construits autour de quelques scènes emblématiques, de fragments. « Dans le désir, dans l’impulsion, dans l’accomplissement, dans le résultat, on fait le film pour des moments, pour certaines scènes qui seraient des métonymies qui contiendraient l’ambition du film », dit-elle.
Mais d’où leur viennent l’inspiration des ces fragments, de ces histoires, de ces films, quelles qu’en soient leurs formes finalement ? Aude Léa Rapin confie qu’elle ne s’y reprendra plus à imposer une thèse, un contenu, un programme à suivre au préalable comme elle l’a fait pour son premier film. En réponse, pour son deuxième court, l’intuition sera son moteur en oubliant la veine autobiographique du précédent et en choisissant un héros masculin. Céline Sciamma pense que de toute façon les films s’écrivent toujours contre le précédent, en réaction même si la forme ne change pas forcément. L’enjeu, pour Sciamma, est de garder le désir pendant l’élaboration d’un long, loin de l’idée du romantisme de l’écriture auquel elle préfère le travail et la persévérance. « Il y a un moment inexplicable où les choses s’imbriquent entre l’intuition, la réaction à ce qu’on a fait avant, un fantasme du malentendu de quelques scènes… C’est un sentiment où les choses s’alignent ». Avant la concrétisation de l’écriture, elle décrit aussi la période de gestation, de rêve qui peut être plus ou moins longue. « C’est le seul endroit mystique dans la gestation d’un film ». Elle n’hésite cependant pas à ponctuer cette phase de latence entre deux projets de réalisatrice par l’écriture de scénario pour d’autres.
Elle nous parle un peu de sa collaboration au prochain film d’André Téchiné, « Quand on a 17 ans », faisant exception à ses principes de ne travailler que sur des premiers films ou des films de metteurs en scène de sa génération. Son admiration et sa curiosité pour le cinéaste qui a bercé son adolescence et a fait des films dans un contexte économique de production plus glorieux l’ont convaincue de faire entorse à ses principes. « Ça me déplace de travailler avec un cinéaste aussi légitime » conclut-elle.
La fabrication et le compromis
Aude Léa Rapin termine son troisième court-métrage, son dernier probablement avant son passage au long. Jusqu’à là, elle a réalisé ses films en quasi autonomie. « Je commence à comprendre que le cinéma est très différent du geste de l’art contemporain, de la peinture qui m’étaient plus proches. Du coup, j’ai transposé cette manière de penser la création. J’en vois la limite car ça me rend claustrophobe et grâce à cela, ça me permet de m’ouvrir et de rentrer dans une méthode de travail plus classique tout en ayant envie de garder cette dynamique car c’est la mienne ». Elle, qui ne connaît pas encore le compromis grâce à la manière dont elle a appréhendé le court-métrage justement, s’y prépare doucement avec son passage au long. Ça la rassure même de se savoir entourée, écoutée et confrontée. « J’ai hâte de travailler avec le compromis, j’y suis déjà en fait dans l’écriture. Quand je dis ça, je me rends compte que je le faisais déjà avant car c’est moi qui payais mes courts-métrages. En vrai, si je suis totalement honnête, j’ai écrit mes films en tenant compte du fait que je devais les assumer seule financièrement. Ça mettait une certaine forme de limite à l’imagination mais comme ce sont des compromis que je m’impose, alors je ne le vis pas comme tel ».
Céline Sciamma avance dans la même direction. Avec un budget de moins d’un million d’euros pour « Tomboy », son deuxième long-métrage, elle a anticipé chaque scène pour la mettre en perspective de sa faisabilité, un exercice qu’elle a apprécié : « Je n’ai jamais eu l’impression de ne pas pouvoir faire. Quand un film est bien financé, ça ne veut pas dire qu’il est riche, ça veut dire qu’il a l’argent dont il a besoin pour être fait ». Les seuls compromis qu’elle ait réellement vécus, hormis ceux qui jalonnent un plateau au quotidien, sont ceux rencontrés avec les comédiens qu’elle a toujours choisis pour la plupart parmi des non professionnels : « Parfois, on estime mal les comédiens, notamment quand il sont non professionnels, mais c’est la responsabilité du metteur en scène de trouver des solutions face à eux et encore plus quand ce sont des enfants ». Diriger des comédiens non professionnels qui avaient l’âge des personnages qu’ils défendent lui semblait la manière la plus juste de filmer la jeunesse mais son envie de déplacer les récits sur l’âge adulte lui donne envie maintenant de travailler avec des acteurs professionnels. Pour le reste, elle se révèle extrêmement fidèle à ses collaborateurs, y compris sa productrice, son assistant mise en scène, son monteur entre autres. « Comme j’ai fait mon premier film, sans court-métrage, j’ai compris ce qu’il se passait en le faisant, il y avait cette idée de grandir avec les autres. Le cinéma, ça a beaucoup à voir avec le collectif, l’amitié ». Cela a d’autant plus à voir car comme elle l’avoue, elle voit au fur et à mesure de plus en plus le lien entre les films et la vie.
