Jusqu’à la garde de Xavier Legrand

Dans le bureau d’une juge, le couple Besson se dispute la garde de leur fils Julien 12 ans. Le premier long-métrage de Xavier Legrand reprend le thème de la violence conjugale qu’il avait traité avec éclat dans son court métrage multiprimé Avant que de tout perdre (Cesar du Meilleur court métrage 2014 et Grand Prix National au Festival de Clermont-Ferrand 2013).

Jusqu’à la garde raconte le divorce d’un couple, où la mère, Miriam (Léa Drucker), accuse le père, Antoine (Denis Ménochet), de violences et demande la garde exclusive de leur fils mineur, pour le protéger. Leur fille aînée, elle, est presque majeure. La juge estimant que les droits du père sont bafoués, accorde une garde partagée.

Dès la première scène, le cadre du thriller est posé. Le malaise, la tension, le doute sur la parole des parents aussi. Et on se dit que non, ça ne peut pas être aussi facile, que les histoires de mari abusif et de père violent on en a entendu mille fois. Antoine a le physique, les épaules massives, la corpulence de la violence et le silence pesant qui oscille entre injustice et souffrance. On essaie de se convaincre que le film veut nous emmener autre part. Et si c’était Myriam, la mère prostrée et mutique, qui manipulait la parole des enfants ?

Mais non, le premier long-métrage de Xavier Legrand nous emmène bien là où on l’attend, dans la respiration coupée de la violence conjugale, dans l’étau d’un mari autour de sa femme, dans la peur et les non-dits. Car, plus le film avance, plus le doute se dissipe. C’est bien « l’autre » le danger. Pourtant, comme la juge, comme la femme, comme le fils, le spectateur est manipulé par ce personnage du père, puissant et touchant à la fois.

Jusqu’à la garde dépeint un manipulateur du point de vue de ses ennemis, un drame social et contemporain que Xavier Legrand choisit de traiter de manière innovante. Ici, la violence domestique est sortie du foyer, le lieu dans lequel elle s’exerce. Le réalisateur la met en scène dans l’espace public des routes et des parkings. Et c’est sans pathos ni sentimentalisme, que le film nous plonge dans l’enfer et la fuite d’une mère et ses enfants face au père ennemi. 1h30 durant, il parvient à tenir le spectateur dans un état de tension extrême.

Pour sa première réalisation longue, le réalisateur a choisi de conserver le casting qui avait fait le succès du court et c’est encore une réussite. Thomas Giora, la nouvelle recrue, est bouleversant dans ce premier rôle à fleur de peau. Pour sa première apparition au cinéma, le jeune garçon est une révélation.

Le réalisateur venu du théâtre nous montre une fois de plus que le cinéma est un terrain qui lui va bien. Jusqu’à la garde, sorti début 2018, a emporté les faveurs de Venise en remportant le Lion d’argent pour la meilleure mise en scène et le Lion du futur pour une première œuvre. Il a également raflé le prix du Jury au Festival international du film de Saint-Jean-de-Luz.

Un film nécessaire pour mettre en lumière des faits toujours tristement d’actualité, que le réalisateur qualifie d’« homicide ». Dans les sept premiers mois de 2018, 27 728 faits de violences sexuelles ont été recensés par les forces de l’ordre, contre 22 533 au cours de la même période en 2017. Soit une augmentation de plus de 23%.

L’oeuvre est sortie en juin en DVD et Blu-Ray chez l’éditeur Blaq Out, avec en bonus, le making-of du film, un entretien éclairant avec Edouard Durand, juge des enfants, le court-métrage Avant que de tout perdre et le commentaire audio du réalisateur.

Emilie Sok

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