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Gil Alkabetz : « C’est comme si chaque film que je faisais était le premier et le dernier. Je ne crois jamais que je pourrai en faire un autre. »

Le cinéaste Gil Alkabetz a impressionné le monde de l’animation à plusieurs reprises, entre autres avec « Rubicon », court hilare qui remporta le prix du film le plus drôle à Annecy, et « Der Da Vinci Timecode », expérience unique qui redéfinit la lecture d’une œuvre d’art classique en le soumettant aux spécificités du langage cinématographique. Membre du jury international lors du dernier Festival Anima à Bruxelles, l’animateur nous a consacré un moment pour aborder l’univers de l’animation en constante évolution et le fait que certains n’apprennent jamais de leurs expériences.

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© Renaud Fang

Ayant grandi dans un kibboutz, qu’est-ce qui vous a attiré vers le cinéma, et en particulier vers l’animation?

Mon enfance, c’était il y a bien longtemps ! Mon premier contact avec le cinéma eu lieu grâce au projecteur de notre voisin. Nous regardions des dessins animés comme Bugs Bunny et les films de Disney. C’était tout ce que je connaissais de l’animation à l’époque, mais déjà je me sentais attiré par ce genre. J’ai voulu étudier l’animation, et quand j’avais 19 ans, j’ai découvert des films du National Film Board et de Zagreb Films. C’était un tout autre monde par rapport aux cartoons. Ceci m’a motivé à aller à la Bezalel Académie des Arts. A l’époque, ils n’avaient pas vraiment de section d’animation. Il y avait plein de possibilités d’en faire, mais il fallait passer par un autre département. Donc j’ai étudié le dessin graphique et l’illustration. Aujourd’hui, tout ça a changé. Ils ont une grande section animation avec un programme de 4 ans.

Maintenant que vous êtes installé en Allemagne, suivez-vous encore l’animation israélienne ?

Oui un peu quand même. Par exemple, l’année dernière, j’ai organisé un atelier dans une école au sud du pays. J’ai constaté qu’en Israël, comme dans d’autres pays, avec les nouvelles possibilités technologiques, et l’arrivée de l’Internet, les gens entrent dans l’animation très tôt et avec beaucoup de connaissances dans le langage visuel et les techniques d’animation, ce que moi je ne maîtrisais pas à leur âge. En Israël, le milieu de l’animation est fort polarisé. D’un côté, il y a peu de soutien de l’Etat, même si les choses sont en train de changer suite aux films comme « Valse avec Bachir ». D’autre part, il y a de plus en plus d’étudiants qui sortent des écoles d’animation. Mais la plupart ne peuvent pas aller plus loin donc ils se tournent vers la publicité et les films commerciaux. C’est encore très difficile de faire des films non commerciaux là-bas.

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On voit dès votre premier film, « Bitzbutz », des éléments stylistiques qui semblent marquer vos autres films : le monochromatisme, des mouvements organiques, une narration limitée et absente, souvent reprise par la musique. Aviez-vous ces éléments en tête dès le début?

Non, pas du tout. « Bitzbutz » était mon film de fin d’études à la Bezalel. C’est une coïncidence que ce film s’est fait ainsi, et ça m’a amené à explorer ce genre de style. Si je l’avais fait autrement, j’aurais surement eu un tout autre style. Le choix de faire « Bitzbutz » de cette manière a été dicté par des contraintes économiques et liées à temps. Mais ça a marché, le film a été bien reçu, alors je suppose que j’ai développé mon style.

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« Bitzbutz »

Qu’est-ce qui vous a amené en Allemagne et au Studios Film Bilder ?

Au début, après mes études à la Bezalel, j’ai travaillé pendant un an et demi dans un studio d’animation israélien. Il y en avait peu à l’époque. Grâce à cette expérience, j’ai été invité à Stuttgart par l’académie d’art pour réaliser « Swamp ». Stuttgart est un véritable centre culturel, surtout en ce qui concerne les courts métrages animés. Donc je suis venu en Allemagne pour étudier encore, mais j’avais déjà des contacts avec Film Bilder, qui a aussi commencé à Stuttgart. J’ai fini par faire des films avec eux.

« Rubicon » a gagné le prix du court le plus drôle à Annecy, ce qui n’est pas rien. D’où est venue cette idée loufoque ?

Avant de finaliser le scénario pour « Rubicon », j’avais essayé au moins 5 autres idées, certaines plus sérieuses et même une histoire d’horreur. Mais ce scénario-ci a été le mieux reçu. Donc j’ai décidé de le tourner. Je n’avais aucune idée de ce que ce film aller devenir. Mais tout s’est mis en place dès que j’ai décidé d’abandonner la narration et les rapports entre les personnages.

Si seulement je savais mieux d’où venaient mes idées. A vrai dire, je n’en sais rien. Chaque film vient de rien et de nulle part et mon expérience ne m’aide pas du tout. Quand je fais un film, je ne peux jamais dire que j’ai appris quelque chose pour le suivant. Je dois toujours recommencer de zéro. C’est comme si chaque film que je faisais était le premier et le dernier. Je ne crois jamais que je pourrai en faire un autre.

Encore aujourd’hui ?

D’autant plus avec le temps ! Je ne sais jamais quoi faire après. Et puis tout à coup, une idée me parvient. Mais je n’ai pas encore trouvé de système. Je soumets mes idées au test du temps. Quand j’ai une idée qui mijote dans ma tête et qui perdure pendant un moment, je finis par croire que je peux la réaliser. Mes sources sont diverses, mais ce sont souvent de vieilles idées que je n’ai pas pu réaliser et que je pense pouvoir les convertir en films des années plus tard.

Comment avez-vous créé Sweet Home Studios, votre maison de production ?

Je l’ai créé avec ma femme, entre autres, en raison des avancées technologiques dont je parlais. Il n’y a pas si longtemps, même si ça paraît préhistorique (!), pour faire une animation, tout devait se faire dans des studios. On avait besoin de matériel très cher et très sophistiqué, des tables de montage, des appareils optiques, etc. qui coûtaient des centaines de milliers d’euros. Ce n’était pas possible de faire de l’animation tout seul. Mais avec l’arrivée de l’ordinateur, tout a changé et on peut travailler de chez soi. Aujourd’hui tous les programmes sont disponibles et on travaille beaucoup plus rapidement, sans être obligé de passer par les studios. C’est pour ça qu’on a pensé à faire un studio à domicile. Le seul inconvénient, c’est le manque de recul et les avis constructifs qu’on peut recevoir en travaillant dans une grande équipe.

« Der Da Vinci Timecode » est un ovni dans votre filmographie. Comment avez-vous conçu l’idée de retravailler une œuvre d’art?

En effet, c’est quand même un concept que j’ai longtemps développé. J’ai fait une animation qui s’appelle « Travel to China » dans laquelle j’ai voulu utiliser une seule image pour tout le film. Je l’ai dessinée moi-même et j’ai utilisé le même principe que pour « Der Da Vinci Timecode », c’est-à-dire, placer la caméra à différents endroits du tableau pour avoir des plans rapprochés. Mais le problème c’est que, dès que le mouvement commençait, le spectateur oubliait qu’il s’agissait d’une seule image. Alors j’ai décidé de refaire cette expérience, mais avec une image très connue, que le spectateur ne pourrait pas confondre avec des dessins originaux. C’est comme ça que « Der Da Vinci Timecode » est né. Quelque part, s’imposer une telle restriction peut paraître un peu artificiel. Mais quand on décide que ceci est sa limitation et qu’on n’ajouter aucune autre animation ni effet, on devient curieusement plus créatif. On découvre des choses qu’on n’aurait jamais soupçonnées. J’aime bien cette idée de réduire le concept un strict minimum.

Lorsque vous ne faites pas de films, vous enseignez l’animation. Comment marie-t-on la carrière d’un artiste et d’un enseignant ?

