Anima. Compét’ internationale & courts métrages étudiants

Anima prendra de l’âge en mars. Découvrez quels films d’écoles seront invités à son anniversaire (3.0. pour l’occasion).

* Arithmétique, Dalila Rovazzani, Giovanni Munari (I)
* Cardboard, Sjors Vervoort (NL)
* Chase (the), Mu Jianhong (CHN)
* Chernokids, Matthieu Bernardat, Nils Boussuge, Florence Ciuccoli, Clément Deltour, Marion Petegnief (F)
* D’une rare crudité, Emilien Davaud, Jérémy Mougel, Marion Szymczak (F)
* Farat / The Lighthouse, Velislava Gospodinova (BG)
* Googuri Googuri, Yoshiko Misumi (J)
* Henhouse (the), Elena Pomares (GB)
* Ill Nino – Finger Painting, Robert Kadar (H)
* Junk Space, Marion Delannoy, Jonathan Djob Nkondo, Paul Lacolley, Kevin Manach, Nicolas Pegon (F)
* Kuchao, Masaki Okuda (J)
* Matatoro, Raphaël Calamote, Mauro Carraro, Jérémy Pasquet (F)
* Maximall, Axelle Cheriet, Hadrien Ledieu, Nawel Rahal, Axel Tillement (F)
* Miramare, Michaela Müller (HR / CH)
* Mobile, Verena Fels (D)
* Mumkin boukra, Thibault Huchard (F)
* Rame dames, Etienne Guiol (F)
* Sobachja ploshchadka / Dog-Walking Ground, Leonid Shmelkov (RUS)
* Stanley Pickle, Victoria Mather (GB)
* Swimming Pool, Alexandra Hetmerova (CZ)
* Szofita Land, Zsofia Tari (H)
* Thursday, Matthias Hoegg (GB)
* Trois petits points, Lucrèce Andreae, Alice Dieudonne, Tracy Nowocien, Florian Parrot, Ornélie Prioul, Rémy Schaepman (F)
* Usnula jsem / A Tear is Needed, Kristina Dufkova (CZ)
* Vlak / The Train, Vladimir Lomov (CZ)

Anima, la compétition internationale des courts métrages

Anima, le Festival international du film d’animation de Bruxelles, fêtera sa trentième édition du 4 au 13 mars 2011. Voici la liste des films en compétition internationale.

* 20 anos, Barbaro Joel Ortiz (C)
* Abstract Day (an), Oerd van Cuijlenborg (NL)
* Amar, Isabel Herguera (E)
* Big Bang Big Boom, Blu (I)
* Black Dog’s Progress (the), Stephen Irwing (GB)
* Blind Date, Nigel Davies (GB)
* The Cow Who Wanted to Be a Hamburger, Bill Plympton (USA)
* Family Portrait (a) Joseph Pierce (GB)
* Fast Forward Little Riding Hood, Sjaak Rood (NL)
* Fresca – Blestemul lui Dragulea, Ion Octavian Frecea (RO)
* Get Real!, Evert de Beijer (NL)
* Going West Martin, Andersen Line Andersen (GB)
* Journaux de Lipsett (les), Theodore Ushev (CDN)
* Kleine und das Biest (der), Johannes Weiland, Uwe Heidschötter (D)
* Kleinere Raum (der), Cristobal Leon, Nina Wehrle (CH / D)
* Let’s Pollute, Geefwee Boedoe (USA)
* Lost Thing (the), Andrew Ruhemann, Shaun Tan (AUS/ GB)
* Love & Theft, Andreas Hykade (D)
* Miss Daisy Cutter, Laen Sanches (F)
* Moj Put / My Way, Veljko Popovic, Svjetlan Junakovic (HR)
* Muzorama, Elsa Brehin, Raphaël Calamote, Mauro Carraro, Maxime Cazaux, Emilien Davaud, Laurent Monneron, Axel Tillement (F)
* Old Fangs, Adrien Merigeau, Alan Holly (IRL)
* Os Olhos do Farol, Pedro Serrazina (P)
* Pixels, Patrick Jean (F)
* Poppy, James Cunningham (NZ)
* Rubika, Claire Baudean, Ludovic Habas, Mickaël Krebs, Julien Legay, Chao Ma, Florent Rousseau, Caroline Roux, Margaux Vaxelaire (F)
* Silence sous l’écorce (le), Joanna Lurie (F)
* Sinna Mann, Anita Killi (N)
* Spin, Max Hattler (GB/ F / D)
* Syntymapaiva, Jari Vaara (FIN)
* Tussilago, Jonas Odell (S)
* Viagem a Cabo Verde, José Miguel Ribeiro (P)
* Videogioco (Loop Experiment), Donato Sansone (I)
* Whistleless, Siri Melchior (DK)

Ś comme ŚWITEŹ

Fiche technique

Synopsis : Un homme voyage à cheval pendant la nuit. Un orage menace. L’obscurité est pénétrée par les lumières étranges. Subitement, les chevaux ont peur : une femme apparaît au milieu de la route, et puis disparaît. L’homme est surpris, la calèche s’effondre, les cavaliers visent des flèches brulantes dans la forêt. L’homme court. Il tombe dans un lac profond – et dans le passé.

