C comme Coloscopia

Fiche technique

Synopsis : La sublime Jackie Larose, reine du charme et de l’érotisme, subit une opération de l’intestin qui la laisse avec un anus artificiel. Un trou muni d’une poche. A son retour, plutôt que de faire une croix sur son métier, elle affirme son intention de poser nue pour le magazine Coco Lapin. Oh Jackie !… Où nous entraînes-tu ? Dans quel précipice ? Et quelle est cette fièvre dont tu es le premier frisson ?

Genre : Fiction

Durée : 13’

Pays : France

Année : 2010

Réalisation : Benoit Forgeard

Scénario : Benoit Forgeard

Image : Hervé Lodé

Son : Jean-Baptiste Haehl

Musique : Emiliano Turi , Bettina Kee

Montage : Nicolas Boucher

Interprétation : Caroline Deruas , Darius , Nora Hamzawi , Guillaume Saurrel , Christine Boisson , Francis Van Litsenborgh , Emmanuel Lautréamont

Production : Ecce Films

Article associé : l’interview de Benoit Forgeard

« Cheveu », Prix du meilleur court métrage français 2011

Le Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des Films de Télévision a décerné ses prix annuels. Parmi eux, le Prix du meilleur court métrage français a été attribué à « Cheveu »  de Julien Hallard. Pour information, ce prix est décerné depuis 1973 et c’est la Commission du court métrage de la Semaine de la Critique qui propose une sélection de films à l’ensemble des membres du Syndicat.

cheveu

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D comme Le Dernier Chaperon Rouge

Fiche technique

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Synopsis : Dans la forêt de Perlimpinpin, au milieu de la faune et des animaux, vit le dernier chaperon rouge. Mais il est l’objet de bien des convoitises.

Genre : Fiction

Durée : 26’

Pays : France

Année : 1996

Réalisation : Jan Kounen

Scénario : Jan Kounen, Carlo de Boutiny inspiré de Charles Perrault

Chorégraphie : Philippe Découflé

Image : Tetsuo Nagata

Son : Richard Shou

Musique : Brune Roman, François Roy, Jean-Jancques Hertz

Montage : Philippe Kotlarski

Interprétation : Emmanuelle Béart, Gérald Weingand, Diana Payne-Meyers, Marc Caro, Stéphane Chivot, Alexandra Gonin, Philippe Découflé

Production : La Petite Reine / Tawak Pictures

Article associé : la critique du film

Le Dernier Chaperon Rouge de Jan Kounen

Le 33° Festival du court métrage de Clermont ouvre cette année une programmation spéciale dédiée au thème du conte avec trois séances rétrospectives où figurent entre autres la  « Cendrillon » de Georges Méliès et l’indémodable « Petit Chaperon Rouge » de Tex Avery. Le conte de Charles Perrault est d’ailleurs particulièrement mis à l’honneur puisqu’il inspire pas moins de dix films sur les vingt-quatre projetés. Parmi eux, «Le Dernier Chaperon Rouge » de Jan Kounen, une super production de 26 minutes avec un générique digne d’un long.

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Le Petit Chaperon Rouge version Jan Kounen mêle avec subtilité la naïveté naturelle des contes pour enfants et l’univers fantastique des films d’épouvante. Si l’on retrouve les personnages principaux imaginés par Perrault, l’adaptation du scénario nous transporte dans un monde où des chaperons sortent d’une fusée nucléaire venue du centre de la terre pour tomber nez-à-nez avec un monstre mi-homme mi-machine interprété par l’inquiétant Marc Caro. Le personnage de Mère-Grand devient celui de la vieille femme aux jambes tordues, ancien petit chaperon mutilé qui court après ses rêves de jeunesse pour récupérer les jambes qui la faisait danser. Car le film de Jan Kounen est aussi une comédie musicale où dans une forêt magique, les animaux, les champignons et les minéraux chantent et dansent autour des chaperons dans des mouvements chorégraphiques particulièrement efficaces et parfaitement filmés.

Le dernier chaperon rouge, interprété par Emmanuelle Béart chante avec charme l’innocente vision de l’amour et de l’enfance, alimentant la convoitise de la vieille dame, mais aussi celle du loup. Interprété par un Gérald Weingand plus que convaincant, le loup dévoré de désir amoureux pour ce petit chaperon, est en proie à une lutte intérieure pour tenter en vain d’échapper à sa propre nature. Avec des costumes et des décors bluffants, des mouvements de caméra percutants, des effets spéciaux admirablement orchestrés, «Le Dernier Chaperon Rouge » nous fait pénétrer dans une atmosphère hallucinatoire, à la fois drôle et effrayante, revisitant dans une version pour adultes le conte de notre enfance.

Xavier Gourdet

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Jacques Kermabon. Point de vue critique & forme brève

En novembre, Jacques Kermabon, le souriant rédacteur en chef de Bref (plus de 20 ans au compteur. Respect) faisait partie du Jury officiel de Média 10-10 à Namur. En décembre, on décidait de le rencontrer pour revenir sur l’éditorial de Bref et sur les liens historiques de la revue avec l’Agence du court métrage. En janvier, on se remettait des fastes du Nouvel An, et en février, on profitait d’un focus rouge et dessiné pour sortir l’interview de cet habitué de Clermont-Ferrand.

Interview : Katia Bayer

Image, montage : Cyrille Vaillant

I comme Il Etait Une Fois l’Huile

Fiche technique

Synopsis : Dans le garage d’une maison tranquille, deux enfants fouillent les étagères et renversent par mégarde un bidon d’huile. Une goutte tombe à terre et se métamorphose en Goutix, la mascotte officielle des huiles Méroll, friture et moteur, emmenant les marmots faire un voyage merveilleux dans l’usine en question.

