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Santiago Bou Grasso : « Le stop-motion crée un lien avec le temps qui s’arrête »

Avec plus de 180 prix internationaux pour ses cinq courts métrages depuis « Il Pàjaro y el Hombre » en 2005 jusqu’à son récent « Padre », l’Argentin Santiago Bou Grasso est attendu régulièrement par les habitués de festivals pour ses techniques sans cesse renouvelées et sa liberté de ton. Accompagné de son co-scénariste, Patricio Plaza, il revient sur « Padre », un film en stop-motion où des marionnettes montrent le quotidien d’une fille s’occupant de son père dans la période qui suit tout juste la fin de la dernière dictature en Argentine.

Santiago Bou Grasso foto

Comment vous est venue l’idée de « Padre »?

Santiago Bou Grasso : L’idée est venue de la nécessité de parler de la dernière dictature en Argentine. Et comme à chaque fois depuis mon deuxième film, nous essayons d’inscrire notre démarche narrative dans une recherche esthétique. « El empleo », mon précédent film, parlait du système économique dans le monde et dans ce cas ici, « Padre » traite de l’histoire de l’Argentine.

Patricio Plaza : Le but du film n’était pas de montrer le point de vue des victimes de la dictature pendant les années 1970 mais de montrer l’autre coté, dans le camp des tortionnaires. Dans ce cas précis, ce n’est d’ailleurs même pas exactement le point de vue du tortionnaire ou d’un homme qui a commis des crimes pendant la dictature mais celui de sa fille qui s’occupe de lui. Par le biais du personnage de la fille, on voulait parler de la coupure d’une partie de la population qui ne voulait pas savoir et en quelque sorte qui préférait nier ce qui se passait d’horrible au milieu de leur vie de tous les jours.

C’est un film qui traite du déni de la classe moyenne qui n’était pas politisée. Cette classe moyenne a souvent décidé de ne pas intervenir, de laisser faire. Ce fut une coopération passive.

Pour résumer, l’idée du film était de montrer en animation ce problème en Argentine, à cette époque. C’est ce qui nous a intéressés et c’est assez rare comme thème.

SBG : Nous nous sommes dits qu’il n’y avait aucun film décrivant cette large part de la population, passive face aux événements. Le but n’est pas de stigmatiser, mais de conserver une trace.

À propos du point de vue, pourriez-vous m’expliquer votre choix des marionnettes, très différent de la technique utilisée dans « El Empleo », votre précédent film?

SBG : La stop-motion en marionnettes a été très importante pour moi afin d’expérimenter ma narration. J’ai particulièrement beaucoup aimé jouer avec son impression de réalisme afin de créer un trouble chez le spectateur par rapport au temps qui passe.

PP : C’est plus un point de vue philosophique, c’est un film à propos du temps. Le temps du film est fermé, c’est une sorte de temps circulaire. Le stop-motion fait bien ressentir le temps parce que c’est vraiment un univers reconstitué et que le film traite justement d’une réalité reconstituée. C’est celle de la fille qui s’occupe de son père malade avec une série de routines répétitives sans sortir de chez elle et tournant le dos aux atrocités, aux enlèvements, aux meurtres qui se déroulent à l’extérieur. Ce genre de situation a existé dans la réalité. Le stop-motion crée un lien avec le temps qui s’arrête.

SBG : C’est drôle car beaucoup de gens s’attendaient à voir l’inverse, un film visuellement déconnecté de la réalité avec une temporalité dynamique, une sorte de suite à « El empleo », mon précédent film. Il devient difficile de sortir d’une technique quand on a connu un succès avec elle.

PP : Le but était de véritablement choisir une technique qui mette en valeur l’histoire et non d’affirmer un style personnel marqué.

SBG : Faire de la stop-motion fut un challenge pour moi. J’avais fait un premier court métrage, « Hola » avec cette technique. C’est un procédé particulièrement long à mettre en place.

Dans le film, une horloge marque le temps de manière aléatoire, menaçant d’un moment à l’autre de s’arrêter ou de redémarrer. Y a-t-il également un sens politique derrière cet élément ?

SBG : Oui, c’est effectivement une métaphore de l’attente du réveil d’une léthargie, celle de la démocratie.

PP : Les Argentins ont malheureusement connu de nombreuses « extinctions » de leurs droits au cours de l’histoire de leur pays. Nous avons eu à plusieurs reprises de courtes périodes de démocraties entre deux dictatures. Ainsi, la menace de l’horloge reprend la menace de la reprise de la dictature.

SBG : C’est également une métaphore de la classe moyenne argentine qui répète ses mêmes erreurs dans sa passivité face à la situation. Il s’agit d’une relation de va-et-vient entre un oppresseur et un opprimé que je souhaitais faire figurer avec cette horloge menaçante.

Pourquoi avoir choisi l’année 1983 que l’on voit au début du film, puis rappelée par un calendrier ?

SBG :  Car lors de cette année, l’Argentine est revenue à la démocratie.

PP : Et aussi, parce que nous faisons partie de la génération suivante. Je suis né en 1983, nous avons grandi avec tout ce passé qui est emblématique pour nous. C’est un repère pour nos parents.

SBG : On est allés à l’école dans une démocratie mais tous ces problèmes et ces non-dits liés à la dictature rejaillissaient sur nous.

PP : Il y a eu une grave crise économique à la fin des années 1980, suite aux 30 ans de dictature. En 2001, ce même système politique et économique s’est à nouveau bloqué. Nous avons fait ce film également car les séquelles de la dictature sont encore très présentes en Argentine.

SBG : Malgré cela, il y a une forte conscience des droits de l’homme en Argentine et c’est l’un des seuls pays d’Amérique du Sud à faire autant de procès à ses anciens dirigeants, surtout depuis 2003.

PP : Il y a également une plus grande liberté d’expression nous permettant de sortir ce genre de film.

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Vous avez évoqué le point de vue original de votre film par rapport à d’autres films argentins sur la même période de dictature au début des années 1980. Avez-vous été influencés par d’autres films en prise de vue réelle ou en animation ?

SBG : Pas véritablement, je voulais prendre de la distance par rapport à d’autres films sur la même période. Je voulais surtout montrer un huis-clos pesant, avec une menace justement ambiguë. Je me suis plus inspiré des classiques d’Alfred Hitchcock, « Les Oiseaux », « Psychose », « Fenêtre sur cour » parce qu’au-delà du contexte politique, c’est la psychologie des personnages qui m’intéresse.

PP : Le but recherché, c’est que, si vous ne connaissez pas le contexte argentin, vous pouvez quand même en tant que spectateur appréhender la relation entre le père et la fille.

SBG : Et si vous, en tant que spectateur, savez ce qui s’est passé en Argentine, vous retrouverez dans le film des éléments qui participeront au contexte. Je trouve qu’Hitchcock est particulièrement doué pour cela, il suggère toujours le contexte mais conserve l’intelligibilté de son histoire. J’ai donc essayé de faire la même chose.

PP : À l’écriture du film, j’ai également pensé à « L’ange exterminateur » de Luis Buñuel, qui est un film dans lequel les personnages sont piégés dans un lieu à l’extérieur duquel une menace indicible les attend.

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Est-ce que vous pourriez m’en dire plus sur le sound-design particulièrement présent et qui participe vraiment au sentiment de malaise du film ?

