Abd Al Malik : « A partir du moment où l’on donne de la voix et que l’on représente, qu’on le veuille ou non, un milieu à qui l’on ne donne pas la parole, cela implique forcément une responsabilité »

Rappeur, compositeur, écrivain et réalisateur depuis l’adaptation de son livre éponyme « Qu’Allah bénisse la France » (nommé dans la catégorie Meilleur Premier Film aux César de ce soir), Abd Al Malik qui était présent à Clermont-Ferrand en tant que membre du jury de la compétition nationale, porte ses différentes casquettes avec autant d’élégance que d’à propos. Brève rencontre autour du cinéma et de l’engagement.

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Quel rôle le cinéma a-t-il joué et joue-t-il encore dans votre vie ? Quels sont les cinéastes qui vous ont influencé ?

Le cinéma, pour moi, a été presque un prisme à travers lequel j’ai vécu mon enfance et mon adolescence. En tout cas dans le milieu duquel je suis issu, que ce soit positivement ou négativement il a été l’outil culturel par excellence. Il a donc tenu une place très importante. Après, en terme de passion personnelle, c’est vrai que le cinéma, la littérature et la musique sont à égale distance. Quant aux cinéastes, il y en a tellement. Des gens comme Visconti, Coppola, Kassovitz, Scorsese, Spike Lee ou même Truffaut et Bresson m’ont beaucoup inspiré.

Vous êtes, slameur, rappeur, écrivain et depuis peu vous êtes passé à la réalisation avec l’adaptation de votre livre « Qu’Allah bénisse la France » ? Pourquoi cette envie de réalisation, tout à coup ?

Mais en réalité, ce n’est pas une envie subite, c’est seulement que, j’ai fait les choses par étape. La première des choses qui m’a été le plus simple, le plus naturel, c’était la musique, et ensuite l’autre étape ça a été d’écrire des bouquins et donc pour moi, le cinéma était une suite logique. Ensuite, quelqu’un comme Matthieu Kassovitz notamment m’a beaucoup motivé et m’a dit que je devais passer à la réalisation.

Quel lien faites-vous entre l’écriture de slam, l’écriture romanesque et l’écriture cinématographique ?

Le lien, c’est l’image. C’est à dire un vrai rapport à l’image. Au cinéma, on peut faire des passerelles avec la littérature, la poésie, l’art pictural, la musique mais ce qui est merveilleux c’est que le langage cinématographique est un langage à part entière. Ce n’est ni de la littérature, ni de la poésie, ni de la musique même si on peut y retrouver tout cela. Grâce à la réalisation de mon premier film, je rentrais dans un rapport au monde et à l’art assez différent. C’était passionnant.

L’engagement est une notion que l’on retrouve beaucoup dans vos slams, ils sont pour la plupart engagés. Le cinéma pour vous doit-il être aussi engagé?

Oui, naturellement. Quand j’entends les gens qui disent « artiste engagé », c’est un pléonasme. Même un cinéaste qui va nous raconter une histoire d’amour nous raconte quelque chose de lui, même s’il n’est pas en train d’aborder des enjeux majeurs, c’est un engagement. Cela reste une voie singulière qui s’élève.

La position de l’artiste implique nécessairement un engagement…

Oui, pour moi, l’art et a fortiori le cinéma sont toujours engagés.

On vous considère souvent comme le porte-parole de la jeune génération issue de l’immigration. Vous en pensez quoi ?

Ce n’est pas mon intention mais c’est quelque chose que j’assume. De toute façon, à partir du moment où l’on donne de la voix et que l’on représente, qu’on le veuille ou non, un milieu à qui l’on ne donne pas la parole, cela implique forcément une responsabilité.

Vous êtes ici à Clermont-Ferrand en tant que membre du jury de la compétition nationale. Est-ce la première fois que vous faites partie d’un Jury de cinéma?

Non, ce n’est pas la première fois. Cet été, j’ai fait partie du Jury du Festival du film francophone d’Angoulême Mais c’est vrai que être ici à Clermont, c’est très important, pour moi.

Pourquoi ?

Parce que le festival du court métrage de Clermont est un festival prestigieux. Je suis ici et c’est merveilleux. Ces gens qui viennent de différents pays, ces différents films, cette espèce de rigueur, cette richesse en même temps, cette joie de partager…

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Quelles sont vos impressions générales par rapport à ce que vous avez déjà pu voir ?

J’ai envie de dire courage et liberté. J’ai vu du courage et j’ai vu de la liberté.

C’est quelque chose qui vous inspire?

Carrément, c’est un « boost » magnifique d’être là et de voir des films et de se dire que le réalisateur est allé jusque là. Et puis il y a les discussions avec les autres membres du jury. Cela permet des échanges merveilleux et de se remettre en question aussi. Je trouve que c’est des moments rares.

Avez-vous des envies de réaliser d’autres films ?

Pour tout vous dire, je suis déjà en train de travailler sur mon prochain long.

Et réaliser des courts métrages, c’est quelque chose qui reste envisageable ?

Oui, bien sûr. Moi, je réfléchis en termes d’opportunités. Il n’y a pas de calcul dans ma manière de travailler. Et si jamais l’opportunité se présente, j’avoue que c’est une forme qui m’intéresserait.

Propos recueillis par Marie Bergeret

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