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Vergine Keaton. Le souci du rythme et du mythe

Avec son premier film, « Je criais contre la vie. Ou pour elle », Vergine Keaton revisite les mythes fondateurs, le cyclique, la régénération et l’inversement naturel des choses, grâce à une chorégraphie musicale illustrée par d’authentiques gravures d’époque. Un film précieux repéré à l’ACID à Cannes et servi ces jours-ci à Clermont-Ferrand.

Tu dis être arrivée à l’animation par erreur. Quelles ont été tes premières inspirations professionnelles ?

Vergine Keaton  : J’hésitais entre deux choses : l’écriture et l’image. J’ai une formation de graphiste à la base. Je voulais être peintre, mais j’ai toujours ressenti un manque par rapport à l’écriture. J’aimais énormément l’histoire de l’art et la peinture classique. Par contre, je ne m’y connaissais pas du tout en cinéma d’animation. Encore aujourd’hui, j’ai très peu de références dans ce domaine.

Tu fréquentais donc plus les musées que les salles ?

V.G. : Oui. Je suis née dans un village où il n’y avait pas de cinéma, et chez nous, la télévision n’existait pas. J’ai découvert le cinéma tardivement, à 18 ans, en faisant mes études. J’ai été fort marquée par les premiers films, les muets, les Lumière, les Buster Keaton, et les Méliès que je trouvais complètement fous et inventifs. Ils ont représenté des gros chocs car ils touchaient à la fois à la peinture, à l’écriture, au burlesque… Mais ce qui m’a vraiment troublé dans le cinéma, c’est que l’image que je voyais n’existait que parce qu’il y en avait une avant et une après, alors que moi, j’avais toujours travaillé sur des images fixes qui existaient uniquement pour elles-mêmes.

Tu aurais pu t’exprimer en imaginant une fiction. Comment l’animation s’est-elle imposée à toi ?

V.G. : Je ne peux pas expliquer ce qui s’est passé. Ce déclenchement, ce premier film, a été une erreur. Vu mon intérêt pour la peinture, quand j’imagine un film, je pense à des images fortes, et je ne me vois pas en train de diriger des acteurs. Visuellement, je ne pense pas à ça. Ce sont les images qui s’imposent peu à peu. Pour ce film, le fond a déterminé la forme, même si je ne suis pas animatrice.

Comment à ce moment-là, en es-tu arrivée à faire un film pareil ?

V.G. : Cela faisait un moment que j’avais plusieurs choses en tête. Je les laissais un petit peu en friche. Je travaillais dans l’illustration à côté, mais je sentais que quelque chose était latent. Je ne me sentais pas encore assez mûre, assez confiante, mais un jour, l’idée est devenue très claire. Le film devait se faire.

En tombant sur des gravures, soit on tourne la page, soit on s’arrête. Est-ce que ce sont ces images qui ont déclenché « Je criais » ?

V.G. : Au préalable, je voulais convoquer des images très fortes et presque banales car vues et revues. Je désirais travailler sur ces idées, mais je ne savais pas exactement quoi en faire. Dans la version d’Antigone d’Henri Bauchau, l’héroïne rêve que ses frères sont représentés par deux cerfs, qu’ils sont poursuivis par une meute de chiens, et qu’au final, ils finissent par se retourner contre les chiens qui les poursuivaient. En lisant cela, je me suis dit qu’il fallait partir de cette course et de rien d’autre.

J’aime le fait de ne pas se refuser aux images très fortes qui évoquent de nombreuses histoires. Une meute de chiens poursuivis par des cerfs, c’est quelque chose de très banal, qu’on a vu et revu. Tout le monde s’en fout, mais c’est une image très forte. On se figure, quand on parle de chasse, que, sans avoir une connaissance du sujet, on a une image pareille en tête car à un moment, elle fait partie de ces images toutes faites.

Pourquoi avoir eu envie de travailler avec d’authentiques gravures d’époque ? Pourquoi ne pas avoir eu recours à un dessin inédit ?

V.G. : Justement parce que je ne voulais pas qu’il y ait de l’inédit. J’avais envie que les choses soient banales : je voulais vraiment exposer ces cerfs qui se mettent à courir avec ces chiens. Ce qui me gêne parfois dans le cinéma animation, c’est que le savoir-faire et la virtuosité s’imposent au détriment de l’histoire. Redessiner ces cerfs aurait demandé un travail énorme, on se serait attaché à leur représentation, alors que je voulais vraiment qu’on s’intéresse à la banalité de ces images-là, c’est parce qu’il fallait les utiliser telles quelles.

Le film est nourri de détails. Qu’est-ce que le détail apporte à l’histoire de « Je criais » ?

V.G. : Il y a une phrase qui m’a accompagné tout au long de l’écriture du projet et qui colle à bien à la peau. C’est une phrase d’André Lerhoi-Gouran dans Le Geste et la Parole : « il en est peu qui à la première occasion résistent à la tentation d’étriper la terre comme un enfant désarticule un jouet ». Ce que j’aime beaucoup dans cette phrase, c’est justement que nous, les humains, nous avons toujours le besoin d’aller nous replonger dans les mythes ou dans les images qui nous préexistent, parce qu’on a l’impression que quelque chose s’y passe et parle de nous. Nous avons toujours besoin de nous retourner vers ces gravures qui sont quasiment les premières images qui ont été publiées à grande échelle, et nous avons toujours le besoin de les étriper, de les déchiqueter, comme un enfant désarticule un jouet. C’est ce qui m’intéressait. Prendre ces images de base, et les étriper sans offrir pour autant de solutions étant donné que je ne suis pas sûre d’en trouver.

C‘est pour ça que tu as cherché à séparer ces images, à les sortir de leur cadre d’origine ?

V.G. : Oui. C’est lié.

250 gravures ont servi au film. D’où proviennent-elles ?