Ce n’est pas facile. L’enseignement est très intéressant, mais ça implique une autre partie du cerveau. On devient critique. Les étudiants viennent avec des idées auxquelles ils ont déjà pensé. Alors le travail de réflexion et de concept a déjà été fait, et on se trouve devant une idée finalisée à laquelle on doit réagir. C’est un peu dangereux pour l’artiste parce que ça pourrait fonctionner au détriment de sa propre créativité. D’un autre côté, c’est quand même très intéressant, c’est ça justement, le danger.
En tant qu’enseignant, je ne me focalise pas trop sur l’aspect technique des choses, que souvent mes élèves maîtrisent mieux que moi parfois ! Alors je travaille sur le concept avec eux. Il y a beaucoup d’étudiants qui sont très doués techniquement, mais qui ont du mal à exprimer l’idée de base, le concept. Et ils n’ont quasi aucune aide avec ça, les professeurs leur disent « viens me voir quand tu auras une idée ». Donc il y a une forte demande de ce point de vue.

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© Renaud Fang

Avez-vous déjà été tenté soit par la live-action ou par le long métrage ?

La live-action n’est vraiment pas ma tasse de thé. Je pense qu’il y a différentes sortes d’animateurs, mais une grande partie d’entre eux, y compris moi-même, sont comme des enfants qui font des films. Je ne dis pas qu’ils font des films pour enfants. La live-action traite des sujets plus complexes et des rapports entre des gens. L’idée de travailler avec des acteurs et sur de telles situations ne me tente pas trop.

Par contre, j’ai souvent pensé à tenter une animation en format long. J’aimerais pouvoir réaliser une histoire structurelle qui ne se base pas uniquement sur de petites situations. Ce serait quelque chose de complètement différent du court, et cela représenterait un grand défi pour moi. J’aimerais voir si je parviens à garder l’attention du public aussi longtemps.

Propos recueillis par Adi Chesson

Consultez les fiches techniques de « Rubicon » et « Der Da Vinci Timecode »

Article associé : la critique de « Der Da Vinci Timecode »

Anita Killi : « Le plus important pour moi, c’est de faire des films que les enfants puissent regarder en se posant des questions »

Auréolée en 2010 à Clermont-Ferrand et à Annecy notamment, pour son court métrage « Sinna Mann », la réalisatrice norvégienne Anita Killi, fidèle aux méthodes traditionnelles de l’animation, aime opposer dans ses films une forme simple et naïve à des sujets forts, tels que la guerre ou la violence domestique dans le but de susciter le débat.

Ton style et ta façon artisanale de travailler restent en marge du paysage contemporain de l’animation. Quelles sont tes influences artistiques ?

Naturellement, comme beaucoup, j’ai été fort influencée par le travail du Russe Youri Norstein. J’aime beaucoup ses plans parce que, en tant que spectateur on peut choisir ce que l’on veut voir tant ces images sont travaillées et détaillées. J’aime aussi beaucoup la poésie qui s’en dégage. La notion de temps y est étirée, c’est un cinéma fort contemplatif. Mais quand j’étais étudiante, j’ai également été influencée par l’animation venue d’Europe de l’Est, de Tchéquie, par exemple.

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Tu es venue présenter « Sinna Mann » à Anima, pourquoi avoir choisi d’adapter cette histoire ?

J’étais à la recherche d’une histoire et j’en ai lues beaucoup avant de tomber sur le travail de Gro Dahle et de son mari, l’illustrateur Svein Nyhus. Au départ, je voulais adapter un autre roman, « Kind » mais lorsque j’ai contacté Gro, elle m’a dit que le projet d’adaptation était déjà pris par quelqu’un d’autre. J’ai alors découvert « Sinna Mann » et j’en suis littéralement tombée amoureuse. Même si certains me disaient que c’était peut-être un sujet trop difficile à adapter, je trouvais au contraire que c’était très intéressant. J’avais envie de m’adresser aux enfants mais surtout aux adultes, aux pères abusifs, aux mères silencieuses qui pourraient éventuellement se remettre en question après avoir vu le film en se disant : « Je n’ai pas envie de ressembler à cela ». J’ai alors entamé des recherches sur la violence et je me suis rendue compte que dans les films d’animation, celle-ci était abordée par l’utilisation d’animaux pour camper les personnages. J’ai trouvé cela dommage qu’au XXIème siècle, on n’était toujours pas capable de s’adresser aux enfants sans passer par l’allégorie ou la métaphore.

En jetant un regard à ta filmographie, on constate très vite ton désir de faire passer un message fort à travers une animation « enfantine ». Pourquoi ce choix ?

Parce que le plus important pour moi, c’est de faire des films que les enfants puissent regarder en se posant des questions. Mais je pense que mes films, « Sinna Mann » et « The Hedge of Thorns » en particulier, sont des films d’enfants qui s’adressent principalement aux adultes.

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Quelle est la réaction des enfants quand ils voient ces films ?

Ils ne sont pas effrayés. Pour eux, les thèmes que j’aborde (la guerre et la violence domestique) sont en quelque sorte naturels, j’ignore pourquoi mais en général, la réaction des adultes est souvent plus forte. Les enfants aiment poser des questions, ils se demandent pourquoi le père dans « Sinna Mann » est fâché ou encore pourquoi le père dans « The Hedge of Thorns » revient de la guerre avec une médaille. Certains disent que c’est parce qu’il a gagné la guerre alors que d’autres pensent que c’est parce qu’il a tué des gens. Les questions que ces films suscitent auprès des enfants m’intéressent beaucoup et motivent mon travail de création.

En quoi consiste ta façon de travailler ?

C’est assez artisanal. Cela s’appelle le « cut-out ». J’élabore un story-board détaillé, ensuite, je dessine tous les décors et les personnages, je les découpe et j’assemble les personnages afin qu’il puissent bouger leurs membres. Je réalise l’animation de façon chronologique en plaçant les décors et les personnages sous des plaques de verres de 60 à 90 cm d’épaisseur. J’ai environ une petite dizaine de niveaux de plaques de verre différents. Au-dessus de tout cela, je place une caméra 35 mm qui peut se déplacer verticalement et horizontalement.

Comment gères-tu l’arrivée des nouvelles technologies ?

Je ne sais pas du tout comment gérer cela. J’imagine que je dois intégrer ces nouvelles technologies, certainement plus rapides. D’autant plus que j’ai un projet de long et je me rends compte que ma façon de travailler coûte trop cher parce qu’elle prend plus de temps. Par ailleurs, je travaille un peu « à l’aveugle » puisque je ne peux pas toujours visualiser ce que je filme, d’une certaine façon, c’est un peu risqué. J’avoue que je suis fort partagée car j’ai l’impression que les gens ne trouvent pas le « cut-out » assez intéressant or j’ai envie de leur prouver le contraire.

Penses-tu qu’en abandonnant le « cut-out », tu perdrais un peu de ton art ?

Exactement, et c’est cela qui me fait un peu peur ; perdre les sensations et l’atmosphère que j’essaye de faire passer grâce à cette façon de travailler. D’un autre côté, je sais que cela pourrait être intéressant étant donné que je ne connais absolument rien en informatique, je peux juste envoyer des e-mails. C’est la raison pour laquelle j’aime beaucoup me rendre en festivals, pour voir des films et rencontrer des gens qui travaillent différemment. Je trouve cela très enrichissant.

