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Les Condiments Irréguliers de Adrien Beau

Deuxième court métrage d’Adrien Beau après l’onirique et envoûtant « La Petite Sirène », « Les Condiments Irréguliers », produit par Love Streams et Agnès B. Productions, est très librement inspiré par la vie de Marie Madeleine Dreux d’Aubray, Marquise de Brinvilliers, accusée au 17ème siècle de crime de fratricide par empoisonnement et exécutée, puis brûlée en place publique. Présenté en compétition à la dernière édition de Côté Court, « Les Condiments Irréguliers », de par son originalité et sa radicalité, dynamite le paysage actuel du court métrage français.

Film léché et élégant, à l’esthétique très travaillée, que ce soit dans le soin apporté aux costumes, à la décoration, mais aussi dans l’utilisation délicate et sensible de la lumière, « Les Condiments Irréguliers » est une oeuvre d’une beauté rare, qui marie allègrement humour sardonique et émotion à fleur de peau. Sublimé par la musique prégnante de Vincent Dumestre et Jordi Savall, ce film sans dialogue imprime longtemps la rétine et l’imaginaire de son spectateur.

Découpé en cinq grands actes, le récit évolue linéairement comme un grand poème morbide et ironique retraçant le funeste destin de la Marquise de Brinvilliers. Des faits historiques connus, Adrien Beau ne garde qu’une simple trame narrative et structurelle, plus intéressé par l’idée de proposer sa lecture personnelle des événements et de dégager une thématique et des obsessions qui lui sont chères.

Dans le premier acte, intitulé Exposition, des servantes viennent réveiller la Marquise et l’aider à s’habiller pour la rendre présentable pour la journée à venir. Cette dernière, émergeant d’un sommeil lourd, apparaît comme une marionnette sans vie, morne et triste, se laissant engoncer dans un habit-prison et dans des conventions routinières pesantes. On sent le personnage à l’étroit, en décalage total avec cet univers fade, ayant bien du mal à suivre le mouvement général.

Dès cette première scène, le réalisateur introduit un élément capital du récit, à savoir le poison dit de la mort aux rats. En effet, une des servantes s’accroupit pour ramasser le corps inanimé d’un rongeur sur le sol et en profite pour remettre quelques gouttes de ce poison sur un bout de nourriture. En associant cette action à l’état apathique de la Marquise, le réalisateur ouvre un champ de réflexion thématique et narratif pour la suite. L’entourage de l’héroïne nous est également présenté, à savoir une galerie de personnages fardés et plein de manies, que ce soit un curé subordonné à ses propres pratiques religieuses, un mari renfrogné, mangeant, sans une parole, à l’autre bout de la table, ou encore sa laide progéniture avec laquelle elle n’entretient que peu de rapport, laissant une gouvernante s’en occuper à sa place. Tous ces personnages répondent à des critères sociaux et religieux qui étouffent la Marquise et la retiennent en captivité.

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Dans le second acte, intitulé Evolution, la Marquise, voulant en finir avec cet état de non-vie, décide de tester le poison de la mort aux rats sur une servante, de manière plutôt innocente, comme une enfant. La servante avalant le verre sans se poser trop de questions est prise de convulsions et commence à danser de manière étrange, incontrolée, comme si elle était délivrée de sa condition, alors qu’elle s’approche inexorablement de la mort. Emerveillée par ce « spectacle », la Marquise est prise d’une passion irréfléchie pour l’empoisonnement et s’enferme dans sa chambre pour jeter des notes par écrit toute la nuit. En parallèle, elle commence à coudre un morceau de tissu rouge qui tranche avec le gris des vêtements qu’elle portait jusqu’alors.

S’ensuit un troisième acte, Péripéties, qui va voir notre héroïne s’en prendre à son mari, en empoisonnant sa soupe. Alors que celui-ci tente dans un ultime soubresaut de s’en prendre à elle et lui crache une gerbe de sang très rouge qui fraye avec ses habits gris, cette dernière semble satisfaite du spectacle qui lui est donné de voir. Elle reprend vie à mesure que les gens meurent autour d’elle. Elle ne se déplace plus avachie, mais évolue avec légèreté. A l’enterrement de son époux, elle n’est pas prostrée comme tous les autres, elle continue plutôt de coudre son « linceul » rouge, galvanisée.

Le quatrième acte, Catastrophe, décrit la plongée vertigineuse de la Marquise dans la folie créatrice. Après avoir commandé plusieurs fioles pour parfaire son « art » de l’empoisonnement, elle s’en sert sur sa propre fille en lui donnant un biscuit empoisonné pendant que celle-ci joue à la balançoire. Alors que le corps de la petite fille gît dans la neige, elle repart, le pas léger. L’entourage de la Marquise commence à prendre réellement peur, alors que de son point de vue à elle, tout cela n’est qu’amusement artistique. Le réalisateur convoque ici tout un pan de la cruauté des contes et glisse lentement vers la poésie noire et morbide.

A l’enterrement de sa fille, elle s’introduit dans la « maison de Dieu » de manière violente, jetant une lumière aveuglante sur tout ce petit monde, et leur donnant à tous des tartes empoisonnées. C’est son acte de création final, l’accomplissement de son oeuvre. Au cours de la séance d’écriture virevoltante qui suit, elle finit de jeter sur papier sa confession, devant les yeux horrifiés de sa fidèle servante. Cette dernière ramène une patrouille de mousquetaires à la demeure, mais la Marquise ne leur oppose aucune résistance, prête à affronter n’importe quel jugement.

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Le dernier acte, Dénouement, montre comment la Marquise se retrouve rattrapée par la vie sociale. Alors qu’elle est conduite à un gibet de potence pour être brûlée, on la découvre vêtue de ce fameux habit rouge qu’elle s’est confectionné, sorte de costume de scène détonnant, plein de vie, et qui l’aide à se donner en spectacle. Heureuse mais à deux doigts de craquer, elle offre une danse aux paysans qui assistent à l’exécution. Une seule personne parmi l’assemblée comprend ce geste et l’applaudit, c’est sa servante, postée en retrait, une fleur blanche à la main, qu’elle jette en larmes au bûcher. Cette dernière quitte alors la « scène de représentation » et s’éloigne vers un chemin ouvert et lumineux.

A travers cette histoire, Adrien Beau semble parler du rapport qu’il entretient avec la création artistique. Pour lui, la Marquise est une femme qui s’ennuie, étouffée par un quotidien trop vide. Elle a besoin de se sentir vivre, et pour cela, elle se doit de détruire les autres. La destruction appréhendée comme acte créatif : après chaque meurtre, la Marquise, prise de frénésie, se met à coudre ou à écrire. Elle existe enfin, elle n’a plus peur de disparaître sans rien avoir fait ou accompli, comme le demande si bien le dernier panneau du film : « Que diras-tu à Dieu, au récit de ta vie, Si le Vieil Homme dort ? S’il baille ? S’il s’ennuie ? « .

