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Les Contes merveilleux de Méliès en couleur

À l’heure du digital où tout file et se perd dans les méandres des bandes passantes et de la 5G bientôt naissante, raconter et faire découvrir n’est plus seulement une passion, c’est aussi une nécessité. Car l’histoire du Cinéma n’est-elle pas également un témoin de l’Histoire ? Montrer des films d’antan est un acte plus qu’évocateur de nos sociétés de l’époque car ce sont ses dernières traces. Traces d’un temps passé qu’il nous est important de comprendre aujourd’hui.

La fin du 19ème siècle a vu naître beaucoup de nouvelles inventions. Les nouvelles techniques photographiques et cinématographiques allaient bon train et participaient à l’effervescence artistique qui battait son plein dans la vie culturelle parisienne et Méliès en fut l’un des acteurs, avant que la première guerre mondiale ne vienne y mettre une pause radicale (dans la production de Méliès également).

Il y a Méliès l’inventeur, Méliès le comédien, Méliès le prestidigitateur ou encore Méliès le metteur en scène avec ses fabuleux décors. Ce sont toutes ces facettes que l’on peut retrouver dans le DVD/Blu-ray édité par Lobster Films il y a quelques mois intitulé Les Contes merveilleux de Méliès . On peut y retrouver, plus de 80 ans après sa disparition, en version colorisée et bonimentée (ou non) les plus beaux contes visuels de Méliès, l’un des inventeurs et pionniers du cinéma de science-fiction.

Méliès utilisa les films celluloïd (aussi appelés “films flamme” car ils pouvaient s’enflammer très facilement) et leurs histoires fut à l’égale des récits cinématographiques : de véritables aventures. Tant dans le scénario que dans sa production. Georges Méliès était aussi un grand conteur et inventeur de nouvelles histoires qui sont rentrées au fur et à mesure du temps dans notre imaginaire collectif.

Nombre de ses films ont été perdus ou oubliés puis retrouvés et redécouverts. Certains aux quatre coins du monde par Serge Bromberg et Eric Lange, fondateurs de Lobster Films qu’ils ont créé en 1985 et dont l’unique objectif est de “restaurer les films et partager la découverte et la passion du cinéma”.

Avec un catalogue aujourd’hui bien fourni de grandes légendes tel que Buster Keaton, Abel Gance, Max Linder, Georges Méliès ou encore Laurel et Hardy et bien d’autres, le travail fourni par Lobster Films est immense et participe grandement à la découverte du cinéma d´époque. La société compte pas moins de 50 000 films restaurés depuis une trentaine d’années et plusieurs activités comme la restauration mais aussi la diffusion et la production et des partenariats riches et variés. Ils proposent la magie du siècle dernier dans de magnifiques séances ciné-concert (appelées “Retour de flamme” clin d’œil à ces films celluloïd cités plus haut) qui leur a valu de nombreux prix en festivals et qui sont à voir absolument, ne serait-ce que pour les talents de pianiste et de conteur de Serge Bromberg. Lobster Films propose aussi des coffrets DVD qui nous font découvrir l’immensité et la qualité de leur catalogue et notamment Les Contes merveilleux de Méliès que nous avons entre les mains et que nous vous présentons aujourd’hui.

Ce coffret DVD de Georges Méliès avec des versions bonimentées, narrées comme à l’époque de la diffusion des films, pourra permettre à quiconque de montrer, remontrer ou même démontrer (pour les plus indécis) le cinéma tel qu’il était il y a plus de 100 ans aux jeunes regards curieux et innocents. On peut visionner tous ces fabuleux courts-métrages à la suite ou bien un par un, que ce soient les versions narrées ou non, en Blu-ray ou en DVD.

Lorsque l’on explore le coffret, on découvre 13 films de Méliès sur une période allant de 1899 à 1909, dix ans de magie, dix ans de films fabuleux, contant et racontant des légendes, des histoires de sorcières, de savants fous ou de princes et princesses. Le tout en couleur car peint à la main déjà à l’époque.

Celui qui nous vient tout de suite en mémoire et que l’on aime redécouvrir à chaque fois est Le Voyage dans la lune (1902, 16”). Le plus emblématique, le plus symbolique aussi. Le film a été redécouvert il y a une quinzaine d’années et réalisé 67 ans avant l’envoi du premier homme sur la lune. Méliès visionnaire ? Peut-être.

Notre inconscient collectif retient encore aujourd’hui cette image de l’obus heurtant la face humaine de notre satellite. Image d’un film racontant l’histoire fantaisiste de scientifiques se mettant dans la tête d’aller découvrir la lune et ses habitants. La version narrée du DVD est fantastique et nous aide à comprendre certains détails qui pourraient passer inaperçus lors d’une projection accompagnée au “simple” piano. Elle nous aide aussi à nous laisser guider et regarder le film avec la plus grande des naïvetés et c’est un régal d’émerveillement.

