Nauha de Pratham Khurana

Fraîchement diplômé de l’Institut de cinéma et d’arts créatifs « Whistling Wood Internationals » de Mumbaï, le jeune réalisateur indien Pratham Khurana fait partie de la sélection de la Cinef cette année grâce à son quatrième film Nauha. Il signe un touchant court-métrage qui nous laisse le temps d’être imprégné par la relation du protagoniste et de l’homme âgé dont il s’occupe.

Kishan, un jeune homme d’une vingtaine d’années, prend soin d’un vieil homme en mauvaise santé, Babuji. Le protagoniste s’occupe patiemment de Babuji, l’aide à se laver, le nourrit et dort dans la même chambre que lui lorsque ce dernier a peur d’un potentiel intrus dans la maison.

Pratham Khurana nous offre dans son film, une expérience sensorielle : le rythme plutôt lent des plans créé une suspension du temps et nous permet une véritable immersion dans l’univers de Kishan. A travers l’écoulement du temps, on ressent l’impact que prend Babuji dans la vie du jeune homme. Les caprices à répétition du vieil homme au moment de la toilette par exemple, créent cet effet d’attente et de frustration simultanément chez Kishan et le spectateur. Le lien et la proximité qui unit les deux hommes est cependant révélé par cette durée et lenteur des plan-séquences épurés. Le réalisateur parvient avec brio à nous faire ressentir dans le temps, le dilemme du jeune personnage partagé entre son désir de liberté et son attachement au vieil homme.

Pratham Khurana prend le parti pris d’une certaine distance dans sa manière de filmer avec des plans fixes et larges, sans pratiquement aucun mouvements de caméra, ou alors quelques zooms et très légers panoramiques. Les plans sont très épurés avec des espaces vides, avec très peu de musiques et dialogues. Le réalisateur contrebalance cette distance avec la présence d’inserts sur des contacts physiques dans son film. De la tendresse est montrée avec quelques gros plans sur une main qui en caresse une autre, ou bien avec la main de Kishan qui recoiffe affectueusement les cheveux du vieil homme. Lorsque le protagoniste discute avec ses amis près du feu de camp, instant de pause pour Kishan durant son travail, on ressent la chaleur qui se dégage de l’image grâce au son du crépitement et de la lumière ondoyante qui se reflète sur le visage des jeunes personnages.

Le jeune réalisateur indien filme cette relation avec un travail minutieux sur la couleur, ce qui donne une magnifique photographie. Lors de la première partie du court-métrage, la teinte de l’image est plutôt jaune tirant vers le beige, lorsque les deux personnages sont proches, la scène où Kishan caresse les cheveux du vieil homme par exemple, les couleurs paraissent plus chaudes et chaleureuses que jamais. Après la mort de Babuji, la couleur devient blanche presque verdâtre laissant une sensation de vide et dégoût, ce changement brutal retranscrit avec simplicité et efficacité le deuil que vit le protagoniste.

Pratham Khurana parvient à émouvoir malgré la sobriété de sa mise en scène. La relation est très forte entre les deux personnages, à travers leur impuissance qu’elles soient d’ordre physique, financier ou bien sentimental. Le réalisateur prouve que la filiation n’est pas nécessaire pour construire un lien puissant entre une personne âgée et un jeune homme. Il parvient parfaitement, à travers un film très touchant et subtil, à nous faire ressentir l’expérience du deuil et du vide laissé après le départ d’un être aimé.

Laure Dion

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