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T comme Tiger Boy

Fiche technique

Synopsis : Ce qui parait être un caprice est en réalité un appel au secours que personne ne semble entendre.

Réalisation : Gabriele Mainetti

Genre : Fiction

Durée : 20′

Pays : Italie

Année : 2012

Scénario : Nicola Guaglianone

Image : Michele D’Attanasio

Son : Fabio Melorio

Musique : Gabriele Mainetti

Interprétation : Francesco Foti, Lidia Vitale, Simone Santini

Décors : Martina Castagnoli

Montage son : Mirko Perri

Production : Goon Films

Article associé : le reportage « Brest. Courts européens & petits comédiens »

P comme Prora

Fiche technique

Synopsis : Prora, au bord de la Mer Baltique. Un centre de vacances érigé par les Nazis aux dimensions infinies. Dans ce colosse de béton, Jan et Matthieu, un Allemand et un Français, 17 ans, s’embarquent dans une aventure qui va confronter leurs identités et mettre en péril leur amitié. Fable sur l’adolescence et la découverte de soi, Prora est une tendre histoire d’amour et d’amitié.

Genre : Fiction

Durée : 23’

Pays : Suisse

Année : 2012

Réalisation : Stéphane Riethauser

Scénario : Stéphane Riethauser

Image : Marcus Winterbauer

Son : Carlos Ibañez Diaz

Interprétation : Tom Gramenz and Swen Gippa

Production : Lambda Prod

Article associé : la critique du film

Prora de Stéphane Riethauser


« Du haut de ces murs de béton, plus de 40 ans d’autoritarisme vous contemplent ».

Présenté au Festival de Brest dans la compétition européenne, « Prora » de Stéphane Riethauser apparaît comme une troublante traversée des frontières au beau milieu de l’île de Rügen, lieu où dominent les vestiges de l’ancienne station balnéaire imaginée par les nazis.

Jan et Mathieu ont 17 ans. Ils sont amis. Et comme tous les amis, ils partagent leurs considérations sur le monde et les filles. Passant leurs vacances sur la côte baltique, ils se retrouvent à Prora. Et la structure de béton, aussi froide qu’elle soit, va accueillir la transformation de leurs relations.

A bien des égards, l’architecture de Prora, située à 300 km au nord de Berlin,  fascine par son gigantisme, effroyable reflet d’une idéologie mégalomane. De son côté, « Prora », le film de Stéphane Riethauser envoûte par sa façon d’associer le pur et l’impur, l’ignominie nazie et la relation sensuelle de Jan, l’Allemand et de Mathieu, le Français.

Dans une mise en scène qui joue avant tout sur l’opposition (le visage angelot de Jan est le revers du ténébreux Mathieu, la rigidité de la construction contraste avec l’érotisme dégagé par les adolescents), le réalisateur suisse utilise l’Histoire collective comme berceau d’une histoire individuelle. Les reliques du passé et l’histoire d’amour se mêlent pour offrir une réflexion pertinente sur la notion de souvenir encombrant tel que peut l’être « Prora ». De magnifiques plans aériens de la construction laissée à l’abandon traduisent à la fois la force et l’inutilité des sentiments que Jan nourrit pour Matthieu car tous les deux le savent bien, à la fin de l’été leurs chemins vont devoir se séparer. La caméra de Riethauser plonge alors les amants dans les couloirs labyrinthiques des vestiges nazis pour les engouffrer dans un monde où tout devient possible, un monde où les frontières n’existent plus. Le lieu de villégiature des masses laborieuses du IIIè Reich se fait alors soudainement le tendre complice de leur quête identitaire et sexuelle. Maîtrisé et pertinent, poétique et sensuel, « Prora » est une jolie surprise de la compétition européenne.

Marie Bergeret

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Vegtelen percek de Cecília Felméri

Adapté d’une nouvelle de János Szántai, « Vegtelen percek », ou « Infinite minutes », pour ceux qui ne parlent pas la langue de Cioran, nous propose d’adopter l’espace d’un instant le point de vue de plusieurs personnages tous liés à un même lieu. Déjà remarqué au Festival de Locarno en 2011, il est sans aucun doute l’un des meilleurs courts métrages proposés au Festival européen du film court de Brest cette année.

Ce film est construit comme une équation mathématique où les destins de chaque personne se nouent inéluctablement et non sans grâce. La structure du film est analogue à la figure du cercle : on entre et on sort du film exactement au même moment de l’histoire, celui où un médecin- collectionneur est en train d’admirer le tatouage d’un serpent sur un corps, formant un cercle parfait, dans une morgue. Chaque scène rejoue ce même instant et propose une version personnelle des quelques minutes écoulées. Implacablement, le puzzle prend forme et les personnages se dévoilent.

L’action débute dans la morgue d’un hôpital avec un amateur de tatouage, puis, tandis que le récit avance, nous montons d’un étage pour nous retrouver avec un chirurgien tourmenté, et de fil en aiguille, nous continuons à gravir les différents niveaux du bâtiment pour faire la connaissance d’une infirmière gourmande, d’une patiente faisant la sourde oreille et enfin d’un directeur d’hôpital libidineux, avant de redescendre inexorablement vers la fin de l’histoire et boucler la boucle.

A partir de cette métaphore, la réalisatrice Cecília Felméri tisse les fils de son histoire avec une grande minutie et un sens du détail remarquable. L’articulation des scènes et l’emboîtement des intrigues sont exécutées avec une précision d’horloger suisse. Chaque action, même anodine, fait écho à l’autre et participe à la fatalité de la situation. De petites touches d’humour grinçant viennent heureusement alléger le propos et donner ce ton particulier au film. Par exemple, lorsque chacun des personnages entre en scène dans le champ de la caméra, une petite fiche en indique une description lapidaire (nom, âge, profession et traits de caractères) dans un coin de l’écran. Aussi efficaces que des aphorismes, ces didascalies permettent en quelques secondes de donner une épaisseur et une complexité tout à fait surprenante aux personnages.