Ce film agit comme une profession de foi de l’auteur, il nous demande de ne pas obéir à une routine toute tracée, à une vie morne et sociétale, mais de se perdre dans la création, quitte à ce qu’elle détruise notre entourage ou nous-même. La Marquise apparaît comme la voix de l’auteur, dans le sens que c’est la voie qu’il défend et le chemin qu’il a choisi, coûte que coûte. La fidèle servante figure le spectateur, tout d’abord docile et obéissant, puis effrayé par l’ignominie perpétrée, et enfin compréhensif et sur le chemin de la libération grâce à la représentation finale. Comme son titre l’indique, « Les Condiments Irréguliers » est un film qui propose de relever le goût indolore de notre vie si conforme avec quelques « irrégularités » artistiques, quelques bouts de liberté en somme.

Julien Savès

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C comme Les Condiments Irréguliers

Fiche technique

Synopsis : « Les Condiments Irréguliers » est très librement inspiré de la vie de la marquise de Brinvilliers (1630-1676). Voulant mettre fin à ses jours en s’empoisonnant avec de la mort aux rats, la marquise décide de tester celle-ci sur l’une de ses servantes. Elle se découvre alors une passion pour l’empoisonnement, qu’elle envisage comme un art. Elle tue tour à tour son époux, sa fille et des personnes de son entourage, accomplissant ainsi l’œuvre de sa vie avant de finir sur le bûcher.

Genre : Fiction

Durée : 30′

Pays : France

Année : 2011

Réalisation : Adrien Beau

Scénario : Adrien Beau

Image : Antoine Aybes-Gille

Montage : Alan Jobart

Son : Jimmy Sert et Matthieu Langlet

Décors : Thomas Kertudo

Costumes : Anne Blanchard

Musique : Vincent Dumestre et Jordi Savall

Interprétation : Mélodie Richard, Erwan Ribard, Coline Veith, Anne Blanchard, Agathe Cury

Production : Love Streams et Agnès B. Productions

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I comme Il se peut que la beauté ait renforcé notre résolution / Masao Adachi

Fiche technique

Synopsis : En réponse à la série magnifique d’André S. Labarthe et Janine Bazin, « Cinéastes de notre temps », la nôtre veut rendre hommage aux cinéastes connus et inconnus qui ont participé, avec des fusils, des caméras ou les deux simultanément, aux luttes de résistance et de libération tout au long du XXe siècle. Auteurs impavides et souvent héroïques, exemples de pertinence et de courage grâce auxquels le cinéma tutoie l’histoire collective, les cinéastes des luttes de libération, aux trajets souvent romanesques, sont aussi ceux qui ont le plus encouru la censure, la prison, la mort et aujourd’hui, l’oubli.

Genre : documentaire

Durée : 74′

Année : 2011

Pays : France

Réalisation : Philippe Grandrieux

Image : Philippe Grandrieux

Montage : Philippe Grandrieux

Son : Philippe Grandrieux

Production : Epileptic

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Il se peut que la beauté ait renforcé notre résolution – Masao Adachi de Philippe Grandrieux

« « Il se peut que la beauté ait renforcé notre résolution » veut rendre hommage aux cinéastes connus et inconnus qui ont participé, avec des fusils, des caméras ou les deux simultanément, aux luttes de résistance et de libération tout au long du 20ème siècle. Auteurs impavides et souvent héroïques, exemples de pertinence et de courage grâce auxquels le cinéma tutoie l’histoire collective, les cinéastes des luttes de libération, aux trajets souvent romanesques, sont aussi ceux qui ont le plus encouru la censure, la prison, la mort et aujourd’hui, l’oubli. » – Nicole Brenez (co-directrice de la collection « Il se peut que la beauté ait renforcé notre résolution », produite par Epileptic)

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Un portrait réfléchissant

La voix éraillée de Masao Adachi nous accueille dans une étrange pénombre. Il nous chuchote à l’oreille ses questionnements, ses réflexions. Dès les premiers instants du film,récompensé du Grand Prix Expérimental–Essai–Art vidéo au Festival Côté Court 2012, le réalisateur Philippe Grandrieux se joue des règles officieuses du  »film-portrait » qui font la part belle aux questions-réponses. Il prend le parti de conserver dans le montage final de ce film toute une série d’indices qui auraient pu discréditer le propos de Masao Adachi et déstabiliser l’équilibre du film lui-même, notamment lorsque, à la fin du monologue, il se demande : « Enfin tout cela, ce sont des paroles en l’air. Vous ne pensez pas ?… ». Ici, le réalisateur laisse librement s’exprimer, hésiter, répéter, se contredire l’homme avec qui il est venu échanger, sans jamais l’interrompre. Et c’est là tout l’intérêt de ce film qui ne cherche pas à établir un inventaire du travail de l’artiste, mais qui préfère plutôt nous proposer d’être les témoins du bouillonnement de ses méditations ontologiques.

Connu pour sa collaboration comme scénariste avec Nagisa Ôshima («Le retour des trois ivrognes », «Journal d’un voleur de Shinjuku ») et surtout avec Koji Wakamatsu («Quand l’embryon part braconner », « Les anges violés », etc..), Masao Adachi a également réalisé plus d’une dizaine de films indépendants empreint de ferveur révolutionnaire. Principalement actif dans les années 60 et 70, il finit par s’engager dans l’Armée Rouge japonaise pour rejoindre le maquis en Palestine et au Liban pendant près de 30 ans. A plus de 70 ans, il revient en 2007 au cinéma avec « Prisonnier – Terroriste » et démontre qu’il n’a toujours pas perdu cette flamme qui l’a toujours habité.

Passé devant la caméra, Masao Adachi se livre ici à un examen de conscience sans aucune complaisance, poussant la sincérité jusqu’à remettre en cause ses propres convictions. Le discours sans faux semblants du vieil homme fait mouche (« On m’a souvent demandé pourquoi je faisais la révolution. Je veux toujours faire la Révolution sans savoir ce qu’est la Révolution. Donc je voulais faire quelque chose que je ne comprenais pas… »). Philippe Grandrieux se fait écho de cette parole. Les deux cinéastes construisent ensemble un dialogue à bâtons rompus où chacun tend le miroir à l’autre.

La complémentarité des deux réalisateurs permet de donner au film une cohérence surprenante tant au niveau du fond que de la forme. Cherchant à s’affranchir des lieux commun et de la sempiternelle frontière théorique entre documentaire et fiction, le film parvient à réconcilier les deux concepts pour proposer un véritable manifeste de cinéma (« Ce n’est pas la peine d’enfermer nos pensées dans une forme »).

