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Pera Berbangê (Arpeggio ante Lucem) d’Aran İnan Arslan

“You won’t be understood, winglessness” – Ece Ayhan

Sélectionné cette année à la 61ème Berlinale, le court métrage « Pera Berbangê » du Turc Aran İnan Arslan présente, dans un cadre bucolique kurde, une allégorie soignée sur la liberté, cet oiseau illusoire.

Le jeune Bişkov et son petit frère, déplacés de leur village vers la grande ville à cause des hostilités civiles en région kurde, gagnent leur vie en vendant des pigeons en captivité aux vétérans de guerre soucieux d’expier leur culpabilité, pour que ceux-ci leur rendent leur liberté. Les garçons récupèrent ensuite les mêmes oiseaux pour les remettre ‘sur le marché’.

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Basé sur cette prémisse ironique, le scénario juxtapose des scènes narratives avec des séquences descriptives et des images purement réflexives voire métaphysiques. Grâce à son rythme posé, le cinéaste parvient à prendre le parti de la sobriété tout en se permettant une grande part de lyrisme. Ceci est principalement dû à un travail de l’image et à une picturalité parlants et hautement expressifs : aux côtés des plans sombres des réfugiés, évocateurs des icônes classiques, et voilés dans un chiaroscuro digne des grands maîtres de la Renaissance, surgissent des vues panoramiques de paysages caucasiens, entre idylle pastorale et contrée ravagée où la nature et les éléments font loi, transmettant au spectateur un sentiment de majesté teinté de désolation. En même temps, un certain réalisme se manifeste dans les plans froids de la ville où les garçons se rendent quotidiennement.

Le dialogue fait également écho à ce contraste entre le poétique et le prosaïque, et renforce l’ambiance apocalyptique du récit. Réservées aux réfugiées et à la grand-mère de Bişkov, les rares répliques ont un aspect prophétique, sibyllin et fort imagé, tels « des mots suspendus dans les airs », pour citer un personnage qui philosophe avec un langage tantôt élevé tantôt bien vil. La grand-mère, en revanche, lamente son déracinement forcé de manière vocifère, quelque peu trop littérale et quasi documentaire, avant que le réalisateur, par le biais d’une coupe sonore impressionnante, interrompe son discours tragique au profit du roucoulement des pigeons, les vrais protagonistes de cette allégorie, à laquelle s’ajoute une bande-son musicale solennelle, non intrusive et austère.

En dotant son court d’une retenue remarquable et une dimension énigmatique (résumée parfaitement par la citation finale reprise ci-dessus), İnan Arslan parvient à introduire de l’onirisme dans un univers déchiré par une réalité brutale. Son souhait avoué lors du festival de Berlin était que « Pera Berbangê » provoque une discussion sur la condition politique actuelle en Turquie. Son vœu est clairement exaucé dans la mesure où le film suscite une réflexion sur le sujet en berçant le spectateur dans un monde qui enchante et dérange dans un même envol.

Adi Chesson

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P comme Pera Berbangê

Fiche technique

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Synopsis : Un village est évacué et sa population est déplacée à la frontière d’une grande ville. Biskov et son petit frère vendent des pigeons aux croyants sur la place du marché. Les pigeons sont mis en liberté. Plus tard, Biskov les recueille et les ramène chez lui. Que signifie la liberté? Qui prend la décision de la donner ou de la reprendre?

Genre : Fiction

Année : 2010

Durée : 15′

Pays : Turquie

Réalisation : Aran İnan Arslan

Scénario : Aran İnan Arslan

Interprétation : Alican Pınar, Ana Rından, Erdal Ceviz, Mirza Metin, Yoldaş Toy

Image : Senem Tüzen

Musique : Mehmet Atlı

Production : Metin çelik

Article associé : la critique du film

E comme Entrevista con la tierra

Fiche technique

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Synopsis : Alors qu’ils marchaient dans les montagnes qui entourent leur village, Nico et Amalio, deux enfants mexicains d’une dizaine d’années, ont assisté à la mort brutale de leur ami, suite à une chute. Au cours d’entretiens, Nico et Amalio, ainsi que d’autres villageois, évoquent le défunt.

Réalisation : Nicolás Pereda

Scénario : Nicolás Pereda

Genre : Documentaire fictionnalisé

Durée : 18′

Année : 2008

Pays : Mexique

Image : Sebastián Hiriart

Son : Nicolás Pereda

Montage : Nicolás Pereda

Musique : Marcela Rodrigue

Interprétation : Amalio Miranda, Nico Miranda

Production : Nicolás Pereda, Sebastián Hiriart, Enchinga Films

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Entrevista con la tierra de Nicolás Pereda

L’expression visuelle et l’originalité narrative de Entrevista con la tierra, à mi-chemin entre le documentaire et la fiction, laisse entrevoir une réalité qui, à tout instant se dérobe au spectateur. Présent dans la capitale bretonne pour le Festival Travelling, le film de Nicolás Pereda évoque la rencontre magique d’un Mexique primitif attaché à ses traditions.

