Tous les articles par Katia Bayer

Viva Paradis d’Isabelle Tollenaere

« Au même moment, un peu plus loin… »

Isabelle Tollenaere est loin d’être inconnue au bataillon du Festival Courtisane puisqu’elle y était lauréate en 2008 et en 2010 avec respectivement « Still leven » (2007) et « Trickland » (2010). « Viva Paradis » est son troisième film sélectionné à Gand.

viva-paradis-1

Le 14 janvier 2011, sur l’avenue Habib Bourguiba, on pouvait entendre des cris de joie qui scandaient, poings levés, des convaincants « Ben Ali, dégage » aux côtés de rageurs « vingt-trois ans, basta ! », deux mois après le départ du dictateur, Isabelle Tollenaere a promené sa caméra dans les couloirs d’un cinq étoiles tunisien. Là, le temps s’est arrêté, figé dans une réalité immuable, inébranlable où la chute de Ben Ali et l’immolation de Mohamed Bouazizi ne semblent jamais avoir existé.

Quand une partie de la Tunisie compte ses victimes, l’autre appâte ses proies et tente d’ignorer les secousses des tremblements qui l’anime. L’industrie du tourisme se révèle alors aussi inadaptée que les caciques de l’ancien régime. Au creux de la Révolution du Jasmin, le personnel de l’hôtel agit comme si de rien n’était, pour le bien-être de la clientèle venue trouver en ses lieux, le luxe, le calme et la volupté attribués à un exotisme démodé. Et dans les couloirs vides, on différencie subtilement le client du personnel tant l’impassible inactivité les réunit.

Avec des plans séquences significatifs, « Viva Paradis » se présente comme un cliché instantané, révélateur du vide, de la poursuite d’un artificiellement beau, d’un superficiellement faux. Des grandes pièces dépeuplées de l’hôtel, aux plages de cocotiers désertes, en passant par les ruines tristes d’une Carthage détruite, la réalisatrice filme l’absence et le dénuement. Le montage mêle sans intertitres ni narration over, des images des ruines à celle du Palace fraichement rénové. Sans rien revendiquer, mais grâce à sa distance individuelle, la vidéaste dévoile les contradictions liées à la façon dont ont devient, malgré soi, acteur de l’Histoire.

Marie Bergeret

Consulter la fiche technique du film

Festival Courtisane 2012

La 11e édition du festival Courtisane de courts métrages, vidéos et nouveaux médias expérimentaux et alternatifs, s’est déroulée du 21 au 25 mars derniers. Comme de coutume, l’équipe de Format Court s’est rendue dans la pittoresque ville de Gand pour savourer des œuvres innovantes qui nous éloignent des sentiers battus et de la narration traditionnelle pour redéfinir le langage visuel.

courtisane2012

Découvrez dans ce focus :

l’interview de Mária Palacios Cruz, directrice du festival

la critique de « Manque de preuves » de Kwon Hayoun (France, 2011)

– la critique de « I Will Forget This Day » d’Alina Rudnitskaya (Russié, 2011)

la critique de « Viva Paradis » de Isabelle Tollenaere (Belgique, 2011)

la critique de « Kwa Heri Mandima » de Robert-Jan Lacombe (Suisse, 2010)

la critique de « Entrevista con la tierra » de Nicolás Pereda (Mexique, 2008)

le Palmarès 2012

le focus Courtisane 2011

Festival du film court de Villeurbanne, ouverture des inscriptions

Le Festival du film court de Villeurbanne lancera cette année sa 33ème édition, du 16 au 25 novembre 2012. Les inscriptions sont désormais ouvertes. Voici les conditions pour postuler aux trois compétitions organisées.

villeurbanne

Compétition française et francophone

– Tous les genres
– Produits après le 1er janvier 2011
– Pays de production francophones
– Support de diffusion 16mm, 35mm, DCP, BluRay

Compétition « images virtuelles »

– Durée n’excédant pas 20 minutes
– Produits après le 1er janvier 2010
– Pays de production francophones
– Support de diffusion numérique : DCP, Fichier Numérique (Quicktime Pro Res ou équivalent)
– Genres : animation, expérimental, vidéo d’art, comprenant des séquences infographiques 2D ou/et 3D. Les films de commandes et publicitaires ne seront pas retenus, seuls les films à fort potentiel créatif pourront être sélectionnés.

Compétition européenne

– Durée n’excédant pas 40 minutes
– Tous genres
– Produits après le 1er janvier 2011
– Support de diffusion : 16mm, 35mm, DCP, BluRay, DVD
– Pays de production : les 27 pays de l’Union Européenne ainsi que l’Islande, la Norvège, la Serbie, la Croatie, l’Ukraine, la Russie, la Moldavie, la Bosnie-Herzégovine, le Kirghizstan, le Kazakhstan, l’Albanie, l’Azerbaïdjan, l’Arménie, le Lichtenstein, l’Ouzbekistan, le Monténégro, la Suisse, la Géorgie, la Macédoine, Turquie.

Vous pouvez inscrire vos films via la plateforme d’inscription aux festivals internationaux : http://www.filmfestplatform.com

Le site du festival : www.festcourt-villeurbanne.com

P comme Les poissons préfèrent l’eau du bain

Fiche technique

Synopsis : Fleur, Bérénice et Sarah, s’inventent un jeu autour de la grossesse et de l’avortement. Dans ce monde fantasmé, Fleur tombe enceinte, Sarah est prête à tout pour gagner de l’argent et Bérénice, plus terre à terre, devient leur guide. Chaque action dans le jeu conduit les trois «déesses» à une scène sur la terre. Dans un monde indolore, c’est avorter qui fera de toi une femme.

