No skate ! de Guil Sela

Un an après Montsouris, couronné du Prix Découverte Leitz Ciné du court-métrage en 2024, Guil Sela revient à la Semaine de la Critique avec No skate !, tourné pendant les Jeux Olympiques de Paris.

Un été, dans la ville envahie par les touristes et vidée de ses habitants, un garçon et une fille se rencontrent. Lui, c’est Isaac (Michael Zindel). Elle, c’est Cléo (Raïka Hazanavicius). Les deux, travaillent comme homme et femme-sandwich pour inciter les passants à se baigner dans la Seine, dont l’eau a été soi-disant “dépolluée” à l’occasion des Jeux. Isaac et Cléo ne s’étaient jamais parlés jusqu’au jour où Isaac voit sa collègue jeter une planche de skate dans l’eau… Depuis les premiers plans du film, le style de Guil Sela est déjà reconnaissable : les personnages sont présentés de loin, au milieu de la foule, comme si leur histoire aurait pu être celle de n’importe quel autre passant. À l’instar de son précédent Montsouris, où un réalisateur (alter-ego de Sela) cherchait des gens intéressants à filmer dans le parc, le cinéaste utilise des longues focales pour nous montrer le monde comme si on le regardait avec nos propres yeux.

Guil Sela saisit ici l’occasion pour filmer les Jeux rêvés dans son premier court-métrage La Flamme Olympique (2023), où une jeune femme songe de partir à Tokyo pour les Jeux Olympiques en défiant la paralysie qui touche la planète en 2020. Pourtant, il nous montre le revers de la médaille. C’est-à-dire la ville en dehors des stades et des compétitions, celle des appartements sous-loués, des tickets de métro à 4 € et des taxis qui profitent du calme des rues peu fréquentées. Pas moins onirique que celle du confinement, la ville des Jeux est l’arrière-plan d’une rencontre entre deux vingtenaires dont nous suivons les déambulations, de Montmartre au Canal Saint-Martin, en passant par les rues de Belleville et le Parc des Buttes-Chaumont. Encore une fois, un parc parisien devient le théâtre des spectacles les plus curieux : cette fois-ci, il s’agit du cours de Karaté fréquenté par Isaac, lequel ne peut plus avoir lieu au dojo car cet art martial a été exclu des JO et remplacé par le breakdance et le… skateboard ! Dans un geste de révolte, les panneaux publicitaires encourageant la baignade dans la Seine sont ainsi transformés en pancartes anti-skate, et exhibés par les deux protagonistes dans l’une des scènes les plus hilarantes du film.

Michael Zindel (révélé en tant qu’acteur par Le Derniers des Juifs de Noé Debré) et Raïka Hazanavicius (déjà à l’affiche de Montsouris) forment un duo formidable à l’écran, capable de créer des moments de pur comique à partir des situations les plus anodines. Mais derrière ses allures de comédie, le film évoque un certain sentiment de mélancolie, qui émane de la musique d’Alexandre de La Baume lorsqu’elle accompagne la marche agitée de la foule ou les balades flegmatiques d’Isaac et Cléo au coucher de soleil. Car avec sa caméra, Guil Sela sait dépeindre Paris et ses jeunes habitants dans toutes leurs nuances et contradictions. En fin de compte, No skate ! n’est ni une proclamation de haine, ni une déclaration d’amour, mais le portrait sincère d’une ville qui, comme la vie, est faite de rires, de pleurs et de ces actes insensés qui donnent du sens à ses jours.

Margherita Gera

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