Laurie Lévêque : « L’annonce au départ disait : « Cherche jeune fille un peu garçon manqué. Il y aura une scène de nu, donc, assumez votre corps ! ». J’ai répondu en me disant, comme d’habitude que je verrai au dernier moment, si je suis prise, si je l’assume ou pas »

« Petite pute ». Un titre pareil avec le visage d’une jeune femme brune dont le regard est plombé par des cheveux longs. Cela a son effet. Et l’on peut trouver cet effet facile. Ou bien se dire : après nous avoir allumés de cette façon, la réalisatrice Claudine Natkin et son actrice Laurie Lévêque, ont plutôt intérêt à « assurer ». Lorsque nous rencontrons la comédienne principale au Festival du Film de Vendôme (du 2 au 9 décembre 2011), Laurie, 27 ans – mais qui en paraît dix de moins dans le film – assure la promotion de « Petite pute » réalisé par Claudine Natkin.

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Etait-ce la première fois que tu jouais dans un court métrage ?

J’avais déjà tourné dans des courts métrages, mais celui-ci est le premier à passer dans autant de festivals et à être diffusé à la télévision. C’est le premier court métrage véritablement professionnel que j’ai pu faire, oui.

Quand a eu lieu le tournage ?

Il y a un an tout juste. À Reims…

Le tournage a duré combien de temps ?

13 jours. Rien que la séquence de l’hôtel a duré cinq jours !

Peux-tu nous donner un ordre d’idée des festivals où « Petite pute » a été présenté ?

À Grenoble, au festival en plein air cet été 2011, à Paris, au Cinéma des Cinéastes, il y a eu une projection organisée par la région qui présentait plusieurs de ses films, puis, à Vendôme en ce moment, et à Aix-en-Provence au Festival Tous Courts.

C’est toi qui fais le tour des festivals pour présenter le film ?

Pour le moment, oui. C’est très agréable d’ailleurs. C’est un exercice tout nouveau pour moi. La première fois, c’était à Grenoble. À Vendôme, c’est la deuxième fois. Je suis contente que Claudine me laisse la responsabilité de le faire et aie confiance en moi pour représenter le film.

Le rôle de Léa que tu interprètes dans le film de Claudine Natkin est très particulier. Peux-tu nous rappeler comment tu as eu le rôle?

En réalité, il y a eu une annonce de casting sur le site cinéaste.org. L’annonce, au départ disait : « Cherche jeune fille un peu garçon manqué. Il y aura une scène de nu, donc, assumez votre corps ! ». J’ai répondu en me disant, comme d’habitude que je verrai au dernier moment si je suis prise, si je l’assume ou pas . Lorsque j’ai passé le premier casting, on m’a bien répété : « Il y aura une scène de sexe. Est-ce que tu pourras l’assumer ? ». J’ai répondu oui. La première improvisation portait sur la relation que la jeune femme a avec son meilleur ami. Tout s’est très bien passé, et on m’a rappelée pour faire d’autres improvisations avec une autre comédienne (le rôle de la copine) afin de voir les relations avec les différents personnages. Je crois qu’à la troisième audition, Claudine m’a dit : « J’ai un gros coup de cœur pour toi mais tu as un accent du sud assez prononcé qui peut être un handicap pour le rôle », donc, j’ai tâché de me démener en pensant même à aller prendre des cours avec un orthophoniste. Finalement, Claudine est revenue vers moi quelques jours après en me disant que c’était ridicule de s’être focalisée sur mon accent et qu’elle souhaitait faire le film avec moi.

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Quelles ont été tes réactions lorsque tu as lu le scénario ?

J’ai eu le scénario très tard dans notre cheminement de travail. Au départ, on a beaucoup travaillé à base d’improvisations et Claudine a eu le temps de me voir à l’épreuve. Par conséquent, elle m’a donné le scénario au moment où elle était sûre que c’était moi qu’elle choisirait. J’ai donc lu le scénario sur le tard et je l’ai trouvé très bon même si certains éléments m’ont un peu effrayée. J’étais face au film et au rôle que j’allais réellement interpréter. Évidemment, je m’étais fait des idées mais peut-être pas quelque chose d’aussi cru, c’était plus dur de le voir écrit. Avec Claudine, on a eu beaucoup de discussions à propos de la façon dont elle comptait s’y prendre pour filmer, de ce qu’elle voulait faire et de la raison pour laquelle elle voulait faire le film, et déterminer le cheminement du personnage. Pour moi, c’était très important qu’elle me dise ce qu’on allait voir ou pas, et on a toutes les deux mis de l’eau dans notre vin concernant certaines scènes.

Étiez-vous en équipe réduite pour tourner les scènes dites de prostitution dans la chambre d’hôtel ?

Pas tellement réduite justement puisque nous avions pris la décision, Claudine et moi, que ça aille très vite. Par conséquent, on a beaucoup répété habillés, le comédien (ndlr Loïc Brahant) et moi pour être sûrs d’être calés sur tous les mouvements, les mouvements physiques aussi bien que les mouvements de caméra, de manière à ce qu’une fois les vêtements enlevés, on puisse tourner rapidement. Mais pour que ça avance vite, il fallait qu’il y ait de nombreux membres de l’équipe présents.

