Tous les articles par Katia Bayer

Best of 7, le Best of d’Anima en 2010

Doté d’une jaquette signée du dessinateur belge François Schuitten, le DVD Best of Anima n°7 regroupe l’ensemble des courts métrages primés au Festival d’animation Anima en 2010. La galette contient pas moins de neuf courts métrages d’animation aux styles variés, accompagnés de quelques bonus (bande-annonce, autoportraits). Le DVD est édité par Folioscope, en collaboration avec Cinéart.

Il y a dans ce DVD quelques oeuvres illustres, multi-récompensées et diffusées, comme « Logorama » des H5 (produit par Autour de Minuit), lauréat d’un Oscar en 2010 et d’un César en 2011, et « Madagascar, Carnet de Voyage » de Bastien Dubois (produit par Sacrebleu), nominé aux Oscars en 2011.

On y trouve également l’oeuvre expérimentale de Gil Alkabetz sur le tableau de la Cène de Da Vinci, le fascinant et déconstruit « Der Da Vinci Timecode », lauréat d’un coup de coeur en 2010, ainsi que le fan film impressionnant de Bruno Collet sur Bruce Lee, « Le Petit Dragon » (produit par Vivement Lundi !), véritable ode au maître d’arts martiaux qui raconte comment une figurine à son effigie prend vie dans la chambre d’un fan et se frotte à divers dangers environnants ; un court très maîtrisé techniquement, notamment dans son mélange d’animation en volume et de prises de vues réelles, et qui porte un regard d’enfant, généreux et plein d’authenticité, sur son sujet.

D’autres oeuvres viennent enrichir la sélection, comme « Orsolya » de Bella Szederkenyi, film étudiant narrant l’histoire d’une jeune fille, mal dans sa peau, qui se déplace de manière particulière, la tête à l’envers. Ayant du mal à s’intégrer à la société, elle essaye de trouver une utilité à ce « moyen de locomotion », en offrant ses services pour attraper des objets ayant roulé sous les meubles, hors de portée des gens. C’est alors qu’elle fait la rencontre d’un homme se réfugiant sous un lit, qu’elle l’aide à en sortir, et qu’un amour naît entre eux deux. Voilà une jolie historiette soutenue par un trait simple mais assuré.

« Au Bal des Pendus » de Johan Pollefoort (produit par Les Films du Nord, La Boîte,… et le CCRAV), propose, lui, un univers poétique radical, sombre et surréaliste, au graphisme hachuré, avec une mixité de styles et de techniques, à base de retouches et d’assemblages divers. Il y est question d’une fanfare d’animaux exécutant une danse macabre dans un style jazz hip hop, de fantômes squelettes dans un hôpital, d’un homme en armure jouant aux échecs avec la Mort. Rempli de symboles, de références et d’images fortes, ce petit ovni s’inscrit durablement dans notre mémoire et n’a pas démérité son prix SACD.

« Divers in the Rain » d’Olga et Priit Pärn est un film estonien qui a obtenu le Grand Prix d’Anima 2010 du meilleur court métrage international, suivi d’une belle carrière en festivals. Réalisé à deux mains, dans deux styles différents mais complémentaires (un style associé à chaque personnage principal), ce court raconte un amour à distance entre un plongeur et une dentiste qui exercent leurs talents à deux moments différents de la journée (le jour pour le plongeur, la nuit pour la dentiste). Ils ne peuvent se voir que par intermittence, ce qui met en péril leur couple. Oeuvre protéiforme, cultivant le burlesque à la Jacques Tati, « Divers in the Rain » distille une grande mélancolie et adopte un ton doux-amer tout au long de son récit. Le film est traversé d’images saisissantes comme ce paquebot sorti de nulle part qui coule lentement (symbole du couple qui se noie), mais aussi ces cauchemars terrifiants faits par la femme, trahissant un sentiment de peur quant à l’avenir. Une oeuvre complexe et pas facile d’accès, mais qui vaut le détour de par sa richesse thématique.


Deux oeuvres finissent de nous enivrer, il s’agit en premier lieu de « Grise Mine » de Rémi Vandenitte (réalisé au sein de l’atelier de La Cambre), fable ironique sur les problèmes engendrés par le progrès industriel. Nous suivons un mineur, victime d’un coup de grisou, errer sans but, coincé sous les profondeurs de la terre. Il doit trouver de quoi se nourrir pour survivre et ne pas céder à la folie. Un jour, il déniche une sortie et réapparaît à l’air libre, seulement, le monde tel qu’il le connaissait a changé, les mineurs sont maintenant des automates et la mine est devenue une attraction touristique. Dans un noir et blanc somptueux, jouant sur la lumière et les ombres, « Grise Mine » porte un regard critique et désabusé sur la société du travail prônée par notre monde moderne, qui pratique le profit au détriment de l’humain. Un propos servi par une narration simple et efficiente (l’utilisation de l’ellipse est brillante), et une grande légèreté dans le traitement.

La deuxième oeuvre en question, « Aral » de Delphine Renard et Delphine Cousin (produit par l’atelier collectif Zorobabel), parle aussi de la fin d’un monde, à savoir, comme l’indique le titre, celui de la mer desséchée d’Aral, en Asie centrale. Catastrophe environnementale due au détournement de plusieurs fleuves pour des considérations purement économiques, l’assèchement de la mer d’Aral a appauvri la région et les gens qui la peuplaient. Dans ce contexte réel, le récit se concentre sur un jeune garçon, confié à un oncle violent, qui tente désespérément de convaincre son meilleur ami de rester avec lui, au lieu de vouloir fuir ce lieu désertique avec sa famille. Parallèlement, l’oncle essaye de s’enfuir de son côté avec l’aide d’un passeur. Finalement, le passeur arnaquera l’oncle et le garçon parviendra à monter de manière clandestine à bord de la voiture familiale de son ami, qui l’accueillera à bras ouverts. Fable optimiste et mélancolique, Aral étonne par la justesse psychologique de ses protagonistes et la délicatesse dont les réalisatrices font preuve pour évoquer ce désastre écologique et social.

Julien Savès

Best-Of Anima n°7.  Edition : Folioscope et Cinéart. Distribution : Twin Pics

B comme Blind Date

Fiche technique

Synopsis : Lucille, une gardienne de phare solitaire, cherche un compagnon sur le Net. Oubliant les dangers de la drague par Internet, elle prépare un dîner romantique en tête-à-tête.

Genre : Animation

Durée : 3’36 »

Année : 2010

Pays : Royaume-Uni

Synopsis : Lucille, une gardienne de phare solitaire, cherche un compagnon sur le Net. Oubliant les dangers de la drague par Internet, elle prépare un dîner romantique en tête-à-tête.