Les deux cinéastes cheminent alors de concert dans leur réflexion sur l’engagement, le cinéma et sa perception, tandis qu’au fil du temps, l’image se fait plus nette, plus lumineuse et le son devient direct. Ce dispositif est remarquable a double titre : il offre au spectateur une immersion dans les méandres des pensées de Masao Adachi et confère à son propos une grande vivacité de par les choix de cadrage, de lumière et de musique. A la fois réalisateur, scénariste, chef opérateur, ingénieur du son et monteur, Philippe Grandrieux est intervenu à chacune des étapes créatrices de ce film, façonnant ainsi une œuvre à la fois singulière, instinctive et hypnotique. Par la même, il poursuit le travail entrepris avec ses trois premières fictions : « Sombre » (1998), « Une Vie Nouvelle » (2002) et « Un Lac » (2008) où il avait déjà commencé à expérimenter ce cadre flottant et instinctif, cette image obscure et nuancée, et ce montage qui installe une atmosphère propice à la méditation et aux réminiscences qui lui permet de laisser ainsi entrouvertes les portes de la perception.

Julien Beaunay

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Côté Court 2012

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En juin, le festival Côté Court est entré dans une nouvelle décennie avec une vingt-et-unième édition. A Pantin, les spectateurs ont pu assister à des performances, des rencontres et des cartes blanches concoctées (entre autres) par Nicole Brenez, Jean-Claude Taki, Isabelle et Jean-Conrad Lemaître, Apichatpong Weerasethakul, Marylène Negro, Christophe Chassol, Jean-Marc Chapoulie… Avec une nouveauté, cette année : la mise en place de résidences à destination de cinéastes documentaristes pour le montage de leur film à travers le soutien à l’association Périphérie.

Découvrez dans ce focus :

l’interview de Yassine Qnia, réalisateur de « Fais Croquer »

la critique de « Fais Croquer » de Yassine Qnia

la critique des « Condiments Irréguliers » de Adrien Beau

– Palmarès & reprise des films primés du festival Côté court

Natalia Garagiola : « Sofia Coppola possède un univers très féminin qui a beaucoup d’impact sur moi »

Natalia Garagiola, petit bout de femme argentine, est venue pour la première fois cette année au Festival de Cannes afin d’y présenter, en compagnie de ses deux producteurs, son film « Yeguas y cotorras » sélectionné à la 52ème Semaine de la Critique. Sous sa carapace, la jeune réalisatrice semble finalement assez fragile et un peu perdue au cœur du plus grand festival de cinéma au monde. Lors d’une brève interview (d’autres, nombreux, attendent leur tour), elle nous a livré des clefs pour mieux comprendre son film, évoquant les conflits féminins au sein de la jeune aristocratie de Buenos Aires.

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© CM

Ton film « Yeguas y cotorras » a été sélectionné à la Semaine de la Critique. Comment as-tu pris la nouvelle ?

Dans un premier temps, j’ai bien sûr été très heureuse; puis j’ai eu un peu peur car je sais qu’à Cannes, le niveau est très exigeant. Je ne savais pas avec qui j’allais concourir, ni à qui j’allais présenter mon travail au festival. Mais au final tout de même, j’étais, et je suis, très contente. Qui plus est, j’ai vu ensuite le programme avec les autres films et ça m’a tranquillisée.

Le film traite de trois jeunes filles, trois meilleures amies et de leurs questionnements autour de la vie de femme en particulier. Ton premier film, « Rincon de Lopez », tournait autour de trois petites filles. Comment expliques-tu cet attrait pour un univers si féminin ?

En réalité, c’est un univers dans lequel je me sens à l’aise. Cela me vient du passé. Dans mon lycée, il n’y avait quasiment que des garçons, tandis que je suis allée dans un collège composé uniquement de filles. J’ai donc pu analyser les relations depuis divers points de vue : celui des filles entre elles, et celui des filles face aux garçons. J’aime sentir cette attraction sexuelle qu’il y a entre les filles et les garçons, de la même manière que j’apprécie observer les liens entre les filles. Il y a bien évidemment une différence relationnelle entre les hommes et les femmes qui m’intéresse beaucoup.

Dans ton court métrage, tu évoques l’enfermement, la fin de la liberté, pour l’une des jeunes filles qui va se marier et l’autre qui est enceinte. Seule celle qui ne rentre pas dans ce schéma semble être libre. Doit-on y voir un rapport avec la condition féminine en Argentine ?

Oui et non en fait. Disons que selon moi, ça vient plus volontiers du contexte social et non pas du genre ou de la culture. Ici, bien entendu, on peut y voir une question de genre puisqu’il n’y a que des femmes à l’écran, ici en Argentine, mais en réalité, je ne pense pas que les femmes en Argentine souffrent d’un machisme plus important qu’ailleurs. Dans ce cas, l’enfermement est beaucoup plus dû à la classe sociale. Je souhaitais montrer comment, dans certaines familles conventionnelles et traditionnelles, il y a des règles à suivre. J’aurais tout à fait pu évoquer ce thème des classes sociales avec des hommes, mais j’ai juste préféré traiter ça ici, du point de vue féminin. Et si on se penche vraiment sur le film, on s’aperçoit que le personnage d’Alvaro va aussi se marier avec une personne qu’il n’aime pas. Ces personnages savent qu’ils doivent faire certaines choses et ils se posent à peine de questions car ils savent que c’est un passage obligé. Ils sont angoissés, certes, mais jamais ils ne s’imaginent pouvoir dire « non » ou renoncer car ils occupent tous des rôles assumés. Ce sont généralement des personnes assez mal élevées qui passent leur temps à dire et à faire ce dont elles ont envie sans vraiment se soucier des autres, et pourtant, sont-elles plus heureuses que les autres ? Il est vrai que c’est univers-là me fascine, et d’autant plus que j’ai fait des études de cinéma avec des gens issus de classes privilégiées que j’ai pu observer à loisir.

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À propos de cinéma, as-tu des références de réalisateurs sur lesquels s’appuie ton travail ?

Oui et non. J’en ai certainement mais je n’ai pas cherché à en avoir avec ce court métrage en réalité.

Peut-on se permettre de comparer ton travail à celui de Sofia Coppola ?

Oui, on m’a déjà dit qu’il y avait des similitudes avec ses films et son univers, surtout et justement pour les niveaux sociaux qu’elle traite elle aussi. J’aime énormément ce qu’elle fait et il est vrai qu’elle possède également un univers très féminin qui a beaucoup d’impact sur moi. Dans mon film, on retrouve un peu les mêmes décors chics ainsi que des personnages féminins, toutes les trois très beaux. En effet, d’autres me l’ont déjà fait remarquer, mais je ne sais pas si j’ai cherché à m’y référer consciemment.

Ces trois actrices si belles justement, tu avais déjà pensé à elles avant de faire le film ?

