La 67ème Mostra de Venise : la sélection courts métrages

À l’occasion de la Biennale de Venise, la 67ème édition de la Mostra Internazionale d’arte cinematografica se déroulera entre le 1er et le 11 septembre 2010. Ci-dessous, un aperçu des courts métrages présentés cette année. Une sélection bien nourrie qui se déploie sur trois thématiques : « Orizzonti : nouvelles tendances dans le cinéma mondial », « Controcampo Italiano : nouvelles tendances dans le cinéma italien » et « Hors Compétition » qui redonne une visibilité à des réalisateurs déjà présents lors des éditions précédentes.

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Orizzonti : nouvelles tendances dans le cinéma mondial

DOUG AITKEN – « HOUSE »
USA, 9′, expérimental
Marilyn Aitken, Robert Aitken

VICTOR ALIMPIEV – « SLABYJ ROT FRONT » (WEAK ROT FRONT)
Russie, 12′, expérimental film

YURI ANCARANI – « IL CAPO »
Italie, 15′, documentaire

MAURO ANDRIZZI – « EN EL FUTURO »
Argentine, 52′

MARTIN ARNOLD – « SHADOW CUTS »
Autriche, 5′, expérimental

GUILLERMO ARRIAGA – « EL POZO »
Mexique, 8′
Humberto Berlanga, Francisca Urquieta

NUNTANAT DUANGTISARN – « WOMAN I »
Thaïlande, 20′
Nophand Boonyai, Jenjira Pongpas

FLATFORM – « NON SI PUÒ NULLA CONTRO IL VENTO »
Italie, 6′, expérimental

VINCENT GALLO – « THE AGENT »
USA, 13′
Sage Stallone, Vincent Gallo

WENHAI HUANG – « QIAO » (CRUST)
Chine, 13′, documentaire

HARALD HUND, PAUL HORN – « MOUSE PALACE »
Austriche, 10′, expérimental

KEN JACOBS – « A LOFT » [HORS COMPETITION]
USA, 16′, expérimental

CHAISIRI JIWARANGSAN – « NOK KA MHIN » (FOUR SEASONS)
Thaïlande, 11′
Roongrit Sri-in-noi

ISAAC JULIEN – « BETTER LIFE »
Royaume-Uni, Chine, 55′
Maggie Cheung, Zhao Tao, Yang Fudong

ISAAC JULIEN – « THE LEOPARD » [HORS COMPETITION]
Royaume-Uni, Italie, 20′
Vanessa Myrie, Juliette Barton, Saiko Kino, Riccardo Meneghini, Kyoung-Shin Kim, Alexander Varona

RUSTAM KHAMDAMOV – « BRILIANTY » (DIAMONDS)
Russie, 26′
Diana Vishneva, Renata Litvinova, Dmitri Mulyar

CLARA LAW – « CHI DI » (RED EARTH)
Chine-Hong Kong, Australie, 21′
Daniel Wu

CARLO LIBERATORE, ANTONIO IACOBONI, STEFANO IANNI, MARCO CASTELLANI, ET AUTRES – « UN ANNO DOPO – PROGETTO MEMORY HUNTERS » [HORS COMPETITION]
Italie, 22′, documentaire

ARMIN LINKE, FRANCESCO MATTUZZI – « FUTURE ARCHAEOLOGY »
Italie, Allemagne, 20′, documentaire

MARKUS LOEFFLER, ANDRÉE KORPYS – « ATOM »
Allemagne, 30′, expérimental

BERTRAND MANDICO – « LIF OG DAUDI HENRY DARGER » (THE LIFE AND DEATH OF HENRY DARGER)
France, Islande, 6′
Arnardottir Arpa, Gudmundsson Karl, Lemarquies Tomas

JESSE MCLEAN – MC MCLEAN – « MAGIC FOR BEGINNERS »
USA, 20′, expérimental

GALINA MYZNIKOVA, SERGEY PROVOROV – « VOODHUSHEVLENIE » (INSPIRATION)
Russie, 45′, expérimental