Réalisation : Nigel Davies

Scénario : Nigel Davies

Son : Kim Christensen, Gary Mcintyre

Montage : Dan Williamson, Nikk Fielden

Animation : Theresa Whatley, Jo Hepworth, Nigel Davies, Eve Coy, Andy Lavery

Voix : Sophie Laughton

Décors : Nigel Davies

Effets spéciaux : Andy Lavery

Production : Aardman

Article associé : l’interview de Peter Lord

Peter Lord : “J’aime l’idée que le spectateur ait de l’empathie pour le personnage, comme quand Wallace dit quelque chose de stupide et que Gromit lève les yeux au ciel »

Co-fondateur du studio Aardman connu et reconnu pour son savoir-faire en matière de pâte à modeler et et son panel d’animateurs maison talentueux (Nick Park, Darren Walsh, Peter Peake, Luis Cook, Richard Goleszowski, …), Peter Lord était l’invité du festival Anima ces jours-ci. Co-auteur avec Nick Park de « Wallace et Gromit », co-réalisateur de « Chicken Run », il revient sur ses débuts dans l’animation, le style Aardman, l’évolution des techniques et l’importance du réalisme. Discussion sur fond de petits miracles et d’accent franco-anglais.

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© JS

On connait bien Aardman, moins ses débuts, en 1972. Comment les choses ont commencé pour vous et David Sproxton, le co-fondateur du studio ?

J’ai rencontré David à l’école, à l’âge de 12 ans, et aujourd’hui encore, on travaille ensemble. On a commencé à animer des papiers découpés pour le plaisir de l’expérimentation car son père avait une caméra. Si il n’en avait pas eu une, nous n’aurions probablement jamais commencé. L’animation est une activité très prenante, très excitante. C’est une opération répétitive, une façon très étrange de passer sa journée, mais à la fin, quelque chose de l’ordre du miracle apparaît à l’écran.

Nous avons eu de la chance car le moment était propice. On connaissait quelqu’un à la télévision lié à « Vision on », un programme pour enfants qui utilisait différents styles d’animation. À l’époque, il n’y avait pas beaucoup d’animateurs professionnels, les films étaient plutôt amateurs. David et moi, nous étions de très jeunes amateurs et la télévision nous a acheté un film.

Quel type d’histoires racontiez-vous à cette époque ?

Les premières images ne comportaient pas d’histoire du tout, c’était juste des fragments qui bougeaient. Après, on a décidé de raconter une histoire, une blague, un gag. Si nous n’avions pas fait cela, nous ne l’aurions jamais vendue parce que personne n’aurait été intéressé juste par des fragments en mouvement. Notre film durait 20 secondes, c’était l’histoire d’un type qui, en marchant, rencontre un trou noir dans le sol, le tâte du pied, le traverse sans tomber, fait trois autres pas et tombe dans un trou invisible. Il disparaît, sa main ressort et tire le trou. Cette histoire est simple, mais elle a sa forme. On a appris des choses sur l’importance des personnages seulement par la suite. « Vision on » nous a acheté des courts métrages pendant trois ou quatre ans, et pendant ce temps, on a appris à raconter des histoires, à animer, à manier l’artisanat. Quand on a commencé, notre carrière a démarré petit à petit. Comme il n’y avait pas de marché en Angleterre, c’était très dur de vendre un film. Ça a pris du temps, peut-être 20 ans pour développer Aardman.

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Dans vos productions, vous privilégiez une approche très réaliste, que ce soit dans la lumière, les décors, les mouvements de caméra, etc. Pour quelle raison ?

Oui, ce que nous faisons est très réaliste. Nos personnages sont ancrés dans la réalité. Comme on travaille avec des marionnettes, des espaces et des objets réels, je crois que ça encourage à une certaine forme de naturalisme. Dans beaucoup de films d’animation américains, les personnages bougent de manière très violente, avec des grands mouvements extravagants, pour amuser les enfants, à la manière d’un spectacle. Je ne pense pas en fonction de ce rythme, je pense seulement en termes de performances très réalistes. Pour moi aussi, l’animation doit être exagérée et simplifiée, mais elle doit se baser sur la réalité. Nous aimons suggérer à notre manière que le monde n’est pas que le plateau. De petites indications sont censées signifier que quelqu’un a vécu là vingt ans avant qu’une caméra n’apparaisse.

Pour vous, la réalité, c’est la vérité ?

De différentes manières, on essaye de suggérer la vérité, mais visiblement, tout ce qu’on fait est un grand mensonge (rires) ! Si le spectateur croit dans le personnage et la situation, alors, l’histoire fonctionne. Si il n’y croit pas, c’est plus compliqué. Il faut aussi prendre en compte la manière dont il va réagir à l’histoire. J’aime l’idée que le spectateur ait de l’empathie pour le personnage, comme quand Wallace dit quelque chose de stupide et que Gromit lève les yeux au ciel. Les gens croient en lui, comprennent ce qu’il ressent, ils ont de l’empathie pour lui, comme ils en auraient dans la réalité.

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Est-ce que vous demandez aux animateurs qui travaillent avec vous de faire preuve d’empathie, de croire dans leurs personnages ?

Oui, on en parle beaucoup. Pour moi, c’est naturel mais parfois, je vois que les animateurs n’y pensent pas. L’animation, spécialement celle des marionnettes, est à la fois un art et un artisanat. Quand vous jouez au piano, ce qui compte, c’est l’expression et la dextérité, mais parfois, les gens sont seulement intéressés par la maîtrise parfaite de la technique et pas par ce que dit la musique. Même chose avec l’animation, certains animateurs sont presque surpris quand vous leur parlez des pensées, des sensations et des motivations des personnages.

Chez Aardman, la famille s’agrandit avec le temps, avec des profils et des films très contrastés. Les films de Nick Park ne ressemblent pas à ceux de Peter Peake ou de Darren Walsh.

Ce qui est étonnant, c’est que beaucoup de réalisateurs ont fait des films chez Aardman et qu’en fait, Nick Park est le seul à faire des choses gentilles ! Peter Peake, Darren Walsh, Richard Goleszowski, Luis Cook, aucun d’entre eux ne veut créer des personnages aimables et adorables ! Les gens pensent qu’à Aardman, on accumule les personnages drôles, mais la plupart ne le sont pas. Quand Richard Goleszowski, a commencé chez nous, je pense que ça a été dur pour lui car les clients voulaient des films drôles et réclamaient le style Aardman, sauf que n’était pas ce qu’il avait envie de faire.

Ça veut dire quoi le style Aardman ?

Je ne sais pas ce que ça veut dire, excepté quelque chose de très ancré dans la culture et les références anglaises, et un intérêt assez grand pour le naturalisme, la réalité, la vie de tous les jours. Mais quand les gens parlent du style Aardman, ce qu’ils veulent vraiment, c’est deux gros yeux et une grande bouche sur un visage, c’est-à-dire le style personnel de Nick.

Dans le court « Blind Date » de Nigel Davies présenté cette année à Anima, Aardman travaille avec de l’animation traditionnelle. C’est quelque chose qu’on avait déjà remarqué avec « The Pearce Sisters » de Luis Cook. Est-ce que cela correspond à un vœu de laisser de côté la pâte à modeler ?