SBG : Nous avions envie de faire quelque chose de très réaliste et nous avons travaillé les bruitages avec beaucoup de soin. Le son, comme sur « El empleo », me sert de repère et équilibre mon travail une fois l’animation faite. On a ajouté l’ambiance ensuite, plutôt discrète au début, puis de plus en plus présente.

Votre prochain film sera-t-il aussi politique que les deux précédents, « El empleo » et « Padre » ?

SBG : Non, ce sera un film drôle, histoire de relâcher un peu la pression. Je l’ai fait rapidement, au contraire de « Padre » dont l’élaboration m’a pris trois ans. Ce sera un film un peu existentialiste. Cependant, le poids de la politique ne me dérange pas et je pense refaire un jour un projet s’en inspirant.

Propos recueillis par Georges Coste

« Onder ons » de Guido Hendrikx, Prix Format Court au Festival Go Short !

La 7ème édition du festival Go Short s’est achevée hier à Nijmegen, aux Pays-Bas. Format Court, présent au festival, y a attribué pour la première fois un prix au sein de la compétition néerlandaise. Parmi les 18 films sélectionnés, notre jury (Katia Bayer, Marie Bergeret, Adi Chesson, Agathe Demmanneville, Zoé Libault) a choisi de récompenser  « Onder Ons » de Guido Hendrikx, un film d’école d’une grande maturité, abordant avec originalité et respect un sujet sensible et tabou. Le film interroge le spectateur et dépasse le simple jugement en explorant en profondeur les dimensions psychologiques liées à une certaine déviance sexuelle. Le film a également séduit notre jury pour sa forme innovante et son récit sobre porté par les voix de ses sujets sans visages.

« Onder Ons » de Guido Hendrikx (Documentaire, expérimental, 24′, 2015, Pays-Bas, Nederlandse Filmacademie)

Synopsis : Trois pédophiles complexés et instruits nous livrent un récit impitoyable de leurs expériences. Comment assumer une orientation sexuelle jugée morbide par toute la société, y compris par soi-même ?

« Onder Ons » fera l’objet d’un focus spécial en ligne, sera programmé le jeudi 14 mai lors de la prochaine séance Format Court au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution.

Guido Hendrikx, absent à la remise des prix, a adressé au festival une petite vidéo de remerciement pour notre prix. Visionnez-la !

Nieuw d’Eefje Blankevoort

« Nieuw », documentaire de Eefje Blankevoort en compétition nationale au festival hollandais Go Short, suit Tanans lors de son arrivée aux Pays-Bas. Ce petit garçon congolais de huit ans a vécu dans un refuge en Ouganda avec sa famille et a été choisi par un programme d’entraide mis en place par l’UNHCR (Agence des Nations Unies pour les réfugiés) pour être accueilli aux Pays-Bas.

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Le film le suit lors de son arrivée dans le pays, de son installation dans sa nouvelle maison, à la rentrée scolaire, à sa découverte des centres commerciaux et de la ville et à ses premiers contacts avec les autres enfants.

Pourtant très proche de Tanans et des autres, la caméra sait se faire oublier, laissant ainsi les enfants évoluer naturellement. Le dispositif très simple de la caméra à l’épaule fluide suivant les personnages plonge le spectateur au cœur du film et lui fait ressentir une empathie forte pour Tanans auquel il s’identifie. Les gros plans sur son visage, notamment sur ses yeux ainsi que quelques uns de ses commentaires rajoutés en voix-off permettent au spectateur de comprendre ce qu’il ressent. Petit garçon très expressif, il est tantôt émerveillé tantôt incompréhensif et dévoile ses réactions spontanées face à tant de nouveautés.

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L’attachement du spectateur à ce personnage touchant le fait passer du sourire aux larmes. Les réflexions innocentes et naïves de Tanans amusent (« J’ai cru qu’ils [les européens] utilisaient de la peinture pour se peindre en blanc ») mais le témoignage qu’il révèle sur sa famille émeut. Il raconte à une camarade qu’il a été élevé par sa tante dans un refuge suite à la mort de ses parents, dont il ne connaît même pas la raison.

À partir de cette histoire individuelle, la réalisatrice dresse un portrait de l’enfance tout à son avantage. Autour de Tanans, les enfants sont bienveillants. Ils s’attachent à lui et sont prêts à l’aider à s’intégrer malgré leurs incompréhensions linguistiques. Ils jouent au foot avec lui, lui apprennent à faire du vélo… Tanans se lie principalement d’amitié avec une petite fille de son âge à qui il peut parler de sa vie d’avant et se confier.

« Nieuw » est un film humble, sans artifice. Il témoigne de la bonté spontanée qu’ont les enfants envers autrui et d’une certaine forme de solidarité qui peut encore exister entre les hommes. Le message positif du film, redonnant foi en l’humanité, ne peut que marquer les esprits.

Zoé Libault

Consultez la fiche technique du film

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Fiche technique

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Synopsis : Tonans, jeune congolais de huit ans, vient d’arriver aux Pays-Bas. Il va faire sa première rentrée dans une école qu’il ne connaît pas et dans un pays dont il ne parle pas la langue.

Genre : Documentaire

Durée : 19’14

Pays : Pays-Bas

Année : 2014

Réalisation et scénario : Eefje Blankevoort

Image : Ton Peters

Montage : Tim Rozier

Production : JVDW Films

Article associé : la critique du film

Rappel. Soirée Format Court, Spéciale Arte, ce jeudi soir !

Ce jeudi 9 avril, à 20h30, Format Court accueille Arte pour une séance spéciale consacrée à la création et la diffusion des films d’écoles et des premiers films. Ce soir-là, cinq courts-métrages français et belges soutenus par Arte, seront projetés, en présence de Hélène Vayssières, responsable des courts à Arte France, Peter Dourountzis, réalisateur, Paul Hamy, comédien (« Errance »), Nora Burlet, réalisatrice (« Julia »), Anaïs la Berre et Lucille Prin, réalisatrices (« La route du bout du monde »). Soyez au rendez-vous !

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En pratique

– Jeudi 12 avril 2015, à 20h30. Accueil : 20h
– Durée de la séance : 83’
– Infos (programmation, synopsis, trailers, …) : ici !
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Nouveau Prix Format Court au Festival IndieLisboa (Portugal) !

La 12ème édition du festival IndieLisboa, une manifestation indépendante de renommée internationale, aura lieu du 23 avril au 3 mai à Lisbonne. Format Court y attribuera pour la première fois un prix au sein de la section « Silvestre », un nouveau programme regroupant des films à part et inattendus réalisés par de jeunes auteurs comme des cinéastes établis. Il s’agit du troisième prix remis par notre revue à l’étranger, après le Festival du Nouveau Cinéma à Montréal et Go Short à Nijmegen ayant lieu ce mois-ci aux Pays-Bas. Pour l’occasion, le jury Format Court (Katia Bayer, Marie Bergeret, Paola Casamarta, Adi Chesson, Lola L’Hermite, Zoé Libault) évaluera les 33 films sélectionnés.

Le court-métrage primé bénéficiera d’un focus spécial en ligne, sera programmé lors d’une prochaine séance Format Court organisée au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et bénéficiera d’un DCP doté par le laboratoire numérique Média Solution.

