L’Appel de Cécile Mavet

Force est de constater que dans une société individualiste telle que la nôtre, le religieux habite toujours la représentation. Des hommes préhistoriques aux « enfants de Freud et de Coca-Cola », des grottes de Lascaux aux dernières superproductions cinématographiques, la volonté de parler de ce qui anime et dépasse la matière n’a eu de cesse de se renouveler et de se transformer. Présenté à Media 10-10 en compétition nationale, « L’Appel », le film d’école de Cécile Mavet issue de l’IAD, aborde le sujet avec une touchante sensibilité.

Anna est une ancienne danseuse classique et une jeune novice vivant dans une communauté religieuse. Au moment où elle s’apprête à prononcer ses vœux, le doute l’assaille et l’appel du corps associé à une troublante sensualité vient s’opposer à l’appel de Dieu.

Avec « L’Appel », Cécile Mavet ne parle pas de la religion à proprement dit mais au contraire de l’être religieux, de ses choix moraux, de ses doutes ainsi que des contraintes et limites qui se cachent derrière l’habit, venant ainsi se confronter aux exigences d’une doctrine parfois considérée comme intransigeante. Le film tente de mettre en lumière les peurs intrinsèques liées aux choix décisifs qui dessinent notre chemin dans la vie, la force de la foi et le caractère immanent du sacré.

Dans un monde marqué par les clivages de la perte de croyance d’une part et par le retour d’un certain fanatisme religieux d’autre part, il n’y a que trop peu de place pour celui ou celle pour qui le corps et l’esprit ne font qu’un. Pourquoi devoir nécessairement choisir entre l’un et l’autre ?, semble se demander la jeune réalisatrice qui démontre un talent évident pour la mise en scène et la réalisation. « L’Appel » fait partie des films qui viennent marquer le retour des croyances. Comme si le 21ème siècle était en définitive bien plus spirituel qu’il n’y paraît.

Marie Bergeret

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A comme l’Appel

Fiche technique

Synopsis : Une foi ardente habite Anna. Ancienne danseuse classique, elle se consacre désormais à Dieu. Mais alors qu’elle s’apprête à prononcer ses vœux, le trouble s’installe, entre l’Appel du corps et celui de l’esprit, le désir de mouvement et le besoin d’engagement…

Réalisation : Cécile Mavet

Scénario : Cécile Mavet

Genre : Fiction

Durée : 19′

Année : 2010

Pays : Belgique

Image : Camille Langlois

Son : Adrien Navez

Musique originale : Isabelle Contentin

Montage : Robin Knockaerts

Interprètes : Margot Pavan, Danièle Denie, Laetitia Reva, Leslie Maerschalck, Fabienne Mainguet, Patricia Houyoux, Liliane Becker

Production : Médiadiffusion (IAD)

Article associé  : la critique du film

C comme Cases où je ne suis pas un monstre

Fiche technique

Synopsis : Dans le cadre d’une expérience faussement scientifique, six sujets sont placé dans des pièces données et se mettent à évoluer en fonction de l’espace dans lequel ils se trouvent.

Genre : Animation

Durée : 3’43

Pays : Belgique

Durée : 2011

Réalisation : Hannah Letaïf

Musique : Mathieu Adamski a.k.a Extra Pekoe

Production : La Cambre

Article associé : la critique du film

Cases où je ne suis pas un monstre d’Hannah Letaïf

Une rémunération « généreuse et garantie » est promise pour une expérience (réalisée à La Cambre, sélectionnée en compétition nationale à Média 10-10). Six heureux élus – aucun lien de parenté apparent avec les classes politiques recensées – sont choisis parmi les candidats : une jeune femme, une plante, un couple hétérosexuel, un homme, encore un homme. Plutôt jeunes (25 ans de moyenne d’âge environ). De race blanche à l’exception de la plante dont les couleurs varient avec le panache d’une varicelle. Tous non fumeurs et visiblement détenteurs de la pleine validité de leurs membres et de leurs organes. Tous plutôt calmes – surtout la plante – et, bien sûr, volontaires et disponibles.

La jeune femme, la plante, le couple, l’homme et l’homme sont chacun installés dans une case – cinq cases au total – où ils ont à vivre leur espace et leur temps avec, selon les cas, de la nourriture, un ordinateur performant type Mac, un lit, une raquette de tennis et une balle, de la lumière. Et ce, à volonté.

Le cloisonnement des cobayes et notre regard sur eux nous installent bien devant une expérience – aujourd’hui banalisée – de téléréalité : même si le « Cases où je ne suis pas un monstre » d’Hannah Letaïf est un court métrage d’animation dont les protagonistes restent indifférents au monde extérieur, son bouche-à-bouche avec la téléréalité actuelle et future ne fait aucun doute.

« Cases où je ne suis pas un monstre » durant 3 minutes et 43 secondes, c’est en accéléré que nous assistons à la maturation de l’expérience. Premier constat : dans son enfance, Hannah Letaïf a dû beaucoup aimer jouer à la pâte à modeler ; son court métrage est un abysse frontal ou un pouls métrage mutant sorti du maréchal ferrant en même temps que Le Cri de Munch.

Ses personnages, en acceptant cette expérience, ont peut-être été guidés par cette première phrase du titre « Happiness » du groupe reggae Black Uhuru : « What I am longing for is some happiness… ». Mais qui souhaite être heureux doit, au choix, savoir refuser l’expérience, avoir une conscience et une imagination active. Dépourvus de ces attributs, nos « volontaires » sont aussi, vraisemblablement, nos doubles oubliés, adoubés-fascinés par les huis-clos cautérisant de la bouffe, de la sexualité, de l’informatique et du sport, soit quatre des générateurs principaux de nos activités occupationnelles d’êtres supérieurs.

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L’écoute de la bande-son de « Cases où je ne suis pas un monstre » composée par Mathieu Adamski est tout autant nutritive ; l’équivalent d’un gong au son grave se rapproche quatre fois puis s’efface devant des sonorités aiguës qui nous amènent d’abord Annie, jeune femme plutôt désirable et svelte. Ensuite, l’habitacle sonore nous entraîne vers les autres personnages mais aussi vers des croisements de bruits de bouche qui déglutissent et mastiquent, des cliquetis de doigts sur un clavier d’ordinateur, un raclement de gorge et un sifflement embarrassés, des phrases souvent absentes – il y en a deux – et gommées par des onomatopées.