Ce n’est pas un vœu. On ne s’est jamais assis en réunion en disant : “Cette année, Messieurs, nous avons besoin d’animation traditionnelle” (rires) ! Nigel collabore avec nous depuis longtemps, comme freelance, il dessine très bien et n’avait pas fait de film personnel depuis l’école. Il est venu avec une idée qu’on a trouvé bonne et on a fait le film ensemble. On aime l’animation en volume à Aardman, c’est notre spécialité, notre histoire, notre base, on espère ne jamais la changer, mais on s’intéresse aussi à l’infographie, à l’animation Flash, au dessin traditionnel. Personnellement, cela m’importe peu de savoir comment l’animation est faite à partir du moment où elle est de qualité.

Wallace et Gromit sont revenus au court après « Le Mystère du lapin-garou ». Quelle est la place du court métrage chez Aardman ?

Comment dites-vous en français ? Lapin-garou.. Garou.. Tiens… A vrai dire, la place est très complexe. Je fais attention aux courts métrages, j’assiste à un festival qui les met en avant, vous mêmes, vous êtes spécialisés dans ces films courts, mais pour nous, à Aardman, c’est très difficile de les financer. Par exemple, je suis très fier des « Pearce Sisters », mais c’est un film qui a nécessité beaucoup, beaucoup d’argent. Il n’a évidemment pas coûté plus cher qu’un « Wallace et Gromit », mais ça reste un budget important car le film a demandé une grande équipe et car Luis est un grand, un terrible perfectionniste ! C’est vrai qu’on investit bien plus à Aardman sur « Wallace et Gromit », mais nous sommes confiants, nous nous disons que les fonds dégagés reviendront dans les prochaines années. Sur un film comme « The Pearce Sisters », on investit énormément en étant confiants : l’argent ne reviendra jamais (rires) !

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Alors que vous préparez votre prochain long métrage, « Pirates ! », comment voyez-vous vos tout premiers films, alors que les techniques se sont considérablement développées depuis vos débuts ?

Ça fait longtemps que je ne les ai pas revus. Mes films n’étaient pas parfaits, ils ont un côté primitif, mais parfois, ils comportent de bonnes idées, comme « Adam ». J’ai revu récemment le tout premier épisode de « Morph », une série apparue en 1977. L’histoire est ahurissante, je me demande comment on a pu nous payer pour ça ! Pour la technique, je crois, car personne d’autre n’avait fait animer, vivre et penser un morceau de pâte à modeler. Quand on voit les films d’il y a quelques années, techniquement, ils étaient inférieurs. Dans les écoles de cinéma, on pouvait juger derrière les mauvaises techniques si l’idée était bonne ou pas. Aujourd’hui, les idées ne sont pas spécialement meilleures qu’il y a vingt ans, mais les techniques sont tellement sophistiquées, font tellement “pro” que parfois elles dépassent l’histoire.

En presque 40 ans de travail, excepté votre identité, qu’est-ce que vous croyez avoir créé à Aardman ?

Manifestement, nous avons crée quelque chose qui sera dans les livres d’histoire de l’animation. Avant Aardman, il n’y avait pas vraiment de studio reconnu dans le pays. La chose la plus importante qu’on ait faite, c’est de développer à Bristol une petite culture de studio qui s’est petit à petit répandue dans le monde. À Aardman, nous sommes intègres, altruistes, drôles, terriblement démodés, peu intéressés par l’ego, l’ambition et la compétition. J’espère que le studio restera debout pour ça, qu’il se maintiendra encore pendant 40 ans. Vous savez, dans notre ville, à Bristol, les gens disent qu’on est important. Quand vous arrivez à l’aéroport de Bristol, vous êtes accueillis par le sourire de Wallace et Gromit ! À Bristol, les gens sont fiers des avions, des montgolfières et d’Aardman. La ville s’identifie à nous, c’est plutôt bien !

Propos recueillis par Katia Bayer etJulien Savès

Consulter les fiches techniques de « Blind Date » et de « The Pearce Sisters »

Articles associés : la critique de « The Pearce Sisters » et l’interview de Peter Peake

Jonas Odell remporte le Prix Format Court à Anima pour son film « Tussilago »

Le 30ème Festival international du film d’animation de Bruxelles s’est clôturé hier soir, avec la traditionnelle remise des prix. Format Court, proche du cinéma d’animation et du Festival Anima, a décerné le Prix Format Court, récompensant le meilleur court métrage dans la catégorie professionnelle, à Jonas Odell pour « Tussilago » (Suède), un film qui a eu le triple mérite « de redéfinir à sa façon le documentaire, de disposer d’une mise en images subtile et recherchée, et de livrer un témoignage individuel, celui d’une femme otage de l’Histoire ».

Jonas Odell bénéficiera d’un focus personnalisé sur Format Court et « Tussilago » sera projeté dans les prochains mois en salles, à Bruxelles et à Paris.

Le Jury Format Court, composé de Katia Bayer, Marie Bergeret, Adi Chesson, Désiré Dupas, Nadia Demmou et Julien Savès, a également délivré une Mention spéciale à « Let’s Pollute » (États-Unis) de Geefwee Boedoe, un « film ironique, percutant et extrêmement contemporain malgré son ton rétro et paternaliste ».

Anima, le palmarès 2011

Compétition internationale

PRIX DÉCERNÉS PAR LE JURY (Gil Alkabetz, Pascale Faure, Mihai Mitrica)

GRAND PRIX ANIMA 2011 OFFERT PAR LA RÉGION DE BRUXELLES CAPITALE (2500 € + LOGICIEL TOON BOOM ANIMATE D’UNE VALEUR DE $699,99) : LOVE AND THEFT de ANDREAS HYKADE

PRIX ANIMA 2011 DU MEILLEUR COURT MÉTRAGE, CATÉGORIE FILMS PROFESSIONELS (LOGICIEL TOON BOOM STUDIO D’UNE VALEUR DE $329,99) : RUBIKA de CLAIRE BAUDEAN – LUDOVIC HABAS, MICKAËL KREBS, JULIEN LEGAY, CHAO MA, FLORENT ROUSSEAU, CAROLINE ROUX, MARGAUX VAXELAIRE

Mention spéciale : A FAMILY PORTRAIT de JOSEPH PIERCE

PRIX ANIMA 2011 DU MEILLEUR COURT MÉTRAGE, CATÉGORIE FILMS D’ÉTUDIANTS (LOGICIEL TV PAINT D’UNE VALEUR DE 475 €+ ABONNEMENT D’UN AN AU STASH MAGAZINE D’UNE VALEUR DE $474) : SWIMMING POOL de ALEXANDRA HETMEROVA
Mentions spéciales : SZOFITA LAND de ZSOFIA TARI et SOBACHJA PLOSHCHADKA (DOG-WALKING GROUND) de LEONID SHMELKOV