Disons que je suis assez instinctive avec ça. En réalité, j’ai terminé le scénario en sept mois, plus ou moins et au début de l’écriture, je souhaitais travailler avec des comédiennes très expérimentées. Puis, au fil de l’écriture, j’ai eu envie d’actrices peut-être moins connues, mais avec qui on vivrait une réelle expérience et qui conviendraient par conséquent plus à ce que je faisais. Et au final, entre une chose et l’autre, j’ai fini par chercher dans un registre de comédiennes semi-professionnelles. Si bien qu’on obtient la présence de Julia Martínez Rubio, interprétant Delfina et étant expérimentée et les deux autres comédiennes, un peu plus débutantes. En fait, Guillermina Pico est réalisatrice et pour la première fois, ou presque, elle est passée devant la caméra. Je la connaissais d’un autre contexte et je pensais qu’elle conviendrait bien au rôle. Elle a lu le scénario et ça lui a plu. À elles trois, elles ont réussi à donner la fraîcheur que je souhaitais pour le film, à la fois structurée et moins structurée.

Si je te cite le film « Abrir puertas y ventanas » de Milagros Mumenthaler, ça te dit quelque chose ? Que penses-tu du travail de cette réalisatrice, également argentine ?

On m’a beaucoup parlé de ce film également, mais je ne l’ai pas encore vu. Et il est vrai qu’apparemment, on peut comparer mon travail au sien puisqu’il s’agit encore une fois de questions de femmes, ici de trois sœurs, d’une classe sociale élevée, à cheval entre les conventions qu’elles doivent suivre et ce qu’elles ont réellement envie de faire. A l’identique, elles se retrouvent seules, dans une grande maison familiale.

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La maison où l’intrigue a lieu est imposante, belle et chic, un temps soit peu d’un style colonial. Comment as-tu trouvé ce décor idéal ?

On a tourné dans la maison de famille d’un des producteurs, dans les alentours de Buenos Aires. Il vient d’une grande famille, assez privilégiée et cette maison leur appartient depuis plusieurs générations. C’était idyllique car la maison est énorme, si bien qu’on disposait de tout l’espace nécessaire non seulement au tournage, mais aussi aux besoins du tournage. Je ne sais pas si les personnes qui y résidaient étaient très friandes qu’il y ait un tournage dans leur maison, mais on a tâché de prendre beaucoup de précautions en étant sur place.

Combien de jours a duré le tournage ?

Pour toutes les scènes dans la maison, le tournage a duré cinq jours ; après, il y a eu un jour supplémentaire pour tourner dans un champ assez proche de Buenos Aires.

Peux-tu nous expliquer le choix de ton titre qui, littéralement en français, signifie « Juments et perruches » ?

Il reprend les deux moments forts et centraux du film, c’est-à-dire la scène du début durant laquelle Delfina chasse des perruches de manière assez violente et sauvage alors qu’elle appartient à une famille conventionnelle. Cela représente un aspect assez névrosé qu’elle porte en elle à cause du bruit provoqué par ces perruches qui l’insupporte sans qu’elle sache réellement pourquoi. Sans compter cette autre scène, plus proche de la finn durant laquelle toutes les trois rappellent un accident survenu avec une jument : Delfina en était tombée étant enfant et son père avait envoyé la dite jument à l’abattoir. De cette façon, on se rend ainsi compte de la manière dont on prend soin de cette jeune fille depuis qu’elle est petite et du pouvoir de ses parents sur la vie ou la mort d’un animal. Mais ce titre possède un double sens : en Argentine, lorsqu’on compare les filles – généralement de bonnes familles – à des juments et des perruches, c’est pour caractériser leur côté mauvais et pipelette. Et justement, mon court métrage reprend un peu cette idée.

Pour terminer, peux-tu nous dire ce que représente pour toi, le format du court métrage ? Et avec ça, nous dire quels sont tes projets ?

Pour moi, il s’agit d’un format très confortable, même si depuis le début, j’ai utilisé le court métrage de deux manières très différentes. Dans mon premier film, j’avais profité du format court pour réaliser un travail très minimaliste avec seulement deux plans très radicaux. Tandis qu’avec ce deuxième film, mon ambition était vraiment de me préparer au long-métrage ou plus exactement, de prouver que j’en étais capable en montrant ma relation à l’image, aux comédiens et au langage audiovisuel en général. Et en réalité, j’en suis plutôt satisfaite.

Propos recueillis par Camille Monin

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Article associé : la critique du film

Y comme Yeguas y cotorras

Fiche technique

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Synopsis : Delfina et ses deux meilleures amies se rendent à la maison de campagne familiale pour passer une journée ensemble avant que n’arrivent les invités à son mariage. Confusion et conflits féminins chez la jeune aristocratie de Buenos Aires.

Genre : Fiction

Durée : 28′

Pays : Argentine

Année : 2012

Réalisation : Natalia Garagiola

Scénario : Natalia Garagiola

Image : Fernando Lockett

Montage : Gonzalo Tobal

Son : Rufino Basavilbaso – Manuel de Andrés

Décors : Lucía Carnicero

Interprétation : Julia Martínez Rubio, Guillermina Pico, Pilar Benítez Vibart

Production : REI CINE – Benjamín Domenech et PBK CINE – Gonzalo Tobal

Articles associés: l’interview de Natalia Garagiola, la critique du film

Matthew James Reilly : « Le low budget nous force à faire des films plus personnels »

Matthew James Reilly, encore étudiant à la Tisch School of the Arts, a remporté en mai le deuxième prix de la Cinéfondation pour son film « Abigail », retraçant un voyage peu mobile d’une jeune femme en perte de vitesse dans une Amérique désabusée. Entretien avec son auteur autour du film d’école, de l’erreur humaine et des influences imagées, photographiques comme cinématographiques.

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© KB

Comment est envisagé le court métrage dans ton université ?

Dès la première année du programme, nous sommes amenés à faire des films. Ce n’est pas comme dans certaines écoles où on fait un film de fin d’études et quelques exercices. Au tout début de mon cursus, pendant trois mois, j’ai eu cinq courts à faire. Toutes les deux semaines, il y avait un nouveau projet de court, un travail en équipe de quatre personnes. On a forcément fait beaucoup d’erreurs, mais personnellement, je trouve que l’erreur est la meilleure façon d’apprendre en continuant à pratiquer. Parfois, en tant que jeunes élèves, on a des problèmes pour écouter nos professeurs, là, on comprend directement certains aspects de la fabrication des films. En ayant étudié trois ans, j’ai dû faire presque 10 ou 11 films au final. Avec pas mal d’erreurs !

Est-ce que « Abigail » est ton film de diplôme ?