C’est par touches impressionnistes que le réalisateur mexicain nous dévoile un coin de réalité qu’il connaît bien, celle qui touche un village de son enfance. Là, les hommes et les femmes sont de petite taille et ont la peau foncée prouvant leur appartenance au peuple amérindien. Les superstitions demeurent indissociables des croyances et la mort omniprésente. Entrevista con la tierra parle des sentiments paradoxaux où sont plongés les proches de David, un jeune garçon mort après une chute accidentelle alors qu’il se promenait à la montagne avec ses amis Nico et Amalio et dont la mère rend ces derniers coupables de la disparition de son fils.

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Lors d’entretiens filmés dans la nature, on découvre l’amitié qui liait David à Nico et à Amalio, son frère. Mais quand on pense saisir la vérité, elle nous échappe, car par pudeur ou par honte, Nico refuse de reconnaître la disparition de son meilleur ami. Plongé dans le déni, il parle de lui au présent tout en déviant petit à petit vers un passé fragile. Parce que l’âme mexicaine mêle spontanément vie et mort, jouissance et tragédie, on s’étonne à peine de voir la mort prendre place dans un imaginaire reconstruit par la voix de l’enfance. Grâce à une mise en forme des plus audacieuses, le réalisateur offre une œuvre poétique sur le deuil, la culpabilité et les possibilités de les surmonter malgré l’incommunicabilité flagrante existant parmi les différents personnages.

Entre mise en scène travaillée et fragments de réalité, le film prend par moments une dimension plus mystique, ce que nous montre la scène finale où, symboliquement, Nico le protagoniste, tient une perche et tente de capturer le moindre bruit dans le cimetière où repose le corps de son ami, l’absence totale de son lui faisant alors étrangement écho. Par ailleurs, la musique de Marcela Rodriguez reprenant des sons et des instruments traditionnels achève d’apporter une touche métaphysique au documentaire qui s’engouffre dans les mystères de la forêt en même temps qu’il cherche à capter l’essence d’une culture en voie d’extinction.

Marie Bergeret

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Rushes Soho Shorts Festival, ouverture des inscriptions

Rushes Soho Shorts lance un appel à inscriptions pour sa treizième célébration du court métrage. Renommé pour maintenir un lien entre les communautés cinématographiques indépendantes et commerciales, le festival met à l’honneur les meilleurs réalisateurs dans huit catégories en compétition officielle.

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– Prix du Meilleur Court Métrage : Œuvres de fiction par des réalisateurs expérimentés du Royaume-Uni, moins de 12 minutes

– Prix du Débutant : Œuvres de fiction par des nouveaux réalisateurs du Royaume-Uni, moins de 12 minutes

– Prix International : Œuvres de fiction par des réalisateurs hors du Royaume-Uni, moins de 12 minutes

– Prix du Long Court Métrage : Œuvres de fiction par des réalisateurs du monde entier, moins de 30 minutes

– Prix du Documentaire : Œuvre documentaire par des réalisateurs du monde entier, moins de 12 minutes

– Prix d’Animation : Œuvre documentaires ou de fiction, moins de 12 minutes

– Prix du Meilleur Clip : Clips par des réalisateurs du monde entier, moins de 12 minutes

– Prix du Meilleur Design : Œuvres représentant une marque, titres de séquences, séquences commerciales, spots publicitaires, posters digitaux, et travaux destinés à la distribution multiplateforme ceci incluant Internet et les téléphones mobiles par des réalisateurs du monde entier, moins de 5 minutes.

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Vous pouvez inscrire votre film grâce au lien suivant : http://entries.sohoshorts.com

Le coût de l’inscription est de £15.00. Le film doit avoir été terminé entre le 1er Janvier 2010 et Avril 2011. Les films peuvent être inscrits jusqu’au 21 Avril et la sélection sera annoncée début Juin.

Le Festival débute le Mercredi 20 Juillet et se terminera, comme le veut la tradition, avec la remise des prix le Jeudi 28 Juillet 2011. L’ensemble des termes et conditions sont disponibles sur la page inscriptions du site Internet http://entries.sohoshorts.com et pour plus d’informations, rendez-vous sur le site www.sohoshorts.com.

Hasta los Huesos de René Castillo

Film d’animation réalisé avec un impressionnant travail de stop motion sur des personnages en plastiline, « Hasta los huesos » offre un voyage surréaliste grâce à une proposition artistique et technique flamboyante. Puisant largement dans l’iconographie culturelle mexicaine, le réalisateur René Castillo nous adresse une invitation drôle et tendre à réfléchir sur la relation à la mort.

Le film débute dans le décor fantomatique d’un cimetière lugubre qui fait penser à l’univers de Tim Burton. On suit les funérailles d’un personnage en pâte à modeler en prise à la peur de la mort. Jouant sur une perception typiquement mexicaine où le monde des morts et celui des vivants se brouillent dans une même réalité, on croit d’abord découvrir l’angoisse d’un homme qu’on enterre vivant, mais le fond du cercueil s’ouvre, et le personnage bascule outre-tombe, accompagné de très près par un ver affamé.

