P comme Palma

Fiche technique

Synopsis : Jeanne emmène sa fille en weekend à Majorque, mais se préoccupe surtout de photographier la peluche mascotte de la classe. De plus, des soucis financiers font surface.

Genre : Fiction

Durée : 39′

Pays : France, Belgique

Année : 2020

Réalisation : Alexe Poukine

Scénario : Alexe Poukine

Image : Colin Lévêque

Montage : Agnès Brückert

Son : Ophélie Boully

Interprétation : Alexe Poukine, Lua Michel

Production : Kidam, Wrong Men

Article associé : la critique du film

Palma d’Alexe Poukine

Comment le monde peut-il être aussi dur que doux ? Dans la violence, Alexe Poukine trouve toujours la tendresse. Son film Palma, récompensé ce weekend du Prix Spécial du Jury national et du Prix Adami d’interprétation (meilleur comédienne) pour elle-même, au festival de Clermont-Ferrand, en témoigne…

La réalisatrice belge avait déjà surpris avec son long-métrage Sans frapper qui redéfinissait le témoignage de viol. Diffusé dans différents festivals en 2019 et 2020 dont le FIFF ou Premiers Plans, il étonnait par sa douceur vis-à-vis de la violence des témoignages. Après s’être effacée entièrement derrière la caméra pour recueillir des témoignages, Alexe Poukine dresse dans Palma un portrait d’elle-même. Non pas comme réalisatrice, mais comme mère.

Dans la classe de sa fille, Kiki fait office de mascotte. Tous les weekends, les familles des enfants se partagent la peluche à tour de rôle. A l’occasion, ils prennent une photo qu’ils collent dans un cahier, grand recueil des souvenirs partagés avec les enfants. Mais pour une mère en difficulté financière – c’est le portrait qu’Alexe Poukine fait d’elle-même – le cahier impose une compétition auprès des autres parents. Face au bonheur des autres, la mère doit se serrer la ceinture pour offrir à sa fille et à Kiki un weekend à Majorque. Alors, il faut cacher la pauvreté, cacher les immeubles laids de la ville espagnole. On cherche palmiers et eau bleue pour prendre la meilleure photo à coller sur le cahier. L’obsession tourne au vinaigre et ce n’est qu’en balançant la peluche sous les roues d’une voiture que la fille pourra retrouver sa mère – ultime caprice ou geste rédempteur ? Le talentueux jeu de Lua Michel parvient à contenir autant d’enfantillage que de gravité. Le portrait est réussi et l’actrice de six ans remporte le prix d’interprétation au festival d’Angers.

À l’égal d’héroïnes grecques sorties d’une tragédie, nos deux personnages essuient les revers et bravent fatigues et humiliations. Leurs déchirements, que ce soient caprices d’enfants ou fuites maternelles, sont de cruelles vérités sur la maternité. Mais sous la dureté advient la tendresse. Malgré la rudesse du portrait, le film fait de la relation mère-fille un trésor d’amour. C’est aussi que la réalisatrice réussit le pari de n’extraire d’une situation précaire aucun misérabilisme. Grâce à une réalisation parfaite, la misère n’est pas source de pathétique excessif. Le film saisit des moments de vie comme pris au vol (la scène de déambulation nocturne a d’ailleurs été en partie improvisée, inventée par les quelques gars qui se trouvaient là). Ce mélange de mise en scène et d’improvisation, d’acteurs et de non-professionnels, apporte beaucoup de justesse au film qui ne se soumet pas à de prévisibles schémas narratifs. La photographie, discrète et soignée, donne au film beaucoup de douceur (Colin Lévêque est le directeur de la photographie de Palma mais aussi celui des Particules de Blaise Harrison). En jouant sur du clair-obscur ou en misant sur des couleurs adoucies, les images montrent en transparence de la douceur. Le décor majorquin n’est pas mirobolant. Pourtant immeubles décrépis, plages bondées et terrasses sous filet font de beaux plans. Dans ce qui est laid, Alexe Poukine montre le beau ; et dans ce qui est méchant, l’amour.