Mais c’est Les Quat’cents farces du diable (1906) qui vole la vedette de ces courts-métrages d’époque. Le film est moins connu mais à voir absolument. Un savant du nom de William Crackford signe malencontreusement un pacte avec le diable et se retrouve embarqué dans une aventure abracadabrantesque. Avec des décors plus fabuleux les uns que les autres, Méliès signe l’un de ces chefs d’œuvre, un fabuleux tour de passe-passe visuel, enchaînant tours de magie, enchantements et autres illusions à l’aide de fondus enchaînés, de surimpressions, de décors en trompe-l’œil et d’arrêts caméra. La narration est fluide, les effets techniques, précurseurs à l’époque, sont impressionnants et les péripéties sont présentes à chaque instant. Ces effets, on les trouve dans presque tous les films de Méliès comme Les Aventures de Robinson Crusoé (1902) ou Le Voyage à travers l’impossible (1904) et son fameux soleil englobant un train un peu particulier.

On peut découvrir d’autres films moins connus mais qui ont tous la qualité de nous faire voyager dans les mondes extraordinaires et inconnus de Méliès tels que Le Locataire diabolique (1909) ou La Danse du feu (1899), ce dernier étant l’un de ces tout premiers films, naissant seulement 4 ans après la première projection cinéma au monde par les frères Lumière, il s’inscrit dans les premiers films de fiction du 19ème siècle (avec ceux d’Alice Guy-Blaché, première réalisatrice de l’histoire du cinéma que l’on oublie trop souvent).

Plus de 80 ans après sa mort, celui qui inspira tous les plus grands réalisateurs (Spielberg, Gavras, Jeunet, Gondry ou encore Chaplin) et qui est considéré comme le précurseur du film de science-fiction, a influencé et influencera le cinéma contemporain pour de nombreuses années à venir du fait de son style et ses efforts de mise en scène.

Pour beaucoup, au 19ème siècle le cinéma n’était qu’une attraction pour les foires et peu y apportèrent d’intérêt. Malgré tout, l’histoire a retenu Méliès et aujourd’hui ses films retrouvés en constituent une œuvre majeure. Non seulement par le fait que nombres de ses films sont restés longtemps oubliés ou perdus mais surtout par leur magie, leurs extraordinaires histoires et le travail incroyable de création et de réalisation de décors qui a été mis en place à l’époque. On ne peut que recommander de ce fait ce DVD. Bon visionnage.

Clément Beraud

Les Contes merveilleux de Méliès en couleur : édition Lobster Films. Exemplaires disponibles ici

Braquer Poitiers de Claude Schmitz

Claude Schmitz, réalisateur belge de Le Mali (en Afrique), et de Rien sauf l’été, propose une nouvelle fois un court-métrage où la chaleur et les acteurs prennent le temps de se découvrir dans une latence contemplative. Avec Braquer Poitiers, Claude Schmitz a déjà été récompensé de nombreuses fois, entre le Prix Jean Vigo, le Prix Ciné du Festival de Brive ou le Prix Égalité et Diversité au Festival de Clermont-Ferrand.

Braquer Poitiers est une fable moderne : un escroc belge envoie deux de ses hommes de main, Francis et Thomas, l’un métalleux bedonnant, l’autre vieil adolescent mou et vapotteur, pour « s’occuper » de Wilfried, gérant de Carwash. Les deux loubards doivent le séquestrer pendant un mois, chez lui, dans sa grande demeure Poitevine pour lui soutirer la monnaie laissée dans ses appareils. Cette séquestration est consentie et Wilfried les accueille, presque heureux d’avoir de la compagnie. Alors que la prise d’otage a commencé, Francis et Thomas sont rejoints par deux jeunes femmes à l’accent chantant.

La chaleur, l’été, l’ennui. Ce qui débute comme un film noir de gangster se meut peu à peu en une représentation quasi documentaire de l’ennui. Braquer Poitiers prend son temps, comme le dit leur patron, « il faut tenir un mois ». Le braquage, argument fictionnel, n’est qu’un point de départ qui permet la rencontre entre ces personnages. Unique prétexte narratif, il permet aux 58 minutes de film de s’étirer, comme un long regard fixé sur les différents protagonistes et leur relations.