Genre : Animation

Durée : 14’40 »

Année : 2010

Pays : France

Réalisation: Vincent Paronnaud

Scénario : Vincent Paronnaud, Cizo, Frédéric Felder

Son : Denis Vautrin

Musique originale : Olivier Bernet

Voix : Raphaël Lamarque, Fily Keita

Production : Je Suis Bien Content

Article associé : la critique du film

Il Etait Une Fois l’Huile de Vincent Paronnaud

Après « Persepolis » et la parenthèse du zombie pastoral («Villemolle 81») et en attendant de futurs projets de longs, Winshluss alias Vincent Paronnaud revient au court métrage d’animation pour le meilleur, avec le film « Il Etait Une Fois l’Huile », produit par la société de production Je Suis Bien Content. Un court métrage qui avait déjà fait les beaux jours de la dernière édition de l’Etrange Festival et qui apporte une touche d’humour noir bienvenue à la sélection Labo de Clermont cette année.

Utilisant les dispositifs d’apprentissage ludique de programmes comme C’est Pas Sorcier ou Il Etait Une Fois La Vie, le récit suit deux enfants qui délivrent sans le vouloir le « génie » d’une bouteille d’huile, au fond d’une vieille remise. Mais ce n’est pas n’importe quel génie, puisqu’il s’agit de Goutix, la mascotte officielle des huiles Méroll. Goutte d’huile personnifiée affublée d’un costume improbable, Goutix va emmener ces enfants dans le monde « mervhuileux » des huiles Méroll pour expliquer leurs bienfaits sur, tour à tour, l’écologie, la santé et la société. Commence alors un périple déjanté dans l’univers de Winshluss (bien connu des lecteurs assidus des éditions de BD Les Requins Marteaux), où l’on nous raconte comment Edouard Michel Méroll a eu l’idée de recycler toutes les huiles usagées qui ne servaient plus, y ajouter un agent régénérateur (l’agent X903), et créer des huiles propres, promptes à servir toute la famille : les huiles Méroll.

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Fable satirique incisive et très drôle, le film nous parle de consumérisme décomplexé, de propagande publicitaire et de la politique du global corporating, tout en évitant les écueils propres à ce type d’engagements. Winshluss, aidé de près par Cizo et Frédéric Felder, sait rester pertinent à tout moment, grâce à un subtil équilibre entre un ton noir proche de Roland Topor et René Laloux (la fausse pub en images réelles, le monde fantasmé où l’huile a été interdite, le fameux « cycle de la vie » des huiles), et des fulgurances kitsch du meilleur effet (le petit-déjeuner Méroll, la chanson de fin « La Mérolla »). Bien animé, très inventif dans l’utilisation de plusieurs styles d’animation, « Il Etait Une Fois l’Huile » est peut-être l’une des oeuvres les plus abouties de son auteur.

En témoigne la conclusion post-générique, où nous assistons au départ de Goutix qui croit avoir convaincu les enfants des bienfaits des huiles Méroll ; ceux-ci, après son départ, lâchent cette phrase malheureuse : « il est gentil, mais il est un peu lourd. Et puis, t’as vu son pantalon, bonjour le ringard… ». Les enfants n’ingurgitent que de manière passagère le message « huilé » de Goutix, ils ont juste passé un bon moment et sont déjà à la recherche d’un nouveau  » génie » dans un autre bidon. Les auteurs renvoient à la face des « pro-Méroll » en tous genres leur propre vacuité et le côté éphémère de leurs produits dans le modèle sociétal qu’ils ont créé. Un modèle qui a transformé « nos propres chérubins » en consommateurs accros aux « dérivés du pétrole ».

Julien Savès

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Festival de Clermont-Ferrand 2011

3…2…1, c’est parti. Le Focus Clermont-Ferrand s’ouvre ce mardi 8 février, à 10h33. Retrouvez plusieurs fois par jour nos sujets en phase avec la programmation du festival, via les sections officielles (nationale, internationale, labo) et les programmes parallèles. Bonne lecture & bon festival à ceux qui le suivent.

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Compétition internationale

La critique de « Kawalek Lata » (Un bout d’été) de Marta Minorowicz (Pologne), Grand Prix international

La critique de « Yuri Lennon’s Landing on Alpha 46 » d’Anthony Vouardoux (Suisse), Prix des Médiathèques

L’interview de Banu Akseki, réalisatrice de « Thermes » (Belgique)

L’interview de Benoît Felici, réalisateur de « Unfinished Italy » (Italie, France)

Compétition Labo

La critique de « Big Bang Big Boom » de Blu (Italie), Prix du Public

La critique de « Love & Theft » d’Andreas Hykade (Allemagne)

La critique de « Storyteller » de Nicolas Provost (Belgique)

La critique de « Il Etait Une Fois l’Huile » de Vincent Paronnaud (France)

L’interview de Nicolas Provost, réalisateur de « Storyteller » (Belgique)

L’interview de Jonathan Caouette, réalisateur de « All Flowers in Time » (Etats-Unis), Mention spéciale du Jury Presse

L’interview d’Andrea Martignoni, compositeur de « Big Bang Big Boom » (Italie), Prix du Public

L’interview de Félix Dufour-Laperrière, réalisateur de « Strips » (Québec)

Compétition Nationale

La critique de « Splitting the Atom » d’Edouard Salier

La critique de « Hurlement du Poisson » de Sébastien Carfora, Prix ADAMI d’interprétation masculine

– La critique de « Terrains Glissants » de François Vogel

La critique de « Chair disparue » de Pascal Mieszala

La critique de « Coloscopia » de Benoît Forgeard

L’interview de Blandine Lenoir, réalisatrice de « Monsieur l’Abbé »