Genre : Fiction

Durée : 18’

Pays : France

Année : 2011

Réalisation : Pierre Mazingarbe

Scénario : Pierre Mazingarbe

Image : Noémie Gillot

Montage : Fanny Martino

Son : Antoine Viallefond et Guillaume Couturier

Décors : Bulle Tronel

Musique : Lilt (Camille Hardouin et Aude Wyart)

Interprétation : Blanche Leleu, Noémie Rosenblatt, Géraldine Marteau

Production : Ferris & Brockman, Les 3 Lignes et le Collectif Babouchka

Articles associés : la critique du filml’interview de Pierre Mazingarbe, de Camille Hardouin et Aude Wyart

Les poissons préfèrent l’eau du bain de Pierre Mazingarbe

Le film commence et finit dans une baignoire. D’ailleurs, tout le film ou presque se situe dans cet espace, si bien qu’on en ressort avec la peau des doigts toute fripée. L’ambiance y est d’autant plus moite qu’une brume vaporeuse demeure du début à la fin, comme si nous étions dans un hammam (ou le ventre d’une femme), auquel se greffe un degré de sensualité et de chaleur gratifié par la musique folk du duo Lilt.

Étonnement, lorsque « Les poissons préfèrent l’eau du bain » se termine, nous sommes persuadés qu’il a été mis en scène par une femme tant le propos est cru et engagé en faveur des dames. Pierre Mazingarbe, le réalisateur sélectionné cette année à Aubagne, semble d’ailleurs habitué à ce type de remarques et ne s’en vexe pas, conscient que sa patte est volontiers féminine au même titre que ses thèmes fétiches, il se dit d’ailleurs féministe.

Son pari était osé : son film traite de l’avortement, non pas sur un ton austère comme on peut avoir l’habitude de voir, mais plutôt sur un ton satirique. Trois jeunes filles, aussi blondes que les blés et d’une fausse candeur, s’amusent ouvertement autour de la grossesse et de l’avortement, à l’aide d’un jeu de dés et de cartes, lequel fait étrangement penser à celui du film Jumanji de Joe Johnston. Le décor lui aussi, est directement sorti d’un film féérique, entre un monde d’enfants et d’adultes, à la croisée d’un Jean-Pierre Jeunet et d’un Tim Burton.

Pierre Mazingarbe nous conte une histoire entre rêve et réalité dans laquelle, Fleur, Bérénice et Sarah se jouent du sort du bébé qui est dans leur ventre tel un simple poisson. Il emploie pour cela un ton volontairement léger de la même manière que les comédiennes adoptent un jeu très théâtral permettant d’apparaître frivoles plutôt que réellement vulgaires. On est donc bercé entre les scènes complètement oniriques dans l’eau du bain où les trois blondes débattent en s’amusant de leur grossesse et celles, plus terre à terre, dans un milieu hospitalier où les jeunes femmes sont confrontées à un choix : l’avortement ou pas, et surtout, à quel prix ?

Face à cela, on hésite à rire – jaune – ou au contraire, à s’offusquer de la manière si désinvolte dont le réalisateur aborde la question de l’avortement, mais puisque Pierre Mazingarbe assume totalement ce parti pris, on se laisse aisément emporter dans son univers un peu barré et fantasmé. Il faut dire que le Monsieur, du haut de ses 24 ans à peine, entretient l’art du détail : des effets magiques du téléphone dans la baignoire, aux aiguilles d’horloge qui tournent vite, si vite, la boîte de sardines dans laquelle sont rangés les tests de grossesse, en passant par les individus transportant leur cordon ombilical, .… Tout laisse à imaginer que le jeune homme est effectivement perfectionniste. Et lorsqu’on sait qu’il est à cheval entre la fin de ses études aux Arts Décoratifs et sa première année au Fresnoy, on comprend peut-être un peu mieux son goût pour l’esthétique allié au travail du scénario.

Camille Monin

Article associé : l’interview de Pierre Mazingarbe, de Camille Hardouin et Aude Wyart

Consulter la fiche technique du film

Festival d’Aubagne 2012. Reportage

Après la regrettable disparition du Festival d’Auxerre, fort heureusement, celui d’Aubagne survit, et même mieux, resplendit tant il fait du bruit. En effet, le Festival International du Film d’Aubagne (FIFA, à ne pas confondre avec la fédération de football) est l’un des rares festivals à se pencher sur le travail particulier du son et de la musique au cinéma. Les compositeurs y sont par conséquent sur le devant de la scène, les compositeurs y sont même invités au même titre que les réalisateurs et producteurs.

Le festival propose donc une sélection de longs-métrages et courts-métrages avec une attention particulière accordée au rapport entre la bande sonore et l’image. Et pour sa 13e édition qui a lieu du 19 au 24 mars dernier, nous avons pu découvrir 63 courts-métrages en provenance de 21 pays différents, tous genres confondus, allant de la fiction au documentaire, en passant par le film expérimental et l’animation.

mon-canard

« Mon canard »

Détail notable de la sélection court à Aubagne : dans chaque programme de projection, beaucoup de films amènent à sourire et nombreux sont ceux qui empruntent un ton assez léger pour traiter de thèmes graves, prouvant que le court-métrage ne rime pas forcément avec austérité. On citera à titre illustratif des films comme « Mon canard » d’Emmanuelle Michelet et Vincent Fouquet, « Double mixte » de Vincent Mariette, « Groove your life » de Vincent Burgevin et Franck Lebon, « L’attaque du monstre géant suceur de cerveaux de l’espace » de Guillaume Rieu ou encore parmi tant d’autres, le sur-sélectionné « J’aurais pu être une pute » de Baya Kasmi.

