Tous les articles par Katia Bayer

Soirée Bref « Drôles d’endroits pour des rencontres »

Que le titre du film de François Dupeyron ait été autant de fois décliné tient en partie, sans doute, à ce qu’il synthétise à merveille un ressort dramatique que le cinéma a conjugué à l’envi dès ses premiers pas. Tandems insolites, rencontres improbables, couples réunis après des querelles à rebondissements font, en effet, le sel des comédies et des drames, pour le meilleur et pour le rire. Les manières, chacune singulière et savoureuse, par lesquelles les fictions de ce soir s’emparent de ce motif offrent une nouvelle preuve de son inépuisable fécondité.

T’embrasser une dernière fois de Olivier Jahan 2010, 35 mm, couleur, 30 mn.

Réalisation et scénario : Olivier Jahan. Image : Emmanuel Pinneau. Montage : Jean-Baptiste Beaudouin. Musique : Armel Dupas. Décors : Karine Branco. Son : Matthieu Tartamella, Ludovic Elias et Sébastien Pierre. Interprétation : Jeanne Rosa, Nathalie Richard et Lyes Salem. Production : Envie de tempête Productions.

Marie, la trentaine, doit prendre une décision particulièrement douloureuse. En l’espace d’une nuit, elle va être confrontée à des émotions contradictoires.

Paris Shanghai de Thomas Cailley 2010, 35 mm, couleur, 25 mn.

Réalisation, scénario et image : Thomas Cailley. Montage : Lilian Corbeille. Décors : Aude Langevin. Son : Rémi Bourcereau. Textes : Claude Le Pape. Interprétation : Franc Bruneau, Marie Fedelic, Arthur Montheilhet, Constantin Burazovitch, Laure Gouzian, Rose Beignier et Alain Marty. Production : Little Cinéma.

Alors qu’il commence un voyage de 20 000 km à vélo, Manu croise la route de Victor, un adolescent au volant d’une voiture volée. Manu aime les voyages, les grands espaces et les rencontres ; Victor non.

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La dame au chien de Damien Manivel 2010, HD, projeté en 35 mm, couleur, 16 mn.

Réalisation : Damien Manivel. Scénario : Damien Manivel et Rémi Esterle. Montage : Erika Haglund. Décors : Jannick Guillou. Son : Jérôme Petit et Emmanuel Desguez. Interprétation : Elsa Wolliaston et Rémi Taffanel. Production : GREC.

Par une chaude après-midi d’été, un ado ramène à sa propriétaire un chien égaré. La grosse dame noire, à moitié ivre, lui propose d’entrer pour le remercier. Elle lui sert un grand verre d’alcool, il se trouve obligé de boire avec elle.

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J’aurais pu être une pute de Baya Kasmi 2010, HD, projeté en 35 mm, couleur, 24 mn.

Réalisation et scénario : Baya Kasmi. Image : Guillaume Deffontaines. Montage : Serge Turquier. Musique : Jean-Gabriel Bernhardt. Décors : Stéphane Becimol. Son : Nicolas Waschkowski, Xavier Thibault et Vincent Verdoux. Interprétation : Vimala Pons, Jean-Claude Deret, Bruno Podalydes et Claudia Tagbo. Production : Karé Productions.

À la caisse d’un magasin de bricolage, Mina est submergée par une crise d’angoisse et tombe dans les bras de Pierre. Voici l’histoire d’une fille un peu folle, d’un type trop normal, d’un grand sécateur et d’un vieux professeur de piano.

Séance le mardi 12 avril à 20h30

MK2 Quai de Seine
14 Quai de la Seine
75019 Paris
M° Jaurès ou Stalingrad

Rêve bébé rêve de Christophe Nanga-Oly

Présenté à Brive en compétition, Rêve bébé rêve, film de fin d’études de la Fémis est un récit musical et mélancolique porté par la musique de Nicolas Ly, chanteur du groupe Applause, et la douceur de ses plans-séquences.

Sur le catalogue du Festival de Brive, la bio de Christophe Nanga-Oly précise qu’il « a été diplômé avec les félicitations du jury en juin 2010 du département Réalisation de la Fémis ». Un bon élève donc. Mais pas seulement. Rêve bébé rêve, son film de fin d’études, dénote déjà par pas mal de prises de risques et de libertés. La première étant la durée (quasiment une heure), format peu présent en festivals ou à la télévision. Sauf à Brive où c’est la spécialité. Ça tombe bien.

Rêve bébé rêve est un film musical mais pas une comédie. L’histoire commence pourtant avec la rencontre estivale et amoureuse de Yan, un musicien charismatique et Leila, une jeune fille rieuse et joueuse. La première partie de ce film scindé en deux donne lieu à des moments suspendus, certainement cristallisés. La découverte de l’autre, de son corps mais aussi et surtout de sa voix offre de beaux instants de cinéma notamment lors d’un plan-séquence où Leila se met à chanter, hésitante, sur deux accords au piano Humpty Dumpty bientôt rejointe par Yan qui l’aide à affirmer sa voix. La parenthèse enchantée de cet amour naissant est assez vite bousculée par l’agression de Yan dans la rue et le départ de Leïla. La seconde partie du film débute par un plan où Yan, à la façon de l’homme invisible, retire le bandage qui entoure son visage que l’on découvre lourdement tuméfié, rupture brutale qui laisse place à un quotidien qui s’apparente à une rééducation au réel et aux autres.

Le lien entre ces deux parties reste la musique, la grande réussite du film, tour à tour instrument de séduction, de partage et lieu de refuge, de repli. Nicolas Ly, chanteur des groupes Applause et ET on the Beach, interprète ses propres chansons (Faces dans un plan séquence d’ouverture hypnotique) ou des reprises comme How the wind blows de Molly Drake. Sa voix proche de celle de Buckley, son physique androgyne et sa fragilité apportent indéniablement au film sa touche particulière, les gestes du musicien étant empreints d’un naturel, d’une vérité. Ce naturel se retrouve d’ailleurs dans la scène entre Yan et sa mère – jouée par Elli Medeiros, une autre chanteuse – touchante dans sa douceur, dans la préparation d’un repas d’une mère pour son fils alors que la violence du choc subi par Yan est encore palpable. Même si les deux chapitres de ce film sont parfois inégaux, il s’en dégage une mélancolie musicale semblable et une foi renouvelée pour un romantisme assumé.