Je suis dans un programme spécial pour lequel nous n’avons pas vraiment de film de diplôme. J’ai fait « Abigail » alors que j’étais étudiant en deuxième année à la NYU. C’est mon premier film complet. J’ai vraiment articulé mon style autour de lui, un style que j’ai envie de développer encore ainsi. J’aime beaucoup les films des frères Coen. Pendant un moment, je tentais de m’en inspirer en imaginant des scènes de crime dans mes histoires, puis, j’ai réalisé que je voulais faire des films plus intimistes, plus rangés, plus calmes. Le court métrage, en plus, est la meilleure forme pour travailler autour de l’intimité : tu peux faire un film entier autour d’un moment. Pour moi, « Abigail » est une tranche de vie.

Est-ce que vous apprenez le principe du low budget à l’école ?

Oui. On nous donne vraiment très, très peu de ressources, ce qui est très utile. Si nous recevons un peu d’argent de l’école, c’est un budget qui varie entre 500 et 1000 dollars, ce qui n’est rien. On travaille ainsi, en basant des histoires sur des situations auxquelles on a accès, on veille à ne pas dépenser trop d’argent pour de l’équipement ou de la location de plateaux. C’est très bien parce que ça nous force à faire des films plus personnels, parce qu’on utilise des choses et des environnements qui nous sont proches dans la vie. En même temps, le problème avec les films low budget, en général, c’est que si tu n’as pas fini le dernier jour, tu ne peux pas postposer, tu multiplies alors les plans potentiels pendant les trois dernières heures de la journée, tu cours partout. Pour avoir travailler sur beaucoup de tournages d’étudiants, et avoir trouvé ça fatigant et stressant, je préfère après trois ans être tout seul dans une belle salle de montage avec une tasse de thé et continuer à aider quelqu’un autrement pour son film !

C’est important pour toi d’avoir un environnement réaliste, intime, personnel ? Ça crédibilise tes histoires ?

Je suis très attiré par le cinéma réaliste. Avant tout, je suis intéressé par la revendication de l’indépendance. L’une de mes plus grandes inspirations est John Cassavetes. Tous ses films sont très forts, ont leur propre identité, et ont un budget extrêmement restreint. Il crée de façon étonnante des personnages forts et superbes, qui portent le film entier.

Ca s’apprend sur le net. Qu’est-ce que ton environnement familial t’a transmis sur le cinéma ?

Je viens d’une famille de quelques acteurs. Mon oncle, Murray Hamilton jouait le maire de « Jaws ». Par hasard, j’ai vu projeter le film, ici, sur la plage de Cannes, il y a quelques jours, ce qui ajoute au surnaturel de la situation. Mon grand-père, lui, a joué dans le passé, plutôt pour la télévision, ma mère était une actrice aussi. Ca a crée une atmosphère où à la maison, le show-business était une chose tangible, familière. Depuis mon plus jeune âge, je sentais que c’est un mélange de création et d’affaires, que c’était un monde possible. Je jouais beaucoup enfant mais ça ne me plaisait pas énormément. Je voulais être architecte pendant un moment, l’espace, les structures m’intéressaient, mais je me suis rendu compte que je n’étais pas assez intelligent, alors, j’ai étudié le cinéma !

As-tu rencontré des difficultés sur ce film en particulier ?

Pendant l’écriture, je me suis beaucoup posé la question du réalisme du film, ça m’a permis de couper, d’éliminer beaucoup de dialogues et de personnages. En enlevant, en travaillant sur le réalisme, j’ai pu accéder à une fin plus crédible, moins mélodramatique. Ce qui a été compliqué, ça a été de garder le style de la caméra, le rythme consistant. Pendant six mois, j’ai monté, j’ai coupé, j’ai essayé de faire durer certains moments le plus longtemps possible tels que le plan d’ouverture où le personnage féminin cherche à partir mais revient en permanence à son point de départ, n’arrive pas s’échapper. Abigail se sent obligée de revenir en permanence, elle sacrifie en permanence son propre plaisir pour ses obligations.

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© William Eggleston

Le cadre dans ton film est très stimulant. Le film suit un parcours mais la caméra est vraiment avec le personnage. Comment as-tu défini ta manière de filmer ainsi ?

J’étais très intéressé par les films de voyage, les road movies. Un de mes films préférés est « Five Easy Pieces » avec Jack Nicholson. Je voulais faire un road-movie et en même temps, démarrer un film avec un personnage pour lequel on aurait très peu d’informations. Dans « Abigail », Abi, le personnage va quelque part, accomplir un voyage, vivre une expérience, mais nous ne savons pas où il va et ce qu’il vit. Je suis très attiré par les mystères relationnels ou émotionnels, ça me permet de raconter des histoires sans exposer la façon de vivre des gens. Je pense que ça détermine d’ailleurs l’image, le cadre. Sur ce film, j’ai été très inspiré par le travail du photographe américain William Eggleston. Il a fait des clichés sur le sud des Etats-Unis, sur l’atmosphère déclinante de certaines régions. J’ai eu vraiment envie de transposer cette idée, ces lieux, cet environnement, ces personnages, ces histoires invisibles de la vie sur le plateau.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique du film

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Reprise du Palmarès de la Cinéfondation 2012, ce soir à la Cinémathèque

On l’apprend à l’instant, tard, trop tard probablement. Néanmoins, si vous êtes dans le coin de Bercy (Métro lignes 6 et 14), foncez jusqu’à la Cinémathèque. Le palmarès de la Cinéfondation (créée en 1998 par le Festival de Cannes, afin de soutenir les nouvelles générations de cinéastes) y est projeté à partir de 20h30, salle Jean Epstein.

Au programme :

• LOS ANFITRIONES (Les Hôtes) de Miguel Ange Moulet – Cuba/2011/16’/Vidéo/VOSTF. Avec Felix Díaz, Josephine Morales.

Félix, 65 ans, s’occupe des cochons dans une porcherie du village. Josefina, son épouse, est à l’hôpital pour y subir des examens. Félix a un accident presque fatal qui vient perturber sa routine quotidienne. Il s’en remet, et lorsque Josefina revient avec des nouvelles fatidiques ils affrontent le problème de la seule façon possible.

ABIGAIL de Matthew James Reilly – Etats-Unis/2011/17’/Vidéo/VOSTF. Avec Ashley Peoples, Scott Smith.

À la fin de ce qu’elle espère être sa dernière journée de travail, une jeune pompiste essaie de quitter la ville pour toujours. On découvre peu à peu des détails fragmentaires de sa vie alors qu’elle arpente cette friche en plein délabrement qu’on appelle chez-soi.

•  DOROGA NA (En chemin) de Taisia Igumentseva – Russie/2011/32’/Vidéo/VOSTF. Avec Sergei Abroskin, Ana Rud.

Sergueï travaille comme vendeur dans le secteur des articles insolites. Sa vie ressemble à des millions d’autres, jusqu’à ce que la nuit tombe sur la ville.

