Fragile de Emma Benestan

Il y a quelques mois, est sorti en DVD Fragile, le premier long-métrage de Emma Benestan, un premier film sensible, léger, drôle et touchant, sorti en salles en août 2021 grâce à Haut et Court. Avant ce long, la réalisatrice a fait 5 incursions en court avec notamment Belle gueule en 2015 et L’Amour du risque en 2017, tous les deux présentés en bonus sur ce DVD, édité par Blaq Out, dont nous vous offrons 3 exemplaires. En parallèle, le film est projeté à plusieurs reprises cette semaine lors du Festival Musique et Cinéma de Marseille lors de séances pour les scolaires et les familles.

Az, interprété par Yasin Houicha, travaille chez un ostréiculteur à Sète. Il fréquente Jess, une comédienne jouant dans une série policière tournée dans la région (interprétée par Tiphaine Daviot, vu entre autres dans le cesarisé Les bigorneaux de Alice Vial). Az décide de demander Jess en mariage et se met en tête de cacher la bague dans une huître qui serait ouverte devant elle au restaurant, mais tout ne se passe pas comme prévu. C’est justement le moment que choisit Jess pour annoncer à Az qu’elle a besoin d’air et qu’elle voudrait une pause. La peine de coeur que va essuyer Az va être rendu plus vivable par sa bande de potes. Ceux-ci vont essayer de le réconforter, de l’aider à sortir de sa déprime (parmi eux Bilel Chigrani, vu dans Le Chant d’Ahmed de Foued Mansour et Raphaël Quenard que l’on a retrouvé dans le récemment cesarisé Les Mauvais garçons de Elie Girard). De son côté, le personnage de Lila, interprété par Oulaya Amamra, va se montrer autrement présente. Fidèle collaboratrice de la réalisatrice, la comédienne était était déjà le personnage principal de son court métrage Belle gueule en 2015.

En se faisant passer pour sa nouvelle petite amie pour rendre Jess jalouse ou encore en apprenant à Az à danser (ce qui donne d’ailleurs lieu à quelques scènes décalées et drôles), Lila lui permet de sortir la tête de l’eau. Une ambiguïté surgit entre les deux êtres qui finissent par flirter l’un avec l’autre. Ce premier long-métrage fait la part belle à un ton léger et enlevé. Il nous transporte dans une atmosphère de printemps ou d’été au bord de la Méditerranée (comme dans Belle gueule où Oulaya Amamra vendait des beignets et des chichis sur une plage). Malgré la peine de coeur que vit Az, la réalisatrice nous emmène dans le registre de la comédie grâce notamment aux personnages secondaires qui offrent un ton plus léger au film. Comme dans cette séquence magistrale où après s’être fait refouler par le physionomiste d’une soirée organisée par le producteur de la série dans laquelle joue Jess, la bande d’amis réussit à s’introduire malgré tout dans la fête et vient bousculer les codes et les rouages de cette soirée privée par des joutes verbales, d’esprit, portées par une verve digne du 18ème siècle.

On retrouve dans ce film la question de la séduction, de l’amour et des rapports hommes/femmes, thèmes qui semblent chers à Emma Benestan. Elle avait déjà questionné ces thèmes dans le court-métrage L’Amour du risque où une « coach » en séduction venait en aide à des garçons en demande de conseils de drague et de séduction. Fragile, lui, s’intéresse plus particulièrement au personnage de Az, un jeune homme sensible ayant peu confiance en lui et ayant besoin de se faire aider. Pour le coup, ce sont les femmes qui seront ses meilleurs guides : sa mère, ses soeurs et sa nouvelle complice, Lila, qui cherchent à le rassurer et l’accompagner. Fragile interroge aussi la notion d’« être un homme », car c’est souvent par cet adjectif de « fragile » qu’est désigné Az, le héros. En éffet, il peut être maladroit, sensible et pas toujours sur de lui. Mais cela ne l’empêche pas de séduire, de pouvoir aimer et de tomber amoureux. Porté par des comédiens de talent, le film réussit à nous emporter par son ton loufoque et son énergie solaire. Grâce à ce premier long métrage, Emma Benestan continue avec la légèreté qui caractérise désormais son cinéma, à raconter des histoires et à interroger des thèmes importants, contemporains et universels et ainsi à tracer un sillon déjà bien entamé dans ses courts-métrages.

Damien Carlet

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