Guillaume Bureau : « J’avais envie de réaliser un film ludique. En passant d’un décor à un autre, les personnages sont un peu comme dans un jeu de l’oie, je voulais montrer plusieurs combinaisons possibles »

Qu’on se le dise : Guillaume Bureau est un vrai gentil, ou plutôt un vrai discret, loin des paillettes et de l’intellectualisme qu’on reproche trop souvent au cinéma. Fort d’une certaine expérience dans le domaine du court-métrage et avec un univers bien à lui, il n’en reste pas moins une personne modeste, soucieuse que les autres comprennent bien le sens qu’il a voulu donner à ses films. Nous l’avons donc rencontré en exclusivité à Vendôme pour la première sélection en festival de son nouveau court métrage « Sylvain Rivière ».

Tu es venu à Vendôme pour présenter Sylvain Rivière, sélectionné ici pour la première fois puisque tu l’as récemment terminé. S’agit-il de ton premier film ?

Non, c’est mon quatrième film. Auparavant, j’ai réalisé deux courts-métrages produits et un autre autoproduit.

Tes précédents films ont-ils été produits avec la même société que pour celui-ci ?

Non. Les deux premiers ont été réalisés avec la productrice Gaëlle Jones, respectivement avec Château-Rouge Production et avec Red Star Cinéma. Puis, elle a arrêté la production en 2008, j’ai donc cherché un nouveau producteur. J’ai rencontré Nicolas Brevière chez Local Films puis on a cherché de l’argent pendant un an, un an et demi.

Lors de la dernière édition du Festival Côté Court de Pantin, ton scénario avait reçu le coup de cœur du jury. Avais-tu déjà ce prix lorsque tu as rencontré Nicolas Brevière ?

Non, je n’avais encore rien. Quand j’ai rencontré Nicolas, le projet passait en plénière à Centre-Image pour la région Centre que je n’ai pas eue finalement. C’étaient les seules avancées que j’avais à ce moment-là. On avait donc déjà signé un accord de production entre Nicolas et moi lorsque j’ai eu le coup de cœur du jury à Pantin.

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D’ailleurs, tu nous disais à Pantin qu’à la lecture de ton scénario, le film était en réalité déjà tourné.

Oui, on l’a tourné au mois de mai 2011 et j’ai reçu le « coup de cœur du jury», en juin, un mois après le tournage. Mais, même si le film avait déjà été tourné, j’ai été très agréablement surpris de cette lecture. J’ai vraiment retrouvé le film. Disons que mon scénario est très écrit car il repose beaucoup sur les dialogues et là, j’ai vraiment retrouvé les sensations que j’avais eues sur le tournage.

Si tu as retrouvé les mêmes sensations qu’au tournage, cela signifie que tes comédiens n’ont pas trop transformé ton texte.

Non… J’aime bien qu’on respecte le texte. Par conséquent, ils l’ont appris et bien entendu, des transformations ont été faites au montage. Avec Alexandra Mélot, la monteuse, on a resserré certaines scènes.

Avais-tu déjà ces comédiens-là en tête ? Et avais-tu déjà travaillé avec eux ?

Pas tous, en réalité. J’ai écrit le film pour Ghislain de Fonclare, qui interprète le rôle principal. Disons que le personnage de Sylvain est très inspiré de sa façon d’être. Sylvain est un peu rêveur, enthousiaste, presque enfantin, avec une présence douce mais qui peut se révéler insolente… Quant à Laure Wolf, elle avait déjà joué dans mon court-métrage précédent et j’ai également beaucoup pensé à elle pendant l’écriture pour interpréter Christine, ingénue et mélancolique. Avec Ghislain et Laure, j’avais par conséquent déjà un couple à l’écran. Il m’a donc fallu chercher un deuxième couple de manière à former le quatuor de mon film : Florence Loiret-Caille et Guillaume Verdier me sont apparus comme une évidence. Je les ai choisis en fonction des tempéraments des deux premiers comédiens afin qu’ils s’opposent puisque mon film montre deux façons de se rencontrer. Il y a une première façon pleine de détours et très alambiquée, qui est celle de Christine et Sylvain, tandis que les deux autres personnages sont beaucoup plus directs. J’ai immédiatement pensé à Florence Loiret Caille pour interpréter Rose, plus terrienne et plus spontanée. Ça a été la même chose pour Guillaume Verdier, qui dégage par ailleurs l’énergie sexuelle qui était nécessaire au rôle d’Arthur.

