Festival Côté Court de Pantin : le palmarès

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Du 10 au 20 juin 2009, avait lieu, à Pantin, la 18ème édition du festival Côté court, un festival de cinéma « différent, résolument indépendant, qui révèle de jeunes cinéastes et soutient de nouvelles formes cinématographiques ». Cette année, les films distingués sont…

Catégorie Fiction

–  Grand Prix : « Nice » de Maud Alpi

– Prix de la jeunesse : « Nice » de Maud Alpi

– Prix d’interprétation masculine : Sacha Gorce (pour « Nice » de Maud Alpi)

– Prix spécial du jury : « Forbach » de Claire Burger

– Prix de la Presse » : « Forbach » de Claire Burger

– Prix du Public : « Forbach » de Claire Burger

– Prix d’interprétation féminine : Michèle Moretti (pour « Valérie n’est plus ici » de Pascal Cervo)

– Prix du scénario : « Yoshido » de Sébastien Betbeder

– Prix de la Résidence : Nicolas Leclère pour son film Prendre l’air

– Prix Emergence : Leona Grenade pour « Partition oubliée »

Catégorie Expérimental-Essai-Art vidéo

Grand Prix ex-æquo : « Le lointain des profondeurs » de Patrick Dekeyser et « [vwa] » de Brigitte Perroto.

Prix du GNCR : « Rome » de Thomas Salvodor

Prix du Pavillon : « Le lointain des profondeurs » de Patrick Dekeyser

Le site du festival : www.cotecourt.org

L’Enclave de Jacky Goldberg

N’entre pas sans violence dans la nuit

De « L’Enclave », présenté à l’ACID (L’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion), il ne faudrait justement rien raconter, ou à peine, car tout le film, toute sa force, sa réussite, sa magie, réside dans ce fait même qu’on s’y laisse prendre par une économie de moyens renversante. Que la beauté de ce film est justement de tisser de manière très lâche une sorte d’accumulation de moments dans une matière narrative très ténue. Il y a trois séquences dans « L’Enclave ». Il y a trois plans fixes qui viennent se coudre au fur et à mesure les uns aux autres. Et puis il y a un travelling latéral, peu à peu, frontal, qui vient nous frapper au visage et nous terrasse à la fin (preuve qu’un film, lui, n’est sans doute jamais une enclave…).

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Pratiquement rien donc. Excessivement peu à raconter. Jacky Goldberg, plutôt journaliste aux Inrocks jusqu’ici, réalise un premier film d’à peine plus de dix minutes tout à fait saisissant. Quelques plans, fixes, où le temps s’écoule au fil de la lumière d’une journée plus ou moins banale. Ici, une sorte de petit carrefour d’un village. La caméra y revient tout au long de la journée, capte une sorte de train-train paisible et quotidien. Une mob qu’on répare, du linge qu’on étend, un film qu’on regarde le soir sur la télé sortie dans la rue, où l’on devine des poursuites et des revolvers… (où la réalité de la fiction rattrape bientôt la fiction de la fiction). Et un attroupement final face caméra. Comme si c’était de notre côté que quelque chose se passait. Ailleurs, une clairière dans les bois. Vide d’abord, puis pleine d’hommes, surtout noirs, qui y entrent sur la pointe des pieds, qui s’y reposent, parlent une langue qu’on ne comprend pas, échangent de la nourriture, s’enfuient d’un seul et même mouvement aux premiers aboiements lointains. Plus loin, avant, après, la nuit et ses bruits agités, les lampes, les pas, les chiens, les hommes qui courent. Et cette mob, la même, qui trace sa route dans la nuit, qui arrive au début du film, s’égare, réapparaît… Celle qui passe d’enclaves en enclaves. Jusqu’à un autre plan fixe, face caméra, vers nous de nouveau, comme une gifle.

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De ces images, à la fois très arrimées par leur fixité, et flottantes puisque raccrochées à rien, le film se dégage, s’élève doucement, anxieusement, depuis l’enclos que forment ces plans, comme autant d’îlots, liés ensemble de manière presque magique tant ils semblent imperméables les uns aux autres – à tel point qu’on aura le sentiment qu’un personnage vient littéralement d’une autre séquence sauter dans un plan qui ne le concernait pas – et pendant un bref instant, on pourra croire (espérer) qu’il s’échappe du film…

La beauté de « L’Enclave », avec ses plans fixes et son travelling, la puissance de ses hors champs, de ses hiatus et de son déroulement tranquille, c’est aussi de faire surgir, de rendre palpable, un imaginaire collectif. Dans le monde dans lequel on vit, aujourd’hui, un africain qui court dans les bois la nuit est forcément un clandestin qui fuit. Des lampes de poches dans cette même nuit et des chiens qui aboient, c’est forcément des gens – des flics ? – à ses trousses. Un village où le temps passe, ailleurs, juste à côté, c’est un village où les regards se détournent. Il y a là comme les évidences de ce qui traverse notre époque. Avec presque rien, d’une manière extrêmement fine et intelligente, Jacky Goldberg interroge notre regard, à la fois capacité à enclaver et à faire lien, réinventant pour nous notre place de spectateur. Et dans cet art dépouillé du cinéma, où un plan, une image évoque, d’un seul coup, un monde, où le film se tricote en nous dans ses hiatus, cette puissance même nous ébranle qui nous retourne la violence de notre regard en situation.

Anne Feuillère

Consulter la fiche technique du film

E comme L’Enclave

Fiche technique

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Synopsis : Un village où quelques habitants silencieux sont absorbés par de répétitives tâches. Une forêt où  une poignée d’hommes en haillons semblent attendre quelque chose. Et un homme, la nuit, en fuite.

Genre : Fiction

Durée : 11’

Pays : France

Année : 2008

Réalisation : Jacky Goldberg

Scénario : Jacky Goldberg

Images : Alexandre Léglise

Son :  Vincent Villa

Montage : Laurent Leveneur

Décor : Mathieu Henriot

Interprétation : Mamoudou Ba

Production : Cine Qua Non

Article associé : la critique du film

Palmarès des Lutins 2009

Jeudi 25 juin, au Cinéma Gaumont Opéra, à Paris, a eu lieu la douzième soirée des Lutins du court métrage, suivie de la projection de quatre films primés, « Les Miettes », « Skhizein », « C’est dimanche ! », et « 664 Km ». Allez, zou : voici le palmarès.

