Protoparticulas de Chema García Ibarra

Participant dans l’espace à l’expérience scientifique « Protomatière », un homme est irradié par des tachyons. Son corps se décompose puis se transforme en protoparticules qui, désormais, « nourrissent sa conscience et ses souvenirs ». Seule sa combinaison le préserve de sa « dissolution dans l’Univers » et il décide de revenir sur terre pour en discuter avec les scientifiques. Là, il s’aperçoit que du fait d’un « pli temporel », il est revenu 96 ans en arrière…

Projeté lors de l’édition 2012 du festival Paris Courts Devant dans la thématique Paris Court Devant invite l’Espagne, « Protoparticulas » m’a rendu hilare tout en me donnant le sentiment que son humour était malheureusement demeuré plutôt étranger au public présent, bien plus expressif devant d’autres courts. Je me suis alors senti un peu seul comme le héros de « Protoparticulas ». Peut-être cette situation s’inversera-t-elle un peu, avant que 96 années ne passent, avec cet article sur ce troisième court métrage de Chema García Ibarra, après « Miaau » (2007) et « El Ataque de los Robots de Nebulosa-5 » (2008) ?

Procédons d’abord à quelques explications scientifiques complémentaires telles qu’elles nous sont données dans le film. « Selon certaines théories, la Protomatière est la substance originelle de ce tout ce qui existe dans l’Univers. (… ) La Protomatière est obtenue grâce à une machine qui émet des ondes de tachyon pour décomposer l’atome ». Précisons aussi que si elle n’a pas été prouvée scientifiquement à ce jour, l’hypothèse de l’existence des tachyons a inspiré un certain nombre d’auteurs de science-fiction.

En 20 plans, le plus souvent fixes, et un peu plus de sept minutes, « Protoparticulas » est une capsule visuelle et sonore qui nous fait transiter dans l’univers d’un être déjà disparu ou dédié à sa folie entre documentaire et (science-) fiction. Comment en être totalement sûr vu que Chema García Ibarra efface nos repères habituels ? Il nous faut donc lire entre les lignes et les scènes. Patienter. Par exemple, la scène d’ouverture, la plus longue (un peu plus d’une minute) est silencieuse. En temps réel, très tôt le matin ou très tard en pleine nuit, dans une ville occidentale ordinaire, un individu sort d’un immeuble au loin et s’avance vers nous. Le noir et le blanc du film, l’immobilité des voitures garées comme la tranquillité du quartier apportent une atmosphère un peu étrange. Cette personne qui porte un casque, est-ce un motard ? Une femme ? Un homme ? Quelqu’un qui se rend à son travail ? En une minute, nous avons le temps de gamberger pour finalement constater que notre protagoniste a accompli tout ce chemin dans le seul but de jeter un sac poubelle et un carton de boîte à pizza dans la benne à ordures se trouvant devant nous, au premier plan ; une benne à ordures que nous avions jusqu’alors ignorés, focalisés que nous étions sur cette apparition de forme humanoïde. A peine l’avons-nous compris qu’un fondu clôt ce premier plan. A cet instant, s’enclenche un monologue évoquant un pré-enregistrement sur bande magnétique narrant l’histoire de notre astronaute. Car notre personnage se déplace, tout le film durant, dans la tenue de celui qui revient d’une expérience spatiale. Cette voix, imperturbable, nous narrant le passé et le futur de notre « homme » alors que nous réceptionnons son présent, sera le principal trépied sonore de « Protoparticulas ».

protoparticulas

Nous croyons que cette voix est celle de notre héros. Nous apprendrons à la fin du film que nous avons pourtant été leurrés à ce sujet. Chema García Ibarra multiplie les paradoxes et les anachronismes (par exemple, notre cosmonaute tape laborieusement son histoire sur une machine à écrire mécanique alors qu’une affiche nous indique que nous sommes au moins en l’an 2003). S’établit alors la description d’un monde, le nôtre, fait de dépersonnalisation et de solitude mais où, malgré tout, un peu d’affection et de tolérance restent possibles. Notre personnage trouve ainsi un certain réconfort en la personne d’Asuncion et de José Manuel qui l’acceptent tandis qu’il les aide, nous dit-il, pour de menues tâches et remplit le rôle du père et du grand frère qu’ils n’ont pas eus. La tolérance est aussi une vertu sociale de ce film car lorsque notre mystérieux spationaute, dont nous ne verrons jamais le visage et dont n’entendrons jamais la voix véritable, accomplit certains actes de la vie quotidienne dans sa tenue de l’espace, telles que faire ses courses, éplucher une orange dans un jardin public ou tenir la caisse du magasin d’Asuncion, les personnes qui le croisent semblent s’en accommoder avec bienveillance.

