(Pas de titre)

Après avoir rencontré des auteurs, parlé de films et de festivals, en parallèle à l’organisation de nos séances de courts parisiennes et bruxelloises, nous faisons une petite pause estivale bien méritée.

A la rentrée, nous reprendrons la route des festivals, avec le retour des Prix Format Court (focus personnalisés sur le site & projection des films lauréats en salle). En premier lieu, un Coup de Coeur sera attribué à l’un des films des deux programmes « Danse », mis en place cette année par le festival Silhouette (1-9 septembre, Paris).

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Parce que le ciné court se pratique aussi en région, nous participerons à nouveau à Court Métrange (25-28 octobre, Rennes), un festival sensible au « cinéma fantastique et insolite ». Après avoir élu « Danny Boy » de Marek Skrobecki en 2011, nous y remettrons un deuxième Métrange du Format Court dans la compétition européenne. Nous serons également partenaires du festival du court métrage de Brest (13-18 novembre), un festival dont nous suivons la programmation de près depuis plusieurs années, et où nous attribuerons pour la première fois un prix dans la compétition européenne.

La rentrée nous permettra aussi de retrouver les soirées Format Court, organisées depuis le mois de mars au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Tous les deuxièmes jeudis du mois, cinq films (grands classiques, films primés en festival, Prix Format Court, …) s’y laisseront (re)découvrir sur grand écran. Prenez d’ores et déjà rendez-vous avec nous le jeudi 13 septembre, à partir de 20h30, pour la première séance de l’année, suivie pour l’occasion d’un pot de rentrée.

En attendant, la fin de l’été sera ponctuée de news autour du court et de plusieurs coups de coeur DVD, à apprécier à toute heure de la journée.

Fanny Barrot et Katia Bayer

P.S. : Sapristi ! On a oublié le titre à la plage…

Festival d’Angers, appel à candidature

La 25e édition du Festival Premiers Plans se déroulera à Angers du vendredi 18 au dimanche 27 janvier 2013. La sélection est ouverte aux premiers et seconds longs métrages, aux films d’écoles et aux premiers courts métrages produits en Europe en 2011 ou 2012.

CATEGORIES OFFICIELLES

Vous pouvez soumettre votre film dans l’une des sections suivantes : premiers et seconds longs métrages, premiers courts métrages, films d’école, films d’animation. La fiction, l’animation et le documentaire sont acceptés pour la compétition. Les courts métrages en 3D-relief et les films expérimentaux forment des panoramas hors compétition.

MODALITES D’INSCRIPTION

Si vous souhaitez inscrire un film :
– remplissez le formulaire d’inscription
– et envoyez un DVD à : Festival Premiers Plans d’Angers, C/O C.S.T. – 22-24, avenue de Saint-Ouen – 75018 Paris (les envois en recommandé ne sont pas acceptés)

DATE LIMITE D’INSCRIPTION : 17 octobre !

Règlement (pdf)
Formulaire d’inscription
Formulaire spécial 3D-relief (pdf)

Le site du festival : www.premiersplans.org

Festival pointdoc, appel à films

Le festival pointdoc connaitra sa troisième édition du 13 janvier au 13 février 2013. Dès à présent, il lance un appel à film documentaire d’auteur. Vous avez jusqu’au 15 octobre 2012 (date limite d’inscription) pour envoyer vos créations selon les deux catégories proposées :

@ Films jamais diffusés (quelle que soit son année de réalisation)
@ Premières créations (réalisées à partir du 1er janvier 2010).

pointdoc

Comme l’année précédente, le Festival pointdoc s’attachera à sélectionner des regards particuliers sur le monde portés par des auteurs qui s’engagent aussi bien sur le fond que sur la forme. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Festival pointdoc est un festival en ligne de films documentaires créé pour ouvrir le cinéma documentaire au plus grand nombre. Il se déroulera sur internet pendant 1 mois. 20 films documentaires d’auteurs seront en accès gratuit, visibles à n’importe quelle heure et partout dans le monde.

Pas de prix… mais des coups de cœur, seront attribués à la fois par le public et par un jury de professionnels reconnus du documentaire, composé de réalisateurs, de producteurs et de techniciens. Les films « coups de cœur » auront la chance d’être diffusés sur grand écran lors de la soirée de clôture.

Vous pouvez retrouver la fiche d’inscription le site web du festival : http://www.festivalpointdoc.fr

Yassine Qnia : « J’avais beaucoup de choses à dire mais je n’arrivais pas à m’exprimer, je me suis alors approprié cet outil, le cinéma »

Fais croquer est une expérience de maturité où le héros, exposé à l’isolement entre rêves et humiliations, déclenche le rire et notre admiration. Discutons-en avec son réalisateur et coscénariste, Yassine Qnia.

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© Millerand

Tu disais que tu avais besoin de connaître les comédiens….

(Rires) Oui. J’ai besoin de connaître les comédiens dans leur vie, comment ils se comportent avec leur famille, leurs amis. Pour moi, c’est primordial. C’est ce qui me permet d’aller un peu plus loin dans le scénario et même dans le jeu. Parce que certaines fois, lorsqu’ils sont contents ou contrariés, certains de mes potes font des têtes ou des mimiques bien à eux, et le savoir m’aide. Quand je suis occupé sur le scénario ou sur le tournage et que je n’arrive pas à avoir ce que je veux, je leur dis : « Mais, si, rappelle-toi ! A tel moment quand lui, il a fait ça et toi, tu as fait telle mimique, tel geste… ». Du coup, c’est plus simple parce que je les connais un peu.

Combien de temps te faut-il pour connaître les comédiens, leur environnement ?

Ah, il faut du temps ! D’habitude, je ne parle même pas du film avec la personne. Je n’ai même pas envie de lui parler de ça. J’ai juste envie de la connaître et de sympathiser avec elle tout simplement. Je ne le préviens pas, je ne lui dirai rien et je continuerai à faire sa connaissance, à rigoler avec elle, pour voir à quel moment, je peux l’intégrer dans le projet et si elle s’y intègre aussi, si elle peut l’emmener plus loin. Ça a été le cas pour Fais croquer. Les comédiens étaient tellement faits pour leurs rôles qu’ils ont porté le film.

Donc, tu ne crois pas au principe des casting….

Absolument pas. Je suis contre les castings mais alors, à 300%. Ca fait peut-être bizarre de dire ça parce que je suis jeune. Ça fait le mec qui se la raconte (sourire). Tu peux faire des bonnes trouvailles dans les castings, mais après, il faut connaître la personne. Tu prends quelqu’un, tu le prends tout de suite, mais c’est compliqué parce qu’un film, d’abord, tu l’écris. Tu mets beaucoup de ton temps, de ta vie, beaucoup d’amour et beaucoup d’émotion et tu prends quelqu’un que tu ne connais pas C’est bizarre. (….) Après, ce qui m’importe, c’est de savoir si j’aime le comédien ou pas, si j’ai envie ou pas envie de jouer avec lui.