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Lutin du meilleur film : « Les Miettes » de Pierre Pinaud

Lutin du meilleur film d’animation : « Skhizein » de Jérémy Clapin

Lutin du public : « C’est dimanche ! » de Samir Guesmi

Lutin de la meilleure réalisation : Arnaud Bigeard pour « 664 Km »

Lutin du meilleur scénario : Gilles Taurand et Hélier Cisterne pour « Les Paradis perdus »

Lutin du meilleur montage : Jean-Christophe Bouzy pour « 664 Km »

Lutin de la meilleure photo : Isabelle Dumas pour « 664 Km »

Lutin de la meilleure actrice : Anne Coesens pour « 664 Km »

Lutin du meilleur acteur : Vincent Rottiers pour « 664 Km »

Lutin du meilleur son : Didier Lozahic, Rémi Desclaux, Bruno Auzet et Alain Féat pour « Tony Zoreil »

Lutin des meilleurs décors : Clément Colin pour « Les Miettes »

Lutin des meilleurs costumes : Claire Bégin pour « Les Paradis Perdus »

Lutin de la meilleure musique or »iginale pour un film : Gilles Alonzo pour « Les Miettes »

Lutin des meilleurs effets spéciaux : Jennifer Galewski pour « Les Miettes »

Lutin de la meilleure production : Dark Prince représentés par Wendy Griffiths et Stéphane Piera pour le film « Skhizein » et Les films du Worso représentés par Sylvie Pialat pour le film « La vie lointaine »

Le site des Lutins : www.leslutins.com

Patrik Eklund : « Le court métrage est une forme d’art à part »

Début mai, Bruxelles. Le réalisateur suédois Patrik Eklund est encore un inconnu (parfait, illustre) jusqu’à ce que son troisième film, « Instead of Abracadabra », soit découvert au Festival du court métrage de Bruxelles. Mi-mai, Cannes. Patrik Eklund est invité par la Semaine de la Critique à présenter son dernier court métrage, « Slitage ». Coups de fil, SMS, e-mails : une brève rencontre s’organise dans un couloir du Marché du film, à même le sol, devant de curieuses et nombreuses portes sans issue.

Premières figures, premières envies.

Enfant, le film qui m’a le plus marqué a été « Star Wars », mais  mon intérêt pour le cinéma est venu du skateboard. À l’âge de 12 ans, pour me divertir, je filmais des figures de skateboarding et des sketches avec mes amis, pendant les moments de pause. Quand j’ai eu l’occasion de monter ces images, et d’y ajouter de la musique, je me suis rendu compte que j’avais créé quelque chose, et que j’avais évolué par conséquent. L’idée de lier mon métier au cinéma s’est vraiment imposée après mes études. J’ai commencé comme stagiaire sur un long métrage, et par la suite, je me suis inscrit dans une école. Pour moi, le cinéma est un art parfait et très créatif parce qu’il englobe énormément de choses (la musique, l’image, le textuel,  …) en un seul mot.

Kulturama

Je me suis inscrit en réalisation à Kulturama, une école de cinéma et de vidéo de Stockholm. Là-bas, on était divisé en groupes au sein desquels on était censé s’initier à différentes pratiques pour mieux capter la réalité d’un plateau. Comme la photographie m’intéressait, je me suis tourné vers elle et en ai fait pendant un moment.

À Kulturama, tout se faisait de manière communautaire. Même le film de fin d’études était un projet collectif, et nullement personnel. J’ai travaillé sur ce film, en tant que chef opérateur, et non en tant que réalisateur, ce qui a fait que quand je suis sorti de l’école, je voulais plus que jamais devenir scénariste et réalisateur. Ce souhait s’est concrétisé peu de temps après, au moment où j’ai reçu une subvention pour tourner mon premier film [« One Christmas Morning »].

A. Affection. Antihéros

Le personnage de l’antihéros m’intéresse vivement. Sa singularité m’attire car il est très proche de la réalité, des vraies personnes, et des vraies situations. Dans mes histoires, j’aime insérer des personnes « normales » dans des situations anormales, et voir de quelle manière, ils sont amenés à devenir des « héros ordinaires »».

Masculins

Depuis le début, je travaille beaucoup avec Jacob Nordenson. Je le fais jouer dans tous mes films, y compris le dernier. Lorsque j’écris un scénario, si celui-ci comporte un personnage que Jacob pourrait incarner, la question ne se pose pas : le rôle est pour lui.

Pour « Instead of Abracadabra », mon film précédent, j’ai choisi comme acteur principal, Simon J. Berger, un acteur assez connu en Suède, ayant joué dans plusieurs séries télévisées. Il lui a fallu une simple moustache pour qu’il soit parfait pour le rôle de Tomas, le magicien raté !

Retour au court

Actuellement, je suis en train d’écrire mon premier long métrage. Je suis en plein travail, mais je pense revenir au court métrage, par la suite. J’adore ce format et la liberté qu’il offre. C’est une forme d’art à part, je trouve, qui peut être ludique, libre, et favoriser l’expérimentation. On pourrait croire qu’on apprend tout du long métrage, mais on peut vraiment extraire le meilleur du court métrage et découvrir une multitude de choses avec ce format.

Cannes

C’est la deuxième fois que je viens à Cannes, avec mes films. « Situation Frank », mon deuxième court a été retenu en 2007 par la Semaine de la Critique, et « Slitage », le dernier, a été présenté cette année, dans la même section. Indéniablement, une sélection à Cannes est très favorable à la carrière d’un film : sa vie se rallonge dans le circuit des festivals. Cela fait du bien d’être reconnu par les professionnels pour son travail, mais personnellement, je fais mes films pour le public. Si celui-ci les apprécie, c’est ce qui compte le plus, à mes yeux.

Propos recueillis par Katia Bayer. Retranscription : Adi Chesson

Article associé : la critique de « Instead of Abracadabra »

Consulter les fiches techniques de « Instead of Abracadabra » et de « Slitage »

S comme Slitage

Fiche technique

Synopsis : Un couple d’âge moyen, Eva et Rolf vivent une relation sans passion. Ils s’usent mutuellement et Eva commence à être frustrée sexuellement. Une nuit, elle essaye de séduire Rolf. Il la repousse mais quelque chose arrive, un évènement qui va changer leur relation pour toujours.