On découvre alors en même temps que le défunt apeuré et dégoulinant de sueur un univers des morts plus que vivace, véritable panthéon des grandes figures de la tradition populaire mexicaine. Dans le décor d’une cantina en fête où l’alcool coule à flots, des squelettes en costumes boivent, dansent et jouent du revolver. Le personnage, lui, lutte contre le ver qui le dévore, parvenant finalement à le capturer dans une bouteille de mezcal. Soudain le spectacle commence, et face à un auditoire fasciné, La Catrina de Diego Rivera avec son serpent à plumes autour du cou, interprète la chanson de La Llorona avec l’envoûtante voix d’Eugenia Leon. Peu à peu, le personnage se résigne à son nouveau statut, succombant aux charmes du mythique squelette féminin. Abandonnant son lien avec le monde terrestre, il choisit, en souriant, de boire d’un trait la bouteille qui contient le ver.

René Castillo joue avec brio de l’univers culturel mexicain dans cette fable poétique qui met en scène un personnage face à l’acceptation de sa propre mort. Le film vient d’être projeté pendant le “Travelling México” du Festival de Cinéma de Rennes Métropole, qui se déroule du 28 février au 1er mars 2011.

Xavier Gourdet

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Focus Travelling 2011

Du 22 février au 1er mars 2011, la 22ème édition de Travelling, Festival du Cinéma de Rennes Métropole consacré à la Ville, a mis MEXICO à l’honneur et a diffusé le cinéma mexicain depuis son âge d’or jusqu’à ses expressions plus récentes et contemporaines. Pendant huit jours, le cœur de la ville de Rennes a battu au rythme intense d’une des villes les plus surréalistes du monde. En explorant Mexico à travers le prisme du cinéma, Travelling a fait découvrir à son public un Mexique complexe et unique en son genre, bonhomme et cruel, latin et contrasté.

Retrouvez dans ce focus :

La critique de « Mina de oro » de Jacques Bonnavent

La critique de « Entrevista con la tierra » de Nicolás Pereda

La critique de « Hasta los Huesos » de René Castillo

Les courts mexicains sur le ring

H comme Hasta los Huesos

Fiche technique

Synopsis : Un homme arrive au monde des morts, où il est reçu par un ver et des squelettes souriants. Après un moment de divertissement et de séduction, l’homme découvre qu’après tout, être mort n’est pas si mal.

Genre : Animation

Durée : 11’

Année : 2001

Pays : Mexique

Réalisation : René Castillo

Scénario : René Castillo

Animation : Luis Téllez, René Castillo

Photographie : Sergio Ulloa

Direction artistique : Cecilia Lagos

Son : Gabriel Romo, Edgar Morales

Musique : Café Tacuba, Marcos Morel, Eugenia Leon

Production : Alejandra Guevara, René Castillo

Article associé : la critique du film

Planet Z de Momoko Seto

En compétition lors de cette 61ème Berlinale, Momoko Seto était la seule représentante à la fois de la France et du Japon (elle est de nationalité japonaise) avec sa « Planet Z » organique et fascinante, plongée en mode macro au cœur d’une guerre biologique entre végétaux et champignons envahisseurs. Utilisant la technique du timelapse* associée à des ingrédients 100% naturels, « Planet Z » détourne admirablement les échelles et émerveille par son originalité visuelle.

Avant « Planet Z », il y a eu logiquement « Planet A » (2008). Premier volet expérimental d’une réflexion écologique, le film mettait en scène l’avancée continue de cristaux de sels, parabole inventive sur la disparition de la Mer d’Aral dont la salinité excessive a fini par tuer quasiment toute forme de vie. Empreint d’une féerie inquiétante et visuellement bluffant, le film avait fait le tour des festivals du monde entier.

Avec « Planet Z », Momoko Seto s’attaque à la moisissure, aux champignons et à leurs rejets de spores, prétexte pour retranscrire ce phénomène visuel étonnant et quasi chorégraphique. La dispersion de ces spores et l’invasion des champignons viendront mettre un terme à la vie des végétaux qui garantissaient jusqu’à lors la présence de l’eau sur cette planète.

Tourné pendant trois mois en studio, le film a été une affaire de patience, la technique du timelapse demandant énormément de temps pour construire un seul plan. On pourrait y voir le cliché de la minutie japonaise, on y trouve surtout un goût exacerbé pour la découverte de l’inexploré, la magie et la beauté des phénomènes naturels. Ces moisissures deviennent belles et la décomposition se pare de qualités esthétiques insoupçonnées. La lente progression des fungi a aussi quelque chose d’inquiétant, leur texture gluante recouvrant progressivement la matière organique et végétale dans un élan d’envahissement continu. La vie grouille de partout (à l’image des plans hallucinants où des champignons noirs semblent prendre vie dans une quasi respiration), chacun luttant pour sa survie et sa part du gâteau. À la façon des truquistes d’antan, Momoko Seto utilise les effets les plus simples alliés aux techniques plus sophistiquées du compositing et fait passer aisément des choux-fleurs pour des forêts, des aubergines pour des montagnes, des pousses de radis pour des branches et une orange pour une planète. Ovni protéiforme, « Planet Z » se voit les yeux et la bouche grands ouverts, comme lorsque les enfants regardent pour la première fois dans un microscope.