La caméra est braquée sur les acteurs en continu ce qui leur permet d’improviser en toute liberté. Des couples se forment, Wilfried initie les braqueurs et quelques jeunes aux joies du jardinages, les couples vont se promener dans Poitiers. Les longues séquences laissent le temps aux personnages de se développer. Les plans fixes nous permettent de nous installer paisiblement, à table avec eux, comme un participant, écoutant Francis chanter du Brel en plan séquence. Petit à petit, nous entrons dans une transe morne, aspirés par leur rythme de vie lascif.

Ce regard braqué sur ces personnages a été à la genèse du projet de Claude Schmitz. Rien n’était écrit et c’est la rencontre avec Wilfried qui l’a initié. Wilfried ne joue pas, les Carwashs sont bien les siens et c’est dans son monde que le film prend place. Claude Schmitz nous apprend ici à regarder le réel, à observer ce qui s’y passe, dans ce cadre bucolique, nos personnages se laissent bercer par la chaleur et, sous la pression de l’ennui, les langues se délient.

L’argent influence toutes les interactions entre les personnages et veut se faire passer pour une excuse narrative. Pourtant, une réflexion sur sa valeur se met en place. Claude Schmitz nous présente des êtres oisifs qui aiment l’argent facile et pour qui, même compter les pièces relève du calvaire. Seul Wilfried semble donner une valeur réelle à l’argent qu’il combine avec la notion de travail. Les loubards semblent avoir trouvé leur compte dans cette entente à l’amiable : ils prennent l’argent de Wilfried tant que celui-ci peut s’occuper de son jardin. Les deux filles quant à elles y voient « un drôle de concept » qui met en exergue l’un des thèmes sous-jacent du court, la liberté et le pouvoir.

Braquer Poitiers est une fable rohmérienne, caustique, mêlant comique de situation et mélancolie sans jamais tomber dans la caricature. Pourtant, le grotesque est proche, ce film nous présente de « vrais gens », perdus entre l’univers de Groland et des films de Bruno Dumont. Comme chez Rohmer, ce sont les personnages qui portent le film, ici archétypaux, ils viennent tous en duo (les deux belges, les deux cagoles, les deux jeunes), sauf Wilfried qui semble se suffire à lui-même.

Wilfried fascine le spectateur, le regard mélancolique et la verve libre, il parle comme d’autres aimeraient penser. Au départ presque mutique, Wilfried dévoile une personnalité et un sens unique de la dialectique qui vont rapidement faire de lui le personnage principal du film. Il va doucement renverser la situation. Alors que c’est Wilfried qui est séquestré, ce sont les deux loubards qui vont se faire happer dans son monde, assignés à résidence dans un domaine, métonymie, de leur hôte.

Claude Schmitz nous propose de prendre une pause et le temps de regarder la vie dans sa vraie nature, rocambolesque sans scénario, romantique et intrigante sans fil narratif pré-médité. Ce documenteur ou docu-fiction n’est autre qu’une percée dans le cinéma d’un réalisateur qui maîtrise le montage et qui a la capacité de regarder les gens, sans jamais les mépriser.

Elsa Levy

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B comme Braquer Poitiers

Fiche technique

Genre : Fiction

Durée : 59’50’’

Pays : France

Année : 2018

Synopsis : Davantage pieds nickelés que bandits, Francis et Thomas prennent en otage Wilfrid, propriétaire d’un service de Carwash, source de quelques poignées d’euros quotidiennes. Syndrome de Stockholm à l’œuvre chez Wilfrid, mais à sa manière très personnelle, le voilà prendre aussitôt goût à la situation, qu’il se plait même à théoriser amplement, tandis que l’incertitude gagne les deux compères rejoints par leurs amies venues du Sud.

Réalisation : Claude Schmitz

Scénario : Claude Schmitz

Image : Florian Berruti

Son : Audrey Lardière

Montage : Marie Beaune

Musique : Thomas Turine

Interprétation : Wilfrid Ameuille, Francis Soetens, Thomas Depas, Lucie Guien, Hélène Bressiant, Marc Barbé, Olivier Zanotti, Bilal Ay

Production : Les Films de l’autre cougar, Le Fresnoy

Article associé : la critique du film

Stacy Martin : « Les erreurs dans le cinéma sont les plus beaux moments »

Actrice repérée, ayant débuté devant la caméra de Lars von Trier dans Nymphomaniac, Stacy Martin a travaillé avec des cinéastes aussi différents que Joann Sfar, Nicolas Saada, Brady Corbet, Michel Hazanavicius, Mikhael Hers, Marie Monge ou encore Benoît Jacquot.

Membre du jury des courts en compétition officielle et de la Cinéfondation cette année à Cannes, elle évoque la proximité entre la forme courte et le premier long-métrage, la restriction, la fraicheur et la liberté du court et son lien à ce festival ayant marqué son enfance.

