Premier Automne  d’Aude Danset et Carlos de Carvalho

Minuit dans le jardin de la vie et de la mort

« Premier Automne » est un film entier qui parvient en à peine dix minutes à traiter de sujets aussi complexes que fondamentaux avec autant de simplicité que de profondeur. Tout juste auréolé du prix du meilleur film d’animation en image de synthèse au festival du court-métrage de Shorts Shorts de Tokyo 2013, il a également été présenté en hors compétition au dernier festival d’Annecy.

Une petite fille – Apolline – rencontre un petit garçon – Abel. Chacun apprend au contact de l’autre à vivre avec l’idée que la vie à une fin. Les personnages de « Premier Automne » ont curieusement un air de famille avec les protagonistes décrits à travers le mythe grec de Perséphone – à l’origine du cycle des saisons.

Aude Danset et Carlos de Carvalho proposent ici une adaptation en miroir de cette allégorie du cycle de la vie. La dualité est incarnée par les deux personnages Abel (Hiver) et Apolline (Eté) vivant chacun dans le monde qui est le leur. Ignorant tous les deux jusqu’à l’existence de l’autre, ils cheminent vers la frontière séparant leurs deux mondes. La rencontre de leurs deux univers va avoir lieu au pied d’un arbre scindé en deux : une partie est en vie et l’autre est morte.

L’approche résolument symbolique permet de préserver l’atmosphère propre aux mythes et légendes tout en proposant dans le même temps une relecture moderne de celui-ci. À la différence du mythe grec qui met en avant la confrontation entre Perséphone, Déméter et Hadès, les rapports entre les personnages et l’univers qu’ils déploient avec eux s’inspirent du concept oriental du Yin et Yang : l’accent est mis ici sur la complémentarité des deux états incarné par l’Eté et l’Hiver plutôt que sur ce qui pourrait les opposer.

On retrouve donc une symétrie dans les personnages et les univers mais aussi dans la construction narrative du film. Apolline et Abel passent chacun à leur tour par des émotions et des actions semblables, faisant ainsi coïncider le fond et la forme, contribuant ainsi l’harmonie qui se dégage du film. Réconciliés chacun avec eux-mêmes à la fin du film, ils jouent à se poursuivre autour de l’arbre, faisant ainsi pousser ou tomber les feuilles à leur passage.

Carlos de Carvalho n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il avait déjà réalisé le clip de la chanson « Do I have power » pour le groupe « Timber Timbre » où un petit garçon – squelette arpentait une forêt peu hospitalière. Dans ce clip, on pouvait déjà repérer les germes des éléments et des thématiques qui allaient se retrouver dans « Premier Automne » (le squelette vivant, la forêt, les choix graphiques, la dualité du personnage et l’absence de parole).

Plus abouti tant au niveau de l’animation que du scénario, « Premier Automne » parle avec justesse de la vie et de la mort sans qu’un seul mot soit prononcé. La magnifique musique composée par Fréderic Boulard sublime les images et confère au film à la fois une force et une douceur tout à fait saisissante. Et c’est avec beaucoup de minutie et d’ingéniosité que les deux réalisateurs créent une histoire qui s’adresse à tous sans jamais céder à la facilité.

Julien Beaunay

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