IT IS MIRACUL'HOUSE - Cris 2

« It is a Miracul’house »

Parmi les courts à pointer du doigt, on évoquera le premier film de Stéphane Freiss derrière la caméra, « It is a Miracul’house », sorte d’autodérision autour de la ressemblance assez frappante entre l’acteur et Docteur House. On se penchera également sur des films d’ambiance et sur quelques ovnis qui plaisent ou déplaisent, mais qui ont le don de retenir notre attention : « Les poissons préfèrent l’eau du bain » du jeune mais prometteur Pierre Mazingarbe, « Finale » de Simonyi Balazs qui propose 8 minutes en deux plans-séquences absolument sublimes, « Planet Z » de Momoko Seto, « Conversation avec un épouvantail » de Sylvain Dieuaide avec son casting en or (Marc Citti et Agathe Bonitzer). Autre film au casting d’élite, le poétique et bacchique « Grenouille d’hiver » de Slony Sow avec Gérard Depardieu.

grenouille-dhiver

« Grenouille d’hiver »

Cette année à Aubagne, les films avec des enfants comédiens étaient aussi très en vue. Pas toujours très drôles certes, ils ont le pouvoir de nous retourner littéralement et leur interprétation est assez surprenante : on citera à ce titre « Auf Wiedersehen Papa » (« Au revoir Papa ») de Sandra Nedeleff, « Glasgow » de Piotr Subbotko, « Donnie » de Willem Baptist et « Tendai’s Gang » de José Ignacio de Juan Díaz. Aussi, lorsqu’on observe un temps soit peu les dernières sélections des différents festivals parallèles, on remarquera que cette année 2012 est teintée de films d’animation, souvent de très bonne qualité d’ailleurs. A Aubagne, celle-ci était au rendez-vous en force avec pas moins de 15 films en compétition. On a donc pu voir et revoir des films tels que « Dove sei, Amor mio » de Veljko Popovic, « Cleo’s Boogie » du Collectif Camera-etc, « Flamingo Pride » de Tomer Eshed et « Un ogre » de Gérard Ollivier. À ce propos, on notera que le Grand Prix de la Création Sonore a justement été donné à un film d’animation : « L’Histoire du petit Paolo » de Nicolas Liguori.

cleo-boogie

« Cleo’s Boogie »

Au Festival d’Aubagne, même si la programmation offre la possibilité de voir plusieurs longs-métrages (essentiellement dans le cadre de conférences et débats, animés par Benoît Basirico du site Cinezik, avec les compositeurs invités), le court est bel et bien à l’honneur : non seulement en compétition comme nous venons d’en faire un bref étalage, mais également à travers des rencontres professionnelles et des projections hors-compétition grand public.

En effet, au niveau des rencontres professionnelles, on évoquera trois grands moments : le concours du SIRAR qui récompense un scénario dont l’accent est mis sur la musique et qui permet de mettre en relation l’auteur avec un compositeur ; l’Atelier 3e personnage qui offre à des jeunes compositeurs, la possibilité de rencontrer des binômes réalisateur/ producteur ayant proposé un projet de court ; et enfin, l’Espace Kiosque, journée sous forme de speed dating professionnel entre plusieurs producteurs et auteurs sélectionnés avec leur projet de court-métrage.

Sur le plan des projections de courts-métrages hors-compétition, on remarquera la Nuit du court-métrage, dont la programmation a été faite par le Lausanne Underground Film & Music Festival (LUFF) et qui a permis aux festivaliers d’Aubagne de déguster une fondue géante sous 20 degrés juste avant la projection ! Les films proposés y étaient radicaux, expérimentaux, musicaux, etc… en tout cas résolus. Autre programme hors-compétition : la carte blanche offerte au producteur des Films d’Avalon, Philippe Braunstein avec sa sélection des « Courts qui rendent heureux » démontrant que les courts-métrages ne sont pas toujours moroses. Pour ce programme spécial existant depuis maintenant six ans à Aubagne, le public se rue devant la salle de cinéma une heure avant et certains spectateurs sont même assis à même le sol. Mais ne serait-ce pour se plier en deux devant « Comme le temps passe » de Cathy Verney ou chanter devant « Le coq est mort » de Zoltan Spirandelli », on est prêt les imiter.

Camille Monin

Focus Aubagne 2012

Il y a une semaine, s’achevait le festival d’Aubagne. Jusqu’ici, nous ne vous avions pas encore parlé de ce festival qui marie image et son et qui met les compositeurs à l’honneur. L’erreur est réparée puisque cette année, nous avons profité de la présence sur place d’une membre de l’équipe pour ouvrir un nouveau focus.

affiche-fifa-2012

Retrouvez dans ce Focus :

L’interview de Pierre Mazingarbe, réalisateur de « Les poissons préfèrent l’eau du bain » et de ses deux compositrices, Camille Hardouin et Aude Wyart

– La critique de « Les poissons préfèrent l’eau du bain » de Pierre Mazingarbe (France)

– Festival d’Aubagne. Notre reportage

le palmarès de cette édition

Cannes, news 1. Le Jury de la Cinéfondation et des courts métrages dévoilé

Les infos cannoises commencent peu à peu à filtrer. Le Festival de Cannes accueillera le 23 mai son Jury de la Cinéfondation et des courts métrages qui sera présidé cette année par Jean-Pierre Dardenne (réalisateur, scénariste et producteur belge) récompensé, avec son frère Luc, en 2011, par le Grand Prix pour le « Gamin au vélo », après deux Palmes d’or en 1999 pour « Rosetta » et 2005 pour « l’Enfant » et le Prix du scénario en 2008 pour « le Silence de Lorna ».

dardenne

© Christine Plenus

Le jury, composé de cinq personnalités du cinéma et de la littérature, réunira Arsinée Khanjian (actrice canadienne), Karim Aïnouz (réalisateur et scénariste brésilien), Emmanuel Carrère (écrivain, scénariste et réalisateur français) et Yu Lik-wai (directeur de la photographie et réalisateur chinois).