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Tu parlais d’un projet de long-métrage…

Oui, parce que mon père et mon mari me disent que je devrais songer à commencer à gagner de l’argent avec mes films, ce qui n’est pas vraiment le cas avec le court métrage. Le long est encore une adaptation. J’ai eu envie d’utiliser un personnage de la tradition norvégienne, celui du gnome qui apparaît pendant la période de Noël. Contrairement au Père Noël, il n’offre pas de cadeaux. Il est doux et prend soin des animaux et des hommes mais il peut aussi se montrer diabolique avec ceux qui ne respectent ni la nature, ni les autres. J’y ai volontairement ajouté le personnage d’une petite fille qui comme le gnome, refuse la société de consommation et la superficialité entourant la fête de Noël, aujourd’hui. De même, on peut y voir les différences entre la ville et la campagne. Moi, je viens de la campagne, nous avons une ferme. Dans le film, je voudrais montrer l’atmosphère de la vie à la ferme et essayer de rendre les choses plus réelles. Je trouve cela important, même en animation. J’aime l’idée que je m’inspire aussi de ma vie pour écrire des histoires.

Propos recueillis par Marie Bergeret

Article associé : la critique de « Sinna Mann »

Consulter les fiches techniques de « The Hedge of Thorns » et de « Sinna Mann »

H comme Hedge of Thorns

Fiche technique

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Synopsis : Florian et Malene sont les meilleurs amis du monde. Chaque jour, ils jouent près du ruisseau. Un jour, la guerre éclate et les enfants ne peuvent plus jouer ensemble parce chacun est situé dans la camp adverse.

Réalisation : Anita Killi

Scénario : Anita Killi adapté du roman ” Flon Flon et Musette” (1993) de Elizbieta

Genre : Animation

Durée : 13′

Année : 2001

Pays : Norvège

Image : Anita Killi

Animation : Anita Killi

Son : Hâkon Lammetun

Musique : Hege Rimestad

Montage : Pål Gengenbach

Production : Anita Killi Production / Trollfilm

Article associé : l’interview d’Anita Killi

Festimages : le palmarès 2011

Ce vendredi 18 mars, lors de la remise des prix animée par Philippe Reynaert, les Jurys du 20ème Festimages 2011 ont rendu leurs verdicts. La compétition réunissait 18 films d’écoles de cinéma du Nord et du Sud du pays.

Délibération du JURY ETUDIANTS

Ce Jury était composé de six étudiants venant des sections E-business, Kiné, Communication et Conseillers sociaux de la Haute Ecole Provinciale de Hainaut-Condorcet. Il était présidé par Nabil BEN YADIR, réalisateur des « BARONS »

Le Prix des Etudiants à été remis à « Badpakje 46 » de Wannes Destop (KASK)

Le prix est doté de 650 € par PME 3000. Initié par la Haute Ecole provinciale Condorcet, PME 3000 est une action pilote de formation continuée en initiation à l’esprit d’entreprise axée sur l’apprentissage par l’action, le coaching, le travail en équipe. En s’associant à ce Prix, PME 3000 souhaite encourager les initiatives de création d’entreprises audiovisuelles dans le Hainaut.

Delibération du JURY PROFESSIONNEL

Le jury était composé de Marijke PINOY (comédienne), Stéphane BISSOT (comédienne), Thierry DE COSTER (acteur, producteur, auteur), Geneviève KINET (WBI), Bénédicte BOURGEOIS (acheteuse RTBF), Mathias DESMARRES (réalisateur).

GRAND PRIX (1500 €), offert par la SABAM   – Les enfants de la mer/mère – de Annabel Verbeke (RITS)

PRIX DE LA MEILLEURE ANIMATION (500 €), offert par la Ville de Charleroi   – L’oeil du paon – de Gerlando Infuso (La Cambre)

PRIX DU MEILLEUR DOCUMENTAIRE (500 €), offert par le Direction Générale des Affaires Culturelles du Hainaut  – A l’intérieur – de Raphaël Le Toux Lungo (INSAS)

PRIX DE LA MEILLEURE FICTION (500 €), offert par la Province du Hainaut  – Pour toi, je ferai bataille – de Rachel Lang (IAD)

PRIX SPECIAL DU JURY (500 €), offert par le Conseil de Etudiants de la Haute Ecole Condorcet   – Filomena – de Julio Lopes (Sint Lukas).

H comme How to deal with Nonsense

Fiche technique

Synopsis : Le monde vous paraît-il cohérent et compréhensible ? Mais pourquoi se battre pour comprendre lorsque l’on peut profiter de la vie en passant par tant d’échelons de non sens…

Genre : Animation

Durée : 4’37’’

Année : 2010

Pays : Roumanie

Réalisation : Veronica Solomon

Scénario : Veronica Solomon

Montage : Remus Constantin Brezeanu

Son : Adrian Teodorescu

Article associé : le reportage sur la rétrospective des films roumains

Rétrospective roumaine : en attendant la (nouvelle) vague

Si la fiction roumaine a le vent en poupe, la qualité du cinéma d’animation reste en revanche bien modeste. Preuve en est la rétrospective accordée à Anima, en présence de Mihai Mitrica, le directeur du Festival Anim’est, qui, s’excusant à l’avance du niveau des films présentés, précisait qu’il n’y avait pas de réelle école d’animation dans son pays. On le regrette : une grande partie des films d’animation (le cas roumain n’est pas isolé) se limite à l’innovation graphique, à l’effet visuel, à l’anecdote formelle sans vraiment élaborer la narration. Au-delà de l’exercice de style, certains courts métrages de la sélection ne manquent ni d’esprit ni d’originalité.

Ariadné Fonala (Ariadne’s Thread) de Attila Bertóti

Et si le destin de cette naïve Ariane ne tenait qu’à un fil, et si Thésée n’était pas ce héros fort et indestructible et si le Minotaure était doté d’une intelligence humaine, la bête ne serait sans doute pas morte et le monde serait à réinventer… Dans des teintes jaune sombre monochromatiques et un dessin simple, animé de mouvements de caméra dynamiques, Attila Bertóti revisite le mythe de Thésée et du Minotaure avec un humour certain. Il s’amuse à réinterpréter la même histoire légendaire de trois points de vue différents, celui d’Ariane, l’amoureuse transie à l’entrée du labyrinthe, celui de Thésée, perdu dans la belle invention de Dédale, prêt à affronter le monstre et enfin celui du Minotaure, faisant le pied de grue en attendant le héros qui se fait très discret.

Immerse de Weareom

Deux minutes suffisent au collectif Weareom pour nous plonger dans les abysses d’un no man’s land abstrait. 20 000 lieues sous la mer du mystère flottent des machines inconnues et des sensations palpables d’angoisse viennent traverser le corps et l’esprit, immergés dans les ténèbres de l’inconscience. Ce très court est avant toute chose une expérience visuelle et auditive intéressantes à laquelle se greffe une chute amusante qui nous ramène à la surface de la réalité. Doté d’une réalisation maîtrisée et effervescente, « Immerse » semble tout droit sorti d’un cerveau dangereusement créatif.

Grand Café de Bogdan Mihăilescu

Sans doute le plus délicat de la série, « Grand café » propose un voyage poétique dans le temps. Un retour dans le passé pour retracer le destin d’Emile Reynaud, l’inventeur du Praxinoscope. Cet engin, breveté en 1877, donnait l’illusion du mouvement grâce à la création de dessins décomposés en 12 positions présentés de manière cyclique. En somme, si les frères Lumière sont les pères du documentaire, Méliès, celui de la fiction, nul doute que Reynaud est à l’origine du cinéma d’animation. Le film de Mihăilescu est une sorte d’hommage en ombre chinoise à celui qui, des heures passant, dessinait, coloriait, peignait des petites illustrations avec l’intention de transmettre, dans la salle obscure et attentive, toute la féérie de la pantomime lumineuse. Laissant derrière lui un parfum de nostalgie, le film reste fort contemporain dans sa manière de refléter la fragilité du travail des cinéastes d’animation, derniers vrais artisans de la profession que les nouvelles technologies viennent convoiter avec le risque de leur voler leur art.