Genre : Animation

Pays : Pologne

Année : 2010

Durée : 21 min

Réalisation : Kamil Polak

Musique : Irina Bogdanovich

Studio d’Animation : Animation Studio Human Ark

Production : Human ark Producers

Article associé : la critique du film

Świteź de Kamil Polak

« Świteź », la mythologie au service de l’animation

Librement adapté d’un poème en trois parties écrit par Adam Mickiewicz (1798-1855), « Świteź » fait le récit initiatique d’un jeune héros qui se trouve involontairement pris dans un enchaînement qui le déplace des règles du vraisemblable pour lui ouvrir les portes du fantastique. Dans cet univers, les figures humaines se mêlent aux visions tantôt merveilleuses, fantastiques — celles du Moyen-Âge vu par Mickiewicz —, tantôt réelles et séculaires — l’ère contemporaine du poète. À l’évidence, la teneur magique provient du traitement narratif; le jeune héros transgresse les lois spatio-temporelles de la réalité et se retrouve plongé dans le monde merveilleux d’une cité engloutie au fond d’un lac. C’est d’ailleurs ce lac aux reflets évocateurs qui donne son nom au film. Par-delà les références au mythe de l’Atlantide, la dimension magique est renforcée par les moyens visuels tout au long du film, comme la douce chaleur des couleurs, l’utilisation spécifique d’éléments de la peinture à l’huile, combinant les moyens d’expression de l’animation classique avec les effets spéciaux de l’animation numérique. De surcroît, la partition musicale, composée pour l’occasion par Irina Bogdanovitch, n’agit pas comme illustration mais charge les images d’une puissante harmonie, tantôt liée à de la mélancolie, tantôt au lyrisme d’un monde enchanté.

switez3

Si ce lac ouvre la voie au merveilleux, il ouvre aussi la voie à l’histoire. En effet, dans le poème de Mickiewicz, le héros parcourt les espaces et rencontre les épisodes mythiques, et parfois traumatiques, de la mémoire collective polonaise. Les allures de fresque du film d’animation donnent une épaisseur inédite, dans ce sens, à la grandiloquence des mythes fondateurs qui, présents dans la culture littéraire et cinématographique en Pologne, trouvent ici une seconde naissance. Par ailleurs, l’exposition incessantes des icônes religieuses, les références aux batailles récurrentes des polonais contre les oppresseurs extérieurs et la présence visuelle de l’esprit mickiewiczien tissent un univers dont le référentiel est lié à la Pologne et participent d’une sacralisation de l’histoire et de l’imagination nationales. Cependant, aucune notations précises ne figent les références au point d’empêcher une lecture universelle. Par conséquent, la fascination exercée sur le spectateur alimente le récit dans sa globalité, ce conte apocalyptique de la destruction, conjuguée à l’éternel lutte entre le bien et le mal, entre la piété et l’espoir.

Aussi cette ballade poétique exprime-t-elle des sentiments universels et s’adressent à tous. En effet, le récit initiatique provoque une remontée vers l’enfance et une plongée dans la trajectoire mystérieuse d’un jeune héros à la fois courageux et innocent. Alliant la littérature, la peinture, la musique et l’animation, cette œuvre précieuse rencontrera certainement un succès dans les festivals du monde entier. Pour le moins, elle restera une preuve de l’état prometteur de la production polonaise en ce domaine. Loin du pesant réalisme actuel de notre monde désormais désacralisé, elle insuffle un vent pénétré et grisant sur le terrain de l’animation européenne.

Mathieu Lericq

Consultez la fiche technique du film

Amour & courts métrages‏ à Mons

Compétition Internationale des Courts Métrages

Une sélection de divers courts métrages français mais aussi issus d’autres contrées sera présentée lors de séances spécifiques ou bien en avant programme lors des projections de longs métrages. Le Prix Studio l’Équipe offre une récompense de 2 500 euros au meilleur court métrage international. La compétition se déroulera le mercredi 23 février à 17h30 au Plaza Art.

A MA PLACE de Mehdi M. Barsaoui – Tunisie

BABEL de Hendrick Dusollier – France

DERBY de Paul Negoescu – Roumanie

L’ALTRA METRA de Pippo Mezzapesa – Italie

L’HOMME DU PONT LEVANT de Claudio Todeschini – France/Suisse

MICKY BADER de Frida Kempff – Suède/Danemark

STANKA GOES HOME de Maya Vitkova – Bulgarie

THERMES de Banu Akseki – Belgique

Compétition des Courts Métrages Belges

Cette compétition permet aux réalisateurs nationaux de s’exposer à un jury professionnel. Le Prix Sabam, de 2 500 euros, est remis au meilleur court métrage belge. La compétition se déroulera le dimanche 20 février à 15h et 17h au Plaza Art.

DISSONANCE de Anne Leclercq – Belgique

L’HEURE BLEUE de Michaël Bier & Alice De Vestele – Belgique

LA FEMME A CORDES de Vladimir Mavounia-Kouka – Belgique/France

LA FILLE EN FACE de Renaud Callebaut – Belgique

NUIT BLANCHE de Samuel Tilman – Belgique

O NEGATIF de Laura Wandel & Gaëtan D’Agostino – Belgique

POINT DE FUITE de Benjamin D’Aoust – Belgique

POUR TOI, JE FERAI BATAILLE de Rachel Lang – Belgique

Panorama des Courts

LA FILLE ET LE CHASSEUR de Jadwiga Kowalska – Suisse

LINGER de Shikha Makan – Inde

MASALA MAMA de Michael Kam – Singapour

MOUJA de Mohamed Ben Attia – Tunisie

RIFLESSI de Emanuela Ponzano – Italie

UN AUTRE MONDE D’AMOUR de Hicham Haidar – Maroc

UN NUEVO BAILE de Nicolas Lasnibat – Chili / France

HIGH/LOW de Fabien Dubois – France

DEMI-PAIRE de Yannick Pecherand-Molliex – France

Séance Spéciale Courts-métrages

La collection Crossing Borders / À la frontière exprime une volonté de mettre en avant de nouvelles formes cinématographiques, mêlant différentes techniques de narration tout en s’affranchissant des frontières inhérentes à un genre ou à l’identité culturelle de l’auteur. Cette double barrière franchie, les programmes de la collection Crossing Borders / À la frontière ouvrent le regard du spectateur à un nouvel horizon cinématographique européen, virtuose, surprenant et sans cesse renouvelé.