Isolés ou ensemble (le couple), les gens ne savent pas parler. La parole est un brasier ; ils ignorent comment s’y prendre avec elle ou n’éprouvent pas le besoin de la faire. Il y a peut-être du « May » (long métrage de Lucky Mckee) en eux ? Néanmoins, gargouillements, gargarismes, babillements de bébé, phallus filaire et itinérant, fécondité instantanée, clameurs de sortie des classes, mélodie musicale synthétique de type New Wave des années 80 d’abord lancinante puis visqueuse, impact de balle de tennis contre un mur, mutation disgracieuse des corps… tout dans « Cases où je ne suis pas un monstre » est fait pour nous maintenir – il est difficile de s’en extraire – avachis devant le spectacle de cette déliquescence mécanique, dynamique et hypnotique. Jusqu’à la frénésie qui condamne l’appui de la mélodie synthétique pour la transformer en une note à cri amplifié. Un battement de cœur remplace alors le gong initial. L’expérience se termine sur quelques notes adoucies. Nous voici retournés en deçà au stade du bébé car nous ne faisons aucun apprentissage de nos expériences. Nous sommes juste bons pour croiser les doigts ou les insérer dans la prise. Seule solution : nous débrancher. « Oh ! Oh ! C’est mieux comme ça ».

Franck Unimon

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Festival Média 10-10 2011

Il y a des événements qui font partie des traditions incontournables de Format Court, Média 10-10 en est un. Depuis nos débuts en 2009, nous consacrons un Focus à ce sympathique festival namurois, niché entre Sambre et Meuse, dans le giron de la maison de la culture. Et pour renforcer encore les liens, cette année Format court a remis son Prix dans la compétition OVNI (objet visuel non identifié) à “I Know You Can Hear Me” du Portugais Miguel Fonseca. Aux côtés de la classique compétition Fédération Wallonie-Bruxelles, le public a pu apprécier 2 séances ovni, une séance scolaire consacrée à Georges Méliès à l’occasion du 150ème anniversaire de sa naissance, ainsi que deux cartes blanches, l’une dédiée à Euroshorts, l’autre à Ciné rail et enfin une soirée Europalia Brésil.

Découvrez dans ce focus :

La critique de « Un film abécédaire » d’Eléonore Saintagnan (France)

La critique de « L’Appel » de Cécile Mavet (Belgique)

La critique de « Cases où je ne suis pas un monstre » d’Hannah Letaïf (Belgique)

Le Palmarès du festival 2011

Média 10-10 2011 : la compétition nationale

– Média 10-10, la compétition OVNI

The Origin of Creatures de Floris Kaayk

Récit d’anticipation allégorique, reprenant le mythe de la Tour de Babel, » The Origin Of Creatures » est le troisième court métrage du réalisateur néerlandais Floris Kaayk. Œuvre fascinante et foisonnante, ce petit bijou d’animation a reçu le prix Format Court au Festival Paris Courts Devant 2011.

« The Origin of Creatures » se situe dans un univers désolé, en ruine, quelque part dans un futur catastrophique. Parmi les gravats des immeubles abandonnés, subsiste une colonie composée de membres du corps humain ayant leur propre autonomie. Un œil porté par un amalgame de doigts, apportant un équilibre et une mobilité à la vision, une oreille utilisée à bout de bras pour entendre, et toutes sortes de représentations et de collaborations corporelles évoluent dans cet univers, répondant à leur fonction première, malgré leur aspect peu naturel et dérangeant.

Emergeant à intervalles réguliers des décombres, dès qu’un rayon de soleil pointe son nez, la Colonie des Membres tente d’apporter le plus de lumière possible à leur reine pondeuse, agglomérat de chair et de membres, surplombé d’un œil observateur, en construisant une tour pour atteindre ladite source lumineuse. Seulement, par manque de communication entre les différentes parties, la mission est vouée à l’échec et la Colonie retourne s’abriter jusqu’à la prochaine percée de lumière.

Dans le mythe de la Tour de Babel, les Hommes construisent une tour immense pour toucher le ciel, ce qui met Dieu en rogne. Celui-ci met fin à leur action en attribuant à chacun une langue différente, ce qui fait qu’ils ne se comprennent plus et arrêtent là leur collaboration. Floris Kaayk reprend ce mythe et le détourne pour qu’il serve d’écrin à ses propres obsessions. En effet, la Colonie de Membres est motivée, non pas, par un mysticisme quelconque, mais par la subsistance même de leur « civilisation ». Ils mènent une sorte de lutte désespérée contre la désolation de leur monde et profitent de n’importe quelle source de lumière pour favoriser l’éclosion de la vie chez leur reine pondeuse. Le soleil est source de vie, les nuages, sont messagers de mort, l’œil représente le savoir, la connaissance, est donc moteur d’espoir, et le doigt est l’exécuteur physique de la pensée. Seulement, il arrive qu’un moment de distraction « physique » (un doigt couvrant un œil) crée une incompréhension et un manque de communication entre les différentes parties et entraîne la chute d’une tour et de toute une civilisation.

À travers ce film, Floris Kaayk propose une vision sombre de l’humanité, qui, détournée du savoir et de l’espoir par l’obscurantisme menaçant (les nuages), va s’embourber dans l’incommunication et s’effondrer littéralement. Cependant, le réalisateur néerlandais introduit à la toute fin de son œuvre une notion de cycle et de recommencement : l’espoir renaît de manière évolutive.

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Film d’animation mélangeant 3D et prises de vues réelles de décors miniatures (utilisant les techniques du modélisme ferroviaire), « The Origin of Creatures », fruit de trois ans de travail pour un rendu qui émerveille les sens, est d’une grande beauté visuelle. Très précis sur les textures, la direction de lumière, la fluidité des mouvements et l’utilisation méticuleuse du son, le film gagne à être vu sur grand écran, tellement il gagne en ampleur et en crédibilité. D’une grande richesse thématique et visuelle, » The Origin of Creatures » n’en finit pas de poser des questionnements, agissant sur son spectateur à plusieurs niveaux de lecture, que ce soit mystique, scientifique ou sociologique.

Julien Savès

Articles associés : l’interview de Floris Kaayk, le reportage sur ses précédents films « Order Electrus et Metalosis Maligna »

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Pour information, le film sera projeté le jeudi 10 novembre au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) dans le cadre de la Soirée Format Court, spéciale Pays-Bas

Festival de Vendôme, le palmarès 2011

Hier soir, s’est clôturé le 20ème festival de Vendôme. En voici les lauréats.