Amaury Augé

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R comme Rêve bébé rêve

Fiche technique

Synopsis : Yan est musicien. Il rencontre Leïla, ils s’aiment. Soudain, sa vie bascule.

Genre : Fiction

Durée : 58′

Pays : France

Année : 2010

Réalisation : Christophe Nanga-Oly

Scénario : Christophe Nanga-Oly, Olivier Demangel

Image : Mickaël Capron

Son : Clément Trahard, Jémérie Kominek

Montage : Gustavo Vasco

Interprétation : Nicolas Ly, Eve-Chems de Brouwer, Elli Medeiros, Antonia Torti, Françoua Guarrigues

Production : La Fémis

Article associé : la critique du film

Balkan « best of » Shorts, le 15/04 à Bruxelles

Une sélection des meilleurs courts métrages des Balkans en association avec Short Screens.

Cette année, le collectif SHORT SCREENS (l’asbl Artatouille et FormatCourt.com) propose une programmation de courts métrages au Balkan Trafik, intitulée BEST OF. Alliant reconnaissance et nouveauté, distinction et curiosité, elle offre une diversité de thèmes, de genres et de pays. Voilà une belle occasion de faire découvrir au public bruxellois la richesse, l’audace et la puissance du cinéma court issu des Balkans.

Vendredi 15 avril au Bozar, à Bruxelles

18:45 – 19:30 Première séance

1) The Tube with a Hat de Radu Jude (Roumanie, 2007, 23’)
2) Party de Dalibor Matanic (Croatie, 2009, 15’)
3) Tolerantia d’ Ivan Ramadan (Bosnie-Herzégovine, 2008, 6’30’’)

20:45 – 21:30 Deuxième séance

1) Little Fighters d’Ivana Lalovic (Bosnie/Suisse, 2010, 15’)
2) Sunset from a Rooftop de Marinus Groothof (Serbie/Pays-Bas, 2009, 10’)
3) Muzika in Sânge d’Alexandru Mavrodineanu (Roumanie/France, 2009, 16’)

22:15 – 23:00 Troisième séance

1) Stopover d’Ioana Uricaru (Malpensa/ Roumanie, 2010, 14’)
2) Mi Hatice de Denis D. Metin (Turquie, 2010, 21’)
3) She Who Measures de Veljko Popovic (Croatia, 2008, 6’40’’)

00:00 – 00:45 Quatrième séance

1) Arpeggio Ante Lucem d’Arin Inan Arslan (Turquie, 2010, 15’)
2) No sleep won’t kill you de Marko Mestrovic (Croatie, 2010,9’03’’)
3) Stanka Goes Home de Maya Vitkova (Bulgarie, 2010, 15’)
4) 8 d’Acim Vasic (Suisse/Serbie/Monténégro, 2010, 10’20’’)

Les Courts du Grand n°14 : Programmation internationale

La 14ème édition des Courts du Grand aura lieu le vendredi 15 avril à 19H30 au Cinéma Grand Action. L’occasion de voir sur grand écran une programmation internationale, en présence des réalisateurs et/ou des producteurs des films, dont « Tussilago » de Jonas Odell, récompensé du Prix Format Court au dernier Festival Anima, à Bruxelles.

Programme de la soirée

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Passagers de Samuel Feller, Belgique/France (35mm – 12min – 2010 – Production : Isabelle Mathy, Pétrouchka films – France, Co-production : Polichinelle Productions, Solaris Productions – Belgique).

En moto sur une route isolée, Erica et Julien, un jeune couple. Sur leur chemin, une station essence et trois individus solitaires. Cette rencontre les pousse à la recherche d’un nouvel équilibre…

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Goulili de Sabrina Draoui, Algérie (HD – 17min – 2009 – Altermedia Productions)

Le film Goulili (ou Dis-moi si tu sais) de l’auteure Sabrina Draoui a été primé plusieurs fois. « Pour sa conviction cinématographique, son courage à aborder un sujet tabou de dimension universelle, pour la fluidité de sa mise en scène, la subtilité de son jeu sur les langues et ses dialogues »

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Between the lions de Lewis Martin-Soucy, France/Canada (Red – 8min – 2011 – Monumental Studio)

Un jeune homme passionné, condamné à une relation longue distance, essaye de s’occuper entre deux réunions précieuses avec sa petite amie.

Tussilago de Jonas Odell, Suède (animation/docu – 13min46 – 2010 – Filmtecknarna Productions). Prix Format Court au Festival Anima 2011 !

Le terroriste ouest-berlinois Norbert Kröcher fut arrêté à Stockholm le 31 mars 1977. Il était à la tête d’un groupe qui avait pour projet de kidnapper la politicienne suédoise Anna-Greta Leijon. Un certain nombre de suspects furent arrêtés, dont l’ex-petite amie de Kröcher, « A ». Voici son histoire.

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Le Grand Magicien de Elisabet Gustafson, Suède/Estonie/France (HD – 15min – 2010 – DFM fiction, Stockholm / average monkey, Tallinn / La voie Lactée,Paris)

Un grand magicien, vivant sous l’apparence commune d’un petit employé ponctuel, renonce à la possibilité de se servir de ses pouvoirs. Un conte absurde et tragi-comique adapté d’une nouvelle du pataphysicien René Daumal.

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Did Mickael Knight end the cold war ? de Stephan Altrichtair, République Tchèque/Allemagne. (35mm – 20min – 2010, HFF Konrad Wolf, FAMU, RBB)

À Prague, un petit garçon s’engage dans la révolution tchèque de 1989. Sa plus grande idole, Michael Knight, change le cours de l’histoire.