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Un va-et-vient se met en place entre ces petits détails qui peuvent paraître insignifiants et la grande histoire qui en est la somme. « Vegtelen percek » est en quelque sorte une variation de l’allégorie des battement d’ailes d’un papillon qui provoque une tornade à l’autre bout du monde, en d’autres mot la « théorie du chaos ». Cecília Felméri parvient à créer un univers complexe et subtile sans compromis, en clôturant son film avec une surprenante ironie.

« Vegtelen percek » appartient à la catégorie des films qui ne s’épuisent pas au premier visionnage. Richesse des thématiques, précision de la mise en scène et maîtrise du langage cinématographique : l’ensemble du film contribue à faire coïncider le fond avec la forme. On a hâte voir le prochain film de Cecília Felméri !

Julien Beaunay

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« Vegtelen percek » est projeté au Festival du film européen du film court de Brest, dans le cadre du programme européen n°7,  le jeudi 15/11, à 20h et le samedi 17/11 à 10h30

V comme Vegtelen percek

Fiche technique

Synopsis : Un après midi d’été, un homme se renverse son café dessus, un autre nourri des pigeons, un autre tue une abeille, un autre meurt, un autre copie des motifs, un autre écoute la radio, un autre passe un coup de fil, un autre … Et il existe peut être des liens entre eux …

Réalisation : Cecília Felméri

Genre : Fiction

Durée : 19′

Pays : Hongrie, Roumanie

Année : 2011

Image : György Réder

Son : Rudolf Várhegyi

Montage : Péter Politzer

Décors : Sandra Sztevanovity

Interprétation : József Bíró, György Honti, Kata Losonczi, Csilla Varga, Zoltán Tamási, Bea Lass, Tünde Szalontay

Production : Inforg Studio, Argo Audiovisual Association

Article associé : la critique du film

Aperçu de la sélection française à Brest

Le court métrage français a de beaux jours devant lui. La sélection du Festival de Brest de cette année est là pour nous le prouver : des films aboutis, plutôt engagés, souvent drôles et particulièrement bien mis en scène. Un joli cru qui n’annonce en rien la fin du monde !

Au programme de cette compétition 1 de courts métrages français, nous retrouvons pêle-mêle des parapluies capricieux, des hommes nus, un poisson, un nouvel amour et une mauvaise surprise. En somme, un éclectisme cinématographique bien appréciable.

Dans « Les parapluies migrateurs », Mélanie Laleu exploite un univers aussi énigmatique que celui de « Brazil » (du grand Terry Gilliam. On a connu comparaison esthétique moins flatteuse !), au confins du réel et de l’imaginaire. Sa recherche visuelle (des gris contrastés et une pluie constante) s’oppose à sa recherche auditive (une bande-son plutôt entraînante et joyeuse), offrant un résultat très plaisant et bourré d’humour. Sans compter que les parapluies, en plus d’être migrateurs, n’en sont pas moins capricieux! « Mary Poppins » chez Terry Gilliam ? Un mélange surprenant aux saveurs subtiles.

L’humour est également une des caractéristiques de « Stronger », court métrage de Victor Rodenbach et Hugo Benamozid. Sur ouverture de voix-off masculine, deux « amis » devenus « ennemis » se retrouvent dans une salle de cours de dessin, à poser nus devant une dizaine d’élèves. Si le propos s’attarde sur les questions de confiance au sein d’une relation amicale, la mise en image décomplexée et pourtant pudique de ces chairs masculines confère aux dialogues un angle sarcastique. Et à la fin ? Nos deux compères sont toujours nus, mais peut-être réconciliés.

Dans « La sole, entre l’eau et le sable » d’Angèle Chiodo, nulle question de réconciliation, puisque le conflit est absent. On retrouve cependant une voix-off (féminine cette fois) qui parle de la sole, accompagnée d’une illustration visuelle inattendue. La réalisatrice offre un travail sur les formes, les matières et les couleurs très surprenant et d’une grande originalité.

De voix-off féminine, il est encore question dans le court métrage d’Alphonse Giorgi et Yann Tivrier, «Polaroïd Song ». Dans les années 90, un groupe de rock exclusivement féminin est racontée par sa photographe, une jolie jeune femme métissée en passe de découvrir l’amour. Le parti pris assez risqué de la faire parler en face caméra, comme s’adressant aux spectateurs, aurait pu être un flop total (le procédé est dépassé s’il est mal utilisé), mais les réalisateurs se dépatouillent du pire à merveille. Il est fort appréciable de découvrir un film assez féminin, qui parle des femmes sans s’adresser uniquement à elles, et qui plus est mis en image par deux hommes !

Cette sélection se clôture par un film d’Émilie Cherpitel, « Les filles du samedi ». Une femme (interprétée par Cécile Cassel) se réveille dans un appartement lumineux. Elle cherche les choses (on comprend ainsi rapidement qu’elle n’est pas chez elle), passe d’une pièce à l’autre, et se retrouve nez à nez avec un enfant. Il est le petit frère de l’amant de la nuit, parti au golf comme tous les samedis et qui compte bien sur sa conquête nocturne pour s’occuper du bambin ! Un goujat qui aurait pour seul excuse le fait d’être orphelin et responsable par « obligation » de son petit frère. Le duo imposé trouvera finalement de joyeuses occupations… Un court qui en dit long sur l’humour de la réalisatrice, qui joue avec des dialogues pinçants et des rebondissements bien amenés. En dire plus serait gâcher la surprise, car dans Les filles du samedi, rien n’est tout à fait ce que l’on croit.

Même éclectisme dans la compétition 2, avec plus de noirceur cependant et une forme évidente de renoncement au bonheur ultime. Dans « Chacun sa nuit », Marina Diaby brosse les portraits croisés de ces femmes qui, derrière un écran, procurent des moments de plaisirs à des hommes solitaires. Des échanges pour de l’argent, que certaines considèrent comme un travail. Juste un travail. Mais comment renoncer au bonheur d’aimer pour de vrai, pour de bon, même si la rencontre se fait par le biais d’un écran ? L’une d’elles y croit… Mais les fées, cela n’existe que dans les contes.