Interview : Katia Bayer
Image, montage : Gaspard Richard-Wright
Son : David Khalfa

Negative Space de Ru Kuwahata et Max Porter, en ligne !

Films en ligne, la suite. Aujourd’hui, on vous propose de voir, revoir, rerevoir le formidable court animé Negative Space, réalisé par le duo Ru Kuwahata et Max Porter.

Le film, produit par Ikki Films, a eu un parcours sans faute jusqu’à figurer au dernier tour des courts nommés aux Oscars 2018. Sujets traités : l’espace, la transmission, le vide. Depuis quelques jours, le film est en ligne, le voici, le voilà.

Bonne info, le court-métrage rejoint notre vidéothèque en ligne et notre nouvelle chaîne Vimeo.

Retrouvez également la critique du film parue sur notre site.

Saison estivale. 4 films courts animés @ voir en ligne

Un mois après la fin du Festival d’Annecy, Format Court vous propose de découvrir 4 films d’animation allemand, français, suisse et hongrois, tous disponibles sur la Toile. Bonne séance @ vous !

Spoon de Markus Kempken (Allemagne, 2015)

Synopsis : Certains souvenirs d’enfance peuvent nous marquer à vie, comme le narrateur de cette histoire qui se souvient que sa mère le frappait avec une spatule en bois, étant petit.

Article associé : la critique du film

L’Ogre de Laurène Braibant (France, 2016)

Synopsis : Un géant complexé par sa taille se retient de manger terrifié à l’idée de révéler son caractère ogresque et ainsi compromettre sa place dans la société. Lors d’un banquet d’affaire, sa vraie nature sera mise à l’épreuve.

In a Nutshell de Fabio Friedli (Suisse, 2017)

Synopsis : De la graine à la guerre, de la chair à l’amour, de l’indifférence à la fin du monde. L’essai de comprendre le monde.

LOVE de Réka Bucsi (France, Hongrie, 2016)

Synopsis : Love nous décrit le sentiment amoureux en trois chapitres, à travers une étrange collision dans un système solaire inconnu du nôtre.

Erenik Beqiri. L’Albanie, le court, l’exil, l’exploration

Erenik Beqiri est un réalisateur albanais. Son court-métrage, « The Van », co-produit par oriGine films et Anima Pictures, faisait partie des 10 films retenus en compétition officielle à Cannes cette année. Radicalité, envies, migration et tremplin cannois : il revient sur son parcours et ses influences.

Interview : Katia Bayer
Image, montage : Gaspard Richard-Wright
Son : Maëva AndrieuxElsa Levy

Paris Courts Devant renaît !

En septembre 2018, nous avions publié un communiqué annonçant la fin du Festival Paris Courts Devant, après 13 éditions, pour raisons budgétaires. Ce texte était signé par Rémi Bernard, son Délégué Général.

cnouveau communiqué. Après une année entre parenthèses, conséquence d’une baisse brutale de ses financements, le Festival renaît et lance une nouvelle édition 2019.

Tout en conservant son ancrage dans le court métrage, Paris Courts Devant s’intéresse désormais à la suite de la carrière des jeunes cinéastes, notamment vers leur premier long métrage. Le Cinéma 7 Batignolles accueillera de ce fait la 14ème édition du festival du 6 au 10 novembre prochain.

Une compétition d’une vingtaine de courts métrages de l’année, et quatre premiers longs métrages (hors compétition) constitueront le corps de la programmation.

Retrouvez les contours de l’édition 2019, l’appel à films et à scénarios sur le site internet du festival : http://www.courtsdevant.com

Eran Kolirin : « Tout est intuition »

Après un passage par la télévision, Eran Kolirin a réalisé 3 longs-métrages : La Visite de la Fanfare (Coup de cœur du jury, Festival de Cannes 2007), L’échange (Venise 2011) et Au-delà des montagnes et des collines (Un Certain Regard 2016).

Cette année, il a été membre du jury des courts-métrages et de la Cinéfondation de Cannes 2019. Si il n’a jamais fait de courts, le format l’intéresse. Pour Format Court, il revient sur son parcours, sa vision des films en tant que juré, le cinéma israélien d’aujourd’hui et ce que Cannes lui a apporté dans sa carrière.

Interview : Katia Bayer
Image, montage : Gaspard Richard-Wright
Son : David Khalfa

Mano a Mano de Louise Courvoisier

Louise Courvoisier est une jeune réalisatrice sortant de la Cinéfabrique, une école de cinéma à Lyon pour les 18-25 ans. En ce 72ème festival de Cannes, Mano a Mano, un film de fin d’étude a gagné le premier prix de la Cinéfondation, une section à Cannes favorisant les talents sortant des écoles de cinéma du monde entier.