Infos

Vendredi 15 avril · 19:30 – 23:30

Cinéma Grand Action – 5, rue des Ecoles – 75005 – Paris, France

Métro : Jussieu ou Cardinal-Lemoine

PAF : 5 euros / 3 euros (membre Collectif Prod)

Un cocktail sera offert à l’issue de la projection.

Sur Facebook, c’est ici.


Infos en plus : Retrouvez les représentants des films (auteurs, réalisateurs, membres de l’équipe) autour d’une table ronde le samedi 16 avril à 14h au Café De Paris, 158 rue Oberkampf.

Contact, inscriptions & infos : magali.prog@gmail.com

Sur Facebook, c’est là.

Un Monde sans femmes de Guillaume Brac

Présenté à Brive dans la même séance que « Pandore » de Virgil Vernier, autre moyen métrage stimulant de la compétition européenne, « Un Monde sans femmes » de Guillaume Brac succède intelligemment au « Naufragé », son film précédent, également tourné en Picardie avec l’étonnant Vincent Macaigne dans le rôle de Sylvain.

Dans « Le Naufragé », Sylvain, un individu solitaire, offrait son amitié et sa disponibilité à Luc, un cycliste parisien ayant crevé sur les routes picardes. S’ensuivait un début de relation complexe pour ces deux hommes extrêmement différents l’un de l’autre. Tourné seulement un an plus tard dans la même région, « Un Monde sans femmes » retrouve Sylvain, toujours aussi esseulé, venant de faire la connaissance d’une mère et de sa fille passant des vacances à la côte. Le temps de leur séjour, il se remet en question, leur tient compagnie et cherche à leur plaire, tout en essayant de dissimuler sa timidité naturelle et sa calvitie partielle.


On se souvient du « Naufragé » pour son humour de situation, son traitement de l’ennui, ses ruelles vides, son décalage entre les deux protagonistes principaux (Vincent Macaigne, Julien Lucas) et l’apport considérable de ses comédiens non professionnels, filmés dans des situations improbables, que ce soit au bistrot ou à la boulangerie. « Un Monde sans femmes » lui est relativement proche tant la rencontre de deux solitudes, le jeu juste et délicat d’un même comédien, l’écart entre Paris et la Picardie, le casting local, la maladresse et la froideur des sentiments semblent passer d’un film à l’autre, sans le moindre trouble.

Ce qui interpelle surtout, c’est la façon clairvoyante et contemplative dont Guillaume Brac réussit à saisir les liens qui se tissent ou qui se désunissent au sein d’un même groupe et les tentatives de communication et de séduction/rejet dont ses personnages font preuve entre eux. Tout cela s’esquisse parfois avec désespoir, parfois avec maladresse, parfois avec aisance. Mais comporte toujours quelque part un fond de tendresse.

Katia Bayer

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M comme Un Monde sans femmes

Fiche technique

Synopsis : Une petite station balnéaire de la Côte Picarde, la dernière semaine d’août. En leur remettant les clefs d’un appartement de location, Sylvain fait la connaissance de deux séduisantes jeunes femmes. L’occasion rêvée de sortir ne serait-ce que quelques jours d’une vie solitaire dont les femmes sont désespérément absentes.

Genre : Fiction

Durée : 57′

Pays : France

Année : 2011

Réalisation : Guillaume Brac

Scénario : Guillaume Brac

Image : Tom Harari

Montage : Damien Maestraggi

Son : Emmanuel Bonnat, Vincent Verdoux

Interprétation : Vincent Macaigne, Laure Calamy, Constance Rousseau, Laurent Papot

Production : Année Zéro

Article associé : la critique du film

Jessi de Mariejosephin Schneider

« Jessi » de l’Allemande Mariejosephin Schneider suit la fugue et les yeux de chat d’une môme de 11 ans, dont la mère purge une peine de prison et dont la sœur a quitté l’ancienne demeure familiale. Lauréat du Grand Prix du Jury dans la catégorie films d’écoles européens à Angers, et projeté également aux Rencontres Henri Langlois, le film figure parmi les 21 titres de la compétition européenne du festival de Brive.

Élevée par sa mère adoptive, Jessi s’ouvre très peu, préférant observer les choses plutôt que de les commenter. Plus sa mère de substitution s’obstine à entrer en contact avec elle, moins elle desserre ses dents de préadolescence. Ses mots, elle les destine à sa famille d’origine, sa mère incarcérée et sa sœur aînée, ayant toutes deux cessé de se parler. Entre les deux femmes, Jessi essaye de recréer un lien, en mentant, fuguant, et réclamant de l’attention. Seulement, la vie de Jessi, comme celle de sa famille, a changé. Les choses ne seront plus comme avant. Le refuser, c’est rester dans un passé qui n’est plus, l’accepter, c’est commencer à grandir. Entre les deux, Jessi doit faire un choix.

Le film de Mariejosephin Schneider se construit autour du secret, du silence, du sens du toucher et du regard chargé d’expression. L’éclatement de la bulle familiale, les problèmes de communication, et le renoncement représentent le premier matériau du film. Autour de lui, se greffent différents couples assortis malgré eux : l’insouciance de l’enfance et la dureté du monde adulte, le repli sur soi et l’ouverture à la société extérieure, la vie en prison et la liberté toute relative dans une situation que l’on n’a pas choisi.

Avec ses airs butés, son innocence enfantine, et ses gestes radicaux, Luzie Ahrens, l’enfant du film, campe une Jessi bien peu ordinaire. Jusqu’ici, sa seule apparition au cinéma avait eu lieu dans « Le Ruban blanc ». Espérons que d’autres réalisateurs que Haneke et Schneider continueront à la faire tourner.

Katia Bayer

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J comme Jessi

Fiche technique

Synopsis : Pendant que sa mère purge sa peine en prison, la petite Jessi, 11 ans, vit dans une famille d’accueil. Sa quête d’identité la mène jusqu’au village où elle a grandi. Là, elle découvre que sa recherche doit aller bien au-delà des limites de son ancienne vie.