PRIX ANIMA 2011 DU MEILLEUR COURT MÉTRAGE, CATÉGORIE FILMS POUR JEUNE PUBLIC (LOGICIEL TOON BOOM STUDIO, D’UNE VALEUR DE $329,99) : MOBILE de VERENA FELS

Mention spéciale : WHISTLELESS de SIRI MELCHIOR

PRIX ANIMA 2011 DU MEILLEUR CLIP VIDÉO (LOGICIEL TOON BOOM STUDIO, D’UNE VALEUR DE $329.99) : BEN HORA de NICOLAS BIANCO LEVRIN & JULIE REMBAUVILLE

Mention speciale : OK GO “THIS TOO SHALL PASS” de OK GO PARTNERSHIP

PRIX ANIMA 2011 DU MEILLEUR FILM PUBLICITAIRE (LOGICIEL TOON BOOM STUDIO, D’UNE VALEUR DE $329.99) : AMNESTY INTERNATIONAL “DEATH PENALTY” de PLEIX

Mention speciale : NOKIA ‘DOT’ de SUMO SCIENCE

PRIX DÉCERNÉ PAR LE JURY JEUNE DE TÉLÉBRUXELLES

LE PRIX COUP2POUCE/TÉLÉBRUXELLES DU MEILLEUR COURT DE LA NUIT ANIMÉE : Präzise Peter (der) de Martin Schmidt

PRIX DÉCERNÉS PAR LE PUBLIC

PRIX DU PUBLIC DU MEILLEUR COURT MÉTRAGE (LOGICIEL TOON BOOM STUDIO, D’UNE VALEUR DE $329.99) : Rubika, de Claire Baudean, Ludovic Habas, Mickaël Krebs, Julien Legay, Chao Ma, Florent Rousseau, Caroline Roux, Margaux Vaxelaire

PRIX DU PUBLIC DU MEILLEUR COURT MÉTRAGE, CATÉGORIE FILMS POUR JEUNE PUBLIC (LOGICIEL TOON BOOM STUDIO, D’UNE VALEUR DE $329.99) : MOBILE de VERENA FELS

PRIX DU PUBLIC DU MEILLEUR COURT DE LA NUIT ANIMÉE (LOGICIEL TOON BOOM STUDIO, D’UNE VALEUR DE $329.99) : Vicenta, de Sam

PRIX DU PUBLIC DU MEILLEUR LONG MÉTRAGE PARRAINÉ PAR FEDEX (CRÉDIT FEDEX D’UNE VALEUR DE 2.500 €) : CHICO & RITA de FERNANDO TRUEBA, JAVIER MARISCAL, & TONO ERRANDO MARISCAL

PRIX DU PUBLIC DU MEILLEUR LONG MÉTRAGE JEUNE PUBLIC : ARRIETTY / KARIGURASHI NO ARRIETTY (ARRIETTY LE PETIT MONDE DES CHAPARDEURS, THE BORROWERS) de HIROMASA YONEBAYASHI

PRIX DÉCERNÉS PAR LES PARTENAIRES

PRIX BETV DU MEILLEUR LONG MÉTRAGE (ACHAT DES DROITS DE DIFFUSION) : SUMMER WARS de MAMORU HOSODA

PRIX FORMAT COURT DU MEILLEUR COURT MÉTRAGE, CATÉGORIE FILMS PROFESSIONNELS (FOCUS SUR WWW.FORMATCOURT.COM + PROJECTIONS EN SALLE) : TUSSILAGO de Jonas Odell

Mention spéciale : LET’S POLLUTE de Geefwee Boedoe

Compétition nationale

PRIX DÉCERNÉS PAR LE JURY (Bruno Collet, Jean-François Pluijgers, Jan Van Rijsselberge)

GRAND PRIX DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE (MEILLEUR FILM DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE) (2.500 € + LOGICIEL TOON BOOM ANIMATE, UNE VALEUR DE $699.99) : KIN de l’Atelier collectif Zorobabel

PRIX DE LA SABAM (2500 EUROS) : VASCO de Sébastien Laudenbach

PRIX DE LA SACD (2000 EUROS) : L’OEIL DU PAON de Gerlando Infuso

PRIX TVPAINT DU MEILLEUR COURT MÉTRAGE ÉTUDIANT BELGE (LOGICIEL TV PAINT + ABONNEMENT D’UN AN AU STASH MAGAZINE D’UNE VALEUR DE $474) : LA NUIT DE L’OURS d’Alexis Fradier, Julien Regnard, Pascal Giraud

PRIX DÉCERNÉ PAR LE JURY JEUNE DE TÉLÉBRUXELLES

PRIX COUP2POUCE/TÉLÉBRUXELLES DU MEILLEUR COURT ÉTUDIANT (ACHAT DE DROITS DE DIFFUSION) : CONTRE TOUT CONTRE de YOANN STEHR

PRIX DÉCERNÉS PAR LES PARTENAIRES

PRIX BETV (1.500 EUROS INCLUANT LES DROITS DE DIFFUSION) : RUMEURS de FRITS STANDAERT

PRIX DE LA RTBF (1.500 EUROS INCLUANT LES DROITS DE DIFFUSION) : KIN de L’ ATELIER COLLECTIF ZOROBABEL

PRIX CINERGIE (DOSSIER DE PRESSE ÉLECTRONIQUE) : LES ARBRES NAISSENT SOUS LA TERRE de MANON BRÛLÉ et SARAH BRÛLÉ

Plongée dans l’univers de Gil Alkabetz demain à l’Animathèque de Paris

Invité à Lille à l’occasion de la Fête de l’Anim et de sa thématique Allemagne, l’Afca et les Rencontres Audiovisuelles proposent mardi 15 mars 2011 à 19h30 une soirée à Paris pour (re)découvrir le travail de Gil Alkabetz, en sa présence.

Né à Tel Aviv en 1957, Gil Alkabetz a suivi ses études en design graphique à l’Académie d’Art et de Dessin de Bezalel, à Jérusalem. Depuis 1984, il réalise des films d’animation. En 1992, son film Swamp lui vaut de remporter le Ruban d’or. Il travaille en Allemagne depuis 1995. Les films Rubicon et Morir de Amor lui ont valu de remporter déjà de nombreuses distinctions dans le monde entier. Ancien animateur du studio Filmbilder, il fonde en 2001 sa propre société de production, Sweet Home Studio.

De 2004 à 2006, il est successivement professeur aux prestigieuses école de cinéma d’animation de The HFF, “Konrad Wolf”, Potsdam Babelsberg et de la Filmakademie Baden Wuttermberg. Egalement connu pour les animations du long métrage Cours Lola Cours, la simplicité de ses dessins et son talent pour les scénarios ont fait de Gil Alkabetz l’un des plus importants réalisateurs d’animation allemande contemporaine.

Programme

Bitzbutz de Gil Alkabetz and Bezalel Academy of Art and Design, Israël, 1984, 2’45.
Deux créatures, une toute petite et un monstre, luttent l’une contre l’autre. Une allégorie animée sur la confrontation du Bien et du Mal, de la Lumière et des Ténèbres.

