Les liaisons foireuses de Chloe Alliez et Violette Delvoye

Le court-métrage Les liaisons foireuses, est une animation de 11 minutes signée Chloe Alliez et Violette Delvoye. L’histoire est celle de Maya et Lucie deux jeunes filles qui éprouvent des sentiments l’une pour l’autre et s’en rendent compte au cours d’une soirée adolescente. Ce conte amoureux des temps modernes est le fruit d’une co-réalisation. Chloé Alliez, qui a déjà réalisé Toutes nuancées, entre autres, est plus enclin à la comédie et Violette, réalisatrice de Projection sur canapé, se dit plus du coté de la sensibilité et des relations entre les personnes. C’est par un travail conjoint et par la réunion de leurs deux univers qu’elles nous proposent une « histoire d’amour manquée » très fine et particulièrement juste, présentée dernièrement à Annecy.

Les réalisatrices sont toutes les deux coutumières de la stop motion et maîtrisent ce procédé. Le jeu des personnages est très précis grâce à un grand panel d’expressions faciales. Cette attention aux micro expressions permet de donner toute sa sensibilité à l’histoire et rend les personnages très humains et complexes. C’est par cette maitrise de l’expressivité que le court métrage se range dans cette nouvelle tendance de la stop motion aussi émotive que drôle. Quelques gags ponctuent le récit, mais c’est un sentiment mélancolique qui domine, jusqu’à donner le ton général de l’histoire. La mélancolie c’est celle des personnages qui peinent à trouver leur place dans cette allégorie de la société, mais aussi celle des deux créatrices qui portent un regard aussi acide que tendre sur l’âge adolescent.

Une grande ingéniosité réside dans l’emploi d’interrupteurs et de prises électriques pour fabriquer les petits personnages du film. Le fait qu’ils soient assemblés avec des pièces détachées issus du quotidien ajoute de la poésie à l’histoire par le matériau même. Les deux réalisatrices ont su voir avec leurs yeux d’enfants des visages, là où nous n’avons vu que des interrupteurs. Les petits personnages ont des bras en fil de fer, ce qui permet de les articuler. Nous les voyons alors danser, s’étreindre, cacher leurs yeux pour pleurer, boire pour « faire cool » ou pour oublier qu’on n’est pas choisi comme partenaire pour un slow.

L’histoire est simple. Maya a tout pour être une adolescente comblée, le garçon le plus « cool » de la fête s’intéresse à elle. Tous ses camarades l’encouragent car ils n’imaginent pas un instant que son choix ne se portera pas sur lui. Pourtant, Maya préfère embrasser son amie Lucie. Et c’est là le cœur de l’histoire. On nous donne à voir un cadre très hétéronormé, qui étouffe sans violence, mais qui trouve justement là sa violence : il ne laisse pas de choix. Chloe Alliez et Violette Delvoye abordent ainsi avec un grand doigté un aspect « normatif » de notre société qu’on ne soupçonne pas, et qu’il est d’autant plus intéressant de souligner. Par ailleurs, la grande force de cette histoire est sûrement qu’elle soit faite sans slogan, sans combat affiché. Très simplement.

Les liaisons foireuses est un grand travail de composition qui permet d’articuler cette cérémonie de la vie adolescente. Chloé Alliez et Violette Delvoye en font autant un lieu de célébration qu’un rite de passage. Elles nous rappellent que si l’ère du bal à la cour où les jeunes gens faisaient leurs débuts est révolue, la fête reste toujours le lieu d’une introduction en société où chacun se doit de trouver sa place.

Anouk Ait Ouadda

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