Genre : Fiction

Durée : 33’

Année : 2010

Pays : Allemagne

Réalisation : Mariejosephin Schneider

Scénario : Mariejosephin Schneider

Image : Jenny Lou Ziegel

Musique pré-existante : Marian Mentrup, Robert Rabenalt

Musique : Marian Mentrup

Montage : Inge Schneider

Décors : Kerstin Eichner

Mixage Son : Benny Dunker

Interprétation : Pit Bukowski, Luzie Ahrens, Jasmin Rischar, Anja Stohr, Sophie Rogall, Michaela Hinnenthal

Production : DFFB / Deutsche Film- und Fernsehakademie Berlin

Article associé : la critique du film

Une sale histoire de Jean Eustache

Le Festival de Brive propose une rétrospective consacrée à Jean Eustache. On s’en réjouit, tant ses films sont compliqués à voir dans de bonnes conditions. L’auteur de « La Maman et la putain » (1973) a réalisé plusieurs moyens métrages, fictionnels comme documentaires : « Les Mauvaises fréquentations » (1963), « Le Père Noël a les yeux bleus » (1966), « Le cochon » (1970), et « Le Jardin des délices de Jérôme Bosch » (1979). Mais aussi « Une sale histoire », datant de 1977, qui, en 49 minutes sympathiques, affole une anodine journée d’avril.

 

« Une sale histoire » se présente comme un docu-fiction en deux parties, partagé entre une histoire narrée par Michaël Lonsdale (le volet “fiction”) et le même récit, mot pour mot, sortant de la bouche de Jean-Noël Picq (le volet “document”), un ami d’Eustache. Dans les deux situations, un homme raconte à de très belles femmes comment il s’est retrouvé dans la peau d’un voyeur et comment il a rencontré des difficultés à se déshabituer de cette nouvelle obsession.

Dans la première partie du film, Jean Douchet, cigare au bec, demande à Michaël Lonsdale de revenir sur son histoire de voyeur car il n’arrive pas à l’adapter au cinéma. Le comédien s’assoit sur un canapé, à proximité de plusieurs femmes et raconte face caméra son récit. Il explique sa découverte hasardeuse d’un trou dans les toilettes d’un café parisien permettant de voir incognito le sexe des femmes. Il agrémente son récit de moult détails et remet en question son rapport au beau sexe. Des femmes l’écoutent en silence, ne le quittent pas des yeux, lui sourient, et se mettent finalement à le taquiner, en lui proposant à l’identique de jouer les voyeuses.

Dans la deuxième partie, Jean-Noël Picq, le protagoniste réel, à l’origine de cette singulière histoire, évoque le même récit que Michaël Lonsdale, de manière peut-être plus spontanée que son « double » fictionnel, plus dans le jeu et dans la personnalisation du texte. Face à lui, des femmes développant des réactions similaires à la première situation.

Le dispositif est exactement le même que dans le volet “fictionnel“ : un témoin, une anecdote, un monologue, un texte, une disposition des lieux, un auditoire féminin … . Seuls les interprètes changent pour livrer le même contenu : une histoire salace.

Deux films en un, deux versions d’un même scénario, un docu-fiction, … Eustache, en mêlant histoire vraie et procédé fictionnel, pose la question de la mise en scène et de la véracité des faits tout en évoquant la perception des tabous et de la sexualité d’une certaine époque. Une époque qui a quand même vu d’un œil pudique la sortie houleuse de ce film. Pour revenir en arrière et pour comprendre les mœurs d’aujourd’hui, ce film/ces films reste(nt) à voir.

Katia Bayer

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S comme Une sale histoire

Fiche technique

Synopsis : Dans un salon, un homme raconte à trois femmes comment il devint voyeur dans un café qu’il fréquentait et pourquoi il y prit goût pendant un temps…

Genre : Docu-Fiction

Durée : 49’

Pays : France

Année : 1977

Réalisation : Jean Eustache

Scénario : D’après une histoire de Jean-Noël Picq

Photographie : Pierre Lhomme, Jacques Renard

Montage : Chantal Colomel, Jean Eustache

Son : Roger Letellier, Bernard Ortion

Interprétation : Michael Lonsdale, Douchka, Laurie Zimmer, Josée Yanne, Jacques Burloux, Jean Douchet, Elisabeth Lanchener, Françoise Lebrun, Virginie Thévenet, Annette Wademant

Production : Tamasa

Article associé : la critique du film

Brive 2011

À Brive-la-Gaillarde (cherchez pas, c’est en Corrèze), on aime Patrick Sébastien, vedette de télévision, le rugby, un sport local pratiqué en groupe et en short, et le moyen métrage, un format ne dépassant pas les 59 minutes. En effet, P.S. est né dans le coin. Demain, les Brivistes jouent à 14h contre les Gallois. et les 8èmes Rencontres européennes du moyen métrage proposent jusqu’à lundi des films en compétition européenne, une rétrospective Jean Eustache, les films de Manoel de Oliveira, un panorama consacré au jeune cinéma polonais, un hommage à Serge Gainsbourg, des tables rondes et un ciné-concert.

Retrouvez dans ce Focus :

La critique de « Philipp » de Fabian Möhrke (Allemagne)

La critique de « Pandore » de Virgil Vernier (France)

La critique de « Low Cost (Claude Jutra) » de Lionel Baier (Suisse)

La critique de « Rêve bébé rêve » de Christophe Nanga-Oly (France)

La critique d' »Un Monde sans femmes » de Guillaume Brac (France)

La critique de « Jessi » de Mariejosephin Schneider (Allemagne)

La critique d' »Une sale histoire » de Jean Eustache (France)

Le palmarès 2011

Les films en compétition européenne

Ainsi que nos anciens sujets liés à cette édition festivalière :

La critique de « Because we are visual » de Gerard-Jan Claes et Olivia Rochette (Belgique)

La critique de « Coucou-les-nuages » de Vincent Cardona (France)

L’interview de Vincent Cardona

La critique de « Petit tailleur » de Louis Garrel (France)

L’interview de Sébastien Bailly. le délégué général du festival

La Bohème de Werner Herzog

Pour son clip de commande, Werner Herzog a concocté un curieux documentaire qui se veut un exercice en contrepoint audiovisuel interpellant. Programmé récemment dans le cadre du festival Cinéma du réel, au Centre Pompidou, ce court transplante l’air célébrissime « O soave fanciulla » de l’opéra de Puccini dans le contexte d’une Éthiopie tiraillée.