« Cendres », de Jérome Farrugia, a également quelque chose du conte. Une jeune femme en détresse, un preux chevalier, un château et des « méchants ». Si l’histoire est assez banale, la mise en image, elle, relève vraiment de l’onirisme. Esthétiquement, un noir et blanc très contrasté, ne laissant sortir que le rouge comme autre couleur (la robe de la femme, le sang, certaines armures, etc.). Au fil du court, le rouge, qui n’était que tâche ponctuelle, devient de plus en présent, envahissant, angoissant, et les plans disloquent et morcellent les corps. « Cendres » est un voyage en terre inconnue, persistant comme un rêve, perturbant comme un cauchemar.

Le noir et blanc est aussi la clef esthétique du film de Hu Wei : « Le propriétaire ». Une histoire complexe (autant que sa chute ?) dont vous pouvez découvrir la critique ici. « Le sourire du plombier » n’est pas celui que vous croyez ! Le court métrage assez bref (3 minutes et 30 secondes) de Guillaume Chevalier se déroule dans une cuisine, avec une vieille dame, son fils (qui ne fait que passer) et un plombier. Drôle, vif et sans concession, ce court est comme un sketch, agrémenté de la cruauté réjouissante que seules certaines situations peuvent offrir !

que-puis-je-te-souhaiter-avant-le-combat

Dernier court métrage de cette sélection mais pas des moindres, « Que puis-je te souhaiter avant le combat ? », de Sofia Babluani, nous entraîne dans l’univers d’une jeune femme muette, vivant à la campagne avec son père et sa soeur. Un quotidien bien réglé jusqu’à l’arrivée d’une « étrangère » qui chamboulera leur existence pour toujours. Comme ses personnages, « Que puis-je te souhaiter avant le combat ? » est une oeuvre généreuse, plaidant l’amour et la tolérance envers et contre tout(s).

Géraldine Pioud

Cocotte Minute : la pression monte

Pour cette 27ème édition du Festival européen du film court de Brest, les programmateurs ont concocté un condensé de 13 films très courts assemblés dans leur désormais incontournable Cocotte Minute.

Qui y a-t-il dans cette cocotte ?

Le principe du programme reste inchangé : il consiste en une compétition de courts métrages européens de moins de dix minutes et sans dialogue. Cette année, onze pays européens sont représentés et les films issus des productions des pays du sud de l’Europe brillent toujours par leur déconcertante absence. Seule la Grèce tire son épingle du jeu avec la programmation de « Extrem walks », de Agnes Sklavos et Stelios Tatakis, un court métrage composé à la façon d’un jeu vidéo.

Si l’on regarde du côté des perles de ce programme, ce sont sans aucun doute les petits pays du Benelux (le Luxembourg et les Pays-Bas, la Belgique n’étant malheureusement pas représentée) qui relèvent cette année le niveau de la cuvée Cocotte Minute avec notamment le très léché « Year Zero » de Mischa Rozema, certes filmé à Prague mais entièrement post-produit à Amsterdam.

La comédie. Une force centrifuge.

Les programmes de films très courts ont toujours fait la part belle aux drôleries de tous types. Seulement, en période de crise économique et sociale, il semblerait que les cinéastes aient envie, et besoin d’exprimer des sentiments moins joyeux même dans les petites formes. Le programme Cocotte Minute, lui, est réputé être une compétition de films audacieux et souvent drôles ou tout du moins ludiques. Pourtant, les films proposés en 2012 semblent refléter une certaine morosité ambiante dont les auteurs et réalisateurs ont du mal à s’extraire.

Par chance, le programme est tout de même rythmé par trois films où l’on sourira faute de rire à chaudes larmes, et dans ceux là, les codes du genre sont respectés. Dans « What It Seems » de Jakob Schmidt (Allemagne), le spectateur est pris dans la tourmente d’un film à chute où l’ambiance sordide bascule inévitablement dans la grosse blague. Du côté des sketches et du burlesque, on se tourne vers le sympathique « Oh! Merde » de Guillaume Ducreux et Aliocha Itovich (France). On retrouve d’ailleurs dans ce film l’humour décalé de « Le monstre géant suceur de cerveaux de l’espace » dans lequel officiait Itovich en tant que comédien. Et puis, comment ne pas citer la douce moquerie « Riders to the Sea » de Orla Walsh (Irlande) qui traite de la difficulté d’être un(e) surfeur(se) épanoui(e) dans un monde où la combinaison en latex régit vos actes et gestes… Au-delà de ces trois films, très proches de la blague, le reste du programme surfe par contre sur une vague plus douce-amère et avoisine même le bord de la déprime.

Apocalypse is now

Dans ce programme, les hommes sont souvent représentés en tant que créatures profondément inadaptées au monde dans lequel ils vivent. Qu’il s’agisse de l’environnement urbain comme dans « Extrem walks » (Grèce) où une jeune femme aveugle doit affronter les obstacles de la ville, ou bien d’un monde futuriste dans « Ibijazi » de Luc Feit (Luxembourg) où l’héroïne subit l’aseptisation à outrance de son quotidien, l’univers semble ne plus être en adéquation avec ses habitants.

Ce sentiment de mal-être est doublé d’une mutation physique du genre humain dans le perturbant « Year Zero » qui pousse le cauchemar jusqu’à dépeindre un monde totalement apocalyptique. Il n’y aura bien que « (In) » de Mikko Kallinen (Finlande) pour tenter une réconciliation entre les hommes et leur environnement. Dans cet univers, les hommes communiquent par la danse avec des organismes amis. Maigre consolation que celle-ci face au marasme ambiant remarqué dans les productions européennes montrées à Brest, dans ce programme Cocote Minute : le monde y est dépeint avec un tel cynisme qu’il ne semble y avoir que peu de place pour la rédemption.