V.G. : La plupart provient de fonds de la bibliothèque de Lyon. Ces gravures sont numérisées, et j’ai pu les utiliser.

Tu partais donc à la bibliothèque le matin avec ta clé USB ?

V.G. : Oui, elles sont même téléchargeables de chez toi ! Après, j’ai acheté un certain nombre de gravures d’animaux, car je cherchais quelque chose de très précis. Ce ne sont pas des images très difficiles à trouver. Elles ont été largement diffusées, et énormément de magasins en vendent. Du coup, je savais que je trouverais facilement ces images de cerfs et de chiens. Et un certain nombre de gravures provient aussi de journaux du XIXe siècle qui appartenaient à mes grands-parents.

Ces images sont à peine retravaillées. Comment as-tu procédé pour les mettre en scène ?

V.G. : Je me suis constitué un corpus. J’ai crée un dossier avec toutes ces gravures, et j’ai reclassé les arbres, les cerfs, etc. Ensuite, comme j’ai écrit le film avant d’utiliser les gravures, j’avais une idée très précise des images que je voulais. Si par exemple, pour une scène, j’avais besoin d’un arbre massif, j’allais le chercher dans mes gravures, et je le découpais. Au final, aucune gravure d’origine n’est utilisée telle quelle. Dans chaque image, un arbre emprunté d’une gravure, un cerf à une deuxième, un nuage à une troisième, etc.

V.G. : As-tu travaillé seule sur ce projet ?

Une animatrice a travaillé à temps plein avec moi. Anna Khmelevskaya est une vraie animatrice, elle a trouvé des solutions techniques, comme l’utilisation de la 3D pour les animaux. On a travaillé presque deux mois ensemble avant la réalisation, à rechercher des solutions pour l’animation.

V.G. : Le film se base sur le graphisme et l’animation, mais aussi sur son écriture musicale. Qu’est-ce qui t’intéressait dans le travail de Vale Poher ?

Ce que j’aime beaucoup chez Vale Poher, c’est son économie de moyens, qui fait écho au film. Elle joue seule avec sa guitare, tantôt folk, tantôt électrique, tantôt classique. On a l’impression qu’elle va puiser sur ses six cordes toutes les possibilités qu’elle trouvera dans sa guitare. Dans le film, parfois, elle jouait avec un archet, à un autre moment, les sons étaient saturés, ou alors les cordes étaient grattées. Ce qui me plaisait beaucoup, c’était cette économie de moyens et cette richesse énorme, à l’image de ce qui se passe dans le film. à chaque fois que Vale fait intervenir une nouvelle sonorité avec sa guitare, on l’entend. Le détail devient un événement et cela me plaît énormément.

Cela te convient l’idée de travailler en petit comité, de façon artisanale ?

V.G. : Sur ce projet, les raisons économiques ont fait qu’on n’était pas une grosse équipe. Après, comme on est dans une animation non traditionnelle, j’aime l’idée qu’il y ait des possibilités d’échanges. Je ne connaissais pas Vale ni Anna avant le film. Aujourd’hui, ce sont des personnes très proches avec lesquelles j’ai d’autres envies de travailler. Faire un film, c’est une aventure y compris une vraie aventure humaine, et cela participe complètement à la réalisation du projet.

Quelles sont tes envies actuelles ? Tu as toujours envie de travailler autour de ces images mentales et mythiques ?

V.G. : D’autres projets sont en écriture. Je pense qu’ils tourneront toujours autour des mythes. J’aime le démesuré, l’exaltant, l’univers marqué et fort qui t’embarque directement. Pourquoi ces mythes sont-ils si forts ? Je n’arrive pas à comprendre, et je pense que je ne suis pas la seule. Si je prends l’exemple d’Antigone, elle a suscité de nombreuses versions. C’est étrange quand même. Tu commences Antigone, tu connais la fin, tu as beau le lire, quelque chose te ramène toujours à quelque chose de très viscéral que tu n’arrives pas à déterminer. Du coup, on le réécrit sans arrêt, et on ne sait pas sur quoi repose cette chose viscérale.

Sur « Je criais », tu as travaillé avec un chronomètre. Comment as-tu procédé ?

V.G. : J’avais le chronomètre en main, et je me disais : “là, il faut que les animaux courent pendant dix secondes”. J’avais l’impression d’inventer une chorégraphie et il fallait que le rythme fonctionne. En animation, on ne peut pas se permettre de faire des secondes supplémentaires, du coup j’avais besoin d’une écriture très rythmée. Comme le film repose sur le rythme, j’ai passé un bon mois avec un chronomètre dans les mains à calculer la musique du film !

Propos recueillis par Katia Bayer

Article paru dans le Quotidien du Festival

Article associé : la critique du film

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Prix France Télévisions, les lauréats

Lundi 1er février, dans les salons très chics de l’hôtel Mercure, a eu lieu la remise des prix France Télévisions, en association avec la rédaction de L’Express. Une première au Festival, puisque les récompenses étaient à la fois décernées par un Jury professionnel, présidé par Philippe Lioret, et par les internautes ayant visionné les sept courts métrages présélectionnés sur le site de L’Express.

Passé le petit suspense de circonstance, le Prix France Télévisions a été remis à Claire Burger et Marie Amachoukeli pour « C’est gratuit pour les filles », « La raison de l’autre » de Foued Mansour a récolté une mention spéciale du Jury et le Prix d’interprétation féminine pour Chloé Berthier, Jérémy Azencott a glané le Prix d’interprétation masculine pour « Alter Ego » de Cédric Prevost, et le petit dernier, le Prix des internautes a été attribué à « Tous les enfants s’appellent Dominique », de Nicolas Silhol. Voilà de quoi être content, en grignotant son petit four au fromage.

KB

M comme Muzica in sange

Fiche technique

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Synopsis : Petre est convaincu que son fils est très doué, mais l’industrie de la musique tzigane est un milieu très rude.