How to Deal with Nonsense de Veronica Solomon

Difficile de décrire le film de Veronica Solomon tant il échappe joyeusement à la logique. Suggérant un rêve sous LSD, il présente un certain nombre de créatures abracadabrantes au milieu d’un océan imaginaire. Un banc de sapins verts traverse des eaux troubles pour se retrouver aux côtés de nuages vaporeux. Entre les deux, un arbre rose, géant (mais est-ce un arbre au fond ?) qu’escaladent d’heureux reptiles sisyphiens. Au sommet, un hamster solitaire se prend pour Elvis. Pèlerinage hallucinogène, « How to deal with nonsense » semble avoir tout dit en un titre évocateur. Solomon aime assembler des réalités n’ayant aucun lien entre elles provoquant des situations humoristiques totalement absurdes à l’image du théâtre d’un certain Ionesco.

Marie Bergeret

Consuletez les fiches techniques de Ariadné Fonal, de Immerse, de Grand Café et de How to Deal with Nonsense.

A comme Ariadné Fonala (Ariane’s thread)

Fiche technique

Synopsis : Voici rassemblés les éléments fondamentaux du célèbre mythe grec: le labyrinthe, le Minotaure, Thésée, Ariane et bien évidemment le fil. Que la recherche commence !

Réalisation : Attila Bertóti

Genre : animation

Durée : 9’

Année : 2009

Pays : Roumanie/Hongrie

Animation : Attila Bertóti

Son : Várhegyi Rudolf

Musique : Kevin Macleod

Production : Lakatos Róbert, Szántai János, Muhi András

Article associé : le reportage sur la rétrospective des films roumains

G comme Grand Café

Fiche technique

Synopsis : Une histoire vraie ? Sans doute que c’est ainsi que cela s’est passé au début du siècle dernier, dans un monde en noir et blanc parfois teinté au Sépia, l’art apporta la couleur.

Réalisation : Bogdan Mihăilescu

Genre : Animation

Durée : 8’

Année : 2010

Pays : Roumanie

Montage : Bogdan Mihailescu, Cornelia Naescu

Musique : Gustav Mahler, Lincoln Jagher

Production : Bogdan Mihăilescu

Article associé : le reportage sur la rétrospective des films roumains

I comme Immerse

Fiche technique

Synopsis : Le film interroge de façon conceptuelle le niveau microscopique de l’existence ainsi que l’espace intérieur qui nous entoure, invisible à l’œil nu.

Réalisation : We are om

Genre : Animation expérimentale

Durée : 2’

Année : 2008

Pays : Roumanie

Eclairage : Mihai Sibianu

Montage : Dan Mateescu

Son : Alin Flaidar

Production : Carter Films

Article associé : le reportage sur la rétrospective des films roumains

Paris Courts Devant, l’appel à candidatures 2011 est lancé

La 7ème édition du festival Paris Courts Devant aura lieu du 13 au 16 octobre 2011 au Cinéma des Cinéastes, Paris 17ème. Un appel à candidatures 2011 a été lancé sur le site du festival. Les films produits en 2010 et 2011, d’une urée maximum de 20 minutes sont à envoyer avant le 30 avril pour les films de 2010 et le 30 juin pour les films de 2011.

Pour connaitre les conditions de participation, cliquez par ici.

Pour inscrire vos films en ligne, c’est par .

Les sélections

• Fiction et compagnie : Les films de fiction produits par une société de production et/ou ayant obtenu un visa.
• Films sans pression : Films d’écoles de cinéma, d’associations ou autoproduits.
• Du rififi dans les écoles d’anim : Les films de fin d’études des écoles d’animation françaises, promotion 2011.
• Coups de coeur/ coups de gueule : Les films inclassables, improbables, résolus et gonflés, qu’ils soient produits ou autoproduits.
• Films de musique : Les films dont la musique est l’argument, le vecteur, le sujet, le personnage principal… Comédies musicales, fictions, documentaires, clips, live…
• Si loin si proche : La sélection internationale, films de tous pays, en français ou sous-titrés en français.

N’oubliez pas d’envoyer vos DVD à

Festival Paris Courts Devant
Sélection 2011
8 cour Saint-Pierre
75017 Paris-France

Le site du Festival : www.courtsdevant.com

Bill Plympton : « Tout mon argent va dans mes films. C’est mon plaisir, c’est cela qui me rend heureux »

Son trait et son style n’appartiennent qu’à lui : irrégulier, imparfait, crayonné, souvent drôle, de plus en plus émouvant avec les années. Ancien caricaturiste, Bill Plympton s’est glissé dans l’animation comme on s’introduit dans un pyjama, avec habitude, volupté et simplicité. Offrant à tour de bras des dessins de vaches et de chiens au Festival Anima, l’Américain aborde pour nous sa carrière, son indépendance face aux grands studios, et son intérêt pour l’animation pour adultes. Interview fleuve, avec en exclusivité l’animatique de  « Cop Dog », le prochain court métrage de l’Ami Plympton.

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Vous dessinez depuis longtemps. Qu’est-ce qui vous a attiré dans le dessin, étant enfant ?

Enfant, j’explorais la vie, je découvrais le monde à travers mes dessins, ça m’apparaissait comme une aventure, une exploration. À la maison, on avait un carnet pour prendre des messages téléphoniques. Il contenait des centaines de pages, je me souviens m’être dit que je pourrais tout y dessiner. J’ai donc commencé à dessiner un cheval, puis une vache, puis un avion, … À la fin, j’avais dessiné tout ce qui existe. C’est la philosophie à la base de mes films : je veux montrer tout à tout le monde. Évidemment, c’est impossible (rires) mais c’est ce que j’aime faire, c’est ce qui me procure de la joie.

Vous continuez à prendre des cours de dessin, à faire des croquis devant la télévision. Pourquoi avez-vous encore besoin d’apprendre à dessiner ?

Eh bien, j’ai des problèmes avec les mains, j’ai des grandes difficultés à les dessiner, je les fais donc très petites. J’adore dessiner les visages et j’essaye de m’améliorer en les dessinant. Parfois, j’ai besoin de regarder des photographies, mais je voudrais arriver à un point où je visualise tout dans mon cerveau et où j’extrais les images de mon imagination. C’est mon but.

Vous avez expérimenté beaucoup de styles dans votre carrière. Quand avez-vous trouvé votre propre style graphique, votre touche personnelle ?

Ce que je fais aujourd’hui, vous pouvez le voir dans les dessins que je faisais à l’âge de 14 ans. C’est une sorte de technique rayée. Très tôt, j’ai développé mon propre style, et maintenant, je reviens à ces dessins. Je vois comment mon style a commencé, c’est très intéressant.

Avez-vous gardé tous vos dessins, tous vos carnets de croquis ?

J’essaye, parfois, je les perds, en particulier ceux que j’ai faits à l’école. Ça remonte à longtemps, à 40 ans. J’ai perdu beaucoup de dessins.

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Est-ce que le fait d’avoir été caricaturiste pour différents journaux vous a aussi appris à dessiner différemment ? Est-ce que ça vous a aidé pour la suite, en animation ?

C’est sûr. Dans mes jeunes années, à l’âge de 20 ans, quand je faisais des dessins politiques et de la bande dessinée, j’ai développé un style très rapide et fluide et une perception particulière de l’humour car je devais faire un dessin par jour. Ces deux disciplines, dessiner vite et avoir des idées humoristiques, je les utilise aujourd’hui en animation. Quand je fais un long métrage, je suis tout seul. Pour réaliser tous les dessins, 30.000 peut-être, je dois en faire 200  par jour et être très rapide. Mais je n’envisage pas ça comme du travail. Pour moi, c’est un plaisir de m’asseoir devant ma table de dessins et de faire plein de dessins chaque jour. C’est très chouette, c’est même relaxant (rires) !

Et vous n’avez plus la pression du dessin quotidien.

Exactement. Et je n’ai pas non plus la pression de producteurs, de distributeurs ou de publicitaires qui me diraient que je dois finir ceci ou changer cela. Je n’ai pas à m’inquiéter de ces choses-là.