 

Mano a Mano nous emmène dans l’intimité d’Abby et Lucas, un jeune couple d’acrobates. C’est une histoire de corps qui se soutiennent, qui tombent et qui s’éloignent. Le monde du cirque est filmé caméra épaule à la manière d’un documentaire, on observe les artistes s’échauffer avant chaque spectacle. Souplesse et agilité sont montrées sans prétention. Les circassiens sont avant tout des ouvriers du corps, leurs outils principaux sont leurs muscles, leurs articulations et, pour les voltigeurs, la confiance en leur partenaire. Dès l’ouverture Abby et Lucas sont séparés, ils se retrouvent dans le même cadre seulement lorsqu’ils sont sur scène. Lucas force la main à Abby pour effectuer un saut qu’elle ne sent pas, il va jusqu’à mettre les spectateurs à contribution. Le saut est raté, Abby tombe.

S’ensuit alors la vie de caravane d’un couple qui ne fonctionne plus : l’un est allé trop vite, l’autre n’a pas suivi. Une confiance qui se désagrège mais une vie d’acrobates qui continue. Une vie itinérante rurale avec un spectacle tous les soirs, un nouveau lieu, des spectateurs à émouvoir encore et encore. Mano a Mano nous fait sortir de la ville pour rejoindre des lieux plus verts, avec des plaines, une forêt, sans oublier la faune qui règne dans ces espaces libres. Abby s’échauffe sur ce terrain naturel, elle s’éloigne de l’étroitesse de sa caravane et surtout de Lucas. Cet instant de liberté absolu s’inscrit toujours avec le corps entre sauts périlleux et course dans les bois, dans cette séquence où Abby se déploie de tout son long et joue comme un enfant dans la nature.

Le genre « fiction du réel » est très présent dans le film avec des plans filmés à la manière d’un documentaire et principalement dans le choix des acteurs. Acrobates dans la vie, Lucas Bernini et Abby Neuberger sont un binôme qui forme une compagnie de cirque itinérante, ils sont filmés pour ce qu’ils sont et non pas pour ce qu’ils incarnent. Ils ne prétendent pas jouer aux circassiens, ils le sont. L’histoire d’amour qui se périme petit à petit ne tombe pas dans le « romantico-pathétique » et sublime les talents des deux jeunes artistes qui ressortent à l’image.

Le cirque souvent érigé pour son aspect spectaculaire retrouve son entité profonde dans le premier court-métrage de Louise Courvoisier. La jeune réalisatrice originaire du Jura nous offre un goût de liberté à travers Abby, jeune femme évoluant dans un couple qui ne se retrouve plus. Un tour de force qui nous donne envie de découvrir d’autres films de Louise Courvoisier que l’on retrouvera peut-être prochainement à Cannes grâce à son prix de la Cinéfondation lui offrant une visibilité au festival via la sélection de son premier long-métrage.

Maëva Andrieux

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M comme Mano a Mano

Fiche technique

Genre : Fiction

Durée : 23’

Pays : France

Année : 2018

Synopsis : Abby et Luca, un couple d’acrobates de cirque, vont de ville en ville pour se produire sur scène. Leur relation amoureuse se dégrade. Le temps d’un voyage en camping-car jusqu’à la prochaine salle de spectacle, ils vont devoir affronter leurs problèmes et tenter de regagner confiance l’un en l’autre

Réalisation : Louise Courvoisier

Scénario : Louise Courvoisier

Image : Auguste Bonnet

Montage : Sarah Grosset

Son : Iza Aallerich

Interprétation : Abby Neuberger, Luca Bernini

Production : La Cinéfabrique

Article associé : la critique du film

Claire Denis : “On ne s’attendait pas que nos films soient montrés à l’époque”

Présidente du Jury des courts-métrages et de la Cinéfondation du Festival de Cannes cette année, la réalisatrice Claire Denis évoque sur ses années à l’IDHEC et le soutien de son directeur Louis Daquin, sa conception du court-métrage, la liberté des films d’écoles et sa responsabilité de jurée, mais aussi aussi ses souvenirs de Cannes dont ceux de son premier film, Chocolat, sélectionné en compétition officielle en 1988.

Interview : Katia Bayer
Image, montage : Gaspard Richard-Wright
Son : David Khalfa

Plus d’infos sur l’After Short de lundi 24 juin au Point Éphémère

Petit rappel au sujet de la soirée After Short de lundi prochain, le 24 juin au Point Éphémère, consacré aux courts présentés cette année à Cannes.