L’enfer c’est les autres.

Pour abonder dans le sens du désenchantement présenté dans les films précédemment cités, les autres courts métrages s’intéressent à la difficulté de vivre en compagnie d’autres personnes. On aborde ici les thématiques de l’incivilité, du vol, de la norme, de la difficulté de la vie en communauté… bref, toutes ces choses qui compliquent un peu ou beaucoup l’existence.

Si l’on regarde du côté de « Melvin » de Benoît Monney et Sami Khadraoui (Suisse), le bon samaritain représenté devient vite dans les esprits le gentil garçon dont on abuse, même si la chute du film permet une ouverture presque plus spirituelle où le héros peut apparaître comme une sorte d’ange gardien. Dans « .363 ep.2 » de Jessy Deshais et Daniel Albin (France) ou encore dans « Noise » de Przemyslaw Adamski (Pologne), il n’y a même plus de place pour la nuance : les hommes sont mauvais. Dans le premier, on assiste au racket d’un dépanneur par toute une kyrielle de gens bien propres sur eux, alors que dans le second, on est témoin de la vie d’un homme qui ne supporte plus les bruits engendrés par son voisinage. Bref, dans ces films, la vie avec ses semblables ressemble à un véritable enfer.

Quand on pourrait espérer que le cercle familial serait préservé de l’attaque des réalisateurs-en-crise, celui de « Waterbaby » d’Andrea Harkin (Royaume-Uni) se charge de contrecarrer cette supposition en narrant toute la difficulté d’un jeune homme à comprendre ce que peut impliquer son rôle de père. Le climax du genre se retrouve dans le film suédois « Jäsningen » de Åsa Maria Bengtsson qui propose une inversion de la norme. En effet, le handicap moteur devient la règle et celui qui n’est pas handicapé est banni de ce qui ressemble de près où de loin à une secte. Drôle de point de vue que de prôner ce type de discrimination sans concession.

Happy end

Malgré tout, LE facteur commun de tous les films du programme Cocotte Minute reste le happy end. Si le ciel manque de tomber sur la tête de la grande majorité des protagonistes des films, il existe toujours une ouverture positive. Elle peut être anecdotique et décalée comme dans « What it seems » où un soldat est pris dans un drôle de quiproquo ou plus lourde de sens comme dans « Der Philatelist » de Jan-Gerrit Seyler (Allemagne), où une rencontre va transformer la morne vie d’un homme solitaire en un bonheur simple.

Les films flirtent donc cette année avec des petites joies du quotidien, des surprises modestes et de drôles d’accidents. En somme, rien de bien tangible mais plutôt des instants fugaces de tensions positives ponctués de petites victoires sur soi-même ou sur les autres !

Cocotte Minute : un laboratoire d’idées et d’expérimentation

Pas facile pour les programmateurs de composer une sélection de très courts européens cohérente en termes de contenu. La Cocotte 2012 peut être prise comme une occasion de découvrir des films de jeunes réalisateurs qui expérimentent le cinéma. Les films d’écoles semblent trouver leur place dans cette compétition avec « What It Seems », « Der Philatelist » et « Waterbaby ». Les trois sont des films assez académiques qui s’appuient sur des références et des codes classiques en termes de narration et de réalisation mais qui sont dans l’ensemble de bonne facture. On relèvera à ce propos le beau traitement presque expressionniste des décors dans « What it seems ».

D’autre part, on remarquera cette année la quasi absence des animations auparavant bien plus représentée dans cette compétition. Autre fait suffisamment marquant pour être mentionné ici : deux films présentés sont des films de promotion. « .363 ep.2 » est le pilote d’une série et « Year Zero » n’est autre que le film de présentation du festival barcelonais OFFF ! Même si ces films sont de qualité – cela est tout particulièrement vrai pour « Year Zero » qui est sans conteste techniquement le meilleur film de la sélection –, ont-ils une place dans une compétition de courts métrages ? La production européenne de très courts est-elle si pauvre qu’on ne peut sélectionner d’autres films pour une compétition ?

Ne nous méprenons pas. Le programme Cocotte Minute est malgré tout un agréable moment à partager. Les films montrés sont propices à la discussion tant sur leurs fonds que sur leurs formes. Et même si l’ambiance cette année n’est pas à la franche rigolade, les films sont suffisamment décalés pour interpeler les spectateurs qui ne manqueront pas d’avoir un avis sur le film à primer.

Fanny Barrot

Le programme Cocotte Minute est projeté au 27ème Festival européen du film court de Brest le mercredi 14 novembre à 18h et le samedi 17 novembre à 10h

Hiljainen viikko de Jussi Hiltunen

« Où est Laura ? Parle ! »

Quelques images suffisent pour se rendre compte qu’on a affaire à un grand film. « Hiljainen viikko », film finlandais sélectionné à Brest, dans la compétition européenne, suit deux inconnus, une jeune fille et un agent de sécurité, avant, pendant et après une tragédie qui les réunit, malgré eux. Magistral.

Premiers temps.

Montage parallèle. Un être filmé de face, au volant de sa voiture : Kati. L’autre, suivi de dos, en plein travail d’observation : Aki. Le premier vient chercher sa soeur Laura et son petit ami Panu, à la sortie d’une boîte de nuit, au petit matin. Le deuxième est agent de sécurité dans ladite boîte. Lorsqu’un de ses collègues lui demande si tout va bien, il lui répond : « toujours » d’un air entendu. Et oui, tout va bien, ce jour-là. La discothèque ferme bientôt ses portes, les fêtards sont sur le départ. D’ailleurs, la voiture de Kati arrive à l’instant sur le parking. Laura se dirige même vers sa soeur, quand une détonation se fait entendre. Un jeune, à l’extérieur, s’écroule, atteint par les coups de feu. Aki hurle : « Tout le monde à l’intérieur ». Laura repart en courant, vers la porte, mais elle est prise à son tour pour cible, et meurt. Kati ne bouge pas. Le forcené s’approche de sa voiture et retourne son arme sur lui. Les secours arrivent. Kati et Aki, choqués, se regardent, en silence.