Agathe Arnaud

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Déroulé de l’After Short César de ce jeudi 4.2 sur Zoom

Ce jeudi 4.2.2021, ne manquez pas notre premier After Short de l’année consacré aux 36 courts-métrages présélectionnés aux César 2021. Cet événement, organisé en partenariat avec l’ESRA, aura lieu sur Zoom en présence de 26 équipes de films en lice soit 42 professionnels (25 réalisateurs, 16 producteurs, 1 chargée de diffusion).

Pour rappel, il n’y aura pas de diffusion en ligne de films en lice aux César. Nous vous invitons toutefois à consulter notre événement Facebook : les liens des films disponibles sur la Toile y sont publiés jusqu’à l’événement ainsi que les photos et bios de nos invités. Jetez-y un œil pour pouvoir leur poser des questions et glaner des conseils et anecdotes de tournage pendant la soirée.

La soirée débutera à 18h30 avec une brève rencontre avec Margaux Pierrefiche (responsable des courts-métrages au sein de l’Académie des César), Marie-Pauline Mollaret (membre du comité de sélection animation) et Bernard Payen (membre du comité de sélection des courts).

Gabriel Harel, réalisateur de La Nuit des sacs plastiques, César du meilleur court-métrage d’animation 2020, sera présent au début de l’After Short. Nous diffuserons également une petite vidéo envoyée par Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller, réalisateurs de Pile Poil,  César du meilleur court-métrage 2020. Les deux réalisateurs sont actuellement en tournage de leur premier long-métrage, Le Déhanché d’Elvis.

Ensuite, 4 panels seront proposés. Vous pouvez assister à l’événement dans son intégralité ou en fonction des interventions qui vous intéressent.

L’événement est ouvert à tous, tout au long de la soirée. Pour vous inscrire à cet événement (si vous n’êtes pas étudiants à l’ESRA), il vous suffit de vous rendre sur Eventbrite (PAF : 5 €). Un lien Zoom vous sera automatiquement communiqué.

Voici le déroulé de l’After Short. 

18h30 – 18h50 : Introduction

Katia Bayer (Format Court) et David Azoulay (ESRA)
Margaux Pierrefiche (Académie des César)
Bernard Payen + Marie-Pauline Mollaret (membres des comités de sélection)
Gabriel Harel, réalisateur de La Nuit des sacs plastiques, César du meilleur court-métrage d’animation 2020
Bonus : Vidéo de Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller, réalisateurs de Pile Poil, César du meilleur court-métrage 2020.

Groupe 1 : 18h50-19h20. Rencontre animée par Katia Bayer et Manon Guillon avec les équipes de films suivants :

Mars Colony (Noël Fuzellier, réalisateur, Les Films Norfolk)
19 (Marina Ziolkowski, réalisatrice)
Massacre (Maïté Sonnet et Ethan Selcer, réalisatrice et producteur, Quartett Production)
L’heure de l’ours (Agnès Patron, réalisatrice, Sacrebleu Productions)
L’immeuble des braves (Bojina Panayotova et Vincent Le Port, réalisatrice et producteur, Stank)
Baltringue (Lea Chesneau, chargée de diffusion, Yukunkun Productions)

Groupe 2 : 19h20 – 20h. Rencontre animée par Yohan Levy et Julia Wahl avec les équipes de films suivants :

Bab Sebta (Randa Maroufi et Sophie Penson, réalisatrice et productrice, Barney Productions)
The loyal Man (Lawrence Valin et Simon Bleuze, réalisateur et producteur, Agat Films & Cie)
Homesick (Koya Kamura et Rafael Andrea Soatto,réalisateur et producteur, Bandini Films) Olla (Ariane Labed, réalisatrice)
Blaké (Vincent Fontano, réalisateur)
Un adieu (Mathilde Profit, Jeanne Evzan et Larthe Lamy, réalisatrice et productrices, Apaches Films)
Shakira (Anaïs Bertrand, productrice, Insolence Productions)

Groupe 3, Spécial Animation : 20h – 20.40. Rencontre animée par Katia Bayer et Manon Guillon avec les équipes de films suivants :