COLD WA(TE)R de Teresa Villaverde – Portugal

FOREST MUMURS de Jonathan Hodgson – Angleterre

KLEIT (LA ROBE) de Mari-Liis Bassovskaja & Jelena Girlin – Estonie

MAGNETIC NORTH de Miranda Pennell – Angleterre, Finlande

MAMAL (MAMMIFERE) de Astrid Rieger – Allemagne

ONA KOJA MJERI (CELLE QUI DONNE LE RYTHME) de Veljko Popovic – Croatie

PAPILLON D’AMOUR de Nicolas Provost – Belgique

PLASTIC AND GLASS de Tessa Joosse – France, Pays-Bas

PLIVNUTI POLIBKEM (BAISERS CRACHES) de Milos Tomic – République Tchèque

ZA PLOTEM (DEHORS) de Marcin Sauter – Pologne

D comme Demain tout ira bien

Fiche technique

demain

Synopsis : Un soir. Une histoire d’amour, de déficit et de convoitise haute en couleurs se révèle à travers l’échange intensif d’idées entre deux personnes. L’usage troublant de communication, d’enregistrement et d’écriture induit la fluctuation du film entre un rêve, un scénario et un échange amoureux que chacun désire.

Format : Fiction

Pays : Liban, Royaume-Uni

Année : 2010

Durée : 7′

Réalisation : Akram Zaatari

Scénario : Akram Zaatari

Image : Muriel Aboulrouss

Son : Serge Dagher

Producton : Independent Cinema Office

Article associé : la critique du film

Demain tout ira bien d’Akram Zaatari

Écriture troublante d’un amour renaissant

Après avoir utilisé l’espace d’exposition, celui des Laboratoires d’Aubervilliers en avril 2010, pour questionner la mémoire de la guerre du Liban à l’appui d’objets à la puissance symbolique indéniable (carnets de notes, photographies, machines à écrire), l’artiste libanais Akram Zaatari a décidé de réemployer ces objets dans un dispositif cinématographique, fictionnel, quelque peu séparé de leur statut d’archives et de leur contexte socio-politique d’origine. De fait, il dépose sa casquette de collectionneur pour parer celle de cinéaste du présent. Si, en effet, « Demain tout ira bien » réutilise la machine à écrire, ce n’est plus pour retracer l’histoire des guerres au Moyen-Orient ni pour questionner le rapport que les objets entretiennent avec la mémoire, mais pour raconter l’histoire de deux individus qui reprennent contact après des années de rupture. À partir d’un simple plan fixe, ce sont les mots échangés, les phrases d’un dialogue sans corps ni visages, de deux personnes qui sont donnés à voir, par l’intermédiaire de la pression des touches sur le papier et le glissement du chariot. Du dispositif archaïque renaissent progressivement les rayons de l’amour perdu.

demain

Déplacements : la machine à écrire devenue terrain d’échanges

Ce qui semble intéresser Akram Zaatari n’est donc pas le rapport direct de deux acteurs mais les déplacements induits par le dispositif d’écriture. Au lieu de considérer la machine à écrire comme un outil d’écriture solitaire, celle-ci devient le lieu d’une rencontre. Les notations sur la page déplacent le champ de l’homme vers la femme, et vice-versa, créant un champ de liaison inédite. S’y ajoute un déplacement du matériel vers l’affectif. D’un instrument proprement matériel, la machine à écrire devient le socle d’exposition des sentiments. Les désirs qui naissent entre l’homme et la femme, les sentiments renouvelés, la difficulté de raccorder le présent avec le passé; telles sont les opérations mentales rendues visibles par la relation verbale. Finalement, à travers le dispositif aussi simple que profond, nous sommes les témoins d’un échange universel, permettant au spectateur de projeter sur ces deux individus les visages qui peuplent son esprit.

Passage : la magie des mots en mouvement

Au-delà des déplacements qu’impliquent le dispositif, les mots-images s’inscrivent dans un mouvement proche de celui de la parole, proche de l’ “oralité écrite” que permettent les nouvelles technologies. L’inscription des lettres sur le papier devient magique, fantasmatique. En conséquence de quoi, le spectateur n’est plus seulement le témoin mais se voit en acteur, en écrivain, de cette discussion “virtuelle”. Le truchement de la réalité matérielle avec le mouvement irréel des paroles fabrique un lieu cinématographique fait de multiples projections. Ainsi perçu, ce lieu de “passage” de paroles, oscillant du sentiment au fantasme, rappelle les discussions enflammées des films d’Éric Rohmer à qui le film est dédié.

À partir d’une simple machine à écrire où s’écrit une histoire d’amour renaissante, Akram Zaatari rend hommage aux sentiments universels, aux fantasmes de l’écriture de passage et au cinéma des auteurs. Se décalant des expériences précédentes sur les traumatismes de guerre, celle de « Tout va bien à la frontière » (1997) par exemple, sur le terrain des échanges amoureux, il semble acquérir une forme d’espoir pour le futur. Ici, pas de nostalgie mais de simples mots à la signification ouverte qui disent en creux que le cinéma peut déplacer les frontières.

Mathieu Lericq

Consultez la fiche technique du film

S comme Scenes from the Suburbs

Fiche technique

Synopsis : Un groupe de jeunes dans une banlieue. C’était autrefois, pendant l’été, il y a si longtemps de cela. On ne peut pas sortir de la ville car l’état de guerre règne au dehors. Les militaires contrôlent la vie et les portes de la ville. Les jeunes traînent dans les rues. L’hiver est très loin. Il y a encore le désir et l’amour, il y a l’amitié – tout.

Genre : Fiction

Durée : 28’

Pays : Etats-Unis, Canada

Année : 2011

Réalisation : Spike Jonze

Scénario : Spike Jonze, Will Butler, Win Butler

Image : Greig Fraser

Son : T. Terressa Tate

Musique : Arcade Fire

Montage : Jeff Buchanan

Interprétation : Sam Dillon, Zoe Graham, Zeke Jarmon, Paul Pluymen, Ashlin Williamson

Production : MJZ, Arcade Fire

Article associé : la critique du film

Scenes from the Suburbs de Spike Jonze

L’événement n’était pas anodin et le timing était parfait. Tout juste heureux lauréats du Grammy Award du meilleur album pour The Suburbs, les membres d’Arcade Fire sont arrivés tout sourire à la 61e Berlinale pour présenter Scenes from the Suburbs, court métrage écrit à six mains, entre les frères Butler, membres fondateur du groupe et Spike Jonze, également à la réalisation. Récit d’une fin d’amitié adolescente sur fond d’invasion militaire en banlieue pavillonnaire, « Scenes from the Suburbs » se présente à la fois comme l’incarnation visuelle de l’album rêvée par Arcade Fire mais également comme un film de science-fiction autonome et singulier.