Deuxième temps.

Tous deux retrouvent leurs proches : Kati, ses parents, Aki, sa petite amie. Tous deux souffrent de la mort accidentelle de Laura, tous deux éprouvent un sentiment de solitude et n’arrivent pas à s’ouvrir aux autres. Tous deux ressentent de la culpabilité, tous deux sont accusés par Panu, le petit ami de Laura : celui-ci reproche à Kati d’être arrivée en retard sur les lieux et à Aki d’avoir tué son amie, en ne faisant rien pour la sauver, le jour de la fusillade.

Troisième temps.

Aki se blesse (volontairement?) au sauna. Quand l’infirmier qui l’accompagne à l’hôpital réalise qui il est, il le remercie d’avoir sauvé la vie de son fils, présent dans la discothèque ce soir-là. Aki se met à pleurer. Après s’être inquiétée, sa petite amie lui parle d’un coup de fil de Kati. Tous deux se rencontrent dans un café, avec le poids de leurs chagrins respectifs. Générique.

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Quatrième temps.

Loin de mettre des images sur un banal fait divers, « Hiljainen viikko » ne s’interroge pas sur les motifs d’un meurtrier frappant à l’aveugle et de sang froid, dans un milieu juvénile. Le film de Jussi Hiltunen s’intéresse aux répercussions de tels actes dans la vie de deux individus, deux témoins au lien désormais indéfectible. Comment gérer une disparition subite et injuste ? Comment surmonter la perte, le chagrin, la culpabilité ? A qui parler ? Peut-on pardonner ? En soulevant ces questions, en s’appuyant sur une mise en scène très affirmée et en étant interprété par deux comédiens principaux épatants, ce film relève du coup de poing cinématographique. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas ressenti cela dans un court de fiction.

Katia Bayer

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« Hiljainen viikko » de Jussi Hiltunen est projeté au Festival européen du film court de Brest, dans le cadre de la compétition européenne n°6, le jeudi 15/11 à 16h et le vendredi 16/11 à 21h30

H comme Hiljainen viikko

Fiche technique

Synopsis : Un film court sur la culpabilité et le pardon. Une fusillade a lieu devant la discothèque d’une petite ville au Nord de la Finlande. Deux témoins doivent surmonter leurs sentiments de perte, chagrin, et culpabilité.

Réalisation : Jussi Hiltunen

Genre : Fiction

Durée : 17′

Pays : Finlande

Année : 2011

Scénario : Jussi Hiltunen

Image : J-P Passi

Montage : Jussi Rautaniemi

Interprétation : Antti Luusuaniemi, Rosa Salomaa

Production : Making Movies

Article associé : la critique du film

Le Propriétaire de Hu Wei

En 2012, en France, le jour du Nouvel an chinois, un Asiatique d’une quarantaine d’années entreprend des démarches administratives afin d’obtenir sa carte de séjour. Après plusieurs heures d’attente, celles-ci échouent, à cause d’un avis de domiciliation prochainement invalide. Toute la journée durant, notre inconnu part alors à la recherche de M. Ding, le seul à même de lui fournir le papier vital. Mais Mr Ding est introuvable…

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Si « Le Propriétaire » est une fiction, c’est aussi une terre d’élection pour le documentaire. Les premières minutes nous montrent principalement des hommes, aux portes d’une administration, attendant d’être reçus. Ceux-ci, plutôt nombreux dans la rue, patientent en silence. Plusieurs visages et corps de différentes nationalités défilent en un panorama filmé, caméra à l’épaule. Nous comprenons que cette attente est une nécessité. Puis, la caméra s’attarde sur notre « homme », l’acteur Quoc Dung Nguyen : « Le Propriétaire » va nous parler de lui. On pourrait partir du postulat que c’est parce qu’il sort du lot qu’il devient le sujet principal. Mais les autres hommes, et les rares femmes ou enfants, que nous avons aperçus précédemment auraient pu également l’être, le film nous laissant souvent la possibilité de plusieurs voies comme de plusieurs interprétations. Ainsi, l’acteur Quoc Dung Nguyen a un faux air de l’acteur chinois Tony-Leung-Chiu Wai, lequel a réalisé un certain nombre de prestations mémorables au moins dans des films policiers ou d’action (« Infernal Affairs », « Hero »), mais aussi dans des films romantiques (« In The Mood for Love »…). Cette ressemblance peut sembler anecdotique. Sauf que la recherche de Mr Ding, qui est au départ plutôt une enquête sociale se convertit très vite en une enquête policière. Un certain nombre de codes du film noir se déploient : une disparition, une inspection, la sollicitation discrète d’un réseau de connaissances susceptibles de détenir la précieuse information, une « filature » avec un clin d’œil quasi incontestable aux films noirs des années 70, voire au « Samouraï » de Melville. Notre héros est doué du pouvoir de ne laisser aucune trace derrière lui; on ne l’entend jamais ; il récupère sa voiture à la fourrière sans être vu par les policiers présents ; à la limite de la clandestinité, il recherche un disparu. Autre particularité : aucune musique ne figure au générique du «Propriétaire » qui nous expose ainsi une série d’actions et de faits et s’exempte de tout racolage sonore.