Amaury Augé

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* Effet cinématographique qui consiste à diffuser les images d’une action dans un temps plus court que celle de l’action initiale.

P comme Planet Z

Fiche technique

Synopsis : Quelque part…la PLANET Z . La végétation commence à s’installer sur la planète, et tous semble vivre en harmonie. Mais un champignon gluant envahit petit à petit ce monde idyllique.

Genre : Expérimental

Durée : 9’30 »

Pays : France

Année : 2010

Réalisation : Momoko Seto

Scénario : Momoko Seto

Image : Boubkar Benzabat

Animation 2D : Julio Leon

Animation 3D : Paul Alexandre

Montage : Nicolas Sarkissian, Momoko Seto

Musique : Yann Leguay

Mixage : Yannick Delmaire

Production : Sacrebleu Productions

Article associé : la critique du film

Oscars, the winners

Si vous n’étiez pas éveillés pendant la nuit pour regarder la 83ème cérémonie des Oscars, vous avez raté Nathalie Portman, Colin Firth et les autres copains du glam’. Rattrapez-vous avec les trailers des courts primés.

Oscar du Meilleur court métrage de fiction attribué à God of Love de Luke Matheny

Oscar du meilleur court métrage documentaire attribué à Strangers No More de Karen Goodman et Kirk Simon

Oscar du meilleur court métrage d’animation attribué à The Lost Thing de Shaun Tan et Andrew Ruhemann

La liste des films primés : http://www.oscars.org/awards/academyawards/83/nominees.html

S comme Stick Climbing

Fiche technique

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Synopsis : Une promenade réflexive mène à une étrange ascension. Après avoir montré le quotidien ordinaire d’un village, la caméra se dirige sur une construction en bois avant de suivre un chemin périlleux le long d’une paroi rocheuse abrupte.

Genre : Expérimental

Durée : 13’41 »

Pays : Suisse, Autriche

Année : 2010

Réalisation : Daniel Zimmermann

Scénario : Daniel Zimmermann

Image : Andreas Kreimeier , Raoul Schmitz , Bernhard Braunstein

Son : Daniel Fritz

Montage : Bernhard Braunstein

Production : DZ-Productions, Schweizer Radio und Fernsehen, CastYourArt

Article associé : la critique du film

Stick climbing de Daniel Zimmermann

Présent depuis une décennie dans le paysage du court métrage expérimental, Daniel Zimmermann vient des Beaux-Arts et a pour signe distinctif d’être sculpteur sur bois. Tout son travail s’articule autour de ce matériau naturel redessiné par les mains de l’homme. Avec « Stick climbing », ce Suisse reste fidèle à ses sujets favoris : la montagne et les baguettes de bois, le tout mis en scène dans un ample mouvement en trois temps qui part du sommet de la montagne, pour descendre dans la vallée et enfin gravir le massif. Un programme de prime abord surprenant et au final plutôt captivant présenté en compétition à la Berlinale 2011.

La descente

Le film s’ouvre sur une descente vertigineuse vers un village alpin suisse. La caméra saisit l’attention du spectateur dans un mouvement descendant lent et fluide qui dévoile peu à peu l’environnement dans lequel Daniel Zimmermann va réaliser une certaine prouesse technique et expérimentale. En off, des voix lancinantes qui récitent quelque chose dans une langue aux accents germaniques. En in, une paroi rocheuse noire, hostile et sauvage, d’une verticalité étourdissante, puis un clocher, la paroi d’une église faite d’une pierre taillée, comme domestiquée par l’homme.

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La déambulation horizontale

La descente s’achève sur la découverte, à hauteur d’homme, d’un village niché dans la montagne. Zimmermann propose une traversée pittoresque, agrémentée de tout ce que peut inspirer le folklore suisse : des chalets, des pins, des femmes en costumes (qui ressemblent à s’y méprendre aux poupées sous cloche collectionnées par nos grands-mères), des musiciens… De cette partie du film, on retient surtout le plan séquence en steadycam qui produit toujours un bel effet de fluidité assez enivrant.

L’ascension

La vraie surprise du film se dévoile dans ce dernier mouvement : l’ascension de la montagne. A ce moment, l’expérience artistique prend le pas sur la simple prouesse technique. Le spectateur entre littéralement dans la peau d’un grimpeur chevronné. La prise de vue est réalisée de telle sorte que l’œil est au plus proche de la paroi, presque contre elle. La caméra rampe, furète, s’accroche à la matière minérale.
Jamais le corps du grimpeur n’apparaît à l’écran, pourtant, la présence humaine est sensible. Le son de la respiration haletante du grimpeur, contribue au fait que le spectateur s’imprègne de la difficulté de l’ascension. Celui-ci ne peut que s’engager avec le grimpeur dans la quête du sommet de cette montagne aux allures de forteresse.

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Le guide

Fils conducteurs de son œuvre, les bâtons de bois brut de Daniel Zimmermann sont omniprésents dans ses films et ses installations. Dans « Stick climbing », 2 longs rails de bois sont posés à même la roche comme des veines saillantes. Ils sont les guides du grimpeur, la trace à suivre…mais également le lien qui rapproche l’homme de la nature.