Cela explique pourquoi vous êtes un animateur indépendant ?

Je pense, oui. Mais je ne suis pas riche. Mes vêtements sont vieux et je n’ai pas de grande maison. Tout mon argent va dans mes films. C’est mon plaisir, c’est cela qui me rend heureux.

Avez-vous expérimenté la pression pour y réagir autant ?

J’ai eu quelques projets commandés par les grands studios, un pilote pour MTV, un programme de 30 minutes pour Cartoon Network, mais je n’ai pas rencontré de problèmes particuliers. Comme je suis plutôt rapide, il n’y avait pas beaucoup de pression excepté pour le storyboard, mais ce n’était juste pas pour moi. Je voulais créer des films pour adultes, développer mes propres idées et mon propre humour qui est, c’est vrai, parfois très spécial.

Avez-vous rencontré de la pression avec Kanye West pour le clip « Heard Em Say » ?

Oui, un peu (rires) ! Kanye West est un artiste très visuel, je respecte son talent. Quand j’ai fait le clip pour lui, il était dans mon appartement, au-dessus de mon épaule, et il me disait, pendant que je dessinais : “Non, change ça, je suis plus beau que ça !”. Là, je viens de terminer un clip pour Weird Al Yankovic. Il est à l’opposé, il m’a laissé carte blanche, il m’a dit : “Fais ce que tu veux, je l’accepte”.

Vous mentionnez la liberté. Dans votre travail, vous vous montrez très libre, vous faites de l’animation pour adultes, vous dessinez le sexe, la provocation, la transformation des corps, la laideur. Qu’est-ce qui vous intéresse dans le politiquement incorrect ?

D’abord, je ne peux en aucune manière rivaliser avec Pixar, Disney et Dreamworks. Ils ont tellement d’argent, de possibilités de distribution que je serais fou si j’essayais d’entrer en compétition avec eux, alors, je développe un monde différent, je prends une direction différente en animation mais ce n’est pas juste à cause d’eux. Quand j’étais caricaturiste pour des magazines et des journaux, quand je faisais de l’humour pour adultes pour Penthouse, Playboy, Huslter, je pensais tous les jours aux idées que je dessinais. Les animaux qui chantent des chansons heureuses, ce n’est pas moi, ce n’est pas à ça que je pense. Moi, je pense à l’amour, à la jalousie, au sexe, à la sensualité, aux sept pêchés capitaux. Je veux faire des films sur ces sujets car c’est ce qui m’obsède. C’est donc pour ça que j’emprunte un chemin différent, très rare aux États-Unis, mais plus populaire en Europe.

Seriez-vous intéressé à l’idée de faire de l’animation pour enfants ?

Si le budget est correct, je pourrais le faire. Mais comme je le disais, je rivaliserais avec Disney et Pixar, et c’est impossible de se battre contre ça, c’est trop dur.

Les studios ciblent principalement les enfants. Pour vous, c’est plus facile de vous adresser aux adultes ?

Oui. Mon public visé, c’est surtout des gens de 16 à 30 ans. Ce sont les gens qui m’apprécient, car je fais quelque chose d’unique et drôle qu’ils ne peuvent pas voir à la télévision. Mon travail leur plaît, je crois, pour ces raisons.

Pour évoquer votre popularité et votre humour, on ne peut passer à côté du personnage du chien qui apparaît de film en film. Le chien est un animal familier, commun en animation, drôle, facile à dessiner. Qu’est-ce qui vous intéresse particulièrement dans ce personnage ?

La raison pour laquelle il est si populaire et pour laquelle j’aime le dessiner, c’est que les gens peuvent s’identifier à lui car il est à la recherche de l’amour, de l’amitié. Il cultive le désir que quelqu’un puisse s’occuper de lui, mais cela n’arrive jamais (rires) ! À chaque fois, il fait quelque chose de stupide : il tue son maître ou celui-ci le rejette. Je pense que les gens se disent : “Pauvre chien, il ne trouve pas son âme sœur ». Tout le monde peut s’identifier à ça car tout le monde est à la recherche de son partenaire de vie.

Parfois, on lie un animateur à un personnage. Avant celui-ci, vous n’en aviez pas trouvé ?

Non, je n’ai jamais eu de personnage. J’en ai essayé plusieurs, la plupart étaient humains et personne ne les aimait réellement. Mais quand j’ai dessiné le chien, j’ai été choqué de voir à quel point il était populaire et à quel point les gens se connectaient réellement à lui. J’avais prévu de faire un seul film, « Guard Dog », mais les gens me réclamaient plus de chiens. J’ai donc fait « Guide Dog », « Hot Dog », « Horn Dog » et le nouveau, « Cop Dog » que je prépare actuellement et que j’espère terminer cet été.

Vos personnages ne sont jamais au sol, ils sont toujours en mouvement, en train de voler. Comment cela se fait-il ?

Oui, c’est vrai, comme c’est de l’animation, ça saute, ça vole dans tous les sens. Quand j’ai fait mon long métrage « Idiots et Angels », j’ai pensé à « Peter Pan », à « Dumbo l’éléphant », aux « Ailes du désir », le film de Wenders, à La Métamorphose de Kafka dans lequel un homme se réveille le matin avec des ailes dans le dos et ne supporte pas sa condition.

« The Cow Who Wanted to Be a Hamburger » semble faire une pause dans votre « parcours canin ».  Non seulement l’animal change au profit d’une vache, mais le style est différent, les couleurs sont plus saturées que d’habitude, et le film a un côté doux-amer. Dans vos films précédents, si un homme mourait à cause d’un chien, cela provoquait l’hilarité auprès du public. Ici, la relation entre une mère et son enfant renvoie à une réelle émotion.

Merci. Ce projet est lié à un autre film, « The Fan and the Flower », que j’ai fait il y a quelques années et qui a été écrit par Dan O’Shannon, un scénariste de télévision qui collabore à « Modern family », un programme très populaire aux États-Unis. Il a le talent d’arracher les émotions, de faire surgir des larmes. De même, j’ai senti que je devais essayer de devenir plus émotionnel et plus profond psychologiquement avec mes personnages. C’est ce que j’ai tenté avec ce film; je suis content que vous ayez remarqué l’émotion de l’histoire et pas seulement son humour.

Ce mélange apparaissait aussi dans « Idiots and Angels ».

Oui, je voulais faire un film plus psychologique, plus axé sur les personnages, et pas seulement autour des blagues et du sexe déjanté. Je pense que ça a plu aux gens. Ma mère l’a aimé, et elle n’aime en général pas mes films. Même si elle ne correspond pas à mon public cible, quand elle aime un de mes films, je me sens bien !

Que vous dit-elle quand vous lui montrez d’autres films ?

Elle ne veut pas les voir (rires) ! Elle a détesté « Santa, les années fascistes ».

Quelle est la place accordée à la poésie surréaliste dans vos films ?

Quand j’étais illustrateur dans les années 70 et 80, j’étais fou de surréalisme, pas spécialement poétiquement, mais surtout visuellement. Magritte, Topor, je m’y référais beaucoup dans mes illustrations. Quand je me suis mis à l’animation, ça a été naturel d’utiliser le surréalisme. D’ailleurs, mes films qui ont le mieux marché ne comportent pas de dialogues, ils ont juste une imagerie surréaliste. C’est ainsi, par mon surréalisme, que la plupart des gens savent qui je suis. Pour moi, c’est donc très important. Certaines animations américaines, comme Les Simpson, South Park ou les Disney typiques, me semblent trop réalistes. Elles ne comportent pas cette fantaisie, cette imagination surréaliste pour laquelle l’animation est parfaite.

Il y a quelques mois, une annonce a circulé sur le Web. Elle proposait aux animateurs du monde entier de se réapproprier une séquence de votre film, « The Guard Dog ». Comment avez-vous développé cette idée au nom de « Global Jam » et comment considérez-vous ces nouvelles images ?