Néanmoins, comme dans tout film noir, le réalisateur nous fait entrer dans un milieu habituellement réservé à des initiés. Ici, il s’agit du « milieu » chinois, un univers dans lequel notre protagoniste semble aussi à l’aise que dans la pratique de certaines mœurs françaises. Dans les deux cas, il ne montre aucune attache. Il y est à chaque fois de passage comme son statut d’immigré fait de lui une personne de passage en France ; lorsque la fonctionnaire blasée lui explique que son papier de domiciliation est erronné et qu’il va lui falloir revenir, il obtempère sans moufter. Lorsque sa voiture disparaît car mal garée un jour de marché, il sait s’adresser au policier approprié. Obstinément, notre « bonhomme » s’en tient à ses buts, sans relâche et sans affolement. On le suit, à la fois par empathie, par curiosité et parce que nous sommes entraînés par son activité méthodique. Comme si cela était insuffisant, Hu Wei renforce l’attrait pour son récit en captant notre attention avec des manifestations quasi surnaturelles : un oiseau tombe mystérieusement sur le pare-brise de la voiture du personnage dès les premières minutes ; un reportage télévisé en anglais s’interroge sur tous ces oiseaux qui tombent du ciel ; un dé est retrouvé dans un raviolis frits que notre protagoniste mange dans un restaurant asiatique et dont il prend un cliché avec son appareil photo numérique qu’il semble toujours emporter avec lui.

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Des événements étonnants, un personnage qui prend des photos à des moments plutôt incongrus : voilà comment donner davantage d’épaisseur à un protagoniste et une histoire qui en ont déjà de façon assez conséquente. On peut alors penser à des influences comme celles du film « Un Prophète » de Jacques Audiard (pour l’apparition subite du cerf sur la route) ou certaines nouvelles de Raymond Carver. Mais la pirouette continue. Au bout des vingt quatre minutes et trente secondes que dure « Le Propriétaire », force nous est de constater que nous étions encore loin d’avoir fait le tour du propriétaire comme de notre personnage : nous le voyions comme un immigré chinois, un peu étrange et paumé, au regard parfois attendrissant. Le cadavre nu d’une femme blanche qu’il exhume du coffre de sa voiture et qu’il jette dans le trou qu’il a creusé dans une forêt nous le fait subitement percevoir autrement. Notre homme est aussi un criminel. Est-il le meurtrier ou le complice d’un meurtre ? La nudité de la victime implique une certaine intimité avec elle. S’agit-il d’un crime passionnel ? Quel est ce sourire qu’il a lorsqu’au dessus de la tombe, il adresse à la victime un mot qu’il a écrit? Un sourire de repentir ou une satisfaction personnelle devant le meurtre accompli ? A nouveau, son calme et sa méthode se manifestent : il semble avoir tout son temps et être rôdé à ce genre de situations. Voir et revoir le film nous impose le constat suivant : cet homme n’a jamais cessé de nous échapper et de nous troubler.

Dans la forêt, maintenant, la nuit est tombée. Dans l’obscurité, notre « héros » prend une dernière photo avec flash cette fois-ci, mais nous ne voyons pas ce qu’il photographie. Et la dernière image s’arrête sur le portrait d’une chouette ou d’un hibou. Sacré Monsieur Hu !

Franck Unimon

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Oscars 2013 : présélection des courts métrages d’animation

L’Académie des Arts et des Sciences du Cinéma vient d’annoncer sa liste réduite des courts métrages d’animation en lice pour la 85ème cérémonie des Oscars. Sur les 56 candidats initialement annoncés, ils ne sont plus que dix en lice. Les nominations définitives (5 films) tomberont le 10 janvier. Découvrez sans plus attendre la première liste des films retenus et leurs images visibles sur la Toile.

Entre les deux poids lourds de la Fox (« Maggie Simpson in The Longest Daycare ») et de Disney (« Paperman »), la pléiade de productions indépendantes joue la carte de l’authenticité et de la diversité. Dans cette liste, on retrouve avec plaisir et émerveillement de l’animé traditionnel japonais (« Combustible ») au milieu d’oeuvres entièrement dessinées à la main(« Adam and Dog ») ou en stop-motion (« The Eagleman Stag », Fresh Guacamole »). Cerise sur le gâteau, deux productions françaises (« Dripped » et « Tram ») font partie des candidats à la statuette.

– Adam and Dog de Minkyu Lee (Lodge Films)

Dripped de Léo Verrier (Chez Eddy)

– Combustible de Katsuhiro Otomo (Sunrise Inc.)

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– The Fall of the House of Usher de Raul Garcia (Melusine Productions, R&R Communications Inc., Les Armateurs, The Big Farm)

– The Eagleman Stag de Mikey Please (Royal College of Art)

– Head over Heels de Timothy Reckart (National Film and Television School)

– Maggie Simpson in ‘The Longest Daycare’ de David Silverman (Gracie Films)

– Fresh Guacamole de PES (PES)

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– Paperman de John Kahrs (Disney Animation Studios)

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Tram de Michaela Pavlátová (Sacrebleu Productions)

Source : Deadline & Vodkaster

Klein (Small) de Sanne Vogel

Les premiers émois d’une fillette de 12 ans

Après un film semi-expérimental assez dur de 22 minutes, Fireworks, nous ne sommes pas mécontents de tomber sur cette petite parenthèse de 7 minutes, qu’est « Klein » de Sanne Vogel, dans le programme 6 de la compétition européenne du 27e Festival de Brest.

Dans ce joli film hollandais, une mère emmène pour la première fois, Noortje, sa fille de 12 ans dans un salon de beauté, où elle va découvrir de nouvelles sensations, au contact d’une masseuse qui, à sa grande surprise, est un homme. On suit alors Noortje dans la cabine de massage, où elle se retrouve seule avec le masseur, ce qui n’a pas l’air de rassurer la fillette qui hésite d’ailleurs à retirer le haut de son maillot de bain.

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S’ensuit le massage en temps réel, avec une alternance de plans entre ceux des mains du masseur sur le corps juvénile de Noortje et ceux du visage de la fillette immobilisé dans le trou de la table de massage. Au début du massage, Noortje éprouve quelques difficultés à se laisser aller, malgré la musique lounge, l’éclairage reposant et la douce voix du masseur. Au fur et à mesure, elle adopte des mimiques tantôt poilantes tantôt attendrissantes, tant son visage reflète ce qu’elle ressent sous les mains du masseur. A un moment, elle se relaxe jusqu’à en saliver littéralement de plaisir, à un autre, elle redevient une enfant lorsque le massage plantaire la chatouille et la fait rire aux éclats.

