Fiche technique
Pays: Pakistan, États-Unis
Genre : Documentaire
Durée : 13′
Pays : Pakistan
Année : 2013
Réalisation : Iara Lee
Caméra : Shah Zaman Baloch
Montage : Imran Mushtaq
Production : Iara Lee
Article associé : la critique du film
Fiche technique
Pays: Pakistan, États-Unis
Genre : Documentaire
Durée : 13′
Pays : Pakistan
Année : 2013
Réalisation : Iara Lee
Caméra : Shah Zaman Baloch
Montage : Imran Mushtaq
Production : Iara Lee
Article associé : la critique du film
Fiche technique
Synopsis: Lorsque le Kenya était encore une colonie britannique, les femmes ont été confrontées à une épidémie de viol. Bien que ces viols aient été officiellement rapportés, les soldats n’ont pas été reconnus coupables par l’armée britannique. Au milieu des années 1990, Beatrice Chili a réagi face à cette situation en mettant en place le village de Senchen, une communauté auto-suffisante dirigée entièrement par des femmes. Dans ce village, les femmes construisent des maisons, fabriquent des vêtements, cultivent la terre et élèvent les enfants. Ce court métrage montre le courage de ces femmes qui racontent à cœur ouvert leur souffrance et qui parlent avec passion de leur combat pour obtenir justice.
Genre : Documentaire
Durée : 13′
Pays : Kenya, Etats-Unis
Année : 2011
Réalisation : Iara Lee
Caméra : Axel Bauman
Son : Cory Choy
Montage : Nathaniel Michael Cunningham, Collin Ruffino, Jeff Marcello
Production : Caipirinha Productions
Article associé : la critique du film
Fiche technique
Synopsis: Le long du fleuve Xingu, un affluent de l’Amazone, vivent plus de 10 000 indigènes dont la survie dépend de la rivière. Le gouvernement brésilien, pour développer la région, propose d’y construire un barrage hydro-électrique. Cette initiative mettrait en danger la biodiversité de son bassin mettant ainsi en péril le futur de ses habitants. En janvier 2009, plus de 100 000 Brésiliens se sont rassemblés à Belem pour le Forum social mondial, où les habitants du Xingu ont fait entendre leurs voix et ont assuré qu’ils ne laisseraient pas menacer la rivière et leur culture.
Genre : Documentaire
Pays : Brésil, États-Unis
Durée : 11′
Année : 2009
Réalisation : Iara Lee
Caméra : Altair Paixao, Elrik Lima
Son : Cristian Fleming
Montage : Collin Ruffino
Production : George Gund III
Article associé : la critique du film
Fiche technique
Synopsis : Croissance pour les uns, patience pour les autres. Nous le voyons en République démocratique du Congo, où ce documentaire a été tourné en avril 2013. Le film déconstruit les rapports entre les populations locales et l’industrie minière. Pendant que le cuivre et le cobalt sont extraits des mines pour nourrir l’économie mondialisée, les congolais toussent. Le vent chargé de pollution est aussi celui des aspirations à un développement soutenable et au bien être pour le peuple congolais.
Genre : Documentaire
Durée : 36′
Pays : Belgique
Année : 2013
Réalisation : Raf Custers
Image : Idriss Gabel
Montage : Guido Welkenhuysen
Production : Le Gresea, Les Films de la Passerelle
Article associé : la critique du film
Fiche technique
Synopsis: Dans toutes les maisons, quelqu’un doit ranger, lessiver, nettoyer. Mais qui ? Karaoké domestique est une performance et une expérience : trois « couples » de femmes, dont l’une s’occupe du travail ménager de l’autre, sont interviewés par la réalisatrice Inès Rabadán au sujet de l’organisation et de la hiérarchie complexe qui règne dans une maison.
Pays : Belgique
Année : 2013
Durée : 35′
Réalisation : Inès Rabadán
Image : Olan Bowland
Son : Thibaut Darscotte
Montage : Ines Rabadan
Production: Désirée Augen, CBA
Article associé : la critique du film
Découvrez le palmarès du Brussels Short Film Festival!
Palmarès International
Jury du festival : Delphine Lehericey, Jean-Bernard Marlin, Finnegan Oldfield, Solène Rigot
Le Grand Prix International : XE TAI CUA BO de MAURICIO OSAKI – Brésil
Le Prix du Jury : SEXY DREAM de CHRISTOPHE LE MASNE – France
Le Prix d’Interprétation Féminine : Céline Sallette pour LA FEMME DE RIO de NICOLAS REY & EMMA LUCHINI – France
Le Prix d’Interprétation Masculine : Mihail Mutafov pour PRIDE de PAVEL G. VESNAKOV – Bulgarie
Mention Spéciale du Jury : SOLECITO de Oscar Ruiz Navia – Colombie
Mention Spéciale du Jury : SHOPPING de VLADILEN VIERNY – France
Le Prix du Public : SOLO REX de FRANÇOIS BIERRY – Belgique
Palmarès National
Jury du festival : Stéphane Aubier, Miguel Dias, Pascale Faure
Le Grand Prix National : DE WEG VAN ALLE VLEES de DEBEN VAN DAM – Belgique
Le Prix de la Fédération Wallonie-Bruxelles : WELKOM de PABLO MUNOZ GOMEZ – Belgique
Le Prix d’interprétation féminine : Jacqueline Staup pour ALBERTINE de ALEXIS VAN STRATUM – Belgique
Le Prix d’interprétation masculine : Bernard Jousset pour ALBERTINE de ALEXIS VAN STRATUM – Belgique
Le Prix de la Critique : ALBERTINE de ALEXIS VAN STRATUM – Belgique
Mention Spéciale du Jury : MIA de WOUTER BONGAERTS – Belgique
Le Prix de La Trois : SOLO REX de FRANÇOIS BIERRY – Belgique
Le Prix BeTV : JOSE de DAVID MUTZENMACHER, ALEXANDRE BOUCHET, GAETAN LIEKENS – Belgique
Le Prix du Public : PARTOUZE de MATTHIEU DONCK – Belgique
Palmarès Next Generation
Jury du festival : Mélissa Bouchard, Arnaud Demuynck, Valéry Rosier
Grand Prix National : MOUETTES de ZENO GRATON – Belgique
Grand Prix International : COWBOY JANKEN OOK de MEES PEIJNENBURG – Pays-Bas
Prix de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) : OH MY DOG ! de CHLOÉ ALLIEZ – Belgique
Prix International du Public : LE DOIGT D’HONNEUR de MALIKA PELLICIOLI – Suisse
Prix National du Public : ZINNEKE de REMI ALLIER – Belgique
Prix du Jury Jeune : WIR FLIEGEN de ULRIKE KOFLER – Autriche
Mention Spéciale du Jury : Ikke tenk pâ det engang de JANNICKE HANSEN – Norvège
Metronomic est une société de production parisienne qui adore insérer de l’animation dans ses clips, pubs et courts métrages délirants (live, 2D, 3D, stop motion, …). Plusieurs titres de son catalogue se sont attirés la bienveillance des sélections et des palmarès de festivals (Annecy, Bruxelles, Lille, Clermont-Ferrand, Cannes, Ottawa …) et des grilles télé (Canal + Arte, Be TV, …). Parmi eux, les facétieux « La Révolution des crabes » (Arthur de Pins) et « Les Oiseaux en cage ne peuvent pas voler » (Luis Briceño) ont été édités par Lowave il y a 10 ans en compagnie farfelue de 9 autres courts et de bonus surprise.