Il y a un an, alors que j’étais à un festival en Floride, j’ai vu un film « Circle ». Le réalisateur avait récupéré sur Internet plein d’images de cercles, les avait rassemblées et en avait fait un film. J’ai trouvé ça génial et je me suis dit que j’aimerais bien refaire un film de la même manière, c’est-à-dire gratuitement. J’ai d’abord pensé à « Your Face » mais il ne comportait qu’un seul plan, ce n’était pas possible de faire des coupes, donc j’ai décidé de prendre « Guard Dog », un de mes films préférés, et de le découper en 70 plans. J’ai répandu sur le Net une question : “Aimeriez-vous vous retrouver dans un film de Bill Plympton ?” et le concept a pris. Un des plans, celui de la petite fille qui rit, est d’ailleurs composé de nombreuses images. L’animateur a lui aussi proposé sur le net de participer à son image. Il y a donc 102 petites filles qui rient dans un seul plan ! « Global Jam » est une expérience fascinante pour moi, je suis ravi que l’idée ait pris. Le film est même très bien considéré par des festivals prestigieux alors que je n’y ai rien fait (rires) !

Combien de réponses avez-vous eu ?

Plus de 200 personnes ont voulu y participer, mais nous ne pouvions pas prendre tout le monde. Nous n’avions pas d’opinion critique, le talent n’était pas pris en compte. N’importe qui pouvait participer, les premiers arrivés étaient les premiers servis. Au final, on trouve un amateur chinois de dix ans comme un animateur professionnel de chez Disney.

Hormis les questions de production, qu’est-ce qui vous intéresse dans la forme courte ?

J’aime les films courts. C’est un genre génial, sous-estimé. Vous pouvez raconter des histoire magnifiques, complexes et très profondes dans un laps de temps court. J’aime le format, j’espère pouvoir continuer à en faire longtemps. Cet hiver, j’ai fait quatre courts en l’espace de quelques mois, en plus, ils me font gagner de l’argent car ils sont très populaires.

Votre travail est très respecté en Europe. Est-ce parce que vous avez un point de vue subversif sur votre pays ?

Non, je crois que je suis populaire ici pour d’autres raisons. L’une d’elles est que je m’occupe de tout sur mes films. Je réalise, j’écris, je fais toute l’animation, la colorisation, les décors. C’est quelque chose d’unique, et je crois que les Européens le comprennent. Une autre raison est que mes films ne sont pas pour les enfants, mais pour les adultes. Je pense que les Européens approuvent mieux les films d’animation pour adultes, comme « Les Triplettes de Belleville », « Persepolis » et « Valse avec Bachir ». Aux États-Unis, on ne peut pas vaincre Disney et on ne représente pas les tabous comme ça. Les Européens l’acceptent dans le dessin, et je crois aussi qu’ils m’apprécient parce que je suis indépendant. Je ne dépends pas des studios hollywoodiens, du gouvernement ou de diverses sociétés, ce n’est que mon argent qui finance mes films. Par contre, je ne pense pas que je suis si critique envers les États-Unis, je sais que beaucoup de gens n’aiment pas ce pays, ça ne me dérange pas, mais moi, j’aime l’Amérique et je suis heureux d’y vivre. Ma critique porte plus sur le “big money, big business, big ego”.

Pensez-vous que la situation pourrait changer aux États-Unis ?

Elle est lentement en train de changer, en partie à cause de moi mais aussi grâce à de nouveaux jeunes animateurs qui veulent faire des films indépendants et développer des idées d’adultes. L’arrivée du roman graphique et les bandes dessinées pour adultes jouent aussi. En Europe, elles sont apparues il y a 30 ans, aux États-Unis, elles sont plus récentes. Les mœurs commencent à évoluer, les gens aussi.

Propos recueillis par Katia Bayer et Julien Savès

Article associé : la critique de « The Cow Who Wanted to Be a Hamburger »

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It was on earth that I knew joy de Jean-Baptiste de Laubier

« It was on earth that I knew joy » est un titre qui interpelle. L’évocation d’un film qui éveille la curiosité sans doute car lorsque l’on apprend son existence, il n’est pas encore visible, mais également parce qu’il est présenté comme un hommage à « La Jetée » de Chris Marker. Il n’en aura pas fallu plus pour se saisir de l’agenda. Une date de diffusion annoncée : 9 mars 2011, un site internet : Fubiz, le rendez-vous était pris !

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Prenons un réalisateur trentenaire tout droit sorti de la prestigieuse Fémis (Jean-Baptiste de Laubier), auquel nous aurons le soin d’ajouter une référence cinématographique illustre (« La Jetée » de Chris Marker), et des images d’illustration du film lumineuses qui présagent d’une belle photographie (visibles sur le site du producteur et sur la page Facebook dédiée au film). Voilà des bases artistiques rassurantes pour un projet de court métrage.

Ajoutons à cela, une production maline, non spécialisée en cinéma mais plutôt en culture urbaine au sens large, qui a le vent en poupe (Sixpack France à ne pas confondre avec la société de distribution autrichienne Sixpackfilm). La touche finale vient avec la mise en place de la diffusion en exclusivité sur un site internet. Un Buzz organisé en quelque sorte…

Jean-Baptiste de Laubier pose rapidement le décor : l’hommage ouvert. On retrouve de façon tout à fait explicite de nombreuses références à « La Jetée » : un récitant, une fin du monde, un lexique même… Pourtant, le réalisateur propose également, et c’est ce qui fait surtout l’intérêt du film en terme de création, un travail sur le souvenir et sur l’image de l’enfance.

Il s’extrait alors un peu de son hommage à Marker en proposant une vision personnelle du souvenir. Il ne s’engouffre pas dans l’interprétation fade du film, et propose une re-création ancrée dans un cinéma très actuel voire un peu trop clippesque mais dotée d’un travail visuel assez fascinant. Il filme des images de différents espaces du globe qu’il monte dans un rythme effréné où le temps n’a plus de sens. Ces sortes d’hallucinations » visuelles font sens quand elles sont données comme les symboles de la forme que peuvent prendre les souvenirs humains, un peu flous, muables…

De Laubier réussit à donner de la fragilité à ce qu’il met en image. Les hommes que l’on voit à l’écran sont filmés tels des fantômes tantôt en contre jour, tantôt flous ou encore voilés. Ils perdent leurs contours comme on perd la mémoire des visages au fil du temps. Rien ne semble prêt à être fixé éternellement dans une mémoire si celle-ci est humaine.

Face à cette fragilité sensible, il oppose dans sa mise en scène, la froideur d’un matériel technique d’enregistrement volontairement désuet. En effet, le film est sensé proposer une action en 2090 après la disparition de la vie humaine sur terre. De Laubier a pris le parti de mettre en scène un dialogue entre deux « personnages robotiques » : un magnétophone à bandes et l’objectif d’une caméra dotés de la parole. Ces objets, très ancrés dans la réalité des années 2010, semblent évidemment anachroniques dans une vision du futur de 2090. Ce choix un peu déroutant fait sans doute partie de l’hommage mais décale également le récit dans un fantasme de science-fiction à l’ancienne. De Laubier ne cherche pas la crédibilité du récit, son propos est au-delà, plus universel.

« It was on earth that I knew joy » ne restera peut être pas gravé dans l’histoire du cinéma, mais le film propose une interprétation moderne de la place de l’humanité dans un environnement imprévisible et fragile. Le réalisateur réussit dans ce film d’anticipation à captiver sur la durée le spectateur grâce à une atmosphère qui oscille entre l’onirique et le cauchemardesque.