Grand prix national : Le Marin masqué de Sophie Letourneur

Grand prix européen : Killing the Chickens to Scare the Monkeys de Jens Assur

Prix spécial du jury – Compétition nationale : Un monde sans femmes de Guillaume Brac

Prix spécial du jury – Compétition européenne : Girl de Fijona Jonuzi

Mentions du jury : Et ils gravirent la montagne de Jean-Sébastien Chauvin et La Maladie blanche de Christelle Lheureux

Prix de la jeunesse – Compétition nationale : Les Pseudonymes de Nicolas Engel

Prix de la jeunesse -Compétition européenne : Dicen de Alauda Ruiz de Azua

Prix de la mise en scène – Birdboy de Alberto Vazquez et Pedro Rivero

Prix d’interprétation : Alexandre Steiger dans Le Commissaire Perdrix ne fait pas le voyage pour rien de Erwan Le Duc

Prix du public : Asylum de Joern Utkilen

Prix Format court : La Maladie blanche de Christelle Lheureux

Mention Format Court : Un monde sans femmes de Guillaume Brac

Prix cinécole : Citrouilles et vieilles dentelles de Juliette Loubières

La Maladie blanche, Prix Format Court au Festival de Vendôme 2011

Après avoir assisté aux six programmes de la compétition nationale, le Jury Format Court présent à la 20e édition du Festival du Film de Vendôme (Isabelle Mayor, Franck Unimon et Camille Monin) a décidé de remettre le prix Format Court au court-métrage « La Maladie blanche » de Christelle Lheureux. Le film a séduit le Jury, non seulement par sa forme qui vacille entre le documentaire, l’expérimental et la fiction, que par son fond traitant de la mémoire et de la sensible frontière qu’il existe entre l’enfance et l’âge adulte.

« La Maladie blanche » de Christelle Lheureux – 2011 – 42′ – Production: Les Films des Lucioles

Un soir de fête dans un village isolé des Pyrénées. Un père et sa fille de cinq ans, Myrtille. Des adolescents, un chasseur, un berger, des lucioles, des brebis et des chats. Un monde nocturne où des histoires d’ombres chinoises, de miroir magique et de peintures préhistoriques s’entremêlent. Dans la nuit, un être préhistorique vient chercher Myrtille.

Le film primé bénéficie d’un dossier spécial en ligne ainsi que d’une projection au Studio des Ursulines (Paris, 5) le jeudi 11 octobre 2012.

Le Jury Format Court a également décidé de remettre une Mention Spéciale au film « Un monde sans femmes » de Guillaume Brac – 2011 – 57′ – Production : Année Zéro.

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Floris Kaayk. Anticipation, insectes et symbolisme

“The Origin Of Creatures” est un film qui n’a pas laissé indifférent le jury du prix Format Court – Paris Courts Devant 2011, ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce premier court métrage de fiction a été sélectionné pour représenter la Hollande aux Oscars. Dans cet interview, Floris Kaayk, son réalisateur, nous explique avec précision et sincérité ses influences, son travail et son parcours.

Vous avez commencé votre carrière avec deux docu-fictions dans lesquels technologie et réalité interagissent : « The Order Electrus » et « Metalosis Maligna ». Qu’avez-vous cherché à faire avec ces deux oeuvres ?

Dans ces deux films, j’ai voulu dépeindre une vision futuriste angoissante, en jouant sur les conséquences imprévues que peut entraîner la phase initiale des développements technologiques. Chaque phase de début est souvent accompagnée de problèmes inattendus. Dans « Metalosis Maligna » et « The Order Electrus », je montre quelques uns de ces détours.

La fiction dans ces films est représentée de manière plausible, à l’aide du documentaire informatif. On associe ce format avec la précision scientifique, ce qui a garanti la confusion entre réalité et fiction et m’a permis de présenter mon univers inventé comme étant la réalité. Ça renforce le côté absurde et crée l’humour étrange qui caractérise ces deux films.

Vous réalisez ensuite un court métrage totalement fictionnel et en animation, “The Origin Of Creatures”. Comment vous est venue l’idée d’adapter le récit biblique de Babel en utilisant des membres du corps? Pouvez-vous nous expliquer ce choix et l’origine de ce projet ?

Je suis passionné par le monde des insectes. Chaque fois que je vois un documentaire sur ces merveilleuses créatures, je suis hypnotisé par leurs formes, leurs habitudes et leurs modes de communication bizarres. Pour ce film, je me suis particulièrement inspiré du mode de fonctionnement des colonies et du fait que les fourmis ne fonctionnent qu’en collaboration. En même temps, je voulais que mon sujet reste proche du corps humain. J’ai donc décidé de créer une colonie de membres humains, chacun avec son rôle précis, à l’instar des colonies d’insectes.

En cherchant un récit pour situer cette colonie de membres, j’ai découvert une des histoires les plus célèbres sur la collaboration, celle de la Tour de Babel. Le lien entre cette fable et mes colonies m’a fasciné, surtout en raison du développement dramatique dans l’histoire biblique, quand Dieu sème le désordre en donnant à chaque personne une langue différente. J’ai pensé que cet élément serait utile pour la chute de mon film.

Dans mon film, Dieu est représenté par le soleil, source éternelle de vie sur notre planète, ce qui a servi de lien également avec certaines espèces de fourmis qui construisent leurs nids en direction du soleil, pour capter la chaleur pour la reine et ses larves. Du coup, le soleil joue un rôle très important dans « The Origin of Creatures », qu’on peut interpréter de deux manières bien contrastées : religieuse ou scientifique, évolutionnaire.

Ce qui fait basculer le sort du fragile édifice est une petite faute d’inattention (le pouce devant l’œil) qui va suffire pour casser l’élan qui a réuni tous ces petits êtres. Est-ce une forme de fatalisme pour vous ? Pourquoi avoir choisi ce petit détail comme origine de la chute de la construction?

Avant que le doigt n’aveugle l’œil, le ciel devient nuageux et couvert. C’est alors que la tour fragile grandit pour s’approcher du soleil. Dans la fable de la Tour de Babel, c’est à ce moment-là que Dieu attribue une langue à chaque personnage, pour freiner leurs actions. Donc pour moi, c’était aussi le moment de diffuser l’incommunication dans la Colonie. Le doigt qui couvre l’œil symbolise le déclenchement du chaos et la disparition de l’espoir. La confusion commence lorsque l’œil ne voit plus et se répand comme une réaction en chaîne sur tous les collaborateurs.

Parlez-nous du personnage étrange qui accouche dans une grotte sous la Tour. Quel est son lien avec le soleil ?

Ce personnage est la reine de la Colonie des Membres et est construit à l’image de la reine des fourmis. Elle seule peut donner naissance à de nouvelles créatures. Du coup, c’est le personnage le plus important, la source de vie, sans pour autant être le chef, car il n’y a pas de chef dans cette société.

La reine peut accoucher seulement si elle sent la chaleur du soleil. C’est pourquoi tous les aides et les infirmières la dirigent vers le soleil. Ils veulent créer des conditions idéales pour que la colonie puisse grandir.

Les deux premiers « personnages » qui apparaissent dans le film – les doigts et l’œil – ne proviennent pas de la « matrice ». Ils émergent des gravats et finissent par y retourner. Que représentent-ils symboliquement à vos yeux?