Cette compilation de courts, mettant en avant l’artisanat de l’animation française, souscrit à la variété des idées, des images, des techniques et des sons inhérents au genre lorsqu’elle met en scène les visions du monde les plus invraisemblables. Si l’humour décalé est fort présent, les styles, eux, honorent autant les techniques traditionnelles que numériques. Généreusement, le volume accueille prises de vues réelles, questions existentielles, dessin ordinaire, bestioles allumées, papier découpé, légumes perturbés, super 8, violence pathétique, pâte à modeler, perplexité des relations et animation flash. Voici le meilleur du collectif Metronomic.
La Révolution des crabes d’Arthur de Pins
La vie est plutôt paisible en Gironde. Après y avoir honoré le patrimoine culturel (vins, châteaux, huîtres, bastides, crépinettes,…), le touriste se repose sur la plage, inconscient du drame que connaît l’un de ses résidents légitimes : le pachygrabsus marmoratus. Appelé communément chancre mou ou, plus souvent, crabe dépressif, celui-ci est raillé depuis 120 millions d’années à Arcachon comme à Tizac-de-lapouyade (canton de Guîtres) par les tourteaux et autres habitants maritimes.
Comment voulez-vous donc crâner lorsque pendant toute votre vie de crustacé, vous avez dû respecter la ligne droite qui vous a été attribuée ? Carrés, pas beaux, puants, même pas bouffables, ces bestioles-là n’ont pas le droit de pouvoir tourner, contraintes de toutes leurs pattes de se déplacer toute leur vie selon la même trajectoire. L’une d’entre elles, devenue philosophe (une première dans la mer), reconsidère pourtant les choses et redonne un semblant de dignité à ses potus pachygrabsus marmoratus.
Anim’ en noir et blanc réalisée en flash, perle d’humour noir au sujet plus que décalé et à la voix-off impayable, « La Révolution des crabes » a rallié en son temps (2004) de nombreux festivals à sa cause : Anima, Annecy, Ottawa, … . Déjà évoqué dans nos colonnes, le film refait surface tant la cause de ces crabes cons et rebelles nous tient toujours autant à cœur, 10 ans après réalisation.
Space on earth de Patrick Volve
Ce que la Terre peut être surprenante quand on vient de l’espace… Mister Pod et Ginger Fo Low, deux extraterrestres gays peuvent en témoigner mais de manière opposée. Leur histoire est intense mais légèrement monotone ces derniers temps. Pour la pimenter légèrement, ils décident d’aller pondre des œufs sur une planète mystérieuse, un certain 3 mars 2007… De façon déjantée, ce court revisite la science-fiction américaine en conviant pâte à modeler, bonhommes affreux et prises de vues réelles. Avec un final de circonstance !
Les Oiseaux en cage ne peuvent pas voler de Luis Briceño
Différentes saynètes sont en mesure de vous prouver que décidément, les oiseaux peuvent éprouver quelques difficultés à battre des ailes lorsqu’ils sont privés de leur liberté. L’affaire peut être banale mais ces volatiles-là ont vraiment une vie difficile, qu’ils soient solitaires ou en groupe. Heureusement, il y a toujours moyen de se divertir lorsque Homer, Kermit, de belles dents et le tic tac de l’horloge s’infiltrent entre les barreaux. En trois minutes, Luis Briceno s’est éclaté en son temps (2000) avec de la pâte à modeler et un thème fantasque. Ce ne sont certainement pas les villes et le public d’Annecy, de Santiago, de Cannes, de Kiev et d’Aubagne – entre autres – qui le lui ont reproché à l’époque.
Qui veut du pâté de foie ? d’Anne-Laure Bizot et Amélie Graux
Un enfant chétif éprouve quelques angoisses lorsqu’il est rejoint, après l’école, par ce qui s’apparente à sa mère : une immonde barrique sur pattes qui mange continuellement de tout, y compris les sandwiches au pâté de foie réservés à son fils, mal à l’aise. La gêne de celui-ci s’amplifie lors des dîners de famille composés de toutes les victuailles possibles et des plus grands gloutons de la terre. Peut-on seulement échapper à sa famille ?
« Qui veut du pâté de foie ? », réalisé en pâte à modeler, a reçu la Mention Spéciale du Jury d’Annecy en 2002, le grand prix du Festival international des écoles de cinéma (FIDEC) et du festival Projection d’argile à Montpellier.
Par son ton (grotesque, violent) et son sujet (la nourriture, la destruction, l’absence de limites), « Qui veut du pâté de foie ? » rappelle évidemment les scènes de table d’une certaine « Grande Bouffe » mais aussi indirectement celles de « Next Floor » du Canadien Denis Villeneuve. Les deux films ont marqué les esprits en leurs temps, ce film de monstres en volume les rejoint en toute complémentarité.
Article (extrait) paru sur Cinergie.be
Fondée en 2002, la maison Lowave propose un véritable point de vue sur le cinéma expérimental et la vidéo contemporaine. Si aujourd’hui, elle a développé de multiples activités autour de ces genres, le label continue à éditer des DVD qui demeurent des socles solides pour la diffusion de films innovants trop peu vus par les publics. La collection « Human Frames » fait partie de ces projets ambitieux portés par Lowave qui font la part belle aux artistes internationaux, mêlant avec une déconcertante facilité l’art vidéo, le cinéma, et plus largement l’image animée sous toutes ses formes à un fil conducteur des plus difficiles à travailler : les émotions humaines. Ce vaste terrain d’expérimentation, ceint dans une collection de 10 DVD soit 77 films issus des productions européennes et asiatiques, peut être considéré comme l’objet matérialisant symboliquement une sorte d’aboutissement de 10 ans de recherches autour de l’art contemporain.
Basé sur la théorie de la santé d’Hippocrate, l’humoralisme, la collection « Human Frames » se construit autour de l’idée que les différentes personnalités humaines proviennent d’un mélange subtil de liquides (les humeurs). Dans la théorie médicale comme dans les films, chaque individu arrive avec ses propres humeurs et compose avec celles-ci dans la vie et dans ce qu’il absorbe comme émotions externes, ici les films. Dans « Human Frames », chacun trouvera sa sensibilité tantôt flattée tantôt bousculée par des images, aussi sensibles que sensorielles, qui troublent notre perception et nos préjugés sur les 10 grandes thématiques abordées : la joie, le désir, la folie, le fanatisme, la peur, la colère, l’isolation, la mélancolie, l’empathie envers les choses (concept japonais du mono no aware) et l’impermanence (concept bouddhiste).