Genre : Fiction

Durée : 17’30’’

Pays : Suède

Année : 2009

Réalisation : Patrik Eklund

Scénario : Patrik Eklund

Images : David Grehn

Son : Cinepost

Montage : Patrik Eklund

Décors : Anna Paulson

Musique : Anders Lennartsson – Jesper Hörberg

Interprétation : Jacob Nordenson, Anki Larsson, Daniel Rudstedt, Camilla Larsson, Svante Grundberg

Production : Direktörn & Fabrikörn

Article associé : l’interview de Patrik Eklund

Le Court en dit long : le palmarès

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Juin, mois de palmarès ? Depuis 17 éditions, le Festival Le Court en dit long a lieu, lui aussi, en juin. Son originalité : il propose à Paris une sélection de courts métrages belges francophones pour la plupart inédits, répartis en plusieurs programmes. Cette année, 46 courts métrages étaient projetés, en compétition entre le 4 et le 9 …juin. Et voici, poum poum, le palmarès :

•  Prix Cinécourts : Première nuit à Beijing d’Olivier Meys

• Prix du Public : La Balançoire de Christophe Hermans

• Grand Prix Le Court en dit long : Emmanuel Marre pour ses deux courts métrages La Vie qui va avec et Michel, coréalisé avec Antoine Russbach

• Prix du Scénario : Le Plein d’aventure de Dominique Reding et Philippe Grand Henry

• Mention spéciale du Jury, pour le scénario : Matagalpa de Stéphane Bergmans

• Prix d’interprétation féminine : Catherine Salée pour La Vie qui va avec d’Emmanuel Marre et Classes vertes d’Alexis Van Stratum

• Prix d’interprétation masculine : Jean-Benoît Ugeux pour Michel d’Emmanuel Marre et Antoine Russbach

Le site du Festival : www.cwb.fr

Festival Plein La Bobine : le palmarès

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Le 7e Plein La Bobine, Festival de Cinéma Jeunes Publics du Massif du Sancy, qui s’est tenu du 11 au 17 juin 2009, à La Bourboule et Le Mont-Dore (Puy-de-Dôme), a rendu son palmarès. Comme chaque année, Plein la Bobine proposait trois compétitions internationales de courts métrages, chacune dédiée à une classe d’âge différente : à partir de 3 ans (compétition 1), 7 ans (compétition 2) et 12 ans (compétition 3). Le jury composé de trois professionnels du cinéma (Arnaud Demuynck, réalisateur et producteur – Les Films du Nord, La Boîte, Assia Graoui, Rencontres du Film documentaire « Traces de vies », et Jérémy Rochigneux, producteur – Metronomic), les élèves de trois classes jurys, et le public du festival ayant décerné un prix dans chacune des catégories.

Compétition 1
Prix du Jury professionnel : Les Enfants dans la lune [Die Kinder im Mond] de Ursula Ulmi – Suisse – 2008 – Animation

Prix de la Classe Jury (classe de CE1 de l’école Saint-Joseph d’Aubière -63-, marraine : Isabelle Lefrançois, Forum des Images) : Booo de Alicja Jaworski -Suède – 2009 – Animation

Prix du Public : Wawa de Mona Achache – France – 2009 – Fiction

Compétition 2

Prix du Jury professionnel : Les Escargots de Joseph de Sophie Roze – France – 2009 – Animation

Prix de la Classe Jury (classe de CM de l’école de Gelles -63-, parrain : Jacques Curtil – Festival du Court Métrage de Clermont-Ferrand) : Signalis de Adrian Flückiger – Suisse – 2008 – Animation

Prix du Public : Le Mulot menteur de Andrea Kiss – Belgique / France / Hongrie – 2008  – Animation

Compétition 3

Prix du Jury professionnel : La Souris [Musen] Pil Maria Gunnarsson – Danemark – 2008 – fiction

Prix de la Classe Jury (classe de 4e du collège Auvergne-Sancy de Murat-le-Quaire -63-, marraine : Jeanne Paturle, réalisatrice) : Zcuse-nous de Chad Chenouga – France – 2008 – Fiction

Prix du Public : Zcuse-nous de Chad Chenouga – France – 2008 – Fiction

Le site du festival : www.pleinlabobine.com

Georges Goldenstern : “J’ai envie d’être surpris et ému”

Après avoir dirigé l’Unité Cinéma d’Arte, Georges Goldenstern, a rejoint la Cinéfondation, une initiative créée en 1998 par le Festival de Cannes en faveur des nouvelles générations de cinéastes. Loin de la masse des films en compétition officielle, la section cherche à repérer les futurs créateurs novateurs et non formatés, tant dans la forme que le fond, à travers trois axes (la  Sélection de films d’étudiants, l’Atelier et la Résidence).

À quel moment êtes-vous arrivé à la Cinéfondation ?

Il y a sept ans, j’ai quitté Arte pour la Cinéfondation. Pendant quinze ans, j’ai été en charge du cinéma sur la chaîne. Cette période a été liée à des projets de toutes nationalités, et à des paris sur des premiers films (« Les Nuits fauves », « La Haine », « La Vie des morts »,… ). À la Cinéfondation, mon travail se situe dans la continuité de ce que fait le festival, c’est-à-dire la recherche de nouveaux talents.

Est-ce dans ce but qu’ont été mis en place la sélection de films d’écoles, l’Atelier, et la Résidence  ?

Oui. La Cinéfondation a démarré en 1998 avec une sélection de 15 à 20 courts métrages d’écoles du monde entier, répartis en quatre programmes d’1h30 en sélection officielle, évalués par un Jury prestigieux. En l’an 2000, une nouvelle mission est née : la Résidence. Deux fois par an, on accueille, à Paris, six réalisateurs qui viennent écrire leur scénario de premier ou de deuxième long métrage. Pendant quatre mois et demi, ils bénéficient d’une bourse et d’un logement. En 2005, on a voulu aller plus loin, avec la création de l’Atelier. Quinze réalisateurs, ayant écrit leur scénario, trouvé un producteur et au moins 20% de leur financement, sont sélectionnés et invités à Cannes. On fait en sorte d’obtenir le plus de rendez-vous possibles pour compléter ce financement et leur permettre de tourner leur film, dans les délais les plus rapides.

Les profils sélectionnés sont-ils très distincts d’une initiative à l’autre ?