En fait, ils proviennent de la matrice, comme tous les personnages. Ils sont nés avant les autres et ont survécu des chutes antérieures de la Tour. Ensuite, ils se sont cachés dans les gravats. Comme tous les autres personnages, ils attendent l’apparition du soleil pour sortir des ruines. Ces deux personnages symbolisent les messagers de la colonie et sont présents à l’ouverture et à la fin du récit, en tant que protagonistes en quelque sorte.

L’utilisation de parties du corps ayant leur propre vie peut faire penser par moments à certains travaux de Jan Švankmajer. Est-ce un rapprochement dont vous avez conscience?

Je connais le travail de Švankmajer et j’aime beaucoup ses films. Il est possible que je sois influencé par son œuvre, étant donné que c’était le premier animateur qu’on a étudié en cours d’histoire de l’animation à l’académie. J’aime son sens de l’absurde, qui fait que ses films sont à la fois humoristiques et poétiques.

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Pouvez-vous nous parler des différentes techniques employées dans le film (3D, maquettes, etc…)? Est-ce que ça a été un projet compliqué à animer?

Tout l’arrière-plan a été réalisé avec des maquettes issues du modélisme ferroviaire, qu’on a filmées avec un objectif périscopique. C’était difficile de filmer des maisons aussi petites. On a fini par construire un stabilisateur qui nous a permis de programmer des mouvements de caméra à cette petite échelle. Ça à l’air fou, j’aurais pu tout faire en numérique, mais j’aime bien l’aspect naturel de l’image. Les imperfections de l’objectif, la texture des surfaces des bâtiments, et le caractère aléatoire des gravats, tout ça aurait paru trop soigné en digital.

J’ai ensuite assemblé les personnages numériques aux images filmées à l’aide du tracking de la caméra. Les personnages sont tous animés en volume et numérisés. Je les ai basés sur des photographies de mon propre corps, avec lesquels j’ai fait du « compositing ». Finalement, j’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois pour arriver au même bokeh (flou au second plan) et aux mêmes couleurs que mon objectif. Je suis très content du résultat, même si cela a été un sacré défi à relever !

Quels ont été les retours sur le film ?

Au début, je m’attendais à ce que le film soit mieux reçu, vu le temps (3 ans) et les efforts que j’y ai consacrés. J’aurai aimé faire la première à Cannes, mais ce n’était pas possible. Alors, j’ai voulu être candidat néerlandais aux Oscars, et heureusement, ça a marché. Depuis, les choses vont mieux. Après un an et demi de distribution, le film a été projeté dans plusieurs festivals de cinéma et d’art média et a gagné 9 prix. C’est mon film le plus réussi jusqu’ici.

Parlez-nous de votre processus de création. Quel est votre mode de fonctionnement ?

Le processus de création a lieu aux moments les plus inattendus. J’arrive à en maîtriser quelques-uns maintenant, par exemple, le trajet à vélo du studio jusqu’à mon domicile me donne toujours de nouvelles idées ou bien, c’est sous la douche que je trouve des solutions aux problèmes d’une longue journée. J’ai récemment découvert que j’ai des pensées créatives pendant des discussions ennuyeuses, quand mon esprit divague. Subitement, je tombe sur une idée pour un film. Me mettre devant une page Word ou un écran de Photoshop vide me coûte trop d’effort.

Pouvez-vous nous dire un mot sur votre style d’animation ? Etes-vous inspiré par d’autres films et/ou animateurs ?

Mon style d’animation est principalement basé sur des mouvements de la vie réelle, comme ceux des insectes ou des gens. Mon style est caractérisé par un mélange de réalisme. Je ne me focalise pas sur des styles de mouvement particuliers, comme on en voit dans les animations du type cartoons. J’ai du mal à identifier des réalisateurs qui m’inspirent. Souvent, c’est un détail ou un plan qui m’interpelle. Quelques films qui m’ont inspiré sont : « The Road », « Blade Runner », « Jona/Tomberry », « Born Free » et « Les possibilités du dialogue » de Švankmajer.

Avez-vous des projets de films à venir ou en cours ?

J’aimerais rester curieux, essayer de nouvelles choses, me lancer des défis constamment, et continuer à mettre en scène mes mondes imaginaires. Peu importe que ce soit de l’animation, de la live-action ou une combinaison des deux. Il ne s’agit pas de la technique mais de la créativité et de l’imagination. Je voudrais rester proche de cette pensée dans mes projets futurs.

Propos recueillis par Julien Beaunay et Julien Savès

Articles associés : « Le reportage « The Order Electrus et Metalosis Maligna« , la critique de « The Origin of Creatures »

O comme The Origin of Creatures

Fiche technique

Synopsis : La vision futuriste d’un monde après un désastre catastrophique. Dans cette parabole, des membres mutés autonomes sont à la recherche d’une coopération, mais en raison de problèmes de communication, cette mission est vouée à l’échec.

Genre : Animation

Durée : 12′

Pays : Pays-Bas

Année : 2010

Réalisation : Floris Kaayk

Scénario : Floris Kaayk

Image : Reinier van Brummelen

Animation : Floris Kaayk

Effets Visuels : Alex de Heus

Montage : Floris Kaayk

Son : Erik Griekspoor, Bart Jilesen, Elena Martin Hidalgo

Décors : Gijs Kaayk

Musique : Lennert Busch

Production : Koert Davidse, Marc Thelosen, Yan Ting Yuen

Articles associés : l’interview de Floris Kaaykla critique du film

Pologne en courts au festival Kinopolska

Le Festival Kinopolska célèbre, pour sa quatrième édition, le cinéma polonais du 7 au 13 décembre prochains, au Reflet Médicis (Paris, 75005), en mettant en avant le ciné bref à travers trois programmes mêlant des films de fiction et d’animation qui, selon des procédés esthétiques divers, posent un regard neuf sur les questionnements de la Pologne actuelle.

LA POLOGNE EN COURTS – PROGRAMME 1, Mercredi 7 décembre à 15h. En présence de Jarek Sztandera.

CE QUE DISENT LES MÉDECINS (Co mówią lekarze) – Un film de Michał Wnuk – 2009 – 24min. – Béta Num – VOSTF

Docteur Glik, une anesthésiste dont le métier est une passion depuis longtemps révolue, souhaite déclarer le corps d’une jeune fille, à peine décédée, comme potentiel donneur d’organes. Contrainte d’annoncer la mort à sa mère et de la convaincre, elle doit redoubler d’efforts et d’arguments pour lui faire comprendre l’urgence de la situation.

LUXURE (Luksus) de Jarek Sztandera – 2009 – 38min. – Béta Num – VOSTF

Réunis dans la pauvreté et le malheur, un adolescent et un enfant errent dans les rues de Varsovie. Commence alors une plongée dans le monde des laissés-pour-compte où les larcins deviennent la norme et où la prostitution est un moyen de survivre.