Au détour de ces films, il est bon de rappeler que plusieurs d’entre eux ont eu de belles carrières en festival de cinéma. Pour n’en citer que quelques uns, voici ceux que nous avons pu revoir avec une forte émotion : « Strips » de Felix Dufour-Laperrière dans Desire, « Eut-elle été criminelle » de Jean-Gabriel Périot dans Fanatiscism ou encore « Copy shop » de Virgil Widrich dans Madness. Mais la collection propose également des oeuvres a la diffusion publique plus confidentielle, plus centrée sur les expositions d’art vidéo comme les très percutants « Disco » de Raed Yassin dans Desire ou « False Friends » de Sylvia Schedelbauer dans Fear qui explorent chacun la mémoire et le trouble du souvenir.
Dans ce beau coffret (unique en son genre), on peut picorer quelques films de chaque DVD, visionner consciencieusement chacun d’entre eux humeur par humeur et décanter après chaque DVD, ou encore visionner la collection dans son entièreté, chaque expérience demeurant unique. Quoi qu’il en soit, on ne ressort pas tout à fait serein d’un visionnage de tout ou d’un fragment de « Human Frames », l’esprit vagabondant facilement entre malaise, tension, relâchement et passion pour, peut-être, finalement se recentrer sur lui-même en constatant qu’il fait définitivement partie d’un tout universel, l’humanité.
Articles associés : l’interview de Felix Dufour-Laperrière, la critique de « Eut-elle été criminelle » de Jean-Gabriel Périot, l’interview de Jean-Gabriel Périot
Depuis dix ans, l’éditeur DVD Lowave investit le champ du cinéma expérimental et de l’art vidéo. Spécialisé dans les images en mouvement, en quête d’auteurs émergents (venus surtout d’Asie, du Moyen-Orient et d’Afrique), Lowave compte un catalogue important de courts et de longs métrages, de portraits d’artistes et de travaux interdisciplinaires. Entre deux focus, Format Court a repéré quelques titres révélateurs de la variété du catalogue de cet éditeur à la pointe, curieux et interculturel.
Découvrez dans ce focus :
– Metronomic & co : courts métrages d’animation #1
– Une ombre dans les yeux de Rafael Lewandowski
Découvert au festival de Brest, « Misterio » y a remporté notre Prix Format Court fin 2013. Le film mêle naturel et surnaturel, étouffement et soif de liberté, personnages hors normes et situations cocasses. Depuis dix ans, son auteur, Chema García Ibarra, intéressé par l’humour, la science-fiction et les acteurs non professionnels, fait des films sans beaucoup de moyens dans son coin, à Elche, une petite ville d’Alicante. À l’occasion de la projection de « Misterio » lors de la carte blanche consacrée à Brest, en mars dernier, nous avons invité Chema Garcia Ibarra à Paris à nous parler de ses moteurs et de sa conception bien personnelle de raconter des histoires. Venu avec sa compagne Leonor Diaz, il nous a offert après coup une « Jetée II » soit un “court cryptique de-science-fiction réalisé pour nous avec amour » que nous vous invitons à découvrir dans cet entretien.
Format Court : Vous êtes en couple et travaillez ensemble depuis des années. Comment avez-vous été amené à collaborer ?
Chema : Avant mes trois courts, j’ai fait un film de jeunesse en 2007 (« Miaau ») que je n’aime pas beaucoup. On était ensemble avec Leonor et je lui ai demandé d’assurer la direction artistique de mon film car je la trouvais douée pour ça. Elle n’avait aucun lien au cinéma.
Le cinéma m’intéresse depuis l’enfance. Les études coûtaient chers, j’ai donc étudié la publicité car il y avait des cours communs avec la section de cinéma. Je n’avais aucun intérêt pour la publicité, mais je savais que j’apprendrais des choses propres au cinéma et que je voulais faire des films. J’ai demandé à Leonor de m’aider sur le premier projet, ça m’a plu et ça a été le début de notre collaboration.
Leonor : Au début, quand on s’est rencontré, il chantait dans un groupe de rock et j’étais une groupie ! Quand il m’a parlé de cinéma, ça m’a paru curieux, je l’ai pris comme un jeu. Travailler avec lui m’a plu.
Tes films, Chema, comportent des images très visuelles, des synopsis très courts. On est proche de la publicité.
C. : J’ai travaillé 7 ans comme rédacteur et graphiste. Même si je ne partage rien artistiquement parlant avec les gens qui travaillent dans la publicité, ça m’a parlé. Quand tu lis mes synopsis, tu sais que je viens de la pub. Ils sont très courts, ils tiennent en une phrase. Souvent, les festivals me demandent d’envoyer des longs synopsis mais je leur réponds qu’il n’y n’a pas !
Ils ne sont pas juste courts, ils sont mystérieux aussi.
C. : Je n’aime pas raconter trop de choses ni en dire trop. J’aime jouer avec le mystère, l’intriguant.
Dans les courts, il y a aussi un lien avec le fantastique, l’ironie, le surréalisme. C’est une voie que tu souhaites explorer ?
C. : Oui, c’est quelque chose de très espagnol (rires) ! Cette ironie, cet humour noir, c’est très commun chez nous, ça correspond à notre culture. Mon réalisateur préféré est Buñuel. Même quand il fait ses films hors de l’Espagne, ses films sont très espagnols. J’aime cette vision noire de l’humour qui est d’ailleurs très présente dans ma vie (rires) !
Leonor, tu te sens connecté au monde de Chema ?
L. : Je suis très fan de son humour. Dans notre vie quotidienne, nous avons le même humour et rions des mêmes choses.
Au début de « Protoparticulas », pendant plusieurs minutes, le silence règne quand le personnage s’approche de la camera pour jeter des ordures. Il faut être patient, endurer ce silence et cette longueur. Tu te rends compte que certains spectateurs peuvent ne pas adhérer face à une séquence pareille ?
C. : Oui, mais beaucoup y réagissent. Pour moi, cette scène est très drôle. Commencer un film avec un personnages qui s’approche lentement de la caméra, dans le plus grand silence, pendant deux minutes, ça correspond à mon humour.. Quand je tournais ce plan, je me retenais de rire !
Comment passe-t-on de l’envie de cinéma à sa concrétisation ?
C. : Pourquoi est-ce que je veux faire des films ? Parce que je suis cinéphile depuis mon enfance. Petit, j’aimais surtout la façon de raconter des histoires. Je ne faisais pas attention au support mais j’étais réellement fasciné par la façon dont les histoires commençaient, dont les personnages étaient présentés et comment les choses se terminaient. J’ai voulu apprendre comment raconter des histoires car ça me fascinait. J’ai commencé à écrire beaucoup de nouvelles et puis, un jour, j’ai senti qu’il y avait beaucoup de possibilités à raconter des histoires avec une caméra. C’est très important de ressentir de la joie et ça m’arrive toujours en écrivant des histoires, en filmant mes amis, ma famille.