Agrippés à un grillage surmonté de barbelés, une bande de jeunes d’une quinzaine d’années observent le ballet des hélicoptères qui volent au dessus de la ville. L’insouciance de l’été est rappelée à l’ordre par la présence inquiétante de l’armée qui encercle cette banlieue du Texas et contrôle ses entrées. Mais comme l’annonce la voix off du héros, cet été restera surtout celui où Winter, son meilleur ami, s’est coupé les cheveux. You cut your hair and we never saw you again chante Win Butler dans The Suburbs, dernier album d’Arcade Fire. Ce projet, dont un premier court montage avait servi de clip à l’automne, est bel et bien le pendant filmique de l’album du groupe canadien. On y retrouve les thèmes développés dans certaines chansons notamment « The Suburban War » (And my old friends we were so different then / Before the war against the suburbs began) et la grande mélancolie de l’ensemble.

Assumé comme film d’anticipation par les frères Butler, la toile de fond militaire et étouffante ne semble qu’un prétexte pour raconter l’histoire d’amitié fusionnelle comme il n’en existe qu’à l’adolescence entre Kyle, chétif et blagueur, et Winter, le joli cœur à la mèche travaillée. Comme les chansons du groupe, le récit est elliptique et le mystère reste entier quant aux raisons qui pousseront Winter à rejeter violemment son meilleur ami. Plusieurs pistes sont évoquées (le retour du père, l’influence du frère et de l’armée) mais le mutisme de Winter reste l’élément le plus parlant. On s’étonne d’ailleurs que la scène où Winter tabasse Kyle dans un fast food désert soit présente dans le clip mais pas dans ce court métrage de près de trente minutes.

Le film est si fortement imprégné de l’univers d’Arcade Fire qu’on aurait pu penser que le style de Spike Jonze s’effacerait un peu dans l’illustration de leur album. Jonze est en fait un grand fan et l’on sait que pendant la longue préparation de Where the Wild Things Are, il a beaucoup écouté le premier album du groupe, Funeral (une chanson extraite de cet album accompagne d’ailleurs la bande-annonce du film). L’intérêt de Jonze pour les personnages inadaptés à leur environnement et empreints d’une grande mélancolie se retrouve donc très vite dans le film. Malgré tout, on ne peut s’empêcher de ressentir une légère déception en voyant « Scenes from the Suburbs »; l’addition du génie musical des Montréalais à l’inventivité visuelle de Spike Jonze ne produit pas de miracles comme on l’aurait espéré. Les attentes étaient certainement trop grandes car le film reste un beau portrait d’enfants qui grandissent trop vite.

Amaury Augé

Consultez la fiche technique du film

Berlin 2011

La 61e Berlinale (10-20 février) vient de s’achever hier soir. 25 films courts concouraient pour la statuette de l’ursidé doré. Nan Goldin, présidente du jury du court métrage, a remis l’ours d’or à Park Chan-wook et Park Chan-kyong pour leur film « Paranmanjang » (Night Fishing) récompensant ainsi le film le plus attendu de la compétition. Retour sur cette édition 2011.

Retrouvez dans ce Focus :

La critique de « Pera Berbangê » (Arpeggio ante Lucem) d’Aran İnan Arslan (Turquie)

La critique de « Planet Z » de Momoko Seto (France)

La critique de « Stick climbing » de Daniel Zimmermann (Suisse, Autriche)

La critique de « Świteź » de Kamil Polak (Pologne)

–  La critique de « Demain tout ira bien » d’Akram Zaatari (Liban, Royaume-Uni)

La critique de « Scenes from the Suburbs » de Spike Jonze (USA, Canada)

Berlinale, le palmarès du court

Berlinale, le palmarès du court

Berlin, fin février. Le Jury International du court métrage composé de Nan Goldin (USA), Renen Schorr (Israël) et Ibrahim Letaief (Tunisie) a attribué les prix suivants dans le cadre du 61ème festival de Berlin.

Ours d’Or du Meilleur court métrage : PARANMANJANG (Night Fishing) de PARKing CHANce (PARK Chan-wook, PARK Chan-kyong)

Prix du Jury/ Ours d’Argent : Pu-Seo-Jin Bam (Broken Night) de Yang Hyo-joo

Mention Spéciale : Fragen an meinen Vater (Questions to my Father) de Konrad Mühe

Nominé EFA Berlin : Återfödelsen (The Unliving) de Hugo Lilja

Prix du court métrage DAAD : La Ducha (The Shower) de Maria José San Martín

Gwendoline Clossais ou l’art d’illustrer le court

Un trait fin et incisif parsemé de taches suggestives caractérise les encres iconoclastes de Gwendoline Clossais. Pour la dixième année consécutive, l’illustratrice s’est engouffrée dans les salles obscures le temps du festival de Clermont afin d’y repérer des films à croquer. Pour le plaisir des yeux, voici ses dessins sur « Monsieur l’Abbé » de Blandine Lenoir et sur « Thermes » de Banu Akseki, deux illustrations bien inspirées et naturellement inspirantes !

« Monsieur l’Abbé » de Blandine Lenoir

gwendo-mr-abbe

© Gwendoline Clossais

« Thermes » de Banu Akseki

gwendo-thermes

© Gwendoline Clossais

Articles associés :

– l’interview de Blandine Lenoir

– l’interview de Banu Akseki

Big Bang Big Boom de Blu

« Big Bang Big Boom » est la nouvelle merveille de Blu, street artist spécialisé dans le graff animé, qui nous avait précédemment éblouis avec « Muto » et « Combo » (co-réalisé avec David Ellis). Le public du Festival de Clermont ne s’est pas trompé en lui offrant le bien nommé Prix du Public cette année. Prix mérité et logique, vu l’engagement de l’artiste auprès de ses fans, lui qui tient à ce que ses œuvres soient largement diffusées sur internet avant toute diffusion en festival.