Genre : Fiction

Durée : 16’50’’

Pays : Roumanie, France

Année : 2009

Réalisation : Alexandru Mavrodineanu

Scénario : Alexandru Mavrodineanu, Catalin Mitulescu

Images : Andrei Butica

Musique : Dan Bursuc

Son : Sebastian Zsemlye , Mirel Cristea , Alexandru Dragomir

Montage : Sorin Baican

Production : Strada Film, Marcian Lazar

Interprétation : Robert Drumus Lele , Andi Vasluianu , Dan Bursuc , Dorotheea Petre

Article associé : l’interview d’Anne-Laure Grivaud

Anne-Laure Grivaud. Euro Connection, des projets, des films et des liens sous le signe de l’Europe

Ce 2 février, a eu lieu la deuxième édition d’Euro Connection, le rendez-vous européen de la coproduction, apparu l’an passé à Clermont-Ferrand. Son objectif : favoriser la concrétisation de projets européens sélectionnés au préalable et stimuler les partenariats entre les sociétés de production, les financeurs et les diffuseurs européens. Interview-escaliers avec Anne-Laure Grivaud, l’assistante de Laurent Crouzeix sur ce dossier.

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Qu’est-ce qui est à l’origine d’Euro Connection ?

Un constat. On s’est rendu compte que le nombre de coproductions ne cessait d’augmenter, et on savait de manière informelle que les producteurs gagnaient des mois de travail à Clermont-Ferrand en trouvant sur place des partenaires pour leurs propres projets. Lors d’un colloque sur les 30 ans du Festival, on a fait le point sur la production de courts métrages européens avec différents pays, et on s’est rendu compte qu’il y avait une synergie à créer et des pistes de coproduction à encourager, en profitant du lieu stratégique qu’est Clermont-Ferrand.

A qui s’adressent ces pistes de coproduction ?

Le but est de soutenir des projets jeunes en phase de construction au niveau européen. Ces projets ont des débuts de financement ou sont soutenus par un fonds ou une structure de production, et ils ont besoin d’aides complémentaires : un partenaire européen, un coproducteur, un préachat TV, des apports en industrie, des fonds complémentaires, un diffuseur, des aides au moment du tournage, ..

Quels sont vos partenaires ?

Euro Connection est organisé par Sauve qui peut le court métrage, en association avec le Média Desk France et le CNC. Ce sont les partenaires historiques qui se sont investis depuis le début dans l’aventure. Ensuite, il y a les quinze structures correspondantes nationales, soit des Centres de Cinéma, comme le Greek Film Centre, soit des festivals, comme le Curtas Metragen et le Indie Lisboa, au Portugal.

Comment se déroulera la rencontre Euro Connection, ce mardi ?

Dix-huit projets venant de quinze pays européens ont été sélectionnés par des comités composés de professionnels dans chaque pays. Ils seront présentés mardi. Toute la journée, il y aura des sessions de pitch de dix minutes environ, présentées par les producteurs et les réalisateurs.

Une centaine de participants est attendue au Forum. Ils assisteront toute la journée à ces sessions, et rencontreront le lendemain les porteurs de projets autour de rencontres professionnelles organisées. Certains ont déjà sollicité des rendez-vous en amont. Le but est vraiment d’essayer de créer des connexions entre les participants.

Comment s’opère-vous la sélection des projets ?

On cherche des correspondants nationaux qui veulent bien suivre, collecter, et isoler des projets, via un comité de sélection. Chaque correspondant propose soit un soit deux projets selon la taille du pays. Après, c’est variable. En France, par exemple, on a reçu cette année quinze projets, et on en a choisi deux.

Les histoires retenues doivent-elles comporter un angle européen ?

Non. Mais ça peut être le cas, puisque une histoire peut très bien se dérouler dans plusieurs pays. Par exemple, le projet irlandais, “Boo! A Child’s view of Folk Life in Europe” de Tony Donoghue, est une série qui se passe dans plusieurs pays d’Europe, donc le réalisateur est à la recherche de partenariats.

Combien de projets avez-vous reçu cette année ?

On a dû recevoir une soixante de projets. En France, naturellement, on en reçoit beaucoup. On a l’embarras du choix, mais il y a d’autres pays où c’est un petit peu plus dur, où les représentants contactent directement les réalisateurs et les producteurs pour savoir si ils n’ont pas un projet à leur soumettre pour Euro Connection. En ce moment, c’est très conjoncturel, car c’est la crise dans la profession. Nos contacts nous informent qu’ils ont du mal à trouver des projets parce que les professionnels ont des difficultés à les monter et à dénicher des supports financiers.

Est-ce qu’il y a d’autres conditions pour soumettre son projet, excepté le fait d’avoir déjà un budget au préalable ?

Le premier critère est la qualité artistique du projet, sinon, ce n’est pas très restrictif. Le but est vraiment d’encourager la coproduction de films courts. Si demain, on recevait vingt-cinq projets par pays, on fixerait peut-être des conditions plus restrictives, mais ce n’est pas encore le cas.

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“Musica in sange” (La Musique dans le sang) d’Alexandru Mavrodineanu

Comment les personnes sélectionnées préparent leurs séances de pitch ?

Tout dépend des projets. Chaque séance dure dix minutes, ce qui n’est pas très long. Ceux qui ont un projet d’animation viendront probablement avec des visuels et des croquis. Les autres apporteront des photos de repérages, et éventuellement des images de casting. En dix minutes, on n’a pas le temps d’aller bien loin. Le but est vraiment d’accrocher les gens et de susciter d’éventuels partenariats.

Quels sont les pays les plus représentés cette année ?