Oui, mais comment rencontrer les gens ?

C’est ça, le truc. Je ne sais pas. Il faut écumer les soirée, dès que tu entends parler d’une soirée théâtre, d’une soirée concert, tu y vas. Le plus important, c’est les festivals de cinéma, parce que tu y fais de bonnes rencontres. Tu parles de ton film avec d’autres personnes. Pour Fais croquer, c’est un peu facile pour moi parce que je l’ai fait avec des gens que je connais depuis que j’ai 12-13 ans. Je sais qui est qui, comment je peux obtenir des choses à tel moment. C’est magnifique quand tu connais bien les gens. Il n’y a pas de règles, mais, moi, je travaille comme ça en tout cas.

Tu n’as jamais été naïf à propos du cinéma ?

Je ne sais pas. J’ai été très tôt humilié ou charrié. Tout le temps, quoi. Dès que tu avais des rêves, tu te faisais tout le temps humilier par tes potes, tes camarades. C’est le sport national, ici (sourire). Du coup, je n’aurais pas eu de prétention parce que je me faisais bien charrier.

Tu as besoin de bien connaître les lieux pour filmer…

Salma Cheddadi, une réalisatrice, dit quelque chose de magnifique : « J’ai besoin de ne pas connaître les lieux pour pouvoir mieux voir ». Quand tu es habitué, tu ne vois pas les choses, je trouve ça intéressant, alors que moi, l’endroit où j’ai grandi m’inspire. Peut-être aussi que je suis lucide. Je suis géomètre de profession, je ne sais pas si ça m’a aidé ou pas dans cette profession, mais je m’intéresse aux détails.

Comment fais-tu pour te démarquer de tout ce qui a déjà été dit sur la banlieue ?

Comment je fais ? Je me centralise sur une personne. C’est dur de dire ça parce que c’est mon premier film, mais même dans les prochains, je me centraliserai sur une personne tout le temps. Une. Un personnage. Je n’essayerai pas d’avoir une vision globale sur un film comme si j’étais porteur d’un message. Parler d’une personne est, pour moi, plus profond. Là, j’ai fait un film en banlieue parce que c’est chez moi. Mais tu vois, Fais croquer aurait pu se faire en Lorraine ou à Bangkok : il s’agit d’une personne qui veut faire son film en fonction de son entourage.

En 22 minutes, dans Fais croquer, pas mal de sujets qui sont abordés : la malbouffe, l’échec scolaire, l’illettrisme, la dyslexie, le racisme, le surpoids….

Plein de choses. Le rapport au groupe pour pouvoir exister alors qu’on sait qu’on est inférieur physiquement, par exemple. L’histoire parle d’une personne et de sa façon d’interagir avec son environnement. On était quatre à l’écriture (Carine May, Hakim Zouhani, Mourad Boudaoud et moi-même) et on était tous conscient de ça à ce moment-là. Pour commencer, on était très méchant entre nous (sourire). On savait qu’on ne nous ferait pas de cadeaux. On était très exigeant entre nous pendant l’écriture du scénario. On se ridiculisait : « C’est de la merde, ce que t’as fait ! ». Mais on gardait en tête le fait que l’histoire partait d’une personne. On est une personne mais on est aussi le monde. C’est beau ce que je viens de dire (rires).

Tu disais tout à l’heure que c’était ton premier film, mais avant ça, il y a eu pas mal d’ateliers.

J’ai fait beaucoup d’ateliers, oui. Je travaillais sur les chantiers en tant que géomètre et j’en avais marre parce que j’avais l’impression de grandir un peu plus vite que mes camarades. Je ne voulais pas passer le cap de l’adolescence à celui de l’âge adulte. J’ai dit aux gars : « Il faut qu’on fasse un film, qu’on écrive des choses ». L’OMJA (l’Office Municipal de la Jeunesse d’Aubervilliers) a crée un festival qui s’appelle Génération Court qui est parrainé par Luc Besson et Anne-Dominique Toussaint. Je ne sais pas pourquoi Luc Besson a voulu le parrainer car on ne le voit jamais (rires), c’est pour ça que j’ai voulu le charrier un peu dans Fais croquer (dans le film, lorsque ses potes lui citent Luc Besson, l’acteur M’Barek Belkouk, alter ego de Yassine Qnia répond : « Luc qui ?! »). Néanmoins, il donne un peu d’argent, c’est quand même respectable. Des jeunes qui ont envie de faire un film sont suivis pendant un an pour qu’ils puissent faire un petit film d’atelier.

Comment ces jeunes sont-ils retenus ?

Sur un synopsis et une lettre de motivation aussi. Il n’y a pas de territoire : ce n’est pas parce que ça passe à Aubervilliers que les personnes doivent y vivre. J’encourage vraiment toutes les personnes qui ont envie de cinéma de suivre ce festival-là, parce que c’est un peu une école. L’appel à candidature se fait en septembre, la sélection se fait en octobre. On est entre 8 et 12, pas plus, par atelier. Ensuite, on te suit : tu as droit à des petits stages de trois jours en scénario, de deux jours en image, d’un jour en montage. Ensuite, on te donne trois jours pour faire ton film avec un budget d’à peu près mille euros et tu es accompagné, non par des éducateurs mais par des professionnels de l’image. Marianne Tardieu (réalisatrice formée à l’institut Louis Lumière) m’a par exemple suivi, elle a d’ailleurs fait l’image de mon film, Fais croquer et j’espère qu’elle en fera d’autres aussi. Quand tu es jeune et que tu apprends avec des gens comme ça, on te fait pratiquer tout de suite. On ne te fait pas faire une analyse de film, on te demande de créer tout de suite. Tu racontes ton histoire, ce qui te tient à cœur : on te conseille dès le début de raconter des choses qui te sont proches.

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C’est à partir de quel âge ?

Il y a les jeunes pousses de 13 à 20 ans, puis, les adultes, de 20 à 25 ans. Le gagnant de ce festival se voit offrir une formation dans une école de cinéma grâce au soutien financier de la mairie, de Luc Besson et des partenaires. Moi, je n’ai pas gagné (rirse), mais six personnes ont bénéficié d’une formation pendant trois ans. C’est énorme, c’est beaucoup d’argent. Voilà comment je me suis formé, en participant à d’autres projets, et en faisant mon film. Pour moi, c’est intéressant de faire les choses tout de suite pendant que l’on te fait croire que tu es un génie (rires). Ce qui est important, c’est de créer tout de suite.

Rappelle-moi comment tu as connu ce concours.