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Silvestre Shorts

8 Balles – Frank Ternier – France
San Siro – Yuri Ancarani – Italie
Me and My Moulton – Torill Kove – Canada
Cinza – Micael Espinha – Portugal
Notre Dame des Hormones – Bertrand Mandico – France
Headlands Lookout – Nick Jordan, Jacob Cartwright – Grande-Bretagne
Salers  – Fernando Dominguez – Argentine
La légende doréeOlivier Smolders – Belgique, France
Exuviae – Emmmanuel Lantam – France
Take What You Can Carry – Matthew Porterfield – Etats-Unis, Allemagne
Tempête sur anorak – Paul Cabon – France
Le rêve de Baily – Nicolas Boone – France, Chine
Dans la joie et la bonne humeur – Jeanne Boukraa – Belgique
The Mad Half Hour – Leonardo Brzezicki – Danemark, Argentine
In Waking Hours – Sarah Vanagt, Katrien Vanagt – Belgique
I Am a Spy – Sarah Wood – Royaume-Uni
Atlantis – Ben Russell Etats-Unis, Malte
Small People With Hats – Sarina Nihei – Royaume-Uni
Ton Coeur au Hasard – Aude-Léa Rapin – France
O.T. – Markus Sherer – Autriche
No Wolf has a House – Hana Jusic – Croatie
Cantata of Grief – Pia Hellenthal – Allemagne
Ritual for a Relict – Alexander Glandien – Autriche
The Living Need Light, the Dead Need Music – The Propeller Group – Vietnam
Kacey Mottet Klein, Naissance d’un acteur, Une petite leçon de cinéma – Ursula Meier – Suisse
This is cosmos – Anton Vidokle – Allemagne
Panchrome I, II, III – T. Marie – Etats-Unis
Calamity qui ? – Isabelle Prim – France, Canada
MY BBY 8L3W – Neozoon – Allemagne
Le souffleur de l’affaire – Isabelle Prim – France
Institute Above Ground – Florian Zeyfang, Lisa Schmidt-Colinet, Alexander Schmoeger – Allemagne
O Completo Estranho – Leonardo Mouramateus -Brésil
Bad at Dancing – Joanna Arnow – Etats-Unis

Le Naufragé et Un Monde sans femmes, un diptyque de Guillaume Brac

Potemkine, boutique de DVD située dans le 10ème arrondissement de Paris, est née en 2006, avec la volonté d’offrir aux spectateurs un accès à un cinéma éveillé et éclectique. Elle leur propose aussi bien des grands films de l’Histoire du cinéma que des films plus intimistes et méconnus, tout aussi grands par leur qualité. Afin de mener à bien cette mission de découverte et d’accès au cinéma, Potemkine a agrandi son secteur d’activité l’année d’après en se lançant dans l’édition DVD, puis, dans la distribution en salle en 2012. Co-édités avec Agnes b. Production depuis 2008, les films sortis en DVD reflètent autant de coups de cœur, d’exigence et d’originalité.

« Un Monde sans femmes » est sans conteste de ceux-là. Sorti en salle en 2012, le film procure une double révélation, celle de Guillaume Brac, le réalisateur et celle de Vincent Macaigne, l’acteur interprétant le personnage principal. Déjà lors de sa sortie en salle, ce moyen métrage, lauréat d’une Mention Spéciale Format Court au Festival de Vendôme 2011, était précédé d’un court métrage, « Le Naufragé », réalisé deux années auparavant par même auteur et mettant en scène le même personnage dans la même ville d’Ault.

Le trentenaire mélancolique perdu et attachant, aujourd’hui connu, que Vincent Macaigne incarne dans la plupart de ses films, est probablement né de ce diptyque. Sylvain, célibataire mollasson, vit seul dans son appartement de station balnéaire picarde. Totalement dépeuplé de toute jeunesse en dehors de la saison touristique, l’endroit où vit Sylvain ne l’aide pas à trouver l’amour, mais il y est tout de même attaché et semble se contenter d’une vie simple. Pourtant, que ce soit dans « Un Monde sans femmes » ou « Le Naufragé », le quotidien du jeune homme est perturbé par l’arrivée de voyageurs dans sa région.

Dans « Le Naufragé », Luc (Julien Lucas), un cycliste parisien bloqué au village après avoir crevé, fait la connaissance de Sylvain qui lui propose son aide. Ce dernier, non mécontent d’avoir trouvé de la compagnie mais ne partageant pas les mêmes règles sociales que le parisien, paraît un peu trop insistant. Il l’invite ainsi à passer une soirée avec lui et lui offre le gite et le couvert, ainsi que le trajet jusqu’à la gare la plus proche dans sa petite voiture bleue. Luc, froid et solitaire, ne voit pas les choses du même œil. Tout ce qui semble être pour le picard un geste d’amitié et d’entraide apparaît comme une intrusion dans la vie privée du parisien.

Dans « Un Monde sans femmes », ce sont deux femmes (Laure Calamy, la mère et Constance Rousseau, sa fille) qui s’introduisent dans la vie de Sylvain. En pleine période touristique, celles-ci s’installent dans un appartement avec vue sur la mer loué par Sylvain. Toujours bienveillant auprès du visiteur, ce dernier accompagne ces deux femmes dans leurs activités : pèche à pied, baignade, promenade au marché… La mère excentrique et la fille réservée sont à la fois proches et distantes l’une de l’autre. Elles n’ont a priori pas la même vision de l’amour et le même rapport à l’autre mais toutes deux feront chavirer à leur manière le cœur de Sylvain. Ce dernier, peu habitué au contact des femmes, ne sait pas comment s’y prendre pour les séduire et fait preuve de beaucoup de maladresse.

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Guillaume Brac, nouvelle figure du cinéma français depuis passé au long-métrage avec « Tonnerre », est un digne représentant de la descendance cinématographique d’Eric Rohmer. Tous les personnages, même les secondaires, sont bien définis et possèdent leur singularité. La place laissée à la spontanéité du jeu des acteurs renforce leur importance. Aussi, les thèmes chers à Rohmer se retrouve chez Brac : la séduction, le rapport à l’autre, l’introspection de la jeunesse,… Les longs plans larges, laissant l’action se dérouler, savent offrir la place qu’ils méritent aux décors. Le travail du chef opérateur, Tom Harari, y est pour beaucoup dans la qualité de ces images, au rendu faussement naturel. L’édition DVD de Potemkine propose par ailleurs de nombreux bonus dont une interview croisée de Guillaume Brac et de Tom Harari qui éclairent le spectateur quant à la construction d’ « Un Monde sans femmes » et du « Naufragé ». Tous deux reviennent sur leur rencontre, évoquent des anecdotes de tournage, parlent de l’équipe technique et des acteurs et expliquent les procédés artistiques utilisés pour la photographie de leurs films.

Zoé Libault

« Le Naufragé » et « Un Monde sans femmes : Ed. Potemkine : films + bonus

Retour sur les courts présentés au Festival d’Aubagne

Si le Festival d’Aubagne ne fait pas forcément partie des premiers festivals auxquels on pense lorsqu’il s’agit de courts-métrages, il est grand temps de rétablir la vérité. Avec 72 courts-métrages en compétition cette année ainsi que de nombreuses sélections parallèles hors compétition, il n’est pas peu dire que le court-métrage est largement mis à l’honneur dans la ville d’Aubagne.