L’Allemagne, la France, la Belgique, l’Italie et l’Irlande ont deux projets. L’an dernier, une dizaine de pays et une vingtaine de projets avaient été représentés. Cette année, quinze pays étaient partenaires, mais on n’avait pas la possibilité de montrer deux films par pays, du coup, on a installé un critère de sélection. Les pays les plus importants, ceux qui avaient le plus de films inscrits au festival, avaient droit à plus de projets que les autres. Après, il y a toujours des exceptions. Par exemple, l’Irlande avait beaucoup de choix cette année . A la base, il ne devait y avoir qu’un seul projet irlandais, et à la fin, il y en a quand même eu deux.

Que sont devenus les projets de l’an passé ?

A peu près deux tiers des projets ont eu droit à une suite : soit ils ont réussi à trouver un partenaire soit ils se sont concrétisés. L’édition précédente s’est révélée très positive puisqu’un projet roumain, “Muzica in sange” (La Musique dans le sang) d’Alexandru Mavrodineanu, présenté l’année dernière à Euro Connecion a été sélectionné au festival cette année. On est plutôt content !

Propos recueillis par Katia Bayer

Consulter la fiche technique de “Muzica in sange” (La Musique dans le sang)

Article paru dans le Quotidien du Festival

Festival de Clermont-Ferrand 2010

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Retrouvez dans ce Focus :

Le Palmarès 2010

Les quelques photos de Clermont

Le Petit Journal de Clermont-Ferrand

Clermont-Ferrand vu et croqué par l’illustratrice Gwendoline Clossais

La critique de « Zeitriss » de Quimu Casalprim i Suárez (Allemagne)

La critique de « A family Portrait » de Joseph Pierce (Royaume-Uni)

Le dossier « Ne circulez pas, il n’y a tout à voir »

La critique de « April Suskhi » de Tornike Bziava (Géorgie)

La critique de « Je criais contre la vie. Ou pour elle » (Vergine Keaton, France)

L’Expérimental à Clermont-Ferrand : le Labo disséqué

La critique du DVD “Luc Moullet en shorts : 10 courts métrages très drôles (sauf un)”

L’interview de Vergine Keaton, réalisatrice de « Je criais contre la vie. Ou pour elle » (France)

L’interview de Anne Grivaud, au sujet d’Euro Connection (France)

L’interview de Sergio Oksman, réalisateur de « Notes on the Other » (Notes sur l’autre) (Espagne)

3 questions posées à des représentants tchèques, polonais et roumains

Etudiants versus Cinéastes : les propos de Tessa Joosse (France), Ralitza Petrova (Royaume-Uni), Timur Ismailov (Pays-Bas), Gabriel Gauchet (Allemagne, Cuba), et Didier Crepey (Suisse)

L’interview de Laïla Marrakchi, réalisatrice et membre du Jury National (France, Maroc)

L’interview de Bernard Blancan, réalisateur et membre du Jury National (France)

L’interview d’Umesh Kulkarni, réalisateur de « Three of Us », « Vilay » et « Gaarud » (Inde)

L’interview de Tornike Bziava, réalisateur de « April Suskhi » (Géorgie)

L’interview d’Edouard Deluc, réalisateur de « ¿ Dónde está Kim Basinger ? (France)

Angers, le 22ème Palmarès

Prix Du Jury

Grand Prix du Jury courts métrages européens : Whore de Fyzal Boulifa – Royaume-Uni

Grand Prix du Jury films d’écoles européens : Blifj Bij Me, Weg de Paloma Aguilera Valdebenito – Pays-Bas

Grand Prix Du Jury courts métrages d’animation : O’moro de Christophe Calissoni et Eva Offredo – France

Mention Spéciale : Katrine De Malik Thomas Spang Bruun – Danemark

Prix d’interprétation féminine courts métrages français : Laetitia Hadri et Yeliz Alniak dans C’est gratuit pour les filles de Marie Amachoukeli et Claire Burger – France

Prix d’interprétation masculine courts métrages français : Julien Lucas dans Le Naufrage de Guillaume Brac et Adieu Molitor de Christophe Régin – France

Mention Spéciale : Vincent Macaigne dans Le Naufrage de Guillaume Brac – France

Grand Prix du Jury courts métrages français : 8 et des Poussières de Laurent Teyssier – France

Prix Du Public

Prix du Public films d’écoles européens : Benigni d’Elli Vuorinen, Pinja Partanen et Jasmiini Ottelin – Finlande

Prix du Public courts métrages européens : Red-End and The Seemingly Symbiotic Society de Robin Noorda et Bethany De Forest – Pays-Bas

Prix du Public courts métrages français : Mission Socrate de Bertrand Lanclos et Jackie Berroyer – France

Prix du Public à un scénario de court métrage (Lectures de scénarios) : Les Parapluies Migrateurs de Mélanie Laleu – France

Autres Jurys

Prix des étudiants d’Angers films d’écoles européens : Kid de Tom Green – Royaume-Uni

Prix Cinecourts / Cine Cinema Films d’écoles européens : Bingo de Timur Ismailov – Pays-Bas

Prix Arte courts métrages européens :  Rita d’Antonio Piazza et Fabio Grassadonia – Italie

Prix Ccas courts métrages français : Lost Paradise de Mihal Brezis et Oded Binnun – France

Mention spéciale : Madagascar, carnet de voyage de Bastien Dubois – France

Prix des Bibliothécaires courts métrages français : Lost Paradise de Mihal Brezis et Oded Binnun – France

Prix de la création musicale court métrage français et européens / Films d’école : Bertrand Lenclos pour Mission Socrate de Bertrand Lenclos et Jackie Berroyer – France

Mention spéciale : Ronen Shapira pour Lost Paradise de Mihal Brezis et Oded Binnun – France

A comme A Family Portrait

Fiche technique

Synopsis : Un portrait de famille tourne mal à mesure que jalousie et soupçons se font jour, sous le regard implacable du photographe. Le malaise règne à la fin de la séance, laissant présager une journée mémorable.