L’odyssé de Choum (Julien Bissaro et Claire Paoletti, réalisateur et co-autrice et productrice, Picolo Pictures)
Mouton, loups et tasse de thé (Marion Lacourt, Edwina Liard et Nidia Santigao, réalisatrice et productrices, Ikki Films)
Sororelle (Frédéric Even et Louise Mercandier, réalisateur et réalisatrice)
Traces (Sophie Tavert Macian, réalisatrice)
Swatted (Ismaël Joffroy Chandoutis, réalisateur)
Le gardien, sa femme et le cerf (Patrick Hernandez, producteur, Bagan Films)
Symbiosis (Nadja Andrasev et Emmanuel-Alain Raynal, réalisatrice et producteur, Miyu Productions)

Groupe 4 : 20h40 – 21h10. Rencontre animée par Grégoire Bouvry et Piotr Czarzasty avec les équipes de films suivants :

Comment faire pour (Jules Follet, Marie Lesay, réalisateur et productrice, Rue de la Sardine)
Qu’importent si les bêtes meurent (Sofia Alaoui et Margaux Lorier réalisatrice et productrice, Wrong Films)
Je serai parmi les amandiers (Marie Le Floc’h, réalisatrice)
Invisível Herói (Cristel Alves Meira et Gaëlle Mareschi, réalisatrice et productrice, Fluxux Films)
L’aventure atomique (Loïc Barché et Lucas Tothe, Punchline Cinema)
Matriochkas (Bérangère MacNeese et Lucas Tothe, Punchline Cinema)

21h10-21h15 : Conclusion

Nouvel After Short César 2021, jeudi 4.2 sur Zoom !

En ce début d’année, le magazine en ligne Format Court vous invite à la reprise de ses After Short, ses soirées de networking réunissant la communauté active et dynamique du court-métrage, le jeudi 4 février 2021 à partir de 18h30 sur Zoom.

Ce nouveau rendez-vous, organisé en partenariat avec l’école l’ESRA, sera consacré aux 36 courts-métrages présélectionnés aux César 2021.

Attention : il n’y aura pas de diffusion en ligne de films prévue à l’occasion de cette soirée ! Nous partagerons par contre les liens des courts présélectionnés qui sont disponibles sur le Net sur l’événement Facebook dédié.

Cette soirée, ouverte à tous et en accès payant (sauf pour les étudiants et les anciens de l’ESRA), se déroulera en présence d’équipes de courts–métrages présélectionnées aux prochains César (soit 42 professionnels confirmés !).

Une rencontre avec Margaux Pierrefiche (responsable des courts-métrages au sein de l’Académie des César), Marie-Pauline Mollaret (membre du comité de sélection animation) et Bernard Payen (membre du comité de sélection des courts) introduira la soirée à partir de 18.30.

Pour participer à cet événement, il vous suffit de vous rendre sur Eventbrite (PAF : 5 €). Un lien vous sera communiqué après règlement afin d’assister à la rencontre qui aura lieu en direct sur Zoom.

N’hésitez pas à consulter l’événement Facebook spécialement créé pour l’occasion. Nous y publierons les bios et photos des intervenants ainsi que les liens des films représentés à l’After Short, qui sont disponibles sur la Toile.

La rencontre débutera à 18h30 précises. 26 équipes ont confirmé leur présence (liste susceptible de modifications) !

En lice pour le César 2021 du meilleur film de court-métrage

– Marina Ziolkowski, réalisatrice de 19 (Many Films)
– Lea Chesneau, chargée de diffusion de Baltringue de Josza Anjembe (Yukunkun Productions)
– Randa Maroufi et Sophie Penson, réalisatrice et productrice de Bab Sebta (Barney Productions)
– Noël Fuzellier, réalisateur de Mars Colony (Les Films Norfolk)
– Lawrence Valin et Simon Bleuze, réalisateur et producteur de The Loyal Man (Agat Films & Cie)
– Maïté Sonnet et Ethan Selcer, réalisatrice et producteur de Massacre (Quartett Production)
– Koya Kamura et Rafael Andrea Soatto, réalisateur et producteur de Homesick (Offshore)
– Bérangère McNeese et Lucas Tothe, réalisatrice et producteur de Matriochkas (Punchline Cinéma)
– Ariane Labed, réalisatrice de Olla (Apsara Films)
– Mathilde Profit, Jeanne Ezvan et Marthe Lamy, réalisatrice et producteurs de Un adieu  (Apaches Films)
– Jules Follet et Marie Lesay, réalisateur et productrice de Comment faire pour (Rue de la Sardine)
– Loïc Barché et Lucas Tothe, réalisateur et producteur de L’aventure atomique (Punchline Cinéma)
– Sofia Alaoui et Margaux Lorier, réalisatrice et productrice de Qu’importe si les bêtes meurent (Envie de Tempête Productions)
– Marie Le floc’h, réalisatrice de Je serai parmi les Amandiers (Film Grand Huit)
– Cristèle Alves Meira et Gaelle Mareschi, réalisatrice et productrice de Invisível Herói (Fluxus Films)
– Vincent Fontano, réalisateur de Blaké (We Film)
– Bojina Panayotova et Vincent Le Port, réalisatrice et producteur de L’immeuble des braves (Stank)
– Anaïs Bertrand, productrice de Shakira de Noémie Merlant (Insolence Productions)