Oui. La sélection des courts d’écoles est réservée aux étudiants, la Résidence n’accueille que les porteurs de premiers et deuxièmes longs métrages, et l’Atelier s’ouvre aux premiers films comme aux filmographies plus développées. Par exemple, Tsai Ming-Lian, qui est en compétition cette année [avec « Visage »] s’est retrouvé en 2007 à l’Atelier. Cela peut paraître surprenant, vu qu’il s’agissait de son dixième film, sauf que son projet était très difficile. Quand je l’ai rencontré à Pussan, il ne trouvait aucun partenaire. Personne ne voulait prendre de risques : le projet paraissait tellement étrange et différent de ce qu’il avait pu faire précédemment que les gens se montraient plutôt prudents.

Combien de films recevez-vous de la part des écoles ?

Beaucoup. Un mailing annuel est envoyé aux écoles du monde entier. Une fois cet appel d’offres lancé, nous commençons à recevoir les films en nombre. Cette année, 1.400 courts métrages nous sont parvenus.

Suivez-vous plus particulièrement la production de certaines formations ?

On ne suit pas particulièrement les écoles, mais certaines émergent, d’une année à l’autre, à travers les talents qui s’en distinguent. On le voyait dans le passé avec l’Argentine : son essor s’expliquait par le fait que pratiquement chaque ville possédait sa propre école du cinéma. On le voit, aujourd’hui, avec le cinéma israélien et certaines écoles, comme la Sam Spiegel School ou l’Université de Tel-Aviv. Des films de qualité nous parviennent aussi en quantité d’autres endroits, comme la Chine et l’Amérique Latine, qui ne se limite plus à l’Argentine.

Dans les écoles, l’expérimentation et la liberté de l’étudiant font partie de l’enseignement. Est-ce une des raisons pour lesquelles vous cherchez à montrer les films qui y sont réalisés ?

Bien sûr. Dans les écoles, les élèves jouissent des libertés qui leur sont offertes, ont l’occasion de s’exprimer totalement, et de laisser libre cours à leur imaginaire. Nous, nous cherchons à voir ce qui en sort et à partir de là, à découvrir les meilleurs.

Comment la Cinéfondation se positionne-t-elle par rapport à la Sélection officielle des courts métrages ?

Un titre peut être inscrit dans les deux sections, étant donné que la Compétition officielle accepte aussi les films d’écoles, et un même Jury évalue les courts des deux sections. Après, il y a quelques éléments distinctifs : les comités de sélection ne sont pas les mêmes, et la durée des courts en Sélection officielle est limitée à 15 minutes, alors que la Cinéfondation accepte des films inférieurs à 60 minutes.

Votre section ne s’intéresse qu’à la fiction et à l’animation. Pourquoi les documentaires ne sont-ils pas acceptés par le règlement ?

La réglementation ne prévoit, en effet, pas les documentaires. Peut-être les choses évolueront; en attendant, il faut faire des choix. Vous vous rendez compte : 1.400 films reçus uniquement pour la fiction et l’animation !

À la limite, on pourrait s’interroger sur l’animation. Dans le passé, à Arte, je ne voulais pas mélanger les courts métrages d’animation et de fiction dans une même programmation parce que je trouvais important de bien les distinguer pour leur donner toute leur force. À Cannes, cela aurait été intéressant d’avoir une sélection réservée à l’animation, pour ne pas mélanger les genres. Le souci, c’est qu’on manque de créneaux, que le nombre d’écrans est limité, et qu’il y a déjà énormément de films à voir.

Est-ce qu’un film d’école qui se retrouverait dans une autre section que la vôtre, à la Quinzaine des Réalisateurs par exemple, pourrait représenter une forme de concurrence ?

Absolument pas. Chaque programmateur et directeur de section du Festival a ses choix et ses goûts. Un film peut donc ne pas être retenu ici, et se retrouver à la Quinzaine des Réalisateurs ou à la Semaine de la Critique. Une sélection à Cannes peut même s’avérer très positive, puisque la Caméra d’or, récompensant les premiers films, regroupe toutes les sections du Festival.

Que recherchez-vous finalement dans les films ?

J’ai envie d’être surpris et ému. En voyant beaucoup de films et en lisant beaucoup de scénarios, je souhaite y trouver du plaisir, découvrir quelque chose de nouveau, ne pas retrouver des formes habituelles, discerner un point de vue différent. Souvent, les mêmes sujets reviennent, mais il y a une façon de les aborder et de les filmer qui peut vraiment faire la différence. L’esthétique pour l’esthétique, je n’y suis pas favorable non plus, parce qu’il y a des films qui font tout dans la forme, mais pas dans le fond. L’idéal, pour moi, c’est de trouver le trouver le bon équilibre entre les deux.

Arte a été une bonne école, à ce niveau-là ?

Oui.

Est-ce que cela ne vous pas, d’une certaine manière, rendu critique ? Le défaut de surprise est un problème courant dans le court métrage.

Tout à fait. Très souvent, on se dit que c’est uniquement à cause de sa chute qu’un film a du succès, que les gens rient ou sont surpris. Ce n’est quand même pas ça, un court métrage.

C’est quoi, alors ?

Je le comparerais à la nouvelle. Il faut réussir à trouver une forme et un style particuliers tout en ayant une histoire complète, et ne pas faire un succédané d’un long métrage. À partir de là, tout est possible !

Y a-t-il un film d’école sélectionné à la Cinéfondation qui vous aurait marqué dans le passé ?

L’année dernière, le film israélien, « Himnon » (Hymne, Elad Keidan, 1er Prix de la Cinéfondation), qui a fait le tour du monde. C’était un prix justifié, je trouve.

De 2006 à 2008, certains courts métrages de la Quinzaine des Réalisateurs et de la Semaine de la Critique ont été édités en DVD. La sélection de la Cinéfondation n’est réservée, sur le même support, qu’aux professionnels. Pourquoi ne vous adressez-vous pas aussi au grand public  ?

J’aimerais bien que ce soit le cas ! J’y pense depuis 2-3 ans, mais pour des questions de temps et de droits, cela ne s’est pas concrétisé. Ce n’est pas compliqué d’éditer un DVD non commercial de la Cinéfondation. Par contre, si l’objet devient commercial, il y a un risque, celui de ne pas pouvoir mettre l’intégralité de la sélection, parce que les droits de certains films ont déjà été vendus dans certains pays. Pour proposer tous les films au public, je penche maintenant plus pour le streaming. Mais avec ce système-là, demeure le problème des droits d’auteurs.

Comment envisagez-vous l’avenir de la Cinéfondation ?