Genre : Animation

Durée : 5’

Pays : Royaume-AUni

Année : 2009

Réalisation : Joseph Pierce

Scénario :Joseph Pierce

Images : Liam Iandol

Son : Dominic Fitzgerald

Montage : Robbie Morrison

Production : Fifty Nine Productions, Film London, Channel 4, UK Film Council

Voix : Robert Bathurst, Sarah McVicar, Jack Laskey, Mitch Turner et Danica Moore

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A Family Portrait de Joseph Pierce

Double candidat aux Festivals d’Angers et de Clermont-Ferrand cette année, A Family Portrait est un court animé britannique remarqué pour sa singularité. Osé et impertinent, il s’inscrit non sans humour dans la pure veine des films Channel 4, dont il est une coproduction avec Fifty Nine Productions, Film London et le UK Film Council.

Une séance de portrait familial – événement bien banal – dérape progressivement dans le délire total lorsque la famille presque parfaite en apparence se révèle querelleuse, dysfonctionnelle et, pire, peu photogénique. Devant le diapositif du portraitiste aussi ambitieux qu’incompétent, se joue dès lors un spectacle d’infidélité, de mensonges, de haine et de rapports œdipiens.

Dans A Family Portrait, Joseph Pierce construit son récit autour de détails au lieu d’une narration conventionnelle. Ces détails visuels, il les laisse apercevoir brièvement mais surement, qu’ils soient réels, imaginés  (un cheveu blond sur la veste du mari, une cravate se transformant en culotte de femme, un sourire espiègle cachant une orange,…), répliqués ou provocateurs (« votre garçon ne ressemble pas au laitier, j’espère », « – quel est ton plat préféré ? – PAPA ! »).

Inspiré par le gag classique du môme espiègle qui sabote les photos, Pierce va carrément jusqu’à une mise à mal du paradigme domestique traditionnel, qu’il renforce par un travail hybride sur l’image. Tandis que la technique de rotoscopie anime la live action et créé une image plus souple, les dessins grotesques permettent, eux, un va-et-vient constant entre un réalisme sobre et un expressionnisme tordu. Les traits faciaux deviennent par conséquent des rides et des fêlures selon l’humeur ou la paranoïa des personnages. Plus vignette que drame, A Family Portrait livre un tableau psychologique des rapports familiaux insolents et insolites, avec perspicacité, originalité et un humour bien excentrique.

Adi Chesson

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Article associé : l’interview de Joseph Pierce

Z comme Zeitriss

Fiche technique

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Synopsis : Dans le salon, la femme est assise à côté de l’homme et ne dit rien. C’est la fin, et en même temps cela marque le début d’une transformation de la suite logique des événements.

Genre : Fiction, Expérimental

Durée : 11’

Pays : Allemagne

Année : 2009

Réalisation : Quimu Casalprim i Suárez

Scénario : Quimu Casalprim i Suárez

Images : Rasmus Sievers

Musique : Markus Zilz , Oliver Salkic

Son : Quimu Casalprim I Suárez

Montage : Quimu Casalprim I Suárez

Production : Dagmar Ege

Interprétation : Heike Trinker , Klaus Nierhoff

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Zeitriss de Quimu Casalprim i Suárez

Le charme brutal de la bourgeoisie

Présenté au Festival Premiers Plans d’Angers dans la section ‘’ Figures libres’’ et bientôt en compétition dans la section Labo à Clermont Ferrand « Zeitriss » fait partie de ces films inclassables que l’on appelle, par commodité, ‘’expérimental’’. Dans un beau noir et blanc, le réalisateur, de Quimu Casalprim i Suárez, nous embarque pour une expérience filmique qui laisse toutes portes ouvertes à l’imagination.

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Dans un salon année 70, chez Monsieur et Madame, on s’emmerde ferme. La pendule fait tic-tac, Madame, dans sa jolie robe blanche, tripote un vase, regarde ce qui se passe par la fenêtre (rien), s’assoit dans le Chesterfield pendant que Monsieur, lui, lit son journal, imperturbable, se lève de son fauteuil, revient sans un mot et commence à manger une pomme. Et ça dure… et c’est parti pour durer jusqu’à la fin des temps… Dans ce cadre figé et hyper stylisé, les deux personnages, cadrés de manière à ce que n’apparaissent pas leurs têtes symbolisent tout l’immobilisme d’une bourgeoisie prise dans un quotidien sans événement. Non-dits, impostures, simulacres, faux-semblants, hypocrisie, tout se ressent alors que rien ne s’énonce. Et cet insupportable ennui que Quimu Casalprim i Suárez ose filmer, dans sa longueur et sa lenteur, loin de nous ennuyer, atteint une forme intense d’hypnose et finit par nous faire sourire. Mais soudain, l’ordre logique de l’action est bouleversé par une scène tournée à l’envers. Dans un sursaut du corps incontrôlable, Madame pose un acte violent. Faisant éclater la structure narrative et représentative, le cinéaste donne alors une libre interprétation aux événements et crée, à partir de ce point, une forme libre et complexe où se succèdent images stroboscopiques, images en négatifs, sur et sous exposées. Si cette deuxième partie permet de démultiplier les possibles et rend peut-être, plus universel, le rapport amoureux comme rapport de force, elle perd malheureusement cette distance ironique que le film installait dès le départ. Néanmoins, « Zeitriss » parvient à brouiller le visible, à imposer ses propres codes de fonctionnement et de lecture pour provoquer le trouble et un questionnement intime.

Sarah Pialeprat

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Article associé : l’interview de Quimu Casalprim i Suárez

L comme Lost Paradise

Fiche technique

Synopsis : Un couple fait tendrement l’amour dans une chambre d’hôtel bon marché. Quelques instants plus tard, alors que l’homme et la femme se rhabillent en silence, l’idylle qui paraissait authentique semble avoir soudainement disparue. Une interprétation moderne du récit d’Adam et Eve.