Travaillez-vous à deux le scénario ?
C. : Non, j’écris seul. Je n’aime pas dévoiler des choses sur l’histoire avant que le scénario soit terminé. Je n’en parle à personne, c’est peut-être une superstition, je ne sais pas (rires).
L.: Je commence à travailler avec lui quand le scénario est terminé. Je ne sais rien du projet. Chema est très stressé pendant le processus d’écriture. Nous ne communiquons pas. À ce moment, je hais son travail et le cinéma en général mais quand il me fait lire le scénario, je redeviens heureuse !
Qu’est-ce qui est difficile, Chema, quand tu écris ?
C. : Tout. Tout est difficile (rires) ! Probablement, ça aurait été plus facile si j’avais étudié le cinéma. Néanmoins, il y a dix ans, quand j’apprenais à faire des films, j’ai probablement lu tous les livres ayant trait au scénario. Maintenant, c’est différent, je ne pense plus à ça. Le processus d’écriture reste le seul difficile aujourd’hui à mes yeux. Le tournage, le montage, le casting, c’est facile pour moi. Comme je ne veux pas travailler avec des comédiens, je dois écrire des choses que les non professionnels peuvent faire. Par exemple, j’évite que les gens parlent beaucoup ou même qu’il y ait des conversations. Je pense à ça quand j’écris pour ma mère ou ma grand-mère. Ça rajoute une difficulté car je ne suis pas totalement libre. Je dois être réaliste et trouver des solutions narratives car ce sont mes proches que je filme.
Cette difficulté-là pourrait disparaître si tu travaillais différemment, avec des acteurs professionnels. Pourquoi ne le fais-tu pas ?
C. : Parce que je n’aime pas ça. Je sais que si je travaillais avec des professionnels, ce processus serait plus facile mais ça ne m’intéresse pas. Je suis un grand fan de Robert Bresson, il m’a beaucoup influencé. Il n’a jamais travaillé avec des comédiens professionnels mais avec des gens n’ayant aucune relation au cinéma. Depuis le temps, mes proches savent précisément ce que je veux et ils n’ont pas peur de la caméra. C’est pour ça que je travaille avec eux.
Dans tes films, tes personnages s’éloignent souvent de la réalité. Est-ce que tu cherches à critiquer notre société en parlant d’évasion ?
C. : Mes personnages veulent toujours s’échapper. Je m’intéresse beaucoup à la façon naturelle d’accepter le surnaturel, l’étrange. Quand j’étais petit, je vivais dans une ville proche de celle où se passe « Misterio ». Ma grand-mère connaissait une personnelle qui entendait la Vierge et c’était quelque chose de totalement normal pour les gens. L’extraordinaire au milieu de l’ordinaire, ça me fascine, c’est pour ça que j’ai fait ce film, mais ce n’est pas mon intention de proposer une critique de la société.
Souvent, les personnages sont en marge de la société, Pourquoi t’intéresses-tu aux anti-héros, aux personnages invisibles ?
C. : Ces personnages sont là parce qu’on ne s’attend jamais à ce qu’ils y soient. Je n’aime pas les personnages standard, les jeunes gens magnifiques au cinéma (rires) ! Par exemple, dans « La Vie d’Adèle », pourquoi sont-ils jeunes et beaux ? Je préfère le travail de Bruno Dumont : tous ses personnages sont laids !
Le format long t’intéresse ?
C. : J’ai travaillé sur « Uranes », un long-métrage pour la télé, ça m’a plu de faire quelque chose de plus long que d’habitude. Écrire un long me semblait gravir une montagne, mais le projet a marqué une étape. Je me sens préparé après dix ans de courts métrages. Je n’ai jamais été dans l’urgence de faire des longs. Avant, je testais des choses, maintenant, j’ai trouvé mon style mélangeant l’humour noir, l’absence de mouvement, de voix, de musique, Il y a cinq ans, je n’étais pas prêt, mais maintenant, après les courts et ce long, c’est comme si j’étais diplômé en cinéma (rires) !
Propos recueillis par Katia Bayer
Articles associés : la critique de « Misterio »
Présenté en compétition européenne au Festival Européen du film court de Brest, en novembre dernier, « Misterio » y a reçu le Prix Format Court. Ayant déjà une belle carrière à son actif, le court métrage de l’Espagnol Chema García Ibarra propose un cinéma à la frontière du fantastique.
Le réalisateur laisse entrevoir dans « Misterio » ce qu’on pourrait prendre pour une critique du poids du paraîre dans une société figée dans ses conventions telle que peut parfois être l’Espagne. Pour autant, comme à son habitude, Chema García Ibarra semble aussi et surtout vouloir ici s’amuser de faits presque surréalistes mais bien ancrés dans la réalité comme l’écoute de la voix de la Vierge à travers la peau d’un jeune homme.
D’une tournure d’esprit farfelue déjà entrevue dans ces précédents films « El ataque de los robots de nebulosa-5 » » et « Protoparticulas », le réalisateur construit ici une histoire jalonnée de séquences courtes et curieuses à travers lesquelles le spectateur se laisse conduire jusqu’à la fin quasi surréaliste du film.
D’un point de vue esthétique, il utilise pour la première fois la couleur et traite l’image comme des natures mortes, très composée avec beaucoup de détails. L’oeil voit l’ensemble mais ne peu déterminer la somme des choses qui la compose.
Dès l’ouverture, on est plongé dans une exposition presque choquante du quotidien de la vie de l’héroïne principale du film de Chema García Ibarra : une femme espagnole au visage fermé, taciturne et besogneuse. Le réalisateur filme une succession de séquences où cette femme (la voisine du réalisateur) est mise en scène dans sa pauvre vie : son mari vit sous assistance respiratoire, son fils (le cousin du réalisateur) est un nazi, et elle travaille dans une manufacture régie par des règles immuables et archaïques. Un quotidien qu’elle affronte docilement chaque jour, mais qui semble pourtant s’abattre sur elle.
Cette femme, toujours dans le cadre, un peu décentrée, fait partie de ces tableaux qui se jouent à l’écran mais elle n’incarne rien. Elle est un accessoire dans le décor, un maillon d’une chaîne bien rodée.
Et puis, il y a le moment de bascule. Le noeud de l’histoire réside dans une croyance religieuse partagée : le fils d’une femme de la communauté aurait été touché par la Vierge et quiconque écouterait sa nuque entrerait automatiquement en communication avec elle… Comme ses congénères, l’héroïne se prête au rituel mais ne semble pas entendre de propos de la Vierge. En revanche, il s’agit là d’un déclencheur. A partir de cet instant sa vie change irrévocablement.
En terme de rythme, le réalisateur réussit, par la reprise de séquences du début du film, à donner du corps à ce moment de bascule en transformant légèrement les mouvements quotidiens de la femme : ce décalage induit un passage de sa vie docile à sa fuite en avant. Là où elle respectait les règles, elle trahit maintenant systématiquement les codes de sa propre existence. Plus rien n’est cadré, elle n’est plus dans son rôle.