(Rires). Je voulais encore m’amuser avant de grandir. Et puis, une fille mignonne l’avait passé, donc j’ai dit à mes potes : « On va faire un film et s’il est réussi, on pourra la revoir ! ». Et puis, j’étais aussi un peu complexé. J’avais beaucoup de choses à dire mais je n’arrivais pas à m’exprimer, alors, je me suis approprié cet outil, le cinéma. Et puis, après, une chose en amène une autre. Mon tout premier film, avant Fais croquer, il ne faut pas le voir (rires). C’est une histoire d’arnaque à la con. Mais une fois que tu comprends un peu l’outil cinéma, tu te dis que tu peux faire des choses intéressantes.

C’est quoi, l’outil cinéma ?

L’outil cinéma, c’est quand tu filmes une personne simplement. L’image et le son tout simplement. Je ne sais pas, j’ai mes codes à moi… Je suis Bressonien (sourire). C’est important de connaître les personnes, d’avoir des modèles. Il n’y a pas de musique dans mes films.

Pourquoi ?

Cela n’a pas lieu d’être. Des fois, tu sens les choses sans avoir besoin d’en rajouter. La musique, comme dit Bresson, est un puissant modificateur. Des fois, dans les films, on te met une musique pour te faire comprendre qu’à tel moment, tu dois avoir peur ou être triste. Tu n’as pas besoin de ça, c’est faux. Dans la vie, quand tu es triste, quand tu viens de te faire quitter par ta copine, tu n’as pas une petite musique derrière qui surgit. Tu sais que tu es triste, tu le sens derrière ton regard, tu n’es pas bien.

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Avec les comédiens, vous répétez beaucoup ?

On ne répète absolument pas. Mais par contre, on fait beaucoup de prises. J’ai un problème avec mes comédiens parce qu’ils sont très fainéants ! Ils ne m’écoutent pas vraiment. C’est un peu dur. J’espère que par la suite, ils vont comprendre et que l’on pourra explorer d’autres choses. Là, on rigole mais il y a d’autres choses que j’ai envie d’aller chercher dans le « ventre » des gens. Avec eux, on ne répète pas, ils ne veulent pas répéter ! Le premier film que j’ai écrit faisait 13 pages. Les gars ne voulaient pas lire : c’était trop long, 13 pages (rires) ! Mais ça a été. Les gars arrivaient sur le tournage, ils n’avaient pas lu le scénario, alors, on faisait une lecture. Ils m’écoutaient, c’était cool de leur part.

Tu dis que dans ton film, il n’y a pas de musique. Pourtant, je suis surpris par le générique de fin de Fais croquer.

C’est mon pote musicien, Madibé Cissé, qui a grandi avec nous, qui a toujours été « barré » qui l’a faite. Je suis né avec le rap, j’ai écouté ça toute ma vie. Mais quand j’ai commencé à grandir et à réfléchir, les musiques, pour moi, étaient comme des clés. C’est dur ce que je vais dire mais ce n’est pas parce que j’habite en banlieue que j’écoute uniquement du rap. On a des grands rappeurs qui habitent ici et j’aime beaucoup le rap mais j’ai eu envie de changer. (…) Et Madibé, il est là dedans. C’est pour ça qu’on a choisi ce son et non du rap. Et puis, la musique qu’avait faite Madibé était un peu mélancolique. J’aimais bien cela.

Comment est apparue l’idée des deux mômes à trottinette, les deux petits caïds ?

Ayant bénéficié des ateliers de l’OMJA, je m’occupe depuis trois ans de jeunes pousses qui ont 12-13 ans. Je les aide à faire leurs films. Ceux-ci sont mis en compétition et c’est un peu « la guerre » des quartiers. Toute l’année, ils m’ont pris la tête : « Yassine, quand est-ce qu’on fait un film ? Quand est-ce qu’on fait un film ? ». Ca m’a donné l’idée d’écrire une scène sur des jeunes, comme eux, qui m’embêtent, mais dans la scène, il n’y avait qu’un seul petit. Le jour du tournage il y a eu un autre môme qui était grave jaloux, qui ne voulait pas que l’autre fasse la scène sans lui. Ils se sont disputés : « C’est moi, le meilleur ! », « Non, c’est moi le meilleur ! ». Donc, c’était compliqué, on les a fait répéter la scène à deux et séparément, et ça se mariait bien. Ca a été une chance du tournage. Ce n’était pas dans le synopsis. Il a fallu avoir l’humilité de comprendre et d’accepter que c’était mieux que ce qu’on avait écrit.

Il y a plein de sujets sensibles dans Fais croquer mais ils sont très bien servis par l’humour.

Ça fait passer plus de choses (rires) ! Mais, ça, c’est une vieille recette, ce n’est pas moi qui l’ai inventée. Encore une fois, j’ai été bien accompagné. On a écrit le scénario à quatre. Le scénario s’est écrit en deux mois. Ce n’est pas beaucoup mais c’est quand même deux mois de travail, quatre personnes, quatre cerveaux. Et, oui, l’humour, fait triompher, toujours. Des fois, c’est marrant parce qu’on n’est pas pris au sérieux. Certaines personnes trouvent que c’est un film sans ambition. Ca me fait toujours rire. Je le prends bien, parce que je pense être capable de faire un film sérieux. Mais un gars qui fera un film sérieux ne sera pas capable, je pense, de faire ce qu’on a fait sur Fais croquer.

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Un film sérieux ?

Un film qui se prend trop au sérieux, où tu demandes à quelqu’un de faire des choses basiques. Faire rire, ce n’est pas simple. Faire un film où la personne n’est pas contente contre son employeur, faire crier deux personnages, pour moi, c’est simple, encore faut-il que ce soit bien joué évidemment. Mais faire rire, trouver des situations qui sont marrantes, dénicher des têtes, des comédiens capables de faire passer des émotions, ça, ce n’est pas simple.

Pendant que vous tourniez ces scènes-là, vous arriviez à en rire ?

Ah, ouais. On était mort de rire. J’ai eu un petit choc au montage. Je me suis demandé si on avait fait un film marrant ou pas (rires), parce qu’il y avait quand même des trucs durs dans le film. Il y a une règle dans la comédie qui date maintenant : c’est souvent des choses les plus dures que l’on rigole le plus. Dans le film, le héros se fait quand même ratatiner. Comme ça me touchait beaucoup, vu que c’est une histoire personnelle, j’ai beaucoup appris en faisant ce film sur qui j’étais. Il y avait des moments, au montage, où j’avais mal, mais on en rigolait. A la base, c’était fait pour ça. Je vais dans la comédie. J’aime bien les situations burlesques, les films de situation. J’aime bien rire.

Tu as prévu de faire d’autres courts ? Es-tu pressé de faire un long ?