Lorsque l’un des cinéastes les plus intransigeants de notre époque est sollicité à l’occasion des 10 ans de collaboration entre la chaîne Sky Arts et l’ENO (l’Opéra national anglais), on ne peut pas s’attendre à un résultat gentillet. En effet, le parti pris d’interpréter la partition puccinienne par le biais de plans (souvent très rapprochés) d’une tribu éthiopienne n’est ni banal ni habituel. Pourtant, le doyen du Nouveau Cinéma Allemand n’est pas étranger à l’univers de l’opéra. Son œuvre, hétéroclite, prolifique et résistant à toute catégorisation – si ce n’est la marque distinctement auteuriste du réalisateur –, a côtoyé le genre lyrique à plus d’une reprise : les documentaires « Gesualdo : Mort à cinq voix » et « The Transformation of the World into Music » comme les fictions « Leçons de ténèbres » et « Fitzcarraldo » traitent tous directement ou indirectement de sujets opératiques, de sorte que Herzog s’est approprié une réputation de cinéaste « wagnérien ».

Il est donc d’autant plus remarquable que, pour traduire un air d’opéra en images, il se démarque à ce point de l’esprit romantique et précieux du Paris de la Belle Époque. Si la démarche contrapuntique paraît à première vue simpliste ou gratuitement provocatrice, elle révèle en fait une signification puissante. En filmant des civiles éthiopiens armés en même temps que des couples (tellement éloignés des déclamations exagérées du Rodolfo rêveur et de la Mimi phtisique), Herzog élabore un jeu de regards conflictuel entre ces personnages – un écho en quelque sorte à l’amour maudit des Bohèmes, mais aussi un message politique pour une contrée ravagée par la violence depuis des décennies. À l’aide de l’utilisation audacieuse de la technique de face caméra, ce jeu de regard sort de la « diégèse » et se déplace entre le spectateur et le sujet, entre le regardant et le regardé. Ainsi, deux cultures aux antipodes historiques et politiques se confrontent, l’une via l’image, l’autre à travers la bande-son. L’air de rien, Herzog opère un tour de force de forme et de fond. Cet objet improbable qu’est « La Bohème » casse la complaisance qui recouvre le drame de Puccini plus d’un siècle après sa création, à l’époque novatrice, et impose un relativisme manquant autour de sa lecture qui permet d’ébranler le discours eurocentriste. Quid urbi et quid orbi ?

Adi Chesson

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B comme La Bohème

Fiche technique

Synopsis :  Tourné au sein du peuple Mursi dans le Sud-Ouest de l’Ethiopie, le film de Herzog recrée l’énigmatique interprétation du duo amoureux de Puccini ‘O soave fanciulla’ extrait de La Bohème.

Genre : Documentaire, expérimental

Durée : 4′

Année : 2009

Pays : Royaume-Uni

Réalisation : Werner Herzog

Musique : Giaccomo Puccini

Article associé : la critique du film

Javier Packer-Comyn : « Je suis toujours attentif à la manière dont le film travaille le monde et à celle dont le monde traverse le film »

Avant de devenir le directeur artistique du Cinéma du Réel, le festival dédié au documentaire de création, organisé par le Centre Pompidou fin mars-début avril, Javier Packer-Comyn a œuvré pendant plusieurs années en faveur du même cinéma à Bruxelles, en faisant venir des auteurs, et en montrant des films méconnus via l’association Le P’tit Ciné. D’une ville à l’autre, d’une expérience de travail à l’autre, des fondamentaux sont restés : dialogue entre passé et présent, statut de l’image, regards sur le monde, solitude groupée, et points d’entrée. Entretien.

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À l’époque du P’tit Ciné, tu te voyais comme un passeur entre le cinéaste et le public. Est-ce un rôle que tu as eu l’occasion de développer plus amplement au Cinéma du Réel, avec une équipe et une structure bien plus importantes qu’à Bruxelles ?

Ce qui est stimulant ici, c’est de se rendre compte qu’il y a d’autres passeurs tels que Pierre-Alexis Chevit, Arnaud Hée, Corinne Bopp. La structure n’est pas similaire au P’tit Ciné, mais l’approche est la même : on est très proche du débat, de la rencontre, des gens.

D’où vient l’envie de programmer une compétition de courts métrages dans un festival qui met en avant le documentaire et qui se balade entre les films de patrimoine et les nouvelles réalisations ?

Mon envie n’est pas guidée par la durée du film. Ce qui m’intéresse, c’est l’écriture particulière du film. C’est difficile pour moi de raisonner en longs ou en courts, mais je dois apprendre à le faire parce que c’est nécessaire pour l’organisation d’un festival. Cette année, j’ai effectivement eu envie de mettre en avant les courts, mais au final, j’en ai retenu moins que je le pensais pour la compétition. Ce geste de programmation ne se dessinera peut-être plus amplement que l’année prochaine.

Pour l’instant, dans le documentaire, les registres d’images étant très variées, il me semble que quelque chose d’assez beau est en train de se consolider, quelque chose qui fait qu’aujourd’hui, un festival peut faire cohabiter des films très différents, comme « Coming Attractions » et « Pa Rubika Celu ».

Pendant longtemps, il y avait une grande tendance au portrait et à la voix-off dans les courts, cela se remarquait beaucoup dans les films danois et allemands. On montrait par exemple une femme de ménage dans ses mouvements et dans ses gestes, tandis que son récit était proposé en off. Il y avait de l’empathie, de la sensibilité, mais il manquait quelque chose. Depuis quelques années, je sens néanmoins une variante.