La soirée est organisée par Format Court, en partenariat avec l’ESRA.

Parmi nos invités : Camille Hébert-Bénazet, responsable de Cannes Court Métrage, Guillaume Dreyfus, producteur de « La distance entre le ciel et nous », Palme d’Or du court-métrage 2019, Louise Courvoisier, 1er prix de la Cinéfondation, Morgan Simon qui revient au court, Grégoire Debailly qui a produit « Shéhérazade » de Jean-Bernard Marlin et plein d’autres personnes très chouettes. Seront présents 18 pros soit 10 équipes de courts sélectionnées cette année à Cannes, toutes sections confondues, soit 7 producteurs, 8 réalisateurs, 1 scénariste et 2 sélectionneuses.

La liste des présences, réactualisée, est ici.

Mais au fait, c’est quoi l’After Short ? Une soirée de networking post-Cannes où des étudiants anciens et actuels de l’ESRA seront présents, mais aussi toute personne désireuse d’en savoir plus sur les parcours et conseils de nos invités. Info clé : la soirée est absolument ouverte à tous, étudiants, pros, autodidactes, personnes du long, amis du court, …

Une rencontre avec nos invités démarrera à 19h30 précises. Après les présentations prévues, libre à vous d’aller les rencontrer, de leur demander d’autres conseils, de leur proposer de leur envoyer vos scénarios et films, de prendre un verre sur place (on offre le 1er punch), … L’After Short, c’est pour vous, nous on fait juste les présentations et on vous propose d’étoffer et de soigner votre réseau pro et amical !!

Voici le planning des interventions

Compétition officielle

19.30 – 20h10 : Camille Hébert-Benazet (sélectionneuse), Zoé Klein (sélectionneuse), Guillaume Dreyfus (producteur), Nicolas Davenel (réalisateur), Vanessa Dumont (réalisatrice), Agnès Patron (réalisatrice), Ron Dyens (producteur)

Cinéfondation

20h10 – 20.30 : Louise Courvoisier (réalisatrice), Antoine Garnier (producteur), Mauricio Carrasco (scénariste)

Semaine de la Critique

20h30 – 20h50 : Camille Degeye (réalisatrice), Lorenzo Bianchi (producteur), Cecilia de Arce (réalisatrice), Valentina Maurel (réalisatrice), Gregoire Debailly (producteur)

Quinzaine des Réalisateurs

20h50 – 21h10 : Marine Arrighi (productrice), Morgan Simon (réalisateur), Fanny Yvonnet (productrice)

En pratique

Accueil : 19h, rencontre à partir de 19h30

Pour les personnes extérieures à l’ESRA, le PAF est de 8 € (5 € seulement pour les adhérents de Format Court), réglable de préférence sur Leetchi ou sur place.

Il y a un événement dédié sur Facebook mais pensez à réserver, comme ça, on peut s’organiser (on répond, on est gentil) : aftershortformatcourt@gmail.com

Voilà. Bon weekend. Profitez de la fête de la musique en attendant. A lundi pour celle du court.

Braquer Poitiers de Claude Schmitz, Prix Jean Vigo du court-métrage 2019

Les Prix Jean Vigo 2019 ont été attribués il y a quelques jours au Centre Pompidou. Un ancien lauréat des Prix Format Court, Claude Claude Schmitz, a remporté le Prix Jean Vigo du court-métrage 2019 pour son film Braquer Poitiers, produit par Les Films de l’autre cougar en co-production avec Le Fresnoy. Le Jury a élu le film « pour sa façon d’allier humour insolite et élégance formelle, esprit surréaliste et lumière impressionniste. » Le film avait remporté le Prix Égalité et Diversité au Festival de Clermont-Ferrand plus tôt cette année.

Claude Schmitz a réalisé Le Mali (en Afrique) qui avait reçu le Prix Format Court à Brive en 2016 et Rien sauf l’été. Nous reviendrons prochainement sur Braquer Poitiers.

@Hervé Veronese Centre Georges Pompidou

Syn : Davantage pieds nickelés que bandits, Francis et Thomas prennent en otage Wilfrid, propriétaire d’un service de carwash, source de quelques poignées d’euro quotidiennes. Contre toute attente, celui-ci se montre ravi de cette compagnie qui s’impose à lui, venant égayer sa vie solitaire.

Le Jury a décidé également d’attribuer le Prix Jean Vigo du long métrage à Stéphane Batut pour son film « Vif-argent » et un Vigo d’honneur à Alain Cavalier.