En lice pour le César 2021 du meilleur film d’animation (court métrage)

– Agnès Patron, réalisatrice de L’heure de l’ours (Sacrebleu Productions)
– Nadja Andrasev et Emmanuel-Alain Raynal, réalisatrice et producteur de Symbiosis (Miyu Productions)
– Marion Lacourt, Edwina Liard et Nidia Santiago, réalisatrice et productrices de Moutons, loup et tasse de thé…, (Ikki Films)
– Julien Bisaro et Claire Paoletti, réalisateur et co-autrice et productrice de L’Odyssée de choum (Picolo Pictures)
– Frédéric Even et Louise Mercadier, réalisateurs de Sororelle (Papy3D Productions, JPL Films)
– Sophie Tavert Macian, réalisatrice de Traces (Les Films du Nord)
– Ismaël Joffroy Chandoutis, réalisateur de Swatted (Le Fresnoy)
– Patrick Hernandez, producteur de Le gardien, sa femme et le cerf (Bagan Films)

G comme Le Gardien, sa Femme et le Cerf

Fiche technique

Synopsis : Dans une petite résidence peuplée d’animaux, un cerf en deuil tente de noyer son chagrin dans l’alcool tandis qu’une fête bat son plein au sous-sol. Un couple d’humains est en charge de l’entretien de l’immeuble et des repas. Pas facile de faire régner l’harmonie au sein de cette étrange communauté.

Genre : Animation

Durée : 13′

Pays : Slovaquie, France

Année : 2019

Réalisation : Michaela Mikalyiova, David Stumpf

Scénario : Michaela Mikalyiova, David Stumpf

Musique : Olivier de Palma

Montage : Katarína Pavelková

Production : Bagan Films, BFILM

Article associé : la critique du film

 

Le Gardien, sa Femme et le Cerf / Sh_t happens de David Stumpf et Michaela Mihalyi

À première vue, avec ses traits doux, ses couleurs chatoyantes et ses animaux forestiers anthropomorphiques, on pourrait croire que Le Gardien, sa Femme et le Cerf est une adaptation d’un album pour tout petits. On nous vend même une certaine mièvrerie en nous montrant ce couple de cerfs amoureux courir l’un vers l’autre au ralenti. Et rapidement, on nous fait comprendre qu’il n’en est rien : en un éclair (littéralement), un personnage meurt avec notre innocence, laissant son compagnon esseulé pleurer. Dans cette introduction de trente secondes, l’ambiance est posée : cet univers enfantin sera parasité par un humour absurde et une ambiance parfois carrément crasseuse.

Le film d’animation de David Stumpf et Michaela Mihalyi nous propose de suivre les trois personnages-titres embarqués dans un drame vaudevillesque au cœur d’un immeuble sur un bateau, tous trois ayant la particularité de subir différents démons comme l’alcoolisme, l’aliénation, la frustration sexuelle et surtout la solitude. Le style enfantin accentué par le travail de bruitage permet une irrévérence jouissive : celui de voir ses animaux tout mignons sortis d’un dessin animé sur Debout les Zouzous se mettre des murges, uriner dans le hall de leur immeuble et se rouler de langoureuses galoches. Passé cet humour un brin grossier mais diablement efficace, le film met en exergue la saleté de l’environnement, dans lequel tous ses figurants animaliers semblent se complaire et que nos trois protagonistes subissent bien malgré eux. Ce qui fait qu’il jongle avec virtuosité entre gaudriole vulgos issu d’un imaginaire que l’on pourrait rattacher aux années étudiantes (les réalisateurs, aujourd’hui âgés de trente ans, étaient eux même étudiants en animation à l’école de cinéma de Prague) et une mélancolie assez touchante.

