François Vogel : « Tout petit, je regardais le reflet sur la robinetterie. J’ai toujours trouvé fascinant de voir les images qui se déforment »

François Vogel a réalisé une vingtaine de films expérimentaux. Manipulateur d’images qu’il aime tordre et déformer, François Vogel joue avec la perception visuelle dans des univers poétique toujours surprenants. Son dernier film « Terrains Glissants » est en compétition dans la sélection nationale du 33ème Festival du court métrage de Clermont-Ferrand.

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© XG

Pourquoi avez-vous choisi de traiter votre film, « Terrains Glissants », sous la forme d’un road-movie ?

Je travaille dans la publicité, ce qui m’amène à beaucoup voyager. Pendant quatre ans, j’ai emmené avec moi mon propre matériel de tournage et j’ai filmé, au hasard des lieux, des petites scènes avec cette idée de les réunir dans un film sans être certain de la forme que ça allait prendre. Je travaille de façon spontanée, les idées de tournage me viennent sur les lieux où je me trouve. Je me promène, je cogite, et l’inspiration me vient.

Comment se fait-il que vous travaillez quasiment tout seul ?

Le côté artistique pur et dur fait que dans mon travail, je fonctionne plus comme un artisan que comme un chef d’équipe, par opposition au cinéma qui réunit des équipes nombreuses. Là, c’est une autre dynamique, c’est plus spontanée. J’ai une idée, je filme là où je suis, je n’ai pas besoin d’ajouter de la lumière. Il y a un côté brut, et un côté retravaillé puisque les images subissent beaucoup de travail en post-production.

Vous vous mettez également souvent en scène. Pour quelle raison ?

C’est plus simple de me filmer moi-même, car je n’aurais pas pu demander à un acteur de me suivre pendant quatre ans pour faire mon dernier film. C’est d’ailleurs pour cela qu’avec mon monteur François Colou, nous avons trouvé plus drôle et plus logique que ce soit moi qui m’occupe également de la voix.

Comment envisagez-vous vos scénarios en amont ?

Dans mes films, il n’y a pas l’idée classique du personnage qu’on suit, donc il n’y a pas de scénario à proprement parlé. J’aime bien faire une sorte de rapprochement avec la littérature car souvent dans le cinéma, on distingue le court métrage et le long métrage, comme on distingue la nouvelle et le roman en littérature. Dans cette distinction, on oublie souvent la poésie. Je suis plus dans le domaine de la poésie, avec une construction, des rythmes, des rimes, un début et une fin, mais pas forcément un personnage qui vit des aventures tout au long d’une histoire.

Dans « Terrains Glissants », votre fil conducteur tourne autour des questions écologiques…

L’idée de départ de « Terrains Glissants » vient d’un court métrage que j’ai fait précédemment. Il s’agissait de considérer les déchets comme des astres en les faisant graviter autour de la caméra comme si elle devenait le centre du monde. Ce film est devenu « Cuisine » mais il ne parle finalement plus du tout de cela. Avec « Terrains Glissants », j’ai repris cette idée d’astre et de gravitation.

Qu’est-ce qui vous intéresse dans la perception visuelle ? Comment l’intégrez-vous dans vos films ?

J’ai toujours été intéressé par la manière dont l’espace est perçu dans l’oeil et devient une image. Tout petit, je regardais le reflet sur la robinetterie. J’ai toujours trouvé fascinant de voir les images qui se déforment. Je m’intéresse beaucoup au rapport à l’image, à une représentation presque mathématique du monde.

Quelle a été votre technique de prise de vue sur le film ?

« Terrains Glissants » à été fait avec un appareil photo qui photographie le reflet de l’espace sur des boules chromées tel que des boules de noël, des ampoules chromées ou des miroirs de surveillance. Ces images déformées donnent une vision panoramique de presque 360°.

Pour la scène de la chambre d’hôtel à New York, j’ai fixé un miroir de surveillance dans un coin de la chambre, puis j’ai photographié en time-lapse, à l’aide de l’intervallomètre. J’ai fait des séquences de prise de vue toutes les dix secondes en réglant l’appareil sur trois expositions différentes, ensuite j’ai laissé tourner pendant 48 heures. Après le tournage, j’ai projeté ces images dans l’espace virtuel de l’ordinateur et je les ai filmés une seconde fois avec une espèce de caméra virtuelle que je modélise en 3D. Quand j’étais plus jeune, je faisais des sténopés. Je fabriquais des appareils photo en expérimentant sur le négatif, en le tordant, en le froissant, en le pliant. Maintenant, je bricole toujours l’appareil photo, mais dans l’ordinateur.

Comment avez-vous abordé l’aspect sonore du film ?

La bande son n’est pas venue tout de suite. J’avais l’idée de cette ambiance métronomique, et au début, je voulais créer comme un orchestre de voix qui se répondaient en mesurant les unité de temps, d’objets, ou de lieux. Finalement, on n’a conservé que trois voix. Pour la musique, je travaille souvent avec Alain Cure qui a fait la musique de « Stretching », des « Trois petits chats » et « Des crabes ». Pour « Terrains Glissants », nous avons essayé de travailler ensemble mais nous n’avions pas la même vision du film au niveau de la bande son. J’ai finalement utilisé une musique existante de John Cage, et j’ai fait moi-même les autres parties.

Quels sont vos projets actuels ?

J’ai encore pas mal de projets de courts métrages, mais je n’ai pas encore pu les travailler. Le temps me manque.

Propos recueillis par Xavier Gourdet

Article associé : la critique du film

Consulter les fiches techniques de « Terrains Glissants » et de « Cuisine »

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