Je ne suis pas pressé de faire un long. Je suis pressé de faire d’autres courts métrages. Mais le souci, c’est que, quand Fais croquer a commencé à tourner, on a reçu une proposition d’en faire un long métrage. C’est bizarre de refaire un peu le même film. On avait réussi à négocier que l’on ne prendrait aucune scène du court métrage et qu’on irait, si possible, plus en amont : qui est Yassine ? Que se passe-t-il après l’histoire de Fais croquer ? Je suis donc en écriture du long métrage mais je suis pressé de faire d’autres courts métrages. Après le long, si tout se passe bien, j’attaque sur du court et du documentaire.

Qu’est-ce qui te fait préférer le court ?

J’aime bien la forme brève et la liberté du court métrage. Tu n’as pas ça en long métrage où tu dois rendre des comptes. Quand tu écris quelque chose et que tu veux le faire avec un comédien que tu aimes, même s’il est bon, il n’est personne si il n’est pas connu. Et en commençant à faire du long métrage, toi aussi, tu es personne. Il faut l’accepter, plus le fait qu’on ne met pas deux ou trois millions d’euros sur des inconnus. Il faut que le film puisse marcher, rapporte de l’argent, c’est la règle du jeu, il faut la comprendre. Mais personnellement, ça ne me dérange pas de faire des films qui ne sont pas vus en salle; pour le moment, je n’ai pas envie qu’on m’impose une vedette pour que mon film puisse marcher. Ca me poserait problème que mon film intéresse les gens pour un nom et non pour ce que j’ai à raconter. Je ne suis pas du tout humble avec ça (rires) ! C’est pour ça que j’aime bien le court métrage : tu es subventionné, tu es libre, tu fais ce que tu veux.

Certains réalisateurs font pourtant des films avec des comédiens peu connus…

Oui, il y a Bruno Dumont dont j’aime beaucoup le travail et Jacques Audiard à ses débuts. Moi, j’aime bien l’idée de progresser petit à petit, d’y aller doucement, de ne pas être trop pressé. Je ne veux pas me faire piétiner et qu’on me demande de « cibler » mon public. C’est un truc qui m’exaspère, moi, je n’ai pas envie de cibler mon public ! Après, ce que je dis, c’est quand même un peu égocentrique, c’est très mal. Des fois, en discutant avec d’autres personnes, je m’entends dire : « Yassine, redescends un peu sur terre… ».

Franck Unimon

Article associé : la critique du film

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Concours « 21/12/2012, Le Jour le plus court »

A l’occasion du « Jour le plus court » initié par le CNC le 21 décembre 2012, Court-Circuit propose un nouveau concours de courts métrages ouvert à tout public. La date limite de participation est fixée au 21 octobre 2012.

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Les prix et les partenaires

Premier prix du jury professionnel : achat du court métrage par ARTE France.

Deuxième prix du jury professionnel : achat du court métrage par ARTE France.

Premier prix des internautes :

– bon d’achat de 100 euros à choisir sur arteboutique.com.
– un abonnement d’un an au magazine BREF.

Deuxième prix des internautes

– bon d’achat de 50 euros à choisir sur arteboutique.com.
– un abonnement d’un an au magazine BREF.

Les 5 films nominés aux Cartoon d’Or 2012

Cinq films sont en lice pour le Cartoon d’Or 2012, le prix du meilleur court métrage d’animation européen. La cérémonie de remise de prix aura lieu le 13 septembre 2012 à Toulouse lors du Cartoon Forum, la plate-forme de coproduction pour les séries d’animation.

Les cinq finalistes sont les suivants :

– « Edmond était un âne«  de Franck Dion (France, Canada)

– « Flamingo Pride » de Tomer Eshed (Allemagne)

« Oh Willy… » d’Emma De Swaef & Marc James Roels (Belgique, France, Pays-Bas)

« Tram » de Michaela Pavlatova (France, République tchèque)

– « Zing » de Kyra Buschor & Cynthia Collins (Allemagne)

Le jury du Cartoon d’Or 2012, composé des réalisateurs Alain Gagnol (France), Giuseppe Lagana (Italie) et Esben Toft Jacobsen (Danemark), a sélectionné les cinq finalistes parmi plus de 30 courts métrages. Pour participer au Cartoon d’Or, les films devaient avoir été primés à l’un des grands festivals d’animation européens, partenaires de CARTOON.

La cérémonie de remise de prix, qui se déroulera le 13 septembre au Théâtre national de Toulouse (TNT), débutera par la projection des films devant un public de professionnels de l’animation présents au Cartoon Forum. Le vainqueur remportera un trophée ainsi qu’une aide financière de 10 000 EUR, grâce au soutien du Programme MEDIA de l’Union européenne.

Fais croquer de Yassine Qnia

Yassine, jeune réalisateur, veut tourner un film dans sa ville, à Aubervilliers, avec ses amis. Ceux-ci sont volontaires. Leur façon de s’engager dans le processus du tournage diffère du sien mais Yassine est une forte nature.

Un tournage dans une cité, en banlieue, aujourd’hui. Quatre jeunes Français d’origine arabe et kabyle. Un caméscope numérique qui pourrait avoir été racheté dans une brocante. Celui-ci est accroché au tour du cou du réalisateur, Yassine (alter ego du réalisateur de Fais croquer, Yassine Qnia) avec une bandoulière de marque….Apple. Lorsque Yassine (l’acteur M’Barek Bellkouk, remarquable) rallume son caméscope après avoir donné ses indications, le niveau d’autonomie de la batterie apparaît, à moitié pleine, alors que l’on entend l’ordre de tourner la scène suivante.

Le recours à des zooms, à des cadrages grossiers ainsi qu’au jeu exagéré des comédiens nous poussent à croire qu’on est devant une mauvaise copie de certains films sur la banlieue alors que deux jeunes mettent en boîte leur ami, Mounir, piètre comédien qui sait à peine lire.

Les premières secondes de Fais croquer, déjà lauréat de plusieurs prix dont le Prix Spécial du Public au Festival Côté Court/édition 2012, peuvent tromper. Car très vite, on s’aperçoit que l’on a mal jugé ce film. Son titre est à double sens comme plusieurs de ses scènes. Si l’expression « fais croquer » nous est expliquée par l’amusante évocation de Saint-Denzel Washington (à la troisième minute du film), le réalisateur Yassine Qnia et ses co-scénaristes Carine May, Hakim Zouhani et Mourad Boudaoud sont les grands croqueurs de l’histoire.

En 22 minutes, Fais croquer croque la malbouffe, le surpoids, l’échec scolaire, l’illettrisme, la dyslexie, l’amitié, le racisme, la résignation d’une jeunesse inemployée coexistant en bon voisinage avec la play-station et un petit joint de temps en temps. Et bien davantage…c’est dire l’appétit de ce film et aussi sa nécessité de consistance.