Dans les dernières séquences, on assiste à la lecture d’une lettre de la femme qui explique les raisons de sa fugue, ses raisons d’être partie pour vivre ses rêves en laissant sa famille, ses amies, ses collègues.
Parfois un peu difficile a décrypter, le cinéma de Chema García Ibarra a quelque chose de profondément ironique. S’il avait travaillé le thème de l’espace, de l’ailleurs dans ces précédentes réalisations, il montre ici encore une fois un personnage en marge de sa société, en proie soudainement à un doute si grand qu’il remet tout en question. Avec « Misterio », il manie avec précision le geste du cinéaste qui critique – ici une société religieuse et traditionnelle – en suggérant une ouverture artistique puissante, un univers singulier touchant et percutant.
Consulter la fiche technique du film
Article associé : l’interview de Chema García Ibarra et Leonor Diaz
Fiche technique
Synopsis : On dit qu’en collant son oreille sur sa nuque, on entend parler la Vierge.
Durée : 11’30
Pays : 2013
Année : Espagne
Réalisation : Chema García Ibarra
Scénario: Chema García Ibarra
Image : Alberto Gutiérrez
Montage : Chema García Ibarra
Son : Pepe Marsilla
Interprétation : Angelita López
Production : Chema García Ibarra
Articles associés : la critique du film, l’interview de Chema García Ibarra et Leonor Diaz
À quoi ressemble le monde enfermé dans un handicap ? À celui de quelqu’un qui attend la fin du monde répond le réalisateur Chema García Ibarra. Mieux, ce monde pourrait être le nôtre, le temps des sept minutes de son second court-métrage (après « Protoparticulas »), sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2009 et Méliès d’or au festival de Sitges en 2010.
Un garçon assis sur un banc, un doigt pointé dans un ciel changeant, une porte qui s’ouvre, un jouet filmé en gros plan… Peu d’éléments de ce film font penser à de la science-fiction. Pourtant, la crainte ressentie à l’évocation d’une fin du monde prochaine est réelle.
Le film développe en fait deux univers savamment enchâssés l’un dans l’autre. Le premier décrit la perception du monde par un jeune handicapé. La présence étrange du comédien principal et la simplicité, si ce n’est le dépouillement des éléments qu’il observe, sont là pour nous aider à comprendre ce qu’il ressent, coincé entre l’âge adulte et l’enfance. Le beau noir et blanc et les cadrages inhabituels s’imposent alors d’eux-mêmes pour décrire toute l’étendue des catastrophes touchant une perception malade du monde.
Le second univers est celui révélé par la voix off et le montage très découpé du film. Il s’agit d’une recherche de signes d’une fin du monde prochaine dans la vie courante. « L’Armée des 12 singes », les deux « Terminator » ou encore et surtout le matriciel « La Jetée » ne sont jamais plus vertigineux que sur cet aspect important de la science-fiction évoquant une apocalypse prochaine. Le court-métrage de Chema García Ibarra semble même citer directement celui de Chris Marker au travers de plusieurs séquences fixes décrivant de manière post-apocalyptique des images qui seraient autrement restées banales. Dans les belles inspirations de science-fiction, on retrouve également les images floues et pixellisées empruntées aux postes de télévision des films des années 1980.
Par ce jeu d’échanges de perception donc, le spectateur est comme happé dans l’univers du personnage principal. La simple empathie qu’on pourrait ressentir disparaît et le rapprochement avec sa vision du monde est rendu possible via cet imaginaire de science-fiction et de beaux moments de cinéma.
Article associé : l’interview de Chema García Ibarra et Leonor Diaz
Lire aussi : la critique de « Misterio »
Fiche technique
Synopsis : Un jeune garçon nous explique pourquoi et comment bientôt, presque tout le monde va bientôt mourir.
Genre : Fiction
Durée : 6′
Pays : Espagne
Année : 2008
Réalisation : Chema García Ibarra
Scénario : Chema García Ibarra
Image : Alberto Gutiérrez Díaz
Son : Alejandro Martínez
Montage : Chema García Ibarra
Interprétation : Leonor Díaz, Pedro Díez, Carmina Esteve, José Manuel Ibarra
Production : Chema García Ibarra
Articles associés : la critique du film, l’interview de Chema García Ibarra et Leonor Diaz
La onzième édition des Rencontres du moyen-métrage de Brive s’est achevée le 13 avril dernier au terme de cinq jours de festival bien remplis. La compétition européenne, les rétrospectives et autres projections parallèles, le workshop de pitch ont émaillé ces quelques journées de (re)découvertes, de surprises, de déceptions et de promesses.
Le festival de Brive a acquis, en dix ans d’existence, le statut de catalyseur et de révélateur des jeunes talents du cinéma français. Force est de constater que nombre d’auteurs remarqués y ont fait leurs gammes, profitant de la fidélité des sélectionneurs pour présenter au fil des ans leurs premières réalisations. Justine Triet, Arthur Harari, Sébastien Betbeder, Shanti Masud ou encore Yann Gonzalez, cinéastes aujourd’hui passés au long-métrage pour la plus part, se sont auparavant approprié ce format un peu ingrat mais follement libérateur qu’est le moyen-métrage pour expérimenter, chercher de nouvelles formes et proposer des films singuliers.
© Marc-Antoine Vaugeois
La compétition
Cette année, certains habitués étaient de retour (Shanti Masud avec « Métamorphoses », Arthur Harari avec « Peine perdue ») au milieu de nouveaux arrivants. Parmi eux, quelques têtes déjà connues de Format Court (Karim Moussaoui et son film « Les Jours d’avant », reparti du festival avec deux mentions, Pagel G. Vesnakov et son « Pride », lauréat du Grand Prix Europe), et d’autres découvertes plus ou moins heureuses. De cette compétition européenne de moyens-métrages, que retient-on ? Si l’on peut effectivement vanter l’éclectisme de la sélection des films en compétition, jonglant allègrement entre les genres (drame, comédie, fantastique, film social, de reconstitution…) et les dispositifs (fiction, documentaire), on constate qu’elle inventorie également certaines tendances plus ou moins néfastes de la production de courts-métrages.
Passons donc rapidement sur « Sunny » de Barbara Ott, le film social post-Dardenne dont la paresse formelle (caméra à l’épaule dédouanant la cinéaste de toute question de regard et de mise en scène) dispute au sensationnalisme de son sujet (les tribulations d’un jeune père irresponsable) un opportunisme franchement malsain. Dans un autre registre, « KK » de Wictor Ericsson ne valait pas beaucoup mieux, en privilégiant une photographie léchée et des cadres publicitaires pour enrober d’un emballage clean son histoire d’adolescents suédois jouant à touche-pipi le temps des vacances d’été. Dans un cas comme dans l’autre, les cinéastes se prémunissent de la moindre prise de risques vis-à-vis de leurs sujets, adoptant des partis pris de mise en scène passe-partout leur permettant de filmer n’importe quoi à peu près n’importe comment (le naturalisme tremblé droit dans ses bottes pour l’un, la fausse pudeur enveloppée dans de la joliesse pour l’autre).