Ce deuxième aspect est accentué par la réalisation d’une grande sobriété durant la majorité du film. Les plans sont souvent fixes, ponctués de temps en temps par de lents travellings et la mise en scène à un côté théâtral : vues de face ou de profil en plan en général larges. Les réalisateurs ne cherchent pas à être excessifs, laissant le rythme comique imprégner le spectateur sans avoir besoin d’être hystérique ni même spécialement rapide. Au contraire, ça nous permet de ressentir une gêne provoquant du cringe humor comme quand les animaux à qui la femme du gardien apporte à manger s’embrassent pendant de longues et embarrassantes secondes (le sound design servant une fois de plus très bien l’instant) ou encore lorsque ladite femme joue avec un concombre enduit de sauce sur fond de musique tout droit sortie d’un film érotique des années 70. Cela donne encore plus d’impact quand, vers la fin, le gardien sort de ses gonds en découvrant « son » fils et que la mise en scène devient soudain brusque et emplie d’effets comme si nous assistions à un bug électronique, le tout accompagné d’une musique électronique étrange et déprimante.

Les deux cinéastes ont le talent de nous faire comprendre les enjeux sans le moindre dialogue parlé. Dès le premier plan de chacune des quatre parties, on comprend immédiatement les tenants et aboutissants des personnages. Méchant sans être cruel, ce court-métrage fut sélectionné à la compétition « Orizzonti » à la Mostra 2019 et est actuellement dans la liste restreinte des nominés au César du meilleur court-métrage d’animation, ce qui laisse présager une carrière intéressante pour l’irrévérencieuse équipe slovaque.

Arthur Castille

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William Laboury : « On ne peut pas prévoir ce qu’on va ressentir devant un personnage qu’on n’a pas filmé, il faut rester ouvert »

Après avoir été sélectionné au TIFF et au dernier Festival de Clermont-Ferrand, Yandere fait partie des courts-métrages présélectionnés aux César 2021. Le court-métrage de William Laboury raconte le parcours de Maïko, la petite amie holographique de Tommy qui va voir ce dernier la quitter pour une fille bien réelle.

Format Court : Tu as une formation de monteur. Avant de tourner tes films, les as-tu déjà montés dans ta tête ?

William Laboury : J’ai l’habitude de prévoir énormément à l’avance le découpage au point de faire des story-boards animés. Ce sont des images fixes avec du fondu pour les mouvements sur lesquelles je monte le son enregistré pendant les répétitions avec les comédiens. Pour Yandere, la chef-déco a fait un sketch-up de la chambre en 3D pour que je puisse balader la caméra dedans à la bonne focale et voir ce qu’on verra à l’écran dans les bonnes proportions. Monter la maquette me permet aussi de voir si le film fait bien la durée que j’estime. Sur Fais le mort, mon deuxième court, Arte voulait que le film fasse moins de 8 minutes, et je me suis rendu compte grâce au story-board animé qu’on était plus autour de 10-11 minutes. Du coup, j’ai réécrit avant de tourner pour ne pas avoir à couper au montage.

Tu n’as donc jamais de surprise au montage ?

W.L. : Il y a toujours des surprises. On ne peut pas prévoir ce qu’on va ressentir devant un personnage qu’on n’a pas filmé, il faut rester ouvert. Au début, pour Yandere, on avait du mal à s’attacher au personnage de Maiko, qui est un hologramme en 3D. Tout le travail du montage, qui a duré quatre mois, a été de lui donner de l’humanité. C’est passé par l’ajout de sa voix-off, de plans montrant ses émotions (comme ceux du cœur en 3D), et par un changement de chronologie. Quand on commençait le film avec Maiko (en 3D) et Tommy humain, on croyait que c’était Tommy le personnage principal. Alors j’ai commencé par la fin, avec elle d’emblée humaine, qui raconte son histoire à un autre hologramme pour qu’on voit l’humain en devenir avant de voir l’hologramme. C’est la première fois que je tordais autant un film au montage pour revenir au scénario. En montage, on dit souvent que le film est là quelque part dans les rushs, plus que dans le scénario. En principe je suis d’accord, mais pas là. Le film qui était dans les rushs n’était pas le mien, je préférais tordre les rushs, pour raconter ce que je voulais raconter.