Genre : Fiction

Durée : 10’

Pays : France

Année : 2008

Réalisation : Mihal Brezis, Oded Binnun

Scénario : Mihal Brezis, Oded Binnun

Images : Oded Binnun

Musique : Ronen Shapira

Son : Itay Halevi

Décor : Assaf Turjeman

Montage : Mihal Brezis,

Production : Divine Productions

Interprétation : Moris Cohen, Rotem Zissman-Cohen

Article associé : l’interview de Mihal Brezis

T comme Tuesday’s Women

Fiche technique

Synopsis : Tuesday’s Women adapte une nouvelle du romancier japonais Haruki Murukami au sujet dd’un homme qui se trouve mystifié par un certain nombre de femmes rencontrées un mardi.

Genre : Fiction

Durée : 20’

Pays : Israël

Année : 2004

Réalisation : Oded Binnun, Mihal Brezis

Scénario : Oded Binnun, Mihal Brezis

Images : Mihal Brezis

Son : Alex Claude

Montage : Mihal Brezis

Production : Sam Spiegel Film School

Interprétation : Gur Yaari, Olga Getmanski, Yael Zafrir, Reymond Amsalem

Le site du film : www.tuesdayswomen.com

Article associé : l’interview de Mihal Brezis

Mihal Brezis. La femme, la religion et la structure

Depuis leur rencontre à la Sam Spieghel Film School (Israël), Mihal Brezis et Oded Binnun font des films en duo, en symbiose, et en couple. Après « Sabbat Entertainment » et « Tuesday’s Women », leurs films de fin d’études, ils ont co-réalisé « Lost Paradise » présenté cette semaine à Angers, dans la compétition officielle des courts métrages français. Rencontre avec une femme momentanément sans binôme, Mihal Brezis.

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En revenant quelques années en arrière, qu’est-ce qui t’a incitée à devenir réalisatrice ?

Je suis née en Israël, mais j’ai grandi dans plusieurs pays. Très jeune, j’ai vécu en Amérique puis, quelques années plus tard à Paris. J’ai aussi été partagée entre des religions et des langues différentes. Quand je m’asseyais dans des salles de cinéma, je m’identifiais énormément avec ce qui se passait à l’écran, parce que j’étais moi-même partagée entre des mondes et des identités très différents.

J’ai vécu dans des mondes qui étaient souvent à part, dans des doubles vies en quelques sorte. Quand on vit comme ça, je pense qu’on cherche à se créer un certain personnage et une identité plus claire, donc à se raconter une certaine histoire. Le cinéma permet de comprendre quelle est notre identité et cadre la vie dans une structure plus claire.

Entre la recherche de structures et l’école de cinéma, il n’y a pas forcément de lien. Dans quelles circonstances as-tu approché la Sam Spiegel Film School ?

Adolescente, je voyais des films que j’adorais et j’avais très envie d’en faire moi aussi. Pourtant, j’avais commencé des études d’économie, mais l’idée du cinéma traînait tout le temps dans ma tête. Un jour, tard le soir, en sortant de l’université, je me suis faufilée dans une soirée d’étudiants de fin d’année de la Sam Spiegeloù j’ai vu plusieurs courts métrages dont « Sea Horses », de Nir Bergman, le réalisateur de « Broken Wings». Son film m’a beaucoup émue, je suis entrée en quelque sorte dans cette école après l’avoir vu. Quelques années après, c’est lui qui m’a aidée avec mon premier court métrage, en tant que tuteur.

Tu as rencontré Oded à l’école. Comment se fait-il que vos films de fin d’études sont des co-réalisations et non des réalisations individuelles ?

On est en couple. On est en quelque sorte en symbiose : on vit ensemble, on travaille ensemble, et comme la vie et le cinéma c’est souvent lié, pour nous aussi, c’est le cas. « Tuesday’s Women », le projet d’Oded, est plus son alter ego que le mien à l’écran, mais j’y ai travaillé. Dans mon fin d’études, « Sabbat Entertainment », et dans celui-ci, « Lost Paradise », c’est un petit peu plus mon identité qui est portée à l’écran, mais cela n’empêche pas qu’Oded y a collaboré. “Mes” films sont un petit plus féminins et traitent de la religion, mais comme les affinités artistiques et communicatives sont là, il n’y a pas de problèmes.

Au départ, Oded représentait son projet, et moi le mien, mais dans les coulisses, on faisait tout à deux. Je travaillais tout le temps avec lui, mais on ne se rendait pas encore compte que ces films deviendraient des co-réalisations. C’est seulement à la fin qu’on a compris que ces films étaient vraiment faits à deux.

Quand tu étais étudiante, avais-tu le sentiment que tu étais totalement libre à l’école, que tu pouvais faire ce que tu voulais, et que les seules limites ne venaient que de toi ?

La réponse est complexe. À l’école, on apprend à être intègre avec sa vérité, ensuite on s’ajuste aux demandes. Avec « Sabbat », j’ai presque toujours pu faire ce que je considérais comme juste et vrai. L’école est connue pour ne pas laisser toute la liberté à l’étudiant, et pour lui imposer parfois certaines choses. Je me souviens par exemple qu’elle voulait que le film commence différemment, et que la structure soit plus narrative, plus normale. Mais j’ai eu de la chance parce que les commissions ont été favorables au projet, et que je n’ai pas dû beaucoup me battre ni faire de compromis.

Tu disais précédemment que ce qui t’intéressait, c’était de travailler autour des femmes et de la religion. Là, tu as fait trois films. Qu’est-ce qu’une jeune réalisatrice peut explorer de film en film sur ces deux sujets ?

D’abord, je pense qu’être femme réalisatrice, c’est…

Rare ?