MANOEL DE OLIVEIRA – « PAINÉIS DE SÃO VICENTE DE FORA, VISÃO POÉTICA »
Portugal, 16′
Ricardo Trepa, Diogo Dòria

DAVID O’REILLY – « THE EXTERNAL WORLD »
Allemagne, 15′, animation

LAILA PAKALNINA – « PA RUBIKA CELU » (ON RUBIK’S ROAD)
Lettonie, 30′, documentaire

RAFAEL PALACIO ILLINGWORTH – « MAN IN A ROOM »
USA, Mexico, Switzerland, 6′
Noah Britton

ARNAUD DES PALLIÈRES – « DIANE WELLINGTON »
France, 15′, expérimental

JEAN GABRIEL PÉRIOT – « LE BARBARES »
France, 5′, expérimental

SASHA PIRKER – « THE FUTURE WILL NOT BE CAPITALIST »
Autriche, 19′, documentaire

LUIZ PRETTI – « O MUNDO È BELO »
Brazil, 9′, expérimental
Themis Memória

NICOLAS PROVOST – « STARDUST »
Belgium, 20′, expérimental
Jack Nicholson, Dennis Hopper, Jon Voight

SJ. RAMIR – « COLD CLAY, EMPTINESS… »
Nouvelle Zélande, 7′, expérimental

EMILY RICHARDSON – « THE FUTURIST »
Royaume-Uni, 4′, expérimental

ROEE ROSEN – « TSE » (OUT)
Israël, 34′
Ela Shapira, Yoana Gonen

JOSH AND BENNY SAFDIE – « JOHN’S GONE »
USA, 21′
Benny Safdie, Jordan Valdez, Dakota Goldhor, Juan Waters

SEMICONDUCTOR (RUTH JARMAN, JOE GERHARDT) – « INDEFATIGABLE »
Équateur, Royaume-Uni, 7′, documentaire

XUN SUN – « 21 KE » (21 GRAMS)
Chine, 29′, animation

ELINA TALVENSAARI – « MITEN MARJOJA POIMITAAN » (HOW TO PICK BERRIES)
Finlande, 19′, documentaire

OLEG TCHERNY – « LA LINEA GENERALE »
France, 16′, expérimental

PETER TSCHERKASSKY – « COMING ATTRACTIONS »
Autriche, 25′, expérimental

HANNES VARTIAINEN, PEKKA VEIKKOLAINEN – « ERÄÄN HYÖNTEISEN TUHO » (THE DEATH OF AN INSECT)
Finlande, 7′, expérimental

ATSUSHI WADA – « HARU NO SHIKUMI » ( MECHANIC OF SPRING)
Japon, 5′, animation

OLIVIER ZABAT – « FADING »
France, 58′, documentaire expérimental

ISHTIAQUE ZICO – « 720 DEGREES »
Bangladesh, 5′

GEORGIOS ZOIS – « CASUS BELLI »
Grèce, 11′
Marisha Triantafyllidou, Tzeni Theona, Iris Ponkena, Hlias Gkoyiannos, Alekos Vassilatos, Antonis Tsiotsiopoulos, Yorgos Biniaris, Lampros Filippou

Controcampo Italiano : nouvelles tendances dans le cinéma italien

MICHELA CESCON – « COME UN SOFFIO »
Italie, 7′
Valeria Golino, Alessio Boni

ANDREA COSTANTINO – « SPOSERÒ NICHI VENDOLA »
Italie, 16′
Anita Zagaria, Paolo De Vita, Teodosio Barresi, Giustina Buonomo

ROBERTO DE PAOLIS – « BASSA MAREA »
Italie, 15′
Giulio Stasi, Gisella Burinato, Girogio Colangeli, Eva Miella

GIORGIA FARINA – « ACHILLE »
Italie, 19′

SIMONE GODANO, LEONARDO GODANO – « NIENTE ORCHIDEE »
Italie, 14′
Giuseppe Fiorello, Valeria Solarino, Nello Mascia, Marianna Raschillà

