Techno à la Berlinale

On connaît tous Berlin pour sa vie de nuit, ses raves et ses fameuses boîtes. Cette année, la sélection de trois films à la Berlinale (dont deux premiers longs) nous transmet l’énergie contagieuse de ces espaces où le temps s’arrête : La Bête dans la Jungle, de Patrick Chiha (France), Drifter, de Hannes Hirsch (Allemagne), et After, d’Anthony Lapia (France).

Drifter est le premier long-métrage du jeune réalisateur allemand Hannes Hirsch, relatant l’arrivée de Moritz dans la capitale. Ce dernier se fait rapidement quitter par son petit ami, se retrouvant alors livré à lui-même – en quelque sorte. On assiste à une sorte d’exploration de la part du jeune homme dans la ville, entre soirées, drogues et sexe. Cette évolution au plus proche du personnage permet d’apprécier le parcours initiatique d’un jeune gay à Berlin. On s’arrête sur le portrait décomplexé de Moritz, mis en valeur par le jeu simple et dépouillé de Lorenz Hochhut.

Dans la foule ou dans la chambre, les corps sont montrés de manière crue, et arrivent en même temps à être sublimés par la caméra d’Elisabeh Börnicke. Aussi, l’approche du monde queer est traitée avec justesse et subjectivité, peut-être parce que l’équipe du film est composée de nombreuses personnes issues de la communauté LGBTQ+. Drifter est donc un film personnel à petit budget, très réussi puisque sachant raconter une histoire – ce qui n’est pas le cas de beaucoup de longs sélectionnés cette année à la Berlinale.

La Bête dans la Jungle de Patric Chiha est décevant sur ce point, l’idée étant intéressante mais jamais bien traitée. Tout le long du film, John (Tom Mercier) et May (Anaïs Demoustier) attendent un événement incroyable qui viendrait chambouler leur vie, sans jamais sortir d’une boîte de nuit à Paris. Leur attente dure des années, et on apprécie le changement de soirées et de musiques écoutées au fil des décennies (des seventies au années 2000 environ). L’attente se fait cependant ressentir chez le spectateur : ça traîne, et la boîte, on finit par avoir envie d’y sortir (de la salle, aussi). La lenteur et les discours peu naturels finissent par être redondants et gâcher la promesse d’un film qui aurait pu bien marcher. Au contraire, les deux premiers longs, After et Drifter, offrent un dynamisme tout particulier en même temps qu’une réalité de la vie de la nuit dans deux villes.

On quitte Berlin pour arriver en plein dans une boîte à Paris. After, c’est la rencontre impromptue entre Félicie, avocate, et Saïd, conducteur de VTC. Les deux protagonistes partagent leur vision de la nuit – qu’ils passent ensemble, un after prolongé avec des clopes et du vin rouge. On côtoie deux regards sur la vie : la désillusion et le combat. Au petit matin, Saïd part, sans qu’on sache s’il y aura un « après ». Comme dans Drifter, le naturel de ce film fait du bien, et on est vite pris dans la torpeur et la frénésie d’une nuit dans Paris – drogues sur canapé et discussions dans le fumoir, sans même savoir où cela va aller. Il y a comme du Vernon Subutex de Virginie Despentes là-dedans, des drôles de personnages et des soirées avec le nez dans la coke. Pourtant, rien n’est trop poussé, et la musique accompagne particulièrement bien ce premier long.

Contrairement à Drifter, After se concentre moins sur les corps que sur ces visages secoués et tremblants de sueur. La danse est rythmée, presque mécanique, sur fond de techno ou de psy-transe. Le spectateur plonge dans le bouillonnement de la foule, puis dans le calme bizarre du canapé à trois heures du matin, ce qui n’est pas pour nous déplaire.

Entre rencontres, drogues et visions, la Berlinale nous aura offert un beau panorama de la vie de la nuit avec des personnages qui nous imprègnent le temps d’une soirée (et d’un film).

Amel Argoud

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