Pour introduire la sélection en compétition, l’équipe du festival parle du court-métrage comme étant « un immense champ des possibles, faisant des propositions audacieuses, créatives et surprenantes ». D’un autre côté, les quatre garçons (plein d’avenir) qui constituaient le Jury court cette année, autrement dit Nicolas Cazalé (comédien), Christian Volckman (réalisateur), S.c.r.i.b.e (scénariste) et Franck Lebon (compositeur) ont noté que beaucoup de films étaient assez obscurs et austères. Comme un pied de nez à la morosité, ils ont d’ailleurs remis le Grand Prix à l’une des rares comédies de la sélection. « Discipline » de Christophe M. Saber (Suisse) montre l’emballement de tous les clients d’un supermarché suite à la claque donnée par un père à sa fille. Et malgré la noirceur de nombreux courts, les quatre membres du jury se sont mis d’accord sur le fait que la sélection proposée était de grande qualité et que le court-métrage, lieu d’expérimentation, rendait les imperfections de chaque film dignes d’intérêt.

Pour se faire un avis, nous nous sommes rendus à quelques séances du festival. Passons les films déjà évoqués ou bien qui tellement vus et connus que nous ne nous pencherons pas plus amplement dessus comme par exemple « Solo Rex » de François Bierry qui en est à plus de 15 sélections dans les plus grands festivals, tout comme « Essaie de mourir jeune » de Morgan Simon. Parmi les valeurs sûres qui plaisent aux sélectionneurs, on notera la présence du documentaire expérimental « Daphné ou la belle plante » de Sébastien Laudenbach et Sylvain Derosne, » Bye bye mélancholie » de Romain Laguna, « Journée d’appel » de Basile Doganis, « Brame » de Sophie-Charlotte Gautier et Anne Loubet ou encore les films d’animation « Man on the chair » de Dahee Jeong, « Le Sens du toucher » de Jean-Charles Mbotti Malolo, Prix Format Court au dernier Festival de Villeurbanne, et « 8 balles » de Frank Ternier. Même si on a certainement déjà – trop – vu et revu la plupart de ces courts-métrages cités ci-dessus, il faut bien avouer qu’ils ont les qualités pour faire partie de cette programmation.

Ceci étant, la sélection de courts-métrages du Festival d’Aubagne est principalement constituée de courts inédits (ou presque) en provenance des quatre coins de la planète et plus particulièrement de l’Europe, proposant une grande diversité de sujets. L’amour reste toujours un thème à la mode, au même titre que la famille ou l’amitié. Le travail également, est un sujet qui intéresse les auteurs, surtout lorsqu’il s’agit de parler de personnages qui luttent pour en avoir. La vie est loin d’être rose comme en témoignent la grande majorité de ces films, mais une lueur d’espoir règne.

Parmi les petites pépites qui ont retenu notre attention, on citera « La Nuit autour » de Benjamin Travade (France). Dans ce premier film, le réalisateur nous fait littéralement voyager. On se retrouve à sillonner le long des rues chics du 16e arrondissement de Paris puis le Bois de Boulogne et Saint-Cloud pour suivre une jeune femme en plein jour. Mais le voyage est également intérieur. La voix off de la jeune femme interprétée par la magnifique et talentueuse Erika Sainte nous entraîne complètement dans le récit de sa nuit avec ses voisins et on embarque alors pour un voyage dans notre imaginaire. Tout est d’une finesse incroyable, merveilleusement bien écrit, sans aucune vulgarité et pourtant, l’excitation est à son summum en écoutant la jeune femme raconter cette aventure. Le noir et blanc velouté du film, la voix lente et posée de la jeune femme accompagnée d’une musique jazzy rendent le film intemporel ; de la même manière qu’Erika Sainte fait penser à Anne Wiazemsky, on pourrait alors s’imaginer dans un film de Bresson ou Godard, avec un sujet finalement universel : les relations humaines, l’amour, la sensualité.

Dans la lignée des films en noir et blanc de la sélection, un autre court nous a intéressés : « 1639 Letourneux » de Dominic Lavoie-Laprise (Québec), filmé à la manière d’un polar américain des années 70 dans une voiture avec le bruit du train sifflant en arrière-plan. L’histoire est celle d’Alex et de son beau-frère Thomas qui préparent un coup, sans qu’on en devine réellement la nature, au 1639 rue Letourneux. Un sourire apparaît parfois devant ces deux bras cassés qui mêlent l’élaboration de leur coup à leurs affaires personnelles et une certaine tension monte parallèlement à leur discussion jusqu’à une chute quelque peu fantasmagorique.

Autre film plaisant, « De Smet » de Thomas Baerten et Wim Geudens (Belgique/ Pays-Bas). Trois frères s’entraident à vivre chacun une vie de célibataire aussi conforme que possible. Tous les trois sont voisins, habitant dans des maisons similaires, ayant la même voiture et portant tous les jours des chemises à carreaux. La mise en scène et la direction artistique de ce film sont maîtrisées au détail près, et si les trois frères ne sourient jamais, ils ont le don de nous faire rire. Leur quotidien est très calculé, comme par exemple les cigarettes qu’ils s’appliquent à fabriquer méthodiquement ensemble, jusqu’au jour où une femme séduisante emménage dans la maison d’en face. L’humour noir est au rendez-vous de ce film pour notre plus grand plaisir.

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Dans un style très différent, le film d’Alexis Michalik, « Au sol » (France), est très réussi. Il a d’ailleurs remporté le Prix Beaumarchais-SACD lors de cette édition du Festival d’Aubagne. Le réalisateur filme un couple et leur bébé s’apprêtant à prendre l’avion pour se rendre à Londres, à l’enterrement de la mère de la femme sauf qu’ils ont malheureusement oublié les papiers d’identité de l’enfant. Commence alors une course contre la montre pour récupérer le livret de famille et réussir à monter dans l’avion. Cela fonctionne puisque le spectateur est tenu en haleine du début à la fin de ce court. Le réalisateur, plus connu pour son travail de metteur en scène au théâtre, prouve avec ce projet qu’il maîtrise la jauge de stress cinématographique des films à suspense en semant d’embûches le parcours de cette femme et son bébé.

En revanche, face aux films programmés, quelques petites déceptions surgissent comme avec « Simiocratie » de Nicolas Pleskof (France). Le film raconte une vengeance, celle d’une femme en 1770, dupée par Louis XV et humiliée par le Baron de Fontanelle et son petit singe rapporté des Indes. Lors de la lecture publique du scénario au Festival Premiers Plans d’Angers il y a deux ans, tout laissait à croire que ce film allait être un ovni (comme l’était d’ailleurs le film précédent du jeune réalisateur, « Zoo ») ou en tout cas, un film audacieux, certes compliqué à réaliser, mais très prometteur. Malheureusement, malgré un travail considérable du côté de la direction artistique, le résultat n’est pas exactement à la hauteur de nos attentes. Autant, le ton hautain de la noblesse de l’époque est utilisé à juste titre autant la morale qui tend à prouver la supériorité de la femme et de l’animal sur l’homme apparaît comme un peu trop impérieuse.

Par ailleurs, quelques films vus à Aubagne sont intéressants, mais la récurrence des thèmes qu’ils traitent ou leur manque de rythme empêchent de les apprécier à leur juste valeur. C’est le cas par exemple de « Have sweet dreams » de Ciprian Suhar (Roumanie) qui raconte l’histoire de deux frères issus d’un milieu très modeste, face à leur père alcoolique. L’ambiance est bien sûr sombre et pessimiste, mais on se lasse surtout des multiples allées et venues des frères partant récupérer leur père au bar sans qu’il se passe grand chose. Il en va de même pour « Somand » de Gabriel Tzafka (Danemark) où un marin tâche de retrouver son amour de jeunesse. La scène de sexe lors de leurs retrouvailles trente ans après semble interminable tant elle apporte peu de choses au propos du film. Le ton, lui, est tellement obscur que l’aspect poétique de cette histoire est malheureusement totalement effacé.