HORS D’ATTEINTE (Poza zasięgiem) – Un film de Jakub Stozek – 2010 – 30min. – Béta Num – VOSTF

Délaissées par leur mère, Klaudia et Karolina sont contraintes d’apprendre à devenir davantage indépendantes et responsables que les autres adolescentes. Matures, elles résolvent leurs problèmes toutes seules, se soutiennent en toutes circonstances.

NOISE de Przymyslaw Adamski – 2010 – 7 min. – Béta Num – VOSTF

Conçu comme un travail formel, le film donne néanmoins une rôle prépondérant au son, ce dernier anticipant l’émergence des images. Les bruits qui s’intègrent dans l’appartement du protagoniste sont des objets d’interprétation personnelle de ce dernier.

LA POLOGNE EN COURTS – PROGRAMME 2, Jeudi 8 décembre à 15h. En présence de Tomasz Jurkiewicz

MAMIE S’EN VA (Babcia wyjeżdża) – Un film de Tomasz Jurkiewicz – 2009 – 18min. – Béta Num – VOSTF

Jurek, un garçon de seize ans, a des problèmes d’intégration au lycée. Son problème : il ment tout le temps. Bientôt son habilité à repousser la réalité lui sera utile. Après que sa grand-mère, avec qui il entretient une relation proche, entre à l’hôpital, Jurek doit s’arranger avec son père alcoolique. Les mensonges lui permettront-ils de dépasser cette situation sociale et existentielle compliquée ?

TWIST AND BLOOD – Un film de Jakub Czekaj – 2010 – 32min. – Béta Num – VOSTF

Un jeune garçon est ridiculisé par ses camarades de classe à cause de son obésité. Ses parents désirent qu’il retrouve un poids normal à tous prix. Mais lui a trouvé sa manière de contourner ces pressions et de vivre comme il l’entend.

UN MORCEAU D’ETE (Kawałek lata) – Un film de Marta Minorowicz – 2010 – 24min. – Béta Num – VOSTF

La fin de l’été, la fin des vacances. Un garçon rend visite à son grand-père qui vit et travaille dans les forêts en montagnes. Entourés par une nature sauvage et la sévère réalité, il tente de retisser leurs liens.

UNDERLIFE – Un film de Jarosław Konopka – 2010 – 8min. – Béta Num – VOSTF

S’inspirant de la “Berceuse” (“Kołysanka”) du maître du jazz Krzysztof Komeda, ce court-métrage d’animation s’emploie à métaphoriser, à l’aide de motifs comme celui du berceau, l’influence destructrice des ancêtres sur l’homme et pose une question sur la capacité de se libérer d’eux. Il soulève le problème universel des déterminations de l’inconscient qui conditionnent et définissent nos vies.

LA POLOGNE EN COURTS – PROGRAMME 3, Vendredi 9 décembre à 15h. En présence de Bartek Konopka

LES TROIS GARNEMENTS (Trójka do wzięcia) – Un film de Bartek Konopka – 2006 – 37min. – Béta Num – VOSTF

Le film suit la vie d’Inga, une jeune fille de 16 ans, qui fait face à une situation difficile : à la mort de sa mère, Inga doit prendre en charge son petit frère et sa petite sœur. Inga erre, accompagnée de deux enfants, depuis la maison de son petit ami vers celle de sa tante. Progressivement, elle devient une véritable mère pour les enfants. Pour ces sacrifices, elle reçoit une récompense inhabituelle.

DEUX PAS EN ARRIÈRE… (Dwa kroki za…) – Un film de Paulina Majda – 2010 – 8min. – Béta Num – VOSTF

C’est l’histoire d’une famille de paysans où se succèdent séparations, retrouvailles et adieux. Réalisé à partir de motifs découpés et d’une riche bande-son, ce court-métrage d’animation fait référence au problème de l’émigration des Polonais et tente de répondre à la question : Pourquoi ? Qu’est-ce qui pousse les citoyens à quitter leur maison, leur rue, leur espace, leur pays ?

JOUE AVEC MOI (Zagraj ze mną) – Un film de Rafał Skalski – 2010 – 30min. – Béta Num – VOSTF

Hania et Paweł, un couple récemment marié, traversent leur première crise. Incapable de trouver des moyens d’apaisement, chacun s’enferme dans son propre monde. Hania se captive pour un jeu vidéo où elle crée le personnage de Lucjan, l’homme parfait. Brusquement, un jour, Lucjan devient réel et s’installe dans l’appartement du couple. Une situation qui ouvre le film sur une exploration des rêves les plus personnels.

Infos pratiques

Reflet Médicis : 3, rue Champollion, 75005 Paris

Le site du festival : www.kinopolska.fr

The Order Electrus et Metalosis Maligna de Floris Kaayk

« The Order Electrus » et « Metalosis Maligna », respectivement sortis en 2005 et 2006, sont deux faux documentaires de sept minutes, qui s’intéressent aux dérives liées aux progrès technologiques du monde moderne. Au travers de ces deux œuvres courtes, le réalisateur néerlandais Floris Kaayk propose un univers unique, reposant sur le mélange habile d’effets spéciaux et d’images réelles, au service de récits d’anticipation remplis d’humour noir et d’imaginaire fantastique.

The Order Electrus

« The Order Electrus » se présente comme un documentaire animalier qui suit la naissance et la survie d’insectes dans des friches industrielles abandonnées en Allemagne. Cependant, il s’agit d’insectes bien particuliers, puisqu’ils sont constitués de pièces d’appareils électroniques obsolètes. Nous voyons ainsi évoluer à l’écran d’anciennes puces et diodes qui se sont adaptées à leur habitat naturel et ont muté vers une nouvelle forme de vie alliant mécanique et vie naturelle.

Détournant les scènes clés du documentaire animalier, Floris Kaayk donne un ton amusant et humoristique à son film, notamment lors d’un accouplement aux multiples « étincelles », ou encore lors d’une scène décrivant une colonie d’insectes-robots travaillant d’arrache-pied pour la construction de leur nid, ou enfin lors d’une attaque de prédateur sous la forme d’un raccordement électrique se fondant dans le paysage par mimétisme.

Le film se termine sur la présentation du fameux nid, sorte de ruche tout en métal, sur lequel les insectes doivent retirer l’eau minutieusement, car c’est une source de rouille. Il est d’ailleurs intéressant de noter l’utilisation de l’eau à l’inverse de la symbolique de vie intrinsèque qui, usuellement, en émane. La voix du narrateur se fait alors plus lyrique, la musique plus enlevée, on nous promet l’arrivée d’un nouveau monde « magique » appelé à se reproduire partout, un nouvel ordre électrique : « The Order Electrus ».

Avec cette première œuvre, Floris Kaayk développe un style particulier, mêlant la rigueur scientifique de la forme documentaire à l’imagerie fantastique des récits d’anticipation, appuyé par une utilisation parcimonieuse d’effets visuels 3D. Ce style va trouver son essor dans son deuxième film, plus abouti : « Metalosis Maligna ».