Mais qu’avons-nous vu et entendu exactement ? Un extra-terrestre ? Un homme qui, du fait d’un accident qui l’a mis en contact avec la protomatière, est véritablement revenu 96 ans en arrière ? Ou le récit d’un fou nous offrant son délire avec la part de souvenirs et de vérités que celui-ci recèle de notre vie et de notre monde ?

Très rusé, et espiègle, Chema García Ibarra fait semblant de nous répondre : dans l’ultime plan du film, notre cosmonaute joue au loto avec José Manuel mais aussi avec notre imaginaire. Absurde, délire, sursis et catharsis contre les turbines du rendement, du désespoir et de l’uniformité, « Protoparticulas » est un magma de tout cela.

Franck Unimon

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P comme Protoparticulas

Fiche technique

Synopsis : L’expérience a failli aboutir : la protomatière existe.

Réalisation : Chema Garcia Ibarra

Genre : Fiction

Durée : 7′

Pays : Espagne

Année : 2009

Scénario : Chema Garcia Ibarra

Interprétation : José Antonio Fernandès, José Manuel Ibarra, Susi Martinez, Pedro de la Ossa, voix de Juan Carloz Diaz

Montage : Chema Garcia Ibarra

Image : Alberto Gutierrez

Décors : Leonor Díaz Esteve

Production : Leonor Diaz Esteve et Chema Garcia Ibarra

Article associé : la critique du film

Nouveau Prix Format Court au Festival européen du Film Court de Brest !

Pour la première fois, nous remettrons un prix Format Court à l’occasion de la 27e édition du Festival européen du Film Court de Brest. Depuis la création du site, en 2009, nous observons attentivement les oeuvres fortes et originales dénichées dans tous les coins de l’Europe par ce festival éclectique, ayant véritablement sa place dans le monde du court. A l’instar des prix précédents, le lauréat, déterminé par le Jury Format Court (Marie Bergeret, Camille Monin et Katia Bayer) dans la compétition européennne du festival, bénéficiera d’un dossier spécial sur le site et son film sera projeté le 14 mars 2013, à l’occasion de la carte blanche offerte par Format Court au Festival de Brest, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Huit programmes reprenant 41 courts métrages de fiction, dont de nombreux premiers films et films d’écoles, composent cette sélection officielle.

Compétition européenne

COMPÉTITION 1
For better or for worse – Victor Vroegindeweij – Pays-Bas / 7’20 / 2011
Prematur – Gunhild Enger – Norvège / 17’ / 2012
Short for vernesa – B. Jons Vukorep – Allemagne – Bosnie-herzégovine / 10’47 / 2011
Ainult Meie Kolm – Giampietro Balia – Estonie / 29’ / 2011
her name is crasy – Paillowski brothers – France / 19’ / 2012

COMPÉTITION 2

Voice over – José Martín Rosete – Espagne / 10’ / 2012
Dos au mur – Miklos Keleti – Belgique / 13’21 / 2011
Voisin voisin – Timothée Augendre & Geoffroy Degouy – France / 18’25 / 2011
Kaninuholan – Guðmundur Hallgrímsson – Islande / 20’15 / 2011
Le syndrome du cornichon – Géraldine Doignon – Belgique / 21’ / 2012

COMPÉTITION 3

Abgestempelt – Michael Rittmannsberger – Autriche / 11’ / 2012
Chasse à l’âne – Maria Nicollier – Suisse / 15’ / 2011
Tabăra din – Răzoare Cristi Iftime – Roumanie / 22’ / 2012
Flow – Hugues Hariche – France / 23’ / 2012
I have a boat – Nathan Nill – Allemagne / 14’ / 2011

COMPÉTITION 4

Goose – Morgan Simon – France / 15’24 / 2011
Was uns zusteht – Thomas Szabó – Allemagne / 23’30 / 2012
The cricket – Stefano Lorenzi – Italie / 13’ / 2011
Djurens dag – Tommi Seitajoki – Finlande / 22’30 / 2011
Alien repair guy – Alexander Somma & Øystein Moe – Norvège / 10’40 / 2012