Pour revenir à cette histoire de cinéma et d’amitié, on y croit très fort à voir les deux réalisatrices si complices dans la salle Gripel de la Maison de la Culture de Clermont-Ferrand. Copines, on n’en sait rien. Collaboratrices, on en est sûr. Elles terminent ces deux heures de rencontres en dévoilant quelques anecdotes au sujet de leur rencontre qui a débouché sur une collaboration du premier long d’Aude Léa Rapin. Céline Sciamma a découvert son travail avec « Ton Cœur au hasard » alors qu’elles se connaissaient un peu avant par réseau amical. C’est leur vision de cinéma qui les a rassemblées. « C’est un film qui va parler de cosmonautes mais pas que… On est dans une phase de rencontres et de recherches. Là, je vais passer du temps à écrire et je retrouverai Céline plus tard autour d’une première version écrite. C’est une méthode empirique » confie Aude Léa Rapin. De toute façon, toutes les deux s’accordent à dire qu’il n’y a pas de prototype de collaboration, c’est le projet qui impose la nature de celle-ci. « C’est intéressant de passer d’un projet à l’autre mais fondamentalement sans abandonner son identité de metteur en scène car il y a de la mise en scène dans l’écriture et ça ne veut pas dire imposer sa mise en scène. C’est juste qu’on est capable d’accueillir celle de l’autre, avec lui, pour lui ».
A les écouter, on se prête, comme elles, à rêver d’univers qui n’existent pas encore vraiment mais dont on sait déjà qu’elles mettent toute leur empathie et leur sensibilité à le créer et le fantasmer. Deux heures sont passées et le dernier mot de la rencontre sera « poreux ». C’est drôle, ça les fait rire et ça fait rire le public aussi mais à bien y réfléchir ce mot leur va si bien, tant l’une et l’autre ont fait l’étendue de leur humanité et de leur ouverture tout au long de cette rencontre. On sent chez elles, au-delà de la personnalité tout en nuances de leurs films, le désir de réinventer la forme et le fond au gré du désir, du temps qui passe et de tout le reste qui font d’elles des cinéastes qui parlent du monde à travers des histoires de l’intime.
Le 38ème Festival de Films de Femmes de Créteil et du Val-de-Marne s’est achevé hier soir à la Maison des Arts de Créteil. Voici le palmarès, côté courts.
Meilleur Court métrage étranger : Women in sink d’Iris Zaki (Royaume-Uni / Israël)
Court métrage français, Prix Ina Réalisatrice créative (meilleur court métrage francophone) : Vers la tendresse d’Alice Diop (France)
Meilleur court métrage européen : Le Sommeil des amazones de Bérangère McNeese, Belgique
La clôture du 38ème Festival de Films de Femmes de Créteil et du Val-de-Marne s’est déroulée hier soir à la Maison des Arts de Créteil. Pour la première fois, Format Court y remettait un prix au sein de la compétition internationale.
Le Jury Format Court (composé de Katia Bayer, Marie Bergeret, Adi Chesson, Ludovic Delbecq et Zoé Libault) a choisi de récompenser, parmi les 16 films sélectionnés, « A Strong Woman » de Iwona Kaliszewska et Kacper Czubak, un documentaire sur un lieu méconnu (le Daghestan) et une femme en lutte contre les hommes et la solitude, mais aussi une proposition sensible sur le choix et la dignité dans une société machiste et patriarcale.