L’interview de François Vogel, réalisateur de « Terrains glissants »

L’interview de Benoît Forgeard, réalisateur de « Coloscopia »

Autres

Deux illustrations de Gwendoline Clossais sur les films en compétition

La critique du DVD « 10 ans de Labo »

L’interview de Marc Faye, réalisateur et arrière-petit-fils d’“O’Galop

La critique du DVD Blandine Lenoir : Etre femme

La critique de « Le Dernier Chaperon Rouge » de Jan Kounen

L’interview de Jacques Kermabon, rédacteur en chef de Bref

Festival de Clermont, le 33ème Palmarès

Clermont-Ferrand, le choix international

Clermont, les titres labo

Festival de Clermont-Ferrand, la compét’ nationale

Plus nos anciens sujets en lien avec le festival :

Compétition Internationale

La critique de « Los minutos, las horas » de Janaína Marques Ribeiro (Cuba), Prix Spécial du Jury International

La critique de « Les Journaux de Lipsett de Theodore Ushev » (Canada), Prix du Meilleur Film d’Animation

La critique d’ “Unfinished Italy” de Benoît Felici (Italie)

La critique de « Thermes de Banu Akseki (Belgique)

La critique de « Höstmannen » de Jonas Selberg Augustsén (Suède)

La critique de « Khouya » de Yanis Koussim (Algérie, France)

La critique de « Kwa Heri Mandima » de Robert-Jan Lacombe (Suisse)

La critique de « Nawéwé » d’Ivan Goldschmidt (Belgique)

Compétition Labo

La critique de « All Flowers in Time » de Jonathan Caouette (Canada, Québec, Etats-Unis), Mention spéciale du Jury Presse

La critique de « Stardust » de Nicolas Provost (Belgique)

Compétition Nationale

La critique de “La dame au chien” de Damien Manivel, Prix Spécial du Jury

La critique d’”Aglaée” de Rudi Rosenberg, Mention spéciale du Jury National et Prix ADAMI d’interprétation féminine

La critique de “Monsieur l’Abbé” de Blandine Lenoir

La critique de « Coucou-les-Nuages » de Vincent Cardona

La critique de « Petit Tailleur » de Louis Garrel

La critique de « Vasco » de Sébastien Laudenbach

L’interview de Damien Manivel

L’interview de Rudi Rosenberg

L’interview d’Amal Kateb, réalisatrice de « On ne mourra pas », lauréat du Prix France Télévisions

L’interview de Vincent Cardona

L’interview de Sébastien Laudenbach

P comme Le 1er mai à Saint-Nazaire

Fiche technique

premier

Synopsis : Pendant deux mois, les chantiers de l’Atlantique ont poursuivi une grève grâce au soutien sans faille des commerçants et paysans. Ce 1er mai, tous les syndicats appellent au rassemblement pour la victoire. Une production ORTF censurée, toujours inédite à la télévision.

Réalisation : Marcel Trillat, Hubert Knapp

Genre : Documentaire

Durée : 20’

Année : 1967

Pays : France

Image : Marcel Trillat, Hubert Knapp

Son : Marcel Trillat, Hubert Knapp

Montage : Marcel Trillat, Hubert Knapp

Production : ORTF

Article associé : la critique du film

S comme Le Sabotier du Val de Loire

Fiche technique

sabotier

Synopsis : Jacques Demy évoque ses souvenirs d’enfance à travers le quotidien du couple de sabotier qui l’a accueilli pendant la guerre.

Réalisation : Jacques Demy

Scénario : Jacques Demy

Genre : Documentaire

Durée : 29’

Année : 1955

Pays : France

Image : H. Georges Lendi

Son : Francis Rémoué, Jean-Claude Marchetti

Musique :  Elsa Barraine

Montage : Anne-Marie Cotret

Supervision : Georges Rouquier

Production : La Société Nelle Pathé-Cinéma

Article associé : la critique du film

M comme Misère au Borinage

Fiche technique

misere

Synopsis : « Le Borinage était l’exemple parfait de l’injustice capitaliste… […] Au cours de ces semaines passées dans le Borinage, nous avons vécu très près des mineurs… Le film que nous avions entrepris devenait de plus en plus leur film… Notre vision esthétique subit, elle aussi, le contrecoup de cette réalité… Chaque plan devait dire « j’accuse » et non « je compatis »… » (Joris Ivens ou la Mémoire d’un regard).

Réalisation : Joris Ivens, Henri Storck

Scénario : Joris Ivens, Henri Storck

Genre : Documentaire

Durée : 28’

Année : 1933

Pays : Belgique

Image : Joris Ivens, Henri Storck, François Rent

Montage : Joris Ivens, Henri Storck

Production : EPI, Club de l’écran

Article associé : la critique du film

Le travail, c’est la santé

Nombreux films, tout format confondus, traitent différemment du thème du travail aux 11èmes journées dionysiennes qui s’achèvent aujourd’hui à St-Denis. « Misère au Borinage » « Le Sabotier du Val de Loire » et « Le 1er mai à Saint-Nazaire » sont trois courts qui déclinent ce concept complexe et souvent aliénant situé au cœur de notre société.

Misère au Borinage de Joris Ivens et Henri Storck

misere

Si le cinéma wallon avait une origine, paradoxalement, il la trouverait sans doute dans ce film réalisé par un Flamand (Storck) et un Néerlandais (Ivens). Dans la lignée du documentaire social dont on fera la réputation bien après, le film de Joris Ivens et d’Henri Storck aborde la réalité ouvrière de front et, tel un pamphlet cinématographique contre le capitalisme montant, il dénonce la misère criante du Borinage en 1932.