Ils devront choisir parmi les films d’écoles de cinéma de la Sélection Cinéfondation, les trois premiers Prix, dotés de 15 000€, 11 250€ et 7 500€. Le Jury décernera ces prix vendredi 25 mai à Cannes, lors d’une cérémonie salle Buñuel, suivie de la projection des films primés. Le jury devra également désigner la Palme d’or du court métrage, remise lors de la cérémonie de Clôture du Festival, dimanche 27 mai.

Festival Courtisane 2012 : le palmarès

La 11e édition de Courtisane, le Festiva gantois pour l’art cinématographique, vidéo et multimédia s’est clôturée ce dimanche 25 mars avec l’habituelle cérémonie de remise de prix suivie de la projection des films primés.

courtisane2012

Un jury de professionnels – Gabriel Abrantes, Marina Gioti et Jeremy Rigsby – a pu ainsi annoncer le gagnant et décerner également deux « Mention spéciale ».

Le gagnant est le cinéaste Nicolas Pereda avec “Entrevista con la Tierra” (MEX, 2010).

Dans une zone d’ombre entre la fiction et la réalité, Pereda montre comment Nico et Amelio réagissent à la mort de leur ami suite à un accident dans les montagnes.

Le Jury s’est exprimé en ces mots: « Nous avons décidé de choisir ce film pour sa proposition, qui est répandue dans l’ensemble de l’œuvre des cinéastes, qui cherchent à revigorer une fonction sociale dans le cinéma et dans l’art. Il cherche à utiliser la fiction et le documentaire pour construire et soutenir une communauté géographiquement condensé, l’exploration d’un mélange de leur vie quotidienne, leurs mythes et les fictions autour de leur avenir. C’est le cinéma qui cherche à lier un groupe de personnes dans la poursuite d’un avenir commun.

Mentions spéciales :

“Agatha” de Béatrice Gibson (Royaume-Uni, 2012)

Une histoire psycho-sexuelle de science-fiction autour d’une planète sans voix. Le narrateur – fonction et genre indéfinis – nous guide à travers un paysage mental et physique, un espace au-delà du mot. Basé sur un rêve du compositeur Cardew Corneille.

“I Will Forget This Day” d’Alina Rudnitskaya (RU, 2011)
Filmé en grisaille, “I Will Forget This Day” est un portrait poignant de jeunes femmes qui sont dans l’attente et dont les décisions ne sont pas dévoilées.” (Andrea Picard)

Autour du court. Prochaine soirée Format Court, le 12 avril aux Ursulines

Après le succès de notre première séance Format Court, nous sommes ravis de vous convier à notre prochain rendez-vous autour du court le 12 avril 2012 au Studio des Ursulines. Entre animation et fiction, entre coups de coeur et coups de poing, cette deuxième soirée consacrée au court métrage sera suivie d’une rencontre avec les équipes des films présentés.

Programmation

Sinner de Meni Philip (Fiction, 28′, 2009, Israël). Nominé aux European Film Awards – Festival de Venise, 2009

Synopsis : Yotam, un garçon de 13 ans dans une pension juive ultra-orthodoxe, essaie de lutter contre l’éveil de ses désirs sexuels. Confus et rongé par la culpabilité, il consulte son rabbin, qui abuse de sa position et de l’innocence de Yotam. Sans recours ni refuge, Yotam se retrouve piégé par le silence imposé dans sa communauté.

Dripped de Léo Verrier. Animation, 8′10″, 2010, France

Synopsis : New York, 1950. Passionné de peinture, Jack écume les musées à longueur de journée. Il y vole des tableaux qu’il cache ensuite chez lui pour…

Andong de Rommel Milo Tolentino (Fiction, 20′, 2008, Philippines). Prix du Public et de la Presse Internationale au Festival de Clermont-Ferrand 2009

andong2

Synopsis : Hanté par une idée fixe, un garçon de six ans, pris entre sa mère et son petit frère, découvre la vraie valeur de vingt pesos durement gagnés.

Je vais à Disneyland d’Antoine Blandin (Animation, 3′03″, 2009, France)

Synopsis : Calvin, huit ans, témoigne d’un regard étrange sur sa vie quelque peu chaotique.

Suiker de Jeroen Annokkee (Fiction, 7′35”, 2010, Pays-Bas). Prix du Public au Festival de Brest 2011

Klaasje, la voisine de Bert, sonne à sa porte, légèrement vêtue, pour lui emprunter un pot de sucre. Elle échappe le pot, ils se penchent en même temps pour le rattraper et se cognent la tête : Klaasje dégringole les escaliers.

Infos pratiques

Projection en présence des équipes de films
Jeudi 12 avril, 20h30
Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
PAF : 6 €

Accès :

BUS : 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon)
RER : Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Epée)
Métro le plus proche: Ligne 7 (Censier Daubenton), mais apprêtez-vous à marcher un peu…

Page Facebook consacrée à l’événement

Infos & réservations vivement souhaitées : info@formatcourt.com

Prochaine séance : le 10 mai 2012 !

Festival d’Aubagne, le palmarès court

Du 19 au 24 mars, a eu lieu le festival d’Aubagne, consacré à la musique de films en longs et en courts métrages. Dans quelques jours, ce festival atypique en France fera l’objet d’un focus sur notre site. En attendant de le découvrir, voici le palmarès relatif au court.