A Strong Woman de Iwona Kaliszewska et Kacper Czubak. Documentaire, 16′, 2014, Pologne, Stowarzyszenie Filmowcow Polskich – Studio Munka
Synopsis : Le portrait d’une femme dans un village du Daghestan. À l’encontre du monde patriarcal qui l’entoure, elle adopte une attitude anticonformiste. Dans son combat, quelque chose se révélera utile : son expérience, du temps de l’ère soviétique, lorsqu’elle était championne de lutte…
Pour rappel, le film primé bénéficiera d’un dossier spécial en ligne, sera projeté le jeudi 14 avril prochain à l’occasion de la prochaine séance Format Court au cinéma Le Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Enfin, la réalisateur bénéficiera également d’un DCP (relatif au film primé ou au prochain dans un délai de deux ans) crée et doté par le laboratoire numérique Média Solution.
Le 33ème Festival international du film d’environnement (Fife) présentera, en entrée libre du 5 au 12 avril au Cinéma des Cinéastes, une centaine de films – dont de nombreux courts – et une sélection de web-documentaires consacrés à la planète au Cinéma des Cinéastes.
Pendant le festival, trois sections compétitives permettront notamment de découvrir une large sélection de films courts venus d’Europe, mais aussi d’Uruguay, d’Afrique du Sud ou du Japon : des courts métrages, des documentaires courts et, pour les petits, une section “Eco Bambins”.
Retrouvez le détail des séances sur la grille des programmes et venez rencontrer les nombreux réalisateurs présents après chaque séance !
Super info. Le festival clôturera ses rencontres professionnelles avec un « Happy Biz » (un pot heureux) en invitant Format Court le lundi 11 avril de 18h à 20h en partenariat avec Champagne Fleury (des bulles, des bulles !). L’occasion de découvrir les activités de notre site de référence devenu incontournable, mais aussi d’échanger dans un espace convivial avec les invités du festival et les professionnels du court métrage !
Rendez-vous au Cinéma des Cinéastes dès le 5 avril pour l’ouverture du festival et le lundi 11 avril à 18h30 pour l’ »Happy Biz » de Format Court !
Animation, Hongrie, 9’33, 2013, Moholy-Nagy University of Arts and Design
Synopsis : Un récit qui présente, de façon originale, un univers subjectif en 47 scènes. Des événements de la vie quotidienne mettent en évidence la cohérence irrationnelle du monde qui nous entoure. Des situations surréalistes qui mettent en scène les humains et leur rapport à la nature.
Souvenez-vous. Ayant commencé sa carrière à Berlin avant de faire un super parcours en festival et d’être shortlisté pour les Oscars 2015, Symphony no. 42 de Réka Bucsi, faisait partie de notre programme spécial conçu pour le Jour le plus court autour du thème de l’insolence.
Bonne info : depuis un mois, le film est disponible en ligne. L’occasion de retrouver ses nombreuses vignettes cocasses et colorées sur l’homme, l’animal, la nature et l’absurdité du monde qui les entourent. Du renard perplexe à l’éléphant emprisonné, des cow-boys à ballons à la liseuse de bonne aventure, des baleines du Sri Lanka à la symphonie n°9 de Beethoven, Réka Bucsi ne lâche rien, le temps d’un film d’école, bouclant sa boucle et laissant une poignée de mystère, de finesse et d’humour derrière elle.
Le mois prochain, Format Court attribuera pour la troisième année consécutive un prix à l’un des 22 films sélectionnés en compétition européenne au 13ème Festival de Brive (5-10 avril 2016). Le Jury Format Court (composé de Paola Casamarta, Nadia Le Bihen-Demmou, Gary Delépine) élira le meilleur film en compétition.
Le moyen-métrage primé bénéficiera d’un focus spécial en ligne, sera programmé lors d’une séance Format Court organisée au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution.
