« Week-end à la campagne » propose plusieurs correspondances avec « Le Lac, la plage », le premier court de Matthieu Salmon réalisé deux ans plus tôt. En tout premier lieu parce que l’on y retrouve l’acteur Pierre Moure (le personnage de Mark) et aussi parce qu’une certaine atmosphère et certains thèmes sont communs aux deux films. Matthieu Salmon semble néanmoins s’amuser à brouiller un peu les rôles. Dans Le Lac, la plage », l’acteur Pierre Moure interprétait un personnage asexué et immature; sa phobie des chiens faisait de lui le témoin impuissant d’un homicide involontaire. Ici, dans « Week-end à la campagne », son personnage a « viré » : plutôt dominateur, en terrain conquis (ils vont chez son père), à l’aise avec les chiens, il est celui qui, régulièrement, va titiller le personnage de Pierre (l’acteur Théo Frilet).
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Deux copains, Pierre et Mark ? Deux copains peu bavards, alors. Comme dans « Le Lac, la plage », les protagonistes  n’ont  rien  à  voir avec des personnages rohmériens à la volubilité imputrescible. De plus, le  premier  plan  fixe  l’importance du hors-champ ; ce qui est invisible est plus important que ce  que  l’on  voit.  Sur cet invisible, pend le désir de Mark pour Pierre et la peur de celui-ci pour les chiens et, vraisemblablement, pour ses propres désirs. Mais l’attirance  de  Mark pour Pierre est assez peu flagrante au premier coup  d’œil. Elle  s’exprime par petites touches,  d’abord  de  manière  civilisée,  humanisée,   puis  animale lorsqu’elle  échoue. Tandis que dans « Le Lac, la plage », l’approche  de  l’être  désiré   s’était rapidement faite – après alcoolisation – de façon agitée, débridée et définitive (la quête de l’être désiré se termine par son asphyxie involontaire par noyade).
Dans « Week-end à la campagne » aussi, on ne prévoit rien du début de la relation de Mark et Pierre comme du motif réel ou officiel pour ce week-end à la campagne. Alors, on imagine que Mark a invité Pierre et que celui-ci a accepté. Dans le premier court métrage, un lac et une plage offrent un cadre paisible et intimiste, réduction d’un paradis sur terre. Dans celui-ci, une maison de campagne avec piscine remplit cet office. Cependant, pour avoir droit à ce paradis, il faut faire avec ses peurs (les chiens) et ses désirs. Si l’homosexualité de Mark s’affirme, Pierre semble lesté par le doute et une certaine candeur. Dans « Le Lac, la plage », la personne désirée offrait une certaine assurance qui maintenait à distance son agresseur tout en l’aimantant. Ici, les contours et les motivations de la personnalité de Pierre restent assez flous. En résulte la frustration de Mark (tout ce trajet jusqu’à la maison de campagne pour finalement, devoir faire abstinence) suivie d’un rapport de forces, puis d’une vengeance assortie de l’intention d’humilier l’être désiré qui s’est dérobé (Pierre va jusqu’à refuser de se faire prêter une serviette de bain).

Plutôt que d’opposer frontalement les deux personnages de Mark et Pierre comme l’un dont l’identité sexuelle serait pleinement assumée et l’autre niée, on peut aussi les voir comme porteurs de deux univers différents : l’un (Mark), plutôt terre-à-terre, veut « consommer » celui qu’il désire. L’autre (Pierre), inspiré par un imaginaire que l’on peut « juger » puéril ou lâche – mais aussi asexué – ressemble un peu à un extra-terrestre ou à un être assez asocial qui découvrirait certains codes plus qu’évidents pour d’autres. Pierre aurait ainsi vraisemblablement déconcerté et frustré de la même façon une jeune femme l’entreprenant ouvertement : aussi surprenant que cela puisse paraître, il est visiblement inapte, étranger, ou en tout cas immature, à toute forme de relation impliquant ici un engagement sexuel. Cet « handicap » d’abord social qui isole et rend impossible la communication et la compréhension entre les êtres laquait par ailleurs déjà le récit de « Le Lac, la plage ».
Mais Mark n’a que faire de ces théorisations socio-psychologisantes et, à la fin de « Week-end à la campagne », son verdict est sans appel : « Pédé ! » assène-t-il à Pierre à travers la vitre du train qui s’ébranle. Celle-ci est alors tel un reflet ou un miroir et Mark semble aussi se dire cela à lui-même ; autant qu’une insulte ou une menace, ce mot est peut-être aussi son aveu d’impuissance : il a échoué à séduire Pierre donc à l’atteindre. Dès que le train se sera éloigné, Mark se retrouvera seul. Avec son père, ses chiens et la piscine. Pas de quoi sauter de joie. Comment séduire ? Comment entrer en relation avec quelqu’un qui n’est pas pour soi ? S’il se trouve parmi les lecteurs de Format Court des personnes qui ont les réponses à ces questions, prière de les adresser à la rédaction qui les transmettra à Mark.
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Articles associés : la critique de « Le Lac, la plage », la critique de « La Dérive », l’interview de Matthieu Salmon
 
		

Merci pour l’article, mais il n’y a qu’un R à Moure.
Merci pour l’article, mais il n’y a qu’un air amour.
Merci à vous M Moure d’avoir signalé l’air amour en trop!
J’ai adoré la réplique « PD ». Profond.
A méditer…