COMPÉTITION 5

Prora – Stéphane Riethauser – Suisse / 23’ / 2012
Oči, a lahko jaz šofiram? – Miha Hočevar – Slovénie / 14’ / 2011
Everything falls apart – Andrew Amorim – Norvège / 12’30 / 2011
Cagey tigers – Aramisova – République Tchèque – Slovaquie / 23’ / 2011
Sanguetinta – Filipe Abranches – Portugal / 12’ / 2012

COMPÉTITION 6

Zimmer 606 – Peter Volkart – Suisse / 15’ / 2012
Fireworks – Giacomo Abbruzzese – France – Italie / 21’ / 2011
Klein – Sanne Vogel – Pays-Bas / 6’35 / 2011
Hiljainen Viikko – Jussi Hiltunen – Finlande / 17’30 / 2011
Rhinos – Shimmy Marcus – Irlande / 17’ / 2012
After – Lukasz Konopa – Royaume-Uni – Pologne / 7’ / 2011

COMPÉTITION 7

Tiger boy – Gabriele Mainetti – Italie / 20’ / 2012
A.B.E. – Jean-François Hassoun – France / 16’25 / 2011
Vegtelen percek – Cecilia Felméri – Hongrie – Roumanie / 19’ / 2011
Obedna pochivka – Ivaylo Minov – Bulgarie / 18’20 / 2012
Hyvä Päivä – Teemu Nikki – Finlande / 10’30 / 2011

COMPÉTITION 8

The farmer’s wife – Francis Lee – Royaume-Uni / 18’ / 2012
Just a perfect day – Evris Papanikolas – Grèce / 6’ / 2011
Bedemanden – Martin Winther – Danemark / 20’ / 2011
Le cri du homard – Nicolas Guiot  – Belgique – France / 30’ / 2012
Prochainement sur vos écrans – Fabrice Maruca – France / 11’ / 2011

Festival de Brest, la compétition française

Le Festival de Brest inaugure cette année une nouvelle compétition, celle des films français, et l’ouvre aux premiers films et films d’école. Une dizaine de titres, regroupés en deux programmes, la compose.

COMPÉTITION 1

Les parapluies migrateurs/Mélanie Laleu / 20’ / 2012
Stronger/Victor Rodenbach & Hugo Benamozid / 14’ / 2011
La sole, entre l’eau et le sable /Angèle Chiodo / 15’ / 2011
Polaroid song / Alphonse Giorgi & Yann Tivrier / 19’15 / 2012
Les filles du samedi / Emilie Cherpitel / 15’ / 2011

COMPÉTITION 2

Chacun sa nuit / Marina Diaby / 30’ / 2012
Cendres / Jérome Farrugia / 11’ / 2012
Le propriétaire / Wei Hu / 24’30 / 2012
Le sourire du plombier / Guillaume Chevalier / 3’30 / 2012
Que puis-je te souhaiter avant le combat ? / Sofia Babluani / 15’37 / 2012

Festival de Brest, la compétition Cocote Minute

Parmi les films en compétition au Festival de Brest, figure ceux de la section Cocote Minute, d’une durée de moins de 10 minute et sans dialogues. Mélange de formes et de styles différents, ce programme décalé dévoilera cette année treize histoires audacieuses, et souvent loufoques.

Films en compétition

– .363 ep.2 – Jessy Deshais & Daniel Ablin – France / 4’17 / 2012
– What it seems – Jakob Schmidt – Allemagne / 4’30 / 2012
– Melvin – Benoît Monney & Sami Khadraoui /Suisse / 6’ / 2012
– Jäsningen – Åsa Maria Bengtsson /Suède / 9’06 / 2011
– Riders to the sea – Orla Walsh / Irlande / 5’10 / 2010
Noise – Przemyslaw Adamski /Pologne / 8’ / 2011
– Der philatelist – Jan-Gerrit Seyler / Allemagne / 7’20 / 2011
– Extreme walks – Agnes Sklavos & Stelios Tatakis /Grèce / 5’15 / 2011
– Year zero – offf barcelona 2011 – Mischa Rozema / Pays-Bas – République Tchèque / 6’20 / 2011
– Ibijazi – Luc Feit /Luxembourg / 8’30 / 2011
– (IN) – Mikko Kallinen /Finlande / 6’56 / 2011
– Waterbaby – Andrea Harkin /Royaume-Uni / 6’20 / 2011
– Oh merde ! – Aliocha Itovich & Guillaume Ducreux /France / 8’33 / 2012