Films en compétition
– BODY de Léonor Serraille, France
– DES JOURS ET DES NUITS SUR L’AIRE de Isabelle Ingold, France
– DIE KATZE de Mascha Schilinski, Allemagne
– FULL THROTTLE III – END TIMES de Renger van den Heuvel, Pays-Bas – Autriche
– GANG de Camille Polet, France
– JE MARCHE BEAUCOUP de Marie-Stéphane Imbert, France
– L’ILE JAUNE de Léa Mysius et Paul Guilhaume, France
– LA BANDE À JULIETTE de Aurélien Peyre, France
– LE DIEU BIGORNE de Benjamin Papin, France
– LE GOUFFRE de Vincent Le Port, France
– LE JARDIN D’ESSAI de Dania Reymond, France
– LE MALI (EN AFRIQUE) de Claude Schmitz, France – Belgique
– LES NOUVELLES GEISHAS DES BUVEURS SOLITAIRES de Momoko Seto, France
– LES RONDS POINTS DE L’HIVER de Louis Séguin et Laura Tuillier, France
– LES ROSIERS GRIMPANTS de Lucie Prost et Julien Marsa, France
– MARIA DO MAR de João Rosas, Portugal
– POINT DU JOUR de Nicolas Mesdom, France
– TÉLÉCOMMANDE Anonyme, France
– THE MASKED MONKEYS de Anja Dornieden & Juan David González Monroy, Allemagne – Indonésie
– VERS LA TENDRESSE de Alice Diop, France
– VILA DO CONDE ESPRAIADA de Miguel Clara Vasconcelos, Portugal
– 6×6 de Pauline Lecomte et Marine Feuillade, France
Le premier film de Natalie Beder, en tant que réalisatrice et scénariste, ayant fait ses débuts à Locarno, a été sélectionné au 38ème festival du court-métrage de Clermont-Ferrand en compétition nationale, il l’est également au festival d’Aubagne ayant lieu actuellement. « Des millions de larmes » nous emplit d’une mélancolie agréable devant un homme d’un certain âge (joué par André Wilms) et une jeune fille (Natalie Beder) que la pluie réunit sous un même toit : un café-restaurant.
Dans chaque poème se cache quelque chose de dur. Chez Natalie Beder la poésie prend tout son sens. Cette dureté se révèle au fur et à mesure dans le film, c’est un sentiment qui se répand telle une goutte d’eau traversant votre vêtement et vous assénant des frissons d’humidité.
En quelques instants, dès les prémices du film, on sent que ce film ne nous laissera pas indifférent face aux métaphores, expression d’une mélancolie vécue, une mélancolie passée.
Un couteau, quelques pièces dans une chaussette et du vernis rouge clairsemé sur ses ongles, la jeune fille est clairement fatiguée et trempée.
La conversation s’engage avec cet homme d’une soixantaine d’années. Il semble perdu, comme ce café-restaurant, au milieu de nulle part. Elle, interrompant ce regard qui contemple passablement les gouttes d’eau tombant et s’écrasant contre la vitre, semble acharnée. Elle va quelque part, semble déterminée. L’échange est froid, rude et hermétique. Une tension s’installe. Le vieil homme reste silencieux, et renfermé. Quelque part sous l’apparence de sa vieillesse, se cache une blessure, le visage fatigué par la vie, il semble perdu dans ses silences. Il ressemble à ces inconnus, passant le visage hagard dans des rues sombres.
S’engagent alors des échanges abrupts, parfois doux qui mettent en exergue une différence de style chez les deux personnages. Lorsque le regard d’André Wilms se pose sur la jeune fille, toute la contradiction de leurs caractères éclot. Ils ne se comprennent pas, mais vont prendre la route ensemble. Et c’est le long de celle-ci qu’ils vont se connaître.
Une jeune fille qui se rattache à l’enfance lorsque vient le noir dans un hôtel avec ses ombres et son inconnu, un vieil homme excédé par des questions incessantes de la jeune fille. Les échanges dans cette voiture qui semblaient si calmes au demeurant deviennent inquiétants. Après la tendresse, viennent la colère et le chagrin. Un chaud-froid qui nous rappelle soudain la relation d’un père et de sa fille. Une paternité sûrement déchirée. Celle d’un homme égaré face à la désinvolture de celle-ci.
Et l’homme qui se voudrait peut-être père ou encore généreux sauveur induit de plus en plus ce questionnement sur cette relation. Qui est-il ? Qui est-elle ? Le tutoiement soudain ne nous laissera pas indifférents et accentuera d’ailleurs ce questionnement.
Dans cette voiture, la crainte monte. L’agacement prend le pas et le film se transpose dans une nouvelle situation. C’est un papa agacé qui dispute sa fille. C’est à ce moment-là que l’on pourrait y voir l’allégorie de cette histoire. Peu importe, au final qui ils sont, quel est leur passé, ils ont cette importance qui montre que les erreurs antérieures prennent toujours le pas sur le présent malgré les regrets et toutes les larmes que l’on pourra verser.