De tels sujets pourraient très vite être déprimants. Mais comme dans toute bonne comédie, Fais croquer dit un certain nombre de vérités avec le sourire. Et ça passe. Nous sommes devant un « film de DJ » où l’image et les dialogues sont l’équivalent d’un vinyle multipistes qu’un DJ prend plaisir à jouer. Les thèmes abordés sont bien dosés, pas de temps mort ou de lourdeur.

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Le racisme ? Ici, on fait dans le racisme à rebrousse poil. Yassine refuse un rôle à Rudy (le nouveau Denzel Washington), son pote et voisin…parce qu’il est noir. Il le lui explique avec une sincérité si naïve que cela en est très drôle. Puis, il octroie un rôle à un « Grand Norvégien aux yeux bleus » pour jouer un personnage qui s’appelle…Samir. Et Rudy, toujours dans les parages, saura le lui rappeler, lorsque, sous la pression du groupe, Yassine devra mettre un terme au CDD de quelques minutes attribué au dit « Grand Norvégien ».

Si le film a sa propre tonalité et évite ainsi les secteurs « classiques » tels que l’intrigue amoureuse, le rap, la police, la prison ou la violence, il faut tout de même un peu de vibration sexuelle qui s’avère, là, très hétéro-centrée. Donc cherchez la femme. Il y en a quatre. La mère de Yassine (la vraie mère du réalisateur) qui le surprend en pleine nuit en plein délit de renforcement alimentaire devant le réfrigérateur familial alors qu’il peine à s’endormir. Et les trois comédiennes du casting. L’une permet d’aborder la question du voile et de la religion. L’autre est l’antithèse de cet idéal féminin vanté au cinéma et dans les pubs. Enfin, la dernière est celle qui réveille ce qui reste de mobilisable chez ces jeunes garçons malgré leur désoeuvrement optimal, et ouvre le chapitre de ce qu’est le cinéma responsable selon Qnia. Il n’y a aucune ambiguïté : pour Qnia, une véritable actrice est d’abord celle qui sait jouer et, autant que possible, hors des productions commerciales comme celles soutenues par Luc Besson. Ce parti pris se doit d’être évoqué lorsque l’on a une idée du pouvoir économique et de l’aura de Luc Besson en rapport avec ses projets divers dans le 93 où se déroule l’histoire.

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Et puis, il y a aussi ces deux mômes à la voix grave, deux petits noirs d’une dizaine d’années, parodies de caïds en échec scolaire qui se déplacent en trottinette. Ils veulent aussi en être, du tournage. Comment en-ont-ils entendu parler ? On comprend que tout se sait dans le quartier. Le bon comme le mauvais ; et si pour ces deux petits, l’école semble déjà s’éloigner d’eux, ils ont encore le choix entre l’art et le sport. A condition de pouvoir rêver. Sauf que ce qui les fait rêver, c’est la célébrité et l’immédiateté. Leur face à face avec Yassine qui hèle alors ses amis depuis la rue (lesquels sont occupés à jouer à la play-station) peut encore nous faire rire. Entre Yassine, alors isolé, plus proche du mendiant ou du SDF que du réalisateur prestigieux, et ces deux gosses à trottinette qui s’adressent à lui presque d’égal à égal afin d’obtenir un emploi sur son tournage, difficile de savoir avec certitude lequel est le plus à la rue. Ce qui inquiète déjà néanmoins, c’est que ces deux mômes, aujourd’hui hilarants, pourraient tout aussi bien plus tard entendre parler d’un braquage en préparation et demander de la même façon à en être.

Fais croquer aurait pu être un film dramatique tant nous sommes loin d’un univers avec plages et cocotiers, cocktails et canapés, aux infinies facilités financières et relationnelles. A la place, il nous offre sa jeunesse, son humour et leurs multiples possibilités.

Franck Unimon

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Article associé : l’interview de Yassine Qnia

F comme Fais croquer

Fiche technique

Synopsis : Yassine, jeune cinéphile passionné, veut tourner un film dans son quartier. Il souhaite associer ses amis d’enfance à son projet. Mais l’amitié a parfois ses travers….

Genre : Fiction

Durée : 22′

Pays : France

Année : 2011

Réalisation : Yassine Qnia

Scénario : Carine May, Mourad Boudaoud, Yassine Qnia, Hakim Zouhani

Interprétation : M’Barek Bellkouk, Rudolph Mendy, Smaïl Chaalane, Mohamed Farhoud, Mounir Idris

Image : Marianne Tardieu

Son : Clément Maleo

Montage : Linda Attab, Clément Maleo

Production : Nouvelle Toile

Articles associés : la critique du film, l’interview de Yassine Qnia

Short Screens #18 : le court métrage sur grand écran

Séance estivale ce 26 juillet à Short Screens avec sept films d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui! Rendez-vous à l’Actor’s Studio, Bruxelles, à 19h30! PAF 5€

Découvrez la programmation ci-dessous :

Dans le cochon tout est bon d’Iris Alexandre, Belgique / 2011 / Animation / 4’

Du cochon vivant au banquet de cochonnailles, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

The Solitary Life of Cranes d’Eva Weber, Royaume-Uni / 2009 / Documentaire / 27’

Symphonie urbaine et poème visuel, La Vie solitaire des grues explore la face cachée de la ville, ses formes et ses secrets, vus à travers les yeux des grutiers perchés au-dessus de leurs grues.

A Heap of Trouble de Steve Sullivan/Royaume-Uni / 2001 / Fiction / 4’

La tranquillité d’une petite ville de province est soudainement perturbée.

Andong de Rommel Milo Tolentino, Philipines / 2008 / Fiction / 20’

Hanté par une idée fixe, un garçon de six ans, pris entre sa mère et son petit frère, découvre la vraie valeur de vingt pesos durement gagnés.

Zeitriss de Quimu Casalprim i Suárez, Allemagne / 2009 / Fiction expérimentale / 11’

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Dans le salon, la femme est assise à côté de l’homme et ne dit rien.
C’est la fin, et en même temps cela marque le début d’une transformation de la suite logique des événements.

Saute ma ville de Chantal Akerman /Belgique / 1968 / Expérimental / 13’

Une jeune fille rentre joyeuse chez elle. Elle s’enferme dans sa cuisine et détraque le monde ménager.

Music For One Apartment and Six Drummers de Ola Simonsson, Johannes Starjne Nilsson, Suède / 2002 / Fiction / 10’

Six musiciens profitent du départ d’un couple de personnes âgées pour investir leur appartement et donner à partir de simples objets, un concert.