Metalosis Maligna

Adoptant la forme du documentaire médical, « Metalosis Maligna » part du principe que la population actuelle vivant plus longtemps, le corps a besoin d’être aidé biologiquement par des implants métalliques. Seulement, il arrive que des bactéries infectent ces implants et propagent une maladie grave qui remplace des sections entières du corps humain par des tissus métalliques : la fameuse « Metalosis Maligna ».

Le film montre l’évolution de cette maladie de la première infection non soignée qui cause des dommages intérieurs (l’implant étant touché par la bactérie, il se transforme et grandit), jusqu’à la disparition entière de parties du corps (des rougeurs et irritations apparaissent au niveau de la peau, là où il y a des implants ; ces derniers traversent alors la peau, deviennent extérieurs au corps et se substituent aux organes).

S’appuyant sur diverses figures visuelles et formelles crédibles comme une voix off féminine, informative et didactique, les interviews d’un docteur qui étudie la maladie et cherche à la comprendre, divers schémas, radios et mises en situation avec des patients malades, d’une grande précision scientifique, Floris Kaayk réussit à nous faire douter du côté fictionnel de l’histoire.

Un véritable tour de force dû en partie à la crédibilité des effets spéciaux qui se mettent au service du récit dans des scènes d’anthologie, comme la visite médicale du patient au docteur au cours de laquelle ce dernier lui demande d’émettre un son humain, ce que le visage composé de tubes métalliques devant lui, n’arrive pas à faire ; ou encore, cette expérience menée sur un petit rongeur dont la propre tête a été remplacée par un amalgame de fer.

Raconté avec beaucoup d’humour, « Metalosis Maligna » est un film inventif et habile, qui nous interpelle et dérange par son contenu visuel cru, rendu crédible par des effets spéciaux très soignés. Avec ce deuxième film, l’animateur néerlandais affine sa réalisation et nous procure bien des réflexions une fois le générique terminé.

Voilà deux œuvres hybrides, similaires thématiquement et dans leur approche visuelle, qui sont annonciatrices de l’éclosion d’un univers à part dans le monde de l’animation.

Julien Savès

Article associé : l’interview de Floris Kaayk

Floris Kaayk, Prix Format Court au Festival Paris Courts Devant 2011

Jeune animateur néerlandais fasciné par les problèmes liés aux avancées technologiques, Floris Kaayk a reçu le prix Format Court de la meilleure première oeuvre de fiction pour « The Origin Of Creatures » au Festival Paris Courts Devant 2011. Au détour de ce focus que nous lui consacrons, retrouvez un univers particulier, rempli de récits d’anticipation, de créatures technologiques, fruits de mutations environnementales, et de figures rhéthoriques au service de visions futuristes, pour le moins fascinantes.

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Retrouvez dans ce Focus :

La critique de « The Origin of Creatures »

L’interview de Floris Kaayk

Le reportage sur « The Order Electrus » et « Metalosis Maligna », les deux premiers films de Floris Kaayk

Format Court @ L’Entrepôt

Le mercredi 21 décembre, à l’issue d’une semaine d’exposition de films en ligne sur notre site (« La Semaine la plus courte »), Format Court organise sa première projection à Paris, au cinéma L’Entrepôt (14ème) à l’occasion du Jour le plus court. L’occasion de découvrir des films de qualité français comme étrangers ainsi que les films primés par Format Court en festivals.

Films programmés

La bouche cousue de Catherine Buffat et Jean-Luc Greco, Animation, 3’20 », France, 1998

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Un personnage au regard triste et « perdu » monte dans un bus avec une pizza dans les mains.

Tussilago de Jonas Odell, Animation, 15′, Suède. Prix Format Court à Anima 2011 (Bruxelles)

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Le terroriste ouest-berlinois Norbert Kröcher fut arrêté à Stockholm le 31 mars 1997. Il était à la tête d’un groupe qui avait pour projet de kidnapper la politicienne suédoise Anna-Greta leijon. Un certain nombre de suspects furent arrêtés, dont l’ex-petite amie de Kröcher, « A ». Voici son histoire.

I love you more de Sam Taylor-Wood, Fiction, 15′, Royaume-Uni, 2008

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Londres, été 1978. Giorgia est assise en cours de géographie et couvre son cahier de graffitis. Assis non loin d’elle, Pierre lui lance des regards que Giorgia feint d’ignorer. L’été 78 c’est aussi celui de la sortie du single ‘Love You More’ des Buzzcocks…

Suiker de Jeroen Annokkee, Fiction, 7’35 », Pays-Bas, 2010

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Klaasje, la voisine de Bert, sonne à sa porte, légèrement vêtue, pour lui emprunter un pot de sucre. Elle échappe le pot, ils se penchent en même temps pour le rattraper et se cognent la tête : Klaasje dégringole les escaliers.

Danny Boy de Marek Skrobecki, Animation, 9’58 », Suisse, Pologne, 2010 : Métrange du Format Court à Court Métrange (Rennes)

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Un jeune poète tombe amoureux dans un monde qui semble perdu. Une ville qui attend un drame dominant. Un temps de tristesse, un temps de décisions. Il y a de la lumière, il y a de l’espoir, il y a de la poésie derrière les nuages obscurs.

The Origin of Creatures de Floris Kaayk, Animation, 11’45 », Pays-Bas, 2010 :  Prix du Meilleur Premier Film à Paris Courts Devant (Paris)

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Dans les ténèbres d’un monde post-apocalyptique, des membres mutants font une tentative de reconstruction, mais par manque de communication, leur tâche est vouée à l’échec.

Vivre avec même si c’est dur de Pauline Pinson, Magali Le Huche et Marion Puech, Animation, 07’30 », France, 2004

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Une parodie d’émission de téléréalité nous présente une dizaine de petits reportages qui racontent les difficultés de l’existence d’animaux aux complexes drôles et absurdes.

Music For One Apartment And Six Drummers d’Ola Simonsson et Johannes Starjne Nilsson, 10′, Suède, 2002

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Six musiciens profitent du départ d’un couple de personnes âgées pour investir leur appartement et donner à partir de simples objets, un concert.

La France qui se lève tôt de Hugo Chesnard, Fiction, 22′, France, 2009

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Comme un nègre tu travailles dur, Paies nos impôts notre futur ! Cotises aussi pour nos retraites, Mais des papiers pour un métèques ?

Viejo Pascuero (Une petite histoire de noël) de Jean-Baptiste Huber, Fiction, 3′, France, 1993

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Au lendemain des fêtes de Noël, un gamin des bidonvilles de Santiago écrit au Père Noël pour se plaindre des cadeaux qu’il a reçus.