C’est dans la disparition et la rupture que va s’accélérer l’histoire. Ce déséquilibre brutal dans la narration nous met en empathie sur ce regard usé et anxieux qui envahit le spectateur d’une souffrance réelle. Pourtant lorsque les deux personnages se retrouvent dans un restaurant pour la seconde fois, l’amusement, la complicité et la tendresse paternelle renaissent.
Dans cette renaissance la réalisatrice joue sur la palette des émotions de cet homme. Un engagement et un parti pris qui, jusqu’au bout s’attachent à cet homme âgé. Les deux personnages poursuivent leur chemin au milieu de ces champs neutres d’émotions. Ils traversent des marais salants, des étendues d’eau, des paysages qui par la rigueur du format (4/3) amplifient le mouvement donné aux acteurs.
Ils s’approprient l’image, aux dépens des paysages volontairement évidés de toute « couleur », de tout relief. C’est une toile de fond à l’environnement gris neutre qui s’assombrit au fil de l’histoire. Cet équilibre parfait, que Natalie Beder instaure tout au long du voyage vers ce néant, nous emplit d’une mélancolie latente, sans cesse perturbée par les tête-à-tête abondants et riches de ces deux personnages déambulant dans ce vide esthétique. Ils s’affrontent, se disputent, mais s’obstinent à se rapprocher. Et lorsque la peur et la suspicion sur ces deux êtres s’installent, cette étrange tension amène à des questionnements de plus en plus prononcés sur cette relation qui s’opère entre eux.
L’on rajoutera également ces brefs moments musicaux qui instaurent tout en délicatesse une composition douce et fine du compositeur Romain Trouillet, une simplicité qui élabore deux passages obscurs et métaphoriques de ce film. Le premier induit la symbolique de ce court-métrage par cet étang et ces roseaux reflétant la nuit. Cette bougie flottant dans l’eau évoque une métaphore du malheur relative à l’histoire. Le second corrélé au premier, relate la disparition et la peur de l’homme d’avoir perdu la jeune fille. Une maitrise parfaite de cette simplicité musicale : en seulement quelques notes, elle implique le spectateur.
Et lorsque, doucement, l’on coule sur la fin, l’atmosphère s’assombrit, la route se termine dans un bâtiment sombre, l’accompagnement et cet attachement entre ces deux personnages et leur tendresse prennent subitement une autre tournure. Ici, encore on est marqué par une rupture dans la narration. Une rupture qui semble plus définitive. Le visage terne et le tonnerre se rassemblent, les larmes prennent le pas. Nous sommes dans l’entonnoir des émotions. Quelque part, l’histoire touche à sa fin et peut-être, les questions également.
La notion d’herméticité n’existe plus. L’absence se fait sentir. Le deuil d’un souvenir se presse. Les deux personnages doivent se mettre à l’abri de la pluie. Le vieil homme arrivé au bout de sa route a le souffle coupé.
L’allégorie est plus que présente dans la scène de fin, puisqu’on touche au paroxysme de ce film. La peur et l’angoisse sont autant d’images et de symboles qui s’entremêlent et ces sentiments qui bataillent dans l’esprit de cet homme se retrouvent durs. Il est effrayé tel un enfant. Ici les larmes sont la pluie et celle-ci coule jusqu’à s’abattre sur l’homme comme pour rincer cette hallucination, ces regrets, cette tristesse qu’il emmène avec lui depuis le début.
Fort en symboles et en allégorie, « Des millions de larmes » est une illustration parfaite du pouvoir du cinéma dans le ressenti du spectateur. Le spectateur regarde le film, tout en non-dits, tel un livre dont il tourne les pages voire les dévore. On se plonge dans ces regards et ces personnages pour connaître leur histoire, leur passé et peut-être leur devenir.
Synopsis : C’est l’histoire d’une rencontre dans un café-restaurant désert le long d’une route. Un homme d’une soixantaine d’années qui attend là. Une jeune femme fait son entrée, un sac sur le dos, sa vie dedans et la mine passablement fatiguée. Il lui propose de l’avancer. Elle accepte.
Genre : Fiction
Durée : 22’
Pays : France
Année : 2015
Réalisation : Natalie Beder
Scénario : Natalie Beder
Image : David Chambille
Son : Jean-Michel Tresallet
Montage : Louise Decelle
Interprétation : André Wilms, Natalie Beder, Myriam Tekaia