Parallèlement à la compétition, la programmation du Festival d’Aubagne compte d’autres séances où l’on peut voir des courts-métrages. Tout d’abord, la Nuit du court-métrage dédiée aux super-héros et anti-héros avec presque quatre heures de films courts dont « Le petit dragon » de Bruno Collet. Autre séance de courts-métrages, les Courts de l’Huveaune (NB : l’Huveaune est un petit fleuve dans la région d’Aubagne) qui permettant de voir ou revoir des films européens primés et distingués ces dernières années dont « Figures » de Miklos Keleti (Belgique), « Betty’s Blues » de Rémi Vandenitte (France/ Belgique) ou encore « Hjonabandssela » de Jorundur Ragnarsson (Islande).

Enfin, Aubagne maintient au fil des années la séance des Courts qui rendent heureux, une sélection de films à ondes positives. Il y a neuf ans, le producteur Philippe Braunstein qui choyait particulièrement le format du court a constaté que bien souvent, les jeunes réalisateurs exprimaient leur talent à travers des films sombres et tristes. Pour y remédier, il a décidé de concocter chaque année une nouvelle sélection de courts-métrages proposant une vision optimiste de la vie et prouvant ainsi que les réalisateurs talentueux se trouvaient aussi du côté de la comédie. Force est d’avouer que la sélection de cette année est malgré tout un peu décevante comparée à celles des années précédentes puisqu’elle comprend uniquement des films français et, pour la plupart, déjà vus tels que « La virée à Paname » de Carine May et Hakim Zouhani ou des films assez grossier comme « Baby rush » de Tigran Rosine.

Restent « Pim-Poum le petit panda » du déjà cité Alexis Michalik qui, loin d’être un grand film, nous fait toujours autant rire aux éclats et « Superman n’est pas juif (… et moi un peu) » de Jimmy Bemon qui avoue à la manière d’un joli conte, son lien complexe à la religion juive. Cette séance n’en reste pas moins un moment phare du Festival d’Aubagne (trois salles remplies) et fort sympathique.

Camille Monin

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L’audiovisuel vous intéresse ? Jeune professionnel, vous souhaitez développer un projet personnel et avez besoin d’un coup de pouce ? Cette info est pour vous : la Fondation Jean-Luc Lagardère vient de lancer sa campagne d’appel à candidatures !

Chaque année, la Fondation Jean-Luc Lagardère attribue des bourses pour aider de jeunes professionnels dans les domaines de l’écrit, de l’audiovisuel, de la musique et du numérique.

Décernées par des jurys prestigieux depuis 1990, ces bourses, par leur montant et la diversité des disciplines concernées, font de la Fondation Jean-Luc Lagardère l’un des premiers mécènes de la jeune création française. Elles offrent aux lauréats non seulement des moyens financiers mais aussi le temps nécessaire pour réaliser un grand projet, celui qui leur permettra de s’affirmer dans leur domaine de prédilection. Elles sont enfin un véritable tremplin pour leur avenir professionnel.

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Dans le domaine de l’audiovisuel, quatre bourses sont attribuées chaque année :

– Auteur de documentaire : 25 000€

Vous êtes un jeune auteur de 30 ans au plus, ayant déjà réalisé un documentaire diffusé à la télévision, dans des festivals ou au cinéma, vous avez un projet de documentaire quel que soit le format (série de 26 mn, unitaire de 52 ou 90 mn), et votre projet est un documentaire à caractère social, économique, politique, scientifique ou culturel ;

– Auteur de film d’animation : 30 000€

Vous êtes un jeune auteur de 30 ans au plus, ayant déjà réalisé un film d’animation à titre professionnel ou dans le cadre de vos études, vous avez un projet de court-métrage ou souhaitez réaliser le pilote d’un long-métrage ou d’une série (que ce soit en 2D, 3D, en images de synthèse, avec des marionnettes…), votre projet est un film d’animation adapté à une diffusion pour la télévision ou le cinéma ;

– Producteur cinéma : 50 000€

Vous avez 30 ans au plus et vous souhaitez produire un film de fiction de long-métrage ;

– Scénariste TV : 20 000€

Vous êtes un jeune scénariste de 35 ans au plus, ou vous faites partie d’une équipe d’auteurs (scénariste et dialoguiste, co-scénaristes, co-dialoguistes), vous avez déjà obtenu un contrat d’option ou une convention d’écriture passée avec un producteur (TV ou cinéma, toute durée, que le projet ait abouti ou non), vous avez un projet de scénario pour la télévision (téléfilm, sitcom, série, mini-série, short, utilisant des images traditionnelles ou des images de synthèse) ;

Rendez-vous sur www.fondation-jeanluclagardere.com pour télécharger le dossier de candidature de votre choix.

Les dossiers sont à renvoyer à la Fondation avant le 13 juin 2015.

A Piscina de Iana et Joao Viana

Fiction, expérimental, 16′, Portugal, 2004, Suma Filmes

Synopsis : Au Portugal, une piscine et des gens autour.

« A Piscina » est une pure œuvre d’inspiration poétique, dont le pari réside dans la mise en scène d’une circulation de plusieurs motifs le temps d’un plan-séquence orchestré dans l’espace d’une piscine. Les déplacements de la caméra épousent le rythme d’une bande-son composée de musiques et autres éléments sonores que les cinéastes tressent avec les actions des multiples personnages. Les mouvements libres et lyriques de ces derniers évoquent un sentiment rendu tout à fait palpable : ce sentiment de l’été, des vacances récréatives qui portent ces figures réunies dans un huis-clos à ciel ouvert plus inquiétant qu’il ne paraît. Un geste de cinéma bouleversant qui valut à ses auteurs de remporter entre autres le grand prix du court métrage de la Biennale de Venise en 2004.

Marc-Antoine Vaugeois

Festival du Film de Femmes de Créteil, notre compte-rendu

Il y a quelques jours se clôturait le 37ème Festival du Film de Femmes de Créteil. Dédié aux réalisatrices, l’événement fait la part belle aux courts métrages en proposant une compétition de seize films parmi lesquels le public a élu un grand prix national « Sol Branco » (parmi quatre films cette année) et un international « The Chicken » (sur douze films). L’Université de Paris-Est Créteil a décerné également un prix au meilleur film européen « Schoolyard » et une mention à « Endemic’s greed » (parmi six films).

Une compétition éclatée

À Créteil, les programmes ne distinguent pas les films par nationalité ni même par format, les courts sont majoritairement présentés en avant-programme d’un long. De la sorte, chaque spectateur peut se laisser aller à la découverte de courts métrages même s’il n’est pas coutumier du format et voter pour le film court de son choix.