Pour plus d’infos : consulter le site de la Cinémathèque

15ème Nuit des Lutins du Court Métrage, le palmarès 2012

La 15ème Nuit des Lutins a eu lieu le 11 juin 2012 à l’Institut du Monde Arabe. Stéphane Freiss a présidé la soirée, Jan-Lou Janeir était le maître de cérémonie. Voici le palmarès des Lutins du court métrage 2012.

LE LUTIN DU MEILLEUR FILM : UN MONDE SANS FEMMES de Guillaume BRAC

LE LUTIN DU PUBLIC : JE POURRAIS ÊTRE VOTRE GRAND-MERE de Bernard TANGUY

LE LUTIN DU MEILLEUR FILM D’ANIMATION : RUBIKA de C. BAUDEAN, L. HABAS, M. KREBS, J. LEGAY, C. MA, F. ROUSSEAU, C. ROUX, M.VAXELAIRE

LE LUTIN DU MEILLEUR FILM DOCUMENTAIRE : CHAQUE JOUR ET DEMAIN de Fabrice MAIN

LE LUTIN DE LA MEILLEURE REALISATION : Olivier TREINER pour L’ACCORDEUR

LE LUTIN DU MEILLEUR SCENARIO : Olivier TREINER pour L’ACCORDEUR

LE LUTIN DU MEILLEUR MONTAGE : Arnaud DES PALLIERES Pour DIANE WELLINGTON

LE LUTIN DE LA MEILLEURE PHOTO : Julien ROUX pour L’ACCORDEUR

LE LUTIN DE LA MEILLEURE ACTRICE : Vimala PONS pour J’AURAIS PU ÊTRE UNE PUTE

LE LUTIN DU MEILLEUR ACTEUR : Vincent MACAIGNE pour UN MONDE SANS FEMMES

LE LUTIN DES MEILLEURS DECORS : Marie LEGARREC Pour ANNE ET LES TREMBLEMENTS

LE LUTIN DU MEILLEUR SON (ex-aequo) : Julien PEREZ et Nicolas WASCHKOWSKI pour L’ACCORDEUR et Laure ARTO et Carole VERNER pour LE MARIN MASQUE

LE LUTIN DE LA MEILLEURE MUSIQUE : Martin WHEELER pour DIANE WELLINGTON

LE LUTIN DES MEILLEURS EFFETS SPECIAUX (ex-aequo) : Yannig WILLMANN pour COLOSCOPIA et LE MARIN MASQUE

LE LUTIN DES MEILLEURS COSTUMES : Aurélie KERBIQUET pour COLOSCOPIA

Abigail de Matthew James Reilly

Lauréat du deuxième prix de la Cinéfondation, cette année à Cannes, « Abigail » est un drame court, une chronique sociale de 17 minutes sur les dernières heures d’une jeune pompiste, cherchant à quitter pour toujours un vendredi, en fin d’après-midi, sa ville natale et sa mère à problèmes.

Sa mère a beau l’appeler et l’appeler , Abigail dénigre ses coups de fil répétitifs. Elle sert un client et, sa journée de travail terminée, s’empare de son sac à dos. Attendant en vain un bus qui ne passe plus à l’arrêt indiqué, elle marche dans les rues avant de se faire arrêter par une connaissance qui lui parle des frasques de sa mère la nuit passée ainsi que les autres nuits. Abigail reprend sa route, se pose dans la nature, manque de s’étouffer lorsqu’une autre personne l’interpelle. La veille, sa mère a été vue en train de commettre un délit de fuite après avoir enfoncé une barrière avec sa voiture. Abigail arrive enfin à la gare, point de départ de sa nouvelle vie. Dans les toilettes, elle ôte ses vêtements, laissant découvrir dans le miroir et devant la caméra des bleus sur son corps. Sur le quai, elle voit arriver le train. Tout s’immobilise autour d’elle. La nuit tombe.

À travers des longs plans, des cadres extrêmement soignés, des situations en apparence banales car quotidiennes et des dialogues minimalistes, l’histoire d’ « Abigail » se déploie à travers les différentes rencontres que le personnage principal fait au cours de sa journée. Abigail cherche en permanence à partir, à fuir, mais le présent, la renvoyant à sa mère, la rattrape en permanence. Par petites touches, Matthew James Reilly, le réalisateur étudiant à l’Université de New York, nous délivre des informations sur Abigail, sur ce qui la pousse à partir et sur ce que sa mère a fait la nuit dernière, le tout en une journée dans un quartier pauvre du New Jersey.

Matthew James Reilly a une façon bien à lui de cadrer, au plus près ses personnages, Abigail, notamment, en proie tour à tour à la désillusion, à l’hésitation, à l’impatience, au renoncement. Que ce soit dans l’embrasure d’une porte, à un arrêt de bus déserté ou sur un quai de gare anonyme, il capte de façon stimulante la solitude d’un être dans une cité industrielle américaine et oppressante.

Katia Bayer

Consulter la fiche technique du film

Article associé : l’interview de Matthew James Reilly

A comme Abigail

Fiche technique

Synopsis : À la fin de ce qu’elle espère être sa dernière journée de travail, une jeune pompiste essaie de quitter la ville pour toujours. On découvre peu à peu des détails fragmentaires de sa vie alors qu’elle arpente cette friche en plein délabrement qu’on appelle chez-soi.

Genre : Fiction

Durée : 17′

Année : 2011

Pays : États-Unis

Réalisation : Matthew James Reilly

Scénario : Matthew James Reilly

Image : Alexander Crowe

Décors : Nicole Belliveau

Montage : Matthew James Reilly

Son : Patrick Burgess

Interprétation : Ashley Peoples, Scott Smith, Praveen Collins, Lily Feinn, Danielle Sade, Jack Ferry

Production : Tisch School of the Arts

Articles associés : la critique du film, l’interview de Matthew James Reilly

Shorts Screens #17 : Identités

Short Screens, la rencontre mensuelle du court métrage sur grand écran, a le plaisir de vous convier à sa 17ème séance intitulée « Identités ».

7 courts métrages d’hier et d’aujourd’hui, venus de Suisse, Etats-Unis/Chili, Canada, France, Belgique et Royaume-Uni, abordant à leur façon, le thème de l’identité.

Découvrez la programmation ci-dessous.

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Festival du film d’animation de Bruz, appel à films

Fort de son succès des deux années précédentes, le Festival du film d’animation de Bruz lance son appel à films pour la troisième édition (12 au 18 décembre 2012) et ouvre l’inscription en ligne sur le site : www.filmfestplatform.com.

Les jurys composés de professionnels, journalistes, jeunes et adhérents à l’Afca remettront 8 prix.

Conditions de participation :

– Films de fin d’études ou films professionnels d’animation français.