Le contenu du film a des airs d’un « J’accuse » et la forme est aussi naturaliste que « Germinal », évoquant les conditions extrêmes dans lesquelles vivaient les mineurs de cette région sauvagement touchée par la crise économique. Des intertitres dénonciateurs et dirigés ne cachant pas leur couleur communiste appuient des images muettes (le film n’a été sonorisé qu’en 1963) laissant découvrir une misère sociale sans nom. Une misère qui sclérose un territoire où se construisent des terrils en guise de cathédrales, où l’ignorance et l’illettrisme font l’apanage d’une masse grouillante et purulente exploitée par une élite dominante. Ouvertement politique, ce documentaire militant a été tourné dans la clandestinité la plus complète et a subi le couperet de la censure avant d’être adulé dans le monde entier. De Paul Meyer, « Déjà s’envole la fleur maigre », à Simon Van Rompay, « Le chant de Geppino » en passant par Patric Jean, « Les Enfants du Borinage, lettre à Henri Storck », la région a inspiré bien des cinéastes qui, le temps d’un film, se font les porte-paroles d’un lieu unique qui reste encore à réinventer.

Le Sabotier du Val de Loire de Jacques Demy

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Loin de toute préoccupation politique, le premier court métrage de Jacques Demy montre déjà l’intérêt du cinéaste pour l’histoire individuelle, celle qui concerne le quotidien des petites gens. En bord de Loire, à La Chapelle Basse-Mer, un sabotier et sa femme (les mêmes qui ont accueilli Demy lors des bombardements de Nantes pendant la Seconde Guerre Mondiale) vivent de leur travail artisanal. Le film s’avère être aussi bien un documentaire sur la fabrication d’un sabot que le témoignage sur la vie d’un vieux couple en milieu rural dans les années 50. Fortement influencé par l’un des maîtres du genre, Georges Rouquier, Demy lui emprunte la narration et le commentaire en voix off qui oriente l’interprétation des images, ancrant ainsi le film dans une tradition plus littéraire et fictive que proprement documentaire. Toutefois, une dimension onirique et philosophique se dégage de ce petit récit par le biais d’une jolie réflexion sur le temps qui passe, et qui le rend universel.

Le 1er mai à Saint-Nazaire de Marcel Trillat et Hubert Knapp

premier

Jamais diffusé à la télévision, le reportage documentaire de Marcel Trillat et Hubert Knapp plonge sa caméra dans les profondeurs du mouvement de grève des ouvriers de Saint-Nazaire de 1967. Tout comme « Misère au Borinage », le film dénonce les conditions de vie d’hommes et de femmes travaillant sans relâche pour un salaire minimum au profit d’une minorité qui s’enrichit. A la différence du film belge, celui-ci réalisé à la fin des années 60 donne directement la parole aux ouvriers. On y sent la dimension solidaire et fraternelle qui a uni les grévistes pendant des mois comme on y perçoit aussi le soulagement d’avoir trouvé un accord avec le patronat. Si le film n’a pas bénéficié de diffusion télévisée, c’est parce que les journalistes, ayant été sommés de donner également, par souci d’équité, la parole aux patrons, ont refusé cette condition, rétorquant qu’ils n’en avaient vu aucun défiler dans les rues pendant le tournage. Dans « Le 1er mai à Saint-Nazaire », le représentant d’un syndicat résume la société capitaliste en une phrase cinglante et parfaite : « Produis, consomme et tais-toi ! « . Le plus effarant, c’est que malgré les plus de 40 ans qui nous sépare de ces évènements, cette phrase reste d’actualité, et les paroles de l’Internationale continuent de résonner comme le souvenir d’un passé résolument révolu.

Marie Bergeret

Consulter les fiches techniques de « Misère au Borinage », « Le Sabotier du Val de Loire » et « Le 1er mai à Saint-Nazaire »

« On ne mourra pas », lauréat du Prix France Télévisions

Pour la deuxième année le prix France Télévisions du court métrage a été remis, lors du 33ème festival international du court métrage de Clermont-Ferrand, à Amal Kateb pour son film « On ne mourra pas », produit par Les Films au long-cours.

Cette édition 2011 présidée par Zabou Breitman, composée de huit membres : Macha Séry (Le Monde), Danièle Ohayon (France Info), Aude Dassonville (Le Parisien), Anne Cochard (CNC), Valérie Boyer (France2 Cinéma), Daniel Goudineau (France 3 Cinéma), Sophie Gigon (Pôle Fiction France télévisions), Frédéric Prallet-Dujols (Direction des Acquisitions) a décerné 3 mentions spéciales :

– Mention spéciale meilleure comédienne à Sophia Leboutte pour son interprétation dans le court métrage « Thermes » réalisé par Banu Akseki, produit par Frakas Productions, Anonyme Films et Premium Films.

– Mention spéciale meilleur comédien à Julien Bouanich pour son interprétation dans « Monsieur l’Abbé » réalisé par Blandine Lenoir, produit par Local Films.

– Mention spéciale à la réalisatrice Baya Kasmi pour son film « J’aurais pu être une pute », produit par Karé Productions.

Pour cette deuxième édition du prix du court métrage France télévisions, en association avec le journal Le Monde, a été créé Le Prix 2011 des internautes du Monde.fr qui a été décerné au film « Le Piano » réalisé par Lévon Minasian, produit par Boa Films.

Le Prix 2011 « On ne mourra pas » sera diffusé sur France 2 dans l’émission « Histoires Courtes » le dimanche 13 février 2011 en troisième partie de soirée. La réalisatrice Amal Kateb va bénéficier d’un pré achat automatique pour son prochain film ainsi que d’un prix numéraire de 5000 euros en récompense.