On avait également parlé de l’enchainement du tournage et Claudine m’avait demandé si je préférais que la scène de sexe soit filmée au début du tournage ou à la fin. J’avais demandé à ce que ce soit à la fin car j’avais pensé que ce serait plus facile en connaissant les gens, en étant à l’aise avec l’équipe du tournage. Et effectivement, c’est ce qui s’est passé, tout le monde a été bienveillant avec moi.

Ça n’a pas dû être évident non plus pour le comédien d’ailleurs…

En effet. En réalité, Claudine a eu du mal à le trouver. On avait déjà commencé le tournage et il n’y avait toujours pas de comédien. Claudine l’a trouvé à Reims, en fait, là où on tournait.

Claudine et toi, pensez-vous à nouveau travailler ensemble ?

On ne s’est rien dit pour le moment. Je crois qu’on a été tellement contente de l’expérience qu’on a eue l’an dernier avec ce tournage qu’on s’est simplement dit que l’on aimerait retravailler ensemble. Mais elle ne m’a pas pour autant dit que je serai dans son prochain film.

Peux-tu nous parler du parcours de Claudine Natkin ?

En réalité, elle est chef opératrice au départ. Et, en tant que réalisatrice, elle a fait plusieurs courts métrages dont un notamment qui a gagné plusieurs prix en 2006/ 2007 et qui a pour titre « Même pas mort », tourné avec des enfants. Elle s’intéresse beaucoup au thème des jeunes, de l’enfance…

Souvent, on dit que le court métrage sert à faire ses armes dans le cinéma, mais ça doit être rassurant de travailler avec quelqu’un qui a justement un peu d’expérience dans le domaine au vu de ton rôle.

Oui, et puis, je savais aussi que le film avait été préacheté par France 2, qu’il y avait une production derrière. J’avais également des amis qui avaient déjà tourné avec Claudine. J’avais eu de très bons échos de son travail et j’avais vu ses films.

Les autres scènes ont-elles été faciles à tourner ?

C’était nouveau mais assez excitant ! J’ai travaillé dans une poissonnerie pendant deux jours. Au départ d’ailleurs, je m’étais imaginée quelque chose d’un peu ragoûtant. En fait, non. C’est assez agréable d’être dans les viscères du poisson ! C’était une très bonne expérience.

As-tu l’impression que ce rôle t’a ouvert des portes vers d’autres tournages ?

Deux réalisatrices m’ont contactée car elles avaient vu le film. Elles ont écrit un court métrage et elles veulent m’auditionner pour un des rôles. Le scénario est intéressant, je vais donc passer un casting bientôt. Par ailleurs, ça m’a permis d’aller à des festivals, de rencontrer du monde. Pour moi, en tant que comédienne, ça m’a donné une confiance et une légitimité dans ce que j’entreprends dorénavant, ce que je n’avais pas forcément auparavant. Mais, pour l’instant, je n’ai pas encore de contrat signé.

En parlant de confiance, on peut avoir le sentiment que le personnage de Léa dans le « Petite pute » prend aussi de l’assurance, suite à la passe qu’elle réalise. Qu’en penses-tu ?

Oui, c’est une prise de pouvoir liée à une sorte de rite initiatique.

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Au générique de fin, on peut lire le nom de Virginie Despentes dans les remerciements. Est-elle intervenue dans la fabrication du film ?

Non, mais Claudine est indéniablement influencée par tout le travail de Virginie Despentes. D’ailleurs, elle m’a offert un livre de cette auteure après le tournage. Elle m’en avait aussi beaucoup parlé auparavant. Mais elle ne voulait pas que je lise ses romans avant le tournage.

Comment expliques-tu l’impact du film sur les spectateurs, en particulier les lycéens présents dans la salle (sic : beaucoup ont réagi oralement dans la salle) ?

Disons que ça traite de jeunes donc ça les touche plus que d’autres films. Ça parle de jeunesse décadente ou rebelle : on fume de l’herbe, on boit de l’alcool, il y a du sexe… Ce sont des sujets qui éveillent leur curiosité. La musique un peu hard rock aussi, qui est omniprésente dans le film, les interpelle. Les lycéens l’ont beaucoup aimée tandis que les gens de mon âge l’ont perçue comme une agression. Après, les réactions sont différentes selon que c´étaient des filles ou des garçons.

Le film a-t-il déjà reçu des prix?

Non, pas encore. (ndlr : à l’heure où nous bouclons cet article, Laurie Lévêque a reçu une mention pour la meilleure interprétation féminine au Festival Tous Courts à Aix-en-Provence)

Pour toi, que représente le court métrage ?

C’est un format très intéressant qui n’est pas assez reconnu selon moi. On me demande souvent s’il y a un marché du court métrage et si les gens en regardent. Je veux dire hormis les gens qui travaillent dans le court métrage et qui, eux, connaissent bien ce format. Mais les gens lambda, pas du tout…pour la plupart de mes amis, court métrage rime avec expérimental et hermétique. Personnellement, je pense qu’il y a une grande liberté dans le court métrage qui permet de faire beaucoup plus de choses que dans un long.

Le mot de la fin : parle-nous de ton actualité…

Je travaille actuellement sur un spectacle de clown. On est au tout début de la création, on espère jouer dans un théâtre du 11ème arrondissement de Paris. J’écris aussi, du moins, j’essaie. Je suis sur un projet de court métrage essentiellement avec des actrices. Et, je suis toujours dans mes castings. J’attends des réponses….

Propos recueillis par Camille Monin et Franck Unimon

Article associé : Festival de Vendôme édition 2011. Regard sur trois films de la compétition nationale

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