Boris Vian fait son cinéma

Boris Vian a chanté, joué, composé, écrit des romans, de la poésie, des critiques… et même des scénarios ! De son inspiration, on tire aujourd’hui Boris Vian fait son cinéma, un projet édité en DVD par Blaq Out rassemblant six courts-métrages réalisés à partir de l’œuvre littéraire de l’artiste. Un mélange bigarré qui nous donne l’opportunité de s’approprier six histoires différentes aux nuances si singulières. Une manière d’approcher les écrits, mais aussi les compositions de l’artiste, puisque chaque court-métrage est accompagné d’une de ses musiques, reprise par des interprètes contemporains.

Le court L’Autostoppeur, réalisé par Julien Paolini, semble sorti tout droit d’un roman noir. Un couple en voiture renverse un cycliste en allant dans le Sud, et l’homme décide de cacher le corps dans la voiture. Au bout du chemin, une mystérieuse silhouette apparaît… l’autostoppeur. Il n’a pas de chemin où aller, et pourrait bien s’amuser à devenir le corbeau dans l’histoire. Le court à l’accent aussi sombre que prenant vient se détacher des autres courts, et nous enthousiasme par le jeu brillant d’Annelise Hesme et Hugo Becker.

De quoi j’me mêle, réalisé par Pablo Larcuen, est l’histoire un peu tordue d’un homme qui essaie de reconquérir son ex-femme, qui elle, ne s’intéresse plus à lui faute d’argent. Toute l’histoire tient sur un – ou plusieurs – gros malentendus. Le spectateur se laisse surprendre par une spirale de quiproquos qui n’en finit plus dans un ton aussi absurde qu’amusant. De toute la sélection, il fait particulièrement écho au court poétique et rigolo de Clémence Madeleine-Perdrillat, Le cow-boy de Normandie. Jim, très amoureux de Dany, veut absolument devenir un cow-boy dans la campagne normande…mais il doit aussi se marier à 17 heures, ce qui n’est pas aussi urgent que devenir cow-boy d’après lui. Joyeux, enfantin, ou totalement extravagant, ce court nous laisse un doux goût dans la bouche.

Il devient amer avec le court d’Elsa Blayau et Chloé Larouchi, Notre Faust. Une jeune femme, Marina, interprétée sublimement par Lou de Laâge, tombe amoureuse d’un danseur. Dans la rue, elle fait la rencontre d’une mystérieuse inconnue un peu insistante, jouée par Audrey Fleurot. Passant un pacte avec cette dernière, elle espère pouvoir réaliser son souhait le plus cher. On apprécie la patte énigmatique de ce court, jonglant entre la légèreté et le morose, la danse et le fantastique.

La Rue des ravissantes est le court le plus long de l’ensemble (40 minutes), réalisé par Anne-Laure Daffis. Nous suivons deux jeunes hommes qui souhaitent réaliser un reportage en maison de retraite sur la canicule pour France 3. Cela ne se passe pas comme prévu : ils rencontrent Gaston Lampion, interprété très justement par Jacques Herlin, un vieil homme qui leur parle d’une rue très spéciale, qui accueillait autrefois tout les prostituées de la ville… Sous la forme d’un documentaire un peu bancal, le court nous plonge dans une discussion aussi touchante qu’humoristique à l’air bien réel.

Nous nous laissons embarquer par le côté absurde et rêveur bien connu de l’oeuvre de Vian, avec La mécanique des tournesols, d’Albane Bisleau, Sarah El Karkouri, Valentine Gaffinel, Rokiatou Konaté et Marie Schnakenbourg. Salif Cissé interprète Ernest, un homme qui rate son bus et monte finalement dans un autre, qui se transforme en cabinet d’analyse thérapeutique dont il devient le responsable. La consultation de ses patients devient le propre motif de son introspection. Plongé.es dans le court, nous nous familiarisons avec la psychanalyse qui était un sujet cher à Boris Vian, et nous rappelle son roman L’arrache-cœur, dans lequel le psychiatre Jacquemort est lui-même pris dans une sorte de spirale.

Spirale est d’ailleurs l’effet que donne ce rassemblement de courts, où nous nous laissons emporter par la diversité de tons, de musiques et d’histoires du projet. Une large et répandue variété d’idées qui, à l’image de l’œuvre fourmillante de Vian, nous réjouit par la qualité de ses nouvelles interprétations !

Amel Argoud

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