La compétition de courts métrages de Créteil est hétéroclite sans pour autant être hétérogène. On a ici une belle occasion de voir ou revoir des productions remarquables de l’année. S’il présente quelques perles peu ou pas encore projetées en France comme le déroutant « Iranian Ninja » de Marjan Riahi, le festival propose également des films ayant déjà connu un beau succès dans des festivals aussi prestigieux que Cannes, Sundance ou encore Berlin. On pense ici évidemment à deux des films les plus poignants de la compétition déjà mis en avant à Cannes en mai dernier : « The Chicken » de Una Gunjak à la Semaine de la Critique et « The Execution » de Pettra Szöcs en compétition officielle. Une séance de rattrapage en quelque sorte pour un public qui n’aura pas toujours eu l’occasion de voir ces petites perles cinématographiques.`

L’explosion des genres et l’envie de cinéma

Si les sélectionneuses du festival ont comme premier critère de sélection des films réalisés par des femmes, leurs contraintes en termes artistiques semblent assez peu formatées, chose plutôt positive.

Ici, se côtoient des films de tous genres cinématographiques. On apprend avec du documentaire de création en visionnant le très juste « La Gran aventura » de Cassandra Olivieira (Cuba) où est filmée de très près la réalisation d’un biopic radiophonique sur la vie de Camille Claudel. On est presque subjugué par l’ingéniosité et la maîtrise technique de Momoko Seto qui réalise un film d’animation catastrophe à l’esthétique léchée, « Planet Sigma » (France), primé au dernier festival de Berlin et on flirte avec l’expérimental avec « Schoolyard » de Rinio Dragasaki (Grèce).

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La compétition est très ouverte en terme de genres, mais au-delà de cette diversité, le plus remarquable est sans doute la présence de nombreux films de grande qualité et de beaucoup d’envies de cinéma. C’est peut-être d’ailleurs devant « Washingtonia » de Konstantina Kotzamani que l’on a le plus affaire avec un univers cinématographique singulier. Le film mise tout sur un panaché d’émotions et de sensations. Pari risqué quand on part avec une idée scénaristique qui tient simplement sur une envie de faire ressentir le battement de cœur des girafes… Si on peut rester hermétique à l’univers proposé par la réalisatrice, ceux qui admettront son postulat de départ auront sans aucun doute fait un beau voyage sensoriel, fait de chaleur et de fragilité et mis en évidence par une photographie très soignée.

Place aux jeunes (…mais pas seulement) !

Les jeunes réalisatrices sont ici bien représentées, notamment avec la présence de Cristèle Alves Meira qui signe avec « Sol Branco » son premier court métrage de fiction, après un passage par le documentaire, le théâtre et les arts graphiques. On retrouve d’ailleurs un peu de tout cela dans cette réalisation, primée par le public de Créteil. C’est la touche particulière qu’insuffle la réalisatrice à son film, une recette à base de paysages estivaux graphiques, une direction d’acteur réussie (avec deux adolescentes), le tout inscrit dans un voyage initiatique bien ficelé même si quelque peu incroyable.

Du côté des auteurs plus aguerris, le film « Prends-moi » (Canada), co-réalisé par André Turpin et Anaïs Barbeau-Lavalette – connue pour avoir réalisé le long métrage «Le Ring » en 2007 – surprend par son sujet. Il s’agit du malaise ressenti par un aide soignant lorsqu’on lui demande d’aider mécaniquement un jeune couple handicapé à faire l’amour. Pas de jugement dans le regard des réalisateurs, juste la mise à jour d’une réalité peu connue. La mise en scène est classique mais le traitement laisse une grande place à la réflexion autour d’un sujet encore tabou.

Par les femmes mais pas pour les femmes

Loin de se contenter d’aborder des sujets dits « de femmes » ou « féministes », les réalisatrices en compétition semblent avoir des préoccupations tout à fait universelles. On aborde le thème de la guerre, avec un regard détourné, sans jamais voir les armes en direct (on les entend dans « The Chicken », on les joue dans « The Execution »). On parle de violence physique mais surtout morale, avec des personnages complexes comme celui d’une mère névrosée et obnubilée par son physique vieillissant qui oublie jusqu’à la date d’anniversaire de son fils pourtant en demande d’amour dans « Washingtonia », ou encore dans « Schoolyard » où l’ambiance studieuse d’une école se transforme en champ de bataille. On traverse les étapes du désir, de la séduction timide de « Oh Lucy ! » (Japon, de Atsuko Hirayanagi) à la drague animale dans l’animation « Endemic’s Greed » (Pologne, de Natalia Dziedzic).

Mais le sujet le plus présent, presque en fil rouge de tous les films, reste celui des relations humaines. Les réalisatrices mettent en scène des situations où la femme est au centre de préoccupations qui souvent la dépassent. Dans « Capture » (Israël, de Tamar Rudoy)une jeune femme se fait rattraper par son image devenue publique à son insu par le biais des réseaux sociaux et d’un photographe qui l’expose en grand format. Dans « L’hiver et la violence » (Canada, de Sophie Dupuis)le personnage féminin principal fait face à la trahison pour la première fois. Dans « Lavashak » (Allemagne, de Narges Kalhor) l’héroïne est confrontée au deuil. Et les exemples pourraient se suivre pour chaque film de la sélection. Les femmes s’intéressent aux grands questionnements de la condition humaine et font le choix de les incarner autour de personnages féminins forts.

La compétition de courts métrages du Festival de Films de Femmes est bien riche et soulève sans aucun doute de nombreux débats. Si la maîtrise technique et la narration peuvent parfois paraître un peu classiques, certains films sortent largement du lot et révèlent le talent de femmes cinéastes. On regrettera par contre l’absence de comédies. Pour autant, les quelques films qui sortent des sentiers battus « Planet sigma », « Oh Lucy! », « Sol Branco » ou encore « Washingtonia » font oublier qu’on n’aura pas beaucoup ri en regardant cette compétition.

Fanny Barrot

Prochaine Soirée Format Court, spéciale Arte, jeudi 9/4 !

Nouveauté ! À l’occasion de notre prochaine séance Format Court, le jeudi 9 avril prochain au Studio des Ursulines (Paris 5ème), nous accueillons la chaîne Arte pour une soirée spéciale consacrée aux films d’écoles et aux premiers films. De la création à la diffusion, venez découvrir cinq films français et belges soutenus par Arte, dont les deux récents lauréats du concours en ligne de courts métrages de fiction d’écoles francophones. La soirée fera l’objet d’une rencontre avec Hélène Vayssières, responsable des courts à Arte France, et deux équipes de films programmés.

Programmation

Solo Rex de François Bierry (Fiction, 22’40, 2014, France, Belgique, Offshore). Prix du jury au Festival du film francophone de Namur 2014, Prix du meilleur court métrage international au Festival du Film d’amour de Mons 2014

Synopsis : Erik est un bucheron solitaire. Kevin est un jeune conducteur de la fanfare cycliste du village. Erik ne sort jamais sans sa vieille jument. Kevin a le béguin pour la clarinettiste. Mais Erik ne sait pas donner. Et Kevin ne sait pas draguer. Ils devront apprendre à deux.

Julia de Nora Burlet et Maud Neve (Fiction, 14’, Belgique, 2014, Institut des Arts de Diffusion). Deuxième prix du jury, concours Arte de courts métrages de fictions d’écoles 2015

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Synopsis : Une maison en hiver. « Un ami de ta maman. » Du fromage blanc et du Nutella. Julia guète un sourire chez sa sœur. Attente du retour. Est-ce possible ?