Morgan Simon : “Courts et longs grandissent en parallèle”

Ancien étudiant en scénario à la Femis et auteur de nombreux courts-métrages, Morgan Simon s’est fait connaître par son premier long, Compte tes blessures sorti en 2017. Deux ans plus tard, il revient à la forme courte avec Plaisir Fantôme, un conte fantastique dont le rôle principal est interprété par une actrice X, Anna Polina.

Le film, produit par Trois Brigands Productions, a été retenu par le comité de la Quinzaine des Réalisateurs cette année. Avant Cannes, on a donné rendez-vous à Morgan Simon, pour en savoir plus sur son initiation au cinéma, son parcours, sa méthode de travail et son apprentissage, notamment sur ce dernier film.

Interview : Katia Bayer

Image, montage : Gaspard Richard-Wright

Son : Elsa Levy

Remerciements : Le Carreau du Temple, Christophe Teillou

D comme D’un château l’autre

Fiche technique

Synopsis : Printemps 2017. Pierre, vingt-cinq ans, étudiant boursier dans une grande école parisienne loge chez Francine, soixante-quinze ans, clouée par le handicap dans un fauteuil roulant. Ils assistent perplexes à la kermesse électorale de l’entre-deux tours qui bat son plein, dehors. Loin de la kermesse électorale, Pierre aide le corps de Francine et Francine essaie de soigner l’âme de Pierre.

Genre : Fiction

Durée : 40’

Pays : Belgique, France

Année : 2018

Réalisation : Emmanuel Marre, Julie Lecoustre

Scénario : Emmanuel Marre

Image : Emmanuel Marre

Interprétation  : Francine Atoch, Pierre Nisse

Montage : Nicolas Rumpl

Son : Vincent Villa

Production : Michigan Films, Kidam

Article associé : la critique du film

D’Un château l’autre d’Emmanuel Marre

Emmanuel Marre, que l’on connaissait déjà pour son court-métrage  Le Film de l’été, où il promenait Jean-Benoit Ugeux, quarantenaire suicidaire qui reprend goût à la vie en présence d’un enfant, le long des autoroutes françaises a reçu, ces derniers jours deux Grands Prix au Festival le Court en Dit Long (Centre Wallonie-Bruxelles) et au Festival Côté Court (Pantin) pour son dernier film, D’Un château l’autre. Ce court métrage de 40 minutes, qui dépeint une société française avec un regard d’une finesse sociologique rare, a déjà été récompensé, en 2018 du Pardino d’Or du meilleur court-métrage lors du 71e festival du film de Locarno ainsi que du Grand Prix au Festival de Moyen métrage de Brive.

D’Un château l’autre, qui tient son titre du roman éponyme de Céline, est le récit d’une quête, épopée contemporaine de Pierre, jeune science-piste d’une vingtaine d’années qui se cherche. Il travaille en tant qu’auxiliaire de vie chez Francine, septuagénaire en fauteuil-roulant qui lui loue une chambre contre ses services. Pierre est mal à l’aise dans son corps, il n’arrive pas à se fondre dans la masse de ses camarades et il hésite quant à qui voter. C’est au contact de cette femme qu’il va pouvoir s’ouvrir.

Il y aurait énormément de sujets à traiter si nous voulions décortiquer D’Un château l’autre, film d’une densité extraordinaire, tant politique qu’humaniste. Ce court métrage est un condensé d’images justes, aucune séquence n’est là au hasard, tout est pensé dans une mise en scène remarquable. La plastique des plans, tournés avec du matériel non professionnel, donne une couleur authentique au film. Le spectateur se prend au jeu et oublie ses repaires entre documentaire, docu-fiction ou fiction pure.

Le travail des acteurs est dans ce sens remarquable, Pierre Nisse est juste, dense et tient le film d’un bout à l’autre. Francine Atoch est d’une force époustouflante, ses énoncés sur la vie nous remettent en question entre fragilité physique et force psychique volontaire. Son corps et son quotidien sont quant à eux filmés avec bienveillance et humanité, sans jamais sombrer dans le pathos ou un voyeurisme déplacé.

L’ancrage dans l’entre-deux tour présidentiel permet à Emmanuel Marre de créer un parallèle entre une France divisée et le couple Pierre / Francine. Pierre représente le potentiel votant FN qui passe d’un meeting politique à l’autre, écoutant les plaidoyers de politique le regard vide, évoluant à la manière d’une ombre. Pierre n’arrive pas à s’ancrer : il vient de la campagne, méprise Sciences-Po où ces riches héritiers sont à l’aise « comme s’ils étaient partout en pantoufles » et est en quête de réponses. Francine ne croit plus en cette politique. Elle, ce qu’elle prône, c’est l’initiative citoyenne et c’est au contact de Francine que Pierre parviendra à s’émanciper.