– Films produits entre le 01/07/2011 et le 01/07/2012.

Limite d’inscription : 01 septembre 2012

Plus d’infos sur le festival : www.festival-film-animation.fr

Emmanuel Carrère : « Je suis plus sensible aux films qui me donnent l’impression de se référer à la vie ou à l’expérience de vie qu’à ceux qui se réfèrent au cinéma »

Scénariste, réalisateur, écrivain, et spectateur lambda selon ses dires, Emmanuel Carrère est rarement en contact avec la forme courte. Cette année, il était pourtant membre du Jury de la Cinéfondation et des courts métrages en compétition officielle, pendant la période du festival de Cannes. Nous l’avions rencontré, le jour de la proclamation du palmarès de la Cinéfondation, la section réservée aux films d’écoles, la veille de la projection des courts métrages officiels. Entretien autour de l’impression de vie, de l’effet de surprise et des a priori autour des courts.

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© KB

Format Court : En 2010, vous étiez membre du jury de la compétition officielle du Festival de Cannes. Portez-vous un tout autre regard sur les courts métrages, et en particulier les films d’écoles ?

Emmanuel Carrère : Pour le spectateur moyen que je suis, ce n’est pas une démarche si fréquente que de regarder du court métrage. J’en vois très rarement. Quand je vais au cinéma ou que j’achète des DVD, je vois des longs métrages. Pour les courts, c’est plus particulier, ça m’arrive vraiment rarement.

Pour ma part, je ne pense pas tellement au fait que ce sont des films d’écoles. Ce qui joue beaucoup, par contre, c’est la différence de durée entre les films. Ce n’est pas pareil de voir un court de 10 minutes et un autre de 58 minutes qui est juste sous la barre du long métrage. Là, on a l’impression de voir des films qui ne sont pas forcément dans la même logique. Ensuite, c’est comme un long : soit on se laisse attraper soit non. Ce qui est agréable et excitant dans le court, c’est qu’on ne sait pas du tout quel film on va être amené à voir. Pour les longs métrages en compétition, on ne peut pas s’empêcher d’avoir des a priori, de connaître d’avance des choses sur le metteur en scène, alors que là, on ne sait rien, et ça, c’est très plaisant.

Comment se fait-il que vous ne voyez pas de courts métrages ? Des films circulent sur Internet, il y a des festivals de courts, … ?

E.C. : C’est vrai mais les gens qui fréquentent les festivals de courts métrages sont des professionnels, dans la plupart du temps. Moi, je suis un spectateur lambda. Mon rapport au cinéma n’est pas professionnel, donc je vois très rarement de courts métrages.

Comment évaluez-vous la question de la durée dans les courts métrages ?

E.C. : De ma sensibilité, un film a priori un peu plus long a plus de chance qu’un film très court. Au début, je craignais être forcément meilleur public pour des histoires plus longues qui auraient plus de temps pour se développer, pour des personnages auront plus de temps de s’imposer, mais ça n’a pas été le cas, puisque les trois films que nous avons primés ne sont pas spécialement longs : le premier prix, « Doroga Na (En chemin) », fait seulement une demi-heure et le deuxième prix, « Abigail », est vraiment court. C’est justement ça qui est intéressant : on redécouvre, en regardant ces films, sa propre façon de voir.

Vous êtes-vous beaucoup intéressé aux dialogues dans ces films ?

E.C. : Pas plus qu’au reste, non. Je sais que pour ma part, je suis plus sensible aux films qui me donnent l’impression de se référer à la vie ou à l’expérience de vie qu’à ceux qui se réfèrent au cinéma, à l’expérience d’un cinéphile qui essaye d’imiter les cinéastes qu’il admire. Ca vaut aussi pour le long métrage, évidemment. Je me figurais que cette idée de la référence en tête était quelque chose qui pouvait être un écueil possible du film d’école, mais ça n’a pas forcément été le cas. Avec les autres jurés, il y a eu beaucoup de choses sur lesquelles on s’est rejoints. Ce qui nous a touchés, c’était de sentir l’impression de vie, une personnalité derrière un film, l’impression d’avoir fait la connaissance de quelqu’un.

Qu’est-ce que vous avez retenu des trois films primés ?

E.C. : Ils sont très différents les uns des autres. J’ai été très enthousiasmé par le film russe, « Doroga Na (En chemin) », de Taisia Igumentseva, que j’ai trouvé merveilleux. J’ai beaucoup aimé le film américain « Abigail » de Matthew James Reilly pour son aspect esthète, son cadre extrêmement réussi et émouvant. Et en ce qui concerne le troisième prix, « Los Anfitriones », le film cubain, c’est un court métrage qui va vraiment vers sa conclusion, vers son dernier plan qui dure très longtemps. Le réalisateur, Miguel Angel Moulet, a eu l’audace de faire durer ce plan, on a vu quelque chose et quelqu’un. Il n’y a pas cet effet carte de visite d’un réalisateur qui cherche à montrer ce qu’il sait faire qu’on peut redouter parfois dans les courts.

Vous ne vous êtes jamais prêté à l’exercice du court, mais vous parlez de l’aspect carte de visite…

E.C. : Non, je n’en ai jamais fait, mais c’est ce qu’on peut imaginer. Malgré tout, la plupart des gens qui réalisent des courts, je pense, en font aussi dans l’idée de tourner des longs après. Pour moi, le court métrage ne s’est jamais présenté. J’ai commencé en réalisant un documentaire qui était un long métrage.

A l’avenir, vous pourriez être tenté par l’idée d’écrire autour d’un autre format ?

E.C. : Oui, peut-être. Honnêtement, jusqu’ici, ça ne m’est pas venu à l’esprit, mais c’est aussi qu’en ce moment, je n’ai pas de désir de cinéma pour mon compte.

Comment envisagez-vous les courts de la compétition officielle que vous allez juger demain ?

E.C. : Je ne sais pas du tout si on va les voir ou les juger d’une façon différente que ceux de la Cinéfondation. Il y a une différence pourtant, celle de l’homogénéité de durée, à quelques minutes près. Les films ne dépassent pas le quart d’heure. Honnêtement, je ne sais pas encore comment les voir, j’arrive vraiment vierge là-dessus.

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Qu’est-ce que représente finalement le court à vos yeux ?

E.C. : Il y a deux choses, cette idée de promesse, tout d’abord. On se dit que les gens débutent avec cette forme, on a envie de voir ce qu’ils vont faire en longs métrages, par la suite. Et puis, il y a aussi des films qui sont de l’ordre de la nouvelle. Comme, je suis aussi un lecteur de nouvelles, j’ai l’impression de me retrouver devant une multitude de nouvelles, quand j’en vois autant ! Avec l’effet de surprise renouvelé à chaque fois.