Oui (rires). Les femmes, on le dit souvent, représentent la plus grande minorité dans le monde. Surtout dans le cinéma qui est un lieu très masculin et qui demande beaucoup d’argent, de pouvoir et de confiance. Personnellement, je me sens très privilégiée de pouvoir faire des films en tant que femme, peut-être aussi parce que je travaille en couple.

Le féminin est un sujet qui me passionne, et que je vais continuer à l’explorer. Il y a tellement peu de femmes qui font du cinéma que ce qu’elles diront d’authentique dans leurs films, pourra apporter énormément, car cette écriture féminine est un regard qu’on voit peu.

Ensuite, la religion, c’est un monde duquel je viens. Pour moi, tout ce qui touche à la femme et à la religion parle aussi du désir et du corporel. Ce sont des choses qui m’intéressent et qui fonctionnent avec le langage du cinéma car le cinéma, c’est justement tout ce qui est conflit, désir et image.

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« Lost Paradise » est votre premier film après l’école. Qu’est-ce qui a déterminé ce projet ?

En fait, on travaillait sur un autre projet, quand quelque chose s’est passé dans ma vie. Tout d’un coup, l’idée m’est venue, et elle était très forte, beaucoup plus claire et structurée que le projet précédent. À partir de là, on a trouvé un partenaire en France et avec son soutien, on a réussi à faire le film.

Comme « Shabbat Entertainment », la structure de ce film n’est pas vraiment classique…

Pour moi, la structure était assez claire. En général, les histoires d’amour montrent un homme et une femme qui se connaissent et qui se déshabillent au fur et à mesure qu’ils s’aiment. Ici, l’idée était d’inverser cette structure, de montrer un homme et une femme qui s’aiment déshabillés, et qui vont s’habiller. En quelque sorte, c’est l’inverse du film d’amour en général.

Sans dévoiler le propos du film, celui-ci traite de la double identité. Avec un sujet pareil, il y avait un risque de sombrer dans la caricature, liée à l’actualité d’Israël. Comment l’avez-vous évitée ?

Je ne sais pas. C’est un petit peu un miracle que le film ne soit pas sorti caricatural, parce que pour moi l’idée de base est très forte. Elle est en quelque sorte une continuation de « Sabbat » dans les thèmes : le double monde, la double vie, la double identité. Dans ce film présent, il y a aussi une double identité, celle au naturel et celle qu’on a une fois habillé.

Pour moi, il y a dans ce film des choses qui vont bien au-delà de la caricature, peut-être parce que le sujet est personnel à plusieurs points de vue et parce qu’en Israël, il est lié à une certaine réalité.

Le film est produit par la France. En Israël, est-ce toujours aussi compliqué qu’avant de faire des films à l’intérieur du pays ?

En fait, en Israël, les courts métrages indépendants n’existent pas du tout. Il n’y a que des films d’écoles et ensuite, il n’y a aucun fonds auquel accéder pour continuer à faire des courts. C’est pour cela qu’on a cherché assez rapidement des partenaires en France, car le court métrage y existe de manière beaucoup plus confirmée qu’en Israël. Ce qui est positif, c’est que « Lost Paradise » et quelques autres films ont ouvert un débat dans le pays pour que le gouvernement vienne en aide aux films indépendants. En ce moment, de plus en plus de voix vont dans ce sens, et je pense qu’on va commencer à voir plus de courts métrages indépendants en Israël.

En combien de temps avez-vous tourné le film ?

Le budget était vraiment limité. On avait seulement deux jours de tournage. Divine Production a cru dans le film, l’a financé, et de ce point de vue, on leur doit énormément. On n’avait pas de réel soutien à part eux, ce qui fait qu’on était quand même très limité dans le budget. Deux jours de tournage, c’était vraiment le maximum qu’on pouvait se permettre.

Comment fait-on en deux jours pour mettre en confiance deux acteurs qui doivent tourner nus ?

Ils sont mari et femme dans la vie. Après plusieurs répétitions, ils étaient vraiment très préparés, et étaient très présents l’un pour l’autre sur le plateau. Rotem Cohen-Zisman, la femme, est une actrice confirmée en Israël. Quand elle n’était pas très sûre d’elle-même, son mari regardait le moniteur et lui disait : « non, non, ne t’inquiète pas. On ne voit rien, tu étais très belle. » Il la rassurait et m’aidait en même temps.

Au départ, on avait choisi d’autres comédiens, mais il y avait quelque chose dans ce couple, surtout dans leur complicité, qui a fait qu’on est tombés amoureux d’eux. Cette complicité était très importante : dans le film, elle démarre dès le début, à la première minute.

Comment « Lost Paradise » est-il reçu en festival ?

Plutôt bien. On vient de recevoir le Grand Prix au festival de Kusturica [l’International Küstendorf Film Festival]. Le film a beaucoup touché les gens en Serbie, il leur a rappelé leurs conflits internes. Je ne connaissais pas vraiment la situation là-bas, je ne savais pas à quel point la question des religions pouvait ressembler à celle qui existe en Israël, donc c’était une expérience très forte.

En faisant un film, on ne prévoit pas toujours son impact sur le public. Dans une situation pareille, on réalise qu’on a traité d’un sujet vraiment universel qui a touché des pays et des gens auxquels on n’aurait jamais pensé.

Propos recueillis par Katia Bayer

Consulter les fiches techniques de « Lost Paradise », « Sabbat Entertainment », et « Tuesday Women »

Concours de courts ouvert aux réalisateurs jusqu’à 30 ans

Le Festival de courts métrages de la Côte Bleue ayant lieu les 20 et 21 mars prochains, est à la recherche de films pour sa prochaine édition. Le concours est ouvert aux jeunes réalisateurs (jusqu’à 30 ans), et de nombreux prix sont attribués.