« Big Bang Big Boom » commence sur une représentation du Big Bang, qui donne naissance à des premières formes de vie. Ces formes s’aventurent dans différents décors, puis commencent à évoluer vers des organismes plus complexes. Cependant, elles se heurtent à des problèmes d’environnement et se font manger à chaque fois par quelque chose de plus grand et de plus évolué qu’elles. Au fur et à mesure, les formes deviennent des animaux aquatiques (magnifique représentation de la mer et de ses occupants sur tout un pan de maison), puis des reptiles et des sauriens (passage dantesque sur la façade d’un mur avec des dinosaures toujours plus énormes, se dévorant entre eux). Une comète arrive et extermine cette « ère » pour laisser la place à un « singe se relevant » et évoluant vers une forme plus humaine. Tout autour d’un silo industriel, nous assistons alors à une succession de dessins d’hommes à différentes époques de l’histoire, prenant chacun une arme en main. Un compte à rebours sonore est enclenché et le dernier homme dessiné presse la détente de son arme ; le projectile fait le tour du silo et par un subtil jeu de perspective, les hommes se tuent eux-mêmes. La vidéo finit sur une apocalypse nucléaire qui détruit la terre entière : le fameux Big Boom.

La grande force de Blu est le mouvement, la qualité de son animation, son talent à donner vie à ses graffs par petites touches. « Big Bang Big Boom » ne déroge pas à la règle et se pose en vidéo ovni, lieu de transformations improbables, d’idées visuelles toujours plus poussées, avec, omniprésent, cet humour noir, vache, flirtant avec le surréalisme. Blu explore toutes les possibilités de sa technique et met en scène de multiples interactions avec des éléments du décor (animation d’une poche en plastique qui s’envole et évoque le mouvement d’une méduse, puis se transforme en une méduse animée ; animation d’une tortue avec des éléments de récupération ; construction d’une boule de détritus avec tous les éléments abandonnés d’une plage ; camion qui prend vie et attaque un pauvre animal passant par là), mais aussi, et c’est une grande première, avec des humains (un dinosaure émet un rugissement puissant qui fait s’envoler une dame au passage. Il utilise également plus de couleur qu’à l’accoutumée et laisse une part importante au design sonore assuré par son comparse Andrea Martignoni.

Avec cette vidéo, l’artiste italien a voulu donner, non sans humour, son point de vue sur le commencement et l’évolution de la vie, et comment il pense que cela pourrait se terminer. Il interroge l’humanité sur son futur (que faisons-nous pour éviter une telle catastrophe ?), et réussit à éviter les pièges du message asséné avec lourdeur grâce à ce ton qui le caractérise, empreint de liberté et de fraîcheur.

Julien Savès

Consultez la fiche technique du film

Article associé : l’interview d’Andrea Martignoni

Banu Akseki : « J’aime bien amener des personnages dans des lieux qui les mettent en décalage, dans des endroits où ils se sentent déterritorialisés »

Banu Akseki est de ces jeunes femmes que l’on garde en tête dès la première rencontre. Un regard franc et une voix réfléchie alimentent une discussion autour du cinéma. Venue présenter « Thermes » à la grand-messe du court métrage, la réalisatrice belge a su dès son premier film « Songes d’une femme de ménage » mettre délicatement en lumière la solitude des âmes à la dérive.

banu

Etant monteuse à la base, pourquoi t’es-tu dirigée vers la réalisation ?

Mon désir de faire des films existait déjà avant d’étudier le montage à l’IAD. Je pense que j’ai juste mis un peu de temps à l’assumer. Mais, je ne regrette pas du tout d’être passée par l’apprentissage du montage, c’est une bonne école peut-être pas pour la direction d’acteurs mais bien pour ce qui est du rythme et de la structure.

C’est toi qui montes tes films ?

Oui. Ce n’est pas toujours idéal pour garder une distance par rapport à ce que l’on raconte. Mais en même temps, le facteur temps ne s’impose pas de la même façon puisque je travaille pour moi et non pour quelqu’un d’autre.

Lorsque l’on voit tes films, on se rend très vite compte de ton sens de la mise en scène. D’où te vient-il ? D’une longue réflexion en amont ?

J’attends beaucoup de moments de grâce où les choses viennent pendant l’écriture, justement, au moment où on sent la mise en scène, où ça devient une évidence. C’est pourquoi je passe beaucoup de temps à écrire, pour moi écrire un film, ce n’est pas juste écrire une histoire, c’est amener un maximum ses idées sur papier.

Tu imagines déjà les mouvements de caméra quand tu écris ?

Oui, il faut que je les imagine un maximum à ce moment-là, si non, j’aurais l’impression que ce que j’ai écrit n’est pas valable.

songe

Comment t’est venue l’idée de « Songes d’une femme de ménage », ton premier film ?

Le point de départ vient d’une anecdote qui m’a été racontée par quelqu’un. Elle concernait la trouvaille d’un vibromasseur dans un endroit caché. En même temps, j’avais aussi l’idée d’un personnage de femme de ménage un peu traditionnelle d’origine turque. J’ai associé les deux idées et à partir de ce moment, l’écriture coulait de source. Surtout que le fait de traiter de la solitude de cette femme qui soit un peu décalée par rapport au lieu qui l’entoure m’est venue assez facilement.

La solitude, on la retrouve dans « Thermes ». Est-ce un sujet qui t’obsède ?

Disons que ce sont des choses qui me viennent instinctivement. En fait, j’aime bien amener des personnages dans des lieux qui les mettent en décalage, dans des endroits où ils se sentent déterritorialisés. C’est pour ça que j’utilise beaucoup de plans larges parce que j’aime inscrire mes personnages dans des décors qui les rendent étrangers au lieu.

L’utilisation de la voix off dans tes deux films semble renforcer cette solitude.

Même si certains n’apprécient pas cette voix off, moi, j’y tiens, car elle n’est pas là par hasard. Elle est surprenante et donne son côté capricieux au personnage, en tout cas pour celui interprété par Sophia Leboutte dans « Thermes ».