Fanny Barrot

Trait scolaire sur l’écran Anima

Les films d’écoles offrent un intérêt particulier pour l’amateur de l’animation – ce genre à potentiel illimité où toute représentation imaginable semble réalisable –, dans la mesure où ils montrent à la fois une certaine fragilité chez ces artistes en bourgeon et une fraicheur désinhibée résultant d’une imagination riche. Ce n’est donc guère étonnant qu’Anima, le premier festival belge de l’animation, ait consacré deux séances de courts aux films d’écoles internationaux. Coup d’œil sur quatre coups de cœur.

D’une rare crudité d’Émilien Davaud, de Jérémy Mougel et de Marion Szymczak

Ce film collectif parvient de Supinfocom (Arles) et dépeint un monde de plantes anthropomorphisées, où chaque fleur, chaque fruit et chaque feuille a un visage et des sentiments humanisés. La scène se présente comme une corne d’abondance dans laquelle la naissance, la croissance et la mort se suivent dans une danse cyclique, rythmée par les airs bouffons d’une trompette moqueuse. Esthétisée à souhait, cette idylle verte donne à voir une toute autre façade de la nature, affreuse, inexorable et surtout arbitraire. En suscitant une véritable empathie végétale capable de plonger même des végétaliens dans une crise éthique – chose pour le moins originale -, le film sort le spectateur de ses références anthropocentriques. En même temps, il s’avère curieusement pertinent au regard de l’actualité mondiale, par sa réflexion sur la Nature capricieuse et les conséquences dramatiques sur les habitants de la Terre. Convenablement située entre simplicité et recherche, sur le plan de la forme et du contenu, cette « rare crudité » est à la hauteur de son titre et de tous les jeux de mots que celui-ci évoque.

Farat de Velislava Gospodinova

Court métrage bulgare issu de la New Bulgarian University, « Farat » est un tour de force qui montre parfaitement la versatilité du genre animé. Doublement citationnel, le film met en images une interprétation du poème « Le gardien du phare qui aimait trop les oiseaux » de Jacques Prévert, avec comme partition le célèbre Prélude en do dièse mineur pour piano de Rachmaninoff. Amoureux des oiseaux, le gardien ne peut supporter qu’ils meurent en masse contre les vitres de son phare et, son amour vainquant sa conscience professionnelle, il décide d’éteindre le sémaphore, ce qui provoque ironiquement le naufrage d’un cargo de milliers d’oiseaux. Le parti pris de Gospodinova de s’éloigner de l’humour noir et de la rhétorique quelque peu prosaïque des vers de Prévert (Les oiseaux il les aime trop | Alors il dit tant pis je m’en fous) dote le film d’une gravité et d’un côté dramatique puissant. En même temps, à l’aide du travail musical turbulent et morcelé de Tsvetan Chobanoff, la réalisatrice parvient à traduire avec justesse le symbolisme du poème à l’image (la récurrence du mot “milliers” à travers la surcharge dans le dessin, le chagrin exagéré de l’homme tourmenté, …). Avec son dessin incisif, surréaliste et agité, « Farat » réussit son pari ambitieux d’adapter une œuvre littéraire à l’écran.

Cardboard de Sjors Vervoort

Sur fond d’images live action de la ville se muent des morceaux de carton animés. Avec une vitesse comparable à celle du battement empressé du paysage urbain qu’ils traversent, ils se présentent tantôt comme de petites bêtes furtives tantôt comme des objets monumentaux. Le matériau devient le sujet même et l’hybridité des médiums se fait outil de narration. Entre du Time-Lapse et du Street Art, cette animation hétéroclite brouille les pistes de la perception et ce faisant, poursuit la tendance popularisée par l’artiste-phénomène Blu (« Muto », « Big Bang Big Boom »), même si le travail de graffiti urbains de ce dernier paraît d’emblée plus audacieux car plus “réel”. Néanmoins, sur le plan purement cinématographique et malgré des limitations narratives, Sjors Vervoort parvient à rendre son expérience hybride plus percutante et plus fraîche que la technique monotone de l’Italien, notamment grâce à la durée succincte et au rythme entrainant de « Cardboard ».

Mumkin Boukra de Thibault Huchard

Diplômé de l’École de dessin Émile Cohl de Lyon, Thibault Huchard livre avec « Mumkin Boukra » une animation, une adaptation elle-aussi, sur le récit-cadre des “Mille et Une Nuits”, qui raconte la jalousie et la vengeance d’un Sultan rendu cocu par une de ses femmes et la rencontre avec Shéhérazade, la conteuse des mille et une histoires.

Tant dans l’image que dans la bande-son, l’orientalisme règne, mais toujours avec goût et raffinement. Les plans fluides coulent les uns dans les autres, comme autant d’images associatives qui s’ensuivent dans un kaléidoscope illustrant tour à tour les éléments du récit, le passage du temps et le symbolisme psychologique derrière l’action. De ce point de vue, l’esthétique de Huchard n’est pas sans rappeler le travail de Florence Mihaile, personnage redoutable dans l’animation française.
En tant que film “muet”, « Mumkin Boukra » assume les codes du cinéma muet. Notamment, la part majeure de la narration s’effectue par le biais d’intertitres. Mais loin des simples textes superposés entre les plans, ceux-ci font intégralement partie de l’image et achèvent ce “macabre festin” en s’envolant dans un nuage de calligraphie esthétisée représentant le pouvoir de la narration.

Adi Chesson

Consultez les fiches techniques de « D’une rare crudité », de « Farat », de « Cardboard » et de « Mumkin Boukra »

M comme Mumkin Boukra

Fiche technique

Synopsis : Un sultan découvre sa femme dans les bras d’un autre homme. Il fait exécuter les amants et s’abandonne à une rage vengeresse, jusqu’à l’arrivée de Shéhérazade…

Genre : Animation

Pays : France

Durée : 5’13 »

Année : 2010

Réalisateur : Thibault Huchard

Scénariste : Thibault Huchard

Directeur photographie : Thibault Huchard

Musique : Roger Muraro

Montage : Thibault Huchard

Animation : Thibault Huchard

Production : Ecole Emile Cohl

Article associé : la critique du film

F comme Farat

Fiche technique

Synopsis : La vie est absurde, et le jeu du destin parfois cruel. Quelles conséquences peuvent survenir d’une décision faite par amour ? Mort, souffrance ? D’après le poème « Le gardien du phare aime trop les oiseaux », de Jacques Prévert.

Genre : Animation

Durée : 4’50 »

Pays : Bulgarie

Année : 2009

Réalisateur : Velislava Gospodinova

Scénariste : Velislava Gospodinova

Directeur photographie : Velislava Gospodinova

Musique : Sergei Rachmaninoff

Musique pré-existante : Sergei Rachmaninoff

Montage : Velislava Gospodinova

Animation : Velislava Gospodinova

Décors : Velislava Gospodinova

Effets spéciaux : Velislava Gospodinova

Montage Son : Tsvetan Chobanoff

Mixage Son : Tsvetan Chobanoff

Production : Velislava Gospodinova

Article associé : la critique du film

Brive, la compétition européenne

Du 6 au 11 avril 2011, se dérouleront les 8èmes Rencontres européennes du moyen métrage de Brive, organisées par la Société des Réalisateurs de Films. Films de genre, portraits, journaux intimes, fictions, documentaires de création, films expérimentaux, … : 21 regards éclairés de jeunes auteurs européens, pour certains en première mondiale, seront proposés tout au long de la semaine du festival.