À travers ton film, on pourrait croire à une critique de l’amour moderne puisque là où le premier couple semble ridicule de par sa manière un peu « à l’ancienne » d’aborder la rencontre, finalement ce sont eux deux qui semblent être les plus sincères et les plus poétiques.

En réalité, je n’avais pas pensé à ça comme lecture du film. Disons que pour moi, il n’y a pas une rencontre qui prévaut sur une autre. Il existe deux manières de se rencontrer et chacun trouve son bonheur comme il lui convient. En revanche, je voulais plus volontiers montrer à travers le personnage de Christine, qui avait tout prévu (la lettre d’amour, le déroulement de la rencontre, etc…), que finalement, si rien ne se passe comme elle l’avait imaginé, c’est que la rencontre par définition et quelle qu’elle soit, est toujours liée au hasard. C’est l’étonnement qui créé le rapport amoureux…

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Dans ce cas, qu’apporte le recours à l’art lyrique et aux chants anciens?

J’écoute beaucoup de musique classique, par goût. J’avais emprunté le disque de Guillaume de Machaut (1300-1377 / écrivain et compositeur lyrique) à la bibliothèque et j’avais été très touché lorsque je l’ai écouté. La chanson que j’ai utilisée pour le film est en ancien français, c’est-à-dire qu’on comprend et qu’on ne comprend pas les paroles : c’est étranger et familier à la fois. Selon moi, c’est justement ça qui est émouvant lorsque Sylvain va fredonner cette chanson à Christine à la fin : on pourrait comparer ce moment à une métaphore de la rencontre amoureuse. Entre eux, c’est à la fois une reconnaissance et un saut vers l’inconnu.

Que raconte cette chanson ?

Un amant n’ose pas dire à sa dame qu’il l’aime car il a peur d’essuyer un refus. Ainsi, il garde son amour secret. Christine est un peu pareille : elle a peur que l’homme sur qui elle fantasme lui dise non, au point qu’elle en a un malaise. Quant à Sylvain, il est similaire : c’est un spécialiste des amours impossibles. Christine et Sylvain, en écho à la chanson, incarnent deux formes d’amour mélancolique. Je souhaitais rendre à nouveau cette ballade vivante en la faisant chanter à Sylvain. C’était comme une expérience, voir si elle pouvait à nouveau agir comme déclencheur d’un sentiment amoureux. En tous cas, mon intention n’était pas de faire un film passéiste. Ce qui était important pour moi, c’était vraiment de confronter cette chanson médiévale à un univers contemporain pour créer un réel contraste.

Peux-tu nous parler de la relation entre cette musique et les quiproquos du film ?

Oui. En réalité, je souhaitais réaliser un film ludique. Il y a de nombreux décors : le film dure 23 minutes et il y a 11 décors dont le Musée des Beaux-Arts de Caen comme décor central. Je voulais qu’en passant d’un décor à un autre, les personnages soient un peu comme dans un jeu de l’oie. Je trouvais ça divertissant de démontrer qu’il peut y avoir diverses combinaisons possibles. Pour moi, lorsqu’on entend la chanson de Guillaume de Machaut d’un lieu à l’autre, c’est comme si on entendait la petite musique de l’amour qui contamine les différents personnages : il y a de l’amour dans l’air.

Pour terminer, pourrais-tu nous parler de ton rapport au court métrage ? Quel est ton regard sur ce format ?

Fort heureusement, ça existe car j’ai énormément appris en faisant des courts métrages; aussi bien en termes d’écriture que de réalisation. Parallèlement, cela permet de rencontrer des gens avec qui travailler, de former une équipe. Par exemple, j’ai toujours le même chef opérateur, la même monteuse image, la même monteuse son, le même mixeur, etc… Le court métrage offre un espace de liberté inouï. Pour moi, c’est très important.

Le mot de la fin. Quelle est ton actualité ?

En 2010, j’ai suivi l’Atelier Scénario de la Fémis, durant lequel j’ai écrit un scénario de long-métrage qui est en phase de réécriture. Je suis également en train de débuter un autre projet de long-métrage car c’est important d’avoir plusieurs projets en cours. Par ailleurs, je commence à peine un autre scénario de court métrage qui est l’adaptation d’une nouvelle d’Edith Warton, mais c’est vraiment très récent puisque j’ai seulement dû écrire une page de synopsis pour le moment. Ça serait transposé à l’époque contemporaine… Je continue par conséquent un peu sur les mêmes thématiques.

Propos recueillis par Camille Monin

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