Grand Prix De La Meilleure Création Sonore : L’Histoire Du Petit Paolo Réalisé par Nicolas Liguori -­‐ musique composée par Marc Perrone

Prix Du Documentaire : Chaque Jour Et Demain Réalisé par Fabrice Main -­‐ musique composée par Fabrice Main

Mention Documentaire : Tons Of Passion Réalisé par Corina Schwingruber llic -­‐ musique composée par Priska Zemp

Prix De L’animation : La garde barrière Réalisé par Hugo Frassetto -­‐ musique composée par Falter Bramnk

Mention De L’animation : L’envolée Réalisé par Sophie Racine -­‐ musique composée par Anton Vodenitcharov

Prix De La Fiction : Badpakje 46 Réalisé par Wannes Destoop -­‐ musique composée par Inne Eysermans ****VIDEO

Mention pour le Prix De La Fiction : Nouvelle Cuisine Réalisé par Vincent Hazard -­‐ musique composée par Stuart Briner

Prix Beaumarchais : Fancy-­Fair réalisé par Chritophe Hermans – musique originale de Clare Louise, Thomas Vaquié et Sandra Campisi

Prix Délégués culturels : Chroniques de l’Afrique Sauvage réalisé par Isaam Mathlouti – musique originale de Denis Volte

Prix du public : L’attaque du montre géant suceur de cerveau de l’espace réalisé par Guillaume Rieu -­‐ musique composé par Mathieu Alvado

Mentions spéciales, coups de coeur : Vimala Pons et Bruno Podalydès (J’aurai pu être une pute), Dominique Bayens (Fancy Fair)

Ouverture des inscriptions du festival international du court métrage insolite et fantastique « Court métrange » de Rennes

Le festival international du court métrage insolite et fantastique « Court métrange » de Rennes vient d’ouvrir ses inscriptions pour sa 9ème édition qui se déroulera du 25 au 28 octobre 2012. Voici les conditions pour postuler :

Les courts métrages doivent correspondre aux thématiques du festival : Horreur, gore, fantastique, insolite, fantasy, science-fiction.

– Films produits après le 1er janvier 2010
– Genre : fiction
– Support de projections : 35mm, Béta numérique, Blu-ray, DCP
– Tous pays

Les films non francophone doivent être obligatoirement sous titrés en français si possible ou en anglais

Vous pouvez inscrire vos films via la plateforme d’inscription aux festivals internationaux : http://www.filmfestplatform.com

My Dad is 100 Years Old de Guy Maddin

Isabella Rossellini était déjà l’incarnation sublime des rêves barrés de David Lynch dans « Blue Velvet » et « Sailor et Lula ». Elle a tout naturellement été accueillie chez Maddin comme une amie longuement attendue et fantasmée, comme une muse à sa hauteur. C’est en 2003 avec « The Saddest Music in the World » que Maddin franchit le pas et fait de Rossellini une patronne de brasserie amputée des deux jambes dont les prothèses sont remplies de bière. Leur collaboration n’a depuis jamais cessé, Rossellini se retrouvant à nouveau cette année au cœur du dernier-né du cinéaste canadien, « Ulysse souviens-toi ! » (« Keyhole » en VO) encore à l’affiche de quelques bonnes salles obscures.

« My Dad is 100 Years Old » est un film de Guy Maddin certes, mais a été écrit par Isabella elle-même. Si la forme est purement madinnienne le récit, très narratif, mélancolique voire pédagogique a tout de son actrice légendaire. Le film est un hommage au père d’Isabella, Roberto, né 100 ans plus tôt (nous sommes alors en 2005). Comme dans « Des trous dans la tête », Rossellini est la narratrice du film. Le charme désarmant du film doit d’ailleurs beaucoup à sa voix inimitable et irrésistible faite d’un anglais teinté d’un fort accent italien.

Ce principe de narration sera également repris plus tard en 2008 dans la désormais fameuse série des « Green Porno » sur Sundance Channel où Isabella nous disait tout de la vie sexuelle des insectes et autres animaux à la libido débridée. Dans « My Dad is 100 Years Old », elle affirme d’ailleurs que son père aurait pu être un hippocampe s’il avait été un animal car « c’est le mâle qui tombe enceinte ». Petite, Isabella pensait en effet que son papa était « enceinte », à cause de son ventre si gros. C’est ce ventre « énorme, doux, rond, chaud, câlin » qui est au centre du film et qui représente le réalisateur italien. Autour de ce corps créateur et nu, viennent dialoguer de grandes figures du cinéma qui ont connu Rossellini père. Alfred Hitchcock, Federico Fellini, Charlie Chaplin et le producteur David O.Selznic font ainsi leur apparition fantomatique, et c’est Isabella qui les incarne tous. Elle excelle dans le travestissement, imitant jusqu’aux accents de chacun. Ils débattent sur le rôle du cinéma opposant le divertissement (Hitchcock) à la vérité et au savoir (Rossellini). C’est l’occasion de brillantes saillies où Hitchcock suggère à Rossellini qu’il aurait dû être un prête plutôt qu’un réalisateur, ce à quoi l’intéressé rétorque que le maître du suspense aurait été plus à sa place comme magicien.

Bien sûr, c’est l’apparition d’Ingrid Bergman drapée de blanc sur un écran de cinéma qui vient réveiller en nous une émotion assez inédite, Isabella Rossellini ressemblant traits pour traits à sa mère, son interprétation ramène à la vie une autre actrice légendaire. Plus que troublant, ce face à face entre la mère et la fille atteint des sommets de poésie. C’est à l’évidence le plus beau moment du film. Isabella revient sur la rencontre de ses parents et Bergman évoque Anna Magnani de façon très touchante alors que Rossellini a quitté cette dernière pour elle. L’occasion également de rétablir quelques vérités sur ce couple qui avait scandalisé les bien-pensants. « Certains disent que tu as détruit sa carrière » dit Isabella à sa mère. « Non, c’est moi qui ai détruit la sienne » confesse Bergman.