L’Atelier, la troisième mission de la Cinéfondation, est née en 2005. Je souhaiterais que d’autres initiatives apparaissent dans le but de continuer à aider les réalisateurs. J’ai des idées (la production, la distribution, le script doctoring, …), mais je ne sais pas encore laquelle suivre.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique de « Himnon »

H comme Himnon (L’hymne)

Fiche technique

Synopsis : Jérusalem. Vendredi après-midi. Amnon achète du lait. Il flâne. Des miracles surviennent.

Genre : Fiction

Durée : 36’

Pays : Israël

Année : 2008

Réalisation : Elad Keidan

Scénario : Elad Keidan

Images : Ziv Berkovich

Son : Isaac Levi

Montage : Elad Keidan

Interprétation : Albert Cohen, May Gasner, Ilan Hazan, Carmit Mesilati Kaplan

Production : The Sam Spiegel Film and Television School

Article associé : l’interview de Georges Goldenstern, directeur de la Cinéfondation

Festival Paris Cinéma : les films sélectionnés

paris

Du 2 au 14 juillet, se tiendra la 7ème édition du Festival Paris Cinéma. 17 courts métrages composent sa compétition internationale :

* L’Autre Monde, Romain Delange (France) : Voir un extrait

* Birth, Signe Baumane (États-Unis, Italie) : Voir un extrait

* C’est plutôt genre Johnny Walker, Olivier Babinet (France) : Voir un extrait

* Chantiez, Fred Poulet (France) : Voir un extrait

* Corpus/corpus, Christophe Loizillon (France) : Voir un extrait

* Diplomacy, Jon Goldman (États-Unis) : Voir un extrait

* Icara, Alejandra Rojo (France) : Voir un extrait

* Interview with the Earth, Nicolás Pereda (Mexique) : Voir un extrait

* Love Suicides, Edmund Yeo (Malaisie) : Voir un extrait

* Luxsus, Jarek Sztandera (Pologne)

* Madame Butterfly, Tsaï Ming-liang (France, Taiwan) : Voir un extrait

* Montparnasse, Mikhaël Hers (France): Voir un extrait

* Muto, Blu (Italie) : Voir un extrait

* Phone Story, Binevsa Berivan (Belgique) : Voir un extrait

* Regarder Oana, Sébastien Laudenbach (France, Belgique) : Voir un extrait

* This Smell of Sex, Danielle Arbid (France) : Voir un extrait

* Vostok 1′, Jan Andersen (France) : Voir un extrait

Ces films sont en lice pour :

* le Prix du Public
* le Prix Ciné Cinéma attribué par un jury de professionnels
* le Prix de l’émotion – KOOKAÏFILMS.

Le site du festival : www.pariscinema.org

Annecy, le palmarès 2009

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La 33ème édition du Festival international du film d’animation d’Annecy (8-13 juin) vient de s’achever. Découvrez le palmarès lié à la forme courte.

Courts métrages


Slavar (Suède) : Le Cristal d’Annecy

Please Say Something (Allemagne) : Mention spéciale

L’homme à la Gordini (France) : Prix du Jury Juniors pour un court métrage

Western Spaghetti (États-Unis) : Prix du public

El empleo (Argentine) : Prix FIPRESCI

L’homme à la Gordini (France) : Prix Jean-Luc Xiberras de la première œuvre

Chick (Pologne) : Prix Sacem de la musique originale

Runaway (Canada) : Prix spécial du jury

Slavar (Suède) : Prix Unicef

Séries TV


Log Jam « The Log », « The Rain », « The Moon », « The Snake » (Hongrie) : Le Cristal pour une production TV

Pat et Stan « Jour de bain » (France) : Prix spécial pour une série TV

Spéciaux TV


Lost and Found (Grande-Bretagne) : Prix pour un spécial TV

Films éducatifs, scientifiques ou d’entreprise


How to Destroy the World « Rubbish » (Grande-Bretagne) : Prix du film éducatif, scientifique ou d’entreprise

Films publicitaires


BBC iPlayer « Penguins » (Grande-Bretagne) : Prix du film publicitaire ou promotionnel

Vidéoclips


Flogging Molly « Float » (Grande-Bretagne) : Prix du meilleur vidéoclip

Films de fin d’études


The Soliloquist (Taiwan) : Mention spéciale

Shrug (Norvège) : Prix du Jury Juniors pour un film de fin d’études

For Sock’s Sake (France) : Prix du meilleur film de fin d’études

Ex-E.T. (France) : Prix spécial du jury

Courts métrages hors compétition


Madagascar, carnet de voyage (France) : Prix « CANAL+ aide à la création » pour un court métrage


Jagdfieber (La fièvre de la chasse) d’Alessandro Comodin

Caméra-fusil

Magnifique début de Jagdfieber (la fièvre de la chasse) : un œil animal, ouvert et mort, en très gros plan, nous fait face. La bête est tuée. Ce qu’il s’agit de traquer, ça n’est pas du tout l’objet de la chasse, son gibier. L’affaire est expédiée avec ce tout premier plan. De quoi s’agit-il donc alors ? Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, ce film de fin d’études, réalisé à l’INSAS, est une sorte de documentaire, à l’orée du  film expérimental. 

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Des hommes seuls, différents hommes seuls, courent sur un plateau un peu sauvage. À la vue de leurs gilets orange, de leurs fusils et au son des chiens qui aboient ailleurs, on l’a compris, ils chassent. Certains sont filmés de près, dans leurs attentes aiguisées. La caméra filme leur écoute. La plupart sont captés de loin, dans leurs échappées. Emmêlée à leurs courses, elle les saisit de dos, tente de les suivre, glisse dans leurs pas, toujours dans une sorte de distance respectueuse qui ne voudrait pas perturber le déroulement de la chasse, mais toujours centrée sur eux, leurs regards, leurs gestes, leurs attentions qui pointent un ailleurs auquel ils sont tous à l’écoute. Et le procédé est répété, inlassablement. Ici et là. Ballet des corps en courses, le plus souvent de dos, froissements des feuilles sous les pas, sauts dans les fourrés, allées et venues inlassables sur un territoire essentiellement dessiné au fur et à mesure que les corps y glissent, silence attentif aux aboiements des chiens qui s’éloignent ou se rapprochent, aux pas des bêtes ou aux cris d’autres chasseurs qui se répandent et se répondent dans les sous bois comme une sorte de chant animal, en écho. Chaque chasseur semble avoir un rôle que le film ne tire pas au clair. Et dont on se fiche un peu d’ailleurs ici. Le documentaire ne documente pas une pratique. La journée lentement s’achemine vers sa fin. Viennent se tisser à ces images, les portraits de ces hommes filmés face caméra. Souriants ou juste attentifs à l’œil qui les regarde. Immobiles quelques secondes. Leur silence est presque un silence de bête, lui aussi.