Une petite appréhension ne la quitte néanmoins jamais, ne sachant pas ce que va lui faire le masseur et sur quelle partie de son corps il va poser ses mains. Puis, avec le soulagement de la fin du massage, une certaine complicité naît entre les deux individus et le sourire qu’envoie Noortje au masseur est comme un remerciement qu’elle lui adresse pour toutes les sensations qu’il lui aura procurées.

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Sanne Vogel, la réalisatrice, réussit avec merveille à nous conter l’émancipation d’une fillette de 12 ans, à nous faire ressentir de la gêne et de la jouissance, en passant du visage tendu de Noortje aux gestes sensuels du masseur, sans jamais que cela paraisse malsain. Le plaisir physique est ainsi perçu avec beaucoup de tendresse et de délicatesse, le « rite de passage » vers la sexualité est filmé avec autant de douceur, malgré le fait que l’on sache pertinemment que l’adolescence est une période particulièrement ingrate, voire violente.

Lorsque le massage se termine, Noortje en sort changée. Lorsque sa mère lui demande si elle n’a pas été perturbée par le fait que le massage ait été fait par un homme, celle-ci lui répond fièrement par la négative. Un simple massage et surtout les premiers émois, auront par conséquent fait d’elle une femme.

Camille Monin

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K comme Klein

Fiche technique

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Synopsis : Noortje, une fillette de 12 ans, reçoit son tout premier massage. Elle n’est pas encore prête à sentir les mains d’un inconnu sur sa peau.

Genre : Fiction

Durée : 7’

Pays : Pays-Bas

Année : 2011

Réalisation : Sanne Vogel

Scénario : Sanne Vogel

Image : Lennert Hillege

Montage : Annelies van Woerden

Décors : Paula Loos

Musique : Perquisite & Renske Taminiau

Interprétation : Erik van Welzen , Megan de Kruijf

Production : IDTV Film

Article associé : la critique du film

Flow de Hugues Hariche

John a un seul et unique objectif : remporter le concours Georgia Bodybuilding Championships. Pour cela, il impose à son corps une discipline de fer. Sa vie est rythmée par les entraînements, le reste est accessoire.

Vouloir faire un film sur le quotidien de John, un jeune culturiste, qui possède un poster d’Arnold Schwarzenegger au-dessus de son lit peut laisser perplexe plus d’un spectateur. Hugues Hariche, dont le film « Flow » passe à Brest ces jours-ci, aurait pu se contenter de montrer banalement l’ordinaire de son personnage, John, interprété par John Fournier, culturiste de son état. Au lieu de cela, il dépeint avec justesse un homme seul au milieu des autres, se confrontant à des questions qui résonnent au-delà de la salle de musculation, et nous donne à voir une autre facette de cette discipline méconnue qu’est le culturisme.

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En nous rendant témoins de l’intimité de John, en nous apprenant, par la voie de son médecin, qu’après son accident, il n’aurait jamais dû remarcher, en utilisant les codes de la fiction, en structurant le récit autour de la seconde chance, avec un acteur jouant son propre rôle, « Flow » interpelle et semble osciller entre fiction et documentaire.

Ce dispositif hybride rappelle celui employé par Darren Aronofsky dans « The Wrestler », où une ancienne légende du catch tente de revenir dans la lumière après une longue traversée du désert. Aronofsky n’avait bien évidemment pas choisi Mickey Rourke au hasard, son personnage étant largement inspiré de la vie de l’acteur. Si les a priori sont nombreux lorsqu’il s’agit de catch ou de bodybuilding, les deux films réussissent à prendre à contre-pied les préjugés, pour montrer avec honnêteté et sans ambages les tragédies et les destins respectifs vécus par les deux personnages.

Dans « Flow », seule compte la détermination sans failles dont fait preuve John pour atteindre son rêve, celui de remporter le concours de bodybuilding. Imposant, taiseux et obstiné, rien ne semble l’atteindre, pas même Laurie, la jeune femme qui, contrairement aux autres, prend le temps de s’intéresser à lui. Pourtant, lorsqu’une après-midi, il se rend sur la plage pour parfaire son bronzage en vue de la fameuse compétition, deux jeunes hommes se moquent de son physique et font naître chez lui une certaine amertume. Cette scène met en lumière la tension qui existe entre l’image que John offre aux autres et celle qu’il a de lui-même. Ces moqueries permettent aussi d’intégrer à la narration les critiques communément faites au culturisme, sans qu’elles viennent parasiter la perception du récit.

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La mise en scène n’est pas la seule à participer à l’isolement de John. En utilisant une lumière saturée voire éblouissante, notamment pour les lumières extérieures, le réalisateur maintient son personnage dans un petit périmètre au-delà duquel le reste du monde est difficilement perceptible. Le jour J, celui du concours, les repères changent : la caméra s’affranchit du personnage de John, prend plus de distance avec lui et admet la profondeur de champ. John se révèle, il se met à exister au travers du regard des gens qui le voient sur la scène. Sous les feux des projecteurs, son visage s’illumine, ses muscles assurent le spectacle, il se métamorphose. Une nouvelle vie commence.

« Flow » parvient avec habilité à aborder un sujet complexe en touchant des problématiques essentielles dans un contexte habituellement réservé aux films d’action. Un véritable tour de force.

Julien Beaunay

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F comme Flow

Fiche technique

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Synopsis : John, un jeune bodybuilder, se prépare jour après jour pour une compétition, les NPC Georgia Bodybuilding Championships. Sa vie est un rituel, une mécanique parfaitement réglée. Concentré sur son objectif, il ne lâche rien, espérant atteindre sur scène cet instant de bonheur unique : le flow.