Roberto Rossellini meurt le 3 juin 1977. Profondément marquée par cette perte, comme mesure de l’impact la disparition de son père sur sa vie. Son calendrier à elle se divise entre « avant le 3 juin 1977 et après le 3 juin 1977 ». Elle clôt son film par ces mots, simplement sincères, à destination de son père : « Je ne sais pas si tu es un génie mais je t’aime ».

Amaury Augé

Consulter la fiche technique du film

M comme My Dad is 100 Years Old

Fiche technique

Synopsis : Un portrait de Roberto Rosselini, dans lequel il est dépeint comme un énorme coussin-ventre.

Genre : Expérimental

Durée : 16′

Pays : Canada

Année : 2005

Réalisation : Guy Maddin

Interprétation : Isabella Rossellini, Isaac Paz Sr.

Scénario : Isabella Rossellini

Musique : Christopher Dedrick

Chef décorateur : Rejean Labrie

Chef costumier : Meg McMillan

Chef monteur : John Gurdebeke

Chef opérateur : Lenka Peterson

Production : Spanky Productions Inc.

Article associé : la critique du film

Festival de Brive, la sélection européenne 2012

Le 9ème Festival de Brive, exclusivement consacré au moyen métrage, a sélectionné cette année 23 oeuvres de jeunes auteurs européens. Ces films sont à découvrir du 10 au 15 avril prochain.

ALPI de Armin Linke / Allemagne / 2011 / Documentaire expérimental / 60 min / Arsenal

BAGNI 66 de Luca et Diego Governatori / France / 2011 / Fiction / 55 mn / Les Films Hatari

BORO IN THE BOX de Bertrand Mandico / France / 2011 / Fiction expérimentale / 40 mn / Société Parisienne de Production – Coproduction Office

CE QU’IL RESTERA DE NOUS de Vincent Macaigne / France / 2011 / Fiction / 40 mn / Kazak Productions

COMPLET 6 PIÈCES de Pascale Bodet / France / 2012 / Fiction / 30 mn / Le G.R.E.C

DAYS OF GRASS (DAGEN VAN GRAS) de Tomas Kaan / Pays-Bas / 2011 / Fiction / 49 mn / Circe

ET ILS GRAVIRENT LA MONTAGNE de Jean-Sébastien Chauvin / France / 2011 / Fiction / 33 mn / Sedna Films

GANGSTER PROJECT de Teboho Edkins / Allemagne – Afrique du sud / 2011 / Documentaire / 55 mn / DFFB

GLORIOUS ACCIDENTS de Mauro Andrizzi et Marcus Lindeen / Suède – Danemark – Argentine / 2011 / Expérimental / 58 mn / DOX:LAB

LA GRÈVE DES VENTRES de Lucie Borleteau / France / 2012 / Fiction / 34 mn / Why not productions

LA MALADIE BLANCHE de Christelle Lheureux / France / 2011 / Fiction documentaire/ 42 mn / Les Films des Lucioles

LA VIE PARISIENNE de Vincent Dietschy / France / 2011 / Fiction / 37 mn / Sombrero Films

LES LLUNES DE GALILEU de Quimu Casalprim i Suárez / Allemagne / 2012 / Fiction expérimentale / 49 mn / KHM

MIDSUMMER NIGHT (MIDZOMERNACHT) de Hiba Vink / Pays-Bas / 2011 / Fiction / 49 mn / Ijswater

NOS FIANÇAILLES de Lila Pinell & Chloé Mahieu / France / 2011 / Documentaire / 55 mn / The Factory

PALACIOS DE PENA de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt / Portugal / 2011 / Fiction expérimentale / 59 mn / Mutual Respect

PAPA de Umut Dag / Autriche / 2011 / Fiction / 40 mn / Six Pack Films

SNOW CANON de Mati Diop / France / 2011 / Fiction / 33 mn / Aurora Films

SUR LE DÉPART de Michaël Dacheux / France / 2011 / Fiction / 53 mn / Bathysphère Productions

SWEETNESS de Lisa Bierwith / Allemagne / 2011 / Fiction / 30 mn / DFFB

THE MEDIC (LEBENSRETTER KONSTANTIN) de Mark Gerstorfer / Autriche / 2011 / Fiction / 30 mn / Six Pack Films

VILAINE FILLE, MAUVAIS GARCON de Justine Triet / France / 2012 / Fiction / 30 mn / Ecce Films

WITHOUT SNOW (BEZ SNIEGU) de Magnus Von Horn / Pologne / 2011 / Fiction / 35 mn / PWSFTViT

35es Rencontres Henri Langlois à Poitiers, appel à films

La 35e édition du Festival international des écoles de cinéma se déroulera du 30 novembre au 9 décembre à Poitiers. Dès aujourd’hui, les jeunes réalisateurs peuvent tenter leur chance et concourir à la sélection pour la Compétition internationale des Rencontres Henri Langlois.

Pour s’inscrire, la démarche est simple : il suffit de remplir la fiche d’inscription sur le site du Festival et d’envoyer son film avant le 15 juillet prochain. Si aucun critère de genre ni de durée n’est requis, les films doivent avoir été réalisés dans une école, université ou institut de cinéma et/ou audiovisuel, et ce, depuis le 1er janvier 2011. Une fois inscrits, les films seront aux mains des 15 membres du Comité de sélection, rejoints par l’équipe en dernière instance, qui feront le choix des œuvres soumises aux Jurys et au public en décembre.