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"Coming Attractions"

Comment cette variante s’exprime-t-elle par rapport à ce que tu voyais précédemment ? Dans les films que vous proposez, on sent une vraie recherche formelle, un vrai éclatement des genres.

Effectivement, les genres éclatent. Quand je ne connais pas quelque chose, j’ai envie d’approfondir, de découvrir. Je suis vraiment ouvert à tout. Par contre, je suis toujours attentif à la manière dont le film travaille le monde et à celle dont le monde traverse le film.

Personnellement, j’ai l’impression que notre écriture a changé et que beaucoup de documentaires sont devenus fragmentés. La manière dont on décrit les choses et dont on se décrit a évolué. J’ai l’impression qu’on se dirige de plus en plus vers une espèce d‘observation en fragments, un peu à la manière d’une écriture d’Annie Ernaux. J’ai le sentiment que l’être humain est devenu très sensible à l’infra-ordinaire, au micro-événement, à une écriture très parcellée, pouvant être le fruit d’une boulimie, d’un zapping ou d’une manière de raconter le monde qui n’est plus soumis à une vue d’ensemble.

Serait-on passé du point de vue au fragment ?

Non, parce que dans le fragment, on peut aussi avoir un point de vue. C’est comme si on accepte l’impuissance à fixer une image globale pour raconter le monde, ce qui sauve notre regard, c’est de pouvoir découper, s’arrêter sur une chose en particulier.

Pour faire le lien avec le fragment, vous montrez au Réel un film mobile anonyme, “Fragments d’une révolution” portant sur la révolution iranienne. L’idée de montrer des images filmées avec une caméra à portée de main, de proposer des images anonymes, c’est une forme d’engagement pour vous ?

L’engagement n’est pas de mon côté, il est du côté de celui qui font les films, puisque dans ce cas précis, ma position est confortable. Je montre un film, les cinéastes ont besoin d’anonymat, je le comprends, je le respecte : ils prennent des risques. Pour moi, ce film-là, c’est un excellent exemple de ce que peut être le statut d’une image. Il est composé d’images qui ont été filmées avec des téléphones portables lors de la révolution populaire avortée en Iran, donc quelque part, l’image est faite à un moment précis, dans un acte immédiat pour pouvoir la diffuser, la faire circuler sur Internet, et informer sur ce qui est en train de se passer dans le pays. Le temps du cinéma documentaire vient dans un deuxième temps, c’est-à-dire qu’à un moment donné, les cinéastes nous racontent autre chose. La manière dont ils organisent, classent les images tournées à la va vite prend non seulement une valeur historique mais aussi une densité d’analyse grâce au film qui est en train de se faire. On est donc dans un travail de recomposition d’éléments épars pour raconter la grande histoire. Ce qui m’intéresse, c’est que le matériau de base a changé de nature. C’est aussi ça, le rôle du cinéma : déplacer la nature du matériau.

De plus, le film réunit tous les anonymes. Au-delà du fait qu’il reste anonyme parce qu’il y a un réel danger à se nommer, je pense que l’auteur de ce film, en faisant ce travail, rend aussi hommage à l’anonymat de tout le monde.

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“Fragments d’une révolution”

Cette année, des documentaires ont été montrés sur la Toile, à l’initiative de Pointdoc, un nouveau festival en ligne. Comment jugez-vous au Réel le lien entre Internet et ces images ?

Internet pourrait m’intéresser comme outil, mais je proviens de la relation entre un public et une salle, et rien ne remplace pour moi cette sensation d’être seul ensemble, d’être isolé sur mon siège et de me sentir relié aux autres. Évidemment, Internet crée des communautés d’utilisateurs, mais la seule dans laquelle je me sens réellement bien quand je suis face à un film, c’est la salle. C’est le seul rapport aux images auquel je crois.

Parallèlement à la compétition, vous montrez énormément de films anciens, courts, isolés, inconnus, invisibles, repêchés un peu par miracle. Comment arrivez-vous à repérer ces films parfois sans auteurs et sans producteurs ?

Globalement, il n’y a qu’un secret : une énorme connaissance sur le cinéma accumulée de part et d’autre, qu’heureusement, je ne connais pas ! Je découvre ces films au fur et à mesure. Un programme, c’est comme du tissage. À un moment donné, les fils nous sont tendus : un ouvrage nous livre la référence d’un film, celui-ci comporte un générique, les noms qui y figurent renvoient vers d’autres personnes. Moi, je ne peux partir que de ce que je ne connais pas.

Tu ne connaissais donc à la base aucun des films que tu as décidé de programmer ?

Si, certains oui, mais ce sont les points d’entrée. Il y a quelque chose de cyclique dans la cinéphilie, dans l’histoire du cinéma : on ne cesse de découvrir la même chose en creusant à chaque fois un peu plus profondément. On approfondit car nos connaissances s’affinent, car on a le goût d’aller plus loin. Après, on se retrouve avec une grande masse d’images et on doit évaluer les films. Dans les courts que j’ai gardé, j’ai aussi voulu garder des choses qu’aujourd’hui, on peut encore réellement défendre comme films.

Ce qui veut dire ?

Ce sont des films qui ont échappé pour moi à la notion de propagande de l’époque. Si les films sont hermétiques 70 ans plus tard, ils ne me renvoient pas au monde d’aujourd’hui. Le dialogue entre passé et présent est primordial. L’important dans le documentaire, c’est d’apprendre à voir le monde, à être plus ancré dans son quotidien. Je pense que ça vaut la peine de montrer des œuvres ayant cette porosité dans le passé, elles peuvent nous renvoyer à quelque chose d’actuel. Ce n’est pas les instrumentaliser, mais c’est souligner leur valeur universelle et l’éventuel écho qu’elles peuvent avoir encore aujourd’hui.

Certains des courts que vous montrez ont commencé leur carrière au festival de Venise. Les sélections des autres festivals ne sont pas un frein pour vous ?