Néanmoins, malgré certaines similitudes, tes deux films demeurent assez différents.

Oui, c’est vrai que dans « Songes,… », toute l’écriture et la mise en scène était basée sur l’opposition, entre le personnage par rapport au lieu et à l’autre personnages féminin. Du fait d’assembler un objet plutôt grotesque tel qu’un vibromasseur et un poème, tout y est vraiment raconté par le biais de l’opposition. Avec « Thermes », l’envie était plutôt d’engloutir les deux personnages et ce qu’ils ressentent dans cet espace que sont les « Thermes ».

Quelque part, les personnages de « Thermes » ne sont-ils pas déjà engloutis dans le désarroi avant de se rendre au spa ?

Oui, j’aime bien partir d’un point de départ anecdotique puis amener l’histoire vers un monde plus abstrait. Par exemple, le récit de cette femme alcoolique et de son fils ne m’intéresse plus au bout d’un moment car je veux arriver à une certaine abstraction. La construction cinématographique m’intéresse plus que la construction narrative.

Dans les deux cas, le choix de tes actrices demeure intéressant. Comment les as-tu dirigées ?

Je ne dirige pas vraiment parce que le personnage est bien présent avant même le choix des comédiens. Et puis, cela dépend d’un comédien à l’autre, les choses se font de manière très instinctive. Le caractère de Sophia Leboutte était très différent de celui de Serra Yilma, la femme de ménage dans « Songes,… ». Elles possèdent toutes les deux une personnalité bien à elles donc les choses se sont passées très différemment. J’ai du mal à mettre des mots là-dessus, c’est parce que c’est avant tout une question de relation à l’autre.

Propos recueillis par Marie Bergeret

Consultez les fiches techniques de « Thermes » et de « Songes d’une femme de ménage »

Article associé : la critique de « Thermes » et le portfolio « Gwendoline Clossais ou l’art d’illustrer le court »

S comme Songes d’une femme de ménage

Fiche technique

songe

Synopsis : Une journée de travail de Gül, une femme de ménage au service des autres dont la vie se passe sans joie. Elle aspire, racle et nettoie. Mais un événement inhabituel va survenir. Une confrontation tragi-comique entre deux femmes que tout oppose.

Année : 2007

Pays : Belgique

Genre : Fiction

Durée : 15′

Réalisation : Banu Akseki

Scénario : Banu Akseki

Interprétation : Serra Yilmaz, Hilde Wils

Production : FraKas Productions

Article associé : l’interview de Banu Akseki

Les Courts du Grand, c’est demain !

Programme de la soirée :

‐ TOUS LES HOMMES S’APPELLENT ROBERT de Marc‐Henri Boulier (HD / 2:35 ‐ 5min50 ‐ 2010 ‐ Insolence Production et R!STone) : Un homme nu, le corps couvert d’ecchymoses, court dans les bois. Il se fige soudain : qui est cette mystérieuse femme qui semble l’appeler au secours ? Et surtout, qui sont ces hommes qui lui tirent dessus ?

‐ SECOND SEUIL de Loïc Nicoloff (HD ‐ 19min ‐ 2010 ‐ Tita Productions et Zoïc Productions) : N’acceptant pas de faire le deuil de sa vie passée, Pierre échoue dans un monde à la lisière du nôtre, talonné par un homme muet au sourire béat dont il ne parvient pas à se débarrasser.

‐ DANS LE SANG de Katia Jarjoura (Super 16 ‐ 31min ‐ 2009 ‐ Bizibi Productions) : Beyrouth, 19 ans après la guerre civile. Farès, un ancien milicien du parti Nouveau Liban doit agir pour convaincre son fils de ne pas sombrer dans la violence qui s’empare à nouveau du pays.

‐ LA THEORIE DES ENSEMBLES de Marc Hericher, Juliette Hamon Damourette et Jao‐Eka M’Changama (animation ‐ 4min ‐ 2007 ‐ ENSAD, Quark Production et Arte France) : Film réalisé pour la campagne contre l’exclusion et la discrimination menée par le Ministère de l’Agriculture.

TERRAINS GLISSANTS de François Vogel (35mm / 1:85 ‐ 10min ‐ 2010 ‐ Drosofilms) : Images déformées, temps élastique. Terrains glissants nous offre une vision poétique et singulière de l’homme sur la planète. Entre carnet de voyage et performance, le film retrace les errements d’un individu guidé par d’étranges voix intérieures. De New York à Sao Paulo, de la campagne française au désert californien, il glisse sur un monde à la fois minuscule et varié. Sélectionné au Festival de Clermont‐Ferrand 2011

courts-fevrier

Un cocktail sera offert à l’issue de la projection.
Programmation et organisation Courts du Grand : diffusion@collectifprod.net

Vendredi 18 Février 2011 à 19H30
au Cinéma Grand Action
5 rue des Ecoles ‐ 75005 Paris
Métro : Jussieu ou Cardinal‐Lemoine

PAF : 5 euros / 3 euros (membre Collectif Prod)

Évènement Facebook : http://www.facebook.com/?closeTheater=1#!/event.php?eid=196897523670759

10 ans de Labo en DVD

La sélection Labo du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand a fêté ses 10 ans cette année, et s’est munie pour l’occasion d’un DVD édité par les éditions Potemkine et Agnès B., sorti officiellement dans le commerce depuis le 15 Février. Appuyé par un artwork classieux et un authoring minimaliste (musique de fond par Jens Thiele), ce DVD est un condensé de techniques innovantes, de propositions narratives et formelles parmi les plus intéressantes. Il regroupe 10 films (et un bonus caché, à voir absolument), sous la forme d’un florilège d’oeuvres diverses et variées parcourant dix années d’expériences et d’audaces.

raymond-bif

« Raymond »