Ce court métrage est empli d’un humour noir et tristement juste sur cette société : si c’est Macron qui finit par gagner, cette victoire est présentée, pleine d’ironie par une foule en délire qui chante « I follow you ». Le cynisme de la famille qui ne connait pas le quotidien de Francine et semble vouloir s’en débarrasser en l’envoyant dans une maison de retraite n’est que trop juste et révélateur d’une perte de contact entre les différentes générations. Il y a aussi cette conversation entre Pierre et un de ses confrère Sciences-piste, lors d’une préparation d’exposé sur les petites villes de provinces, qui n’est que trop représentative de la rupture entre les futurs politiques et ceux qu’ils gouverneront. Emmanuel Marre critique d’un oeil acerbe une société qui semble avoir perdu ses marques, qui ne sait plus à quel saint se vouer.

Seule la relation entre les deux personnages insuffle une humanité rare au film, mise en scène dans deux magnifiques scènes d’épiphanie. À deux reprises, c’est au contact de l’art que ces scènes se produisent. Une première où les deux personnages prennent de la hauteur sur la ville qu’ils surplombent du haut de Beaubourg, l’autre, dans la chambre de Francine, où ils écoutent un Kol Nidrei d’une beauté crépusculaire qui, comme une promesse d’avenir nous permet de continuer d’avancer. Le Kol Nidrei, prière d’annulation des voeux de mariage est aujourd’hui l’une des prières les plus importantes du judaïsme. Elle renvoie à la période d’Inquisition où les Maranes se réunissaient dans des synagogues clandestines et demandaient pardon d’avoir fait voeux de christianisme. Cette prière, synonyme de rédemption, est ici une promesse d’avenir pour une année meilleure.

Avec D’Un château l’autre, Emmanuel Marre nous présente un film juste et devient l’une des figures phare du cinéma émergent Franco-Belge. Son prochain film, déjà en préparation, sera un long métrage.

Elsa Levy

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Léo Soesanto : « Chercher les jeunes cinéastes, à la source, au court-métrage »

Après avoir été pendant deux mandats membre du comité de sélection des longs métrages à la Semaine de la Critique, Léo Soesanto a été nommé fin 2016 Coordinateur de la sélection des courts métrages à la même Semaine, après le départ de Fabien Gaffez au Forum des images.

Ce journaliste connaissant bien le monde des festivals pour y programmer de l’intérieur (Cannes mais aussi Bordeaux et Rotterdam) évoque son désir d’identification des jeunes auteurs, la spécificité du court à la Semaine de la Critique et son travail « sans filets » comme sélectionneur par rapport à ses confrères journalistes.

Interview : Katia Bayer

Image : Gaspard Richard-Wright

Son, montage : Elsa Levy

Yona Rozenkier. Résister & choisir des sujets personnels

The Dive (Un havre de paix), son premier long-métrage, sélectionné au Festival de Locarno 2019, vient de sortir ce 12 juin en salles grâce à Pyramide Distribution. Tourné en famille avec deux de ses frères (Micha et Yoel), le premier film de Yona Rozenkier, touche à la guerre, au devoir, à la fratrie, aux traumas, au deuil, au sacrifice et à la protection.

Auto-proclammé « pire étudiant » de l’Université de Tel Aviv, Yona Rozenkier a réalisé deux courts qui étaient cette année à Cannes : Parparim (Les Papillons), en compétition officielle et The Sign, co-réalisé avec Eleonora Veninova, programmé à la SEE Factory à la Quinzaine des Réalisateurs. A la plage de la Quinzaine, à Cannes, nous l’avons interrogé sur son parcours, son passage au long, Israël et son cinéma.

Interview : Katia Bayer
Image, montage : Gaspard Richard-Wright
Son : David Khalfa

Retrouvez notre reportage sur la présence du cinéma israélien à Cannes : http://www.formatcourt.com/2019/06/israel-en-courts-a-cannes/

Annecy 2019, 6 films d’étudiants en compétition à voir en ligne

Le Festival d’Annecy démarre aujourd’hui. Jusqu’au 15 juin, le cinéma d’animation y est mis à l’honneur avec une focale consacrée cette année au Japon. Pour l’occasion, nous vous proposons de voir en ligne 6 films d’écoles internationaux sélectionnés en compétition officielle.

Deepness of the Fry de August « Poul » Niclasen (Danemark)

Les Lèvres gercées de Fabien Corre, Kelsi Phung (France)

Me and the Magnet and a Dead Friend de Maoning Liu (Chine)

Mold de Sujin Kim (États-Unis, Corée du Sud)

Symbiose de Paul Raillard (France)

The Hunter de Jari Vaara (Japon)