Il y a un ordre naturel des choses. Les festivals comme Venise, Berlin et Cannes sont des lieux de polarisation, ils sont beaucoup plus grands que nous. Je trouve normal qu’un film aille là-bas et que beaucoup de choses en découlent. Pourquoi ne montrerais-je pas un film qui est passé à Venise il y a six mois et qui n’a pas été vu à Paris ? Par rapport au public, je ne me pose pas de questions. Je montre les films qui m’intéressent avant tout.

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"Primary"

Tu programmes en séances spéciales Richard Leacock et Leo Hurwitz, deux documentaristes ayant eux aussi un lien au court. Qu’est-ce t’intéressait en eux ?

Richard Leacock, je l’avais déjà programmé à la Cinémathèque, à Bruxelles. C’est quelqu’un qui fait partie de l’histoire du cinéma et qui est à l’origine de la caméra en son synchrone, une invention qui a vraiment bouleversé le documentaire et représenté une nouvelle forme de liberté. Il a notamment suivi, dans “Primary”, John F. Kennedy, candidat aux primaires américaines, partout, du meeting au salon. Ce qui est assez étonnant avec lui, c’est qu’il s’est autant intéressé au milieu politique que musical. C’était des lieux qui avaient besoin d’être décloisonnés, il a pu les filmer.

Leo Hurwitz, c’est autre chose. Je ne connaissais globalement que deux films de lui et le fait qu’il avait filmé le procès Eichmann, il est souvent réduit à cela seulement, d’ailleurs. J’ai eu la possibilité de voir le reste de son travail grâce à un DVD pédagogique, même pas commercialisé, édité en Suède, et j’ai découvert une œuvre très variée et très poétique. Hurwitz a toujours été très juste sur l’analyse politique de son époque, ça m’a donné l’envie de le programmer.

Est-ce que des noms comme Leacock et Hurwitz intéressent la presse? Comment réagit-elle par rapport au genre documentaire en général ?

Faut-il parler de ce qu’on sait ou de ce qu’on ne connait pas ? La plupart des médias aujourd’hui préfère conforter le lecteur, le spectateur, l’auditeur dans ce qu’il sait déjà plutôt que de prendre le risque de lui délivrer un autre contenu. C’est un éternel débat, un mauvais calcul, je pense. Un pan de la cinématographie n’intéresse pas les gens, mais ce n’est pas pour autant qu’on se sent isolés. Le festival rencontre son public et a une belle couverture de presse. Certains journaux pointus ont évoqué notre travail dans leurs pages culturelles, mais cette année encore, on m’a reparlé de Michael Moore, d’Océans, et du Cauchemar de Darwin. Ça, c’est ancré, ça reste malheureusement.

Propos recueillis par Katia Bayer

Consulter les fiches techniques de « Coming Attractions » et de « Fragments d’une révolution »

C comme Coming Attractions

Fiche technique

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Synopsis : L’expression « cinéma des attractions » décrit une relation unique entre l’acteur, la caméra et le public des débuts du cinéma, qualité qui disparaît ensuite dans le cinéma « moderne » après 1910. Ce film cherche à réunir publicité, cinéma du début et film d’avant-garde.

Réalisation : Peter Tscherkassky

Genre : Expérimental

Année: 2010

Durée : 25’10’’

Pays : Autriche

Son : Dirk Schaefer

Montage : Eve Heller, Peter Tscherkassky

Production : Peter Tscherkassky

Article associé : la critique du film

Coming Attractions de Peter Tscherkassky

Présenté au Festival Cinéma du réel, le dernier court métrage de Peter Tscherkassky explore la culture pop sous le couvert d’images publicitaires auxquelles le réalisateur confie des intentions bien plus complexes que celles qu’on leur donne naturellement.

Elaboré à base de rushes de films publicitaires des années 50 et de morceaux de films de cinéma, « Coming Attractions » nous immerge dans un spectacle qui regorge de matière filmique.

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Les morceaux de pellicules travaillés sont cisaillés, démembrés, découpés par un réalisateur-monteur qui ne jure que par la matière argentique. Tscherkassky met en œuvre son savoir faire, acquis au gré des expérimentations, pour faire émerger un sens caché aux images. Dans ses mains, un « stylo laser » magique, qui ne le quitte plus depuis plusieurs films et qui élabore la surimpression à la manière d’un orfèvre aveugle, laissant – un peu – sa chance au hasard. On découvre alors, au détour d’une transparence, un visage en bordure du cadre qui répond de manière anachronique à celui d’une femme en gros plan qui déchire l’écran de sa beauté sensuelle.

On dit qu’à force de répétitions de l’exposition d’un sujet à un phénomène donné, ledit sujet finit inévitablement par l’apprécier. « Coming Attractions » joue certainement sur ce registre tant dans la forme que dans le fond. Du cinéma documentaire de Tscherkassky naît la proposition d’un point de vue sur ce produit qu’est la matière film et sur les phénomènes d’attractions que peuvent induire les images données à voir dans celui-ci. Ici, les gestes simples et mécaniques des ménagères montrées dans les spots ventant des produits (jamais montrés à l’écran dans le film) deviennent sensuels et changent de sens lorsqu’ils sont découpés, ralentis, accélérés dans une répétition lancinante de chaque séquence.

coming-attractions

Le montage atteint son paroxysme quand le réalisateur l’emploie, sans distinction de genre (pub ou film), sur des gros plans de visages de femmes. Au détour d’un regard, il transfigure un plan, plus ou moins anodin, en un appel peu farouche. Ces œillades sont-elles autant d’incitations à consommer (pour les spots de pub), à nourrir une intrigue (pour les films de cinéma), ou bien à venir voir de plus près ce qui peut se passer dans cette expérimentation ?

« Coming Attractions » repense la réception des images de consommation. Tscherkassky prend le parti, comme à son habitude, de transfigurer le message initial des rushes dont il dispose. Cependant, la particularité de « Coming Attractions » vient de la nature même des images utilisées.

Si dans ses précédents films il utilisait des rushes de fictions de cinéma, l’emploi de bouts de films de consommation de masse, en parallèle à ceux de cinéma, propose une lecture juste de ce qu’était (et ce qu’est toujours ?) la culture pop : un amalgame complexe de perceptions artistiques, culturelles, sociales et consuméristes.