I Know You Can Hear Me de Miguel Fonseca, Expérimental, 4′, Expérimental, Portugal, 2011: Prix du meilleur film OVNI à Média 10-10 (Namur)

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Un film sur l’amour à l’intérieur d’un film sur la guerre.

Infos pratiques

Date : Mercredi 21 décembre 2011

Heure : 21h : Scène ouverte – 21h30 : Projection

Lieu : Cinéma L’Entrepôt

Adresse : 7/9 rue Francis de Pressensé, 75014 Paris – M° Pernety

Entrée libre dans la limite des places disponibles

Infos et réservation : info@formatcourt.com

Evénement Facebook consacré à cet événement : par ici !

Rêves et désillusions européennes

Au moment où se déroule ailleurs les Rencontres Henri Langlois spécialisées dans les films d’étudiants, notre dernier sujet sur Brest sort avec un petit retard et une nette priorité pour les premières et secondes oeuvres. En lien avec les écoles de cinéma, les programmations d’autres festivals et les auteurs déjà repérés précédemment, le festival a eu la qualité de nous dérouter par le passé avec des films tels que “Hostmannen” et « Moja biedna glowa » (Ma pauvre tête). Cette année, il n’y avait guère que “J’aurais voulu être un pute” (moyen), “Vahetus” (passable), “Le Vivier” (intriguant), “Suiker” (drôle) et « Casus Belli » (magistral) qui nous apparaissaient comme familiers et non inédits parmi les 41 films en compétition européenne. Pour clore ce dossier spécial sur Brest, quelques films de qualité manquaient à l’appel. Les voici, tous sous l’emprise du rêve et de la désillusion.

Apele Tac (La rivière silencieuse) d’Anca Miruna Lazarescu (Roumanie, Allemagne)

Ce film réalisé en Allemagne par une jeune femme d’origine roumaine glane pas mal de sélections et de prix depuis sa sortie d’école. Grand Prix à Brest, il suit le destin de Gregor et Vali marqués par l’envie de quitter leur Roumanie dure, vide et sans espoir, un certain jour de 1986. Ce désir d’immigrer n’est pas si simple : les contrôles sont réguliers et les sanctions sont lourdes (franchir illégalement la frontière équivaut à 3 ans d’emprisonnement, être pris dans le Danube en vaut 10). Les deux hommes ont besoin l’un de l’autre pour passer de l’autre coté de la frontière et laisser l’enfer derrière eux malgré les risques encourus. Sauf que le jour où ils prennent la route, les choses se passent bien différemment que ce qu’ils auraient pu imaginer.

“Je t’aide et tu m’aides. Après, c’est chacun pour soi”. Film sur la confrontation, l’espoir et la solidarité, “Apele Tac” est bel et bien un nouveau film déroutant venant s’ajouter à notre liste précitée. Totalement maîtrisé, il filme de nuit comme de jour, sur la route comme dans l’eau, une situation absolument prenante et une réalité totalement angoissante. Face à une cicatrice mal fermée, à une faute de frappe sur un permis de travail, à un passager clandestin, à un mauvais filet de pêche et aux dernières minutes, la tension provoquée par le film est permanente et grandissante. « Apele Tac » nous rend muets, démunis, désemparés. Il va de soi qu’on s’en souviendra et qu’on le défendra.

Lel Chamel (Vers le nord) de Youssef Chebbi (Tunisie, France)

Proche thématiquement d’”Apele Tac”, “Lel Chamel” est un premier film portant sur la traversée de passagers clandestins entre la Tunisie et l’Europe. Loin de se passer dans les années 80, il relate une histoire contemporaine et clandestine tournant mal, filmée elle aussi dans l’obscurité et l’isolement naturel.

Mehdi, le personnage principal, gagne sa vie en faisant passer clandestinement des groupes de pesonnes en mal d’ailleurs et de vie meilleure vers une Europe belle et différente. Ces temps-ci, il travaille avec la mafia albanaise et les cargaisons humaines dont il s’occupe n’arrivent pas à destination, terminant leur périple chez des traficants d’organes. Aujourd’hui, est un jour particulier : Mehdi découvre que son petit frère Mouja a embarqué pour un voyage sans retour. Chacun voit les choses différemment : pour Mouja, la mort, c’est rester. Pour Medhi, la mort, c’est partir.

“T’es amoureux de la misère ou quoi ?”. “Lel Chamel” est un film sur les idéaux déchus, la divergence d’esprit et la peur qui mérite réellement ses deux mentions spéciales (révélation et photo) obtenues à Brest. Forcément, au vu de son synopsis, ce premier court métrage professionnel n’est pas une histoire légère, simple et anecdotique. Le film met mal à l’aise, retient l’attention, fait basculer son titre vers les bons films de l’année, notamment pour son image (signée Amine Messadi) : le film s’ouvre sur des photographies, et vers la fin, lorsque le piège mortel est dévoilé, un nouveau découpage accompagne la fuite des personnages dans la nuit obscure. Une course saccadée, traversée par les ombres, les taches humaines et les coups de revolver offre une palette tout en contrastes à ce film sur l’aveuglement humain.

Salvatore de Fabrizio et Bruno Urso (Italie)

“Salvatore”, c’est le titre du deuxième film des frères Urso. C’est aussi le prénom que Alfio et Maria, les personnages de leur histoire souhaitent donner à leur enfant à venir. Seulement, en Sicile où ils vivent et survivent, les douceurs et les rêves ne sont pas nombreux tant la précarité et le chômage sont omniprésents. Le jour où Maria confie à une collègue de l’usine où elle travaille qu’elle attend un enfant, l’angoisse liée à son avenir professionnel se met à poindre. Alfio décide alors de prendre les choses en main et de s’en sortir pour trois en vendant du poisson en ville.

“Mais pourquoi tu lui as dit que tu étais enceinte ?”. Lauréat lui aussi d’une mention spéciale (il y en a beaucoup à Brest), “Salavatore” parle d’idéaux, d’altérité hypothétique, de faiblesse, de quête du salut et de petits arrangements avec le quotidien. Aucun film de la sélection ne fonctionne aussi bien que celui-ci dans l’interprétation de ses comédiens : Adele Tirante et Ture Magro sont pour le moins bluffants en Alfio et Maria, deux Siciliens désabusés mais amoureux, qui se raccrochent l’un à l’autre pour éviter de sombrer. Leurs silences, leurs regards, leurs cheveux épars, leur fragilité aussi apportent beaucoup à « Salvatore ».