« Stick climbing » procure cette agréable et futile sensation d’accomplissement, d’achèvement, qui saura satisfaire ceux qui auront été captivés par le voyage proposé par le réalisateur. Dans une autre mesure, le film représente toute la capacité de Zimmermann à tirer profit d’un matériau unique pour renouveler sa proposition artistique à chaque création.

Fanny Barrot

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Festival du cinéma européen de Lille, les films en sélection

Thermes Banu Akseki Belgique
Paris Shanghai Thomas Cailley France
Aglaée Rudi Rosenberg France
Bonne nuit Valéry Rosier Belgique
Leçon de ténèbres Sarah Arnold France

Jacco’s Film Daan Bakker Pays-Bas
Lighthouse Anthony Chen Royaume-Uni
Branque Brol Tambours Aurélien Breton, Lionel Brouyère,
Caroline Gasnier M., Benoît Leleu France
Sunset from a Rooftop Marinus Groothof Pays-Bas
Rita Antonio Piazza, Fabio Grassadonia Italie
Consequências Luis Ismael Portugual

Der Schübling Visar Morina Allemagne
Le Grand Jeu Sylvestre Sbylle Belgique
Esto es un revolver Pablo Gonzalez France/ Colombie
Zumo de Limón Jorge Muriel, Miguel Romero Espagne
A Lost and Found Box of Human Sensation Martin Wallner, Stefan Leuchtenberg Allemagne

More Zhelaniy Shota Gamisonia Russie
Caron Pierre Zandrowicz France
Ya Basta ! Gustave Kervern, Sébastien Rost France
L’Accordeur Olivier Treiner France
Un Juego de Niños Jacques Toulemonde Vidal France/ Colombie
Cuando Corres Mikel Rueda Espagne

Teve Musu Marus Ivaskevicius Lituanie
Comme le temps passe Cathy Verney France
Man and Boy David Leon, Marcus McSweeney Royaume-Uni
Wattwanderer Max Zähle Allemagne
Storia di Nessuno Manfredi Lucibello Italie

Dürä…! Rolf Lang, Quinn Reimann Suisse
Siggil Rémi Mazet France
El Tango del Condor Juan Raigada Espagne
Quidam Gaël Naizet France
Ich Bin’s Helmut Steiner Nicolas Allemagne
Plank Billy Pols Pays-Bas

Le site du site : www.filmcourt-lille.com

Dyana Gaye : “C’est important pour moi que la vraie vie soit là, qu’elle puisse surgir à n’importe quel moment »

À cheval entre deux cultures, la française et la sénégalaise, Dyana Gaye a choisi le cinéma comme moyen d’expression. Depuis une décennie, elle fait des courts (Une femme pour Souleymane, J’ai deux amours, Deweneti et Un transport en commun) en adaptant à chaque fois la forme à son sujet et en gardant le Sénégal, champ des possibles, dans un coin de sa tête. Rendez-vous de dernière minute, loin des César, à proximité des origines multiples et de l’imprévu du réel.

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Cela fait dix ans que tu es dans le court. Il y a quelque chose de commun dans tes films, l’idée de travailler autour des racines, des identités, du métissage qu’il soit français ou sénégalais. Est-ce qu’à travers dix ans de réflexions, de films, tu as le sentiment d’arriver à mieux repérer ces identités ?

Je ne sais pas si j’arrive mieux à les repérer. Ce que je sais, c’est que sur les trois films sur quatre que j’ai faits au Sénégal, j’ai avancé d’une certaine manière sur cette question identitaire, sur cette part panafricaine que je ne connaissais pas bien malgré mes origines et quelques séjours identitaires là-bas. En même temps, mes racines, je les questionne mais de manière inconsciente. Le Sénégal m’apparaît comme un champ de possibles très vaste. En faisant des films là-bas, mon imaginaire continue à travailler. Les quatre courts métrages m’ont emmenée avec des formes très différentes à interroger mon intime, mes origines sénégalaises mais aussi mon histoire de cinéma. On me dit souvent que j’ai un regard assez différent sur le Sénégal. C’est parce que je suis née ici, que j’ai une double appartenance culturelle et que du coup, j’ai un peu de recul par rapport aux choses.

Certains réalisateurs ont besoin d’aller tourner dans le pays de leurs racines pour être dans une certaine vérité.

Non, moi, ce n’est pas ça. Au Sénégal, peu de films se font, je pense que ça me désinhibe. Pour moi, il y a un infini de possibles d’histoires à raconter là-bas. Ça pourrait être le cas aussi à Paris mais ici, il y a trop de repères. Paris, c’est là où j’ai grandi, où j’ai appris le cinéma. Je m’y sens moins téméraire alors que le Sénégal m’apparaît comme un terrain de jeu à la fois immense et inconnu. Mais je n’ai pas de retenue, je ressens une forme de liberté, d’excitation. Je pourrais aussi ne pas me sentir pas légitime là-bas en me disant que je n’y ai pas grandi, que c’est aux Sénégalais de faire des films, mais je n’ai pas du tout ce sentiment et je revendique le fait de tourner n’importe où. Je n’aime pas beaucoup les appartenances, j’espère que je serai amenée à tourner dans d’autres pays que la France et le Sénégal. Pour moi, ce n’est pas que là que ça se passe, au contraire. Je trouve qu’un regard extérieur sur des contrées qui ne nous sont pas forcément familières amène quelque chose en plus.