18ème Festival de courts métrages de Louvain : appel à films

L’équipe de l’International Short Film Festival Leuven prépare une nouvelle édition, du 1er au 8 décembre 2012, au Arts Center STUK et au Cinema ZED à Louvain en Belgique. Le programme comprend plus de 120 séances, réparties en 5 catégories différentes : fiction, animation, clips, documentaires, films non-narratifs. Chaque année, le festival accueille quelques 280 courts métrages du monde entier. Ces jours-ci, il lance son appel à films pour la compétition européenne ainsi que pour les sélections hors compétition.

Compétition européenne 2012

Concerne les films de fiction uniquement. Seront décernés le Prix ​​du Jury pour le meilleur court métrage (2.000 euros) et Prix du Public du meilleur court métrage (1.500 euros).

Conditions d’accès :
-Durée : max. 40 min
– Terminé après le 1er Janvier 2011
Production majoritaire européenne
Date limite d’inscription : 1er Août 2012

Compétition flamande 2012

Seront décernés le Prix du Jury pour le meilleur court métrage, le Prix du Public du Meilleur Court Métrage, le Prix des Meilleurs Débuts, le Prix du meilleur film d’animation, le Prix de la meilleure vidéo musicale

Conditions d’accès :
– Durée : max. 40 min
– Terminés après le 1er octobre 2011
– Production majoritaire flamande
– Date limite d’inscription : 28 Septembre 2012

Compilations internationales non compétitives 2012

Comprend le Labo (courts métrages et vidéos non-narratives), courts métrages d’animation pour enfants et courts métrages d’animation pour adultes

– Seule condition d’entrée : durée max. 40 min
– Date limite d’inscription : 1er Août 2012

Pour plus d’infos, consultez le site web du festival.

Yeguas y cotorras de Natalia Garagiola

Natalia Garagiola, jeune réalisatrice argentine, était à Cannes cette année pour présenter son deuxième court métrage, « Yeguas y cotorras », un film intime et sensible, lors de la 52e Semaine de la Critique.

Derrière ce titre un peu étrange qui signifie littéralement « Juments et perruches », on retrouve les deux moments forts qui marquent le film, la scène d’exposition et le retournement final : le début où l’on découvre Delfina, une jeune femme au physique angélique qui s’en prend violemment à des perruches, juste à cause du bruit qui la dérange; puis, le climax du film où trois jeunes filles évoquent un souvenir d’enfance marqué par une jument, lequel réveille chez elles, de vieilles rancunes et disputes..

« Yeguas y cotorras » relate l’histoire de trois meilleures amies qui se retrouvent la veille du mariage de l’une d’elles, Delfina, dans sa maison de campagne familiale. Là, les trois jeunes filles partagent leurs doutes, leurs souvenirs, leur affection mais aussi leur rancœur, le tout dans un climat qui mêle violence, sensualité et tendresse.

Elles sont jeunes, belles, riches et ont apparemment tout pour être heureuses. Pourtant, leur bonheur apparaît comme superficiel car elles sont en réalité victimes de leur condition de petites filles privilégiées, avec le devoir, voire l’obligation de suivre les règles qu’on leur impose. Elles subissent alors cet enfermement social, sans avoir ni la force, ni le courage d’y renoncer. Seule l’une d’elles, Ana, semble résister au moule dans lequel on veut la faire rentrer. Seulement sa différence attise les jalousies et fait naître des rivalités, puisqu’elle représente en quelques sortes, cette part obscure et indisciplinée, qu’envient les deux autres.

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Cliquer sur l’image pour voir le film

Sur le plan formel, Natalia Garagiola suit ses trois héroïnes à travers des tableaux en enfilade à travers les différentes pièces de la maison qu’elle filme, un peu à la manière d’un Lars Von Trier dans Melancholia observant les préoccupations de petites filles riches dans le décor aisé d’une immense maison. Quant à l’esthétique du film, on comparera le travail si féminin de Natalia Garagiola à celui de Sofia Coppola. Non seulement les comédiennes argentines auraient pu sortir tout droit de Virgin Suicide, tant physiquement par leur blondeur et leur beauté, que moralement par leur fragilité alliée à leur force intérieure. La manière de filmer rappelle également le travail de la réalisatrice américaine : les cadres touchent à l’intimité des personnages et l’image léchée, légèrement surexposée avec un petit grain visible, offre toute la sensibilité et la matière aux personnages.

On aurait pu considérer ce film comme une simple contemplation des petits problèmes de riches cohabitant avec l’opulence et la splendeur, mais détrompons-nous : nous avons bel et bien affaire à un film social qui pointe du doigt un réel malaise ; celui de l’enfermement et le fait d’en être victime ad vitam æternam.

Camille Monin

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Article associé : l’interview de Natalia Garagiola

Demain, 64ème apéro-projo/Soirée Geek

Festival permanent et rencontres du cinéma émergent, les Apéros-Projos vous confrontent le 1er vendredi du mois à un panel éclectique de nouveaux talents. Vendredi 07 juillet, Collectif Prod vous invite à découvrir les nouveaux maîtres du monde, à partir de 20h au Café de Paris, en présence des réalisateurs.

Au programme

21H (1ère partie) GEEKS

CONFESSIONS D’UN RETRO-GEEK de Sébastien Chantal (comédie – 6min50 – 2011 – ESAV) : Le Rétro-Geek est seul pour la Saint-Valentin. Après avoir dégusté un plat de sushis en forme de cœurs, il prépare sa pendaison. Quelles circonstances ont bien pu le conduire à cette terrible décision ?

LES FILLES SONT NULLES AUX JEUX VIDEOS de Stéphanie Mercier (animation – 2min28 – 2010 – Gobelins) : Une femme en compétition dans son travail avec ses collègues mâles se retrouve pénalisée en oubliant de prendre la pilule.

LE TOCARD DE LA FAC de Rodolphe Pauly (comédie – 14min16 – 2010 – Oscar & Rosalie et Les Films du Bois Sacré) : Brad est un nerd. Sujet des moqueries à la fac et sans succès auprès des filles…

SUPER GLENN FIGHTER GOULD de Olivier et Vincent Kimyon (mash up/expérimental – 3min41 – 2011 – autoproduction/Mutatis Mutandis) : Certains jeux vidéo sont un nouveau terrain dans le dépassement de soi. À la manière d’un sport, des individus se confrontent à eux-mêmes et aux autres. Mais ici, seulement la dextérité des mains est en jeu. Le corps s’efface au profit de l’activité mentale, tout le possible du «je» se concentre dans la main.

SPUF de Jérémie Périn (animation – 4min32 – 2009 – autoproduction) : Un lapin en pleine crise œdipienne (pilote de série).