GIANCARLO ROLANDI, STEVE DELLA CASA – « FLAIANO: IL MEGLIO È PASSATO » [HORS COMPETITION]
Italie, 52′, documentaire
Sandra Milo, Giuliano Montaldo

Hors Compétition

GIANFRANCO GIAGNI – DANTE FERRETTI – « PRODUCTION DESIGNER »
Italy, 52′, documentaire
Dante Ferretti

ANTONELLO SARNO – « LA PRIMA VOLTA A VENEZIA »
Italie, 43′
Toni Servillo, Nello Mascia, Geppy Geijeses, Salvatore Ruocco

YUAN ZHANG – « TAIKONG XIA 3D » (SPACE GUY)
Chine, 11′, animation

Consultez le site du festival

 

Joachim Lafosse : Avant (et après) les longs

Cette année, Joachim Lafosse sera présent au 63e Festival de Locarno avec pas moins de deux films, deux courts métrages plus précisément.

Le premier, « Tribu » (2001), est son film d’école réalisé à l’IAD (Institut des Arts de Diffusion) et aussi son coup d’essai. Il sera projeté en séance spéciale ’20 ans de Pardi di Domani’, une section du festival consacrée aux courts métrages de jeunes cinéastes prometteurs pas encore passés au long, où on retrouve des auteurs confirmés comme Ursula Meier (Suisse), Laurent Cantet (France) ou Cristi Puiu (Roumanie).

« Avant les mots », c’est le titre du deuxième court que viendra présenter l’auteur de « Nue Propriété » (2006) et d’« Elève Libre » (2008). Ce documentaire de création, produit par Les Films du Bélier, a été réalisé dans le cadre d’une carte blanche proposée par le Théâtre de Gennevilliers etdirigée par Olivier Assayas. Cette carte blanche avait déjà vu naître en 2008 les oeuvres courtes de Jean-Paul Civeyrac (« Malika s’est envolée ») et de Shinji Aoyama (« Le petit chaperon rouge »). Cette année Bertrand Bonello et Lodge Kerrigan sont avec Lafosse les cinéastes invités par Assayas.

Tribu

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Un babillage d’enfant et une comptine en flamand viennent accompagner le générique de début de « Tribu », suivis de la dédicace « à nos idéaux déçus ». Le ton est donné. La lune de miel est terminée. Le film s’ouvre sur une scène violente de dispute entre des parents divorcés qui se déchirent autour de la figure du fils, devenu grand, à l’évidence plus proche du camp maternel.
Le père a refait sa vie avec une femme qui a déjà un enfant et qui en attend un de lui. Il essaye maladroitement de se rapprocher de son fils pour lui annoncer qu’il va avoir un demi-frère. Ce nouveau-né sera malgré tout celui qui les réunira au final.

« Tribu » a les qualités et les défauts d’un premier film. Les qualités car le scénario de Lafosse contient déjà les thèmes qu’il abordera dans ses longs métrages : la cellule familiale comme berceau de la rupture, le rapport problématique à la sexualité et la question de la transmission et plus particulièrement de la filiation. En cela, « Tribu » aurait très bien pu donner lieu à un long métrage car on est loin de l’anecdotique que l’on croise malheureusement souvent dans le court métrage. Lafosse démontre déjà son aisance dans l’installation de son récit et la force de ses personnages. Il semble voir plus loin que le format. Il n’échappe pourtant pas à certains tics esthétisants comme cette boulimie de fondus au noir qui finissent par agacer plus que suggérer. Il endosse là le costume de l’étudiant en cinéma qui veut impressionner avec des artifices malheureusement un peu usés.

Avant les mots

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Dix ans séparent « Tribu » de « Avant les mots ». Lafosse a tourné quatre longs entre temps et s’est hissé parmi les jeunes auteurs européens qui comptent. C’est donc avec attention qu’on découvre ce court métrage, le deuxième seulement de sa filmographie. On est d’abord surpris car il délaisse la fiction pour choisir le documentaire. Il quitte aussi le monde des adultes en consacrant son film à Cédric, un enfant de deux ans lors de sa journée à la crèche de Gennevilliers. Cédric tient depuis peu sur ses jambes mais se cache déjà derrière ses lunettes qu’il a solidement attachées derrière la tête. Les verres se retrouvent vite mouillés par ses larmes lorsque sa maman le quitte comme tous les matins pour le laisser avec l’assistante maternelle. La tragédie est quotidienne, pourtant elle a le goût salé des premières fois.