Swamp de Gil Alkabetz and Art Academy Stuttgart, Allemagne, 1991, 11’.
Une interprétation pacifique et remplie d’humour noir de la résolution des conflits.

Yankale de Gil Alkabetz and Studio Film Bilder, Allemagne, 1995, 9’10.
Un jour, Jakob L., employé de bureau, arrive en retard à son travail.

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Rubicon

Rubicon de Gil Alkabetz and Studio Film Bilder, Allemagne, 1997, 6’55
Tentative de résolution d’une devinette classique : comment faire traverser une rivière à un loup, un mouton et un chou, chacun son tour et sans que l’un ne mange l’autre ? La solution rationnelle de problèmes théoriques ne fonctionne pas vraiment dans la réalité.

The tampon is here de Gil Alkabetz and Studio Film Bilder, Allemagne, 1997, 2’.
Un petit film sur la menstruation pour « Dr. Mag Love », une émission pour parler de la sexualité aux jeunes sur la Chaine ZDF.

Trim Time de Gil Alkabetz and Studio Film Bilder, Allemagne, 2002, 2’30. _ Un arbre, un petit monsieur, une paire de ciseaux et un peigne… les quatre saisons !

Travel to China de Gil Alkabetz, Allemagne, 2002, 2’45.
Une seule image raconte l’histoire d’un homme qui passe toute sa vie a rêver de partir de chez lui et de voyager loin. Cependant son monde est immobile et, dans un tel monde, le voyage – comme le mouvement – n’existe que dans l’imagination.

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Morir de Amor

Morir de Amor de Gil Alkabetz, Allemagne, 2004, 12’40.
Tandis que leur propriétaire fait sa sieste, deux perroquets dans leur cage ressassent de vieux souvenirs.

A Sunny Day – Ein sonniger de Tag Gil Alkabetz, Allemagne, 2007, 6’20.
Le soleil se lève comme chaque matin, mais aujourd’hui, il découvre qu’il n’est pas aussi bienvenu qu’il l’espérait.

Knitted Nights – Wollmond de Gil Alkabetz, Allemagne, 2009, 6’25.
Une mamie ambitieuse s’est mis en tête de tricoter un pull pour la lune, mais elle n’a pas tenu compte dans ses calculs du fait que sa « cliente » croît et décroît. En dépit de sa déception, elle parvient à assouvir sa fièvre du tricot. Troisième épisode d’une série d’animations pour les enfants autour du temps.

The Da Vinci Time Code de Gil Alkabetz, Allemagne, 2009, 3’.
Un tableau est découpé et ses différentes parties, qui ont des formes similaires, nous permettent de découvrir des mouvements secrets.

Infos pratiques :

Mardi 15 mars 2011 à 19h30
Cinéma Le Denfert, 24 place Denfert Rochereau, Paris 14e – M°Denfert-Rochereau
Tarif unique : 5 euros. Gratuit sur présentation de la carte d’adhérent Afca ou d’une invitation, dans la limite des places disponibles.
Rens. Afca, 01 40 23 08 13, contact@afca.asso.fr

Durée approx. de la séance : 2h. Séance animée par Isabelle Vanini, programmatrice du Forum des images. En présence de Gil Alkabetz.

Retrouvez la programmation de la Fête de l’Anim, à Lille, du 17 au 20 mars, sur www.fete-anim.com

Article associé : la critique de Da Vinci Timecode

Derrière les films, des créateurs

Anima, le Festival d’animation, c’est merveilleux. Bien sûr, il y a les films qui permettent de s’enchanter, de voyager, de s’envoler loin très loin de la réalité morose et grisâtre du quotidien ronronnant de notre pauvre condition humaine…. Mais Anima, ce sont aussi des réalisateurs venus du monde entier pour nous faire partager un peu de leur univers et de leur magie.

Contrairement à beaucoup d’autres festivals de cinéma, où l’apparence prime sur l’essence, les professionnels de l’animation se distinguent bien souvent des autres par leur humilité et leur candeur. Pour être animateur, c’est clair, il faut une bonne dose de patience, beaucoup d’amour, et des tonnes de sincérité. On le sait, un film d’animation est un travail de Titan qui ne bénéficie pas de la même visibilité que le film de fiction. Pas de « people » en animation, mais des hommes et des femmes investis dans la création, des conquérants à l’âme d’enfant.

Les grands, les plus grands viennent donc à Anima, sans fards ni paillettes, accordant généreusement leur temps si précieux aux spectateurs.

Autour de la table, dans un nouveau resto bruxellois bondé, le papa de « Harpya », Raoul Servais et celui de « Kirikou », Michel Ocelot, se retrouvent pour déjeuner. Le premier, poursuit depuis plus de cinquante ans, son petit bonhomme de chemin, luttant contre vents et marées pour défendre un cinéma indépendant et le plus souvent auto produit. Le second, au contraire, compose avec les grands studios de production et les distributeurs du monde entier. À leur manière toute personnelle, ils se sont imposés dans le monde de l’animation avec la même noblesse et une intégrité sans faille, et chacun éprouve un respect admiratif pour le travail de l’autre.

« Azur et Asmar », c’est tellement beau, que je n’arrivais plus à suivre l’histoire. J’étais trop absorbé par les décors et les personnages », avoue le réalisateur belge à son confrère français. Pas question ici de discours théoriques sur les techniques, de propos alambiqués de professionnels : ce qui prime, c’est bien l’émotion, un point c’est tout !

Ils échangent leur sensation, parlent cuisine, se retrouvent sur leur amour pour le chocolat et discutent cinéma. Alors que Raoul Servais, curieux et boulimique, a déjà vu en salles tous les films récents, Michel Ocelot, lui, reste sur ses gardes : « Je ne vais plus au cinéma. J’y souffre trop. » De la souffrance à « Bambi », il n’y a qu’un pas, et les voilà qui embrayent sur les histoires qui font pleurer les enfants, et les films de Walt Disney. « Mon préféré, je crois que ça reste « Pinocchio» », confie Raoul à Michel, « Moi, c’est sans hésitation « La belle au bois dormant… » répond Michel à Raoul.

Il faut dire qu’en matière de princesses, Michel Ocelot s’y entend. Pour preuve, après « Princes et Princesses », il signe « Les Contes de la nuit », son dernier né, qui sortira en France en juillet, seul film français sélectionné lors de la dernière Berlinale. Le réalisateur y a associé le film en silhouettes découpées, inspiré du théâtre d’ombres, avec la technique actuelle de la 3D : « C’est fou que ce film ait été sélectionné à Berlin. Moi, je continue juste à faire mes petites histoires, mes petits contes, comme avec « Princes et Princesses ». J’ai laissé mes ciseaux et mon papier au profit de l’ordinateur, et bizarrement, ça ne fait pas vraiment gagner du temps. Par contre, ça permet des décors fous. C’est une orgie de couleurs, ce film ! » Et au vu de l’affiche qu’il a entièrement réalisée, cela en met en effet plein la vue.