Errance de Peter Dourountzis (Fiction, 21’21, 2014, France, Année Zéro). Prix du meilleur court métrage au Festival International du Film d’Amiens 2014. En présence de l’équipe

Synopsis : Djé vient passer son week-end sur Paris, mais personne ne l’attend. Anonyme parmi les ombres, il erre au hasard des rues pour tromper son ennui. Caméléon et marginal, il galère ou socialise, s’alcoolise et dérive.

Bang Bang ! de Julien Bisaro (Animation, 12’, 2014, France, Caïmans Production). Sélectionné aux César 2015, Prix du meilleur film au Festival Anime Award de Tokyo 2015

Synopsis : Bang ! Bang ! C’est l’ouverture de la chasse. Et aussi l’anniversaire d’Eda : 25 ans. Pour fêter ça, son père lui offre un appartement. La route, La pluie. Eda bouleversée, roule vite, trop vite. Quand un chien rose surgit dans ses phares, c’est l’accident. Effrayée par l’étrange animal, elle fuit et s’engouffre dans la forêt où son père mène la chasse. Proie parmi les proies, Eda n’a pas d’autre choix que de se confronter à lui…

La route du bout du monde d’Anaïs Le Berre et Lucille Prin (Fiction, 13’40, 2015, France, Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3). Premier prix du jury, concours Arte de courts métrages de fictions d’écoles. En présence de l’équipe

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Synopsis : Un photographe est envoyé en Patagonie pour faire un reportage sur des pêcheurs mais se retrouve confronté à une région étrangement vide, qui le renvoie à ses propres questionnements. Sa rencontre avec Carlos va bousculer son regard de photographe…

En pratique

Jeudi 9 avril 2015, à 20h30. Accueil : 20h
– Durée de la séance : 83’
– Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
– Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), Bus 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton
Entrée : 6,50 €
Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Palmarès de la 7ème édition du Festival International du Film Documentaire Millenium

Objectif d’Or – Grand Prix du Meilleur Film Documentaire
Toto et ses soeurs, d’Alexander Nanau

Prix du Meilleur Message pour le Développement
The Chinese Mayor, de Hao Zhou

Prix du Meilleur Message pour les Droits de l’Homme
Do You Believe In Love, de Dan Wasserman

Prix Spécial des Droits de l’Homme
L’homme qui répare les femmes, de Thierry Michel et Colette Braeckman

Prix Spécial du Jury
My Love Don’t Cross That River, de Jin Mo-Young

Prix de la Trois (RTBF)
My Love Don’t Cross That River, de Jin Mo-Young

Prix du Public
L’homme qui répare les femmes, de Thierry Michel et Colette Braeckman

Prix de la Compétition « Travailleurs du Monde »
Race To The Bottom, de Poul-Erik Heilbuth et Georg Larsen

Prix de la compétition « Vision des Jeunes »
En quête de sens, de Nathanaël Coste et Marc de la Menardiere

COMPETITION WEB-DOC MEETINGS

Prix du jury 
Connected Walls, de Wielemans Sébastien, Fernandez Valeria, Enriquez Fidel, Gutiérrez Irène et Drissi Youssef

Prix du Journal Le Soir
Are Vah!, de Micha Patault et Sarah Irion

Prix du public
Copa para quem ? – Les dessous de la coupe du monde, de Maryse Williquet

Palmarès et reprise du Festival International de Films de Femmes de Créteil

Le Festival International de Film de Femmes de Créteil s’est terminé il y a quelques jours. Voici les 3 courts-métrages primés par le jury professionnel.

Palmarès

Meilleur court métrage étranger : The Chicken de Una Gunjak (Allemagne, Croatie)

Meilleur court métrage français : Sol Branco de Cristèle Alves Meira (France, Portugal)

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Meilleur court-métrage européen : Schoolyard de Rinio Dragasaki (Grèce)

Bonne info : 4 films primés cette année au festival (dont « The Chicken » et « Schoolyard ») seront présentés ce lundi 30 mars à 20h00 et 22h00 au Luminor Hôtel de Ville (20 rue du Temple, 75004 Paris).

Regards Libres de Romain Delange

Documentaire, 11′, 2005, France, Les Films du Cygne

Synopsis : Des enfants observent, critiquent et commentent un tableau.

Dans ce documentaire, Romain Delange filme des enfants à tour de rôle. Ceux-ci commentent un tableau. Encore emplis de leur spontanéité enfantine, ils n’ont pas leur langue dans leur poche et laissent aller les mots. Le spectateur, lui, ne voit que l’arrière de la toile en amorce du cadre. Ce dispositif très simple donne libre cours à l’imagination du spectateur qui se laisse porter par les différentes interprétations que les enfants font de ce tableau. En donnant la parole à des enfants, Romain Delange réalise un film très fort sur l’enfance et sa liberté de penser, encore affranchie de tous préjugés ainsi que sur l’art et ses multiples possibilités de réception.

Zoé Libault

San Siro de Yuri Ancarani

Présenté dans la compétition internationale des courts-métrages du festival Cinéma du Réel, « San Siro », de Yuri Ancarani, nous propose une immersion au cœur du célèbre stade milanais. Néanmoins, le sujet de ce court métrage n’est pas l’action sportive que les footballeurs offriront à leurs spectateurs. Ce qui intéresse le cinéaste italien, ce sont les étapes qui précèdent l’événement, les différentes tâches à accomplir au sein de l’édifice avant que la représentation ne soit possible. Le stade est filmé tel un organisme au sein duquel chaque travailleur a sa fonction. Les différents corps de métier, que l’on découvre au fil des images, œuvrent en amont, afin d’assurer le bon déroulement de la rencontre. Après une trilogie sur la notion de travail (« Da Vinci » (2012), « Il Capo » (2010) et « Piattaforma Luna » (2011)), Yuri Ancarani continue de sublimer le quotidien des hommes à l’ouvrage.

Les premières scènes nous dévoilent un univers de béton, baigné de pluie. Un univers gris où contrastent, par touches de couleurs vives, le manche d’un marteau, les lacets d’une chaussure ou les imperméables jaunes des travailleurs. Ce savant jeu d’opposition révèle l’un des enjeux du documentaire : rendre visibles, grâce à l’objectif de la caméra, les travailleurs de l’ombre. Par une succession de plans fixes, le cinéaste porte notre attention sur leurs gestes, leurs actions. Les plans se resserrent sur leurs mains, leurs pieds, les objets qu’ils manipulent. Un homme tire un long câble d’une trappe aux battants métalliques, un second l’assiste et, dans un geste précis, lent et esthétique enroule ce même câble sur lui-même. Le plan, très serré autour de l’objet, permet de ressentir toute l’harmonie de cet enchainement circulaire. La caméra, là encore en plan fixe, nous montre ensuite la valse de barrières métalliques, déplacées par des hommes en imperméables jaunes. L’enchainement des barreaux verticaux qui se croisent et s’entremêlent, produit l’effet d’une chorégraphie urbaine. Les images sont épurées, les plans longs et fixes, ce qui permet de mettre en exergue l’esthétisme que peuvent recouvrir les actions des personnages.

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Ces scènes, de même que toutes celles qui suivront, sont dépourvues de dialogues. Ce sont les bruits ambiants, ceux des gouttes de pluie percutant le sol, des câblages remontés à la surface, des barrières métalliques crissant sur le béton, qui constituent les seuls éléments sonores du film. Ils sont intensifiés, bruts et sourd, ils viennent perturber la calme de l’ouvrage méticuleux des travailleurs. Mais bientôt, nous quittons la grisaille mélancolique, pour, au plan suivant, observer l’étendue verte de la pelouse et un homme dont le rôle est d’allumer des pétards afin de faire battre en retrait une horde de pigeons.