Date limite : 28 février 2010

Films autorisés : 15 minutes maximum,thème libre

Règlement et inscriptions : www.cinemafernandel.fr

concours

I comme In een Vergeten Moment

Fiche technique

Synopsis : Un documentaire dans lequel le réalisateur est à la recherche des instants d’oublis. Ces Instants qui constituent une halte dans le flux mouvementé de nos vies quotidiennes, et durant lesquels nous nous en remettons au temps. Ces instants où nous semblons oublier le monde alentour et où nous accédons doucement à notre subconscient.

Genre : Documentaire, Expérimental

Durée : 20’

Pays : Pays-Bas

Année : 2009

Réalisation : Menno Otten

Scénario :Menno Otten

Images : Lennart Verstegen

Son : Evelien van der Molen

Montage : Saskia Kievits

Production : NFTA

Article associé : la critique du film

In een Vergeten Moment de Menno Otten

Le décalé surgit quand il le veut. Par exemple, lorsque en proie à un moment d’oubli, le regard dans le vide et les pensées ailleurs, une phrase anodine, « vous êtes dans vos rêves ! », signe votre retour à la réalité. Récoltés dans le métro, ces quelques mots ont beau s’effacer à la station suivante, ils provoquent une sensation étrange après la vision du film de Menno Otten, « In een Vergeten Moment », projeté à Angers dans le cadre du Programme Figures Libres.

Film de fin d’études de la NFTA (la Nederlandse Film en Televisie Academie d’Amsterdam), « In een Vergeten Moment » est une expérience documentaire troublante centrée sur ces moments d’oublis où l’on se coupe du monde environnant et où l’on accède lentement à notre subconscient.

Dans le mouvement incessant du quotidien, le flux, l’anonymat, et le rythme sont de mise. Certains se figent pourtant aux abords des arrêts de bus, et plongent dans leurs pensées, en rompant pendant quelques instants avec les notions définies de temps et d’espace. Ces hommes, ces femmes, et ces enfants sont les sujets ‘’absents’’ du film de Menno Otten, un jeune auteur ayant déjà exploré de façon expérimentale les limites de la réalité et de la conscience, avec son court métrage précédent, « Nachtwake », élu Grand Prix du Festival Silhouette à Paris et Meilleur Documentaire au Festival de Saint-Pétersbourg.

Plastiquement, « Nachtwake » est aussi probant que « In een Vergeten Moment ». Mais ce film-ci retient plus l’attention. En filmant une galerie de portraits figés, en offrant un regard sur les absences de chacun, le réalisateur lie expérience et cinéma, intimité et collectivité, et renvoie chaque spectateur à sa propre perception du subconscient.

Il est intéressant de s’en remettre à l’écrit, pour en savoir plus. Sur son site internet, Menno Otten explique la genèse de son projet. Son film de fin d’études est né d’une photographie, celle d’une femme perdue dans ses pensées, dans le métro à Tokyo. Ce regard vide a tellement marqué l’étudiant qu’il a voulu le retrouver dans les rues d’Amsterdam, et le capturer dans le mouvement, avec sa caméra. Entreprise difficile, entreprise réussie.

Katia Bayer

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Festival du Court métrage de Grenoble, ouverture des inscriptions

Du 6 au 10 juillet 2010 se tiendra la 33ème édition du Festival du Court Métrage en Plein Air de Grenoble. Au centre de la fête : le court métrage sous toutes les coutures, en compagnie de ceux qui le font, ceux qui le montrent, et ceux qui l’aiment.

Trente à quarante courts métrages concourent pour une douzaine de prix, pour un montant total d’environ 40.000 €. Répartis en cinq programmes (un différent chaque soir), les films sont projetés deux fois par soir, une première fois en salle à 20h30, puis en plein air à 22h00.

Pour inscrire votre film (supports de projection acceptés : 16 mm et 35 mm), rendez-vous sur : http://www.le-court.com/films_platform

Le site du festival : www.cinemathequedegrenoble.fr

H comme Homeland

Fiche technique

Synopsis : L’entreprise impossible d’une grand-mère qui tente de tricoter un pull à une créature étrange dont les bras ne cessent de se multiplier.

Genre : Animation

Durée : 6’

Pays : République Tchèque

Année : 2008

Réalisation : Juan De Dios Marfil Atienza

Scénario : Juan De Dios Marfil Atienza

Animation : Juan De Dios Marfil Atienza

Musique : Juan De Dios Marfil Atienza

Son : Juan De Dios Marfil Atienza

Montage : Juan De Dios Marfil Atienza

Production : FAMU

Article associé : la critique du film

Homeland de Juan de Dios Marfil Atienza

Découvert à Annecy et retrouvé à Angers, « Homeland » est un court d’école tchèque réalisé par un espagnol, Juan de Dios Marfil Atienza. Produit par la FAMU, ce film d’animation en noir et blanc est un hommage à l’amour, à la liberté, et au tricot.

Elle, c’est la minuscule madame. Elle vit seule dans une jolie maison crayonnée. Un jour, dans son jardin, un curieux personnage lui fait signe de la main. Elle se met à lui tricoter un petit pull, pour qu’il évite de s’enrhumer. Action louable sauf que la créature se développe à une vitesse folle et que ses bras ne cessent de se multiplier…. Au point qu’elle ne peut plus rentrer dans la jolie maison crayonnée.

« Homeland » est un film à part. En six minutes, il nous parle de solitude, d’attachement, de différence, de séparation, et d’espoir. Porté par une musique vibrante composée par le réalisateur lui-même, il se définit par son trait minimaliste, son absence de dialogues, son esthétique affirmée (le noir et blanc), et son lien avec l’animation traditionnelle (2D, dessin sur papier).

Il arrive que les films animés se réfugient derrière des excès visuels, des bande-sons surchargées, et des scénarios bien complexes. Tendre et étonnant, ce film-ci prouve que la simplicité au service d’une histoire est une singularité désarmante et indispensable à son ressenti.

Katia Bayer

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