C’est quelque chose qui t’a déjà intéressée, ça, poser ton regard sur une contrée que tu ne connaissais pas ?

Pas encore, mais ça me travaille. Mon projet de long, Des étoiles, se passe entre Dakar, Turin et New York. Je connais bien Turin, j’ai des origines italiennes. C’est de l’intime mais là, je travaille sur un sujet, la diaspora sénégalaise. Il se trouve qu’en Italie, il y a une forte communauté sénégalaise, notamment à Turin. Et New York correspond à mon imaginaire de cinéma. Mais pour l’instant, je reste liée au Sénégal car le pays m’inspire.

Est-ce que pour la jeune génération, la désinhibition, le champ de possibles existe aussi ?

Ça se démocratise. Pendant longtemps, il y a eu le poids de la pellicule, de la caméra. Aujourd’hui, il n’y a même plus de caméra 35 mm au Sénégal, mais de nombreuses personnes tournent des films grâce à l’outil numérique. Après, le problème, c’est la diffusion. Projeter les films, les faire diffuser dans un pays où il n’y a plus de salle de cinéma en activité, c’est compliqué, et faire des DVD, les envoyer en festival, coûte de l’argent. Tout est un peu sauvage.

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Ton troisième film, Deweneti est un conte. Est-ce que c’était une forme de liberté pour toi d’explorer cette forme ?

Oui, c’était une liberté. D’abord, Rémy Mazet, le scénariste et le chef op du film m’a laissée m’emparer de son histoire, il m’a accompagné pendant toute la réalisation du film et a été le collaborateur le plus proche à la mise en scène.

Ensuite, j’aime bien expérimenter différentes formes, différents styles, je n’aime pas beaucoup les choses frontales, les discours, les films à message. Et une forme comme le conte pour Deweneti ou la comédie musicale comme pour Un transport en commun sont des formes assez naturelles, assez libératrices pour la construction, la mise en scène et elles permettent de faire intervenir un réel qui me tient à cœur dans les films que je tourne au Sénégal. C’est important pour moi que la vraie vie soit là, qu’elle puisse surgir à n’importe quel moment, malgré le procédé fictionnel.

En documentaire, le réel est la base et des hasards assez chouettes peuvent être gardés au montage. À partir du moment où tu tournes dans la rue pour Deweneti ou dans une gare routière pour Un transport en commun, forcément des choses se passent.

Le choix des décors implique l’imprévu et un tournage au Sénégal, c’est forcément de l’imprévu. Avant de partir sur Un transport en commun, j’avais dit à mon ingénieur son Dimitri Haulet qu’il n’aurait pas de “Silence plateau”. Ça n’existe pas, ce n’est pas possible ! Il y a toujours un truc qui se passe quelque part et un figurant que tu n’as pas prévu qui déboule. Il faut faire avec, c’est comme ça. Lors de mon premier film, ça me paraissait contraignant, je cherchais à canaliser l’imprévu. Là, au contraire, je cherche à composer avec : par exemple, je ne fais pas de casting de figurants, et le jour J du tournage, on embauche les gens sur place. Après coup, en visionnant les rushes, je trouve assez magique et surprenant de voir des choses qu’on a raté sur le plateau. Au Sénégal, j’ai toujours l’impression qu’il y a des milliers d’arrières-plans. Avec ma monteuse Gwen Mallauran, on s’amuse à décrypter les images, à repérer les petits détails. La seule chose qui arrive parfois, c’est un regard caméra qui vient désacraliser la fiction mais on s’en accommode car ce n’est pas grave dans le flot d’images. Sur Deweneti, comme Rémy était à l’image, il a initié plein de plans et a laissé tourner la caméra. On a cette volonté de ne pas se laisser enfermer par la fiction.

À travers la comédie musicale, on peut dire des choses très réalistes. Tes personnages parlent de la volonté d’ancrer leurs racines au Sénégal ou du rêve européen. À quel moment as-tu privilégié cette forme-là ?

C’est un concours de circonstances. En commençant l’écriture, je ne pensais pas du tout aborder la comédie musicale. J’étais partie sur un récit de voyage, sur l’idée de la route. Et puis, je me suis très vite rendue compte qu’on allait passer beaucoup de temps dans la voiture, que les comédiens ne pourraient pas spécialement se regarder, qu’il fallait faire quelque chose avec le son, imaginer des rencontres sonores, et de fil en aiguille, j’en suis arrivée à la musique.

En même temps, mes plus vieux souvenirs de cinéma, mes premières accroches réelles sont liés à des films musicaux, au cinéma hollywoodien, à Jacques Demy, etc. J’ai étudié la musique et la danse. Pendant très longtemps, j’ai hésité entre les deux avant d’opter pour le cinéma. La comédie musicale rassemble tout ce qui m’anime au-delà du cinéma, donc ce n’est pas anodin que cela sorte, même si je ne me le suis pas dit consciemment. J’avais le désir un jour ou l’autre de m’y confronter, je suis heureuse que ça se soit fait. On est marqué à certains endroits, par des films, par des metteurs en scène. L’idée, pour moi, a été d’arriver à ma propre écriture, à mon propre langage, malgré tous ces codes.