Sélection 2011

Because we are visual de Gerard-Jan Claes et Olivia Rochette/Belgique / 2010 / Expérimental / 47 minutes

Broadway de Aminatou Echard – 1ère Monde – / France / 2011 / Documentaire / 50 minutes

Coucou-les-nuages de Vincent Cardona/France / 2010 / Fiction / 38 minutes

Hacking the streets de Sangam Sharma – 1ère France -/Angleterre – Autriche / 2010 / Documentaire / 35 minutes

Une île de Anne Alix 1ère Monde/France / 2011 / Fiction / 60 minutes

I am an island de Simon Vahlne – 1ère France -/Suède / 2010 / Fiction / 52 minutes

It usually ends well de Beate Grimsrud – 1ère France -/Norvège / 2010 / Documentaire / 48 minutes

Jessi de Mariejosephin Schneider/Allemagne / 2010 / Fiction / 33 minutes

Low cost (Claude Jutra) de Lionel Baier – 1ère France -/Suisse / 2010 / Fiction / 54 minutes

Moi, autobiographie 16ème version de Pierre Merejkowski/France / 2010 / Fiction / 58 minutes

My Marlboro city de Valentina Pedicini – 1ère France -/Italie / 2010 / Documentaire / 52 minutes

Un Monde sans femmes de Guillaume Brac – 1ère Monde -/France / 2011 / Fiction / 57 minutes

Pandore de Virgil Vernier/France / 2010 / Documentaire / 37 minutes

Panexlab de Olivier Séror – 1ère Monde -/France / 2011 / Expérimental / 33 minutes

Petit tailleur de Louis Garrel/France / 2010 / Fiction / 45 minutes

Philipp de Fabian Möhrke/Allemagne / 2010 / Fiction / 40 minutes

Rammbock de Marvin Kren/Allemagne / 2010 / Fiction / 60 minutes

Rêve bébé rêve de Christophe Nanga-Oly/France / 2010 / Fiction / 58 minutes

Sharunas Bartas, an army of one de Guillaume Coudray/France / 2010 / Documentaire / 50 minutes – 1ère France –

Thanks, fine de Matyas Prikler/Slovaquie / 2010 / Fiction / 40 minutes

Wertingen de Jöns Jönsson et Sabine Herpich – 1ère Monde/Allemagne / 2011 / Fiction / 34 minutes

Retrouvez prochainement le Focus consacré au Festival de Brive sur Format Court

Best of 7, le Best of d’Anima en 2010

Doté d’une jaquette signée du dessinateur belge François Schuitten, le DVD Best of Anima n°7 regroupe l’ensemble des courts métrages primés au Festival d’animation Anima en 2010. La galette contient pas moins de neuf courts métrages d’animation aux styles variés, accompagnés de quelques bonus (bande-annonce, autoportraits). Le DVD est édité par Folioscope, en collaboration avec Cinéart.

Il y a dans ce DVD quelques oeuvres illustres, multi-récompensées et diffusées, comme « Logorama » des H5 (produit par Autour de Minuit), lauréat d’un Oscar en 2010 et d’un César en 2011, et « Madagascar, Carnet de Voyage » de Bastien Dubois (produit par Sacrebleu), nominé aux Oscars en 2011.

On y trouve également l’oeuvre expérimentale de Gil Alkabetz sur le tableau de la Cène de Da Vinci, le fascinant et déconstruit « Der Da Vinci Timecode », lauréat d’un coup de coeur en 2010, ainsi que le fan film impressionnant de Bruno Collet sur Bruce Lee, « Le Petit Dragon » (produit par Vivement Lundi !), véritable ode au maître d’arts martiaux qui raconte comment une figurine à son effigie prend vie dans la chambre d’un fan et se frotte à divers dangers environnants ; un court très maîtrisé techniquement, notamment dans son mélange d’animation en volume et de prises de vues réelles, et qui porte un regard d’enfant, généreux et plein d’authenticité, sur son sujet.

D’autres oeuvres viennent enrichir la sélection, comme « Orsolya » de Bella Szederkenyi, film étudiant narrant l’histoire d’une jeune fille, mal dans sa peau, qui se déplace de manière particulière, la tête à l’envers. Ayant du mal à s’intégrer à la société, elle essaye de trouver une utilité à ce « moyen de locomotion », en offrant ses services pour attraper des objets ayant roulé sous les meubles, hors de portée des gens. C’est alors qu’elle fait la rencontre d’un homme se réfugiant sous un lit, qu’elle l’aide à en sortir, et qu’un amour naît entre eux deux. Voilà une jolie historiette soutenue par un trait simple mais assuré.

« Au Bal des Pendus » de Johan Pollefoort (produit par Les Films du Nord, La Boîte,… et le CCRAV), propose, lui, un univers poétique radical, sombre et surréaliste, au graphisme hachuré, avec une mixité de styles et de techniques, à base de retouches et d’assemblages divers. Il y est question d’une fanfare d’animaux exécutant une danse macabre dans un style jazz hip hop, de fantômes squelettes dans un hôpital, d’un homme en armure jouant aux échecs avec la Mort. Rempli de symboles, de références et d’images fortes, ce petit ovni s’inscrit durablement dans notre mémoire et n’a pas démérité son prix SACD.

« Divers in the Rain » d’Olga et Priit Pärn est un film estonien qui a obtenu le Grand Prix d’Anima 2010 du meilleur court métrage international, suivi d’une belle carrière en festivals. Réalisé à deux mains, dans deux styles différents mais complémentaires (un style associé à chaque personnage principal), ce court raconte un amour à distance entre un plongeur et une dentiste qui exercent leurs talents à deux moments différents de la journée (le jour pour le plongeur, la nuit pour la dentiste). Ils ne peuvent se voir que par intermittence, ce qui met en péril leur couple. Oeuvre protéiforme, cultivant le burlesque à la Jacques Tati, « Divers in the Rain » distille une grande mélancolie et adopte un ton doux-amer tout au long de son récit. Le film est traversé d’images saisissantes comme ce paquebot sorti de nulle part qui coule lentement (symbole du couple qui se noie), mais aussi ces cauchemars terrifiants faits par la femme, trahissant un sentiment de peur quant à l’avenir. Une oeuvre complexe et pas facile d’accès, mais qui vaut le détour de par sa richesse thématique.


Deux oeuvres finissent de nous enivrer, il s’agit en premier lieu de « Grise Mine » de Rémi Vandenitte (réalisé au sein de l’atelier de La Cambre), fable ironique sur les problèmes engendrés par le progrès industriel. Nous suivons un mineur, victime d’un coup de grisou, errer sans but, coincé sous les profondeurs de la terre. Il doit trouver de quoi se nourrir pour survivre et ne pas céder à la folie. Un jour, il déniche une sortie et réapparaît à l’air libre, seulement, le monde tel qu’il le connaissait a changé, les mineurs sont maintenant des automates et la mine est devenue une attraction touristique. Dans un noir et blanc somptueux, jouant sur la lumière et les ombres, « Grise Mine » porte un regard critique et désabusé sur la société du travail prônée par notre monde moderne, qui pratique le profit au détriment de l’humain. Un propos servi par une narration simple et efficiente (l’utilisation de l’ellipse est brillante), et une grande légèreté dans le traitement.

La deuxième oeuvre en question, « Aral » de Delphine Renard et Delphine Cousin (produit par l’atelier collectif Zorobabel), parle aussi de la fin d’un monde, à savoir, comme l’indique le titre, celui de la mer desséchée d’Aral, en Asie centrale. Catastrophe environnementale due au détournement de plusieurs fleuves pour des considérations purement économiques, l’assèchement de la mer d’Aral a appauvri la région et les gens qui la peuplaient. Dans ce contexte réel, le récit se concentre sur un jeune garçon, confié à un oncle violent, qui tente désespérément de convaincre son meilleur ami de rester avec lui, au lieu de vouloir fuir ce lieu désertique avec sa famille. Parallèlement, l’oncle essaye de s’enfuir de son côté avec l’aide d’un passeur. Finalement, le passeur arnaquera l’oncle et le garçon parviendra à monter de manière clandestine à bord de la voiture familiale de son ami, qui l’accueillera à bras ouverts. Fable optimiste et mélancolique, Aral étonne par la justesse psychologique de ses protagonistes et la délicatesse dont les réalisatrices font preuve pour évoquer ce désastre écologique et social.

Julien Savès

Best-Of Anima n°7.  Edition : Folioscope et Cinéart. Distribution : Twin Pics