Luc Moullet : « C’est en tant que cinéaste que s’élabore mon travail critique, et non pas en tant que critique de cinéma »

Outre son travail de critique de cinéma, Luc Moullet est un cinéaste à part entière. Sa forte personnalité, son jeu sur les répétitions et ses formules truculentes trouvent un écho dans les sujets de société, comme le consumérisme, les conditions de travail et sa déshumanisation, que seule la comédie peut à la fois pointer et détourner. Clown amer, oscillant du burlesque au politique, Luc Moullet nous raconte, dans la seconde partie de notre entretien, comment il est devenu le « poil-à-gratter du cinéma français ».

luc-moullet

Format Court : Comment avez-vous abordé le tournage de votre premier film, Un steak trop cuit ? À l’époque des Cahiers, aviez-vous une expérience des plateaux ?

Luc Moullet : J’ai suivi des tournages un peu accidentellement. Je suis allé sur le tournage du Coup du berger (1956) de Rivette, ou des Espions (1957) de Clouzot, et puis j’ai interviewé des réalisateurs. Je me souviens, par exemple, d’une rencontre avec Richard Fleisher. Il était en train de tourner Crack in the Mirror (1960), dans les studios de Boulogne, avec Irina Demick, Orson Welles et Juliette Gréco, et m’a reçu en interview alors qu’on préparait le plan suivant, ce qui ne se produirait probablement pas de nos jours avec un réalisateur français. Je ne sais pas si ces rencontres m’ont beaucoup servi, mais je voyais un peu comment ça se passait. Ce sont les seuls contacts que j’ai eus avec la prise de vue.

Mon premier film a été un film simple à faire car je m’étais mis dans une bonne situation. Je n’étais pas dépaysé : il se tournait dans mon studio qui n’était pas un studio de prise de vue mais un studio d’appartement. J’étais donc chez moi, entouré de mes meubles et mon frère jouait dans le film. Je ne me suis pas retrouvé en face de figurants d’une super production. Par conséquent, c’était un passage assez aisé, et l’équipe technique était très petite.

La distribution du film a par contre été un petit peu difficile parce que le producteur, Georges de Beauregard, venait de produire Le petit soldat (1963) de Godard qui avait été interdit par la censure. Il est devenu paranoïaque. Comme les dialogues étaient assez grossiers, il était persuadé que le film ne passerait jamais la censure, ce qui m’a bien fait rigoler. Le film a passé à la censure mais il l’avait pris en grippe. Un steak trop cuit avait un côté roturier, moitié rabelaisien, moitié Audiberti ou Queneau. De Beauregard, c’était un noble et ça l’a choqué, alors il l’a un peu mis de côté. J’ai réussi quand même à le faire passer au Festival de Tour, mais c’était assez tendu.

En général, comment vivez-vous la sortie de vos films ? Ces derniers sont-ils bien accueillis ?

L.M. : Disons que j’ai une position incertaine, intermédiaire. En général, on me définit comme “le poil à gratter du cinéma français”. Cette différence peut jouer contre vous et puis, au-delà d’un certain stade, jouer en votre faveur parce que vos films se différencient des autres. Mais il y a un premier stade où on se différencie tellement des autres qu’on vous rejette. J’ai gardé une critique espagnole de Brigitte et Brigitte qui disait que c’était “le film le plus débile intellectuellement de toute l’histoire du cinéma”. Je l’ai utilisé pour la promotion du film parce que si vous avez six ou sept bonnes critiques, c’est amusant d’en mettre une comme ça.

J’ai rencontré beaucoup de réticences, j’ai eu pas mal d’adversaires. Mais de manière générale, la réception critique de mes films s’est améliorée avec le temps. Au bout de cinquante ans, les gens s’acclimatent à vous, vous considèrent avec un certain respect. D’ailleurs, j’ai eu des prix pour mes premiers films : Terre noire a reçu le prix du Groupe des Trente, et Brigitte et Brigitte a eu le Prix spécial du Jury du Jeune cinéma.

Quand on voit vos films, on repère une familiarité avec les films muets américains dans le rapport au corps, l’immobilité du visage et la répétition des gestes. Ce qui vous rapproche également de ces cinéastes burlesques, c’est le fait qu’ils utilisent leur propre corps de cinéaste pour élaborer leur comique. Pourquoi utilisez-vous votre propre corps à l’image ?

L.M. : Le cinéma burlesque est une référence pour moi, surtout le cinéma comique américain, d’ailleurs, récemment j’ai fait un article sur Easy street (1917) de Chaplin. En ce qui concerne le corps, il existe un principe selon lequel l’acteur comique ne doit pas rire. Moi-même, j’aime bien faire rire l’audience, celle-ci rit d’autant plus que je ne ris pas. Mais, si ma présence à l’écran est si récurrente, c’était pour des raisons matérielles à la base. Il n’y avait pas de figurants, je pouvais donc jouer quatre ou cinq rôles en étant déguisé. C’était plus économique comme système et ça m’évitait de m’égosiller pour donner des consignes, vu que je ne me parle pas à moi-même, et en même temps, c’était plus facile parce que je n’ai pas de problème de carrière. J’ai rencontré des comédiens qui calculaient les films par rapport aux suivants ou qui comptaient le nombre de répliques. Moi, quand je joue, je n’ai pas peur de prendre des risques.

Quelle est la nature de votre relation avec les acteurs sur le plateau ?

Quand j’ai tourné avec Jean-Pierre Léaud, je lui ai laissé une très grande marge de manœuvre. Ca m’intéressait de voir ce qu’il pouvait donner de lui-même. Souvent quand on fait un film, on parle de la « direction d’acteurs », mais souvent on choisit un acteur, on écrit le scénario pour lui, et ça roule. On ne travaille pas tellement avec lui, on le freine simplement, on voit le mouvement de son jeu à travers le film. Mais, en fait, il y a quatre acteurs qu’on ne dirige pas et un qu’on dirige parce qu’il est mauvais et qu’il a des problèmes. Donc la direction d’acteurs est une forme de rattrapage pour les acteurs qui sont susceptibles d’être un peu défaillants par rapport aux autres.