LOSE ACTUALLY de Daniel Brunet et Liam Engle (comédie – 7min07 – 2011 – Black Bird Productions et La Machine à Ecrire) :
Samedi soir. Bob voulait juste rester chez lui, mais son pote Darius le traîne à une soirée. Toutes les excuses sont bonnes pour ne pas y aller…

mario

23H (2ème partie) EMERGENCES

CAN SKILLZ de Vincent Gatinaud (comédie/action – 6min36 – 2012 – France)

Avec Alex Vu, Constance Pizon, Gary Cothenet, KefiAbrikh, Clément Huet, Vincent Gatinaud : L’abus de « pouvoir » est dangereux pour la santé. Un jeune homme découvre qu’il a une capacité hors du commun. Son sentiment de puissance va rapidement le pousser à s’interroger sur les limites qu’il doit s’imposer… ou pas!

2 PAS SAGES de Rose-Marie Garcia Campos (drame – 14min07 – 2012 – Agneau. Production – France) : Suite à l’intervention de la police auprès des sans-papiers dans l’école de Silvia, Téodora et sa fille prennent la fuite. Cherchant un refuge, elles pénètrent dans des appartements d’inconnus…

MURS BLANCS, PEUPLE MUET de Dounia Georgeon (documentaire engagé – 15min45 – 2011 – France/Tunisie) : Au coeur de la Tunisie après la révolution, trois graffeurs, Moeen, Ismat et Hafedh, font désormais entendre leurs voix, armés de leurs bombes de peinture.

21 MARS de Roshanak Roshan (documentaire/animation – 9min – 2009 – ESAV) : « Norouz » est le nouvel an iranien qui a lieu le 21 mars de chaque année. La tradition majeure de « Norouz » est la nappe du « Haft sin »qui contient sept ingrédients spécifiques et symboliques, dont le nom commence par la lettre « S » en persan. Sur cette nappe, il existe également un poisson rouge. Le petit poisson rouge dit toujours son souhait mais personne ne le connait sauf mon doigt qui va vous raconter l’histoire du petit poisson rouge le « 21 Mars ».

QUAND HARRY RENCONTRE SALEM de Maxime Delayat (comédie légère – 10min26 – 2012 – 2euxièmeActe) : Sur son lit d’hôpital, un patient attend une greffe de coeur. Il faut agir vite. Harry doit se battre contre la montre pour livrer le coeur d’un donneur à temps. Mais c’est sans compter sur Salem qui, quant à lui, doit livrer des sushis.

POUR EN FINIR AVEC L’ECOLE… de Yoann Stehr (comédie/animation – 9min19 – 2012 – La Cambre – Belgique) : Ce film s’adresse particulièrement aux ratés, aux timides, aux obsédés, à tous les électeurs, à tous les militants, à tous les dégénérés, artistes, cultivistes et marchands, à tous les animateurs, professeurs, instituteurs et autres emmerdeurs, à tous ceux qui ont honte de se masturber, à Monsieur le Ministre de l’Educastration Nationale, aux pédachiottes, à Maman…

Infos

Vendredi 6/7 à partir de 20H. Entrée libre

Café de Paris : 158 rue Oberkampf – Métro Ménilmontant

Programmation : diffusion@collectifprod.net
Page Fan Facebook : ici.

Le jour le plus court, lancement de la deuxième édition

En miroir du solstice d’été consacré à la musique, Le jour le plus Court revient cette année en célébrant le film court le 21 décembre prochain.

Pour sa première année d’existence, en 2011, Le jour le plus Court a rencontré un véritable succès : plus de deux millions de personnes ont fêté le film court dans 350 villes de France.

Ouverte à tous et totalement libre dans sa forme, Le jour le plus Court est une fête dont vous pouvez vous emparer pour organiser des événements autour du court métrage. Car l’idée est aussi de créer un espace de rencontre et de partage dans une ambiance ludique et joyeuse, en accompagnant les projections d’happenings festifs et créatifs. Toutes les idées, toutes les volontés, même les plus originales, sont les bienvenues !

Vous pouvez organiser des événements dans tous les lieux et sur tous les écrans : cinémas, télévisions, internet mais aussi entreprises, usines, lieux alternatifs, établissements scolaires, centres de loisirs, maisons de retraite, hôpitaux, places publiques, gares, aéroports, musées, théâtres, centres culturels, médiathèques, restaurants, bars, centres pénitenciers, galeries d’art… ou commerciales, etc.

Vous êtes totalement libres de programmer les films de votre choix : professionnels, amateurs, autoproduits, vos coups de cœur, valoriser la production de votre région, mettre en lumière de nouveaux talents, tout est permis dans le respect du droit d’auteur et de conditions optimales de projection.

Pour vous aider, l’Agence du court métrage met à votre disposition un catalogue de 250 films, de tous les genres et de toutes les durées, dont les droits ont été acquis par le CNC pour le 21 décembre 2012.

Le site de la manifestation : www.lejourlepluscourt.com

Les Condiments Irréguliers de Adrien Beau

Deuxième court métrage d’Adrien Beau après l’onirique et envoûtant « La Petite Sirène », « Les Condiments Irréguliers », produit par Love Streams et Agnès B. Productions, est très librement inspiré par la vie de Marie Madeleine Dreux d’Aubray, Marquise de Brinvilliers, accusée au 17ème siècle de crime de fratricide par empoisonnement et exécutée, puis brûlée en place publique. Présenté en compétition à la dernière édition de Côté Court, « Les Condiments Irréguliers », de par son originalité et sa radicalité, dynamite le paysage actuel du court métrage français.

Film léché et élégant, à l’esthétique très travaillée, que ce soit dans le soin apporté aux costumes, à la décoration, mais aussi dans l’utilisation délicate et sensible de la lumière, « Les Condiments Irréguliers » est une oeuvre d’une beauté rare, qui marie allègrement humour sardonique et émotion à fleur de peau. Sublimé par la musique prégnante de Vincent Dumestre et Jordi Savall, ce film sans dialogue imprime longtemps la rétine et l’imaginaire de son spectateur.

Découpé en cinq grands actes, le récit évolue linéairement comme un grand poème morbide et ironique retraçant le funeste destin de la Marquise de Brinvilliers. Des faits historiques connus, Adrien Beau ne garde qu’une simple trame narrative et structurelle, plus intéressé par l’idée de proposer sa lecture personnelle des événements et de dégager une thématique et des obsessions qui lui sont chères.

Dans le premier acte, intitulé Exposition, des servantes viennent réveiller la Marquise et l’aider à s’habiller pour la rendre présentable pour la journée à venir. Cette dernière, émergeant d’un sommeil lourd, apparaît comme une marionnette sans vie, morne et triste, se laissant engoncer dans un habit-prison et dans des conventions routinières pesantes. On sent le personnage à l’étroit, en décalage total avec cet univers fade, ayant bien du mal à suivre le mouvement général.