Propos recueillis par Katia Bayer

Brussels Film Festival : palmarès des courts métrages

La soirée de clôture de la 10è édition du Brussels Film Festival s’est tenue hier soir au Flagey. Découvrez les 3 heureux élus parmi les 12 courts métrages programmés :

Prix du meilleur court métrage (2.100 €) : A New Old Story de Antoine Cuypers (Belgique)

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Prix de l’UPCB (1.000 €) : Robyn O (14) de Cecilia Verheyden (Belgique)

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Cliquez pour voir l’extrait

Second meilleur court métrage (1.000 €) : Le Cri du Homard de Nicolas Guiot (Belgique)

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Palmarès & reprise des films primés du festival Côté court

Découvrez le palmarès du festival Côté court qui s’est terminé hier soir. Pour info, les films primés repassent ce soir, dans le cadre de quatre séances prévues. « Fais croquer » de Yassine Qnia, programmé lors de notre première séance Format Court et « La Maladie Blanche » de Christelle Lheureux, Prix Format Court au festival de Vendôme sont primés. Hip hip… !

19h00 – Programme A – Salle 1

– RODRI, Franco Lolli, 23′ – Prix du GNCR
– VILAINE FILLE MAUVAIS GARÇON , Justine Triet, 30′ – Prix de la Presse et Prix d’interprétation féminine pour Laetitia Dosch
CE QU’IL RESTERA DE NOUS, Vincent Macaigne, 41′ – Prix de la Jeunesse et Prix spécial du Jury

19h00 – Programme B – Salle 2

– ABCDEFGHIJKLMNOP(Q)RSTUVWXYZ, Valérie Mrejen et Bertrand Schefer, 5′ – Prix du Pavillon
– VISIBLE SHAPE, Jean Thévenin, 3′ – Mention spéciale du Jury Experimental
– GLUCOSE, Mihai Grecu et Thibault Gleize, 7′, Prix Arte creative
– JEUNESSES FRANÇAISES, Stéphane Castang, 19′ – Prix du GNCR et Mention spéciale du Prix du Public
– FAIS CROQUER, Yassine Qnia, 22′ – Prix du Public
LA MALADIE BLANCHE, Christelle Lheureux, 41′ – Grand Prix Côté court

21h00 – Programme C – Salle 1

– FAIS CROQUER, Yassine Qnia, 22′ – Prix du Public
– CE QU’IL RESTERA DE NOUS, Vincent Macaigne, 41′ – Prix de la Jeunesse et Prix spécial du Jury
– LA MALADIE BLANCHE, Christelle Lheureux, 41′ – Grand Prix Côté court

21h00 – Programme D – Salle 2

– SWEET VIKING, Salma Cheddadi, 30′ – Prix de la meilleure création musicale originale
– IL SE PEUT QUE LA BEAUTÉ AIT RENFORCÉ NOTRE RÉSOLUTION – MASAO ADACHI, Philippe Grandrieux – Grand Prix Expérimental – Essai – Art vidéo

Festival Court Métrange, appel à candidatures

Le Festival Court Métrange, festival international du court métrage insolite et fantastique dont la 9ème édition se déroulera à Rennes du 25 au 28 octobre, met en place pour la première fois un pitch dating les 25 et 26 octobre 2012 au Ciné TNB. Ce pitch dating s’adresse à tous les réalisateurs désireux de défendre leur projet de court métrage fantastique auprès de producteurs francophones. Chaque réalisateur aura 8 minutes pour défendre son projet auprès de dix producteurs francophones en entretien individuel.

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Comment participer ? Envoyez dès maintenant :

– Un synopsis
– Une note d’intention
– Une note de réalisation
– 1 ou 2 séquences storyboardées pour les films d’animation
– Une fiche technique complète, indiquant la durée du projet, le format de tournage, les collaborateurs et comédiens pressentis

Vous avez jusqu’au 30 juin 2012 pour envoyer vos candidatures à l’adresse suivante : courtmetrange@yahoo.ca

Règlement

– Respecter la thématique de l’étrange et du fantastique.
– Sont admis les courts métrages de fiction, d’animation et les documentaires.
– La durée ne doit pas excéder 20 min.
– 15 réalisateurs seront sélectionnés dont 10 résidant en Bretagne.

Le festival prendra en charge les repas et l’hébergement pendant deux jours. Il est à noter que pour les réalisateurs bretons, l’hébergement restera à leur charge. Chaque réalisateur pourra participer (selon les modalités communiquées ultérieurement) à une journée de formation au pitch organisée par Films en Bretagne le 25 octobre à l’espace rencontre du Ciné TNB.

Palmarès du 20ème Court en dit long

Le Centre Wallonie-Bruxelles à Paris a organisé le 20ème Festival Le Court en dit long, du 4 au 9 juin 2012 : 34 courts métrages (co)produits en Wallonie et à Bruxelles étaient en compétition. Le Festival a aussi présenté une large rétrospective consacrée aux 50 ans de l’INSAS (en six programmes) et une séance spéciale pour les 10 ans de la société de production Hélicotronc. Le Jury 2012 était composé de Marie-Pascale Osterrieth (auteur et réalisatrice), Marie-Eve de Grave (auteur et réalisatrice), Sabrina Leurquin (actrice), Mathias Gokalp (auteur et réalisateur) et Jonathan Demurger (acteur).

• Le Grand Prix Le Court en dit long : : Martin de Raphaël Parmentier (collectif Sauvage, sauvage – Liège).

• Le Prix du Scénario : Nicolas Guiot pour Le Cri du homard (Ultime Razzia, Hélicotronc, Offshore).

• Le Prix d’interprétation féminine : Christine Dargenton dans Christine d’Isabelle Schapira (IAD).

• Le Prix d’interprétation masculine : Pierre Nisse dans La Bête entre les murs de Cédric Bourgeois (Novak Productions et Cédric Bourgeois).

• Mention spéciale Mise en scène : Sac de nœuds d’Eve Duchemin (Stempel film).

• Mention spéciale : Vertige de Christophe Gautry et Mathieu Brisebras (La Boîte Productions, Les films du Nord).

• Mention Spéciale : Duo de volailles, sauce chasseur de Pascale Hecquet (Ambiances).

Autres Prix

• Le Prix du Public : Fable domestique d’Ann Sirot et Raphaël Balboni (FraKas Productions).

• Le Prix Cinécourts, décerné par CINE+ : L’Appel de Cécile Mavet (IAD).

• Le Prix Coup de Cœur Be-TV : Le Syndrome du cornichon de Géraldine Doignon (Hélicotronc).

• Le Prix Coup de Cœur RTBF : Le Cri du homard de Nicolas Guiot (Ultime Razzia, Hélicotronc, Offshore).

• Le Prix Coup de Cœur Critikat.com : Christine d’Isabelle Schapira (IAD).