Fanny Barrot

Consulter la fiche technique du film

Palmarès du 33ème Festival International de Films de Femmes

Meilleur court-métrage étranger :

Little Children, Big Words de Lisa James Larsson (Suède)

500€ offerts par le Festival

Meilleur court-métrage français :

L’invention des jours heureux de Sandrine Dumas (France)

Achat de droits de diffusion sur les antennes de CINÉCINÉMA

PRIX DE L’ASSOCIATION BEAUMARCHAIS – Meilleur court-métrage francophone à :

Au milieu de nulle part ailleurs de Annick Blanc (Canada)

1500€ et une bourse d’aide à l’écriture

PRIX DU JURY UNIVERSITE PARIS EST CRETEIL – Meilleur court-métrage européen à :

Little Children, Big Words de Lisa James Larsson (Suède)

1500€ par l’Université Paris Est Créteil

MENTION SPÉCIALE

(The Importance of ) Hair de Christina Höglund (Suède)

PRIX « PROGRAMMES COURTS ET CREATION CANAL + » – Meilleur court-métrage à

Chacun son goût de Hyun Hee Kang (France)

Achat des droits de diffusion par Canal +

PRIX FRESNES AVEC LE SERVICE PÉNITENTIAIRE D’INSERTION ET DE PROBATION 94

Depuis 2004, le Festival organise et anime des projections-débats pour les détenues de la Maison d’Arrêt de Fresnes. Cette action culturelle en milieu carcéral est le fruit de la solide collaboration, nouée depuis plusieurs années avec le SPIP 94*.
En 2008, le Festival crée le prix « Fresnes ». Les détenues constituent un jury encadré par l’équipe du Festival et visionnent les courts métrages en compétition afin d’en primer un de leur choix.
La réalisatrice élue est invitée à la Maison d’Arrêt de Fresnes afin de rencontrer le jury.

… Un ange passe de Leyla Bouzid (France)

Palmarès du Cinéma du réel 2011

Le jury international, composé de Marta Andreu (productrice, Espagne), Gueorgui Balabanov (Cinéaste, Bulgarie), Marie-Hélène Dozo (monteuse, Belgique), Jean Gaumy (photographe et réalisateur, France) et Mehran Tamadon (réalisateur, Iran), a décerné les prix suivants :

* GRAND PRIX CINÉMA DU RÉEL :
Palazzo delle Aquile de Stefano Savona, Alessia Porto, Ester Sparatore (France, 2011)
Doté de 8 000 euros par la Bpi avec le soutien de la Procirep

* PRIX INTERNATIONAL DE LA SCAM :
Distinguished Flying Cross de Travis Wilkerson (Etats-Unis, 2011)
Doté de 4 600 euros

Le jury Premiers Films, composé de Raed Antoni (réalisateur, Palestine), Maria Bonsanti (programmatrice festival dei Popoli, Italie) et Dominique Marchais (réalisateur, France), a décerné le prix suivant :

* PRIX JORIS IVENS :
Il Futuro del mondo passa da qui d’Andrea Deaglio (Italie, 2010)
Doté de 7500 euros par Marceline Loridan Ivens, La Fondation Européenne Joris Ivens et l’association Les Amis du Cinéma du réel
* Mention spéciale : Eine ruhige Jacke de Ramón Giger (Suisse, 2010)

Le jury international et le jury Premiers Films ont décerné conjointement le :

* PRIX DU COURT MÉTRAGE
Extraño Rumor de la tierra cuando se atraviesa un surco (secuencia 75, huerto de Juana López, Toma 01) de Juan Manuel Sepulveda (Mexique, 2011)
Doté de 2 500 euros par la Bpi et par Vectracom (deux Betanum avec incrustation du sous-titrage)

Le jury des jeunes, composé de 5 lycéens et de Vanina Vignal (cinéaste) a décerné le prix suivant :

* PRIX DES JEUNES – CINÉMA DU RÉEL :
Exercices de disparition de Claudio Pazienza (Belgique/France, 2011)
Doté de 2 500 euros par le Centre Pompidou, avec le soutien de la Mairie de Paris.
* Mention spéciale : Fragments d’une révolution , Anonyme (Iran/France, 2011)

Le jury des bibliothèques, composé de Christine Puig (médiathèque José Cabanis, Toulouse), Joël Gourgues (médiathèque Pierre et Marie Curie, Nanterre), Emmanuel Valentini (bibliothèque Marguerite Yourcenar, Paris) et du cinéaste Jean-Patrick Lebel, a décerné le prix suivant

* PRIX DES BIBLIOTHÈQUES :
La Mort de Danton d’Alice Diop (France, 2011)
Doté de 6 000 euros, par la Direction générale des médias et des industries culturelles
* Mention spéciale :
The Ballad of Genesis and Lady Jaye de Marie Losier (États-Unis/France, 2011)

Le Jury de l’Institut français, composé de François Caillat (réalisateur), Elsa Cornevin (attachée audiovisuelle à l’Ambassade de France à Lisbonne – Portugal), Anne Coutinot (chargée de mission au département cinéma de l’Institut français), Christine Houard (chargée de mission au département cinéma de l’Institut français), Anne-Catherine Louvet (chargée de mission au département cinéma de l’Institut français) a décerné le prix suivant :

* PRIX LOUIS MARCORELLES :
Fragments d’une révolution , Anonyme (Iran/France, 2011)
d’une valeur de 10 000 euros, comprenant l’achat de droits et l’édition d’un dvd multilingue
* Mention spéciale : The Ballad of Genesis and Lady Jaye de Marie Losier (Etats-Unis/France, 2011)

Le Département du pilotage de la recherche et de la politique scientifique – Direction des patrimoines – ministère de la Culture et de la Communication a décerné le prix suivant :

* PRIX PATRIMOINE DE L’IMMATÉRIEL :
La Place de Marie Dumora (France, 2011)
Doté de 2 500 euros