Dès cette première scène, le réalisateur introduit un élément capital du récit, à savoir le poison dit de la mort aux rats. En effet, une des servantes s’accroupit pour ramasser le corps inanimé d’un rongeur sur le sol et en profite pour remettre quelques gouttes de ce poison sur un bout de nourriture. En associant cette action à l’état apathique de la Marquise, le réalisateur ouvre un champ de réflexion thématique et narratif pour la suite. L’entourage de l’héroïne nous est également présenté, à savoir une galerie de personnages fardés et plein de manies, que ce soit un curé subordonné à ses propres pratiques religieuses, un mari renfrogné, mangeant, sans une parole, à l’autre bout de la table, ou encore sa laide progéniture avec laquelle elle n’entretient que peu de rapport, laissant une gouvernante s’en occuper à sa place. Tous ces personnages répondent à des critères sociaux et religieux qui étouffent la Marquise et la retiennent en captivité.

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Dans le second acte, intitulé Evolution, la Marquise, voulant en finir avec cet état de non-vie, décide de tester le poison de la mort aux rats sur une servante, de manière plutôt innocente, comme une enfant. La servante avalant le verre sans se poser trop de questions est prise de convulsions et commence à danser de manière étrange, incontrolée, comme si elle était délivrée de sa condition, alors qu’elle s’approche inexorablement de la mort. Emerveillée par ce « spectacle », la Marquise est prise d’une passion irréfléchie pour l’empoisonnement et s’enferme dans sa chambre pour jeter des notes par écrit toute la nuit. En parallèle, elle commence à coudre un morceau de tissu rouge qui tranche avec le gris des vêtements qu’elle portait jusqu’alors.

S’ensuit un troisième acte, Péripéties, qui va voir notre héroïne s’en prendre à son mari, en empoisonnant sa soupe. Alors que celui-ci tente dans un ultime soubresaut de s’en prendre à elle et lui crache une gerbe de sang très rouge qui fraye avec ses habits gris, cette dernière semble satisfaite du spectacle qui lui est donné de voir. Elle reprend vie à mesure que les gens meurent autour d’elle. Elle ne se déplace plus avachie, mais évolue avec légèreté. A l’enterrement de son époux, elle n’est pas prostrée comme tous les autres, elle continue plutôt de coudre son « linceul » rouge, galvanisée.

Le quatrième acte, Catastrophe, décrit la plongée vertigineuse de la Marquise dans la folie créatrice. Après avoir commandé plusieurs fioles pour parfaire son « art » de l’empoisonnement, elle s’en sert sur sa propre fille en lui donnant un biscuit empoisonné pendant que celle-ci joue à la balançoire. Alors que le corps de la petite fille gît dans la neige, elle repart, le pas léger. L’entourage de la Marquise commence à prendre réellement peur, alors que de son point de vue à elle, tout cela n’est qu’amusement artistique. Le réalisateur convoque ici tout un pan de la cruauté des contes et glisse lentement vers la poésie noire et morbide.

A l’enterrement de sa fille, elle s’introduit dans la « maison de Dieu » de manière violente, jetant une lumière aveuglante sur tout ce petit monde, et leur donnant à tous des tartes empoisonnées. C’est son acte de création final, l’accomplissement de son oeuvre. Au cours de la séance d’écriture virevoltante qui suit, elle finit de jeter sur papier sa confession, devant les yeux horrifiés de sa fidèle servante. Cette dernière ramène une patrouille de mousquetaires à la demeure, mais la Marquise ne leur oppose aucune résistance, prête à affronter n’importe quel jugement.

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Le dernier acte, Dénouement, montre comment la Marquise se retrouve rattrapée par la vie sociale. Alors qu’elle est conduite à un gibet de potence pour être brûlée, on la découvre vêtue de ce fameux habit rouge qu’elle s’est confectionné, sorte de costume de scène détonnant, plein de vie, et qui l’aide à se donner en spectacle. Heureuse mais à deux doigts de craquer, elle offre une danse aux paysans qui assistent à l’exécution. Une seule personne parmi l’assemblée comprend ce geste et l’applaudit, c’est sa servante, postée en retrait, une fleur blanche à la main, qu’elle jette en larmes au bûcher. Cette dernière quitte alors la « scène de représentation » et s’éloigne vers un chemin ouvert et lumineux.

A travers cette histoire, Adrien Beau semble parler du rapport qu’il entretient avec la création artistique. Pour lui, la Marquise est une femme qui s’ennuie, étouffée par un quotidien trop vide. Elle a besoin de se sentir vivre, et pour cela, elle se doit de détruire les autres. La destruction appréhendée comme acte créatif : après chaque meurtre, la Marquise, prise de frénésie, se met à coudre ou à écrire. Elle existe enfin, elle n’a plus peur de disparaître sans rien avoir fait ou accompli, comme le demande si bien le dernier panneau du film : « Que diras-tu à Dieu, au récit de ta vie, Si le Vieil Homme dort ? S’il baille ? S’il s’ennuie ? « .

Ce film agit comme une profession de foi de l’auteur, il nous demande de ne pas obéir à une routine toute tracée, à une vie morne et sociétale, mais de se perdre dans la création, quitte à ce qu’elle détruise notre entourage ou nous-même. La Marquise apparaît comme la voix de l’auteur, dans le sens que c’est la voie qu’il défend et le chemin qu’il a choisi, coûte que coûte. La fidèle servante figure le spectateur, tout d’abord docile et obéissant, puis effrayé par l’ignominie perpétrée, et enfin compréhensif et sur le chemin de la libération grâce à la représentation finale. Comme son titre l’indique, « Les Condiments Irréguliers » est un film qui propose de relever le goût indolore de notre vie si conforme avec quelques « irrégularités » artistiques, quelques bouts de liberté en somme.

Julien Savès

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C comme Les Condiments Irréguliers

Fiche technique

Synopsis : « Les Condiments Irréguliers » est très librement inspiré de la vie de la marquise de Brinvilliers (1630-1676). Voulant mettre fin à ses jours en s’empoisonnant avec de la mort aux rats, la marquise décide de tester celle-ci sur l’une de ses servantes. Elle se découvre alors une passion pour l’empoisonnement, qu’elle envisage comme un art. Elle tue tour à tour son époux, sa fille et des personnes de son entourage, accomplissant ainsi l’œuvre de sa vie avant de finir sur le bûcher.

Genre : Fiction

Durée : 30′

Pays : France

Année : 2011

Réalisation : Adrien Beau

Scénario : Adrien Beau

Image : Antoine Aybes-Gille

Montage : Alan Jobart

Son : Jimmy Sert et Matthieu Langlet

Décors : Thomas Kertudo

Costumes : Anne Blanchard

Musique : Vincent Dumestre et Jordi Savall

Interprétation : Mélodie Richard, Erwan Ribard, Coline Veith, Anne Blanchard, Agathe Cury

Production : Love Streams et Agnès B. Productions

Article associé : la critique du film