La palme du laisser-aller et de la fausse subversion revient néanmoins au film de Jean-Christophe Meurisse, « Il est des nôtres », reparti avec le Prix Ciné + et le Prix du Jury Jeunes. Le metteur en scène attitré de la troupe des Chiens de Navarre tente d’adapter son dispositif théâtral au cinéma, reconduisant un travail sur l’improvisation avec son groupe d’acteurs fétiches réunis autour de la figure de Thomas de Pourquery, musicien marginal installé dans un entrepôt à l’écart de la ville. Il en résulte une succession de scènes déconnectées les unes des autres, égrainées le long d’un fil narratif ténu suivant le déroulé d’une soirée où sont réunis dans la caravane de Thomas une bande de freaks sociaux, petits bourgeois profitant de leur isolement pour babiller sans discontinuer avant de se livrer à des jeux régressifs. L’ennui, c’est que même les acteurs donnent l’impression d’avoir lâché l’affaire, car pris au piège du dispositif, leur jeu se résume à celui qui parlera le plus fort et tirera la couverture à lui. Que reste-t-il, alors ? Une connivence perverse avec le spectateur, invité à se laisser aller comme les comédiens à ses pulsions les plus triviales, les plus régressives, à étaler ses réflexions insignifiantes et ses couilles sur la table. Le réalisateur cite Buñuel et Korine comme références. Tristesse de constater que l’horizon atteint est plus proche des franchouillardises filmées de la troupe du Splendid. « Les bronzés jouent aux cannibales ».
Heureusement, au laisser-aller et à l’opportunisme de certains films, répondaient des œuvres de cinéastes rigoureux, plus soucieux de trouver l’harmonie dans la mise en scène et dans l’écriture.
C’est le cas notamment de « Mahjong », surprenante variation autour des codes du film noir réalisé par le couple de réalisateurs portugais Joao Pedro Rodrigues et Joao Guerra da Mata. En réduisant l’intrigue policière à une peau de chagrin (un homme en costume arpente le plus grand Chinatown du Portugal à la recherche d’indices), les cinéastes procèdent d’une économie savante, distillant à des endroits stratégiques de multiples signes constituant progressivement sinon une fiction, un cadre suffisamment large pour accueillir l’étrangeté de la ville de Varziela. La seule séquence d’introduction donne la mesure des possibilités du dispositif : le héros fait une ronde au volant de sa voiture à travers les rues du township, intégralement filmé en plans-séquences derrière le pare-brise du véhicule. La longueur des plans, leur force contemplative emplit la scène d’une tension dramatique en même temps que se dessine une cartographie de la ville. Le récit, construit comme un jeu de piste qui ne mène nulle-part, nous ballade à travers les lieux communs du genre (une femme disparue, des mafieux, une filature…) et les décors incongrus de Varziela pour un trajet ludique en terres portugaises.
Un autre couple de réalisateurs, français cette fois, avait réalisé un film jumeau de « Mahjong » : Caroline Poggi et Jonathan Vinel, les benjamins de la compétition, venus présenter leur première co-réalisation, le très prisé « Tant qu’il nous reste des fusils à pompes ». Changement de cap, c’est à Bouloc (le village natale de Vinel) que les jeunes cinéastes ont posé leur caméra. De la même manière que pour le couple Rodrigues/Guerra da Mata, c’est en procédant par soustraction que Vinel et Poggi construisent leur fiction. En vidant les rues et les jardins du petit village pavillonnaire avant d’y placer leurs protagonistes, à savoir deux frères faisant face à la perte de leur meilleur ami, les cinéastes réorganisent l’espace et injectent à l’intérieur un imaginaire emprunté au cinéma américain (celui de Gus Van Sant et d’Harmony Korine) et aux jeux-vidéos. Un spleen adolescent traverse le film, charriant avec lui des obsessions qui laissent augurer la redite (la perte, le détachement, l’envie de suicide…). Il n’en est rien. Grâce à une sorte de miracle plastique, le film tient debout tout seul et gagne lui aussi sur le terrain du réenchantement.
Comme antidotes à la grisaille qui imprégnait la majorité des films de la sélection, nous pouvons également citer le détonnant « Ennui, Ennui » de Gabriel Abrantes, film foutraque et imparfait (donc attachant) traversé de visions surréalistes (la scène d’ouverture dans le bureau d’Obama, le drone militaire pris d’états d’âmes ou encore l’incroyable scène de sexe entre Laetitia Dosch et un bédouin). Citons également le très beau « Métamorphoses » de Shanti Masud et sa succession de portraits d’hommes et de femmes guidés par leurs sentiments vers une transformation en créatures fantastiques. À ces visages contrit de désirs, éructant de colère ou crachant une bile haineuse à l’encontre d’un amant invisible, répond le vide de l’espace infini, seul réceptacle capable d’accueillir ce flot de paroles puissantes. On n’a pas vu cette année de vision plus romantique à Brive, excepté peut-être la délicate et sensuelle ronde des désirs organisé par Arthur Harari dans son magnifique « Peine perdue », lauréat du Prix Format Court sur lequel nous reviendrons bientôt (et qui sera projeté au Studio des Ursulines, en présence de l’équipe, le jeudi 8 mai 2014).
Le workshop de pitch
Pour la deuxième année consécutive, le festival a organisé un workshop de pitch réunissant huit participants placés sous la tutelle des réalisatrices Dorothée Lachaud et Pauline Racine. Ils disposaient de deux jours pour préparer chacun un oral de sept minutes présentant leurs projets de moyen-métrage à une assemblée de professionnels (producteurs, représentants de région…). Cet exercice difficile, visiblement douloureux pour certains, a néanmoins eu le mérite de présenter quelques projets singuliers et prometteurs. Celui d’Hubert Viel par exemple, de retour à Brive un an après sa récolte de prix avec le film « Artémis, cœur d’artichaut ». Son nouveau projet, mélange improbable entre « Princess Bride », « Bugsy Malone » et « Les contes de Canterburry » pose une fois de plus un pari curieux : mettre en scène le Moyen-Âge comme âge d’or du féminisme. Gageons que le résultat sera à la hauteur de la dinguerie du concept.
© Marc-Antoine Vaugeois
Une jeune réalisatrice, Doris Lanzmann, a également fait sensation avec son projet doté du titre le plus accrocheur de l’atelier : « Royan la Rage ». Une fiction conçue à partir de la fascination de la jeune cinéaste pour un phénomène internet déroutant : celui des dominatrices financières, comprenez des jeunes femmes instaurant des jeux de soumission avec leurs clients par webcams interposées. Le projet, au scénario très ambitieux, est actuellement en recherche de financements.