El pibe de oro d’Aymeric Messari (France)

“Le gamin en or”, le surnom donné à Diego Maradona, est lié à ce film, imparfait mais interpellant dans son ton et son message qui relate le retour d’un ex-enfant prodige de la balle dans sa ville natale. Si Wahid a un jour réussi, aujourd’hui, il n’a plus rien, raison pour laquelle il revient parmi les siens. Seulement, son départ a eu lieu il y a longtemps et son retour réveille de vieilles rancoeurs mal éteintes chez sa mère et ses anciens amis du foot, Jeg en particulier. Remballé de tous, Wahid ne fait pas grand chose pour retisser les liens avec ses proches, en choisissant de leur asséner des vérités qu’ils ne veulent pas entendre.

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Malgré certains manques de clarté et quelques redondances dans son scénario, ce film fait partie des titres intéressants vus au festival de Brest. Il ne joue pas la carte d’un émotionnel charmant mais peut-être un peu facile, comme “Einstein était un réfugié” ou d’une vision d’horreur complètement stressante, comme “3 hours”. Il traite d’un sujet simple pour le moins original en parlant d’exclusion, de rêves trop grands, de frustrations, de cécité face au réel, de pelouses foulées et de réussite refoulée. La banlieue, les désirs de gamins, les jours de matches, la mise sauvée pour un Coca, le-Dieu-le-Foot, la retenue de jeu de Jérémie Bénoliel (Jeg), toutes ces choses sont captées de façon précieuse par Aymeric Messari dont « El Pibe de oro » est le tout premier film.

Katia Bayer

Nouveau Prix Format Court au Festival de Vendôme

A l’occasion du 20e Festival du Film de Vendôme qui s’est ouvert hier soir et qui se clôturera le 9 décembre 2011, Format Court décernera le Prix Format Court du Meilleur Film de la Compétition Nationale.

Le jury sera composé de Franck Unimon, Isabelle Mayor et Camille Monin. Ils verront pas moins de 20 courts-métrages produits en France et remettront le Prix Format Court lors de la Cérémonie de clôture le vendredi 9 décembre. Le film gagnant bénéficiera d’un focus spécialisé consacré à son auteur, ainsi que d’une projection en salle de cinéma à Bruxelles et/ou à Paris.

Les films sélectionnés en compétition nationale

Les larmes – Laurent Larivière – 2010 / fiction / 26 minutes

Une île – Anne Alix – 2011 / fiction / 59 minutes

Cross – Maryna Vroda – 2011 / fiction / 15 minutes

Sous la lame de l’épée – Hélier Cisterne – 2011 / fiction / 13 minutes

La maladie blanche – Christelle Lheureux – 2011 / documentaire / 42 minutes

Parmi nous – Clément Cogitore – 2011 / fiction / 30 minutes

Tania – Giovanni Sportiello – 2011 / fiction / 20 minutes

Petite pute – Claudine Natkin – 2011 / fiction / 27 minutes

Odéon dancing – Kathy Sebbah – 2011 / documentaire / 24 minutes

Le Marin masqué – Sophie Letourneur – 2011 / fiction / 35 minutes

Et ils gravirent la montagne – Jean-Sébastien Chauvin – 2011 / fiction / 33 minutes

Le commissaire Perdrix ne fait pas le voyage pour rien – Erwan Le Duc – 2011 / fiction / 27 minutes

Un monde sans femmes – Guillaume Brac – 2011 / fiction / 57 minutes

Planet Z – Momoko Seto – 2011 / animation / 9 minutes

La mystérieuse disparition de Robert Ebb – FX Goby, Matthieu Landour et Clément Bolla – 2011 / fiction / 13 minutes

Sylvain Rivière – Guillaume Bureau – 2011 / fiction / 22 minutes

Tempête dans une chambre à coucher – Laurence Arcadias et Juliette Marchand – 2011 / animation / 11 minutes

Courir – Maud Alpi – 2011 / fiction / 35 minutes

Les pseudonymes – Nicolas Engel 2011 / fiction / 33 minutes

Là où meurent les chiens – Svetlana Filippova –  2011 / animation / 12 minutes

Baby de Daniel Mulloy

Après « Sister » (2004), « Dad » (2006), « Son » (2007), voici « Baby », le dernier-né de Daniel Mulloy (elle était facile). Le réalisateur multi-récompensé est revenu cette année glaner des prix un peu partout en festivals dont la mention spéciale du jury à Brest le mois dernier.

« Baby » marque surtout la première collaboration entre Mulloy et l’actrice Arta Dobroshi, la Lorna des frères Dardenne, ici tout simplement méconnaissable. Le cinéaste anglais et l’actrice originaire du Kosovo ont tourné un court métrage supplémentaire ensemble depuis et ont également déjà deux longs métrages en préparation. Mulloy semble bel et bien avoir trouvé sa muse en la personne de cette actrice originaire du Kosovo qui porte le film de bout en bout.

« Baby » est urbain, nocturne et filmé quasiment en temps réel, l’unité de temps étant un élément clé dans chacun des films de Mulloy. On suit ici une jeune femme sur son trajet de retour chez elle. A l’arrêt de bus elle est témoin d’un vol de portable et dénonce l’acte en train de se faire devant les délinquants en question, prise de position courageuse qui pose dès le début du film les contours d’un personnage fort et singulier.

Un des initiateurs du vol monte dans le bus avec elle et tente de façon appuyée de créer le contact et de la séduire, sans succès. La tension qui en découle est quasiment palpable ; Mulloy, caméra à l’épaule, filme ses acteurs au plus près et s’attache à décrire la gêne, la peur mais aussi le désir qui naît de cette confrontation. L’attention qu’il porte aux détails, des gestes et des regards est exemplaire.
Contre toute attente, la jeune femme laisse le garçon la suivre chez elle sans qu’un mot ne soit échangé entre eux. Leur corps à corps, maladroit et laborieux, ne durera pas, la jeune femme décidant soudainement de renvoyer l’intrus qu’elle avait elle-même mené jusqu’à sa chambre.

On pourra regretter que « Baby » finisse sur une révélation – que nous ne dévoilerons pas ici – qui rapproche la fin d’une chute. Mais le talent évident et la maîtrise visuelle de Daniel Mulloy laisse présager d’un bel avenir pour l’auteur qui prépare son passage au long. Dans le paysage du court métrage, rares en effet sont les cinéastes qui construisent une œuvre aussi cohérente et constante en termes de qualité que celle de Mulloy.

Amaury Augé

Consultez la fiche technique du film

B comme Baby

Fiche technique

Synopsis : Une jeune femme intervient pour aider une autre femme qui se fait agresser par un groupe d’hommes. À la suite de quoi, l’un d’entre eux refuse de la laisser tranquille.

Genre : Fiction

Durée : 25 min

Pays : Royaume-Uni

Année : 2011

Réalisation : Daniel Mulloy

Scénario : Daniel Mulloy

Image : Lol Crawley

Montage : Dan Robinson

Interprétation : Arta Dobroshi, Daniel Kaluuya, Etela Pardo, Joseph Atlin, Aymen Hamdouchi

Production : Sisters Films

Article associé : la critique du film