Réalisation : Hugues Hariche

Genre : Fiction

Durée : 22’49 »

Pays : France

Année : 2012

Scénario : Hugues Hariche

Image : Sean Price Williams

Son : Scott Johnson

Montage : Nicolas Desmaison, Jessica Menéndez

Musique : Alexandre Wimmer

Mixage : Ivan Gariel

Interprétation : John Fournier, Michaela Landay, Michael Warshauer, Nicolas V. Costrini, Jared Bacon

Production : Kazak Productions

Article associé : la critique du film

Festival de Brest 2012

Le 27ème Festival européen du film court de Brest a démarré hier soir, avec un programme et un cri du cœur : Shorts’Attack ! Avant de découvrir en fin de semaine notre Prix Format Court, attribué au sein de la compétition européenne, nous vous proposons de découvrir jour après jour, les films qui nous ont le plus séduits, qu’ils soient issus de la Cocote Minute, de la compétition nationale ou européenne.

Retrouvez dans ce Focus :

Le reportage « Brest. Courts européens & petits comédiens »

La critique de « Prora » de Stéphane Riethauser
 (Suisse)

La critique de « Vegtelen percek » de Cecília Felméri (Roumanie, Hongrie)

Le reportage sur la sélection française à Brest

Le reportage « Cocotte Minute : la pression monte »

La critique de « Hiljainen viikko » de Jussi Hiltunen (Finlande)

La critique de « Le Propriétaire » de Wei Hu (France, Chine)

La critique de « Klein » (Small) de Sanne Vogel (Pays-Bas)

La critique de « Flow » de Hugues Hariche (France)

Nouveau Prix Format Court au Festival européen du Film Court de Brest !

Festival de Brest, la compétition française

Festival de Brest, la compétition Cocote Minute

– …

On The Beach de Marie-Elsa Sgualdo

“Ma fille, cette héroïne au regard si grave”

Lauréat de l’envieux Bayard d’or du meilleur court métrage international au FIFF, « On The Beach » se présente comme une traversée intime des sensations d’une adolescente en quête d’elle-même.

Qui ne se souvient pas, le sourire aux lèvres, de « Mon père ce héros » où Marie Gillain fit sa première apparition à l’écran. Un film joyeux, comique et tendre qui traitait du sujet délicat des enfants issus du divorce. Un peu plus de 20 ans plus tard, Marie-Elsa Sgualdo qui avait déjà abordé la séparation dans « Bam Tchak » approfondit le sujet en le montrant à travers les yeux d’une adolescente de 15 ans.

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D’une facture plus sérieuse, la Sara de « On the Beach » diffère grandement de la Véronique de Gérard Lauzier. Elle ne passe pas ses vacances à l’île Maurice en compagnie du paternel qu’elle appelle par son prénom. Non, chez Sgualdo, le père laisse la fille (ou l’abandonne) avec son petit frère à l’entrée du camping de vacances où résident sa mère et son nouveau petit ami. Sara se retrouve à s’occuper de son petit frère en attendant le retour de sa mère. En 20 ans, l’adolescence semble avoir pris en responsabilité tandis que le monde adulte rattrape sa jeunesse en discothèque sur le dernier tube à la mode.

Posant sa caméra au plus proche du corps et du visage de Sara, magnifiquement interprétée par Joanne Nussbaum, la réalisatrice arrive à transmettre chaque doute, hésitation et souffrance de la jeune fille qui a du mal à supporter la frivolité de sa mère. Quand le petit frère disparaît un moment, mère et fille, unies dans la même douleur, ne peuvent s’empêcher de s’affronter, de se confronter et de se culpabiliser. Et les vacances estivales, qui devaient être un moment joyeux, se transforment petit à petit en une troublante et indispensable quête de soi.

Ayant un besoin farouche d’indépendance et une envie inévitable de se sentir désirable, Sara s’isole de la main maternelle, protectrice, tout en voulant s’y réfugier.C’est finalement dans la nature, seule vraie complice et à l’écoute de son mal-être, qu’elle décide de s’abandonner.

Sensible et sensuel, grave et sérieux, « On The Beach » est assurément le plus abouti des films de Marie-Sgualdo. Un Bayard d’or plus que mérité.

Marie Bergeret

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O comme On The Beach

Fiche technique

Synopsis : C’est l’été, mais la vie est bien compliquée pour Sara, quinze ans. Son petit frère sur le dos, la voilà expédiée chez sa mère pour les vacances. Son père y tient, même s’il s’est fait larguer. Sa mère, elle crèche dans une caravane, au camping. Drôle d’endroit pour refaire sa vie! Heureusement, il y a la plage et les garçons. Encore faudrait-il qu’elle se laisse vivre, Sara…

Genre : Fiction

Durée : 17’

Pays : Suisse

Année : 2012

Réalisation : Marie-Elsa sgualdo

Scénario : Marie-Elsa Sgualdo

Image : Gabriel Lobos

Son : Guilhèm Donzel, Lionel Haflants, Thomas Grimm-Landsberg

Interprètes : Joanne Nussbaum, Alessio Balossi, Amadou Awana Soumare, Marika Dreistadt, Gianfranco Poddighe, Serge Bozon

Production : Box Productions

Articles associés : la critique du film, l’interview de Marie-Elsa Sgualdo

T comme La Tête froide

Fiche technique

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Synopsis : Yoann, 17 ans, n’a qu’un rêve dans la vie : devenir footballeur professionnel. À quelques semaines d’un match décisif, Thomas, un nouveau joueur talentueux, arrive dans le club. Il va bouleverser la vie de l’équipe et celle de Yoann.

Genre : Fiction

Pays : France

Année : 2012

Durée : 26′

Réalisation : Nicolas Mesdom

Scénario : Nicolas Mesdom, David Lucas

Image : Sébastien Hestin

Son : Mathieu Vilien

Montage : Frédéric Baillehaiche

Interprétation : Sébastien Houbani, Isaie Sultan

Production : Les Météores

Article associé : le reportage sur la compétition internationale au FIFF 2012