Et ce film, va-t-il nous faire pleurer ? « On ne sait jamais quand on écrit une histoire si elle va faire pleurer. Ce qui est sûr, c’est que dans mes films, ce sont toujours les adultes qui pleurent, jamais les enfants ! »

Mais il est temps de se quitter déjà… car le train pour Paris attend. Michel Ocelot se promet de revenir dans cette ville qu’il aime. « Quand je viens ici, il faut que j’aille voir la Grand Place, c’est vraiment un endroit particulier. Bruxelles aussi, avec ses petits détails Art Nouveau ». L’allusion à l’art nouveau lui évoque immédiatement les dessins d’Aubrey Beardsley qu’il admire… les volutes noires et blanches de l’illustrateur britannique s’échappent, arabesques précieuses et irrévérencieuses au-dessus des toits… Décidément, la compagnie d’animateurs transforme le décor… en mieux, beaucoup mieux !

Sarah Pialeprat

M comme Miss Daisy Cutter

Fiche technique

Synopsis : Miss Daisy Cutter est un court-métrage animé par Laen Sanches sur la chanson Nux Vomica des Veils. Si Walt Disney s’était fait un mauvais trip sous acides, ça aurait pu ressembler à ça. On vous aura prévenu.

Genre : Animation

Durée : 5′40″

Pays : France

Année : 2010

Réalisation : Laen Sanches

Scénario : Laen Sanches

Dessin : Laen Sanches

Animation : Laen Sanches

Son : The Veils

Montage : Laen Sanches

Production : Laen Sanches

Article associé : la critique du film

Miss Daisy Cutter de Laen Sanches

Musical du début à la fin, « Miss Daisy Cutter » a tout d’un clip. C’est pourtant en tant que court-métrage qu’il a cette année été sélectionné au Festival International du Court-Métrage de Clermont-Ferrand et au Festival Anima de Bruxelles. Court-métrage donc, et d’animation qui plus est.

Pour la musique, le morceau rock « Nux Vomica » du groupe The Veils, bien qu’actuelle, est de circonstance, puisque Laen Sanches déclare avoir « voulu réinterpréter certains des archétypes de l’esthétique pop-rock-punk-psychédélique des années 60 et 70 ». On retrouve en effet dans ce film un psychédélisme similaire à celui du clip « The Wall » des Pink Floyd, de même que la marche mécanique des célèbres marteaux militaires, ici remplacés par des squelettes armés. La couleur n’est cependant pas au rendez-vous : c’est dans un noir et blanc brouillonné mais saillant que les images imprègnent nos rétines… Et quelles images !

Laen Sanches affirme avoir recherché son style graphique dans la peinture, la gravure, le manga et la bande dessinée. Il est vrai que « Miss Daisy Cutter » trouve son dynamisme avec ses planches « splitées » et ses onomatopées. En raison de sa forme composite, il a même quelques traits communs avec l’adaptation faite par Robert Rodriguez de « Sin City ». On pense aussi au « Renaissance » de Christian Volckman, du moins pour le noir et blanc.

Du reste, « Miss Daisy Cutter » est surtout un clip hallucinatoire. Or dans ce domaine, peu de films atteignent un tel degré de performance. Laen Sanches dit lui-même : « Si Walt Disney s’était tapé un mauvais trip, voilà à quoi auraient pu ressembler ses hallucinations ». Sanches a développé ce projet sans storyboard ni scénario. Il a fait ce film comme on rédigerait un cadavre exquis. Ses propos nous éclairent d’ailleurs sur sa technique d’ »improvisation »: « Travailler délibérément dans une approche surréaliste, créer et animer dans une technique de « dessin automatique », produire quelques secondes d’animation chaque jour sans penser à ce qui a été fait le jour d’avant ».

« Miss Daisy Cutter » respecte cependant le ton du texte original des Veils via des paroles adressées au Seigneur. Il ne s’agit pas de prières mais d’une suite de reproches qui s’étendent finalement à l’humanité.

On voit dans le film un œil ailé, figurant sans doute Big Brother, who is watching you. Des langues se dressent comme des serpents, pouvant tout aussi bien être des langues de vipères que les langues de bois des politiciens. Des torpilles explosent en amats de dollars, profits monétaires que sont les guerres pour les grandes puissances économiques de notre monde. Sous une série d’yeux voyeurs, le chevauchement de missiles se transforme en rodéo érotique ; le désir prenant le pas sur la raison, un homme initialement suspendu à un cerveau volant se retrouve suspendu à une femme nue. Les codes barres pleuvent, froids comme la neige. Les squelettes armés continuent leur marche sur fond de vagues de pouvoir qui écrasent tout sur leur passage. L’amalgame se fait entre homme et chien. La mort rôde. Les morts versent des larmes épaisses, ils pleurent l’or noir qui causa leur perte. Des fourmis, prolétaires en rébellion, sont attaquées par une armée de serpents. La hiérarchie mène la danse d’une main de fer et toute tentative d’éclaircie s’échappe en une fumée noire. Mais quand l’insecte travailleur s’en prend à l’hégémonique figure du profit, ce sont des flammèches colorées qui s’envolent anéantir tous les maux, notes d’espoir pour un monde meilleur. De quoi en prendre plein la vue, surtout que Laen Sanches ne s’est pas privé de nous livrer une version 3D de son film.

Rémy Weber

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FIDMarseille, inscriptions ouvertes jusqu’au 18 mars

Au cœur des choix artistiques du FIDMarseille ; le documentaire. Défendu comme un art du témoignage sans critère de format, le festival accueille des films et des artistes qui jouent avec la transversalité des arts. Depuis trois années, un tournant décisif a été pris, celui d’accueillir au sein de la sélection officielle, des films de fiction aux côtés des documentaires. Pour la sélection officielle du FIDMarseille 2011 (6-11 juillet), les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 18 mars 2011.

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Le site du Festival : www.fidmarseille.org

Contre, tout contre de Yoann Stehr

« Et même quand on baise, on est seul »

Déjà remarqué et apprécié lors de la sortie en festivals de « Espèce(s) de patate(s) », Yoann Stehr, étudiant à la Cambre, nous revient en force avec un petit film bien plus audacieux. Sélectionné à Anima cette année, « Contre, tout contre » ou le credo de la solitude et de la volupté puise dans le filet des images cinématographiques qui nous habitent et qui nous construisent pour traiter, non sans une mordante ironie, de la solitude contemporaine.

Rien de plus excitant pour un faiseur d’images que de s’exprimer en se servant d’images déjà réalisées par d’autres en les mélangeant, les superposant, les accolant, les découpant, bref, en les manipulant pour en offrir une interprétation nouvelle, hybride et personnelle. Ainsi pourrait se résumer le travail de Yoann Stehr, devenu en l’espace de deux films, une figure quasi incontournable du cinéma expérimental belge à l’instar d’un certain Nicolas Provost.