La caméra de Lafosse est en retrait. Cédric, tout comme les autres enfants de la crèche, ne semble pas la voir. Lafosse dit « vouloir filmer ce qui se passe lorsque nous ne sommes pas là ». On sait depuis longtemps que l’observateur influe sur le comportement de l’observé. Souvent caché derrière une porte, il essaye donc au maximum de se faire oublier. Les scènes, chronologiques, font apparaître la fragilité de Cédric facilement malmené par les autres enfants. Les épisodes de siestes qui viennent ponctuer le film sont autant de moments pour lui de lâcher prise, de ne plus être sur ses gardes face aux autres. Ce sont aussi les plus beaux moments du film. Lafosse filme le réveil de Cédric avec beaucoup de pudeur, on a l’impression d’assister à un moment d’intimité et de vérité. Le film est d’ailleurs basé sur cette sensation, celle d’observer sans être vu, d’assister à quelque chose de quotidien mais rare. Depuis « Tribu », Joachim Lafosse est lui-même devenu père et sa façon de filmer les enfants a peut-être changé suite à cet événement, le regard qu’il porte est moins dur et moins pessimiste. Lui qui est connu pour ses scènes de tensions familiales et frontales trouve ici l’occasion de casser un peu l’image qu’on a de son cinéma et d’explorer de nouvelles pistes, hors de la fiction, hors de Belgique et hors du long. Souhaitons qu’il revienne à la forme courte plus rapidement la prochaine fois, cela lui réussit très bien.

Amaury Augé

Consulter les fiches techniques de « Tribu » et de « Avant les mots »

A comme Avant les mots

Fiche technique

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Synospis : « En filmant le quotidien d’un enfant d’une crèche de Genneviliers, je souhaite tenter de faire naître du cinéma avec un acteur de moins de trois ans. Je désire tenter de faire apparaître un récit sans discours sur le temps de la petite enfance. Juste tenter de filmer ce qui se passe quand nous ne sommes pas là. » – Joachim Lafosse

Genre : Documentaire

Durée : 25′

Pays : France

Année : 2010

Réalisation : Joachim Lafosse

Scénario : Joachim Lafosse

Image : Jean-François Hensgens

Montage : Sophie Vercruysse

Son : Florent Klockenbring

Mixage : Emmanuel Croset

Production : Les Films du Bélier

Article associé : la critique du film

T comme Tribu

Fiche technique

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Synospis : C’est l’histoire de la rigidité et du mouvement au sein d’une famille qui se désagrège.C’est l’histoire d’un fils qui n’a qu’une langue maternelle (le français) et qui découvre la langue paternelle (le néerlandais). C’est l’histoire d’une famille qui cesse d’être un boulet que l’on traîne malgré soi tout au long de sa vie, dans la dépendance et le rejet.

Genre : Fiction

Durée : 24′

Pays : Belgique

Année : 2001

Réalisation : Joachim Lafosse

Scénario : Joachim Lafosse

Image : Michaël Inzillo

Montage : Karen Benainous

Interprétation : Cédric Feckhout, Kriss Cuppens, Jacqueline Bollen, Leïla Putcuitps

Production : IAD

Article associé : la critique du film

Festival de Locarno 2010

Depuis 1946, LFestival del film Locarno 2010ocarno organise un festival de type A et met en lumière les auteurs indépendants, inconnus comme confirmés, ainsi que les films inédits et les nouvelles tendances. Le court métrage y est également mis à l’honneur, notamment à travers les compétitions nationale et internationale et la sélection « Pardi di Domani » consacrée aux courts et aux moyens métrages de réalisateurs n’ayant pas encore percé dans le long, sélection qui fête ses 20 ans cette année.