Dans vos films, les dérives de la société de consommation sont souvent traitées avec humour. Peut-on critiquer en faisant rire ?

L.M. : Je me suis fondé sur l’œuvre de Chaplin, qui a fait des films comiques sur des sujets très dramatiques. Dans Un roi à New York (1957), il traite de la chasse aux sorcières, dans Monsieur Verdoux (1947), d’un tueur en série, dans Le dictateur (1940) et Les Temps Modernes (1936), il fait la critique du taylorisme, dans La ruée vers l’or (1925), il relate une période où des centaines d’hommes sont morts de froid dans le but de trouver de l’or, et il y en a encore beaucoup d’autres comme ça. C’était un principe de base, faire rire avec des choses dramatiques, mais, pour moi, c’est une sorte de défi.

Vous avez toujours eu ce regard très proche du présent et vous continuez à l’avoir. Comment vos films naissent-ils ?

L.M. : J’observe la réalité et je note les choses drôles ou curieuses dans ma tête. J’ai toujours un petit stock d’idées en réserve. Par exemple, j’avais un projet qui s’appelait L’Art du trou, c’était un film sur le trou dans le pantalon, je voulais en faire l’historique, mais ça ne s’est pas fait. C’est en tant que cinéaste que s’élabore mon travail critique, et non pas en tant que critique de cinéma. En tant que critique, je suis essentiellement un laudateur. La critique peut fonctionner avec des mots, mais le mot est toujours plus discutable que l’image. L’image, elle, tord un peu la réalité mais peut frapper visuellement. Un distributeur automatique de baguettes de pain, c’est plus visuel à l’image qu’à l’écrit, n’est-ce pas ? Et bien, voilà, c’est ce que je filme !

Propos recueillis par Katia Bayer et Mathieu Lericq

Articles associés : la première partie de notre entretien avec Luc Moullet, Luc Moullet : le short lui va si bien

M comme The Music of Regret

Fiche technique

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extrait du film et bande annonce du DVD

Synopsis : Une comédie musicale qui assume totalement les codes du genre et revendique sa fantaisie et sa gaieté. Laurie Simmons s’est entourée pour l’occasion de musiciens, de marionnettistes professionnels, de danseurs de la compagnie Alvin Ailey, du cinéaste Ed Lachman et surtout de la comédienne Meryl Streep.

Genre : Fiction

Durée : 40′

Année : 2006

Pays : Etats-Unis

Réalisation : Laurie Simmons

Scénario : Laurie Simmons, Matthew Weinstein

Image : Edward Lachman

Musique : Michael Rohatyn

Montage : Laura Israel

Interprétation : Meryl Streep, Adam Guettel

Production : Double Wide Media, Performa, Salon 94

Article associé : la critique du film

F comme Forst

Fiche technique

Synopsis : Déroulant les atours de la fiction, Connaissance du monde propose un voyage cinématographique onirique et précis entre couleurs et noir et blanc, solitude et nécessité de la rencontre, l’ici et l’ailleurs. Une mise à jour du monde par ses fonds lumineux et sombre.

Genre : Documentaire

Durée : 50′

Année : 2005

Pays : Autriche

Réalisation : Ascan Breuer, Ursula Hansbrauer, Wolfgang Konrad

Scénario : Philippe Fernandez

Production : Karé production

Article associé : la critique du film

P comme Pick Up

Fiche techniques

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Synopsis : Explorant la voie d’un cinéma non narratif, bannissant le commentaire, Pick Up détourne la petite station balnéaire de Benidorm en un endroit multiforme et démesuré, cocasse et inquiétant à la fois.

Genre : Documentaire

Durée : 36’

Année : 2005

Pays : France

Réalisation : Lucia Sanchez

Montage musical : Chazam

Production : Local Films

Article associé : la critique du film

C comme Connaissance du monde (drame psychologique)

Fiche technique

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extrait du film

Synopsis : Déroulant les atours de la fiction, Connaissance du monde propose un voyage cinématographique onirique et précis entre couleurs et noir et blanc, solitude et nécessité de la rencontre, l’ici et l’ailleurs. Une mise à jour du monde par ses fonds lumineux et sombre.

Genre : Fiction

Durée : 44′

Année : 2004

Pays : France

Réalisation : Philippe Fernandez

Scénario : Philippe Fernandez

Image : Fred Mousson, Pierre Wéité

Son : Philippe Léchelle

Montage : Philippe Fernandez

Interprétation : Bernard Blancan

Production : Karé production

Article associé : la critique du film

Festival Silhouette 2011, ouverture des inscriptions

Rendez-vous sur la plateforme d’inscription en ligne Short Film Depot pour enregistrer votre film :

Date limite d’inscription : 22 mai 2011
Frais d’inscription : gratuit
Films terminés après le 1er septembre 2009
Durée maximale : 60 minutes (35′ pour les documentaires)
Pays de production : tous
Formats de projection : 35 mm, Digital Betacam, Betacam SP DV, DV Cam (Pal)
Genres acceptés : tous

(voir le règlement et les conditions sur Short Film Depot)

EN

Submission deadline: May 22nd, 2011
Entry fee: no fee

Requirements :
1) Films completed after : 1st September 2009
2)
Maximum running time : 60 minutes (Documentary : 35min.)
3) Country of production : all
4) Screening formats : 35 mm, Digital Betacam, Betacam SP DV, DV Cam (Pal)
5) Genres accepted : all