Rencontres Henri Langlois – Festival international des écoles de cinéma TAP – scène nationale / 1 boulevard de Verdun – 86000 POITIERS – FRANCE T. +33 (0)5 49 03 18 90 / F. +33 (0)5 49 03 18 99 Mél : festival.rihl@tap-poitiers.com / www.rihl.org

N comme Night Mayor

Fiche technique

Synopsis : Winnipeg, 1939, Nihad Ademi, un immigrant bosniaque devenu « maire de nuit » de la ville, charge sa famille de capter les ondes multicolores de l’aurore boréale et utilise l’énergie ainsi obtenue pour diffuser, d’un océan à l’autre, des images du pays d’adoption qu’il adore à ses concitoyens en mal d’identité. Ce truc miraculeux irrite le gouvernement, qui organise un raid au laboratoire de Nihad pour empêcher la diffusion d’images patriotiques échappant à son contrôle.

Genre : Expérimental

Année : 2009

Pays : Canada

Durée : 13’54 »

Réalisation : Guy Maddin

Scénario : Guy Maddin

Image : Benjamin Kasulke

Montage : John Gurdebeke

Musique : Jason Staczek

Interprétation : Nihad Ademi, Mike Bell, Timna Ben Ari, Shalini Sharma

Production : Office national du film du Canada

Article associé : la critique du film

Guy Maddin : « Les films perdus ont souvent eu une fin tragique, la plupart n’ont pas trouvé de lieu pour reposer en paix »

À l’occasion de sa venue à Paris en juin dernier pour une masterclass organisée par ED Distribution à l’Espace St-Michel, nous avons posé quelques questions à Guy Maddin sur son travail et le rapport étroit qu’il entretient avec la forme courte. Il nous a répondu avec la ferveur et la franchise qui le caractérisent et en a profité pour nous livrer les clés du grand projet de « Spiritismes » qu’il a mené ces derniers jours au Centre Pompidou.

Format Court : Pourriez-vous nous décrire votre vision du cinéma ?

Guy Maddin : Mon approche du cinéma a toujours été liée à l’intime. J’ai su, lorsque que j’ai commencé à faire des films, que je serais en décalage avec les autres réalisateurs. Je ne me voyais pas faire des films avec une image très léchée et sophistiquée, je me vois plutôt comme un artisan dans son établi. Je me suis dit que ma seule chance de me démarquer était de me consacrer à un cinéma plus primitif, presque enfantin, voire surréaliste. N’étant pas un réalisateur très expérimenté, je pensais qu’il fallait impérativement que mes films soient très personnels afin que ce côté surréaliste vienne de mon coeur, de mes rêves ou du plus profond de ma mémoire. Très tôt, j’ai décidé de faire un cinéma personnel aussi pour éviter d’être taxé de « arty » ou de « branleur ».

Qu’est-ce que représente le court métrage pour vous ?

G.M. : Pour beaucoup de réalisateurs, le court métrage est juste une étape, un passeport pour faire des longs métrages. C’est l’occasion de prouver à des investisseurs, à des producteurs et à eux-mêmes qu’ils peuvent faire un long métrage. Une fois le passage au long métrage réalisé, ils arrêtent le court métrage. Je trouve cette attitude assez irrespectueuse. Le court métrage devrait être perçu et reçu par le public comme le sont les nouvelles en littérature. Il est d’ailleurs communément admis que les écrivains alternent entre romans et nouvelles. Je ne sais pas pourquoi il en est ainsi, en tout cas je me sens proche de cette conception de l’histoire courte.

Pour moi, certaines histoires, certaines impressions que l’on veut faire passer ont seulement besoin de quelques minutes. Vouloir étirer artificiellement cette durée me paraît ridicule. De mon point de vue, le court métrage est un bon moyen pour garder la main entre deux longs métrages : après plusieurs années sans faire de films, je me sens un peu rouillé, j’oublie comment réaliser ou diriger mes acteurs. Sur un long métrage, l’ambiance est souvent électrique les premiers jours. Si je fais un court métrage, je peux retrouver mes marques dès les premiers instants du tournage. Parfois, il m’arrive aussi de faire des court métrages seulement parce que je me sens seul ou parce que je n’ai pas vu mes amis depuis longtemps. Quand j’ai dix bouteilles de tequila en stock, mille films en tête et la maison de ma mère pour le weekend, je me dis : “Faisons un film !”. J’espère personnellement ne jamais arrêter de faire des courts métrages.

guy-maddin

Vous avez réalisé une trentaine de courts métrages et vous continuez d’en faire en parallèle de vos longs métrages. Où en sont vos projets ?

G.M. :J’ai terminé mon dixième long métrage, “Keyhole (Ulysse, souviens-toi !)”. Mon projet actuel (“Spiritismes”) me permet de réaliser de nombreux courts métrages. J’ai fait beaucoup de recherches dans de vieux magazines du début du XXème siècle et en particulier les anecdotes concernant la multitude de films perdus, par exemple le premier film d’Alfred Hitchcock.

Je pensais récemment à tous ces films perdus, je lisais leurs titres et certains m’intriguaient beaucoup. Certains avaient mêmes été nominés à l’Académie des Oscars et pourtant, ils avaient disparu ! Et pourquoi ? Parce que les studios avaient jeté les bobines au feu pour allumer leur barbecue ou dans l’océan pour faire de la place aux prochains films dans les cinémas. C’est vraiment quelque chose de tragique. Quelques années après, les studios ont cessé de faire cela et ont laissé les films se désintégrer peu à peu pour devenir une sorte de vinaigre visqueux. Les films perdus ont donc souvent eu une fin tragique et la plupart n’ont pas trouvé de lieu pour reposer en paix. Cette pensée m’a hanté pendant longtemps et j’ai commencé à imaginer ces films comme des âmes égarées qui hantent le cinéma. J’ai compris alors que la seule façon pour moi de voir ces films serait de les refaire moi-même, d’en faire ma propre version. J’ai déjà réalisé certains films qui sont en fait des remakes secrets. Je reprends des éléments narratifs ou des personnages que j’arrange à ma sauce. Par exemple, mon film « The Heart of the World » est un remake secret d’un film que je croyais perdu, « La fin du monde » d’Abel Gance, mais qui l’était seulement en partie.