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Par ce montage qui brode autour de leurs différentes attitudes, répétition, dans l’évitement de l’animal jamais aperçu à l’écran, le film s’engage sur une voie déconcertante. L’animal pourchassé ne sera jamais montré. Mieux encore, la seule mention qui y sera faite (l’unique parole proférée dans le film) vient du réalisateur lui-même qui s’adresse à un chasseur et demande « Il est déjà passé ? ». On a raté l’animal. Invisible. Presque magique. Et cette unique parole du film, où le réalisateur se dévoile, vient faire un contrepoint sonore aux portraits des chasseurs.

À la fois totalement immergé dans son sujet avec lequel il fait corps, et pourtant à distance lui-même dans ce qu’il traque, le réalisateur est bien lui aussi un chasseur qui court après ces hommes eux-mêmes, fasciné par leurs gestes, leurs « habitus », leurs rapports à l’espace, saisissant, ressaisissant toujours dans leurs courses, dans leur écoute et leurs regards, ce qui peut à tout instant surgir ailleurs. Il n’y a ici aucun jugement, aucune théorisation de la chasse, aucun parti pris sinon, ce qui se dégage peu à peu du film, qui saisit, dans ces gestes qui restent opaques et mystérieux, ce qu’ils dévoilent de rapport à l’espace et à la nature et un mimétisme qui s’établit entre le sujet de la chasse et le sujet du documentaire.

Outre que c’est justement cette frontière entre homme et l’animal, entre l’humain et la nature qui peu à peu, au fil de ces courses s’estompe, c’est aussi le regard du réalisateur pour ce qu’il filme qui peu à peu s’invente. Ces différentes fascinations, des chasseurs pour la bête, du réalisateur pour les chasseurs, lentement nous contaminent, se passent, s’échangent, se brûlent. Et Jagdfieber est un film assez fascinant, parce qu’il traque cet ailleurs invisible, désigne ici et maintenant, un autre monde en filigrane et invente, une autre sorte de regard. L’œil mort du premier plan ne l’était donc pas tout à fait.

Anne Feuillère

Article paru sur Cinergie.be

Article associé : l’interview d’Alessandro Comodin

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Cannes 2009, les quelques photos

Comme Cannes se raconte aussi par l’image, quelques clichés liés au festival le plus médiatisé du monde ont été rassemblés dans un “diaphotorama”. Légendes et situations. Alternativement, le regard se pose sur :

  • les hôtels reconvertis en espaces marketing
  • l’affiche officielle du Festival capturant Monica Vitti, de dos, dans “L’Avventura” (Antonioni)
  • le Short Film Corner, l’espace consacré au court métrage, envahi par les publicités et les informations sur les films
  • les interviewés de notre Focus : le directeur de la Cinéfondation, Georges Goldenstern (en chemise verte), le réalisateur suédois Patrik Eklund (casquette vissée sur la tête), l’italien Alessandro Comodin (photos-feuilles), l’islandais Rúnar Rúnarsson (air islandais), et deux duos, l’un mixte (Marion et Romain Castera), l’autre féminin (Claire Burger et Marie Amachoukeli)
  • des prises plus anodines : la foule amassée aux abords des hôtels guettant l’arrivée/le départ des stars, les glaces en boules, les chaises dépliées, et les shorts affichés sur la Croisette

Photos : KB, SP

Article associé : Le Petit Journal de Cannes

Le 8ème concours européen de scénario Nisi Masa est lancé. Son thème : le tabou

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En septembre 2001, à l’initiative de quelques jeunes Français, Italiens, Finlandais, Espagnols, Hongrois, Belges et Portugais, naît l’association Nisi Masa. Animés d’une même passion pour le cinéma, leur but est d’organiser un concours d’écriture de scénarios de courts métrages, simultanément dans leurs différents pays. Aujourd’hui, Nisi Masa est devenu un véritable réseau européen d’associations cinéphiles, présent dans plus de 17 pays d’Europe et ayant pour vocation de favoriser la jeune création cinématographique européenne. Il vise à découvrir de nouveaux talents, à favoriser la prise de conscience européenne par le biais des films, à mener des projets interculturels autour du cinéma et à créer un espace de discussion et de collaboration entre jeunes européens passionnés par le 7 ème Art.

Chaque année depuis 2002, le réseau Nisi Masa lance un concours  européen d’écriture de scénarios de courts métrages, accessible à tous les jeunes de 18 à 28 ans résidant dans l’un des pays organisateurs. Le concours est ouvert aux personnes vivant en Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Espagne, Estonie, Finlande, France, Hongrie, Italie, Kosovo, Macédoine, Pays-Bas, Roumanie, République Tchèque, Russie, Suède ou Turquie. Les participants doivent rédiger un scénario original de 20 000 signes maximum, sur un thème imposé, et peuvent écrire dans leur langue maternelle. Cette année, le thème du concours est TABOU. La date limite pour envoyer vos scénarios est fixée au 31 juillet 2009.

Une pré-sélection nationale aura ensuite lieu dans chacun des pays participants et le(s) meilleur(s) scénario(s) de chaque pays continueront leur course au niveau international, où il se mesureront entre eux. Un jury européen, composé de jeunes de Nisi Masa, détermine les lauréats au terme de la compétition européenne. A la clé : un séjour de travail avec des auteurs et des producteurs confirmés afin de donner aux gagnants toutes les chances de réaliser leur film.Dès à présent, rendez-vous sur la page d’inscription du site www.nisimasa-scriptcontest.eu et sur celle de l’antenne Nisi Masa de votre pays.

Et un édito, un !

Taper un édito, partir en festival avec une toute petite valise, apprendre le créole en trois jours ou sortir son joker, à la deuxième ligne ? Lequel de ces exercices est-il le plus déroutant ?

Depuis Clermont-Ferrand, le site a été nourri de quatre Focus, articulés autour de trois festivals, et d’un réalisateur. À Anima, le festival d’animation de Bruxelles, le réalisateur américain Bill Plympton, et deux pros de l’anim’ anglaise, Clare Kitson et Helen Nabarro, ont rejoint nos colonnes virtuelles. De même qu’un ours polaire, un pingouin, un chien pompier, un trio musical, un monde détricoté, un DVD Anima, un couple d’automates, les cinq finalistes du Cartoon d’Or, des nanas exubérantes, un poème animé de Bukowski, un conte XXL portugais, et un petit billet d’humeur sur le court belge, parsemé de poules jaseuses et de jazz cool.