Pour « Contre, tout contre », il reprend de façon très convaincante la technique du Found Footage déjà aperçue dans certains films du réalisateur flamand. La forme y est littéralement au service du contenu et est traitée avec une réelle ingéniosité. Montrer le gouffre illusoire de la célébrité dans le milieu des strasses et paillettes du septième art en une surabondance d’images (prix reçus et extraits d’images de films et d’actualités) laisse entrevoir la terrible solitude qui lui fait écho, celle dont on ne parle qu’en hommage d’une star éteinte.

Yoann Stehr pose un regard pertinent et caustique sur ce monde étincelant et pas toujours cohérent : « tout ce qui fout la merde est sponsorisé ». Par ailleurs, la voix off renvoie toujours à la (vraie) réalité qui se cache derrière les images, elle permet un décalage intéressant et critique et ouvre une dimension métadiscursive à ce petit film expérimental riche et dense. Le ton irrévérencieux qui le guide en fait un produit hétéroclite prodigieux permettant,  » à la lisière du monde, (de) se rencontrer enfin ».

Marie Bergeret

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S comme Sinna Mann

Fiche technique

Synopsis : Lorsque la maman-poisson meurt, Boj n’y tient plus. Il trouve dans son
imagination la force d’aller de l’avant. Un film sur des secrets qui ne devraient pas rester
secrets.

Réalisation : Anita Killi

Scénario : Anita Killi adapté du roman « Sinna Mann » de Gro Dahle

Genre : Animation

Durée : 20′

Année : 2009

Pays : Norvège

Image : Anita Killi

Animation : Anita Killi, Triin Saarapik, Maral Charyeva

Son : Håkon Lammetun

Compositing : Hege Rimestad

Montage : Simen Gengenbach

Voix : Runi Arnekleiv, Herborg Kråkevik, Henrik Mestad, Svein Tindberg, Gro Dahle

Production : Anita Killi Production / Trollfilm

Articles associés : la critique du film, l’interview d’Anita Killi

Sinna Mann d’Anita Killi

« On n’attrape pas des mouches avec du vinaigre »

Apparu sur la scène de l’animation il y a deux ans à peine, « Sinna Mann » a déjà fait le tour du monde où il a raflé nombreux prix et honneurs. Sélectionné au festival Anima cette année, ce petit récit adapté du roman de Gro Dahle par Anita Killi joue sur les contrastes de la forme et du fond pour aborder un sujet difficile, celui de la maltraitance domestique.

Boj a un papa très fort et il aimerait lui ressembler quand il sera plus grand. Seulement voilà, son papa est habité par un méchant monsieur colérique qui détruit tout sur son passage. Quand « l’homme fâché » sort de son papa, Boj se cache sous ses couvertures et attend que cela passe. Un jour, l’enfant partage son terrible secret avec son chien et ensemble, ils décident d’écrire au roi de Norvège.

Dans « Sinna Mann » les animaux parlent, les rois sont cléments, les pères abusifs reconnaissent leurs torts, les bons sont très bons et les méchants très méchants, pas de doute, on est bien dans un conte merveilleux si ce n’est que celui-ci, d’une facture plus moderne,nous plonge dans les oppositions d’une forme simple et enfantine pour traiter un sujet grave et douloureux. Narré par la parole de la jeune victime, fragile et vulnérable, les événements prennent alors une importance d’adulte et touchent le spectateur empathique au-delà de ses espérances.

Le film d’Anita Killi est un film fort qui se sert d’une esthétique naïve et expressionniste pour faire passer un message engagé, celui de briser les secrets et les tabous qui provoquent des actes de violence insensés.

Marie Bergeret

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Article associé : l’interview d’Anita Killi

Format Court remet un Prix au Festival Anima !

A l’occasion des 30 ans d’Anima, le festival belge de l’animation, Format Court attribue pour la première fois un Prix, celui du meilleur court métrage, catégorie films professionnels. Le Jury Format Court, composé de Katia Bayer, Marie Bergeret, Adi Chesson, Désiré Dupas, Nadia Demmou et Julien Savès, dévoilera l’identité du gagnant dimanche prochain, lors de la cérémonie de clôture du festival. Le lauréat bénéficiera d’un focus personnalisé sur Format Court et verra son film projeté dans des salles bruxelloises et parisiennes. Rendez-vous dimanche soir sur le site pour en savoir plus…

Voici la liste des films concourant pour le Prix Format Court

* 20 anos, Barbaro Joel Ortiz (C)
* Abstract Day (an), Oerd van Cuijlenborg (NL)
* Amar, Isabel Herguera (E)
* Big Bang Big Boom, Blu (I)
* Black Dog’s Progress (the), Stephen Irwing (GB)
* Blind Date, Nigel Davies (GB)
* The Cow Who Wanted to Be a Hamburger, Bill Plympton (USA)
* Family Portrait (a) Joseph Pierce (GB)
* Fast Forward Little Riding Hood, Sjaak Rood (NL)
* Fresca – Blestemul lui Dragulea, Ion Octavian Frecea (RO)
* Get Real!, Evert de Beijer (NL)
* Going West Martin, Andersen Line Andersen (GB)
* Journaux de Lipsett (les), Theodore Ushev (CDN)
* Kleine und das Biest (der), Johannes Weiland, Uwe Heidschötter (D)
* Kleinere Raum (der), Cristobal Leon, Nina Wehrle (CH / D)
* Let’s Pollute, Geefwee Boedoe (USA)
* Lost Thing (the), Andrew Ruhemann, Shaun Tan (AUS/ GB)
* Love & Theft, Andreas Hykade (D)
* Miss Daisy Cutter, Laen Sanches (F)
* Moj Put / My Way, Veljko Popovic, Svjetlan Junakovic (HR)
* Muzorama, Elsa Brehin, Raphaël Calamote, Mauro Carraro, Maxime Cazaux, Emilien Davaud, Laurent Monneron, Axel Tillement (F)
* Old Fangs, Adrien Merigeau, Alan Holly (IRL)
* Os Olhos do Farol, Pedro Serrazina (P)
* Pixels, Patrick Jean (F)
* Poppy, James Cunningham (NZ)
* Rubika, Claire Baudean, Ludovic Habas, Mickaël Krebs, Julien Legay, Chao Ma, Florent Rousseau, Caroline Roux, Margaux Vaxelaire (F)
* Silence sous l’écorce (le), Joanna Lurie (F)
* Sinna Mann, Anita Killi (N)
* Spin, Max Hattler (GB/ F / D)
* Syntymapaiva, Jari Vaara (FIN)
* Tussilago, Jonas Odell (S)
* Viagem a Cabo Verde, José Miguel Ribeiro (P)
* Videogioco (Loop Experiment), Donato Sansone (I)
* Whistleless, Siri Melchior (DK)

Anima 2011, les trente animées

Le festival belge de l’animation fête ses noces de perle cette année. Pour marquer le coup, le festival propose, du 4 au 13 mars, 118 courts métrages, 9 longs métrages en compétition, 3 longs métrages inédits hors compétition, 9 rétrospectives, et 9 événements avec des invités prestigieux tels que Bill Plympton, Peter Lord, Andreas Hykade, Gil Alkabetz et Bruno Collet.