Le Japon est présent dans ta filmographie d’auteur comme de monteur. Qu’est-ce que tu aimes dans ce pays ?

W.L. : C’est une coïncidence. Je connais très mal le Japon, je n’y ai passé que deux semaines de vacances il y a deux ans. Quand j’ai fait Hotaru, je voulais quelque chose d’exotique, dans une jungle autour d’un centre spatial. J’ai hésité entre la Guyane et le Japon et j’ai choisi le Japon. Mais ce pays n’avait jamais le même statut dans ma tête pour ces films. Pour Yandere, le film a été inspiré par les personnages virtuels. J’ai été frappé par le nombre de mascottes au Japon. Les marques sont toujours associées à un petit personnage, il y a même des chanteuses virtuelles qui montent sur scènes comme des hologrammes. Je me suis dit que si les personnages virtuels étaient aussi développés au Japon, c’est qu’il y avait une raison, et j’ai compris que l’animisme, cette croyance que les objets ont une âme, était très développée là-bas. J’ai donc eu envie de créer un personnage virtuel et j’ai cherché dans les mangas quel caractère il pouvait avoir. C’est là que j’ai trouvé quatre types de femmes amoureuses, dont la Tsundere, hyper amoureuse mais qui fait tout pour le cacher en étant exécrable comme dans Hey Arnold, et la Yandere, fée ultra jalouse qui fera tout pour éliminer ses rivales et qu’on retrouve aussi dans la culture américaine avec par exemple la fée Clochette qui déteste Wendy.

La technologie est un personnage récurrent dans tes films. Trouves-tu qu’elle fait plus de mal que de bien à l’homme ?

W.L. : Je n’ai pas vraiment d’avis sur la question, qui est plus politique que liée au cinéma. Je préfère que ce soit des auteurs ou des penseurs qui me parlent de technologie plutôt que Black Mirror. Je n’attends pas de la fiction qu’elle me dise qu’un truc est moralement bien ou pas, mais plutôt qu’elle me fasse découvrir des personnages nouveaux. Dans mes films, la technologie est souvent un prétexte pour parler d’une situation qui n’existe pas dans le présent mais qui est plausible et pas purement fantastique. Dans Yandere, la technologie n’est pas le fond du film, elle est secondaire. Maiko est un hologramme mais qui n’a plus rien de technologique quand elle pleure et qu’elle grandit. Je voulais questionner la relation qu’on peut avoir avec des personnages pas réels, mais pas forcément des robots. Après avoir parlé avec un ami de mon idée, il m’a envoyé la publicité d’une entreprise japonaise qui vend des cylindres en verre avec un hologramme dedans qui écrit des messages à son propriétaire toute la journée. Quand j’ai vu cette pub, je me suis senti obligé de me mettre à la place de l’hologramme car elle avait un visage, un corps, contrairement à un tamagotchi par exemple. C’est cette frontière brouillée entre ce qui est humain et ce qui ne l’est pas qui m’a beaucoup intrigué.

Propos recueillis par Yohan Levy

Vos films préférés en 2020

Ce mois-ci, Format Court fête son 12ème anniversaire (bouchon !). Après avoir publié il y a quelques jours notre propre Top 5 des meilleurs courts-métrages de l’année, voici les résultats de votre propre Top, suite à notre appel publié récemment sur notre site internet.

4 films ont remporté le plus de suffrages. Voici lesquels :

Sprötch de Xavier Seron (Belgique)

I am afraid to forget your face de Sameh Alaa (Egypte, France)

Homeless Home de Alberto Vázquez (Espagne, France)

Maalbeek de Ismaël Joffroy Chandoutis (France)