Tu n’as pas le sentiment d’être arrivée à ta propre écriture avant Un transport en commun ?

Non. Mes trois films précédents étaient diamétralement opposés dans leur forme et dans leur sujet. Là, j’ai l’impression d’être arrivée à quelque chose de plus entier. C’est dû à l’âge, à l’expérience, à la maturité, mais j’ai quand même le sentiment d’être allée au bout de quelque chose parce qu’il y avait beaucoup de contraintes. Le projet était plus ambitieux, plus lourd, et plus long que les autres.

Tu es arrivée sur le tournage d’Un transport en commun avec des comédies musicales, des références que tes comédiens ne connaissaient pas spécialement. Quelles ont été leurs réactions ?

Ce n’étaient pas spécialement les références du film à proprement parler mais mes références, du coup, je pense qu’ils ne se projetaient pas dedans. C’était très éloigné de ce qu’on était en train de faire, mais en même temps, le but n’était pas de faire Hollywood à Dakar ! J’avais instauré un ciné-club à la pause déjeuner pour ceux qui avaient envie de voir les films, et ça leur a beaucoup plu. Il y avait une vraie demande, un vrai désir de voir ces images. On répétait dans un lieu ouvert, il y avait beaucoup de passage,les gens s’arrêtaient. Au moment du tournage, les gens se montraient également curieux. Quand tu allumes les enceintes et que tu balances une chanson, 300 personnes s’assoient pour regarder comme si elles étaient au théâtre !

Au-delà de son tournage et de son circuit en festival, ce projet a une drôle de vie parce qu’il a bénéficié d’une sortie en salle et qu’il connaîtra prochainement une sortie en DVD, ce qui est plutôt rare pour un court.

L’idée est venue du distributeur, Thomas Ordonneau (Shellac) qui avait très envie d’éditer Un transport en commun en DVD avec mes précédents films, ce qu’il est en train de faire (sortie prévue pour juin). Il est revenu vers Arnaud Dommerc, mon producteur, en disant qu’il faudrait sortir le film en salle pour donner écho à la sortie DVD. Ensuite, à Paris, l’Action Christine, Jean-Marie Rodon, et son équipe se sont montrés très enthousiastes à l’idée de porter Un transport en commun. C’était tout petit mais ils l’ont fait exister, et c’était effectivement rare et précieux parce que le film a eu une longue vie en diffusion, de la télé aux festivals en passant par la salle. Et au théâtre aussi puisque je suis en train de travailler sur une adaptation scénique pour le théâtre du Châtelet pour la saison 2012-2013. En général, on part de la scène pour faire un film, là, c’est le chemin inverse !

Ton film, tes films ont pu être montrés au Sénégal ?

Oui, j’ai fait une projection en plein air d‘Un transport en commun qui était vraiment chouette. 300 personnes dînaient, buvaient des coups, dansaient, chantaient. Pour Deweneti, j’avais aussi organisé une projection. Il n’y a plus de salle dans le pays donc c’est toujours un peu sauvage, mais il y a encore un peu de résistance avec les festivals, les ciné-clubs, et le centre culturel français à Dakar. Il reste des endroits où on peut encore se réunir autour d’une projection. C’est lié à la volonté de quelques personnes qui ont encore la volonté de faire exister le cinéma en-dehors de la télévision.

Propos recueillis par Katia Bayer

Article associé : la critique d’Un transport en commun

Consulter les fiches techniques de Deweneti et d’Un transport en commun

D comme Deweneti

Fiche technique

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Synopsis : Dakar, Sénégal. Ousmane, qui n’a pas sept ans mais gagne déjà sa vie en mendiant dans le centre ville de la capitale, se met en tête d’écrire au Père Noël…

Genre : Fiction

Pays : Sénégal, France

Année : 2006

Durée : 15′

Réalisation : Dyana Gaye

Scénario : Rémi Mazet

Image : Rémi Mazet

Son : Alioune M’Bow

Musique : Baptiste Bouquin

Montage ; Gwen Mallauran

Interprétation : El Hadj Dieng , Nianga Diop , Abasse Ba , Coly M’baye , Oumar Seck

Effets spéciaux : Fabien Polack , Selim Draia

Production : Andolfi

Article associé : l’interview de Dyana Gaye

« Logorama », lauréat du César du meilleur court métrage

« Les films nommés pour le César du film du court métrage sont… ». Déçu de ne pas avoir remporté la manne pour le César du meilleur second rôle (pour « L’Arnacoeur »), François Damiens a trouvé hier que « Des hommes et des Dieux » ressemblait à un documentaire (« Tibérine »), a rappelé à De Caunes qu’il était payé, lui, et a remis le César du Meilleur court métrage au « film avec les logos ». Vive le glamour.