On retrouve dans ce DVD quelques « poids lourds », comme Thorsten Fleisch avec son film « Energie! », condensé de photographies de structures électriques bizarroïdes (une courte explication très drôle de sa technique est présente sur le DVD) ; mais aussi Bif, poulain de l’écurie Autour de Minuit, avec le court délirant « Raymond », dans lequel un maître-nageur fatigué, souhaitant découvrir l’océan, fait appel à une équipe de scientifiques pour contrôler ses mouvements à distance ; et enfin, David Russo, artiste génial du stop-motion (qui a droit lui aussi à son module explicatif complémentaire), avec son court « I Am (Not) Van Gogh », dans lequel il met en parallèle images d’horloges, de bouches et de poissons peints prenant vie dans la réalité, et intentions exprimées devant les décideurs financiers d’un festival d’art décidément très sceptiques.

the-tale-of-how11

D’autres oeuvres complètent la galette, comme « Sea Change » de Joe King et Rosie Pedlow (plusieurs plans de mobile home et d’individus se promenant à divers moments de la journée, filmés en travelling latéral, se fondent entre eux par l’art du montage et créent une longue carte postale), « Wir Sind Dir Treu » de Michael Koch (immersion pendant un match de foot dans la tribune de supporters du FC Bâle, alors qu’une personne s’époumone à mettre de l’ambiance pour soutenir son équipe, le tout filmé en point de vue unique, sans jamais voir la partie se jouer), « Duck Children » de Sam Walker (pièce de théâtre jouée par des enfants habillés en canards qui dégénère à l’arrivée d’un chasseur adulte à la tête déformée s’en prenant aux canards-enfants avec un fusil, avant de retourner l’arme contre lui), « The Tale Of How » du Blackheart Gang (fable sud-africaine sous la forme d’une comédie musicale animée parlant de « piranhas » voulant s’échapper du joug d’Otto, une pieuvre malfaisante, et aidés en cela par une « souris » du nom d’Eddy), et « Délices » de Gérard Cairaschi (succession stroboscopique de deux images qui se fondent pour en donner une troisième en jouant sur la persistance rétinienne, à la fois dérangeante et fascinante).

raftman-razor

« The Raftman’s Razor »

Deux oeuvres retiennent tout particulièrement l’attention, il s’agit en premier lieu de « The Raftman’s Razor » de Keith Bearden, membre du jury cette année à Clermont, qui raconte l’obsession grandissante de deux adolescents vis-à-vis d’un comics dans lequel il ne se passe pas grand-chose. En effet, le comics met en scène un homme perdu au beau milieu de la mer dans un bateau pneumatique, il se rase pour passer le temps et faire bonne figure, et il lui vient une pensée philosophique différente à chaque fois qu’il entreprend ce geste. Un jour, n’apparaît dans le comics que le rasoir : le naufragé a disparu, les adolescents découvrent alors la vérité. Fable sur le passage à l’âge adulte, la perte de repères, ce court métrage de 7 minutes est d’une grande poésie, visuellement et thématiquement très abouti et très bien réalisé.

lila

« Lila »

La deuxième oeuvre est « Lila », produit par Autour de Minuit et réalisé par le Broadcast Club, qui ressemble à s’y méprendre à un film de vacances avec sa succession de plans de vacanciers de tous âges et de tous horizons vaquant à leurs occupations dans un camping du Bassin d’Arcachon, près de la dune du Pyla. Et pourtant, voici un film d’une grande originalité, qui propose une vaste palette d’émotions, magnifié par la musique envoûtante du trio post-rock instrumental français, Limousine. Alors que les nouvelles à la radio ne sont pas toujours très réjouissantes, se succèdent à l’écran des portraits de gens souriants qui posent, magnifiés par la caméra. Ils ne se font pas de soucis, profitent du temps présent. Nous passons toute une journée avec eux, assistons au coucher de soleil dans un silence apaisant, puis nous nous rendons à une fête dans laquelle nous nous perdons. Pas de jugement, juste une galerie de portraits créant un bout d’humanité qui vit, malgré tout.

Julien Savès

DVD 10 ans de Labo : co-édition Potemkine et Agnès B.

Nicolas Provost : « Quand on fait quelque chose de beau, cela ouvre le cœur du spectateur. Une fois que le cœur est ouvert, on peut y mettre de la poésie »

Très présent depuis ses débuts dans la compétition labo du festival de Clermont-Ferrand, Nicolas Provost fait l’objet d’une rétrospective dans l’édition 2011. Ses films qui explorent sans cesse les codes du cinéma transcendent les images animées en objets artistiques aussi esthétiques que méditatifs. L’artiste parle de son travail comme une recherche permanente de la beauté.

nicolas-provost

© Bart Dewaele

L’importante exposition de vos œuvres au festival de Clermont-Ferrand est-elle quelque chose de plaisant pour vous ? Les spectateurs viennent-ils vous interroger sur vos films ?

En fait, j’essaie d’être invisible en festival, ce sont les films qui comptent. Il faut que mes films fonctionnent du début à la fin. C’est-à-dire qu’une fois finis, il faut que je puisse les lâcher dans le monde comme s’ils ne m’appartenaient plus. Si je rencontre des gens, je vais parler avec eux mais je suis déjà un peu ailleurs, en train de réfléchir au prochain projet.

Sur l’ensemble des films montrés ici, il y en a deux qui font partie d’une trilogie, « Stardust » et « Plot Point ». Comment est née l’envie de travailler cette forme ?

L’idée de la trilogie est venue après avoir fait « Plot Point » à New York. Je voulais voir si je pouvais faire de la fiction en filmant des gens dans la rue et en jouant avec les codes du cinéma. Et puis, je trouve l’idée fascinante de pouvoir aujourd’hui, avec la révolution digitale, filmer comme on veut et de faire des petites productions qui ressemblent à des grosses productions. Tous mes films commencent très intuitivement, c’est une toute petite idée ou une image, et comme je suis seul, je peux aller les réaliser tout de suite et après je vois si ça marche ou non.

plot-point-nicolas-provost

Cliquer sur l'image pour visionner un extrait de « Plot Point »

Comment s’est fait le choix des villes de la trilogie ?

J’ai choisi New York car c’est une ville qui est comme un studio de cinéma, où la lumière est bonne, où on trouve les bons personnages. Je pensais que Las Vegas pourrait en faire autant donc j’ai utilisé le même principe sauf que pour une partie du film j’ai fait un peu de mise en scène : j’ai introduit des vraies stars d’Hollywood.