Link : Short Film Depot

Luc Moullet : « À l’époque, il était difficile pour un critique des Cahiers du cinéma de ne pas réaliser de film. Les producteurs se jetaient à vos genoux. »

Avant de passer derrière et devant la caméra, Luc Moullet a usé de sa plume aux Cahiers du cinéma. Dès 1956, il officiait aux côtés de Jacques Rivette, Éric Rohmer, François Truffaut et Jean-Luc Godard, avec lesquels il entretenait des rapports étroits et partageait une conception commune du cinéma. Devenu réalisateur, Luc Moullet s’est distingué rapidement du groupe par sa présence et son flegme caractéristiques. D’Un steak trop cuit (1960) à Toujours moins (2010), son œuvre compte aujourd’hui plus de quarante films, en majorité des courts-métrages. La première partie de notre entretien aborde les débuts d’une personnalité sous-estimée de la Nouvelle Vague, les relations avec ses pairs et l’essence comique de son inimitable travail de cinéaste.

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Format Court : Avant d’analyser votre œuvre de cinéaste, il est difficile de ne pas évoquer votre carrière de critique de cinéma et, plus précisément, votre travail aux Cahiers du cinéma. Avant de tourner votre premier film, vous avez en effet écrit pour cette revue dès 1956. Comment vous êtes-vous glissé dans l’équipe des Cahiers ? Sur quels sujets, sur quels auteurs, se sont fixés vos écrits ?

Luc Moullet : Très tôt, je souhaitais rentrer aux Cahiers. Avant d’y parvenir, j’ai eu deux ou trois textes de refusés. Mais le quatrième est passé, c’était un article sur Edgar George Ulmer. J’avais pu, étant bien documenté, faire une bio-filmographie assez complète d’Ulmer que j’étais le seul à pouvoir obtenir parce que j’étais assez débrouillard. J’ai un côté “rat de bibliothèque”. L’article, qui n’était pas très bon d’ailleurs, est passé uniquement pour la filmographie, donc si je suis rentré, c’est parce que j’étais le mieux documenté. Et une fois qu’un premier texte est passé, il y en a un deuxième, un troisième, etc. Concernant les thèmes et les sujets, mes textes étaient variés, ils portaient sur Ulmer, sur Samuel Fuller, sur Luis Buñuel aussi. Après, j’ai été amené à travailler pour d’autres journaux dans lesquels il fallait écrire les articles du mercredi, en fonction des films qui sortaient en salle.

Progressivement, un lien de confiance semble s’être créé avec cette “bande”, composée de Jean-Luc Godard, Jacques Rivette et quelques autres. C’est d’ailleurs Godard qui vous a permis de réaliser votre premier court-métrage, n’est-ce pas ?

L.M. : Oui. Mon premier texte important dans Les Cahiers fut un article d’une dizaine de pages sur l’œuvre de Godard, lors de la sortie d’À bout de Souffle (1960). J’ai été invité au cocktail juste avant la sortie du film et Godard a dit à son producteur, Georges de Beauregard : « Produisez un film de Moullet ». Le producteur a obtempéré car Godard l’avait sauvé de la faillite grâce aux recettes colossales d’À bout de souffle. Il ne s’y connaissait pas trop en cinéma donc il se fiait à la parole de Godard. Godard, c’était une sorte de “pygmalion du cinéma français” puisque c’est lui qui a dit : « Produisez un film de Demy, de Rozier, de Varda… » Il a également attiré son attention sur Jean-Pierre Melville qui a fait son premier film dans le système – avant cela, il était assez underground – et il a permis la production de La Religieuse, le deuxième film de Rivette. Il donnait beaucoup de coups de main aux autres réalisateurs et à ceux qui voulaient tourner. Il avait un petit côté “Saint-François-d’Assise”, Godard.

Justement, vous-même, songiez-vous déjà à réaliser des films à cette époque-là ? En écrivant sur les autres cinéastes, aviez-vous eu la tentation de devenir réalisateur ?

L.M. : Oui, bien sûr. Mais, à l’époque, au moment où j’ai commencé dans la critique, il me semblait très difficile d’accéder à la réalisation parce que seulement sept premiers films étaient produits chaque année, alors qu’aujourd’hui, il y en a soixante. En plus, on accédait à la réalisation au terme d’un curriculum vitae assez long, il fallait un certain nombre d’années d’assistanat. On a l’exemple de Marcel Camus, qui a pu faire son premier film à quarante-cinq ans, après avoir fait un certain nombre de films comme stagiaire ou assistant. Moi-même, j’étais incapable d’être assistant, donc je ne pouvais pas suivre cette filière-là, qui était en plus très sélective. Cependant, en effet, j’avais l’idée de réaliser. J’avais commencé à écrire des scénarios vers l’âge de dix ans, mais ce n’était pas très sérieux. Et lorsqu’il y a eu le grand succès des réalisateurs des Cahiers, j’ai suivi la vague. D’ailleurs, il était difficile à l’époque pour un critique de ne pas réaliser de film. Les producteurs se jetaient à vos genoux. Pour eux, c’était une sorte de filon d’or, les critiques des Cahiers.

À cette époque, quand on parlait de cette équipe des Cahiers, passant du statut de “critique” à celui de “réalisateur”, on parlait surtout de la « Nouvelle Vague ». Vous sentiez-vous appartenir à ce groupe ? Certaines personnalités étaient un peu plus émergentes que d’autres. Acceptez-vous par ailleurs d’être catalogué comme “cinéaste de la Nouvelle Vague” ?

L.M. : Le sentiment d’appartenance provenait du fait qu’on avait à peu près les mêmes idées sur les films. Sur le plan de la critique, il y avait peu de divergences. Il arrivait qu’il y en ait quelques-unes, mais souvent on les gommait parce qu’il y avait un esprit de corps. Mais au niveau de la carrière, ça allait être complètement différent : rien de plus opposé qu’un film de Chabrol et un film de Rivette, par exemple, ou qu’un film de Godard et un film de Truffaut.