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Retrouvez nos sujets associés au film :

La critique de « Logorama » de H5
l’Interview de Ludovic Houplain, co-réalisateur de « Logorama »
l’interview de Nicolas Schmerkin, producteur du film

T comme Un Transport en commun

Fiche technique

Synopsis : Sénégal, fin de l’été. Le temps d’un voyage de Dakar à Saint-Louis, les passagers d’un taxi-brousse croisent leurs destins et se racontent en chansons.

Genre : Fiction

Pays : France, Sénégal

Année : 2009

Durée : 48′

Réalisation : Dyana Gaye

Scénario : Dyana Gaye

Image : Irina Lubtchansky

Son : Dimitri Haulet

Musique : Baptiste Bouquin

Montage : Gwen Mallauran

Interprétation : Antoine Diandy , Bigué N’Doye , Umban Gomez de Kset , Marième Diop , Adja Fall , Anne Jeanine Barboza

Production : Andolfi

Articles associés : la critique du film, l’interview de Dyana Gaye

Un Transport en commun de Dyana Gaye

Déjà en compétition pour le César du Meilleur Court Métrage en 2008 avec « Deweneti », Dyana Gaye retente cette année de décrocher le prestigieux prix avec sa dernière réalisation : « Un Transport en Commun ». Le film avait déjà rencontré le succès en 2010 lors de sa sortie en salle, de même que dans les nombreux festivals qui l’ont accueilli à travers le monde.

« Un Transport en Commun », tourné au Sénégal, suit le parcours d’une dizaine de personnages se rendant de Dakar à Saint-Louis. Là où l’on attend un road movie, c’est en fait une comédie musicale que l’on trouve.

Le film s’ouvre sur la préparation au départ d’un taxi auquel il ne manque qu’un passager pour rendre le voyage des plus rentables. C’est l’occasion d’introduire une première séquence musicale au cours de laquelle, en plein cœur de Dakar, en chantant et en dansant, les six voyageurs présents parviennent à se décider à partir.

De ce point de départ, se développe un scénario usant de séquences alternées au cours desquelles nous pouvons voir le passager manquant tenter de rejoindre le taxi, qui, lui, est bloqué dans les bouchons. Par le même procédé, la nièce de l’une des passagères du taxi vient s’ajouter aux personnages du film, tandis qu’un peu par hasard, un lien se crée entre cette dernière et le passager retardataire, faisant l’objet d’une nouvelle séquence alternée.

L’écriture est savamment menée et au fur et à mesure que le taxi se rapproche de Saint-Louis, de nombreuses autres relations nous sont dévoilées. Le scénario est donc suffisamment incisif pour capter l’attention du spectateur, au point que l’on s’oublie dans le film. On se laisse alors guider par sa structure qui nous transporte avec les personnages d’une séquence musicale à une autre. Or, ce sont dans les musiques, les chorégraphies, les chants et leur texte que réside l’intérêt central du film. C’est par le chant et la danse que les personnages tissent des liens, s’unissent les uns aux autres et expriment le discours que le film cherche à faire passer.

Tandis que l’un chante les maux du pays, un autre nous fait part de son rêve d’aller en Italie et d’en revenir riche pour pouvoir épouser sa fiancée. Un autre personnage, en déclarant se rendre à l’enterrement de son père, révèle quant à lui que ses racines sont et resteront au Sénégal, et qu’il ne prendra pas le risque de quitter le pays et de disparaître dans le mensonge si le succès escompté à l’étranger n’est pas atteint. Deux autres personnages manifestent également leur amour réciproque, entre homme blanc et femme noire. Cette même femme souffre par ailleurs du manque de confiance que la génération qui la précède a l’égard des plus jeunes.

Le film aborde donc aussi bien des éléments positifs que des éléments négatifs, que ceux-ci soient propres au Sénégal ou non. C’est d’ailleurs grâce à cela qu’il parvient à dépeindre le Sénégal avec autant de fidélité, tout en restant accessible au public français. Les chants, les musiques, les danses et les dialogues se répartissent d’ailleurs entre langue et culture sénégalaise et langue et culture française, encore une fois grâce aux prouesses du scénario qui intègre au film un personnage français. De plus, les fans de comédies musicales ne sont pas si rares en France, les adeptes du genre apprécieront donc « Un Transport en Commun », au moins pour ses plans-séquences enchantés, qui intègrent des mouvements chorégraphiés, de l’arrière plan au premier plan.

Rémy Weber

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Article associé : l’interview de Dyana Gaye

B comme Bébé

Fiche technique

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Synopsis : Les tribulations d’un homme de son temps qui vit intensément et avec anxiété la grossesse de sa petite amie, jusqu’au jour de l’accouchement qui le projette dans un monde inconnu et plein de surprises : la paternité.

Genre : Fiction

Pays : France

Année : 2008

Durée: 17’30

Réalisation : Clément Michel

Scénario : Clément Michel

Image : Steeven Petiteville

Son : David Rit

Musique: Kideko

Montage : Julie Dupré

Interprétation : Clément Miche, Marie Denarnaud, Pascale Roberts, Olivier Clastre

Production : Sombrero Productions

Article associé : l’interview de Clément Michel