Retrouvez dans ce focus :
La sélection des courts présentés

La double critique de « Tribu » (Belgique) et « Avant les mots » (France) de Joachim Lafosse

La critique de « Jeux de plage » de Laurent Cantet

La critique de « Surgir ! (l’Occident) » de Grégoire Letouvet

Nuits Méditerranéennes du court métrage de Corté, la sélection

Compétition internationale

Le joueur de citernes d’Emmanuel Gorinstein (France)
Les escargots de Joseph de Sophie Roze (France)
Sang Froid de Julien Bossé (France)
Hymen de Cédric Prévost (France)
Demi-paire de Yannick Pecherand-Molliex
Avant-hier (Day before yesterday) de Patricia Chica (Canada)
Inspiração d’Elodie Rivalan (France)
Le deuil de la cigogne joyeuse d’Eileen Hofer (Suisse/Liban, 2010)
L’homme qui dort d’Inès Sedan (France/Canada, 2010)
On ne mourra pas Fiction d’Amal Kateb (France)
En suspension de Fanny Dal Magro (France)
Bad trip d’Idrissa Guiro (France)
La chienne d’histoire de Serge Avédikian (France)
Climax de Frédéric Sojcher (France)
Love Patate de Gilles Cuvelier (France)
Run Granny Run de Nikolaus von Uthmann (Allemagne)
The bêdengî d’Aziz Capkurt (Turquie)
Tre Ore d’Annarita Zambrano (Italie/France)
Esto es un Revolver de Pablo González (Colombie/France)
Fard de David Alapont et Luis Briceno (France)
Fengshui de Pauliina Punkki (Finlande)
Traverser de Marine Place (France)
Une boîte de boutons d’Arias María Reyes (Espagne)
7h57 am-pm de Simon Lelouch (France)
Des enfants dans les arbres de Bania Medjbar (France)
Le genou blessé et L’homme debout d’Yann Chayia (France)
Nuvole, Mani de Simone Massi (France)
Rezign de David Myriam (France)
Waramutseho d’Auguste Bernard Kouemo Yanghu (France/Cameroun/Belgique)

Compétition étudiante

59/184/84 de Kokes Lukas (République Tchèque)
La fuite de Mélanie Gohin (France)
Spatzen de Jan Speckenbach (Allemagne)
Un havre de paix de Léo Médard (Belgique)
Le complexe du homard de Paul Enora (France)
Entre deux mondes de Julie Lorant (France)
Banel Thyrin de Steeven Racon (France)
Último Sonho Antes de Voltar de Pierre Jézéquel (Portugal)
Baba de Zuzana Kirchnerova (République Tchèque)
Homeland de Juan de Dios Marfil (République Tchèque)
Instinctif de Céline Tejero (France)
Hranice de Kristof Gyorgy (République Tchèque)
Tom de Karim Ghorayeb (Liban)

Le site des Nuits : www.myspace.com/nuitmedcorse

Joseph Pierce : « La conception d’idées est pour moi comme un accouchement : un processus long et douloureux »

Joseph Pierce, réalisateur anglais, auteur de Stand Up et A Family Portrait parle, de l’autre côté de la Manche, de ses inspirations, de ses projets de films et de sa propension pour l’humour à deux balles.

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Format Court : Comment est né ton intérêt pour le cinéma et plus particulièrement pour l’animation? Quels films t’ont marqué le plus ?

Joseph Pierce : J’ai passé pas mal de samedis après-midis dans un cinéma indépendant près de chez moi, où je regardais tout, de Ken Loach à Jacques Tati, de Ray Harryhausen à Tim Burton. Cela m’a initié à une grande variété de films au-delà des blockbusters. J’ai d’abord suivi une formation d’acteur, puisque c’était quelque chose que j’arrivais plus ou moins à faire, mais je me suis vite rendu compte que je préférais écrire et créer des œuvres. Donc j’ai opté pour un diplôme dans le cinéma expérimental. C’est alors que j’ai découvert les films de Jan Svankmajer qui m’ont laissé bouche bée. Du coup j’ai passé le reste de mes études en train d’expérimenter et d’animer des objets. J’ai compris que faire de l’animation c’est une forme de performance, au même titre que le jeu d’acteur.