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Entre deux festivals d’animation, un Focus a été consacré à Nicolas Engel, un réalisateur de fictions musicales, repéré à la Semaine de la Critique. Visiblement, cela a attiré le lapin barjo de la Fête d’animation de Lille. Tenant de la patte droite, Alexei Alexeev, un réalisateur russe, et de la gauche, Simon Bogojevic-Narath, un animateur croate, le rongeur était accompagné du trio du deuxième paragraphe et d’un Leviathan plus que expérimental. Distrait par une carotte, Lapinou s’est éloigné, et Bruxelles est réapparu, avec son Festival annuel du court métrage. Généreux, le comédien Serge Riaboukine a eu l’amabilité de partager la vedette avec des chroniques de repas fantastique, de magie foireuse, de chasse aux zombies, de fragilité masculine, de perte d’innocence et de choix assumé, de problèmes de communication et de boîtes à chaussures.

Voilà. Pour patienter avant Annecy (on aime bien l’animation à Format Court), nous vous conseillons d’aller vous balader du côté de Cannes ou pour les plus casaniers, de regarder chez vous nos films animés dans leur intégralité : « #1 », « Milovan Circus », « Paola poule pondeuse », « Orgesticulanismus », et « Domino ».

Bonne lecture, bon visionnage.

Katia Bayer
Rédactrice en chef

J comme Jagdfieber (La fièvre de la chasse)

Fiche technique

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Synopsis : La chasse, c’est moins le fait de tirer qu’un véritable processus : un jeu de patience, de stratégie, d’instinct et d’adrénaline. La fièvre de la chasse est un état où l’on redevient aussi animal que la bête que l’on cherche.

Genre : Documentaire

Durée : 22′

Pays : Belgique

Année : 2008

Réalisation : Alessandro Comodin

Image : Alessandro Comodin

Montage : Image

Son : Julien Courroye

Mixage : Florian Namias

Directeur de production : Camille Meynard

Production : Insas

Distribution : La Big Family

Articles associés : l’interview d’Alessandro Comodin, la critique de « Jagdfieber (La fièvre de la chasse) »

Alessandro Comodin, traqueur du réel

D’origine italienne, Alessandro Comodin a étudié le cinéma à Paris 8 et à l’INSAS. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, son film de fin d’études, Jagdfieber est un documentaire sur la chasse, ses traques, ses rituels, ses gestes, et ses silences. Rencontre avant Cannes.

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Pasolini

Je suis originaire de la région du Frioul, celle où Pasolini a écrit ses premières compositions poétiques. À 19 ans, dans le but de faire un film sur sa poésie frioulane, j’ai rencontré des gens qu’il avait connus. Je me suis d’abord intéressé à l’homme et à sa langue, avant de découvrir ses films, plus tard à l’université.

Parcours

Je n’ai jamais voulu entrer dans une école de cinéma ni faire du cinéma. J’avais des envies, mais elles n’étaient pas vraiment assumées. Je suis parti étudier les lettres à Bologne, et sur place, je passais mon temps à la Cinémathèque. Rapidement, j’ai eu envie d’apprendre le français et de venir en France. Dans le cadre du programme Erasmus, j’ai choisi toutes mes options en cinéma, à Paris 8. À l’université, je fréquentais des passionnés de cinéma qui, au terme de leurs études, prévoyaient de présenter le concours d’entrée de l’INSAS. Comme je en souhaitais pas rentrer en Italie, je l’ai passé aussi, et j’ai été accepté.

L’INSAS

Grâce à l’école, j’ai appris à exprimer mes désirs de cinéma, à les assumer, et à les mettre en forme. Evidemment, j’ai des regrets. Ils sont liés à une conception du cinéma plus classique que j’ai toujours aimée, mais que je n’ai pas retrouvée dans l’enseignement proposé. Je me suis inscrit en réalisation, mais avec le recul, je me dis que j’aurais peut-être dû choisir l’image. Pour ces raisons, j’ai le sentiment que j’ai encore beaucoup à apprendre.

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Jagdfieber (La fièvre de la chasse)

Alors que j’étais en vacances dans le Lot, l’ami qui m’hébergeait m’a parlé des chasseurs du coin, de leurs réunions, et de leurs rituels de manière un peu magique. Cela m’a donné envie de revenir avec une caméra pour les filmer. J’ai découvert la force cinématographique de leur acte et j’ai voulu y consacrer mon film de fin d’études. L’idée que j’avais des chasseurs était complètement romantique, raison pour laquelle j’ai été agréablement surpris de les voir évoluer dans un milieu totalement ordinaire et prosaïque. Ce qui m’intéressait, c’était de voir dans quelle mesure ces gens, en chassant dans ces conditions, pouvaient rejoindre une idée de sacré qui est dans l’acte même.

Bertrand Hell

Au moment des repérages, j’ai fait des recherches sur les essais d’anthropologie existants parce que j’estime qu’il y a beaucoup de parallèles intéressants entre l’approche anthropologique et cinématographique. J’ai ainsi découvert le travail de l’anthropologue français Bertrand Hell. Dans les années 80, il a étudié de près le comportement des chasseurs, dans les Vosges. Dans ses écrits, j’ai trouvé mon titre :  “jagdfieber”.

Filmer la chasse

J’ai eu envie de faire un film de ressenti, et de transmettre la fièvre de la chasse. Au départ, je suivais plusieurs personnes, mais je ne savais pas trop comment m’y prendre. Très vite, je me suis rendu compte que pour des raisons de techniques et de confiance, il fallait mieux être seul à suivre un chasseur. J’ai donc décidé de centrer le film sur deux personnes. Cela a été un double apprentissage : au fur et à mesure que je chassais avec eux, j’ai appris à les connaître et à les filmer.