Filmer la violence à distance : aller au-delà de la provocation ? Critique de « Les Meutes » de Manuel Schapira

La violence n’est pas seulement affaire de coups, ou encore d’état psychologique extrême, elle a également à voir avec l’éthique. Chaque cas de combat physique nous amène, en effet, à questionner ses origines et son sens, non seulement pour les personnes engagées dans le duel mais aussi pour l’humanité entière. La violence n’est jamais (totalement) gratuite, et le cinéma s’est avéré l’un des transmetteurs les plus aptes à la décrire et à en analyser les causes, voire à la dénoncer (de par la quantité phénoménale de thriller, de films noirs, etc., mais également par le truchement d’une situation concrète avec l’exposition d’une logique (senti)mentale, par exemple). D’où vient la violence ? De quelle nature est-elle ? Comment l’expliquer pour mieux l’appréhender ?

Face au récent court métrage « Les Meutes », réalisé par Manuel Schapira, Prix de la Presse au dernier Festival Paris Courts Devant, le spectateur est en droit de se poser des questions similaires. Relatant une anecdote parisienne, où un jeune homme de peau blanche fait face à un événement de violence extrême, le film décrit minute après minute l’épisode traumatique vécu par le protagoniste. Décidé à participer à une pendaison de crémaillère dans un quartier huppé, l’homme assiste dans une cage d’escalier à l’explosion de violence de deux hommes de peau basanée, après qu’ils aient été refoulés de la même soirée. Le protagoniste, lui, est seulement le témoin de la scène. Il est un spectateur chétif et lâche, auquel le cinéaste invite le spectateur du film à s’identifier. Mais est-il possible de s’identifier à ce personnage ? Dans quelle position le film place-t-il son spectateur ?

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La ciné-anecdote : le monde hic et nunc

« Les Meutes » est un film au présent. Au présent d’une situation complexe, où le personnage-spectateur fait l’expérience de la violence tout en ne pouvant rien faire. Vraiment ? Ne peut-il rien faire ? Sur le plan législatif, cela s’appelle “non assistance à personne en danger”. Mais nul ne lui reprochera pas son inaction puisque la violence est extrême, qu’il est seul, et qu’il n’est pas préparé à cela. Mais au fond, n’a-t-il pas tort de tenter d’appeler d’autres personnes plutôt que d’intervenir pour tenter de sauver la victime ? Cette question, c’est au spectateur de se la poser et, en conscience, de s’imaginer quelle aurait été sa propre réaction. La réelle qualité du film se trouve ici, dans sa capacité à soulever des questions.

Habituellement, les films de Manuel Schapira ne se veulent pas psychologiques, c’est-à-dire qu’ils se refusent à toute appréhension mentale, à toute verbalisation d’un état d’être. Les personnages sont posés là, et sont confrontés à une situation de violence qui, elle, aura néanmoins des répercussions psychologiques. Mais ces films se refusent aussi à traiter des conséquences. Alors que reste-t-il ? Dans cette démarche a priori séduisante car dépouillée, il ne reste que la situation (envenimée) et des personnages à lire entre les lignes. Un précédent film, La fille de l’homme (2010), montrait un père, sortant dans la rue avec sa petite fille, qui était victime des insinuations de kidnapping par de jeunes hommes dans la rues. Tout en portant un intérêt réel sur le plan sociologique, les deux films s’en tiennent à montrer le fait. Enfin presque… Car n’y a-t-il pas derrière cette démarche à la fois politique (l’intrigue) et faussement désintéressée (la mise en scène), un désir de provoquer, de pousser à bout le spectateur pour le faire réfléchir sur lui-même ? Provoquer le débat est une belle chose, mais le spectateur a-t-il toutes les cartes en main pour pouvoir juger ?

C’est là où le bât blesse : le cinéaste semble, dans une certaine mesure, ouvrir le débat et le fermer immédiatement. Cela demande explication : à partir du point de vue adopté, plutôt distancier, dans « Les Meutes », le cinéaste ne se prononce d’abord pas. On assiste à un déferlement de violence venue de loin et à la réaction (ainsi qu’au remords ?) d’un jeune homme. Mais rien ne permet de comprendre ce qui se passe; c’est comme si le film refusait de donner sa vision, son orientation. En regardant tout de loin, de manière assez neutre, en mettant de côté les causes et les conséquences, le cinéaste ne se place-t-il pas finalement au-dessus de la mêlée tout en pointant l’inaction non seulement du héros mais aussi des spectateurs (potentiellement) à sa place ? En filmant simplement l’anecdote d’une manière désintéressée, et par là même provocatrice, on a le sentiment que le film dit : « Vous auriez agi de même. Vous n’auriez rien fait. » Se faire a priori moraliste ou a posteriori redresseur de torts, la mise en scène semble avoir choisi son camp.