Quant à la carrière de cinéaste, on me catalogue assez souvent comme membre de la Nouvelle Vague. Quand j’ai débuté, c’était un an et demi après Les Quatre cent coups (1959) et il n’y avait plus d’autres places pour un grand nombre de cinéastes issus des Cahiers. Trois d’entre nous ont percé tout de suite, et d’autres autres ont connu certains malheurs avant de réaliser leur deuxième film, Rivette et Rohmer par exemple. En effet, la vis était un peu serrée; le public comme les médias ne pouvaient pas ingurgiter quinze nouveaux réalisateurs. C’est pour cela que les carrières des réalisateurs des Cahiers ont été assez difficiles. Mais on était un peu en porte-à-faux, Jean-Marie Straub, Jean Eustache, Jean-Daniel Pollet, Marcel Hanoun, Louis Garrel, Paul Vecchiali, Jacques Rozier, et moi. On était plus underground, nos œuvres étaient peut-être plus étranges, et on avait moins de talent que Godard ou Truffaut. Je crois qu’aucun de nous ne voulait appartenir à la Nouvelle Vague. Notre rapprochement était surtout important sur le plan critique : on défendait les mêmes auteurs mais il y avait d’énormes différences au niveau de notre cinéma.

Concernant les différences entre vous, certains ont rapidement choisi de réaliser des longs-métrages, alors que d’autres, comme vous par exemple, ont continué à faire des courts-métrages. Pourquoi avez-vous poursuivi votre travail de cinéaste dans la forme brève ?

L.M. : En fait, il y avait un principe qui existait dans les années 60 : on faisait d’abord de la critique, puis des courts-métrages, puis des longs. Si après avoir fait un long, on faisait un court ou de la critique, on était un peu dévalué dans le système. Pour ma part, quand j’ai réalisé mon premier long, je n’ai pas cherché à faire des courts. C’était un peu bête parce que j’ai eu des trous, comme ça, et j’ai suivi un peu le système. Ensuite, j’ai été un peu influencé par Straub, Varda, ou Vechialli, qui faisait des courts-métrages en même temps. À l’époque, de nombreux cinéastes refusaient de revenir aux courts. Je pense à Louis Daquin, par exemple, qui était bloqué après son dernier long-métrage, et qui n’a plus fait de films après. Le plus souvent, c’était le long-métrage ou rien.

L’argument de vos films est généralement très sommaire. Il est fondé sur un gag, une sorte de ligne directrice très simple que vous développez, que vous répétez, tout au long de votre travail. Dans Essai d’ouverture (1989) par exemple, vous essayez d’ouvrir une bouteille de Coca-Cola de différentes manières. Vous travaillez beaucoup avec l’effet comique. La forme brève vous aide-t-elle à susciter le rire ?

L.M. : Je me sens assez à l’aise dans des films de treize minutes par exemple, mais je peux faire des longs aussi, avec des durées assez courtes, de l’ordre d’1h20. C’est dommage d’ailleurs qu’Essai d’ouverture soit si court, j’aurais bien aimé que le film dure trois heures ! Mais c’était peut-être difficile à faire, un film de trois heures sur l’ouverture d’une bouteille, il faut vraiment être génial pour y arriver. Je sais que si Spielberg l’avait fait, ça aurait duré trente secondes. En fait, comme je fais des films comiques, c’est plus facile avec les durées courtes. Le spectateur a lui aussi des difficultés devant les films comiques très longs. Vous n’allez pas en trouver beaucoup des comédies réussies de deux heures. En général, le rire fatigue, c’est une usure des zygomatiques, et puis il y a une certaine lassitude. C’est pourquoi le film comique s’est surtout exprimé par la brièveté surtout au temps du muet ; je pense à Laurel et Hardy, à Chaplin, qui a fait soixante courts-métrages, et dix longs-métrages après, et à Buster Keaton la longueur normale pour un film comique est une durée très courte.

Le travail de critique de cinéma, à partir duquel vous avez commencé, est resté très présent : vous continuez à l’exercer aujourd’hui. Il vous arrive même de revendiquer être davantage un critique qu’un cinéaste. Qu’en est-il ?

L.M. : Pas forcément plus… D’abord, il y a moins de concurrence comme critique que comme réalisateur. Peu de gens ont la vocation d’être critique, par rapport à ceux qui veulent tourner un film. Donc on est un peu catapulté au premier rang quand on veut vraiment faire de la critique. Effectivement, moi, j’ai continué à faire de la critique. Mais je n’aime pas beaucoup le mot ” critique” parce qu’il est un peu contradictoire. C’est comme le droguiste, il ne vend pas de la drogue. Moi, j’étais plutôt un « laudateur », ou un “louangeur”. Il m’arrive rarement de dire du mal d’un film. Si celui-ci ne m’intéresse pas, je n’en parle pas.

Le nom de Godard revient souvent dans vos phrases. Quel lien entretenez-vous avec lui ? Est-ce de l’ordre de la fascination ?

L.M. : Il a une œuvre très importante. J’ai dit beaucoup de bien de certains de ses films que je considère comme les plus grands du cinéma comme Puissance de la parole (1988). On a des échanges parfois un peu distants. Je lui envoie mes DVD, je ne sais pas ce qu’il en fait. Mais Godard, il me sert d’attaché de presse, sans en avoir le titre. Il dit aux festivals : « Prenez le dernier film de Moullet », et mes films sont sélectionnés !

Propos recueillis pas Katia Bayer et Mathieu Lericq

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