En ce qui concerne l’animation, à part Svankmajer, qui est ma plus grande influence, j’ai aussi été fort impressionné par Jason et les Argonautes ! Et j’ai toujours été attiré par la sculpture moderne, par les œuvres de Marc Quinn et Damien Hirst, par exemple. J’adore ce qui comporte une qualité viscérale et tactile et j’essaie de de reproduire cet effet dans mes dessins.

Quel était ton parcours académique avant la NFTS ? D’où est venu ce choix de formation parmi les nombreuses écoles de cinéma en Angleterre ?

J.P. : J’ai étudié ce qu’on appelait ‘Time Based Media’ (un nom qu’on a vite changé en ‘Film et Vidéo’ vu que personne ne comprenait ce que ça voulait dire !) pendant trois ans, où on nous disait que si on voulait être le prochain Scorcese, on s’était trompé d’endroit. J’ai d’abord eu du mal avec cette façon de penser, mais j’ai quand même profité de cette approche cinématographique novatrice, éloignée du courant principal. Je voulais être un ‘artiste’ et faire de l’animation au Royal College of Art. J’ai réussi à avoir un entretien sur la base de mon portfolio mais je l’ai complètement raté et je n’ai pas été admis. J’ai honte de l’avouer mais je ne connaissais pas la NFTS à l’époque. J’avais un ami qui étudiait la cinématographie là-bas et qui m’a beaucoup incité à y aller. Aujourd’hui, je peux dire que le fait de ne pas avoir été admis au RCA a été la meilleure chose qui ait pu m’arriver. C’est un endroit génial mais ce n’était pas pour moi qui voulais raconter des histoires et travailler en équipe au lieu d’être un artiste solitaire.

Dans quel contexte as-tu conçu Stand Up ? Quelles consignes avez-vous reçues pour votre film de fin d’études ?

L’idée de Stand Up avait germé dans ma tête même avant que je n’aille à la NFTS. Je m’amusais à jouer avec la technique de rotoscopie pour combler mon manque de talent de dessinateur et je me suis filmé en train de faire un stand-up à deux balles. J’ai complètement oublié ce projet et pour mon film de fin d’études, je cherchais à faire une animation en volume. Ça n’a rien donné, donc j’ai finalement repêché l’idée de Stand Up qui a rencontré beaucoup d’enthousiasme. Je suis devenu obsédé par la mauvaise comédie et pour mes recherches, j’ai vu des choses vraiment affreuses, y compris un type qui s’est  tellement fait chahuter sur scène qu’il est tombé dans les vapes. Nous pensions que ça faisait partie du show jusqu’à ce qu’une ambulance arrive !

Pour les films d’écoles, il n’y avait pas vraiment de contraintes particulières, du moment qu’ils respectaient le budget et les délais de réalisation. Mon projet était plus modeste que les autres, donc quand il a commencé à avoir du succès, les gens étaient d’autant plus surpris. La deuxième année à l’école fut fort dure, étant donné qu’on devait se concentrer en permanence sur un seul film, et parfois bosser jusque 14 heures par jour, 7 jours par semaine ! Mais il y avait un esprit d’équipe très développé, et j’ai gardé de très bons contacts avec mes collègues. Par exemple, pour le tournage de mon dernier film, il y avait au moins cinq amis de l’école dans l’équipe.

Ce dernier film, A Family Portrait, comment est-il né ?