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Banaliser les stéréotypes

Une interrogation émerge à l’issue du film : peut-on filmer banalement le mal ? La réponse n’est pas si simple. Car la violence physique est contradictoire : elle n’est absolument pas nécessaire et pourtant elle est nécessairement présente dans la société. Beaucoup pensent la montrer, la télévision s’y emploie à tours de bras. En vérité, que montre-t-elle ? Seulement le fait de violence. Car beaucoup s’intéressent rarement aux commanditaires, aux individus qui violentent, ou ceux qui sont violentés.

Si « Les Meutes » se refuse à donner une orientation pour ne prétendre que montrer, on soupçonne alors qu’il colporte (peut-être sans le vouloir) des clichés. Par exemple, les jeunes hommes qui violentent, dans le film (il en était de même dans “La fille de l’homme”), sont étrangement et systématiquement des individus d’origine maghrébine. En ne voulant montrer que le fait du point de vue du témoin inactif, il banalise le cliché de l’homme violent. D’un autre côté, il banalise également le cliché du bourgeois, d’où l’insistance dans « Les Meutes » sur le dandinement des filles sur la musique avant le générique de fin. Si le cinéma veut montrer sans démontrer, il devra aussi détruire les clichés et regarder pas seulement une mais les quatre faces de la pyramide du Mal.

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La chute de la civilisation

« Les Meutes » est intéressant dans la combinaison deux logiques; d’une part, la logique de la fête, c’est-à-dire de l’abandon total dans l’alcool et la légèreté et, d’autre part, celle de la brutalité des faits, inattendue et soudaine. Le film en vient même à se demander s’il n’y aurait pas quelque chose de la vaine destruction au sein même de la situation de fête et s’il n’y aurait pas quelque chose de la construction existentielle dans la situation de destruction. Le frottement de ces deux situations pointent une certaine vanité, présente dans les deux camps, ainsi que la possibilité d’un sursaut, d’une prise de conscience. Dans les deux parties, cependant, l’objet du désir n’est pas défini et l’assouvissement (du plaisir ou de la violence) ne sera que partiel, laissant les êtres dans une forme de frustration.

Aussi finira-t-on par deux réflexions. La première, c’est une question très contemporaine à laquelle devra tenter de répondre le cinéma : celle de la conscience disjointe du monde. Pourquoi la violence ostensible (coups) et la violence intime (suicide) sont-ils de si importants refuges ? Pourquoi avons-nous tant de mal à trouver l’objet de notre pensée et surtout des mots, la manière d’exprimer cet objet ? Le deuxième point, qui en est un prolongement, c’est la question du style. En effet, si le cinéma veut traiter de la violence dans sa complexité, mieux vaudrait ranger la situation provocante au profit d’une démarche de poète, capable de triturer les mots et les images pour rendre compte d’un sentiment précis. C’est peut-être là qu’on trouvera le sens intrinsèque de la bestialité des êtres.

Mathieu Lericq

Article associé : la fiche technique du film

M comme Les Meutes

Fiche technique

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Synopsis : Franck, Hugo et Philippe, trois copains se rendent à une pendaison de crémaillère dans un appartement parisien. A la porte, deux jeunes types, âgés de seize ou dix-sept ans, tentent de négocier leur entrée. La tension monte.

Genre : Fiction

Durée : 14′

Pays : France

Année : 2012

Réalisation : Manuel Schapira

Scénario : Manuel Schapira

Image : Nathaniel Aron

Son : Fanny Weinzaepflen, Eric Boisteau, Grégoire Couzinier

Montage : Sophie Fourdrinoy

Décors : Stanislas Reydellet

Interprétation : Abraham Belaga, Nicolas Maury, Cedric Ido, Giorgia Sinicorni, Sigrid Bouaziz, Laetitia Spigarelli, Julien Bectarte, Nicolas Bridet

Production : Bizibi Productions

Article associé : la critique du film