Du côté des rétrospectives
Pour conclure, un petit tour d’horizons des rétrospectives proposées par le festival de Brive cette année. On se souvient des films d’Agnès Varda et de Koji Wakamatsu qui ont fait se déplacer de nombreux festivaliers dans les salles. Il y avait également un programme de courts-métrages suisses, réunissant des classiques du genre. À Format Court, nous avons retenu deux courts-métrages rares : « Daïnah la métisse » et « Le 6 juin à l’aube » de Jean Grémillon, cinéaste français fondamental des années 30.
Le premier film est une fiction tournée en 1931 qui suit les mésaventures de Daïnah, une belle métisse courtisée par les bourgeois et les marins du bateau sur lequel elle fait croisière en compagnie de son époux. Le film, d’une inventivité formelle ahurissante et d’une insolence folle, rappelle que les années 30 constituaient un âge d’or du cinéma français, ouvert à la poésie et à la fantaisie des auteurs. En filmant le destin tragique de Daïnah, Grémillon raconte le racisme, la frigidité de la bourgeoisie et les rapports de jalousie et de désir qui empoisonnent le cœur des hommes. Une merveille qui n’as pas pris une ride.
Le second film, en apparence plus classique, retrace minutieusement le déroulement de l’opération Overlord lors du débarquement des troupes américaines en Normandie. À l’aide de séquences animées sur une carte de la France, Grémillon filme la dévoration d’une terre par les ravages de la guerre, insérant des images d’archives rendant compte des scènes de désolation dans laquelle se trouvaient les victimes des bombardements. Le film atteint son acmé dans les séquences documentaires mises en scène par Grémillon lui-même, lorsqu’il va à la rencontre des survivants tentant de reconstruire un semblant d’existence au milieu des décombres. Une scène suffit : un professeur d’école, entouré de ses élèves, donne un cours de géographie dans les ruines d’un village. Leur terre, détruite, défigurée à jamais, reste leur terre. Magistral.
Notre prochaine soirée de courts métrages (l’avant-dernière de l’année) aura lieu le jeudi 8 mai 2014, à 20h30, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Ce rendez-vous sera marqué par la présence de Sébastien Bailly, Délégué général des Rencontres du moyen-métrage de Brive, Yassine Qnia, Carine May, Mourad Boudaoud (co-réalisateurs de « Molii »), Arthur Harari (réalisateur de « Peine perdue »), Tom Harari (chef opérateur), Lucas Harari, Emilie Brisavoine (comédiens) et Nicolas Anthomé (producteur/Bathysphère Productions).
Programmation
Peine perdue de Arthur Harari. Fiction, 40′, France, 2013, Bathysphère Productions, Prix Format Court, Festival de Brive 2014. En présence de l’équipe et du Festival de Brive
Synopsis : Une fin d’après-midi au bord d’une rivière, un concert près de l’eau. L’étrange Rodolphe remarque Alex, jeune homme timide qui n’a d’yeux que pour Julia, parisienne en vacances. Rodolphe entreprend de l’aider, à sa manière.
Molii de Hakim Zouhani, Yassine Qnia, Carine May, Mourad Boudaoud. Fiction, 13’, 2013, Les Films du Worso, France, Prix Spécial du Jury, Festival de Clermont-Ferrand 2014. En présence de l’équipe
Synopsis : Steve a la vingtaine bien tassée. Ce soir-là, il doit remplacer son père, gardien de la piscine municipale. Tout se passe comme prévu, jusqu’au moment où le jeune homme entend des bruits inhabituels.
Flatlife de Jonas Geirnaert. Animation, 11′, 2004, Belgique, Prix du Jury, Festival de Cannes 2004
Synopsis : La vie est belle dans un immeuble de flats, mais parfois un peu plate… Les habitants communiquent via les télévisions, les bruits de marteaux et de machines à laver. Heureusement que de temps à autre, un panda termine malencontreusement son voyage interplanétaire contre une des vitres…
Noah de Walter Woodman et Patrick Cederberg. Fiction, 17’, Canada, 2013. Grand Prix et Prix du Public Labo, Festival de Clermont-Ferrand 2014
Synopsis : Une histoire d’amour et ses aléas à l’heure des réseaux sociaux et de l’ère numérique.
En pratique
► Date, horaire : jeudi 8 mai 2014, à 20h30
► Durée de la séance : 81’
► Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris
► Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche : Ligne 7, arrêt Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…)
► Entrée : 6,50 €
► Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com
Jonathan Vinel est étudiant à la Fémis en département montage. Il a réalisé une poignée de courts-métrages expérimentaux qui lui ont valu d’être remarqué par Les Cahiers du Cinéma. Caroline Poggi, étudiante à Paris 8, a réalisé « Chiens », un premier court-métrage qui a fait le tour des festivals. Ensemble, ils ont tourné « Tant qu’il nous reste des fusils à pompes », évoquant l’envie de suicide d’un jeune homme Joshua, lauréat du très convoité Ours d’Or lors de la dernière Berlinale. À l’occasion de la sélection de leur moyen-métrage au dernier festival de Brive, Format Court est allé à leur rencontre. Ils reviennent sur leurs parcours, sur la genèse de ce film et sur quelques secrets de fabrication.
Quels ont été vos parcours respectifs ?
Caroline : J’ai grandi et vécu en Corse jusqu’à mes dix-huit ans. Puis, j’ai fait des études à Paris 7 où j’ai rencontré Jonathan. Après l’obtention de ma licence, je suis rentrée un an en Corse pour suivre des cours au DU CREATTACC (Créations et Techniques Audiovisuelles et Cinématographiques de Corse) et réaliser « Chiens », mon premier court-métrage dont Jonathan a fait le montage. Aujourd’hui, je suis inscrite en master à Paris 8.
Jonathan : J’ai grandi à Bouloc, un petit village près de Toulouse où l’on a tourné « Tant qu’il nous reste des fusils à pompes ». L’envie de réaliser est venue assez tard dans mon parcours. Lorsque j’étais lycéen, je ne savais pas trop ce que je voulais faire. Un jour, un copain a dit qu’il voulait se lancer dans le cinéma. J’ai suivi le mouvement et j’ai essayé de réaliser un court-métrage, de façon très brouillonne sans réussir à le mener à son terme. C’est lorsque j’ai commencé à monter des images préexistantes que j’ai réalisé mes premiers films. J’ai continué ce travail expérimental à la fac, en parallèle de mes études. Puis j’ai intégré la Fémis en département montage. C’est dans le cadre d’un projet hors-cursus que j’ai écrit et réalisé ce film avec Caroline l’année dernière.
Jonathan, tes précédents courts-métrages mettaient déjà en scène des groupes d’adolescents dans leurs rapports au monde, faisant face à la détérioration de leur unité. Caroline, tu travailles également dans « Chiens » la notion de meute, avec un personnage principal entouré d’animaux qu’il ne reconnaît plus. Est-ce que ces thématiques communes ont-été un moteur pour l’écriture de « Tant qu’il nous reste des fusils à pompes » ?