« Odilon Redon » est aussi un remake d’un autre film d’Abel Gance « La Roue ». Celui-là n’était pas du tout perdu mais tourner ce film a été un exercice très intéressant pour moi. Il existe maintenant seulement une version de 4 minutes du film de 4 heures d’Abel Gance. J’ai des centaines de titres de films perdus, j’aimerais pouvoir un jour réunir l’argent nécessaire pour pouvoir tourner un film par jour pendant un an puis les mettre sur internet pour organiser des sortes de « séances » à heures fixes. Lors de ces projections, les films se mêleraient les uns aux autres, les esprits errants contenus dans ces films perdus se mettraient alors à se parler.

Vous avez fait un film sur Odilon Redon. Quel est votre rapport à la poésie symbolique ?

G.M. : Odilon Redon est connu pour être un symboliste. J’ai toujours aimé les artistes symbolistes même si je n’ai jamais su à quoi cela était lié. La BBC m’a proposé de faire un film de 4 minutes sur un artiste de mon choix. J’ai su immédiatement que je voulais faire ce film sur Odilon Redon. J’ai repensé aux illustrations qu’il avait réalisées pour une édition d’Edgar Allan Poe. La plupart de ses dessins sont presque exclusivement faits en noir et blanc. Moi-même, j’ai travaillé aussi presque uniquement en noir et blanc. J’aime la magie qui entoure ce type d’image et je suis du genre à ne pas changer d’avis. Je n’avais pas fait beaucoup de recherches même si je connaissais le travail de Redon. J’avais lu quelque part qu’il aimait beaucoup les films d’Abel Gance. Je me suis servi de cela pour lâchement emprunter la structure du film « La Roue », à savoir un triangle amoureux : un père, son fils et au milieu une jeune orpheline recueillie après une catastrophe ferroviaire.

De quelle façon montez-vous vos films ?

G.M. : Lorsque je travaillais en 2002 sur « Et les lâches s’agenouillent », je pensais le monter comme tous mes films précédents. Le tournage a commencé, les prises se sont succédé mais inconsciemment, je cherchais autre chose.

Pour la première fois, j’ai « dérushé » avec mon monteur sur un ordinateur. Sur les vieux bancs de montage, lorsque l’on accélère la vitesse de lecture, les images s’enchaînent plus vite alors que sur les ordinateurs, on ne voit pas toutes les images, on saute d’images en images, entre chaque saute quelques secondes d’image sont enlevées. Du coup avec ce système, il nous est arrivé plusieurs fois de rater la prise que nous cherchions. Après plusieurs jours de multiples allers-retours à la recherche de la bonne séquence, je me suis rendu compte que j’aimais cette sensation. Cela m’a fait penser au fonctionnement de la mémoire et à la façon dont nous pouvons nous souvenir de certaines choses.

Souvent, lorsqu’on essaye de revivre un bon souvenir, on a envie d’aller au plus vite auprès de celui-ci. Mais on se rend compte qu’en allant trop vite vers ce souvenir, le plaisir s’amenuise. Alors on ralentit et on essaye à nouveau de se remémorer mais cette fois-ci, un peu plus doucement, jusqu’à trouver la bonne vitesse. Lorsque les conditions sont réunies, on a alors envie de s’y attarder, de rester un moment avant de repartir ensuite vers un autre souvenir.

En parcourant les rushes de mon film, je me suis rendu compte que je me remémorais mes souvenirs préférés un peu de la même façon. « Et les lâches s’agenouillent » est d’ailleurs basé entièrement sur des souvenirs personnels, c’était donc pour moi la meilleur approche possible pour monter le film. Nous avons intégré au montage notre recherche des rushes, en adaptant la vitesse de l’image. En quelque sorte, nous avons fait monter ce film comme on se remémore un souvenir.

Pensez-vous que le court métrage est le format le plus approprié pour raconter des histoires qui ne sont pas narratives ?

G.M. : Les réalisateurs de courts métrages peuvent développer dans leurs films des univers parfois plus subtils et moins narratifs que dans la plupart des longs métrages. La simple raison est que le public a besoin d’une narration pour pouvoir regarder un long métrage jusqu’au bout. Soyons réalistes, le public peut plus facilement supporter un film qui n’est pas narratif quand il est relativement court, mais je pense que l’esprit humain finit par trouver une structure au film d’une façon ou d’une autre, même lorsqu’il n’y en a pas. C’est comme si notre cerveau insistait pour trouver une voie logique à tout ce qui se présentait à lui. En tout cas, même si on ne comprend pas l’intrigue, au moins avec un court métrage, la frustration ne sera que de courte durée.

Lorsque j’ai commencé à faire des films, j’étais considéré par beaucoup comme étant un réalisateur expérimental et pourtant, je regardais beaucoup de films commerciaux, chose que je continue à faire d’ailleurs. J’aime aussi les films à l’intrigue bien ficelée, ce qui ne m’empêche pas de voir ensuite 8 heures de films expérimentaux.

Propos recueillis par Julien Savès et Julien Beaunay. Traduction : Julien Beaunay