El Empleo de Santiago Grasso

Lauréat du Prix Fipresci (auquel Format Court était associé cette année), « El Empleo », de Santiago Grasso, est le tout premier film argentin primé à Annecy, depuis la création du Festival. Révélation de cette édition, il mêle subtilement passivité du quotidien, individus-objets et sobriété du dessin.

Tic, tac, tic, tac. 7h15. L’homme à la tête en forme d’index se réveille, se gratte, et sort de son lit. Il se rase, avale un biscuit et un café, renoue sa cravate, hèle un taxi pour rejoindre le bureau. Une fois arrivé, il attrape de justesse l’ascenseur, et dépose ses affaires dans son casier, avant de se mettre au travail. Une nouvelle journée commence.

Dépourvu de tout dialogue, « El Empleo » est un film éloquent, à plus d’un titre. Le décalage surgit devant la représentation d’un univers incongru dans lequel les individus sont relégués au rang et à l’usage d’objets. Dans ce monde, chacun travaille, quelque soit la fonction à accomplir et l’effacement de soi à accepter. Sans distinction, hommes et femmes sont au service les uns des autres, faisant office de meubles, de porte-manteaux, de porte-clés, de feux de signalisation, de transports, ou même de contre-poids d’ascenseurs.

Le film interpelle par sa problématique universelle. Entre critique sociétale et humour raffiné, « El Empleo » livre un regard différent et original sur les notions de travail, de monde en crise, et d’exploitation de l’homme par l’homme. Pour servir sa mécanique domestiquée, Santiago Grasso fait appel à un humour fin et absurde, proche de Ionesco, et à un dessin simple et dépouillé, incrusté de regards vides, sans âme ni espoir.

L’intelligence d’« El Empleo » tient aussi et surtout à sa chute touchante. “M. Index” s’installe à son poste, celui d’homme-paillasson, sous les ordres et les pieds de son patron. À la différence de ses congénères, il sort de son silence et de sa passivité, en poussant un soupir à peine audible. L’humanité s’exprime. Malgré tout.

Katia Bayer et Adi Chesson

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Article associé : l’interview du réalisateur

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