Format Court, partenaire d’Anima depuis deux ans, accompagnera le festival pendant plusieurs jours et remettra pour l’occasion le Prix Format Court dans la catégorie « Meilleur court métrage, catégorie films professionnels », à l’issue du festival.

Retrouvez dans ce Focus :

Interviews

Andreas Hykade, réalisateur de « Love & Theft » (Allemagne)

Gil Alkabetz, réalisateur de « Der Da Vinci Timecode » (Allemagne)

Anita Killi, réalisatrice de « Sinna Man » (Norvège)

Bill Plympton, réalisateur de « The Cow Who Wanted to Be a Hamburger » (Etats-Unis)

Peter Lord, réalisateur et co-fondateur du studio Aardman (Royaume-Uni)

Reportages

Rétrospective roumaine : en attendant la (nouvelle) vague

« Trait scolaire sur l’écran Anima »

Derrière les films, des créateurs

Critiques

Le DVD Best of 7, le Best of d’Anima en 2010

« Miss Daisy Cutter » de Lean Sanches (France)

« Contre, tout contre » de Yoann Stehr (Belgique)

« Sinna Mann » d’Anita Killi (Norvège)

Actus

Jonas Odell remporte le Prix Format Court à Anima pour son film « Tussilago »

Anima, le palmarès 2011

Les courts métrages en compétition internationale

Les films d’écoles en compétition internationale

Les films en compétition nationale

Ainsi que nos sujets précédents liés aux films présentés au festival :

Interviews

L’interview d’Andrea Martignoni, compositeur de « Big Bang Big Boom »

L’interview de Joseph Pierce, réalisateur d' »A family Portrait » (Royaume-Uni)

L’interview de Sébastien Laudenbach, réalisateur de « Vasco » (France)

Critiques

« Les arbres naissent sous terre » de Manon et Sarah Brûlé (Belgique)

« The Cow Who Wanted to Be a Hamburger » de Bill Plympton (Etats-Unis)

« Love & Theft » d’Andreas Hykade (Allemagne)

« Big Bang Big Boom » de Blu (Italie)

« A Family Portrait » de Joseph Pierce (Royaume-Uni)

« Miramare » de Michaela Müller (Croatie, Suisse)

« Nuit blanche » d’Arev Manoukian (Canada)

« Vasco » de Sébastien Laudenbach (France)

Roma d’Elisa Miller

Dans une usine mexicaine de savon, « Roma », la rencontre de deux solitudes : une jeune fugitive, un ouvrier solidaire. Prix du scénario aux Rencontres Henri Langlois de Poitiers en 2010.

Une chaine de montage : des objets qui défilent, des mains d’ouvriers au travail. C’est ainsi que commence le nouveau court métrage de la Mexicaine Elisa Miller, déjà responsable de « Ver llover », son premier film (2006) : une plongée au cœur de l’aliénation, un regard apparemment « neutre » porté sur le monde.

Le prologue de « Roma » instaure une belle dialectique entre images documentaires et fiction, une transitivité comportant à la fois une fictionalisation de fragments documentaires et une « documentarisation » de segments fictionnels : mobilité de la caméra collée aux personnages, des plans réitérés (la fissure du fourgon par laquelle les migrants en voyage gardent un lien avec le monde extérieur). Les prometteuses cinq premières minutes préfigurent un récit épuré et un dépouillement formel non gratuit.

Malheureusement, la suite dément en partie la poétique mise en acte dans le prologue. Parfois excessivement géométrique dans la mise en cadre et en espace de ses personnages (des poses théâtrales contradictoires), le film s’avère schématique dans l’écriture du rapport de solidarité entre « marginaux » et incohérent dans son minimalisme convenu et naïvement métaphorique (la guêpe enfermée à l’intérieur qui bat inutilement des ailes en se leurrant sur la possibilité d’une fuite par le vitre translucide). On a du mal à accepter, à la fois, une scansion elliptique des faits, même si concentrés dans une seule journée (présentation de l’espace de l’usine, arrivée de la migrante, fermeture de l’usine, la jeune femme profitant des douches, ouverture de l’usine, rencontre avec l’ouvrier, solidarité entre les deux, départ de la migrante) et une dilatation temporelle invraisemblable dans d’autres passages, issue d’un voyeurisme déconcertant (pourquoi tous ces plans caressant le corps nu de la femme et filmant son interminable douche ?) plutôt que de la poétique zavattinienne du cheminement. En définitive, « Roma » est un objet maladroit malgré ses (bonnes) intentions et son remarquable début.

Manuel Billi

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La Mina de oro de Jacques Bonnavent

La patrie de Frida la brune réserve bien de jolies surprises aux amateurs d’humour noir. Le film de Jacques Bonnavent, La Mina de oro, aperçu notamment à Clermont-Ferrand où il a remporté le Prix de la jeunesse, est une pépite savoureuse. Le Festival Travelling de Rennes n’a d’ailleurs pas hésité à le sélectionner.

Betina, quinquagénaire romantique, vit seule et vient de découvrir les plaisirs des sites de rencontres virtuels. Ses moments de pause et ses nuits solitaires, elle les passe désormais en compagnie de son ordinateur qui lui donne des nouvelles de celui qui la courtise assidûment, un rondouillard au charme certain et aux ambitions de s’engager pressantes. Lorsqu’il lui envoie une bague de fiançailles avec un ticket d’autobus pour le rejoindre, l’amoureuse ne se fait pas attendre.

La mina de oro est d’un cynisme grinçant. Il regorge de touches expressionnistes qui en font une œuvre dans laquelle le spectateur rentre facilement. Il s’identifie naturellement à Betina qui se fourvoie dans l’illusion d’une idylle à cinquante ans passés sans jamais se rendre compte des éventuels dangers du virtuel. Les personnages, légèrement similaires à ceux de la famille Addams jouent sur les apparences en se faisant passer pour ce qu’ils ne sont pas par opportunisme morbide.

Riche d’un univers nourri par l’imagerie mexicaine, le film est une tragi-comédie absolument immorale offrant un final des plus surprenant.

Marie Bergeret

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M comme La Mina de oro

Fiche technique

Synopsis : Betina, la cinquantaine passée, rencontre l’amour grâce à Internet. Elle laisse derrière elle sa vie monotone de citadine pour rejoindre son fiancé virtuel à l’autre bout du pays.

Réalisation : Jacques Bonnavent

Scénario : Jacques Bonnavent

Genre : Fiction

Durée : 10′

Année : 2010

Pays : Mexique

Image : Ramón Orozco Stoltenberg

Son : Mario Martínez Cobos

Montage : Alexis Rodil

Musique : Marc Lejeune

Interprétation : Alfonso Dosal , Cristina Michaus , Paloma Woolrich

Production : IMCINE

Article associé : la critique du film