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Les sujets

J’ai eu de la chance de bénéficier d’un intermédiaire qui m’a introduit auprès des chasseurs, et j’ai été accepté sans trop de difficultés. Même si je suis Italien, j’étais considéré comme le caméraman belge qui faisait un film sur eux ! Je leur ai présenté le projet en leur disant que j’allais les suivre pendant une certaine période et qu’on allait respecter leur travail, tout en faisant le notre. Je leur ai demandé de ne pas me parler et de ne pas regarder la caméra. C’est tout. De mon côté, je n’ai rien fait, je les ai juste suivis. Les deux premières semaines, ils se sont montré méfiants, mais ils se sont vite rendus compte qu’on était là en permanence et qu’on ne prenait pas nos distances avec eux. Si il fallait se lever à 5 heures du matin, manger, boire, ou courir à n’importe quelle heure, on le faisait, on s’investissait complètement. Cela a été une plongée anthropologique totale et un tournage très physique : même si je chassais avec eux, j’ai quand même pris 10 kilos !

Certains chasseurs ne sont pas reconnus dans la version finale. Ils s’attendaient à se voir davantage à l’image, dans des moments de partage, de chasse, de compagnonnage, et de repas. Mais ils ont fini par comprendre que le film correspondait à ma vision personnelle de la chasse.

Galerie de portraits

Le film est composé en grande partie d’individus filmés de dos. J’ai eu envie d’introduire un contrechamp en insérant les portraits d’autres chasseurs, des hommes tout simplement pris dans leur quotidien et leur existence. Ces personnes ont des visages assez purs, assez vieux, marqués par le temps, l’endroit et la vie, qui reflètent un monde qui n’est pas forcément connu mais qui existe, malgré tout à la campagne.

Le montage

À l’origine, le film n’était pas du tout écrit. À chaque fois que je revenais dans le Lot, je regardais mes rushes, je testais des idées, j’étais en recherche. Au début, l’école m’a imposé un monteur avec qui ça ne s’est pas très bien passé. On n’avait pas la même idée du rapport entre monteur et réalisateur. Moi, j’avais besoin de bidouiller, de chercher ma forme, alors que lui, il estimait que tout devait passer par un dialogue. Nos rapports ont été assez difficiles, j’ai terminé le film tout seul.

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Plan final

Je me suis longtemps demandé si je devais garder le plan final, celui d’un sanglier qui charge dans notre direction. On entend les chasseurs qui rigolent, la galère que j’ai eue pendant le tournage. Pour moi, il témoigne d’une fraîcheur qu’il n’y a pas dans le film. J’aimais bien l’idée que le sanglier attaque le spectateur et que celui-ci ressente quelque chose. Des gens de confiance trouvaient que ce plan avait un aspect trop léger, et qu’il était en contradiction avec le reste du film. Du coup, il ne figure plus dans la version finale. Après coup, je trouve ça dommage de l’avoir enlevé. J’y étais attaché.

Cannes

Dès le départ, l’école m’a pris pour un rigolo qui présentait un projet bizarre. Les gens passionnés l’ont soutenu, les autres l’ont descendu. À une voix près, il ne passait pas. Par la suite, l’école redoutait le fait que je ne voulais pas de chef op, mais ils ont fini par l’accepter. On ne m’a pas soutenu, surtout au moment du montage. Au moment de la présentation, j’ai obtenu une note en dessous de la moyenne. Bref, j’ai rencontré plusieurs obstacles. Si mes copains et certains professeurs ne m’avaient pas soutenu dans le projet, je n’aurais pas fait le même film. Plus qu’un film d’école, Jagdfieber a été un film de copains et de soutiens. La sélection à la Quinzaine des Réalisateurs, à Cannes, a été une vraie surprise, mais aussi une belle revanche !

Giacomo

Mon prochain projet est un documentaire. Je vais suivre Giacomo, le petit frère de mon meilleur ami. Je désire filmer sa métamorphose. À 18 ans, Giacomo va récupérer l’ouïe et passer son bac. Ce ne sera pas un film sur la surdité, mais un film sur un adolescent qui devient un adulte.

Propos recueillis par Katia Bayer. Mise en forme : Marie Bergeret, Katia Bayer

Consulter la fiche technique du film

Article associé : la critique du film

Fenêtre sur le court métrage contemporain à la Cinémathèque française

Chaque mois, la Cinémathèque française propose une anthologie de courts métrages devenus soit des classiques, soit des passerelles entre générations d’auteurs, soit des films témoins de leur époque. Le prochain rendez-vous intitulé « La Nuit éclaire le jour », aura lieu le lundi 22 Juin 2009, à 20h30, autour de deux films, « Trypps #6 » et « La Dérive ».

Le résumé :

Lors d’une ballade en kayak sur un affluent de la Seine, deux jeunes gens de bonne famille partis à la campagne pour réviser leur droit font donc la rencontre de deux autres hommes : figures bien réelles d’êtres qui semblent sans attaches. Ils tiennent de l’apparition et l’inquiétude qu’ils produisent vient du fait qu’ils sont absolument là et en même temps ailleurs. Constituant une véritable révélation au sens où leurs paroles et leurs actes se doivent d’être interprétés, ils se proposent aux deux jeunes hommes comme le possible miroir où écrire ce qui les constitue.

La Dérive est un objet symbolique où la nuit paraît éclairer le jour. Le feu de bois y est d’ailleurs indifféremment nocturne ou diurne. Et crépite comme les paroles du monologue halluciné d’un des deux hommes sans attaches ou comme celles, que l’on entend comme rarement, de la chanson The Man Who Sold the World de David Bowie.

Et en guise de prélude extatique au film de Philippe Terrier-Hermann, on pourra découvrir ici celui réalisé par Ben Russel, Trypps #6. Précipité cinématographique tourné dans un village maroon au Surinam et remarquable hommage à la ciné-transe de Jean Rouch.

François Bonenfant

Trypps #6 de Ben Russel (Etats-Unis/2009/12’/16mm)

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« En un seul plan, une vision étonnamment contemporaine d’une procession dans le village de Malobi au Surinam. C’est Halloween sur l’Equateur… » (Ben Russel)

La Dérive de Philippe Terrier-Hermann (France/2009/59’/vidéo)

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Avec Simon Buret, Andy Gillet, Dimitri Capitain, Charles Delpon, Roxane Mesquida, Brady Corbet.

Deux jeunes hommes, issus d’un milieu aisé, font une rencontre fascinante lors d’une balade en kayak sur un affluent de la Seine. Ils rencontrent deux hommes socialement détachés qui ont entrepris la descente des eaux jusqu’à la mer sur un radeau de fortune. Entre peur et attirance, les deux jeunes hommes seront tentés par l’expérience.

En présence du réalisateur et de l’équipe du film

Infos  : lundi 22 Juin 2009 – 20h30 – Salle Jean Epstein (durée : 71’)
Site internet : www.cinematheque.fr