Je souhaitais explorer la dynamique familiale, parce que tout le monde peut s’identifier à ces repas ou ces voyages en famille qui tournent mal. Au début, j’ai conçu un récit autour d’une table, mais cette idée manquait de tension, donc je l’ai transposée au studio d’un photographe et là tout a commencé à prendre forme. J’aime bien mener le spectateur vers un faux sentiment de sécurité dans lequel l’ambiance gaie s’évapore très vite. Et j’adore détester la fameuse ‘photo de famille’ car elle a quelque chose de très artificiel et très cliché ! Alors je me suis dit : « Et si la famille était de mauvais humeur le jour où elle devait justement montrer une façade de bonheur absolu ? »

Ce film a justement dû parler à un public bien large, car il a été très bien reçu partout, en Angleterre comme en France.

Oui, j’ai eu de la chance d’avoir pu aller en France à plusieurs reprises, avec Stand Up et A Family Portrait. Ce qui m’impressionne toujours, c’est qu’une grande partie du public n’est pas issue du milieu du cinéma. Les séances sont souvent bien remplies et on remarque tout de suite si le public aime le film ou pas. C’est un grand honneur de voir son film sélectionné dans un pays qui a une si grande appréciation pour le cinéma, alors gagner un prix là, c’est vraiment le top ! Je pense notamment aux festivals de Clermont et d’Angers, qui m’ont très chaleureusement accueilli. Le film a aussi connu un succès en Angleterre, c’est vrai, mais le milieu du court métrage et moins grand chez nous et du coup, il est moins pris au sérieux, à l’exception du festival Encounters à Bristol, qui a toujours été extrêmement généreux avec moi.

Comment définirais-tu ta technique ?

J’ai commencé à faire de l’animation en volume et de la pixilation, mais je ne trouvais plus trop d’idées d’histoires à raconter avec des objets inanimés, alors j’ai commencé à faire de l’animation dessinée. J’aime bien l’effet raturé d’un stylo ou d’un crayon. Utiliser cette technique avec celle de la rotoscopie permet à l’animation de dire des choses qui seraient autrement impossibles, un peu comme un dialogue intérieur. Je suis quand même très attaché à l’animation en volume et je n’exclus aucune technique si le sujet le demande. Mais je dois dire que le CGI pour moi est un tout autre monde !

Que représente le court métrage pour toi ? Le vois-tu comme un format en soi adapté à ton travail de réalisateur ou plutôt comme une étape vers le long métrage ?

Je suis très à l’aise avec le format court. J’aime beaucoup le défi que représente le travail de condenser en si peu de temps une histoire cohérente, des personnages convaincants et une conclusion satisfaisante. Inversement, je trouve qu’il est curieusement plus facile de s’ennuyer pendant un court métrage ! Pourtant, il y en a qui réussissent à faire un film au moins aussi captivant que n’importe quel long. Skhizein de Jérémy Clapin, ou The Runt de Andreas Hykade sont quelques exemples de narration impressionnante et émouvante. Cela dit, je pense que la plupart des réalisateurs mentiraient s’il disaient qu’il ne s’intéressaient pas aux longs métrages et aux possibilités de se forger une identité comme réalisateur de ce format.

Personnellement, j’ai aussi envie de faire un long métrage en live action. D’ailleurs je suis occupé à en écrire un avec mon co-scénariste Aneil Karia. En plus, toutes mes animations ont toujours un élément de live action parce que je travaille avec des vrais acteurs. Aujourd’hui, vu le succès des films comme Persepolis, Valse avec Bashir ou les œuvres de Sylvain Chomet, j’avoue que l’idée de faire un long métrage en animation ne me déplaît pas du tout. Ce que j »essaie de démontrer à travers mes courts métrages, c’est que l’animation peut aussi plaire à ceux qui la considèrent d’emblée comme de la pure fantaisie enfantine.

Quels autres projets as-tu pour le moment ?

Là pour le moment, je travaille sur un court abstrait au sujet du corps humain. Je souhaite expérimenter avec un langage moins narratif et épurer mon travail aux dessins et aux formes pures. J’essaie également de développer un projet de long métrage qui combinerait à la fois mes idées et celles d’autres scénaristes. J’aimerais bien réaliser quelque chose que je n’ai pas écrit, car la conception d’idées est pour moi comme un accouchement : un processus long et douloureux.

Propos recueillis et traduits par Adi Chesson

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