Après cet intermède assez humoristique, le film ne sera plus qu’alternance. Une alternance de plans longs et courts, larges ou rapprochés, normaux ou en plongée. Mais également de calme et d’effervescence, de foule et de silence. C’est là que se situe toute la réussite du film de Yuri Ancarani. Le balancement d’un plan à l’autre, d’un sujet à l’autre, l’oscillement du calme à l’agitation, à mesure que l’heure de la rencontre sportive approche, crée, chez le spectateur un état d’attente. L’étude minutieuse de tous les petits évènements qui préparent celui tant attendu accentue l’anticipation à mesure qu’approche l’instant T, celui de la rencontre entre les joueurs.

Paola Casamarta

Consulter la fiche technique du film

S comme San Siro

Fiche technique

Synopsis : Une immersion au cœur du célèbre stade milanais peu avant un match. Cette étude méticuleuse de San Siro et des hommes qui y travaillent créé, par un savant jeu de contrastes, une anticipation de plus en plus intense à mesure que l’heure de l’entrée des sportifs approche.

Genre : Documentaire

Durée : 26’

Année : 2014

Pays : Italie

Réalisation : Yuri Ancarani

Image : Yuri Ancarani

Montage : Yuri Ancarani

Son : Mirco Mencacci

Production : Studio Ancarani

Article associé : la critique du film

A festa e os cães de Leonardo Mouramateus

Cette année, à la 37ème édition du Cinéma du Réel, un film nous montre que, contrairement au proverbe, une image ne vaut pas mille mots. L’image ne dit rien du tout, elle est muette. Pour faire comprendre tout ce que l’on voit, elle a besoin d’une légende, d’un contexte, et devenir ainsi explicite et captivante. « A festa e os cães » (La fête et les chiens), court métrage du jeune cinéaste brésilien Leonardo Mouramateus, propose un monde où les images seront uniquement des photos et leurs légendes seront les voix du réalisateur, Leo, et ses amis.

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Il s’agit du deuxième court métrage de Mouramateus à être sélectionné au Cinéma du Réel après « Mauro em Caiena » (Mauro à Cayenne) qui y a remporté le Prix du Court Métrage en 2013. Celui-ci, contrairement à « A festa » qui est plutôt un dialogue entre les personnages, est un monologue du réalisateur sur Mauro, son oncle émigré illégalement en Guyane Française, avec qui sa mère le compare parfois. Un film où la parole et les images s’articulent harmonieusement pour révéler une confluence entre le passé et le présent.

Ce rapport passé-présent se retrouve également au centre de « A festa e os cães ». Composé principalement de différentes photographies prises par le réalisateur au cours d’une année avec un petit appareil jetable, le film se construit à partir des souvenirs des personnages. Les clichés qui montrent surtout des jeunes dans diverses soirées et des chiens qui sont soudainement arrivés dans le quartier de Leo, une banlieue de Fortaleza, au nord-est du Brésil, seront la matière primordiale du film. Au fur et mesure que ces photos apparaissent à l’écran, on entend le dialogue entre Leo et ceux qui ont été photographiés : Geane, Clara, Kevin et Júnior. On comprendra rapidement que chaque voix correspond à la personne qu’on est en train de voir sur la photo, pour assembler ainsi un récit qui se construit petit à petit avec la participation de chacun, mené par ses propres souvenirs. La parole nous permet donc de voir ce qui est latent dans l’image, ce qui reste caché. Comme si d’une certaine façon, on assistait au processus de développement des images, où Mouramateus essaie de montrer ce qu’il a vu et de faire entendre ce qu’il a entendu.

Les photos défilent sous nos yeux, l’une après l’autre, mais on peut se rendre compte que la mise en scène va plus loin que cet apparent minimalisme. Les plans fixes qui nous permettent de voir une photo dans sa totalité deviennent parfois des plans rapprochés sur les visages ou les corps. Le rapprochement de la caméra crée l’illusion d’afficher certaines images en leur totalité, quand en réalité elle n’en filme qu’un tiers ou une petite partie. Ce dispositif qui s’achève avec la vitesse de défilement des photos (des fois fortuitement trop vite, des fois commodément trop lent) nous impose le regard du cinéaste. Le spectateur n’échappera jamais à ce point de vue qui deviendra le fil narratif du film.

Nous sommes devant un documentaire qui met en évidence le rapport entre trois mécanismes différents : la parole, la photographie et l’image-mouvement. La parole, bien qu’elle forme une relation immanente avec ce que l’on voit, reste détachée des images et échappe au champ visuel en nous emmenant au-delà du passé et du présent des personnages. Pourtant, la photographie, qui nous tient dans cette réalité commune créée par les histoires des protagonistes, et l’image-mouvement, qui n’apparaît qu’à la fin avec une coda puissante et cathartique, s’entrecroisent avec elle de façon structurée et unifiée. Le résultat est un court métrage réussi et équilibré qui culmine avec tension, intensité et complicité chez le spectateur.

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« A festa e os cães », flux narratif de cinq courants de conscience semblables, est un film qui explore les concepts d’individualité, de communauté, d’adolescence et de la vie au Brésil. Bien que chaque personnage soit distinct, il participe à un tout qui va au-delà de la somme de ses parties et de la somme de ces photos pour construire un récit, un discours, un destin commun.

Julián Medrano Hoyos

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Concours Arte/Fictions d’écoles : le palmarès

Récemment, nous vous avons parlé du concours online de courts métrages de fiction d’écoles francophones mis en place par la chaîne Arte, et organisé cette année avec différents partenaires : Format Court, le Festival du court métrage de Clermont-Ferrand, le magazine Bref, l’éditeur Châlet Pointu et Arte Boutique.

Pas moins de 121 films d’écoles ont été inscrits à ce concours. Ils sont tous visibles sur le site d’Arte.

Le concours vient de se terminer. En voici les résultats.

Les deux lauréats du Prix ARTE (décerné par un jury de professionnels dont Format Court) sont :

– 1er Prix du jury Arte : La route du bout du monde de Anaïs Le Berre et Lucile Prin (Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, France)

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– 2ème prix du jury ARTE : Julia de Nora Burlet et Maud Neve (Institut des Arts de Diffusion, Belgique)

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Ces deux films seront projetés jeudi 9 avril à 20h30 au Studio des Ursulines à Paris, dans le cadre de la Soirée Format Court, spéciale Arte.

Les deux lauréats du Prix des internautes sont :

– 1er prix des internautes : On rentre demain de Manon Gaurin et Louve Dubuc Babinet (ESRA, France)

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– 2ème prix des internautes : Le Pattern de Ludovic Bontemps (Collège Cardinal Mercier, Belgique)

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F comme A festa e os cães

Fiche technique

Synopsis : À Fortaleza, au Brésil, aimer, boire et chanter. Rentrer chez soi en bravant les chiens errants. Et photographier, jusqu’à ce que l’appareil en plastique acheté en 2013 ait rendu l’âme.

Genre : Documentaire

Durée : 25′

Année : 2015

Pays : Brésil

Réalisation : Leonardo Mouramateus

Image : Juliane Peixoto

Montage : Luciana Vieira et Leonardo Mouramateus

Son : Pedro Diógenes

Production : Praia à Noite

Article associé : la critique du film