Jonathan : Je pense que l’on se rejoint avant tout dans notre envie de ne pas faire des films réalistes, de construire chacun à notre manière des univers fonctionnant comme des cocons qui isolent des éléments de la réalité qui nous intéressent. Notre envie commune lors de l’élaboration du film n’était pas de raconter une histoire, mais de vider un lieu et de placer à l’intérieur deux personnages. On voulait fabriquer une nouvelle «bulle», une sorte de huis-clos en plein air.
Caroline : Il y a aussi l’envie de jouer sur différents registres d’émotion, d’osciller en permanence entre la douceur et la violence. Le surgissement d’éléments fantastiques est un autre trait commun à nos films respectifs, un moyen de se détacher de la réalité.
Ces décrochages fantastiques sont généralement produits par des effets spéciaux ou de montage dans vos précédents films. Ils sont un peu absents dans celui-ci.
Jonathan : Ils sont moins voyants, moins évidents. Ce film-ci exigeait une forme plus narrative et linéaire. On avait prévu au moment du tournage de filmer plus de scènes qui fonctionneraient par éclats, mais le film les a simplement rejetés.
Caroline : Les quelques éclats qui émaillent le film sont issus de la manière de mettre en scène des éléments très prosaïques de la réalité. Un couteau-papillon, un congélateur, une piscine, filmés sous un certain angle décollent de leur fonction première et peuvent atteindre un autre niveau de représentation.
La durée plus longue du film (30 minutes) par rapport à vos précédentes réalisations vous permet également de développer des moments de latence, de flottement. La trajectoire du récit et des personnages est donnée d’avance, l’intérêt du film repose moins sur des péripéties que sur des instants digressifs.
Caroline : Les personnages suivent un chemin qui leur est destiné, qui ne déviera pas en cours de route. Il s’agissait encore d’une envie commune avec Jonathan de nous approprier une narration propre aux jeux vidéo, où une mission attribuée au personnage est définie par avance et doit être menée à son terme.
Jonathan : On avait besoin de cette ligne narrative claire pour se permettre de mettre en scène ces «à-côtés», des moments plus calmes et contemplatifs. C’est une autre différence par rapport à nos précédents films qui fait que celui-ci peut tenir sur une durée plus longue.
Vous aviez prévu de réaliser un casting de voix pour les comédiens du film pour que les acteurs présents à l’image soient doublés par d’autres. Cette idée assez originale est-elle restée au moment de la fabrication ?
Jonathan : C’était effectivement un parti pris lors de l’élaboration du film, mais on l’a abandonné en cours de route parce que l’on aimait les voix des comédiens, notamment celle de l’interprète du fantôme. L’acteur est un garçon de 17 ans qui n’avait jamais fait de cinéma, et on trouvait que sa voix grave à la Garou était parfaite pour le personnage (rires).
Caroline : Le son des dialogues n’est pas celui du direct, ce sont les sons seuls des prises post-synchronisées au moment du montage son. On s’est rendu compte que cela créait un décalage, que cela contribuait à rendre palpable la sensation de détachement des personnages. Comme s’ils étaient déjà un peu absents, un peu hors du monde. On a travaillé longtemps sur la post-synchronisation du film. Le travail consistait à isoler des éléments, à nettoyer la bande-son pour ne garder que ce qui nous intéressait. Par exemple, en enlevant le bruit des pas dans les scènes de dialogues, on donne plus de poids aux mots et à la présence des comédiens.
J’ai l’impression qu’avec ce film, vous êtes allés au bout de cette obsession des thématiques liées à l’adolescence (le rapport au groupe, la mort de l’enfance, le suicide…) qui imprègnent vos précédents travaux. C’est en quelque sorte le stade terminal.
Jonathan : Je n’ai pas l’impression qu’on soit allé au bout de quelque chose. Je pense que l’on a simplement puisé dans ces thèmes pour raconter notre vision de l’adolescence. C’est un réservoir de fiction très riche qui nous nourrit tous les deux. Nos histoires personnelles, celles de gens qui nous sont proches, que l’on a croisés ont aussi alimenté l’écriture du film.
Caroline : On avait tout de même ce parti pris radical que le moteur de l’action soit une pulsion de mort, avec ce personnage principal qui décide de se suicider. Le mouvement du film ne va pas vers la vie ou vers des valeurs de réconciliation, on suit la trajectoire tragique que le héros s’est choisi.
Vous avez déjà des projets pour la suite ? Vous allez tourner à nouveau ensemble, ou revenir à des créations individuelles ?
Jonathan : On a envie de continuer à travailler ensemble. On est très contents de notre collaboration sur ce film. On commence tout juste à réunir quelques idées, à repartir sur un nouveau projet.
Propos recueillis par Marc-Antoine Vaugeois
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Article associé : notre reportage sur le Festival de Brive
Fiche technique
Synopsis : Il fait chaud. Les rues sont étrangement désertes. Les palmiers agonisent et les fusils à pompe pleurent. Joshua veut mourir mais ne veut pas laisser son frère Maël seul. C’est alors qu’il rencontre le gang des Icebergs.
Genre : Fiction
Durée : 30′
Pays : France
Année : 2014
Réalisation : Jonathan Vinel, Caroline Poggi
Scénario : Jonathan Vinel, Caroline Poggi
Directeur de la photo : Raphaël Vandenbussche
Montage : Vincent Tricon
Son : Maxime Roy
Effets spéciaux : Sylvain Coisne
Interprétation : Lucas Doméjean, Nicolas Mias, Naël Malassagne
Production : G.R.E.C.
Articles associés : l’interview de Jonathan Vinel et Caroline Poggi, notre reportage sur le Festival de Brive
Dernière sélection de Cannes, celle de la Quinzaine des Réalisateurs. Ce matin, la conférence de presse a dévoilé les 11 titres des courts métrages retenus par la section parallèle.
Films sélectionnés
8 Balles, de Frank Ternier – France
The Revolution Hunter, de Margarida Rego – Portugal
Cambodia 2099, de Davy Chou – France
En août, de Jenna Hasse – Suisse
Fragments, d’Aga Woszczynska – Pologne
Guy Moquet, de Demis Herenger – France
Jutra, de Marie-Josée Saint-Pierre – Canada
Man on the Chair, de Dahee Jeong – France, Corée du sud
Heartless, de Normande et Tiao Tiao – Brésil
Torn d’Elmar, d’Imanov et Engin Kundag – Azerbaïdjan
It can pass through the wall, de Radu Jude – Roumanie
Sur 1770 films courts, la Semaine de la Critique en a isolé 10 pour représenter la sélection courte de demain. Les voici.
Films sélectionnés
A Ciambra de Jonas Carpignano – Italie
Une Chambre bleue de Tomasz Siwinski – Pologne
Truelovestory de Gitanjali Rao – Inde
Safari de Gerardo Herrero – Espagne
Petit frère de Rémi St-Michel – Canada
Les fleuves m’ont l’aissée descendre où je voulais de Laurie de Lassale – France
La contre-allée de Cécile Ducrocq – France
Crocodile de Gaëlle Denis – Royaume-Uni
The Chicken de Una Gunjak – Croatie
Boa Noite Cinderela de Carlos Conceiçao – Portugal