En tant que spectateur, on se demande d’ailleurs si vous les avez filmées à leur insu ?

C’est une chose que je ne révèle pas. C’est important pour le film que l’on se pose cette question.

Qu’en est-il pour le film sur Tokyo (le dernier de la trilogie) qui n’a pas encore été présenté au public ?

Il sera prêt l’année prochaine pour une exposition de la trilogie chez Argos (le distributeur des films de Nicolas Provost, ndrl). J’ai déjà filmé une bonne partie. J’ai été encore plus loin. J’ai travaillé avec un vrai comédien qui joue le rôle d’un serial killer interagissant avec la réalité. Tout reste quand même en caméra cachée, la différence, c’est que je filme un vrai comédien.

Vous interrogez les différents genres cinématographiques dans cette trilogie…

Dans les trois, on est dans le thriller. Pour New York, je me rendais compte au montage que je devais faire une narration très classique « début-milieu-fin » avec quelques « plot points. A Las Vegas, c’est plutôt le « crime story » parce que c’est comme ça que l’on connaît cette ville. Dès le début du film j’ai dispersé plusieurs intrigues comme on le fait dans ce genre cinématographique (surveillance, blackmailing…). Ce sont des pistes parallèles qui se croisent de temps en temps mais qui ne sont pas fermées. Je préfère en général ne pas fermer les choses dans mes films et que le mystère reste irrésolu. J’aime que l’on aille vers une émotion d’extase. Je ne le fais pas exprès, mais après dix ans de travail, je me rends compte que dans tous mes films il y a un moment où j’essaie de rentrer à travers l’image comme si je voulais dévoiler le mystère de la réalité.

long-live-the-new-flesh-nicolas-provost

Cliquer sur l'image pour visionner un extrait de « Long live the new flesh »

Dans votre rétrospective, il y a aussi le film « Long live the new flesh » qui propose une forme de déconstruction où les images se consument entre elles grâce à une technique digitale qui permet de travailler l’image filmée un peu comme une peinture. C’est un objet un peu à part dans votre filmographie ?

C’est un objet, c’est ça. Je vois mes films comme des sculptures, des objets. Mais je crois aussi que tous mes films sont différents, à part la trilogie. Mon travail revient par contre toujours à sculpter l’image, à faire naître de la magie. Je veux créer une courbe de tension qui dure le plus longtemps possible mais je ne sais jamais si ça va être une courbe d’une minute, d’une demi-heure…

Pour dire qu’un film est fini, il faut que cette courbe soit arrivée à sa fin ?

Peut être… J’ai pensé faire un long métrage et l’arrêter exactement, brutalement à 90 minutes. Si on a le sentiment qu’on est au milieu du film, qu’il manque une moitié, c’est mon idée, ma décision. Si je l’ai décidé, ce sera la fin.

Votre travail est toujours très esthétique…

J’ai besoin de faire des choses qui sont très esthétiques, de créer des choses qui ont une beauté parce que je me vois comme un poète. Quand on fait quelque chose de beau, cela ouvre le cœur du spectateur. Une fois que le cœur est ouvert, on peut y mettre de la poésie. J’ai toujours trouvé la beauté très inspirante. Ce n’est pas toujours le cas dans l’art contemporain.

Vous utilisez souvent dans votre filmographie l’effet miroir qui donne un rendu très esthétique avec un procédé finalement très simple…

Tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, c’est du montage très classique, sauf avec «Long live the new flesh », sinon j’utilise un logiciel très simple pour l’effet miroir. J’ai toujours essayé de faire des bijoux. Je suis très conscient que lorsqu’on travaille en audiovisuel, il y a un public qu’il faut charmer. Je suis dans l’entertaining business. Je n’ai pas honte de le dire.

storyteller

Cliquer sur l'image pour visionner « Storyteller »

Comment envisagez-vous le rapport entre l’image et le son ? Comment arrive-t-on à l’absence de son comme dans « Storyteller » ?

Je ne trouve pas choquant du tout qu’il n’y ait pas de son dans un film. On a quand même eu le film muet avant. Le silence c’est du son aussi. Dans « Storyteller », ça devient de la méditation, dans « Suspension » aussi. Quand il y a du son, de la musique, c’est pour guider l’émotion. Dans « Papillon d’amour », j’ai profité de la musique pour mettre le plus d’émotion possible. C’est le film le plus émotionnel que j’ai fait. Je sculpte avec le son comme avec l’image.

Où en est votre projet de long métrage, « L’envahisseur » ?

Il va sortir à l’automne prochain. On a commencé le montage. C’est une histoire classique inspirée par mon genre préféré : le film de anti-héros. J’ai choisi cette histoire simple pour pouvoir justement y accrocher ma poésie.

Propos recueillis par Fanny Barrot

Articles associés : les critiques de « Plot Point », « Stardust » et « Storyteller »

La course des courts aux Oscars

Only 11 days Left ! Ainsi est-on accueilli sur le site des Oscars, la cérémonie annuelle des pleurs, des robes et des films. Et le court dans tout ça ? Il apparaît dans trois catégories distinctes : documentaire, fiction et animation.

Nominations 2011

Fiction

The Confession – Tanel Toom

The Crush – Michael Creagh

God of Love – Luke Matheny

Na Wewe – Ivan Goldschmidt

Wish 143 – Ian Barnes et Samantha Waite

Documentaire

Killing in the Name – Jed Rothstein

Poster Girl – Sara Nesson and Mitchell W. Block

Strangers No More – Karen Goodman et Kirk Simon

Sun Come Up – Jennifer Redfearn et Tim Metzger

The Warriors of Qiugang – Ruby Yang et Thomas Lennon

Animation

Day & Night- Teddy Newton

The Gruffalo – Jakob Schuh and Max Lang

The Lost Thing – Shaun Tan and Andrew Ruhemann

Let’s Pollute – Geefwee Boedoe

Madagascar, carnet de voyageBastien Dubois